Le Sanctuaire du Puy, sa confrerie de Notre-Dame et les origines de la S.M.

Histoire mariste

Complément à Enquête sur la genèse des grandes devises maristes (CM n° 35, mai 2017, p. 75-89)
F. AndrĂ© Lanfrey – 05/05/2019
LE SANCTUAIRE DU PUY, SA CONFRERIE DE NOTRE-DAME ET LES ORIGINES DE LA S.M.
Complément à Enquête sur la genèse des grandes devises maristes
(CM n° 35, mai 2017, p. 75-89)

Dans un article rĂ©cemment publiĂ© j’avais dĂ©veloppĂ© l’hypothèse de l’influence de la vieille spiritualitĂ© d’esclavage marial sur les origines maristes. Elle a Ă©tĂ© repensĂ©e et reformulĂ©e au dĂ©but du XVII° siècle par  BĂ©rulle, qui prĂ©conise un  vĹ“u de servitude mariale. Au dĂ©but du XIX° siècle on parlera plutĂ´t de « Saint dĂ©vouement Â» envers Marie synthĂ©tisĂ© dans la devise : « Tout1 Ă  JĂ©sus par Marie, tout Ă  Marie pour JĂ©sus Â».

Or, en Ă©tudiant l’histoire mouvementĂ©e des diocèses du Puy et de Lyon durant et après la rĂ©volution, et leur influence sur les destins de J.C. Courveille et M. Champagnat, je me suis rendu compte que le sanctuaire de Notre-Dame du Puy avait Ă©tĂ©, par sa confrĂ©rie de Notre-Dame, un haut-lieu de la dĂ©votion au saint esclavage marial. Et, en consĂ©quence,  l’esprit de dĂ©vouement total Ă  Marie, contenu dans la consĂ©cration de Fourvière de juillet 1816, ainsi que le dĂ©sir de faire advenir au Puy la SociĂ©tĂ© de Marie pourraient bien avoir pour source importante la spiritualitĂ© d’esclavage mariale apportĂ©e du Puy par J.C.  Courveille et sans doute aussi M. Champagnat.

ENFANCES ET JEUNESSES DE J.C. COURVEILLE ET M. CHAMPAGNAT DANS LE DIOCESE DU PUY

Nous savons que la Révolution Française (1789-99) supprime les anciennes divisions territoriales et qu’en 1790 l’Assemblée constituante instaure les départements dont les limites seront en même temps celles des évêchés. Ainsi l’évêché du Puy coïncidera avec le département de la Haute-Loire et les frontières du département de Rhône et Loire seront aussi celles du diocèse de Lyon. Cette réforme territoriale s’inscrit dans le contexte de la Constitution civile du clergé qui réorganise l’Eglise de France de fond en comble sans tenir aucun compte de l’autorité du pape. Désormais évêques et curés seront élus par les assemblées civiles et astreints à prêter un serment de fidélité à la Constitution civile. De nombreuses paroisses changent de diocèse.

Cette cascade de changements divise le clergĂ© en « constitutionnels Â» et « rĂ©fractaires Â» (rebelles) ainsi que les populations. Comme finalement, en 1791, le pape refuse cette Constitution civile c’est le schisme : le clergĂ© constitutionnel gouvernera les nouveaux diocèses calquĂ©s sur les dĂ©partements mais le clergĂ© rĂ©fractaire continuera d’administrer clandestinement les anciens diocèses. Ainsi, Ă  l’est de la Haute-Loire, les paroisses de Marlhes, Jonzieux et St Genest-Malifaux font dĂ©sormais partie du dĂ©partement de RhĂ´ne-et-Loire2 mais le clergĂ© rĂ©fractaire du Puy comme celui de Lyon considèrent qu’elles relèvent toujours du diocèse du Puy. Le problème est Ă  peu près le mĂŞme au nord de la Haute-Loire oĂą les paroisses d’Usson, Apinac, St Bonnet-le-Château, Estivareilles et quelques autres ont Ă©tĂ© rattachĂ©es Ă  la Loire.

Ces problèmes frontaliers sont assez secondaires en eux-mêmes, sauf que Marcellin Champagnat est né à Marlhes en 1789 et J.C. Courveille à Usson en 1787. Ainsi, deux des promoteurs de la Société de Marie sont nés dans le diocèse du Puy et y ont appartenu territorialement et spirituellement durant leur enfance et leur adolescence. Et cette appartenance première ne sera pas de petite importance, dans l’histoire des origines maristes.

LE CONCORDAT DE 1802 FIXE DEFINITIVEMENT LES FRONTIERES DIOCESAINES

La rĂ©sistance territoriale de l’Eglise rĂ©fractaire prend fin avec Le concordat entre Bonaparte et Pie VII signĂ© le 15 juillet 1801, qui crĂ©e un grand trouble puisque le pape, en acceptant l’accord dès le 15 aoĂ»t 1801, demande aux Ă©vĂŞques lĂ©gitimes de se dĂ©mettre de leur siège entre ses mains afin de permettre la constitution d’un nouvel Ă©piscopat et d’un nouveau clergĂ© amalgamant anciens  constitutionnels et anciens rĂ©fractaires. Et les frontières des diocèses, seront les mĂŞmes que celles des dĂ©partements. Le schisme est donc thĂ©oriquement Ă©teint mais Ă©vĂŞques lĂ©gitimes et clergĂ© rĂ©fractaire se trouvent en quelque sorte punis de leur fidĂ©litĂ© au Saint Siège tandis qu’évĂŞques et clergĂ© schismatiques s’en tirent Ă  bon compte.

