18/Sep/2011 PORTUGAL

Un nouveau chant à Marie et la nouvelle terre

Commencer une retraite mariale pour des frères âgés (Portugal, 22-28 août) avec un chant à Marie des années  50, peut ne pas sembler la plus opportune des choses. Surtout quand on veut développer l'idée du chapitre «Partir en hâte avec Marie vers une nouvelle terre. » Commencer avec ce chant tellement ancien peut paraître presque anachronique, obsolète et même anti-conciliaire. Anti-conciliaire, certainement pas. Ante-conciliaire à coup sûr.

Cependant, il ne m’a pas semblé aussi anachronique que ça. Il ne s’agissait pas, non plus, d’un moment de nostalgie d'un passé qui est irrémédiablement dévolu. Cette nostalgie n’aide pas à construire l’avenir, ce qui vraiment nous concerne. Partir vers une nouvelle terre implique une vision de l'avenir. Ce n’était pas, non plus, le fait que de nombreux frères avaient chanté ce chant tellement de fois : le rappeler pourrait être un voyage de retour à la jeunesse de ces frères avec tout le zèle apostolique qu’ils ont vécu là où ils se trouvent maintenant ou en terres de mission dans le passé. La vraie raison pour commencer une retraite mariale avec un chant des années 50 ans était d'une autre nature: il s’agissait précisément de trouver dans ce passé maintenant révolu, les forces qui nous poussent à aller de l’avant, vers l'avenir, vers l'inconnu, vers de nouvelles terres. Et tout cela est possible en écoutant bien les paroles de la chanson. Nous notons simplement le refrain: «C’est le mois de Marie / C’est le mois le plus beau / À la Vierge chérie /Chantonsun chant nouveau. » C'est un refrain presque naïf, comme autant de refrains populaires à la Vierge. Mais, en même temps, il est d'une grande profondeur.

Le point commun entre l'invitation mariale de ce chant et l'invitation à aller vers de nouvelles terres, nous le trouvons dans le dernier verset du refrain : chantons à Marie un nouveau chant. Et juste comme nous nous demandons souvent ce qu’est la « terre nouvelle » dont parle le chapitre, nous pouvons aussi nous demander ce que pourrait être ce « nouveau chant » suggéré dans cette musique populaire des années 50. Ne s’agirait-il pas de la même chose? Ou, tout au moins, ce chant nouveau à Marie ne pourrait-il pas nous aider à découvrir la nouvelle terre dont nous rêvons? Notre recherche et notre expérience spirituelle pendant la retraite veut démontrer cela: découvrir un nouveau chant à Marie est, en fin de comptes, se découvrir ou se mettre en route vers la nouvelle terre.

Comment est-ce que nous avons fait? J’avais pensé tout simplement de résumer les trois premiers jours de retraite dans une phrase pour indiquer ce chemin vers une nouvelle terre. Dans cette dynamique nous contemplions les thèmes de « Racheter le passé », avec les textes  Rosarium Virginis Mariae et Evangelii Nuntiandi ; « Voir le présent » avec des textes des Constitutions et de L’Eau du Rocher ; « Regarder vers l'avenir » avec le document du Chapitre général.

Cependant, en voyant la richesse des textes bibliques de l'Eucharistie pour les trois premiers jours de la retraite, j'ai changé de direction et j’ai préféré savoir ce qu’est la « nouvelle terre », à partir de ces textes. Je le partageais avec les frères dans l'Eucharistie.

