Lettres Ă  Marcellin

Père Jean Balmon

1836-08-26

St. Martin-la-Plaine, 26 août 1836.
Monsieur le Supérieur,
Jamais une lettre ne ma plus surpris que celle que jai reçue hier datée de lHermitage. Elle a eu le talent de me procurer un violent mal destomac. Cependant, après lavoir lue et relue sans trouver votre signature, jai cru que le mal nétait pas aussi grand que je me létais dabord figuré: 1º parce que M. F. François na pas eu pleine connaissance de la lettre que M. labbé Rimaud vous écrivit pendant ma maladie. 2º parce que M. F. François na pas eu non plus connaissance de lentretient que jeus lhonneur davoir avec vous il y a environ cinq semaines.
Daprès la lettre que jai reçue hier, il semblait que le louage dune maison pour vos bien chers Frères nétait quun projet, tandis que M. labbé Rimaud annonçait dune manière bien positive que la maison était louée. En effet, le propriétaire donna au locataire qui habitait cette maison congé le 8 du mois daoût; et le 9 me loua sa maison moyennant le prix de cent dix francs.
Dans la lettre que je reçus hier, il est dit quon ne verrait pas avec plaisir les Frères dans une maison de loyer. Cependant, lorsque jeus lhonneur de vous voir, vous ne mavez fait cette observation, dautant plus que ce nest que pour quelques mois. Je me souviens dune manière bien positive, quaprès avoir sérieusement réfléchi sur les raisons qui militaient en faveur de St. Martin, vous me répondites: Louez. Heureux davoir entendu sortir de votre bouche cette consolante parole, je revins annonçant à tous ceux qui voulaient lentendre que nous aurions des Frères à la Toussaint. Cette nouvelle a été pleinement confirmée: 1º par le bail que jai passé dune maison, 2º par les démarches et les objets que jai acquis pour le mobilier, 3º par la visite que jai faite à Lorette avec un menuisier qui déjà travaille aux tables et bancs (son bois est déjà découpé). Doù il résulte quil ny a personne à St. Martin qui ne compte sur les Frères, et qui nait droit dy compter par les mesures que jai prises pour éloigner tous les instituteurs qui se sont présentés. Jai donné cette nouvelle à tous les confrères qui sont venus me visiter dans ma maladie. Il me semblait que chaque fois que je parlais de cet établissement jéprouvais un mieux.
Serait-il donc possible après tant de démarches et de sacrifices? Je vins à éprouver un tel désappointement. Je compte pour rien le loué et les autres sacrifices (cependant ce nest pas avec mon superflu: cest en empruntant que je travaille à cet établissement), mais cest lidée quon aura de moi. Notre Curé ne sait donc ni ce quil dit ni ce quil fait: tel sera le jugement que lon portera sur mon compte, et ce refrain volera de bouche en bouche avec une sardonique plaisanterie. Jai eu dans ma vie des déboires; jamais il ne sen est présenté de pareil. Si je suis condamné à le subir, je ne sais si jaurais le courage de continuer lentreprise. Les bonnes oeuvres éprouvent des contradictions; mais celle-ci est trop forte.
Si ma santé eut été rétablie, jaurais eu lhonneur de vous voir aujourdhui. Jaurais eu mille autres choses à vous représenter. Ma lettre déjà trop longue me fait un devoir de marrêter
Dans lespérance que larrêt porté contre St. Martin et contre votre serviteur sera révoqué, agréez lhommage du profond respect avec lequel jai lhonneur dêtre, Monsieur le Supérieur, votre très humble et très obéissant serviteur,
BALMON.

fonte: AFM 129.23

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