Or, sur ce point le contraste entre Le Puy et Lyon est criant. Mgr. de Galard, évêque du Puy, exilé depuis 1791 en Suisse puis en Autriche, a refusé de démissionner et son diocèse sera même supprimé de 1802 à 18233, l’esprit du clergé et des populations y étant massivement hostile au nouvel ordre politico-religieux. Au contraire, Fesch, le nouvel archevêque de Lyon, oncle du premier consul Bonaparte, qui a abandonné le sacerdoce durant la révolution, à peine réconcilié avec l’Eglise se retrouve à la tête d’un des plus beaux diocèses de France. On ajoute même à son territoire le diocèse de Belley. Le concordat n’a donc pas été reçu sans réticences dans une Eglise de France où le pape avait fait de lourdes concessions au despotisme de Bonaparte4. Par ailleurs, pour des catholiques associant spontanément cause catholique et cause monarchique l’abandon de la cause royale pouvait paraître scandaleux.

LE RATTACHEMENT OFFICIEL DE MARLHES AU DIOCESE DE LYON

Le 18 avril 1802, jour de Pâques, le concordat est cĂ©lĂ©brĂ© en grande pompe Ă  Notre Dame de Paris. Le cardinal Fesch prend officiellement possession de son diocèse au dĂ©but de 1803. Dans le registre des baptĂŞmes de Marlhes le curĂ© Allirot a mentionnĂ© cet acte qui entĂ©rine le rattachement au diocèse de Lyon :

« La paroisse de Marlhes ci devant comprise en la gĂ©nĂ©ralitĂ© de Lyon pour l’administration civile et consĂ©quemment dans l’étendue du dĂ©partement de Loire par l’effet des nouveaux rĂ©glements constitutionnels, avait toujours fait partie du diocèse du Puy quant au rĂ©gime spirituel. La nouvelle circonscription de l’administration française assignant aux diocèses les limites des dĂ©partements, elle devient diocĂ©saine de Lyon qui comprend le dĂ©partement de la Loire.

Aujourd’hui 16 janvier 1803 (an 11 de la R (Ă©publique) f (rançaise) dans l’église de Marlhes a Ă©tĂ© publiĂ© le mandement de M. l’ArchevĂŞque de Lyon dattĂ© (sic) le 2 dud(it) mois au sujet de la prise de possession de son siège et de son diocèse, Ă©poque dĂ©cisive de la rĂ©union effective de cette paroisse au diocèse de Lyon. Â»

Le mandement de Fesch Ă©tant lu dans toutes les paroisses du diocèse de Lyon, Ă   Usson et Apinac, lieux ou J.C. Courveille est nĂ© et a passĂ© son enfance, la consĂ©quence du mandement est la mĂŞme qu’à Marlhes. Marcellin Champagnat, qui a 14 ans, et Jean-Claude Courveille qui en a 16, sont informĂ©s qu’ils ont changĂ© de diocèse. Pour eux, mais sans doute pour une bonne partie des populations de ces paroisses sĂ©parĂ©es du Puy, leur sanctuaire de rĂ©fĂ©rence, ce n’est sans doute pas un Ă©vĂ©nement anecdotique ou purement administratif. Pour beaucoup, dans une France encore très cloisonnĂ©e, ce rattachement a dĂ» ĂŞtre ressenti comme une annexion.

LA CONFRERIE DE N.D. DU PUY

Mais il est vrai que rien n’empĂŞche les nouvelles paroisses lyonnaises de continuer Ă  pĂ©leriner vers Le Puy et M. Courveille ne s’en privera pas puiqu’au 15 aoĂ»t des annĂ©es 1809, 1810 et 1812 il va vivre dans la cathĂ©drale des expĂ©riences spirituelles qui seront Ă  la source de la SociĂ©tĂ© de Marie. Mais est-ce en tant que simple pèlerin ou parce que membre de la confrĂ©rie de Notre-Dame du Puy qu’il se trouve ce jour-lĂ  au Puy ?

Au cours de recherches dĂ©jĂ  anciennes j’ai dĂ©couvert un fascicule de 8 pages imprimĂ©es intitulĂ© « Notions abrĂ©gĂ©es de la Confrairie de Notre-Dame du Puy Â»5 fondĂ©e par Mgr. de Maupas, Ă©vĂŞque du Puy, en 1650. Nous y apprenons entre autres que chaque fois que la fĂŞte de l’Annonciation (25 mars) coĂŻncide avec le vendredi saint un jubilĂ© a lieu au Puy. C’est le cas en 1796 et des membres des familles Courveille et Champagnat –  peut-ĂŞtre Marcellin lui-mĂŞme qui a sept ans et J.C. Courveille qui en a neuf – ont dĂ» y participer 6.

Mais la confrĂ©rie de Notre-Dame du Puy existe-t-elle encore Ă  cette Ă©poque ? Si c’est le cas, la rĂ©volution l’a contrainte Ă  une vie clandestine, le jubilĂ© ayant pu contribuer Ă  la ranimer. Malheureusement un premier incendie de l’évĂŞchĂ© en 1782 et un second en 1872 ont dĂ©truit les archives diocĂ©saines, empĂŞchant de connaĂ®tre l’histoire de la confrĂ©rie. Les statuts de la confrĂ©rie deviennent donc notre source majeure.

