Circulaires 107

Louis-Marie

1873-05-24

Frère Jean-Baptiste, ou la Vocation fervente (suite). -Souvenirs de foi. -Départ des Frères pour  Nouméa (Nouvelle-Calédonie). - Céré­monie d'adieu. - Précautions à prendre contre les filous.-  Elections pour le Chapitre Général. - Décès. - An­nonce des Retraites -

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51.02.01.1873.2

 1873/05/24

V. J. M. J.

 Saint-Genis-Laval (Rhône), le Samedi, 24 mai 1873,

   Fête de N.-D. Auxiliatrice. 

SUITE DE LA CIRCULAIRE SUR FRERE JEAN-BAPTISTE

OU LA VOCATION FERVENTE  

               MES TRÈS CHERS FRÈRES,

 L'objet de notre première étude sur le C. F. Jean-Baptiste est, comme vous le savez, de nous amener tous à cette vocation fervente qui a marqué toute la vie du défunt, et qui peut, seule, nous faire atteindre, comme il l'a atteint lui-même, le double but de notre état : notre sanctification personnelle et la sanctification de nos enfants.

 Mais, pour entrer sérieusement dans cette voie de perfection et de ferveur, si contraire à la nature, nous avons besoin de faire appel aux deux grands mobiles de toute résolution énergique, de toute forte détermination : l'amour et la crainte.

 Encore nous faut-il l'amour dans tout ce qu'il a de plus excellent comme principe, de plus entraînant comme objet, de plus heureux et de plus nécessaire comme fin, c'est-à-dire, l'amour surnaturel, l'amour divin, ou l'amour venant de Dieu, se rapportant à Dieu, nous conduisant à Dieu.

 De même, la crainte dont nous avons besoin, est la crainte qui domine toutes les autres craintes, c'est-à-dire, la crainte surnaturelle des maux à venir et de la malheureuse éternité.

 C'est en faisant appel à ces deux grands sentiments, qu'autrefois la jeune Thérèse mit fin à ses tiédeurs, à ses vanités, à toute la légèreté d'un esprit mondain et dissipé.

 Elle commença, elle, par la crainte, par la considération attentive et prolongée, par un souvenir profond et persévérant, du terrible toujours et de l'épouvantable jamais qui retentissent en enfer, dans cet enfer où Dieu lui montra la place que lui préparaient ses infidélités, si elle les eût continuées.

 Toutefois, cette considération, cette vue, ce souvenir, si effrayant qu'il soit, n'aboutit qu'à l'ébranler dans sa vie de négligences, d'oublis, de fautes vénielles accumulées. Ce qui la convertit entièrement et la fixa pour toujours dans la ferveur, ce fut le souvenir ineffaçable que lui laissa la vue sensible de Jésus souffrant, de Jésus flagellé, de Jésus couronné d'épines, tout couvert de sang et de plaies.

 Le divin Maître se fit voir à elle dans l'état affreux où l'avaient mis sa cruelle flagellation et le couronnement d'épines. A ce spectacle déchirant, le cœur de Thérèse, naturellement bon et tendre, se sentit et resta tellement touché et changé, tellement épris d'amour, qu'à partir de ce moment elle n'eut plus qu'un désir : aimer Jésus, s'immoler pour Jésus, vivre, travailler et se consumer pour la gloire et le service de Jésus.

 Mais, remarquons-le bien, la crainte et l'amour n'ont gagné le cœur de Thérèse et ne s'y sont soutenus que par le souvenir, par un souvenir vivant et fervent de l'enfer et du Calvaire. La vue sensible de l'un et de l'autre ne fut que de quelques instants : c'est au souvenir, très vif et très profond, que la sainte en garda, qu'elle dut toute la fermeté, toute l'inébranlable constance de sa résolution.

 Je répète le mot SOUVENIR, j'y appuie à dessein ; parce qu'on réfléchissant à toute la part que prend la mémoire aux choses de la foi, il m'a semblé que nous ne l'avons pas assez remarquée jusqu'à présent, et qu'il est nécessaire d'y donner plus d'attention, afin de bien diriger cette faculté de notre âme.

 Vous en jugerez vous-mêmes par la suite de nos réflexions. Elles portent : 1° sur le souvenir chrétien ou les souvenirs de foi, en général ; 2° sur le souvenir des souffrances de Jésus-Christ, en particulier ; 3° sur les motifs de l'esprit sérieux et le souvenir de l'éternité.

 Ce sont les dernières solennités de la Semaine Sainte et de Pâques qui m'ont amené à traiter les deux premiers points, avant même de reprendre et de terminer le troisième, déjà commencé dans la Circulaire du 8 avril 1872.

 Après avoir longtemps examiné le sujet si vaste du souvenir chrétien, ou des souvenirs de foi, en général, je me suis déterminé à les donner isolément, sans division ni liaison bien marquées, me contentant de les rattacher, autant que possible, à quelques passages de la Sainte Ecriture, de les choisir et de les disposer de la manière la plus propre à fortifier en nous l'esprit de foi, à mettre de plus en plus à son service toutes les puissances de notre âme, surtout la mémoire, qui est l'objet particulier de nos réflexions.

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PREMIÈRE PARTIE

 Souvenirs Chrétiens ou Souvenirs de Foi, en général. 

I. – PREMIER SOUVENIR.

 Souvenez-vous de quelle manière Jésus vous a parlé lorsqu'il était en Galilée. (Luc, XXIV) 6.)

 LEÇON ET RÉSOLUTION.

 Je commence par ces paroles des Anges aux saintes femmes, le jour de la Résurrection, parce que ce sont elles qui m'ont conduit à étudier plus à fond la grande question du souvenir chrétien.

 Pourquoi, leur disent-ils, pourquoi cherchez-vous parmi les morts celui qui est vivant? Il n'est point ici, mais il est ressuscité. SOUVENEZ-VOUS de quelle manière il vous a parlé, lorsqu'il était en Galilée. Il faut, disait-il, que le Fils de l'homme soit livré entre les mains des pécheurs, qu'il soit crucifié, et qu'il ressuscite le troisième jour. (Luc, XXIV, 5, 6, 7.)

    Tout est à peser dans ces paroles solennelles, par lesquelles les envoyés célestes annoncent aux saintes femmes la  Résurrection de Jésus-Christ et rappellent ses profondes humiliations. Toutefois, comme je l'ai dit, j'appelle surtout votre attention sur ce mot des Anges : RECORDAMINI, SOUVENEZ-VOUS,  ou, selon la force du mot, souvenez-vous avec amour, ressouvenez-vous de quelle manière Jésus vous a parlé.

 Quand les Anges ont à annoncer la Résurrection, ils le font directement et hardiment ; ils reprochent même aux saintes femmes de chercher parmi les morts Celui qui est vivant, toujours vivant, la Vie même et la source de toute vie. Le Ciel ne les a habitués qu'au spectacle éternel de la Vie, de la Gloire et de la Puissance infinies du Verbe.

 Aussi, n'osent-ils redire ses opprobres et sa mort qu'en invoquant l'infaillibilité de sa parole ; et ils le font, même après la consommation du sacrifice, avec des expressions qui marquent encore toute la profondeur de leur étonnement. On dirait que, malgré l'actualité des faits, ils ne peuvent y croire eux-mêmes que par la foi, tant la souffrance, l'humiliation et la mort sont incompatibles avec la félicité, la grandeur et la vie essentielle du Dieu tout-puissant.

 Ressouvenez-vous, s'écrient-ils, quelles paroles, quelles incroyables paroles Jésus vous a dites, qu'il faut, qu'il est nécessaire que le fils de l'homme soit livré, soit flagellé, soit crucifié, soit enseveli, avant qu'il ressuscite le troisième jour.

 Or, au jour de Pâques, à la procession des Fonts, selon nos Semaines Saintes, cette pensée, cet étonnement des Anges est traduit par un chant d'une élévation extrême à perte de voix : RECORDAMINI qualiter locutus est vobis dicens : QUIA OPORTET filium hominis TRADI in manus peccatorum et CRUCIFICI, et die tertia resurgere.

I

Cette année, surtout ce chant a été puissamment rendu, et j'avoue que je dois à cette circonstance les réflexions qui vont suivre : daigne la Providence, qui dispose tout pour le bien, les bénir et les rendre profitables à tous.

 Donc, il m'a semblé alors et il me semble encore aujourd'hui que, dans les paroles angéliques, nous avons une grande LEÇON à puiser et une grande RÉSOLUTION à prendre, la leçon et la résolution du SOUVENIR : car, notre mal à tous n'est-il pas d'oublier, de ne pas nous ressouvenir? La preuve en est dans le fait même des saintes femmes.

