Lettre ouverte du Provincial de Méditerranéenne
VOICI QU’UNE CHOSE NOUVELLE GERME DÉJÀ !
“Ne faites plus mémoire des événements passés, ne songez plus aux choses d’autrefois. Voici que je fais une chose nouvelle : elle germe déjà, ne la voyez-vous pas ? Oui, je vais faire passer un chemin dans le désert, des fleuves dans les lieux arides.” (Is.43, 18-19)
À toute la famille mariste de la Province Méditerranéenne
Il y a des moments qui blessent l’âme et dont les mots ne peuvent exprimer les sentiments. Le 29 octobre, le ciel s’est brisé à Valence et une tempête de douleur et de boue a recouvert d’ombres les espoirs de milliers de personnes. Les gens souffrent et nous, avec les communautés maristes et les œuvres de la région, nous souffrons avec eux.
À peine un mois avant cette date, la mèche de la violence, déjà allumée depuis des années au Moyen-Orient, s’est à nouveau déclenchée avec une force réellement menaçante dans plusieurs pays et, cette fois, surtout au Liban. Je suis en contact quotidien avec nos trois communautés dans ce pays : Fratelli (Rmeileh), Champville et Jbail. Chaque jour, je suis avec préoccupation les nouvelles, comme vous faites en toute la Province Méditerranéenne.
Il y a des moments qui blessent l’âme et l’inondent de questions : est-ce que quelque chose de nouveau peut germer dans un contexte de tant de destruction ? Est-ce que quelque chose de bon peut émerger ?
Aujourd’hui, au début de ce temps de grâce qu’est l’Avent, je relis le prophète Isaïe. Ses écrits m’ont toujours frappé comme ceux d’un poète exceptionnel, capable de trouver des images harmonieuses et des métaphores précises pour aller bien au-delà de ce que les mots peuvent atteindre. “Ne faites plus mémoire des événements passés, ne songez plus aux choses d’autrefois. Voici que je fais une chose nouvelle : elle germe déjà, ne la voyez-vous pas ? Oui, je vais faire passer un chemin dans le désert, des fleuves dans les lieux arides.”
- Au milieu de la tragédie et de la confusion provoquée par la DANA, quelque chose de nouveau est surgi : la solidarité du peuple valencien et de milliers de jeunes du monde entier. De même, dans notre environnement mariste, à l’intérieur et à l’extérieur de la province, des centaines de personnes sont venues aider dans les zones les plus ravagées.
- Notre communauté « Fratelli », située à quelques kilomètres de Saïda, a mis en place un plan spécial d’aide humanitaire tout en essayant de poursuivre sa mission éducative. De même, nos communautés et écoles de Champville et de Jbail s’efforcent de poursuivre l’année scolaire le plus normalement possible, tout en coordonnant des projets d’aide aux plus vulnérables.
- Nos Maristes Bleus à Alep poursuivent également leurs projets de solidarité, ces derniers jours dans une réalité très instable.
Témoignages
“Ce qui m’a vraiment rendu plus sensible aux besoins des autres, c’est l’attitude des jeunes. C’était incroyable de voir comment ils s’organisaient et descendaient dans la rue pour aider. Ils nous ont donné une leçon de dévouement et de solidarité en lettres capitales.” (Elena, enseignante à Maristes Algemesí)
“Je n’avais jamais imaginé à quel point nous pouvions être forts. Dans les moments les plus sombres, il y a toujours une force intérieure qui pousse à aller de l’avant. Chaque petite victoire quotidienne devient un grand pas en avant. La solidarité m’a profondément touchée : des personnes de différents lieux et étapes de ma vie n’ont pas hésité à se rendre disponibles pour offrir leur aide. J’ai appris que les choses matérielles vont et viennent, mais que ce qui compte vraiment, ce sont les gens. Au milieu de tout cela, une étreinte a été plus importante que toute autre chose.” (Joan Pere, enseignant à Maristes Algemesí)
“En cette période de guerre entre le Hezbollah et l’armée israélienne, ce que j’apprécie le plus, c’est l’expérience d’être aux côtés des gens. Nous voulons les écouter, connaître leurs besoins et nous organiser pour essayer de leur apporter une aide de base. Nous avons changé nos plans et nos priorités, nous sommes devenus flexibles et nous avons appris à vivre dans le provisoire. Nous avons touché la douleur et le besoin. Eux, les souffrants, nous ont transformés par leur humanité.” (F. Juan Carlos, communauté Fratelli)
“C’est le témoignage d’une femme à la radio qui a touché nos cœurs et nous a poussés à agir, convaincus que nous ne pouvions pas rester les bras croisés. Au cours de nos journées à Algemesí, j’ai réaffirmé une chose en laquelle j’ai toujours cru : la générosité, l’altruisme et le dévouement des jeunes. De plus, ce fut un privilège de partager la table et des moments de réflexion avec la Communauté des Frères qui, au milieu de l’inquiétude et du chaos, nous ont accueillis à bras ouverts.” (Álvaro, enseignant à Maristes Badajoz)