Parmi ses avantages spirituels nous trouvons une indulgence plĂ©nière pour les confrères et consoeurs qui visitent l’église de N.D. du Puy au jour de l’Assomption (15 aoĂ»t) « depuis les premières vĂŞpres jusqu’au soleil couchĂ© dudit jour & y prieront selon les intentions du pape Â». Or, c’est le 15 aoĂ»t 1809 que J.C. Courveille est guĂ©ri dans la cathĂ©drale d’une quasi cĂ©citĂ© (OM2/ doc. 718 § 3) en se frottant les yeux avec l’huile de la lampe placĂ©e devant l’image de Marie. L’annĂ©e suivante Ă  la mĂŞme date, il se retrouve devant la statue miraculeuse.
« Et lĂ  il promit Ă  la Ste Vierge de se dĂ©vouer tout entier Ă  elle, de faire tout ce qu’elle voudrait pour la gloire de Notre Seigneur, pour son honneur Ă  Elle, pour le salut des âmes. Toute sa pensĂ©e Ă©tait d’être prĂŞtre et de s’employer, par l’exercice du zèle sacerdotal Ă  la rĂ©alisation de ce triple vĹ“u Â» 7..

Ce texte rapportĂ© par le P. Mayet d’après une correspondance avec M. Courveille, est très proche de l’esprit de la consĂ©cration des membres de la confrĂ©rie de Notre-Dame du Puy8. Qu’on en juge par les extraits suivants :

L’article 1 des statuts prĂ©cise que la fin de la confrĂ©rie est :

« Faire reconnaĂ®tre la Ste Vierge pour Dame & MaĂ®tresse Souveraine des anges & des hommes […] Ceux qui veulent s’y faire inscrire doivent se regarder comme ses esclaves & se rĂ©soudre de la servir en cette qualitĂ© pendant leur vie, reconnaissant que tout le bien tant spirituel que temporel qu’ils peuvent prĂ©tendre, ils espèrent de l’obtenir par son intercession Â».
L’article 3 prĂ©voit que ceux qui voudront faire partie de la confrĂ©rie, après confession et communion « s’offriront Ă  la Ste Vierge devant son image miraculeuse, lui promettant de la servir en qualitĂ© d’esclave, la reconnaissant après Dieu pour leur souveraine, et ils feront ensuite Ă©crire leur nom & surnom dans le livre de ladite confrĂ©rie Â».
L’article 4 prĂ©cise que « l’Assomption de la sainte Vierge sera la grande fĂŞte de la confrairie Â» avec exposition du saint sacrement, sermon, vĂŞpres et procession. Enfin, l’article 10 des statuts montre que cette confrĂ©rie n’est pas purement locale puisqu’elle prĂ©cise :

« Les Ă©trangers qui feront partie de ladite confrairie participeront aux mĂŞmes grâces et indulgences […] en observant les statuts susdits & pratiquant ce qu’ils contiennent, dans l’église du lieu oĂą ils habitent, & et devant une image de la Sainte Vierge Â».

Enfin, l’oraison Ă  la T.S. Vierge, par laquelle le confrère s’engage, est très explicite quant Ă  l’esclavage marial :
« Divine Marie, Vierge & Mère tout ensemble, Mère de mon Dieu, je vous appartiens parce que vous ĂŞtes encore la Mère des hommes mais je veux encore vous appartenir par mon choix en me donnant Ă  vous. J’adorerai tous les jours de ma vie votre divin Fils notre Seigneur JĂ©sus-Christ, & vous rendrai chaque jour les plus sincères hommages. Je ne cesserai de vous tĂ©moigner combien je m’estime heureux d’être honorĂ© du titre de votre esclave, dans lequel je dĂ©sire mourir & vivre Ă  jamais, ainsi soit-il. Â».

Dans sa consĂ©cration Ă  Marie M. Courveille, en  parlant de « se dĂ©vouer tout entier Ă  elle, de faire tout ce qu’elle voudrait pour la gloire de Notre Seigneur, pour son honneur Ă  Elle Â» reproduit les deux idĂ©es majeures de cette prière. Il y ajoute cependant le thème du « salut des âmes Â» plutĂ´t liĂ© Ă  son intention très personnelle de devenir prĂŞtre. Encore faut-il prĂ©ciser que la confrĂ©rie encourage la pratique des Ĺ“uvres apostoliques : hospitalitĂ© aux pauvres pĂ©lerins, rĂ©conciliation des ennemis mais aussi « faire rentrer dans la voie du salut ceux qui s’en Ă©taient Ă©garĂ©s Â» et « enseigner les commandements de Dieu Ă  ceux qui les ignoraient ainsi que les autres vĂ©ritĂ©s dont la connaissance est nĂ©cessaire au salut Â»9. L’hypothèse d’une inscription de M. Courveille Ă  la confrĂ©rie de N.D. du Puy, ou au moins d’une influence de sa spiritualitĂ©, me paraĂ®t donc très probable, comme une rĂ©ponse Ă  la grâce de guĂ©rison obtenue l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente.

Evidemment M. Courveille n’utilise pas le terme « esclavage Â» qui, dès l’époque moderne a suscitĂ© bien des oppositions. Il n’est tolĂ©rĂ© que parce qu’il est pris dans un sens mĂ©taphorique : non comme servitude contrainte mais comme vassalitĂ© volontaire selon la tradition courtoise : le chevalier qui a reçu la faveur de sa Dame y rĂ©pond par un dĂ©vouement corps et âme. M. Courveille parle donc « de se dĂ©vouer tout entier Â» Ă  Marie, se gardant d’utiliser le mot « esclavage Â».