 Voyez ce que le pieux souvenir opère subitement en elles. Elles obéissent à la parole des Anges : Elles se ressouvinrent alors, dit l'Evangéliste, des paroles de Jésus, et aussitôt, étant retournées du sépulcre, elles racontèrent tout ceci aux onze Apôtres et à tous les autres. (Luc, XXIV, 8, 9.) Dès qu'elles se ressouviennent des paroles de Jésus, tous leurs doutes se dissipent, toutes leurs craintes s'évanouissent ; elles n'ont plus qu'un désir : annoncer aux Apôtres, annoncer à tous les Disciples que Jésus est vraiment ressuscité.

 Et nous-mêmes, M. T. C. F., pendant les solennités de la Semaine Sainte combien fortement n'avons-nous pas ressenti les souffrances et la mort de Jésus-Christ, compati à ses douleurs ! Ah ! c'est que nous nous en sommes véritablement souvenus. Nous les avons repassées, considérées et méditées, à dix-huit siècles de distance, comme si elles avaient eu lieu ces jours mêmes et sous nos yeux.

 Excellentes considérations ! puissants souvenirs ! ils réveillent tout notre amour ; ils nous déterminent à tous les sacrifices : mais, hélas! comme tant d'autres, ils ne sont que d'un jour. A peine les solennités sont-elles passées, que déjà nous voilà retombés et de nouveau perdus dans le cercle habituel de nos négligences et de nos oublis. Tâchons, comme sainte Thérèse, d'arriver une bonne fois à des souvenirs vivants, efficaces et persévérants.

 II° SOUVENIR.

 Nous n'avons point ici de cité permanente; mais nous en cherchons une où nous devons habiter un jour. (Hébreux, XIII, 14.)

 EXERCICE DE LA MÉMOIRE ET DES AUTRES PUISSANCES DE L'AME

DANS LES CHOSES DE LA FOI.

 La mémoire a deux grandes facultés ou fonctions

 1° conserver le souvenir des choses; 2° raviver ce souvenir, le réveiller, s'il vient à s'affaiblir ou à s'endormir.

 Ainsi,la première puissance de la mémoire est une puissance de conservation. L'entendement lui donne ses pensées à conserver; le cœur, ses affections; la volonté, ses désirs; et, généralement, ici-bas, tout lui est confié: car, telle est, d'un côté, l'excessive rapidité avec laquelle passent le temps, les hommes et les choses, qu'on ne vit, sur la terre, que de souvenirs, et que le besoin de la mémoire se fait sentir en tout ; et, telle est, d'un autre côté, l'extrême faiblesse de toutes nos facultés, qu'il faut que la mémoire leur soit constamment en aide.

 C'est à cette double fin qu'elle a reçu la première puissance, qui est une puissance de conservation ; et une seconde puissance, qui est comme une puissance de résurrection. S'unissant ensemble, ces deux puissances conservent les Souvenirs présents, ravivent les Souvenirs éteints, excitent et réveillent les Souvenirs endormis. On petit même dire qu'elles donnent, à la mémoire, comme une troisième puissance, qui est une puissance de prévoyance pour l'avenir, auquel on applique l'expérience au Souvenir du passé.

 En vertu de cette double et triple puissance, la mémoire, s'aidant de l'imagination, fait revivre les choses les plus anciennes; rapproche les plus éloignées; rend comme présentes, les futures; comme visibles, les invisibles ; comme sensibles, les plus inaccessibles aux sens.

 C'est de là, c'est par cette notion très simple de la mémoire, qu'on a la facile intelligence de l'exercice des puissances de l'âme dans les choses de la foi : exercice qui est le fondement de l'Oraison et qu'on peut employer dans tous les sujets ; exercice si cher au grand saint Ignace, et qui a donné tant de Saints à l'Eglise.

 Appliquons-le, en quelques mots, au Ciel, vers lequel nous reporte si bien le texte de S. Paul, cité plus haut. De ce texte, en effet, ressortent trois grandes, trois capitales vérités :

La première, c'est qu'ici-bas, il n'y rien de stable, rien de permanent ; que toute situation quelconque n'est que de passage, de pure transition : Nous n'avons point ici de cité permanente.

 La seconde, c'est qu'il y a nécessité pour tous, nécessité absolue, d'en chercher une autre, et de la chercher énergiquement, constamment et à tout prix : Nous en cherchons une.

 La troisième, c'est que cette cité nouvelle est la seule véritable, la seule finale; notre demeure unique et éternelle : Nous en cherchons une où nous devons habiter un Jour.

 Un jour ! évidemment, c'est le grand jour qui n'a point de couchant, le jour sans fin de la bienheureuse éternité : jour infiniment désirable, d'autant plus désirable qu'en dehors de ce jour, il y a une nuit affreuse, également éternelle, où vont se perdre tous ceux qui sacrifient à la cité imaginaire dit temps, la grande et réelle cité de l'éternité : le Ciel.

 Le Ciel donc, oui, le Ciel, voilà le sujet capital sur lequel nous devons exercer souvent toutes les puissances de notre âme, parce que, seules, avec l'aide de la grâce, elles peuvent et doivent le conquérir.

 1°   La mémoire en éveille l'idée; elle rappelle les enseignements de la foi sur le Ciel ; elle ravive toutes les pensées du Ciel, elle redit les images, les comparaisons les suppositions données par les Saints sur le Ciel en un mot, elle fait un travail, un recueil, de Souvenirs célestes.

 2° L'imagination, avec sa puissance de représentation, saisit ces images, ces suppositions, ces comparaisons, s'en empare et fait la construction du lieu; c'est-à-dire que, dans la mesure de ses forces et de la foi, elle met le Ciel comme en évidence devant l'entendement.

 3° L'entendement, ainsi éveillé, excité et servi par la mémoire et par l'imagination, ne peut moins faire que d'examiner, de considérer, de réfléchir; et, bientôt, pour qu'il soit attentif, il comprend, il sent, il voit clairement que rien ne peut être mis en parallèle avec le Ciel; qu'en excellence, en perfection, en étendue de richesse, de gloire et de bonheur, le Ciel surpasse infiniment tout ce que peut concevoir l'esprit humain.

 Il voit et comprend surtout, qu'étant placé dans cette redoutable et inévitable alternative, d'être : ou éternellement dans le Ciel, ou éternellement dans l'enfer, sans aucun milieu possible, toute hésitation serait pour lui, non seulement un crime, mais une inconcevable folie, bien plus, la plus épouvantable barbarie; puisque, d'une part, librement et volontairement il se priverait d'une félicité infinie; et, d'autre part, il se condamnerait aux plus affreuses tortures, pour toute l'éternité.

 De là, il est impossible, dès qu'on veut écouter la raison et la foi, obéir même simplement à l'amour naturel et nécessaire que chacun a pour soi, oui, il est impossible de ne pas laisser échapper aussitôt ce cri de l'âme et de la conscience. Il me faut le Ciel ! Il me faut le Ciel à tout prix !… coûte que coûte, il me le faut, et à cause de sa souveraine excellence, et à cause de sa suprême et absolue nécessité !

 4° Aussi, étant donnée, dans l'entendement, une si vive, si éclatante, si divine lumière, le cœur et la volonté suivent aussitôt ; l'amour et le désir, toujours en rapport avec la lumière et les connaissances, se portent, avec tout l'élan possible, vers le souverain bonheur ; le demandent avec ardeur, et n'ont nulle peine à se déterminer, pour l'avoir, aux actes les plus généreux.

 Il se fait même, quelquefois, en présence d'un si grand bien et d'une si grande nécessité, comme une entente plus parfaite entre toutes les puissances de l'âme. La mémoire rend ses Souvenirs du Ciel plus présents; l'imagination, ses images plus vives; l'entendement, ses convictions plus fortes; le cœur, ses désirs plus ardents; les sens eux-mêmes se laissent captiver par plus de recueillement ; et alors, tout l'homme se trouve comme subjugué par cette grande pensée d'un bonheur éternel et infini ; absorbé dans le désir et la volonté de le gagner, à quelque prix que ce soit.

 Alors aussi, devant cette grande fin, nulle peine qui ne paraisse légère, nul travail qui ne devienne aimable nul sacrifice qui ne soit jugé un bonheur.

 Le Ciel, M. T. C. F., le Ciel ! ah ! je vous en prie, appliquons-y souvent les puissances de notre âme ; méditons-le fréquemment, et, ce Souvenir de foi suffira seul pour nous donner la constance dans notre Vocation, la fidélité à nos Vœux, l'exactitude à nos Règles, le support charitable de nos Frères, de nos Enfants et de nous-mêmes, la force de vaincre toutes les tentations, de surmonter toutes les difficultés, de persévérer, avec courage et constance, jusqu'à la fin.

