Lettres Ă Marcellin
Père Benoît Hector
1838-07-03
St. Lattier, le 3 juillet 1838.
Monsieur,
Après plusieurs demandes, M. Douillet, Directeur de lécole des Frères Maristes de la Côte-St.André, mavait fait espérer que nous pourrions avoir deux de vos Frères à St. Lattier à la Toussaint prochaine, mais une lettre écrite de St. Chamond, dont il ma donné connaissance, il y a à peu près un mois, me laisse dans le doute et sur le temps et sur la possibilité même den avoir.
Une des principales raisons qui semble vous faire différer la promesse de deux Frères pour St. Lattier est que vous craignez pour lavenir de cet établissement à cause que la demande en a été faite seulement par le Vicaire. Pour vous rassurer à cet effet, je vais vous faire part des sacrifices que fait M. le Curé, ainsi que la commune et vous jugerez ensuite du zèle de M. le Curé et de lintérêt de la commune pour cet établissement. Si M. le Curé na pas écrit lui-même pour en faire la demande, cest seulement parce que cela le fatigue. Mais il désire autant que personne davoir deux de vos Frères à St.Lattier. Cest lui qui a déterminé la commune à acheter lemplacement et il y a contribué de ses deniers. Comme la Maison Mère exige 400 francs pour chaque Frère à titre de fondation, il promet de payer pour un. En outre, il sengage à constituer une rente de 100 francs par an, à perpétuité, pour létablissement des Frères.
Dans lespoir davoir une école de Frères, le Conseil municipal a été obligé dacheter un emplacement, de vendre un bois commu-nal pour en employer le produit à la construction dune maison. Pour cela il a fallu, pendant plusieurs années, prendre des délibérations, solliciter lautorisation de vente auprès du gouvernement. Dans tout cela les seize membres du Conseil municipal ont toujours voté unanimement. Ainsi, un emplacement qui coûte 1.600 fr., une maison qui en coûtera 13.888 fr. 33. c., daprès le devis, dans un pays où lon fait bâtir à bon compte, parce que tous les matériaux sont sur place, et en abondance, voilà bien, sans doute, la meilleure preuve de lintérêt quy prend la Commune. Je ne comprends pas dans cette somme le mobilier de la maison.
Pour lavenir de lécole et son indépendance, voici ce qui lassure: 1º mille francs que je donne et dont jen assurerai la rente annuelle de cinquante francs par le meilleur mode possible; 2º les deux mille francs que donne M. le Curé, dont jai déjà parlé, ce qui fera encore 100 francs de rente; 3º deux cents francs que vote chaque année la Commune pour linstituteur, lesquels deux cents francs seront donnés aux Frères; 4º les rétributions des enfants qui sont variées, dun franc à un franc cinquante centimes et de deux francs, selon lenseignement que reçoivent les enfants.
Cette année il y a deux maisons décole et trois instituteurs dans la paroisse. Linstituteur communal, aidé dun second, a eu pendant trois mois, 75 écoliers. Linstituteur privé, 55, pen-dant le même temps, ce qui fait 130 par mois. Les autres mois, le nombre des enfants a augmenté ou diminué, mais il nest pas descendu au dessous de 45 pour les deux écoles, pendant les travaux pressants des vers à soie. Daprès cela, le nombre moyen des enfants qui fréquentent les écoles, chaque mois, est de 87. Sur les 87 enfants il y en a plus de 60 qui payent très exactement, mais 60 écoliers à 1 franc 50 centimes, prix moyen, rendent par mois 90 francs; maintenant, 90 francs par mois, pendant les onze mois de classe égaleront 990 francs. Les rétributions des enfants seront perçues par un commissaire que la Commune nommera.
Daprès ces aperçus vous voyez que lavenir de lécole est assurée, autant quil puisse lêtre, parce que des lors que les Frères seront arrivés on ne souffrira plus dautre école.
Afin dintéresser pour lavenir, de plus en plus la Commune à conserver les Frères, la rente de 150 francs que nous faisons entre M. le Curé et moi, nous lassurerons spécialement pour la maison des Frères, de manière à ce quelle fut perdue pour la Commune, si les Frères partaient. Nous avons dailleurs dautres espérances qui pourraient plus tard rendre encore la maison des Frères plus indépendante. Jai soumis le devis de la maison à M. Douillet. Je pense quen son particulier il vous en rendra bon témoignage. La maison sera vaste et daprès un plan commode. On a consulté pour cela les Frères des Ecoles Chrétiennes de Romans.
Pour la Toussaint prochaine je vois bien quil nous sera impossible davoir de vos Frères parce que vous avez beaucoup de demandes. Dailleurs, lintérieur de notre maison ne sera pas parfaitement achevé à cette époque. Mais nous voudrions avoir une assurance dès le moment pour le premier octobre 1839. Un doute là dessus découragerait le Conseil municipal et nous obligerait à faire des sacrifices plus grandes encore pour nous procurer des Frères de la Doctrine Chrétienne. Cest donc dans lattente dune réponse favorable de votre part, que je vous prie de vouloir bien agréer lassurance de la parfaite considération de votre très humble et très obéissant serviteur,
HECTOR, Vicaire.
P.S. Je consens et japprouve les dispositions contenues dans la présente lettre. En foi de quoi je signe. Monsieur MOSNIER, Recteur.
fonte: AFM 129.52