C’est chez M.Champagnat, et seulement une fois, dans ses rĂ©solutions du 3 mai 1815 (OM1/ doc. 36 § 4) que nous trouvons clairement Ă©voquĂ© l’esclavage marial :  
« Mon Dieu, vous connaissez ma misère. Ayez pitiĂ© de moi, je vous en conjure. Saint Vierge, vous savez que je suis votre esclave. A la vĂ©ritĂ©, je suis indigne d’une si grande faveur, mais c’est en cela mĂŞme qu’éclatera votre bontĂ© Ă  mon Ă©gard. Â»

Marcellin Champagnat aurait-il fait partie de la confrĂ©rie de Notre-Dame du Puy ? Ce n’est pas impossible, mĂŞme si nous n’avons connaissance d’aucun pèlerinage fait par lui Ă  ce sanctuaire. Mais il est allĂ© plusieurs fois Ă  La Louvesc oĂą devait fonctionner une annexe de cette confrĂ©rie. Cette tradition a pu lui venir par le sĂ©minaire de Verrières car nous savons qu’en ce lieu Jean-Marie Vianney, le futur curĂ© d’Ars a fait partie d’une association de l’esclavage marial10. En tout cas, nous trouvons dans sa brève allusion l’affirmation d’un acte de consĂ©cration antĂ©rieur Ă  1815 et aussi une conception de l’esclavage comme privilège appelant Ă  un dĂ©vouement sans bornes.

Pour Courveille la rĂ©vĂ©lation du 15 aoĂ»t 1812 va enrichir considĂ©rablement un processus commencĂ© en 1809. Sa guĂ©rison physique a Ă©tĂ© comme une nouvelle naissance suscitant la consĂ©cration Ă  Marie de 1810 en mĂŞme temps que permettant une vocation personnelle : devenir prĂŞtre. Deux ans plus tard c’est le projet de rassembler une sociĂ©tĂ© consacrĂ©e Ă  Marie : « dans ces derniers temps d’impiĂ©tĂ© et d’incrĂ©dulitĂ© […] ceux qui la composeront se nommeront aussi Maristes, pour combattre contre l’enfer. Â»(OM2/ doc. 718, § 5).

Tout ceci est bien connu mais, Ă  ma connaissance jusqu’alors aucune hypothèse de filiation entre la confrĂ©rie de Notre-Dame du Puy et la SociĂ©tĂ© de Marie n’avait Ă©tĂ© envisagĂ©e. Si nous admettons cette hypothèse, M. Courveille concevrait le mot « Mariste Â» comme modernisation du vieux terme d’esclave de Marie devenu impraticable, tout en gardant l’esprit d’un don total. Mais ce don total n’est pas envisagĂ© comme individuel, comme si Courveille voulait crĂ©er la  branche apostolique et sacerdotale d’une confrĂ©rie mariale jusque-lĂ  destinĂ©e Ă  tous. Pour «  ces derniers temps d’impiĂ©tĂ© et d’incrĂ©dulitĂ© Â» il faut en effet des prĂŞtres missionnaires reprenant sous l’égide de Marie souveraine et mère, l’œuvre des JĂ©suites, dont François RĂ©gis est l’archĂ©type, interrompue par les manĹ“uvres infernales11.

LE PUY CONÇU COMME LIEU DE NAISSANCE DE LA SOCIETE DE MARIE

On comprend que Courveille ait Ă©tĂ© troublĂ© par une telle inspiration. En 1812 les ordres et associations religieuses sont interdits12. Le pape est en rĂ©sidence surveillĂ©e Ă  Savone. NapolĂ©on domine l’Europe et ses armĂ©es  avancent en Russie. Le 15 aoĂ»t est la Saint NapolĂ©on, l’empereur cherchant Ă  capter Ă  son profit une des grandes fĂŞtes nationales. Une telle intention de Marie ne paraĂ®t guère comprĂ©hensible ni rĂ©alisable.

Le souci de mieux comprendre l’inspiration reçue explique peut-ĂŞtre pourquoi J.C. Courveille choisit d’entrer en philosophie Ă  la Toussaint 1812 : au sĂ©minaire du Puy et non dans un sĂ©minaire du diocèse de Lyon. En effet, logeant tout près de la cathĂ©drale :  Â« J’allais – dit-il – presque tous les jours au pied de l’autel lui (Ă  Marie) renouveler mes promesses Â». On sait qu’il en parle finalement Ă  ses directeurs qui l’encouragent et, « il Ă©tait sur le point de chercher des confrères qui voulussent avec lui mettre la main Ă  l’œuvre » mais en sera empĂŞchĂ© par l’intervention du diocèse de Lyon.
Il semble mĂŞme avoir commencĂ© Ă  y rassembler des disciples. Sa manière de recruter le P. DĂ©clas en 1815 donne une certaine idĂ©e de son inspiration première qui est en mĂŞme temps sa stratĂ©gie de recrutement (OM2/ doc. 591 § 7) adaptĂ©e d’abord au sĂ©minaire du Puy13 : « Il me dit qu’il avait dessein quand il serait prĂŞtre de faire comme S. François RĂ©gis et d’aller par les campagnes au secours du pauvre peuple […] Il me demanda si je voulais faire comme lui Â». Comme DĂ©clas s’est montrĂ© rĂ©ceptif, un peu plus tard Courveille lui confie que la sociĂ©tĂ© envisagĂ©e « sera la mĂŞme Ă  peu près que celle des jĂ©suites ; seulement ceux qui en seront membres s’appelleront Maristes Â».