 « Que votre cœur, dit saint Basile, soit sans cesse occupé de la pensée des récompenses éternelles, afin  que, sans cesse, elles l'inclinent, selon la parole du Prophète, « à garder les ordonnances du Seigneur. » (Ps. CXVIII, 112).

 Non, non ! on ne peut dire combien est puissant l'exercice des puissances de l'âme dans les choses de la foi, quand il se fait, avec soin, sous l'action du Saint-Esprit.

 Appliqué au Ciel, il excite et encourage sans mesure appliqué à l'enfer, il arrête et contient les plus mauvais penchants; appliqué aux mystères de la vie de Jésus-Christ, il remplit de confiance, d'amour et de zèle.

 Si, au commencement, il est long et laborieux, par la pratique, nous le dirons bientôt, il devient si prompt et si aisé, que le travail semble diminuer en proportion des merveilleux effets qu'il produit. Tâchons donc de bien saisir et de bien mettre en pratique toutes les autres réflexions qui vont suivre.

 III° SOUVENIR.

 Seigneur, disait à Jésus un des voleurs crucifiés avec lui, souvenez-vous de moi quand vous serez entré dans votre royaume. Et Jésus lui répondit : Je vous le dis en vérité, vous serez aujourd'hui avec moi dans le paradis. (Luc, XXIII, 42, 43.)

 N'AVOIR SOUCI QUE DE VIVRE DANS LE SOUVENIR DE JESUS.

 Les Saints Pères, saint Chrysostome, en particulier, ont souvent exalté la foi du bon larron, qui, en haut, reconnaît la divinité de Jésus-Christ, pendant que Pierre le renie en bas, et que les prêtres et tout le peuple l'insultent. Ils ne peuvent assez le louer d'avoir su découvrir et adorer le Maître des cieux dans un crucifié ; trouver les signes de sa Royauté dans sa croix, ses épines et ses clous; prendre sa défense, quand tous l'abandonnaient, et demander une place dans son royaume, alors qu'il le voyait lui-même aux prises avec la mort.

 On ne peut, en effet qu'admirer avec les Pères, la foi, la confiance, le courage, la patience, le repentir, l'humilité et toutes les autres vertus, par lesquelles le bon larron accomplit, en quelques instants, le triple mystère de sa justification, de sa sanctification et de son éternelle prédestination.

 Cependant, M. T. C. F., pour rester dans le sujet qui nous occupe, laissons, pour le moment, toutes ces grandes leçons; apprenons seulement de cet heureux pénitent à n'avoir souci que de vivre dans le souvenir de Jésus.

 Voyez : c'est un voleur insigne, un assassin ; il est puni pour des crimes horribles; il est attaché à un gibet infâme ; il souffre des douleurs atroces; il est à toute extrémité, il n'a plus que quelques instants de vie ou plutôt d'affreuses tortures.

 Mais, voilà, que tout à coup, il a le bon esprit, il a la suprême sagesse de demander une place dans le souvenir de Jésus : Seigneur, souvenez-vous de moi ! et cette place, il a l'ineffable bonheur de l'obtenir.

 A l'instant, tout change pour lui : à la place de ses crimes, c'est le repentir et l'humilité qui les effacent ; sa croix devient le trône de ses vertus et de son triomphe ; ses tourments l'amènent à la foi, à la confiance et à l'amour ; enfin, il trouve le salut et la vie, la vie éternelle, là où il ne devait trouver que des supplices, la mort et la réprobation : Aujourd'hui même, lui dit Jésus, vous serez avec moi en Paradis.

 Oh ! M. T. C. F., quel exemple aussi heureux qu'admirable ! Comme il nous apprend bien à n'avoir d'autre désir, d'autre ambition que d'obtenir, nous-mêmes, une place et de vivre toujours dans le souvenir de Jésus ! Tâchons, pour nous y exciter davantage encore, de nous pénétrer fortement de cette double vérité que nous sommes continuellement dans la dépendance de Dieu la plus entière ; et que nous n'avons rien à attendre, rien absolument, de tous les pauvres souvenirs humains. Quelques mots sur ces deux pensées

 1° Il est certain que Dieu seul nous retient sur l'abîme de l'éternité, où tout va s’engloutir, et où nous pouvons tomber nous-mêmes, d'heure en heure, de minute en minute, de seconde en seconde, sans en avoir une seule d'assurée.

 Non, non, point d'assurance ici-bas; au contraire, nous voyons l'avenir se précipiter sur nous avec une épouvantable rapidité ; et, sans la moindre interruption, accomplir en nous l’œuvre de la mort, une œuvre de destruction.

 Dans son cours impétueux, l'avenir nous touche comme en passant ; et, alors, il devient le présent ; mais là encore, ni arrêt, ni station possibles. Le présent n'est qu'un coup de plus que nous porte la mort : car, à peine l'avons-nous touché, que, déjà, il n'est plus.

 La seconde qui passe est poussée et pressée par la seconde qui suit ; celle-ci, par une autre, cette autre, par une quatrième; et ainsi, toujours, toujours : de telle sorte que, l'une après l'autre, elles se succèdent et s'écoulent, toutes, d'un mouvement si rapide et si continu que, vainement, on chercherait un intervalle ou repos quelconque entre la précédente et celle qui vient après.

 Que dis-je ? un intervalle ! nous n'avons pas même à nous la seconde où nous sommes. Le commencement ne nous assure pas le milieu, et le milieu ni ne rend le commencement ni n'assure la fin !… Alors, qu'avons-nous donc ?

 Ah ! ce que nous avons, c'est le changement, c'est la mort en permanence, selon ce mot de saint Paul : Il n'y a pas un jour, pas même un instant, je ne meure (l Cor. XV, 31) ; et cet autre du saint homme Job : L'homme, né de la femme, vit peu de temps, et est rempli de beaucoup de misères ; il luit comme l'ombre, et il ne demeure jamais dans un même état (Job, XIII, 1, 2) ; non, jamais, pas même une seconde.

 Toutes nos pensées, tous nos sentiments, toutes nos paroles, tous nos actes et mouvements quelconques, spirituels et corporels, intérieurs et extérieurs, aussitôt accomplis, en s'accomplissant même, tombent dans le passé et s'y abîment pour l'éternité : faisant ainsi place à d'autres pensées, à d'autres sentiments, à d'autres actes et mouvements, qui passeront, se succéderont et s'abîmeront de même, aussi longtemps qu'il plaira à Dieu de nous laisser l'existence.

 Que faire donc, M. T. C. F., avec ces changements de tous les instants, avec cette mort persévérante. et ininterrompue ? Que faire avec ce vide toujours ouvert sous tous nos pas ? Deux choses, mais deux choses de toute urgence.

 La première : Regarder en haut vers le divin Crucifié ; nous humilier et nous repentir comme le bon larron, confesser avec lui que nous sommes très justement condamnés; puis, donner la main à Jésus, ne cherchez qu'en lui seul, et en son miséricordieux souvenir notre refuge et notre appui. Jésus, ayant reçu de son Père l'empire de la vie et de la mort, nous tient, par sa puissance, comme suspendus entre le passé et l'avenir, entre le temps et l’éternité ; et, dans cette situation extrême, il nous offre et nous laisse l'heureuse et perpétuelle assurance, si nous l'adorons, si nous l'aimons, si nous le servons, de l'avoir toujours, à la vie et à la mort, pour protecteur, pour refuge infaillible et pour abri infiniment sûr : Comment ne pas nous fixer en lui seul ?

 La seconde : Puisqu'à chaque instant toutes les opérations et de nos sens et de nos facultés vont s'abîmer dans le gouffre du passé et de l'éternité ; à chaque instant aussi, nous appliquer, de toutes nos forces, à les pénétrer de l'élément surnaturel de la grâce et de la bonne intention ; élément admirable, qui, en les divinisant, les éternisera, et nous permettra de les retrouver, un jour, avec les degrés sans nombre de félicité, de richesse et de gloire éternelles qu'elles nous auront mérités. Quel excellent, quel admirable moyen de nous soustraire aux ravages de la mort, même en les subissant !

 Aussi, disons-le, mes très chers Frères : que, sans Jésus, la position de l'homme sur la terre est triste ! qu'elle est pauvre ! qu'elle est effrayante Mais, avec Jésus, quelle est douce ! qu'elle est riche qu'elle est assurée ! Ah ! soyons heureux de le comprendre ; et, pour le sentir toujours davantage, ajoutons encore cette réflexion :

 Oui, pour mieux sentir toute notre dépendance de Dieu, et la témérité inconcevable de ceux qui osent l'offenser, ajoutons que, pour tarir en nous la source de la vie, Dieu n'a nul effort à faire, nul acte nouveau à produire. Il suffit qu'il cesse, un seul instant, l'acte formel par lequel, comme Cause première et nécessaire de toute vie et de tout mouvement, il fait battre notre cœur, et nous donne lui-même les soixante à soixante-dix pulsations que nous avons par minute.