“Je travaille à l’entretien de l’école. Des idées tournaient dans ma tête, et alors je me suis dit: il y a beaucoup de monde pour enlever la boue, mais pas pour réparer les pannes. Il y avait des familles avec des enfants sans électricité, des personnes âgées aussi. Ayant la capacité de pouvoir résoudre de nombreuses pannes de fournitures de base, n’allais-je pas le faire ? Je reste avec la joie de voir leurs visages heureux malgré la catastrophe et avec la satisfaction de les avoir aidés.” (Vicent Juan Luis, employé à Maristes Algemesí)
“J’avais besoin d’être présent dans ces vies qui ont été soudainement brisées ou paralysées. Je voulais les accompagner, les soutenir, pour qu’ils ne se sentent pas seuls, plus que ce que le système, les politiciens et la malchance leur ont laissé” (Ali, Fondation Marcellin Champagnat)
“Je n’ai même pas eu à y réfléchir : c’était mon peuple, mes amis de toujours, et la seule chose qui est surgie en moi, c’était le désir d’aider de toutes les manières possibles” (José, Foyer d’émancipation, Maristes Cullera)
“La guerre est une horreur qui ne devrait plus exister de nos jours. Pourtant, elle est là, bouleversant nos vies et celles de tant de Libanais déplacés. Mais nous refusons de céder à la peur. Quand les avions de guerre grondent et que les fumées noires s’élèvent à Beyrouth sous les yeux de nos élèves, nous continuons à donner cours, à les rassurer, à prier et à transmettre l’espérance de l’Évangile. À la maison, nous jouons avec nos enfants, partageons les repas, le quotidien, leur offrant une vie d’enfant malgré tout. Est-ce du déni ? Peut-être. Mais nous croyons que c’est avant tout un acte de foi en la vie et en l’amour, notre façon de résister face à l’horreur.”(Sabine et Georges, Maristes Champville)
“La guerre m’a montré l’importance de la prière en ces temps difficiles. La prière n’est pas censée être un dernier recours, quelque chose que je fais parce que je n’ai plus d’autres options, mais c’est vraiment l’outil le plus puissant dont je dispose.” (Nada El Hachem, Maristes Jbail)
“J’ai appris que ce qui compte vraiment, ce sont les gens et l’amour que nous partageons. Alors que je voyais l’eau ensevelir les biens matériels auxquels je tenais, l’angoisse de ne pas pouvoir contacter ma belle-mère, qui était seule et dans le noir, était la pensée prédominante. C’est alors que sont arrivés en masse des « anges gardiens » de toute l’Espagne (et même de l’étranger) qui nous ont aidés à enlever la boue, nous ont offert de la nourriture, ont pris soin de nous et nous ont transmis, par des actes, l’affection sincère et solidaire qui nous remplit de joie, même dans les pires moments”. (José Alfredo, enseignant à Maristes Algemesí)
“Aujourd’hui encore, ce qui demeure dans mon cœur est l’idée de donner sans rien attendre en retour, de partager l’espoir et la foi, mais surtout un sourire dans les moments difficiles” (Rafa, École de la deuxième chance, Maristes, Torrent)
“Je remercie Dieu, encore et toujours, après ce qui s’est passé. Nous n’avons pas eu de pertes personnelles, je m’estime donc heureuse. Quant aux pertes matérielles qui nous ont coûté tant d’efforts, nous les récupérerons tôt ou tard.” (Inma, enseignante à Maristes Algemesí)
“Malgré l’instabilité que nous vivons, non seulement de la guerre, mais que la guerre est venue aggraver, nous gardons toujours dans nos cœurs l’espoir que demain sera un avenir meilleur. A l’instar de Marcelin dans sa mission, nous mettons le tout dans les mains de ‘Notre Bonne Mère’ Marie et nous sommes confiants qu’elle nous emmènera vers un demain rassurant.” (Roland, Maristes Champville)
“Il est vrai que nous vivons des temps difficiles, mais nous y sommes habitués, car nous les avons vécus à plusieurs reprises. Et nous devons être présents, ici et maintenant, avec courage et espérance, en partageant les peines et les joies des gens, en tant que témoins, par fidélité au Christ et sous la protection de la Vierge Marie.” (F. Georges Trad, Maristes Champville)
“Les volontaires sont devenus notre famille et nous ont soutenus pendant chaque heure qui s’est écoulée comme s’il s’agissait de mois. Les êtres humains se sont unis ; l’expression « ensemble, nous sommes plus forts » ou ‘el poble fa el poble’ avait tout son sens. Le sentiment d’appartenance a repris vie.” (Alba, Foyer d’émancipation, Maristes Valencia)
L’impuissance que j’ai ressentie m’a conduit à mettre à disposition l’infrastructure de mon entreprise pour organiser l’aide. Cette première expérience à Algemesí, dans le collège mariste avec les frères, m’a fait revenir trois jours plus tard à Paiporta pour offrir mes services de vétérinaire de manière altruiste, et me mettre à la disposition de mes collègues qui ont tout perdu. Ces deux expériences m’ont permis de connaître le côté le plus humain, mais aussi le plus vulnérable, des personnes et des animaux.” (Carlos Rosa, manager de Clinivex, Badajoz).