Il est possible qu’au Puy les supĂ©rieurs de Courveille aient espĂ©rĂ© un arrangement avec Lyon pour le garder. Mais Ă  Lyon on se mĂ©fie d’un Ă©tat d’esprit des populations de la Haute-Loire opposĂ© au nouveau rĂ©gime et du particularisme de la zone frontière rĂ©cemment annexĂ©e par Lyon. L’archevĂŞchĂ© exige que J.C. Courveille entre Ă  St IrĂ©nĂ©e (OM2/ doc. 718 Â§ 8-13) non pour avoir un sĂ©minariste de plus mais pour faire reconnaĂ®tre son autoritĂ© sur des paroisses nouvellement acquises.

UNE CONVICTION DE M. COURVEILLE COMMUNIQUEE A SES DISCIPLES

Il est clair nĂ©anmoins que M. Courveille ne conçoit pas la fondation de la SociĂ©tĂ© de Marie hors du Puy.  Et ses disciples maristes, bien que  presque tous lyonnais, vont faire leur cette conviction qui ne se dĂ©fera vraiment qu’à partir de 1822. Cet amalgame entre une spiritualitĂ© et un lieu n’est pas dĂ©pourvu de logique car Le Puy c’est le sanctuaire de Notre-Dame mais aussi le souvenir du collège jĂ©suite d’oĂą François RĂ©gis partait Ă©vangĂ©liser. Nouvelle sociĂ©tĂ© apostolique providentielle destinĂ©e Ă  reprendre l’esprit et l’œuvre des JĂ©suites, la SociĂ©tĂ© de Marie doit marcher sur les traces de son grand modèle apostolique. Aussi, lorsqu’en juillet 1816 la promesse de Fourvière parle de « la sincère intention et la ferme volontĂ© de nous consacrer aussitĂ´t qu’il sera possible Ă  l’institution de la très pieuse congrĂ©gation des Mariistes Â» il faut sous-entendre que ce sera au Puy. Mais il ne convient pas que des sĂ©minaristes de Lyon affichent une intention qui irait Ă  l’encontre des intĂ©rĂŞts d’un diocèse très soucieux de garder ses clercs.

Cette pensĂ©e Ă  la fois mystique et utopique mime en quelque sorte les origines de l’Eglise sous les auspices de Marie, la rĂ©vĂ©lation de 1812 Ă  la cathĂ©drale du Puy constituant une sorte d’annonciation (Nazareth) ; la promesse de Fourvière une naissance en exil (Fourvière-BethlĂ©em) prĂ©ludant Ă  une vie cachĂ©e (Egypte). La rĂ©union au Puy serait le dĂ©but d’une vie publique consacrĂ©e Ă  la mission apostolique dans la tradition jĂ©suite (François RĂ©gis) sous les auspices d’un pape, d’un Ă©vĂŞque et d’un roi très chrĂ©tien qui ne seront pas ceux de 1816 mais des serviteurs Ă©minents de Marie : des Maristes.

Nous disposons de textes de Courveille et Champagnat sur cette vision mystico-utopique mais c’est chez Jean-Claude Colin et les Maristes de Cerdon-Belley que nous trouvons le plus de signes de l’influence profonde de cette vision de la Société de Marie fondée sur Le Puy, même si J.C. Colin s’est beaucoup défendu d’avoir subi l’influence de J.C. Courveille14.

Des raisons conjoncturelles expliquent en partie cette idĂ©alisation du Puy. Pour un Courveille, dont la rĂ©fĂ©rence spirituelle est N.D. du Puy, et pour les aspirants maristes imbus d’un esprit ultramontain et d’un ultra-royalisme plus mystique que politique (le roi très chrĂ©tien) le diocèse de Lyon, gouvernĂ© jusqu’en 1815 par Fesch, oncle de NapolĂ©on, puis administrĂ© en son nom par des vicaires gĂ©nĂ©raux ne peut guère apparaĂ®tre comme un espace favorable Ă  l’éclosion de leur sociĂ©tĂ©. Mais la division territoriale des diocèses est rĂ©cente et en 1816, le roi Ă©tant revenu, on espère qu’un nouveau concordat rĂ©tablira l’Eglise de France et ses diocèses dans leurs droits et leurs territoires ; que le cardinal Fesch et ses vicaires gĂ©nĂ©raux devront laisser la place Ă  un archevĂŞque et des vicaires gĂ©nĂ©raux non compromis avec l’usurpateur.

En somme, au moment où les Maristes rédigent leur formulaire la perspective d’un rétablissement du diocèse du Puy et d’une autorité ecclésiastique lyonnaise disposée à les autoriser à se rendre au Puy, pour fonder leur société missionnaire dans un délai raisonnable, ne paraît pas improbable. Mais nous savons que rien ou presque ne se passera comme prévu.

Il faut sans doute tenir compte aussi de l’image que les premiers Maristes ont pu se faire du diocèse du Puy. En 1816, bien que le diocèse n’existe plus, Le Puy est connu comme un haut lieu de fidĂ©litĂ© mariale, romaine et monarchique. SituĂ© au milieu des hautes terres du Massif Central, contrairement Ă  Lyon et sa rĂ©gion beaucoup plus urbanisĂ©es et religieusement plus contrastĂ©es, Le Puy reprĂ©sente aussi un monde exotique et quelque peu sauvage Ă  mi-chemin entre la mission lointaine et la mission paroissiale classique. Et l’exemple de François RĂ©gis est lĂ  pour rappeler que ces peuples jugĂ©s incultes sont davantage disposĂ©s Ă  l’évangĂ©lisation que les milieux corrompus des plaines et des villes. Il y a chez les premiers Maristes une certaine mythification du diocèse du Puy, Ă  la fois comme centre rayonnant et espace sauvage Ă  instruire voire convertir : une image en rĂ©duction de l’Eglise et du monde.