 Y pensons-nous, M. T. C. F.? pensons-nous que, soixante-dix fois par minute, Dieu se souvient de nous, Dieu s'occupe de nous, Dieu fait, pour nous conserver la vie naturelle, autant d'actes d'un amour infini et, de plus, pour les pécheurs, autant d'actes d'une patience plus surprenante encore, que notre cœur nous donne de battements et de pulsations?

 Non, non, nous n'y pensons pas ; car, si non nous y pensions sérieusement :

 1° Nous ne pourrions assez admirer et nous étonner que Dieu s'occupe de nous à un tel point ; nous ne pourrions assez le bénir et le remercier.

 2° Nous n'oserions jamais rester, même une seconde, dans le péché mortel. Quoi ! une seconde sans refuge aucun contre les horreurs de l'enfer !… Une seconde les ennemis du Dieu vivant, qui n'a qu'à ne pas nous continuer son assistance, pour nous y laisser tomber à jamais ! Oh ! c'est impossible, à moins de démence!

 3° Nous comprendrions que nos pulsations, qui sont, tout a la fois, et un mouvement et une usure de notre vie naturelle, ne correspondent aux secondes, qui sont un mouvement et une usure de notre temps, que pour nous avertir de faire à Dieu, à chaque seconde, comme faisait Marie, l'hommage de tout nous-mêmes et de toutes nos œuvres.

 4° Enfin, dans cette pensée et ce désir de profiter du temps, nous ne voudrions jamais le compter que par minutes et par secondes, sachant qu'à chacune il nous est donné, si nous le voulons, d'acquérir une nouvelle possession de Dieu, un bonheur de plus pour toute l'éternité.

 Que les mondains tuent le temps, qu'ils l'estiment peu, qu'ilsle passent à la table, aux jeux, aux spectacles, soit : ils ne s'occupent qu'à des riens, ils ne travaillent qu'à la terre et pour la terre : peu leur importe de, le perdre plus ou moins; mais au Chrétien fidèle, au bon Religieux, qui travaillent sur l'or très pur, sur les diamants, sur les pierreries sans prix de la bienheureuse éternité ; oh ! à eux le devoir, à eux l'ambition de recueillir, et de leur vie et de leur temps, jusqu'aux moindres parcelles. C'est-à-dire, à eux de tout consacrer à Dieu, de tout sanctifier, même une seule seconde, même une seule pulsation, même la moindre pensée de l'esprit et le moindre désir dit cœur.

 Mais qu'est-ce qui peut donner une attention si soutenue, une intention si pure, un soin si fervent? La foi, la foi très vive; et, par ce soin admirable, elle nous apporte, en même temps, le secret infaillible de prendre place dans le souvenir de Jésus, selon cette parole de saint Paul dans son épître aux Hébreux : le juste qui appartient au Seigneur vit de la loi, pense, aime, veut et agit par la foi (Héb. x, 38). Or, c'est dit juste qu'il est dit, dans les Psaumes, que Dieu le gardera comme la prunelle de ses yeux (Ps. XVI,8) ; – qu'il a pris le Très-Haut pour son appui ; que le mal ne lui arrivera point, et que les fléaux n'approcheront pas de sa maison (Ps. X C, 9, 10).

 Ainsi, M. T. C. F., de notre côté, il est vrai, notre situation est extrême, elle serait même désespérée, si nous voulions aller seuls et nous appuyer sur nous-mêmes; mais elle devient une situation magnifique, une situation incomparable, dès que nous allons avec Jésus et que, par notre docilité et notre courage, nous méritons d'avoir une place dans son souvenir : Je vous reverrai, dit Jésus-Christ, et votre cœur se réjouira, et personne ne vous ravira votre joie (J. XVI, 12).

 Nous n'avons rien à attendre, rien absolument, de tous les pauvres souvenirs humains.

 Laissons la vie présente, elle importe si peu ; allons au jour suprême, allons à l'avenir et à la grande éternité, et demandons-nous ce qu'on peut attendre, en dehors de Dieu, de quelque créature que ce soit.

 Il faut reconnaître d'abord qu'à cette heure finale le monde n'a plus à offrir aux siens que des souvenirs, que de pitoyables adieux, où retentissent les mots sonores de postérité, de mémoire, de nom immortel, et autres paroles vides de sens qui flattent et trompent la vanité des vivants, mais qui laissent aux mourants et aux morts tout leur épouvantable abandon.

 Il faut examiner ensuite, à un point de vue général, ce que sont au fond tous les souvenirs humains, ce qu'ils peuvent, devant l'effondrement immense, perpétuel, universel, d'hommes et de choses qui s'accomplit chaque jour.

 Voyez : en supposant que Notre-Seigneur, dont la vie mortelle a été de trente-trois ans, ait voulu prendre et parcourir la vie moyenne des hommes (la statistique la fait moins longue) qui couvrent la surface du globe, près d'un milliard deux cents millions, on a tout de suite plus de trente-six millions d'hommes que la mort enlève chaque année!… Trente-six millions de morts en une année, et toutes les années !… Mon Dieu ! qu'est-ce donc que notre pauvre humanité !

 C'est cent mille morts par jour, plus de quatre mille par heure, plus de soixante par minute, plus d'un par seconde ! ….

 Ah ! disons-le et redisons-le, devant tant d'existences brisées, brisées si rapidement, brisées pour toujours, devant toutes les ruines qui accompagnent, que sont tous nos pauvressouvenirs? Que peut faire notre faible mémoire?… Hélas! ce qu'elle fait : de tant de ruines, elle recueille, çà et là, comme au passage, quelques rares débris; elle les recueille pour en prolonger, non l'existence, non la réalité, elles échappent à sa puissance ; mais l'image, mais les vestiges, mais les espèces! C'est tout ce qu'elle peut en garder, et le garder par de vagues et incomplets souvenirs, et le garder quelque temps à peine, nos fragiles souvenirs ne faisant eux-mêmes que passer.

 Voilà, en particulier comme en général, ce que sont nos pauvres souvenirs humains. Ce qu'ils peuvent : imagination ! néant ! S'en payer donc, de quelque manière, dans les peines et les travaux de la vie, en attendre quelque chose, ne peut être qu'une suprême ignorance ou une suprême folie.

 Au surplus, voulons-nous mieux apprécier encore la valeur des souvenirs humains, entendons ce que dit l'Esprit-Saint des réalités elles-mêmes: et de la durée des siècles, et de la longue vie, et de toutes les œuvres des hommes.

 Rien, dit David, la durée des siècles : Mille ans devant le Seigneur sont comme le jour d'hier qui n'est plus : un souvenir ! comme un rêve !… rien, la vie même la plus longue… Les années de notre vie sont comme un néant, un rien !… Rien, les plus grands travaux : toutes les occupations des hommes sont comme le fragile travail de l'araignée (PS. LXXXIV, 5, 9).

 Toiles d'araignées toutes nos œuvres humaines ! Quelle humiliante assimilation !… mais hélas! n'en ont-elles pas et la folie et la stérilité? Combien d'insensés, semblables à l'araignée, s'arrachent, pour ainsi dire, les entrailles, dissipent leur temps et leur vie, sacrifient leur salut, pour des travaux qui ne tendent et ne profitent qu'à l'orgueil, à l'ambition, à la sensualité?

 On les appelle grands, on les dit immortels, et, devant Dieu, devant l'éternité, ce ne sont que de vraies toiles d'araignées. La mort les emporte, avec leurs auteurs, comme la servante emporterait, d'un seul coup, tout le travail de milliers d'araignées, si elles avaient pu se réunir pour le faire.

    Ainsi parle l'Ecriture, ainsi parlent les siècles, de toutes nos pauvretés humaines; dès lors, comment ne pas sentir la nécessité absolue où nous sommes de ne compter que sur Dieu, de ne rien attendre des créatures, rien de notre propre industrie, rien de l'industrie de tous les hommes ensemble?

 Marie, elle-même nous enseigne, dans son Cantique, à n'avoir d'autre ambition, d'autre souci que de vivre dans le Souvenir de, Dieu. De quoi se réjouit-elle pour le peuple qu'elle aime, le peuple d'Israël et le peuple chrétien? d'une seule chose : c'est que Dieu se ressouvenant de sa miséricorde, a pris Israël, son serviteur, sous sa protection (Luc, 1 5, 4).

