Antonin Lussier

Notre frère Antonin (Joseph-Adélard) n’a pas été l’homme qui, au cours de sa vie, a pris le devant de la scène… Plutôt discret et mystérieux même, parlant peu, se mêlant moins encore, il a passé ses dernières années et ses dernières semaines dans la discrétion que nous lui connaissions. Et pourtant, tout au long de ses 85 ans, il a toujours été là pour servir, et souvent aux premières loges quand il s’agissait de travailler : la longue liste des nombreux endroits où il a œuvré ici dans notre province religieuse, ou en Afrique et même à Rome comme professeur, homme à tout faire, témoigne de ses nombreux talents et de sa disponibilité. Familièrement, on se plaisait à le surnommer notre « Jos-électrique ». Il n’a jamais craint le défi du déplacement et de se retrouver devant l’inconnu, pourvu que l’on comptât sur ses services.

 Mais l’homme que nous avons côtoyé a-t-il vraiment été connu – et reconnu ? Il est vrai qu’Antonin se confiait difficilement et pouvait même présenter l’image d’un homme peu amène, difficile d’approche même. Mais ceux qui le connaissaient bien et qui ont eu le privilège d’entrer quelque peu dans son jardin intérieur connaissaient la grandeur de son âme ; ils savaient aussi que, depuis plusieurs années, la souffrance physique était sa compagne de tous les jours. Une incompatibilité avec certains aliments laissait deviner des sérieux malaises d’estomac et de digestion : ceci compris, permettrait de mieux saisir certaines réactions et d’accepter des réparties et quelques traits de caractère qu’il pouvait difficilement retenir. Qui mieux qu’Antonin peut redire cette phrase de Marc Oraison : « Non, la souffrance n’est pas juste, pas plus qu’elle n’est injuste… Elle est inexplicable, et c’est bien plus difficile à accepter. » Pour que finalement, il ait accepté d’aller recevoir les soins, que requérait son état de santé, au Foyer Champagnat, notre infirmerie, il fallait que la souffrance fût vraiment forte et insupportable. Mais, déjà, il était trop tard.