Dans le projet mariste de 1816 Le Puy joue donc un rĂ´le que le texte de la promesse de Fourvière ne laisse guère soupçonner. Fourvière oĂą la promesse est prononcĂ©e pour la première fois, n’est que le substitut et l’anticipation de Notre-Dame du Puy, oĂą les nouveaux ordonnĂ©s n’ont pu se rendre pour deux raisons : les temps ne sont pas accomplis et la distance physique est trop grande.
En définitive M. Courveille a apporté du Puy en 1814 le nom de la Société qu’il projetait d’y constituer. Sa conviction et le prestige dû à sa révélation lui ont permis d’exercer sur un petit nombre de disciples une influence prépondérante mais non exclusive. Il avait en effet devant lui des Lyonnais qui, dans les séminaires du diocèse, avaient vécu une initiation spirituelle à la fois proche et différente. Et la promesse de 1816 sera la conclusion de la rencontre intense, mais assez brève, de deux courants spirituels mariaux et de deux lieux ecclésiaux. La prépondérance du Puy et de M. Courveille n’y est que relative 15. C’est pourquoi, plus tard, le P. Colin attribuera à Courveille le mérite d’avoir manifesté le projet de société mais lui déniera le titre de fondateur. La thèse est sans aucun doute excessive mais comporte une bonne part de vérité. Fourvière se substituera au Puy comme lieu fondateur et le P. Colin remplacera M. Courveille.

Le personnage le plus mystérieux de cet échange-confrontation entre Le Puy et Lyon, auquel je n’ai que peu fait allusion, c’est Marcellin Champagnat. Natif de l’ancien diocèse du Puy mais longuement formé dans le diocèse de Lyon, il s’est trouvé dans les deux camps si l’on peut dire. Il est clair pourtant qu’il y a eu entre M. Courveille et lui des lieux et des temps de connivence d’importance majeure. Et surtout, en préconisant une branche spécifique de la S.M. puis en construisant L’Hermitage il a manifesté une sensibilité pastorale, une spiritualité et une idée de la S.M. assez différentes de celles des Maristes lyonnais.

En définitive, dès 1812-1814 Courveille a conçu la S.M. selon trois axes. Mystiquement ce sera un groupe d’hommes dévoués corps et âme à Marie Mère et souveraine. Et la confrérie de N.D. du Puy a pu lui servir de modèle. Apostoliquement, ce sera une société héritière de la mission jésuite, dont François Régis est l’archétype. Sur un plan utopique et politico-religieux, elle participera puissamment à la restauration et l’expansion de l’ordre chrétien par le pape rétabli dans ses droits, les évêques légitimes et le roi très chrétien. Après 1816 la S.M. prendra peu à peu ses distances vis-à-vis de la personne de M. Courveille mais en conservant largement –sans trop vouloir le reconnaître -l’empreinte de son origine au Puy.

F. André Lanfrey, mai 2019
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Note complémentaire sur L.M. Grignion de Montfort, l’esclavage marial et diocèse du Puy

Des lecteurs de l’article prĂ©cĂ©dent seront peut-ĂŞtre surpris que je n’aie pas fait mention des ouvrages de ce grand missionnaire et auteur mystique (1673-1716)  oĂą l’on trouve sans doute la plus profonde manifestation de la spiritualitĂ© d’esclavage marial. Mais l’introduction Ă  ses Ĺ’uvres complètes16 prĂ©cise (p. XV) qu’à part des cantiques et des lettres aucun Ă©crit de Montfort n’a Ă©tĂ© publiĂ© de son vivant. Des fragments de ses autres Ă©crits ont Ă©tĂ© insĂ©rĂ©s dans ses biographies au cours du XVIII° siècle, mais « ce n’est qu’à partir de 1842, date de la dĂ©couverte du TraitĂ© de la vraie dĂ©votion qu’on pense Ă  publier progressivement les principales Ĺ“uvres Â».

Quand on lit Montfort aujourd’hui on est cependant frappĂ© des convergences multiples de sa spiritualitĂ© avec celle des premiers Maristes alors qu’on ne voit pas comment son influence directe aurait pu s’exercer avant le milieu du XIX° siècle. Mais la mĂŞme introduction (p. XIII) nous donne en quelque sorte la clĂ© de cette convergence : Montfort fut un grand lecteur d’ouvrages spirituels et les spĂ©cialistes ont reconnu dans ses Ĺ“uvres l’influence de nombreux jĂ©suites, des Dominicains, des Franciscains, de BĂ©rulle et ses disciples, en particulier Boudon, Olier et Tronson. Mais de cet Ă©clectisme, Montfort a tirĂ© une synthèse personnelle dans laquelle l’esclavage marial devient une thĂ©ologie mystique de profondeur impressionnante. Toutes proportions gardĂ©es, M. Courveille et les premiers Maristes ont suivi un chemin semblable : de l’éclectisme spirituel Ă  une synthèse personnelle et collective qui aboutit Ă  une spiritualitĂ© mariale assez comparable.