 C'est aussi ce que l'Eglise, dans la Prose des morts, nous fait demander avec le cri perçant d'une ardente supplication. La encore, ce sentiment est très énergiquement rendu par le ton même du chant: «RECORDARE, Jesu pie, quod sum, causa tuae viae ; ne me perdas illa die : « SOUVENEZ-VOUS, Ô très doux Jésus que, pour Moi,  vous êtes descendu du Ciel ; ne me perdez pas au dernier jour. » (Prose Dies irae).

 Terminons ce paragraphe par cette pensée. Que le dernier jour soit toujours présent à notre mémoire ; et, qu'en nous rappelant sans cesse l'extrême besoin que nous avons de vivre dans le Souvenir de Jésus, il nous rappelle aussi à la pratique de la foi qui l'assure: Mon juste vit de la loi.

 N'oublions jamais que le souvenir de Jésus est tout pour nous; et qu'il n'y a que malheur, mille fois malheur, pour quiconque en est banni, selon cette parole du Seigneur lui-même dans les Proverbes : Parce que vous avez dédaigné mes conseils et négligé mes avertissements, moi, je me rirai à mon tour de votre ruine, je secouerai la têteau jour de votre terreur (Prov., I 24).

 Mais non, mon Dieu ! non, il n'en sera pas ainsi : vous vous souvenez de moi, à chaque seconde, pour faire battre mon cœur et me donner le mouvement de la vie naturelle. Je veux aussi, qu'à chaque seconde, mon âme se souvienne de vous; je veux que tous les battements de mon cœur soient autant de mouvements de la vie surnaturelle, autant d'actes d'amour envers vous, autant de souvenirs vivants de votre divin amour. Seigneur Jésus, souvenez-vous de moi, maintenant que vous êtes entré dans votre royaume.

 IV°SOUVENIR.

 Le Consolateur, l'Esprit-Saint que mon Père enverra en mon nom, vous fera ressouvenir de tout ce que je vous ai dit (Jean, XIV, 26).

 EXCELLENCES DES SOUVENIRS DE FOI.

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 Première excellence. – Les passages les plus clairs et les plus positifs du Nouveau Testament nous apprennent que les souvenirs de foi ont pour principe, pour auteur et pour maître, Dieu lui-même.

 1° Pour principe Dieu le Père, au nom duquel Jésus-Christ son Fils parle et agit toujours: Je n'ai point parlé de moi-même, dit-il ; mais mon Père, qui m'a envoyé, m'a prescrit lui-même tout ce que je dois dire et comment je dois parler (Jean, XII, 49). Dans un autre passage Jésus-Christ joint les œuvres aux paroles : Ce que je vous dis, je ne le dis pas de moi-même ; mais c'est mon Père qui demeure en moi, qui fait les œuvres que je fais (Jean, XIV, 10). Ainsi, c'est de la part du Père que parle le Fils; et ce que le Fils fait, le Père le fait avec lui, selon cette autre parole du divin Maître : Mon Père ne cesse point ni d'agir, jusqu'à présent, et j'agis aussi incessamment  (Jean, V, 17). 0 adorable unité de nature ! ô ineffable pluralité de personnes ! comme elles éclatent merveilleusement dans les paroles du Verbe éternel conversant avec les hommes !

 2° Pour auteur Dieu le Fils, Jésus-Christ, sur lequel saint Paul veut que nous ayons constamment les yeux arrêtés comme sur l'auteur et le consommateur de noire foi (Héb., XII, 2). C'est en Jésus-Christ, en effet, en sa personne adorable, que se sont accomplis les deux grands mystères de la foi : l'Incarnation et la Rédemption. C'est par Jésus-Christ que Dieu s'est rendu visible ; et, qu'après avoir parlé autrefois à nos pères, en diverses occasions et en diverses manières, par les Prophètes, il nous a parlé en ces derniers temps par son Fils (Héb., I, 1).

 3° Pour Maître Dieu le Saint-Esprit, selon ce que dit Jésus-Christ lui-même dans le texte cité : L'Esprit-Saint que mon Père enverra en mon nom, vous fera ressouvenir de tout ce que je vous ai dit. Il semble que la Mission du Saint-Esprit n'a d'autre but que de nous rappeler tout ce que Jésus-Christ a dit, de nous faire ressouvenir de tout ce qu'il a fait.

 Quelle excellence donc, quelle dignité incomparable dans les souvenirs de la foi ! C'est dans le sein même du Père Eternel que nous allons les puiser, dans le sein du Père des lumières de qui vient toute grâce excellente et tout don parfait (Jacq., I, 17). C'est du Verbe Incarné que nous les recevons, et il ne nous les transmet qu'après les avoir réalisés et accomplis en sa personne adorable. Enfin, c'est l'Esprit-Saint lui-même qui vient nous les rappeler sans cesse, nous les faire comprendre, sentir et goûter.Quand l'Esprit de vérité sera venu, dit encore Jésus-Christ, il vous enseignera toute vérité (J., VI, 13) ; il sera votre souverainDocteur dans toutes les choses de la foi, afin que vous soyez tous enseignés de Dieu, comme il est écrit dans les Prophètes (J., VI, 45).

 Donc, aux hommes d'enseigner les vérités naturelles, les sciences, l'éloquence et autres; mais ils ne sauraient enseigner toute vérité. Les vérités surnaturelles échappent à leur intelligence ; il n'y a que l'Esprit-Saint qui puisse nous les faire comprendre. L'Esprit-Saint seul persuade la parfaite humilité, la parfaite chasteté, l'obéissance, le mépris des richesses, le renoncement à soi-même, le crucifiement.

 Seul, l'Esprit-Saint enseigne sans bruit de paroles, et en apprend plus, en un instant, à un cœur humble et docile, que ne pourraient faire tous les hommes ensemble, en plusieurs années. « Ils peuvent bien faire  entendre des paroles, dit l'Auteur de l'Imitation ;  mais ils ne peuvent donner la grâce et l'esprit. Ce qu'ils disent est admirable, mais le cœur n'en est pas  touché, si l’Esprit-Saint ne lui parle lui-même ; ils  donnent la lettre, lui seul en ouvre le sens; ils montrent le chemin, lui seul donne des forces pour le suivre. »

 Souvenirs de foi ! science admirable ! science des saints! science divine, préparée en Dieu, apportée par un Dieu, enseignée par un Dieu ! Redisons-le, quelle excellence ! quelle dignité incomparable ! Puissent mon esprit et mon cœur ne vouloir jamais d'autre science, dans le temps, afin que, dans l'éternité, je la possède et la contemple dans toute sa plénitude !

 DEUXIÈME EXCELLENCE DES SOUVENIRS DE FOI:

ils sont comme l'âme de la Religion.

 Au milieu des changements perpétuels et de cette mort quotidienne qui nous assiègent (nous en avons dit un mot), la divine Providence, dont la sagesse balance toutes choses avec une bonté infinie, nous a donné la mémoire, comme un adoucissement à nos douleurs et un tempérament à nos craintes. Semblable au crépuscule, qui nous fait passer, sans secousse trop violente, le soir, du plein jour à la pleine nuit ; et le matin, de la pleine nuit au plein jour, en les ramenant tout à tour et par degré, la mémoire adoucit, dans le passé, par le Souvenir, et tempère, dans l'avenir, par la Prévision, le coup trop subit et trop violent ou d'une perte et d'une douleur extrêmes, ou d'une prospérité et d'une joie excessives.

 Pareillement, Dieu a voulu que, dans l'état présent a impuissance et de faiblesse où nous nous trouvons, la mémoire fût comme une faculté auxiliatrice donnée à toutes les autres : à l'entendement, pour conserver et développer ses connaissances; au cœur pour entretenir et fortifier ses affections; à l'âme tout entière, pour l'aider dans ses opérations, qui, n'étant que successives n'auraient entre elles ni suite ni liaison, sans le secours de la mémoire ou du Souvenir.

 Mais c'est surtout pour les choses de la foi et du salut que la mémoire nous a été donnée. Sur tous les autres points, Dieu nous laisse, pour l'emploi de cette faculté, au sentiment naturel de nos besoins ; mais, pour les choses du salut, trop faciles à oublier, Dieu fait continuellement appel à tous nos Souvenirs.

 Dans l'Ancien comme dans le Nouveau Testament, rien de plut; souvent, rien de plus fortement recommandé que le souvenir de la loi de Dieu, le Souvenir de ses bienfaits, le Souvenir de sa divine présence, le Souvenir de ses promesses et de ses menaces, en un mot, le Souvenir de tout ce que Dieu a fait pour les hommes et de ce que les hommes doivent faire pour Dieu.