Le 22 août, fête de Notre Dame, Reine. Lectures: Isaïe 9, 1-6, Luc 1: 26-38. Du texte de l'Annonciation est facile de comprendre que la «terre nouvelle» est toute vie qui pointe dans l'horizon. Un enfant qui naît est toujours un signe de nouveauté. Signe absolu de l'amour de Dieu pour les hommes, il est aussi un signe d'espérance pour une humanité renouvelée. Comment cela se fera-t-il? La première lecture parle aussi d'un «enfant qui nous est donnée. »

Nous sommes toujours devant la nouveauté de Dieu. Cet enfant sera une source de lumière, de joie, de justice et de droit en faveur de tous. La direction est donnée : nous serons également un signe de cette nouvelle terre chaque fois que nous nous ouvrons à l'Esprit de Dieu. Il engendre en nous et le Christ lui-même et nous donne la force de le proclamer au monde. En le proclamant, nous sommes en train de construire le monde décrit par Isaïe. La nouvelle terre est celle que nous créons autour de nous parce que l'Esprit de Dieu habite en nous, parce que Sa Parole vit en nous. Le Christ devient alors  pour nous, celui en qui nous vivons et respirons. Ainsi, «Christifiés », nous devenons des transformateurs du monde,  les constructeurs d'une nouvelle terre.

Le 23 août, la Fête de Sainte Rose de Lima. Lectures: 1 Th 2, 1-8, Mt 23, 23-26. Matthieu dit clairement que la «nouvelle terre» c’est l’homme transformé, renouvelé de l'intérieur. Il est l'homme de l'intériorité et l'intimité avec Dieu. Et quelles sont les conséquences d'un homme renouvelé à partir du dedans? Comment va-t-il devenir multiplicateur de cette «nouvelle terre ?». Encore là, le texte ne pouvait pas être plus clair: l'homme qui vit dans l'intimité avec Dieu est un constructeur de la justice parmi les hommes; il devient un excellent témoin de sa miséricorde; dans sa fidélité nous devinons la fidélité de Dieu. Saint Paul ajoute à ces idées de Matthieu deux autres qui s'adaptent très bien à la spiritualité mariste: d'une part, le courage de proclamer l'Évangile, même dans les circonstances les plus difficiles ; d'autre part, la gentillesse et la bonté, exprimées comme un amour de mère qui prend soin de leurs enfants. Ceci nous rappelle la "dimension féminine" de notre spiritualité que L’Eau du Rocher nous présente.

Le 24 août, la fête de Saint Barthélemy, apôtre. Lectures: Ap 21, 9b-14, Jean 1, 45-51. Il ya deux éléments, un de chaque lecture, qui présente ce que peut être la «nouvelle terre» dont nous tous rêvons. Et certainement, il ya une relation entre eux. La lecture de l'Apocalypse parle de la "Jérusalem resplendissante de la gloire de Dieu." Et le Psaume responsorial, nº 144, ajoute: «Tes fidèles proclament ta gloire. » C'est ce que Barthélemy a fait et nous tous sommes appelés à le faire. La "nouvelle terre" est la création d'un nouveau monde où la gloire de Dieu rayonne à travers la mission des apôtres de tous les temps. Et comment peut-on faire briller dans le monde la gloire de Dieu? La deuxième lecture apporte la réponse avec toute la clarté: vivre dans la vérité, comme Barthélemy dont Jésus dit: "Voici un Israélite en qui il n'ya pas de mensonge." La "nouvelle terre", alors est de vivre dans la vérité. Il n’ya aucun doute : dans la mesure  où nous vivons dans la vérité nous proclamons au monde la gloire de Dieu. Benoît XVI a tout récemment dit à un groupe d'intellectuels de l'Espagne, rassemblés à l'Escorial, pour l’écouter, cette phrase lapidaire, mais d’une grande beauté : «La vérité est la beauté de Dieu. » En vivant dans la vérité, nous disons au monde entier non seulement la gloire de Dieu, mais aussi sa beauté. Et le monde a tellement besoin de ces valeurs. La «nouvelle terre» c’est de les rendre présentes dans le monde. Même au prix de la vie elle-même. Saint-Barthélemy, le Nathaniel de l'Evangile, nous montre aussi le chemin.

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Fr. Teófilo Minga
Coordinateur du Projet Ad Gentes
Lisbonne, le 30 août 2011

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