Dans le TraitĂ© de la vraie dĂ©votion (§ 169), s’inspirant de M. Boudon, Montfort nous cite quelques prĂ©curseurs de l’esclavage marial, depuis St  Odilon, abbĂ© de Cluny, vers l’an 1000 mais qu’elle n’est « devenue publique Â» qu’à partir du XVII° siècle. Montfort convient cependant qu’« elle n’est pas commune Â» parce que « trop prĂ©cieuse pour ĂŞtre goĂ»tĂ©e et pratiquĂ©e de tout le monde Â». Ce n’est donc pas une dĂ©votion populaire mais une mystique mariale relativement Ă©litiste.

L’établissement au Puy en 1650 d’une confrérie véhiculant cette spiritualité correspond bien à la phase de structuration de la réforme catholique qui encourage les confréries nouvelles de dévotion. Mais les statuts du Puy ont gommé le caractère problématique de cette confrérie par un titre assez neutre. Et ils ne parlent pas du port de chaînettes par les adeptes de cette dévotion, souvent critiqué à cause de son caractère ostentatoire. Nous avons donc l’impression qu’une confrérie du saint esclavage plus ancienne, a été quelque peu normalisée par la vigilance ecclésiastique.

Montfort nous parle indirectement du Puy en Ă©voquant la figure de la Mère Agnès de JĂ©sus, moniale et mystique dominicaine (1602-1634) Ă  Langeac, dans le diocèse de Saint Flour17, qui se serait, Ă  l’âge de sept ans, consacrĂ©e comme esclave Ă  JĂ©sus et Ă  Marie « quoiqu’elle ne sĂ»t pas auparavant ce que c’était que cette dĂ©votion Â»18. Elle enseigne cette spiritualitĂ© Ă  plusieurs, « entre autres Ă  M. Olier, instituteur du sĂ©minaire de Saint Sulpice, et Ă  plusieurs prĂŞtres et ecclĂ©siastiques du mĂŞme sĂ©minaire Â».

Et effectivement nous savons que M. Olier (1608-1657), parisien d’origine mais abbĂ© de PĂ©brac Ă  proximitĂ© de Langeac, a eu la Mère de Langeac comme amie spirituelle. C’est conseillĂ© par elle qu’il fondera le sĂ©minaire Saint Sulpice19. M. de Lantages, sulpicien, premier supĂ©rieur du sĂ©minaire du Puy envisagĂ© par J.F. RĂ©gis et finalement fondĂ© sur la demande de l’évĂŞque du Puy, Henri de Maupas (1606-1680) en 1852, a publiĂ© la Vie de la Mère de Langeac en 1655. Et c’est de cet ouvrage que Montfort tire cette histoire qui nous Ă©claire partiellement sur les origines de la confrĂ©rie du Puy. Et il J.C. Courveille nbsp; a probablement lu M. de Lantages. Cependant l’influence de l’esclavage marial sur Olier paraĂ®t mince. Sa spiritualitĂ© est davantage axĂ©e sur l’intĂ©rieur de JĂ©sus et Marie : « JĂ©sus est hostie de louange, Marie aussi est hostie. JĂ©sus enfant vit en Marie ; Olier honore en elle la vie du Verbe incarnĂ© Â»20. DĂ©tail intĂ©ressant  : devenu bachelier en thĂ©ologie en 1630, M. Olier se rend Ă  Rome. A Lorette il est guĂ©ri d’une maladie des yeux et envisage un temps de se faire chartreux21.

Quant à Henry de Maupas, prêtre en 1629 il a fréquenté à Paris Vincent de Paul, Jean Eudes, Bérulle, Olier… Plus tard il travaillera à la cause de béatification de François de Sales. Il baigne donc largement dans le milieu le plus dynamique de la réforme catholique. Son épiscopat au Puy de 1641 à 1661 sera marqué en 1650 par la fondation des Sœurs de Saint Joseph et, plus modestement, par l’établissement de la confrérie de N.D. du Puy22 qui pourrait avoir eu pour directeur des jésuites ou des sulpiciens.

Celle-ci paraît avoir disparu peu avant une révolution qui n’a pas inauguré une politique anti-congréganiste. En effet, en 1760 le parlement de Paris, très gallican et janséniste, a ordonné la dissolution de toutes les associations de piété (confréries et congrégations mariales) dirigée par les Jésuites et a mené ensuite une politique de réduction drastique des autres associations. Il est imité peu à peu par les autres parlements, de sorte qu’à la veille de la révolution bien des confréries ont disparu. Et le décret de la révolution qui, en 1792, interdit les associations pieuses semble donner le coup de grâce à une œuvre moribonde.

Cependant les historiens constatent une vĂ©ritable continuitĂ© entre le XVIII° et XIX° siècle, comme si bien des associations avaient subsistĂ© officieusement. Bien des congrĂ©gations des jĂ©suites ont Ă©tĂ© prises en charge par des prĂŞtres amis. Et d’ailleurs existaient dĂ©jĂ , notamment dans les sĂ©minaires, des Associations secrètes d’ Amis (AAs) ou de  « petites sociĂ©tĂ©s Â» d’esprit proche. Et il ne faut surtout pas nĂ©gliger les nombreuses crĂ©ations d’associations clandestines de laĂŻcs et de clercs au cours de la RĂ©volution et sous l’Empire pratiquant souvent une rĂ©sistance politico-religieuse. Avec M. Courveille et les premiers Maristes de St. IrĂ©nĂ©e nous avons un bon exemple de  la recrĂ©ation de congrĂ©gations anciennes de clercs23 ou de crĂ©ation de congrĂ©gations nouvelles fortement ancrĂ©es dans des traditions spirituelles anciennes repensĂ©es selon l’esprit des temps nouveaux.