 Dans l'exercice du culte et la pratique de la Religion, tout tend à entretenirces divins Souvenirs, à les réveiller à les fortifier. Sous l'ancienne loi, les cérémonies, les sacrifices, les prières et les chants qui accompagnaient, n'avaient d'autre fin que de rappeler les bienfaits de Dieu, et de préparer les hommes au bienfait infiniment plus grand de la venue du Messie.

 Sous la nouvelle loi, c'est de même : tout se fait en mémoire de Jésus-Christ, et pour perpétuer et exciter de plus en plus le Souvenir de ses mystères, de ses exemples et de ses divins enseignements. Donc, ne pas se nourrir des Souvenirs de la foi, les négliger, c'est aller contre l'esprit, l'essence même de la Religion.

 Une seule fois, le Père Eternel a fait entendre sa voix, et c'est pour nous ordonner à tous d'écouter son Fils bien-aimé, de recevoir avec docilité ses enseignements, de les avoir toujours présents à notre Souvenir, afin d'en faire la règle de toute notre conduite : C'est là, mon Fils bien-aimé en qui j'ai mis toutes mes complaisances; écoutez-le (Matth. XVII, 5).

 Marie n'a laissé qu'une seule parole de commandement, et ce commandement est le même que celui du Père Eternel : Faites tout ce que mon Fils vous dira (Jean, 11, 5), c'est-à-dire, soyez attentifs à ses prescriptions, conservez-les avec soin, exécutez-les avec fidélité.

 C'est aussi le grand exemple qu'elle nous a donné elle-même. Elle conservait un parfait Souvenir de toutes les paroles concernant Jésus ; et, par une méditation continuelles elle les avait toujours présentes dans le, plu s intime de son âme : Cependant Marie conservait le souvenir de toutes ces choses, et elle les méditait dans le fond de soit cœur (Luc, II, 19).

 Souvenirs de foi, Souvenirs absolument nécessaires car, dit saint Paul, sans la loi il est impossible de plaire à Dieu ; et, sans le Souvenir, comment conserver la. foi, qui ne vient que par l'ouïe, par ce qu'on entend? (Rom., x, 17).

 Troisième EXCELLENCE DES SOUVENIRS DE FOI :

leurs puissants effets.

 La foi, dit saint Paul, est le fondement des choses que nous devons espérer, et une pleine conviction de celles que nous ne voyons point (Héb., XI, 1).

 Par ce passage de l'Apôtre et par l'enseignement de l’Eglise, nous savons que la foi, comme vertu théologale, a son siège dans l'entendement, c'est-à-dire, dans l'adhésion pleine, entière, supérieure à toute autre adhésion, que notre raison, aidée de la grâce, donne aux vérités révélées; mais il n'en est pas moins vrai que la foi vit en nous de ses propres Souvenirs; qu'elle ne grandit et ne se développe que par ses Souvenirs, religieusement conservés; religieusement, fréquemment et fortement excités: tellement excités que, selon le mot de saint Paul, ils rendent comme présentes les choses que nous espérons; et comme visibles, celles que nous ne voyons point.

 Oui, ce qui fait la foi vive et efficace, c'est la mémoire et la raison s'unissant ensemble, sous l'action du Saint-Esprit, et s'appliquant de toutes leurs forces, par un Souvenir vivant et ardent des divins oracles et des divines promesses, à les faire, pour ainsi dire, subsister d'avance dans notre âme ; à nous donner des biens à venir une telle vue et un tel désir, à nous inspirer des maux à venir un tel sentiment et une telle crainte, qu'ils agissent sur nos âmes et sur toutes ses puissances, comme si, déjà, nous les avions sous nos yeux, et que nous puissions les toucher de nos mains.

 Ainsi en était-il de Moïse, dont le même Apôtre dit au même Chapitre qu'il demeura ferme et constant, parce qu'il était et agissait avec Dieu, comme s'il eût vu l'invisible (Héb., XI, 27).

 Et de là que s'en suivra-t-il? O puissants effets des Souvenirs de foi! il s'ensuivra 1° que la mémoire, l'esprit, le cœur, l'imagination, toutes les facultés de l'âme, se rempliront si vivement des images et comme de la substance des vérités saintes, des biens célestes, des choses éternelles, qu'il n'y aura plus de place pour les folies de la terre, pour les vanités du monde, pour les pensées et les affections d'orgueil et de sensualité.

 Il s'ensuivra 2° que, devant des vérités si grandes, si capitales et si fortement senties, toute résistance à la grâce deviendra comme impossible. « Telle est, en effet,  dit Saint-Jure, la puissance des vérités de la religion,  qu'elles sont capables de dompter les esprits les plus rebelles, et de briser des cœurs de rocher. » Ce pieux Auteur porte le défi « à l'homme le plus endurci, à la  femme la plus perdue, de résister a la force d'une  seule vérité de la foi, s'ils la connaissaient véritablement. »

 Or, c'est par les Souvenirs de foi, fortement et pieusement rappelés, qu'on arrive à connaître à fond les vérités du salut, et à obtenir qu'elles exercent toute leur puissance sur nos esprits et sur nos volontés.

 Aussi, si vous me demandez : pourquoi les Martyrs ? pourquoi les Solitaires de la Thébaïde ? pourquoi les Vierges chrétiennes ? pourquoi des rois et des reines foulent aux pieds leurs grandeurs, et vont demander asile aux Monastères ? pourquoi tous les dévouements, tous les sacrifices ? Je vous répondrai par un seul mot : SOUVENIRS DE FOI ! Pensées de foi ! Vérités éternelles solidement rappelées ! solidement méditées ! La parole de Dieu, dit saint Paul, est vivante et efficace ; elle est plus perçante qu'une épée à deux tranchants ; elle entre et pénètre jusque dans le repli de l'âme et de l'esprit, jusque dans les jointures et dans les moelles, et elle démêle les pensées et les mouvements du cœur, les plus secrets (Héb., IV, 12). Non, non, rien ne peut résister à la puissance de cette parole, sérieusement écoutée, véritablement comprise et fidèlement conservée.

 David et Jérémie l'avaient dit bien plus tôt : Les paroles de Dieu sont toutes de feu ; elles sont comme le marteau qui brise.

 Mon Dieu ! comment en serait-il autrement, si nous mettons clairement devant nous, par un Souvenir actuel très vif, d'un côté, les biens ineffables du Paradis, et de l'autre, les maux horribles de l'enfer? En présence d'une telle alternative, pour quiconque croit et réfléchit, impossible, ne cessons de le dire et de le redire, oui, impossible que tout le reste, fût-ce le gain ou la perte de tous les royaumes du monde, paraisse autre chose que bagatelle et jeux d'enfants.

 Reste donc cette grande résolution à prendre : J'emploierai toutes les puissances de mon âme, tout ce que pourront, en se concertant, ma mémoire, ma raison et ma foi, pour conserver et raviver, au fond de mon cœur le souvenir des puissantes vérités du salut : étant assuré que là est ma sûreté; là, la force des Vœux et des Règles; là, le principe du courage et du dévouement ; là, tout le secret de la plus héroïque persévérance.

 QUATRIEME EXCELLENCE DES SOUVENIRS DE FOI :

ils donnent à l'âme une occupation toute divine.

 Ce n'est pas seulement quant à l'essence de notre être, au fond de notre nature, dit Bossuet, que Dieu nous a faits à son image et à sa ressemblance (Gen., 1, 26) ; c'est aussi pour que nous lui devinssions semblables, dans nos actions et nos mœurs, par la conformité de nos opérations avec son opération divine. Le devoir de cette ressemblance est tellement la fin et la règle de notre création, que Jésus-Christ lui-même nous enjoint de la porter jusqu'à la perfection, et il l'enjoint par cette parole étonnante : Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait (Matth. V, 48).

 Si donc nous avons été faits à l'image de Dieu par la substance de notre âme, une, simple, spirituelle et immortelle, et par la triple faculté qu'elle a reçue de se souvenir, de comprendre et de vouloir, c'est librement et volontairement, c'est par nos efforts et un travail de chaque jour, que nous devons nous faire à sa ressemblance : usant, selon Dieu, de notre mémoire, de notre entendement et de notre volonté ; appliquant constamment ces trois facultés à l'occupation divine des souvenirs de la foi.

 La mémoire, par sa triple puissance de conserver, de rappeler et de prévoir, est l'image de Dieu le Père, la première Personne de la sainte Trinité : nous devons la former, la développer et nous en servir à la ressemblance de Dieu le Père, Principe vivant et éternel des deux autres Personnes.

 L'Entendement, par sa puissance de connaître, de comparer et de juger, est l'image du Fils, qui est l'Entendement, la Pensée, la Sagesse éternelle du Père : nous devons le former, le développer et nous en servir à la ressemblance de Dieu le Fils, la seconde Personne de la sainte Trinité.

