Lettres Ă  Marcellin

Père Catherin Servant

1837-06-14

Valparaiso, le 14 juin 1837.

Cher Père et Supérieur,

Je profite de loccasion présente pour vous donner lieu de bénir la divine Providence qui veille sur nous avec une bonté toute particulière. Voilà six mois que nous courons les mers quoiquordinairement trois ou quatre mois suffisent pour la traversée du Hâvre à Valparaiso.

Vous avez eu connaissance de notre station à Santa Crux (Ile Ténérife). Les vents contraires nous ont retenus bien long-temps au Cap Horn, mais enfin nous approchons des Iles désirées, voilà le sujet de notre joie. On soupire auprès ces îles que la volonté divine nous fais regarder comme notre véritable patrie. A la vérité nous rencontrons de temps en temps des tribulations, les maladies arrivent pour quelques uns dentre nous, les éléments sopposent à notre trajet, les tempêtes, les accidents font appréhender, mais que les maux dans la volonté de Dieu sont doux et légers. Les éléments fâcheux quelquils soient sont beaux, considérés dans les ordres de la Providence.

Parmi les croix dont je vous parle, il en est une dont le sacrifice nous aura coûté bien cher. Le père Bret qui avait commencé a être malade à la fin du séjour à Santa Cruz, est atteint de la fièvre lorsque nous quittons la rade. On redouble a son égard de soins et dactivités; le mal semble diminuer pendant quelques jours, mais bientôt il devient plus sérieux que jamais. Le lundi saint dans la matinée, suivant sa coûtume, il se lève momentanément et dit au Père Chanel: Ah! je vois bien que cest la fin. Il ne se trompait pas. Le soir il entre dans une douce agonie et à 7 heures il sendort dans la paix du Seigneur. Que sa patience était admirable dans as grande souffrance; quil aimait à rien dire de ses incommodités, quil était reconnaissant de tous les services quon pouvai lui rendre, quil avait de lexactitude a prendre les remèdes mêmes les plus désagréables au goût!

Cependant que Dieu nous fait de grâces dans nos épreuves; quil nous sait consoler et nous dédommager de nos peines. De temps en temps nous avons le bonheur de célébrer les saints mystères, de recevoir la sainte Eucharistie, le pain des forts. Oh que je suis content dans ma vocation! Quil est consolant de se dévouer à la conversion des âmes qui valent plus que tous les biens du monde. Il me semble, mon cher Supérieur, voir les bons Frères de lHermitage qui, par leurs prières et leurs actions faites dans lordre de lobéissance, font à Marie une sainte violence et contribuent par ce moyen au service de la mission.

Dans lexpectation du départ de Valpariso qui arrivera quand Dieu voudra, nous habitons la maison de procure qui appartient aux missionnaires de la Congrégation du Sacré Coeur de Jésus et de Marie. Elle me rappelle ce lieu de retraite de ces bons Frères que jaime beaucoup, de mon nom inscrit dans une liste qui renferme la réprésentation du coeur de la meilleure des mères, de ces fêtes de la grande protectrice de la chère Société de Marie.

Nous avons été des enfants privilégiés de la divine Providence pendant tout le trajet du Hâvre à Valparaiso et nous ne laissons pas den être favorisés lorsque nous entrons dans cette ville. Mgr. de Maronée a-t-il besoin de renseignements sur nos differentes îles? est arrivé dOtaïtï le vicaire général de Mgr. de Nilopolice. Veut-il quelquun pour le seconder immédiatement dans les préparatifs du départ? arrive de Californie le bon Frère Colomban de la Congrégation du Sacré Coeur de Jésus et de Marie qui est expérimenté dans ces sortes de négociations peut être dune grande utilité. Ce que je devais dire de la tendre Mère est au-dessous de toute expression. Une seule chose que je vous prie de remarquer, cest que le samedi était un jour privilégié, le vent devenait presque toujours favorable.

Les Frères qui nous accompagnent ont eu pendant le trajet chacun leurs petites épreuves. Le Frère Michel a beaucoup souffert des maux de dents; le Frère Marie Nizier à éprouvé des douleurs de tête, mais touchant les infirmités, il a été des plus privilégié. Maintenant ils vont tous à merveille; ils me chargent de vous dire quils sont contents au-dessus de tout ce quils peuvent exprimer. Ils présentent leurs humbles respects à vous et leurs amitiés à chacun des Frères.

Votre tout dévoué dans le Coeur de Jésus et de Marie, SERVANT, missionnaire apostolique.

fonte: Cahier 48L. 05

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