Une permanence de la confrĂ©rie de N.D. du Puy est donc une hypothèse fort vraisemblable. D’ailleurs, par son oncle Mathieu Beynieux (1762-1835) nĂ© Ă  Apinac, pasteur en ce lieu Ă  partir de 1795 avant d’en devenir officiellement curĂ© en 1803, le jeune Jean-Claude Courveille Ă©tait en contact avec la tradition sacerdotale et spirituelle du Puy, très marquĂ©e par les influences jĂ©suite, sulpicienne, dominicaine et autres. Ses expĂ©riences spirituelles de 1809-1812 sont Ă  interprĂ©ter en fonction de cet arrière-fond culturel enracinĂ© Ă  partir du  milieu du XVII° siècle et revivifiĂ© par les Ă©vĂ©nements rĂ©volutionnaires. Quand il arrive au sĂ©minaire Saint IrĂ©nĂ©e en 1814 J.C. Courveille apporte avec lui une personnalitĂ© très marquĂ©e par son histoire personnelle mais aussi une tradition spirituelle dans laquelle le sanctuaire du Puy et l’histoire du diocèse jouent un rĂ´le majeur dans la fondation de la SociĂ©tĂ© de Marie. Nous savons que peu Ă  peu cette influence s’évanouira mais que naĂ®tra chez les Maristes le mythe d’un Courveille ayant trouvĂ© chez un vieux jĂ©suite du Puy les sources de son inspiration. Un mythe qui renferme sa part de vĂ©ritĂ©.
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F. André Lanfrey, mai 2019

1 Mais M. Boudon, quoique grand diffuseur de la spiritualité bérullienne, conservera la notion d’esclavage marial. Celle-ci sera aussi illustrée par Grignion de Monfort,(1673-1716) mais ses œuvres, écrites au début du XVIII° siècle ne seront diffusées qu’après 1840.

2 Lyon s’étant révoltée en 1793, le département sera coupé en deux (Loire/Rhône). Mais les frontières de l’archevêché de Lyon ne seront pas modifiées.

3 Le territoire de la Haute-Loire est rattaché au diocèse de St Flour.

4 Il est vrai que le diocèse de Lyon est une exception pour des raisons historiques car le département de Rhône et Loire créé en 1791 a, pour punir Lyon de sa révolte, été divisé en deux. Mais en 1803 Loire et Rhône feront partie du même diocèse de Lyon.

5 Bibliothèque municipale du Puy, contenu dans un recueil factice, Fonds Cortial, cote 5819. Il existe aux Archives dĂ©partementales de la Haute-Loire (cote 1 F 116) la copie manuscrite d’un fascicule identique datant de 1684 dont le titre est « Statuts de la confrĂ©rie de Notre Dame du Puy Â».

6 Voir G. Michel, Les années obscures de Marcellin Champagnat, p. 133. L’indulgence pouvait d’ailleurs être gagnée dans diverses églises du diocèse, Montfaucon étant la plus proche de Marlhes.

7 Voir OM4/ doc. 894. Un Courveille Jean-Claude est en effet inscrit en cinquième. Il est très peu probable qu’il s’agisse d’un homonyme. Mais a-t-il effectivement sĂ©journĂ© au sĂ©minaire ? Rien n’est dit sur ses origines, sa conduite et son niveau scolaire.

8 A cette Ă©poque le 15 aoĂ»t est la saint NapolĂ©on et que se dĂ©roulent ce jour-lĂ  une fĂŞte Ă  la fois civique et religieuse. La procession de l’Assomption a lieu, mais encadrĂ©e par des festivitĂ©s plus politiques et rĂ©crĂ©atives que religieuses, Ă  une Ă©poque oĂą la papautĂ© est persĂ©cutĂ©e. Etre bĂ©nĂ©ficiaire de faveurs spirituelles en un  tel jour, c’est, au moins implicitement, un acte de rĂ©sistance.

9 On pense aux résolutions de M. Champagnat à Verrières voulant enseigner le catéchisme aux riches et aux pauvres. Mais il est vrai que ce type d’engagement est commun à bien des confréries.

10 Voir Cahiers Maristes, n° 35 P 79-81.

11 L’ordre des jésuites supprimé en 1773 ne sera rétabli qu’en 1814.

12 En fait les associations clandestines foisonnent, un grand nombre d’entre elles amalgamant résistance religieuse et opposition politique.

13 Cette stratĂ©gie est typique des petites sociĂ©tĂ©s secrètes de sĂ©minaires : on sonde un candidat choisi Ă  l’avance et on l’initie progressivement s’il a paru rĂ©pondre aux ouvertures faites prudemment.

14 Voir notamment la notice sur Le Puy dans OM4 p. 410.

15 Le texte de la consécration de Fourvière, très complexe, me semble amalgamer deux ou trois rédactions différentes.

16 Editions du Seuil, Paris, 1966, 1905 pages.

17 A près de 50 km à l’ouest de la ville du Puy.

18 Traité de la vraie dévotion § 170.

19 Mais, dans le Dictionnaire de spiritualité sa notice n’évoque pas du tout cette spiritualité d’Agnès de Langeac.

20 Dictionnaire de spiritualité, T. 11, article Olier, colonne 745.

21 Ibid. col. 737.

22 Notice dans le Dictionnaire de spiritualité.

23 Pratiques religieuses dans l’Europe révolutionnaire (1770-1820). Actes du colloque de Chantilly, 1996, Brepols, Rapport de Louis Châtellier, p. 515-518.

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