 La Volonté, par sa puissance de vouloir et d'aimer, est l'image du Saint-Esprit, troisième Personne de la sainte Trinité, Volonté éternelle et substantielle du Père et du Fils, leur amour mutuel : nous devons la former, la développer et nous en servir à la ressemblance de Dieu le Saint-Esprit.

 Mais avant d'expliquer davantage cette grande pensée, il est bon de rappeler que toutes nos facultés, la mémoire surtout, sont perfectibles, c'est-à-dire, qu'elles peuvent toujours croître en excellence et en perfection. Ainsi, la mémoire qui, à l'origine, est souvent très lente, très restreinte, très infidèle, devient à la longue, par l'exercice, d'une facilité, d'une étendue et d'une ténacité presque sans mesure. Témoins nos savants, qui, après quelques années de travail, ont un fonds si riche de Souvenirs, en Histoire, en Géographie, en Mathématiques, en diverses sciences et arts.

 Pour eux, la moindre circonstance, un nom, une date un lieu, un objet quelconque dans une collection, est comme une détente à la mémoire de l'esprit, qui réveille, à l'instant, une foule de Souvenirs, et souvent les Souvenirs les plus disparates, des nomenclatures de noms qui semblent impossibles à retenir, tant ils sont barbares. Voilà comment, par le travail et l'application, la mémoire devient, en quelque sorte, un trésor inépuisable de richesses intellectuelles, un réservoir toujours ouvert, où l'entendement va puiser la matière de ses pensées, de ses réflexions et de tous ses raisonnements.

 C'est de même pour le cœur, quand il est longuement et parfaitement formé. La mémoire devient aussi pour lui comme le dépôt des meilleurs Souvenirs : Souvenir paternel, Souvenir maternel, Souvenir filial, Souvenir amical, Souvenir bienfaisant, Souvenir compatissant, Souvenir reconnaissant,en un mot, tous les bons Souvenirs. Qui ne sait que c'est par le souvenir que s'entretient l'amitié, que se perpétue la bienfaisance, que se conservent et se fortifient tous les rapports qui unissent les hommes entre eux ?

 Ajoutez encore les grands, les puissants Souvenirs, ceux qui enfantent les héros et commandent les grandes actions : Souvenirs vertueux, Souvenirs belliqueux, Souvenirs patriotiques, Souvenirs artistiques, et autres grands Souvenirs.

 Voilà un aperçu des services de tous genres que nous rend cette précieuse faculté de la mémoire, lorsqu'elle est bien formée et bien exercée.

 Mais, si elle doit s'étendre et s'agrandir si fort pour recevoir quelques Souvenirs de nos pauvres sciences et affections humaines, ne devra-t-elle pas s'étendre et s'agrandir, pour ainsi dire, jusqu'à l'immensité, pour recevoir les Souvenirs de la foi, qui embrassent et le présent et l'avenir, et le monde visible et l'invisible. et les plus grandes pensées de l'esprit et les plus grands sentiments, du cœur !

 Or, c'est surtout dans cette science suréminente de la foi, que la mémoire devient l'image du Père, et qu'elle doit se former à sa ressemblance. Car, de même que c'est du Père, comme de leur principe, que le Fils et le Saint-Esprit reçoivent la plénitude des perfections divines; de même, c'est dans les Souvenirs de la foi, quand la mémoire en a fait comme un immense réservoir, que l'entendement et la volonté vont, heureusement et facilement, puiser la Lumière et l'Amour, les Connaissances et les Affections, qui doivent les former et les perfectionner en Dieu et selon Dieu ; et, par là même, former et perfectionner l'homme tout entier.

 Je dis l'homme tout entier, et c'est une autre remarque d'une importance infinie ; parce que l'homme, en effet, n'est, pour l'ordinaire, que ce que le font son entendement et sa volonté, c'est-à-dire, ses pensées et ses affections : animal, si elles sont de la chair et des sens, selon cette parole d'Osée : Ils sont devenus abominables, comme les choses qu'ils ont aimées (Osée, IX, 10) ; terrestre, si elles sont de la terre, c'est-à-dire, d'or, d'argent, de biens; céleste, si elles sont du Ciel ; satanique, si elles sont du démon ; DIVIN, si elles sont de Dieu.

 Il y a plus encore, c'est que la volonté et ses affections suivent l'entendement et ses pensées ; suivent, généralement, nos Souvenirs : attendu qu'on ne peut aimer sans connaître, et qu'on aime comme on connaît, ou comme on se souvient.

 De là, comprenons, tout de suite, toute l'excellence et tout le prix des Souvenirs de foi, qui, comme nous J'avons vu, émanant du premier Principe, descendant d'en haut du Père même des lumières, ne peuvent moins faire que d'engendrer la Lumière dans notre entendement et d'allumer dans notre cœur le feu de l'Amour divin ; et de devenir ainsi pour nous une source abondante de sainteté. Les vérités chrétiennes, dit Saint-Jure, sont « des rayons du Verbe divin ; elles participent à sa nature, qui est, non seulement d'être la parole vivante du Père, mais encore le Principe du Saint-Esprit, c'est-à-dire, de la parfaite charité et de toutes les œuvres qu'elle inspire. »

 Il ne faut pas craindre de le répéter, parce que c'est un principe de foi, que tout ce qui émane de Dieu est à la fois Puissance, Lumière et Amour; et que les grâces, les dons excellents qui nous viennent d'en haut, nous étant appliqués dans cette heureuse condition, sont comme la Puissance même du Père à notre mémoire, afin qu'elle mette devant nos yeux les perfections divines, les mystères, les exemples et les enseignements du Verbe Incarné ; sont comme la Lumière du Verbe à notre entendement, pour nous les faire comprendre autant que nous en sommes capables; sont comme la Force et l'Amour du Saint-Esprit à notre volonté, pour nous les faire aimer et nous porter aux actes de vertu qu'ils demandent.

 C'est dans ce sens que les Souvenirs de foi apportent à notre âme une occupation toute divine : l'occupation même de Dieu, qui n'est autre que d'Être, de se Connaître et de se Vouloir ou de s'Aimer.

 C'est dans cette occupation adorable que le Père épuise et satisfait éternellement la puissance infinie de Principe qui est en lui ; que le Fils épuise et satisfait éternellement la Puissance infinie d'entendement et de Connaissance qu'il reçoit du Père ; que le Saint-Esprit épuise et satisfait éternellement la Puissance infinie de Volonté ou d'Amour qu'il reçoit du Père et du Fils.

 Oui, cette occupation adorable suffit pleinement, parfaitement, éternellement, à Dieu, malgré l'infinité absolue de son Etre, sans qu'il en soit jamais distrait ; sans qu'il ait jamais besoin de rien autre; sans qu'il y ait jamais ni plus ni moins, ni augmentation, ni diminution, ni altération ou variation quelconque.

 « Dieu est Celui qui est, dit Bossuet, c'est assez qu'il  soit, tout le reste lui est inutile. Il n'est pas plus grand,  pas plus parfait, pas plus heureux avec tout le monde  avec mille millions de mondes, qu'il ne l'est lui seul.  Quand Dieu a fait le monde, c'est par bonté, non par  besoin. »

 « Si Dieu n'avait rien fait, l'être manquerait aux  choses qu'il n'aurait pas voulu faire, mais rien ne lui  manquerait à lui-même ; parce que, indépendamment  de toutes choses, il est Celui qui est, et qui est tout  ce qu'il faut être, pour être parfaitement heureux et parfaitement parfait. »

 Et cette occupation adorable, qui suffit si pleinement à Dieu, si pleinement au Père, et au Fils et au Saint-Esprit ; cette occupation qui doit être la nôtre pendant toute l'éternité ; une telle occupation, si sublime, si divine, ne nous suffirait pas ! ne nous absorberait pas tout entiers ! nous ferait craindre le dégoût, l'ennui!

 Ah ! M. T. C. F., loin de nous à jamais une si monstrueuse pensée ! Soyons heureux, mille fois heureux, infiniment heureux, d'être appelés à une occupation qui nous fait riches non en or ou en pierreries, mais RICHES EN DIEU : étant remplis de Dieu en notre substance, remplis de Dieu en notre mémoire, remplis de Dieu en notre entendement, remplis de Dieu en notre volonté, remplis de Dieu en notre cœur, remplis de Dieu en nos pensées et en nos affections, remplis de Dieu en tout, remplis de DI eu toujours, remplis de Dieu à la vie et à la mort, remplis de Dieu éternellement, pourvu que nous soyons fidèles et persévérants.