“Au Liban, nous vivons une période de guerre pleine d’incertitude et de peur, mais aussi de profonde solidarité. Chaque jour, malgré les difficultés, je ressens la force de ma foi qui m’aide à garder espoir. Avec mes proches et ma communauté, nous nous soutenons mutuellement en priant pour la paix et en nous appuyant sur les valeurs de fraternité et de résilience que nous portons dans nos cœurs.” (Elie Hawa, Maristes Jbail)
“Dans la situation de guerre actuelle, je reste en paix. Humainement, il n’y a pas d’espoir : au Liban, il y a une crise tous les cinq ans, mais par la foi, je suis convaincu que la Vierge Marie et Dieu sauveront le Liban. Cette guerre est une comédie orchestrée par Israël et l’Iran, mais malheureusement, c’est le peuple libanais qui en paie les conséquences. Pour moi aujourd’hui, le grand problème est que les jeunes Libanais quittent le pays, ce qui met en danger la présence chrétienne au Moyen-Orient.” (F. Antoine Jarjour, Maristes Jbail)
“Lorsque notre maison s’est retrouvée inondée après la nuit tragique du 29 octobre, de nombreux bénévoles, mais surtout mes collègues de l’école, se sont présentés dès que possible pour nous aider, sans rien demander en retour. Nous étions si reconnaissants que dès que nous avons pu laisser notre maison « prête », nous sommes sortis dans la rue pour faire de même. Je remercie Dieu pour la solidarité de tant de personnes.” (Ricardo, enseignant à Maristes Algemesí)
“J’ai appris à apprécier davantage ce que j’ai, mon peuple et ma famille. J’ai pu constater que tout tourne autour de la politique, même dans les catastrophes naturelles. J’ai appris à voir la capacité des êtres humains à tomber mais aussi à se relever, et qu’ensemble nous sommes plus forts. Ce n’est qu’ensemble que nous pourrons sortir du bourbier.” (Sonia, Foyer d’émancipation, Maristes, Cullera)
“La guerre crée l’instabilité et le stress, elle conduit à la perte d’espoir et à la dépression, mais c’est précisément dans cette situation difficile, à travers la prière et la vie communautaire, que Dieu nous invite à être une présence joyeuse et pleine d’espoir au milieu du chaos et de l’absurdité de la violence. En suivant l’exemple de « Notre Bonne Mère », nous sommes présents pour partager et continuer à vivre le plus normalement possible à travers l’école et les groupes de jeunes, car ‘Dieu seul suffit”. (F. Carlos Mario, Maristes Jbail)
“Nous sommes vulnérables et nos vies peuvent changer en un clin d’œil, mais l’enseignement le plus précieux est que les ÊTRES HUMAINS PEUVENT ÊTRE MAGNIFIQUES. Les gens ont un cœur énorme et sont capables d’aider sans ménager leurs efforts, indépendamment des différences, de la race, de la couleur, de la religion ou de l’idéologie. Cela me rend plus solidaire des personnes dans le besoin. Il n’y aura pas de temps ni d’argent pour rembourser les faveurs reçues, parce qu’elles sont trop nombreuses et trop grandes”. (Pablo, enseignant à Maristes Algemesí)
“Vivre la propre foi en temps de guerre est un défi profond qui nécessite courage, discernement et fidélité. Il nous faut prier pour la paix, les victimes, les dirigeants et même pour les ennemis et aussi pour trouver la force, le réconfort et la sagesse. Nous écoutons la Parole de Dieu, en particulier les passages sur l’espoir. Nous nous engageons auprès du prochain à travers des actions d’entraide et de solidarité”. (Miled Hobeika, Maristes Champville)
“J’ai la certitude que Dieu est à mes côtes à chaque instant ; il me donne la joie de vivre, l’empathie, la patience, et me rend capable d’écouter les autres. Par le témoignage de ma foi, j’essaie de les aider à trouver Dieu dans chaque moment et à espérer que le souffle de l’Esprit inspirera les dirigeants du monde.” (Annick Hawat Jessenne, Maristes Jbail)
Il y a des terrains tellement arides qu’il n’y a guère d’espoir de voir naître quoi que ce soit. Mais la vie jaillit toujours de la main du Dieu qui fait toutes choses nouvelles. Parfois, ce sont de petites pousses, des signes discrets, à peine visibles. Mais ce qui est sûr, c’est que la vie nouvelle jaillit à chaque instant.
Regardez, quelque chose de nouveau est en train de germer.
Joyeux Avent !
F. Aureliano García Manzanal
Alicante, le 1er décembre 2024