Lettres Ă  Marcellin

Père Jean-Claude Colin

1830-10-22

Belley, 22 8bre. 1830
Mes très chers confrères,
[1] Que la grâce, la paix et la miséricorde de n(otre) S(eigneur) Jésus Ch(rist) soient avec vous tous. J?ai différé plus long temps que vous ne pensiez de vous écrire. Ce n?est pas par oubli, vous m?êtes tous les jours et plusieurs fois par jour présents à l?esprit, mais par un sentiment de confusion et d?étonnement d?un choix auquel je n?avois pas lieu de m?attendre, et qui ne peut que nuire à l?oeuvre à la quelle nous soupirons tous, et pour la quelle je me sens disposé de tout sacrifier, si telle étoit la volonté de Dieu et de Marie notre Mère. Ce qui me console cependant, c?est que votre choix n?est que provisoire et que, dans une autre réunion, le Seigneur nous montrera celui qu?il destine de toute éternité à conduire la pieuse entreprise pour sa plus grande gloire et pour le salut de chacun de nous. En attendant, mes chers confrères, aimons nous les uns les autres, comme étant tous les membres d?un même corps dont J(ésus) C(hrist) est le chef. Qu?il n?y aie parmi nous ni contention, ni aucune de ces espèces de contrariété qui, sans rompre la charité, en altèrent cependant la suavité. Sans être religieux, il faut que nous tâchions d?en avoir les vertus, que nous nous accoutumions à aimer la pauvreté comme notre mère, l?humilité et l?obéissance à l?exemple de Jésus et de Marie, nos divins modèles. Ces vertus si nécessaires à des religieux deviendront pour nous une source intarissable de cette paix dont jouissent même ici bas les enfants de Dieu. C?est dans le noviciat que les novices se forment principalement aux vertus; regardons nous tous comme novices et, pour avoir le mérite -de l?obéissance, choisissez l?un d?entre vous pour être comme à la tête des autres-. Vous pourrirez avoir égard à l?âge. Rappelons nous que le mérite se trouve bien moins dans le commandement que dans l?acte de dépendance, et que le plus heureux n?est pas celui qui commande, mais celui qui obéit pour l?amour de Dieu.
[2] Je vous enverrai avec le temps et par main sûre le plan de la Société, que vous pourrez communiquer aux personnes qui demanderaient à s?agréger, et puis, pour vous, un abrégé de règles pratiques pour le moment. En attendant, voici nos exercices à Belley. Nous prenons à peu près sept heures de sommeil; nous disons trois Ave et le [Sub] tuum en nous couchant et nous levant; nous faisons la prière du soir et du matin, la méditation en commun; nous récitons aussi l?office ensemble et [à] des heures fixes; tous les jours, ces Mess(ieurs) ont une conférence sur la théologie, lorsqu?ils sont à la maison.
[3] Pour ce qui regarde l?établissement des frères et d?un corps de missionnaires à la Côte de St André, diocèse de Grenoble, si vous n?y voyez vous mêmes aucune difficulté, nous vous engageons à le favoriser et à entrer dans le s vues de ce Monsieur. Mais il faut tenir à ce que ces frères dépendent de la maison mère de Lyon, et que même le corps de missionnaires ne soit qu?un avec les autres membres de la Société. Du reste, nous laissons cela à votre prudence. Si l?un de vous avoit occasion de voir Mgr. l?évêque de Grenoble, il ne faut pas craindre de le mettre au courant de notre but et du plan de la Société.
[4] Ces Mess(ieurs) de Belley, qui vous sont singulièrement attachés, vous embrassent tous toto corde; j?en fais autant de mon côté et nommément Mr Bourdin et Mr Séon, que [nous n?av]ons pas vus depuis long temps.
[5] Soyons tous pleins de courage, et ne plaçons notre confiance qu?en Jésus et Marie; ne laissons entrer ni trouble ni découragement dans notre âme; le moment arrive où notre réunion deviendra encore plus parfaite sur la terre, et étrenne-le dans le ciel.
[6] Croyez moi tous avec une singulière affection, votre tout dévoué serviteur,
COLIN, sup(Ă©rieur).

fonte: D?après l?expédition autographe, AFM; éditée en CSG 1, pp. 157-159

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