 Occupation merveilleuse, qui nous associe au Père, et au Fils et au Saint-Esprit, et attire en nous ces trois adorables Personnes : Si quelqu'un m'aime, dit Jésus-Christ, il gardera ma parole ; et mon Père l'aimera, et nous viendrons à lui, et nous ferons en lui notre demeure (Jean, XIV, 13)

 Occupation déifiante, qui nous rend participants de la nature divine: C'est par Jésus-Christ, nous dit le Prince des Apôtres, que Dieu nous a donné les grandes et précieuses grâcesqu'il avait promises, pour vous rendre par ces mêmes grâces participants de la nature divine (Il Pierre, I, 4).

 Occupation d'une richesse infinie, qui nous comble de toute la plénitude des dons de Dieu : Le vœu que je forme pour vous, dit saint Paul aux Ephésiens, c'est que vous puissiez connaître la Charité de Jésus-Christ, qui surpasse toute science, afin que vous soyez comblés de toute la plénitude de Dieu (Ephés., III, 19).

 Que ces Passages de la Sainte Ecriture qui confirment, relèvent et expliquent cette grande et divine occupation, nous établissent de plus en plus dans l'estime et l'amour de la vie de foi ; qu'ils nous excitent sans cesse à faire de nouveaux efforts pour nous conserver et avancer dans cette véritable vie des Élus de Dieu. Elle nous est d'autant plus nécessaire que, non seulement nous en avons besoin pour nous-mêmes ; mais que notre état et nos emplois nous obligent encore à élever et à former en Jésus-Christ, à la ressemblance du Père, et du Fils et du Saint-Esprit, les Enfants qui nous sont confiés.

 CINQUIEME EXCELLENCE DES SOUVENIRS DE FOI :

ils combattent, dans un religieux, un défaut très funeste,

 LE GENRE OUBLIEUX ET NEGLIGENT.

 Le Souvenir a, pour effet, pour ennemi, L'OUBLI, qui est l'équivalent de l'ignorance : car oublier c'est avoir su et ne plus se souvenir ; ou, ce qui est pire, avoir su, savoir encore et ne pas vouloir se souvenir, c'est-à-dire, avoir la foi et ne pas s'en servir.

A l'encontre du Souvenir, l'oubli a le triste pouvoir d'éloigner les choses qui nous regardent de plus près et nous intéressent le plus vivement ; d'arrêter toutes les bonnes pensées, d'étouffer les meilleurs sentiments; de rendre nul, ou de nul effet pour nous, ce qu'il y a de plus touchant dans la bienfaisance, dans le dévoue­ment, dans l'affection.

Et de même que le souvenir nous est surtout néces­saire dans les choses de la foi, de même, et par oppo­sition, c'est sur ce point capital que l'oubli est extrêmement funeste. Qui le croirait? Ce que l'aveuglement et l'endurcissement ne peuvent faire dans les gens du monde, l'oubli et la négligence le font, quelquefois, parmi les Religieux : ils rendent impuissantes pour eux des vérités qui ont fait trembler les plus grands saints; qui ont écrasé et converti les plus audacieux pécheurs; qui ont peuplé les déserts et rempli les Mo­nastères. Hélas! il arrive qu'on est obligé de deman­der à un Religieux négligent comment il a pu oublier lui-même les vérités qui l'avaient le plus touché, qui avaient déterminé son entrée en Religion, vérités pour lesquelles il est maintenant si froid, si indifférent.

Et, qu'on le remarque bien, pour arriver à cet état ou les vérités du salut font si peu d'impression, point n'est nécessaire l'oubli complet, la négligence absolue. C'est assez qu'on se contente d'un Souvenir vague, indé­fini, superficiel, des vérités saintes; ce pauvre Souvenir, si voisin de l'oubli, n'en donne que trop les mêmes ré­sultats.

Oh ! le mal et le malheur de l'oubli dans les choses de la foi, il faut le demander à tout ce que nous avons dit, dans les Paragraphes précédents, de l'excellence, de l'importance et des puissants effets des Souvenirs de foi : la bonté de ceux-ci dit la malice de celui-là ; l'avantage des uns dit le malheur de l'autre. Il est évident que plus un Souvenir est bon, nécessaire, plus l'oubli, opposé est mauvais, dangereux, funeste.

 Il y a plus, c'est que tel est le mal ou le malheur de l'oubli que, fut-il même involontaire, il faut encore le craindre, sans mesure : le craindre, parce que, dans l'affaire sicapitale du salut, il ne faut rien risquer ; le craindre, parce que, dans des cas donnés, il pourrait être la cause de malheurs irréparables, comme serait la perte d'une âme, pour quelque oubli essentiel, quoiqu'involontaire, dans la forme ou la matière d'un sacrement, le Baptême, par exemple; le craindre, enfin, et le craindre surtout, parce que, par un simple oubli' sans péché formel, on peut ou, comme David, se mettre dans un grand danger de pécher, ou manquer une occasion importante de salut.

 Oui, M. T. C. F., craignons beaucoup, craignons souverainement le genre oublieux, le genre négligent, craignons-le pour tout :

Pour ce qui tient au corps, à l'extérieur, à la tenue, à l'ordre, au soin des choses; la négligence dans le matériel ne conduit que trop à la négligence dans le spirituel.

 Craignons-le pour l'étude, pour l'instruction et les connaissances qui nous sont propres : quand on néglige la culture de son esprit, de sa mémoire, de ses facultés, pour les sciences de son état, on est bien près de se négliger essentiellement pour tous ses autres devoirs.

 Il est vrai, cependant, que c'est surtout en ce qui tient à la foi, au salut, à l'éternité, qu'il faut combattre, à tout prix, la négligence et l'oubli. Avec nos Vœux et nos Règles, avec les devoirs que nous imposent le soin des Enfants, l'édification des Confrères, la direction de ceux dont nous sommes chargés ; avec toutes nos obligations et toutes nos responsabilités, le genre oublieux, le genre négligent, ne peut conduire qu'à l'abîme ; et le mal qu'il nous cause, en nous faisant sentir de plus en plus l'excellence des souvenirs de foi, doit nous y affectionner sans mesure; surtout si l'on y joint les réflexions pratiques et de détails qui vont suivre.

 V° SOUVENIR. 

On donnera à celui qui a, et il sera dans l'abondance mais pour celui qui n'a point, on lui ôtera même ce qu'il a ou semble avoir (Matth., XIII, 12).

 NECESSITÉ DES ÉTUDES RELIGIEUSES

 Qu'est-ce à dire qu'on donnera à celui qui a, et qu'il sera dans l'abondance? sinon que le Religieux, attentif à nourrir son esprit et son cœur des Souvenirs de la foi, accroît chaque jour son trésor spirituel, ajoute sans cesse au riche fonds de son âme dans les choses du salut.

 Chaque jour, en effet, il se rend plus fidèle à ses études religieuses, à ses lectures spirituelles, à la préparation et à l'enseignement du Catéchisme. Chaque jour, il sait trouver du temps pour approfondir les livres ascétiques, surtout ceux de la Congrégation, pour étudier la vie des Saints, pour avancer dans la connaissance de la religion.

 Chez lui, c'est un travail suivi, quotidien, persévérant, et qui domine tous les autres. Au bout de quelques années, on est tout étonné de voir, comme dans sa mémoire, aussi bien que dans ses notes, abondent les maximes saintes, les  réflexions solides, les sentiments pieux, les sentences remarquables, les traits édifiants, les bons principes, les passages les plus frappants de la Sainte Ecriture et des Pères, tout ce qui constitue une bonne provision, un richefonds de souvenirs de foi.

 Et ne craignez pas qu'il se lasse ou s'arrête jamais dans ses pieuses recherches, c'est tout le contraire : car, telle est l'excellence des choses spirituelles, qu'elles ont ce privilège particulier de rassasier et d'éveiller en même temps la faim;d'étancher et d'allumer en même temps la soif; de faire que, plus nous les goûtons, plus nous en sommes affamés et altérés : Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés (Matth., V, 6) ; et pourtant, ajoute saint Bernard, ils sont toujours plus désireux de s'en nourrir encore.

 Combien cette faim et cette soif des études religieuses ont été grandes dans notre cher Frère défunt ! combien elles ont été ardentes et persévérantes ! Tout usé, tout épuisé, il étudie encore; il ne peut s'empêcher d'avoir entre les mains les livres religieux ; il étudie jusqu'à la fin, et son dernier jour d'études ascétiques est le jour même de sa mort. Ah ! c'est qu'il est impossible à ceux qui ont une fois pénétré dans ce riche filon des connaissances religieuses, de l'abandonner jamais, de s'en détourner même : On donnera à celui qui a, et il sera dans l'abondance.

 Grâce à Dieu, M. T. C. F., je le dis ici, avec une grande satisfaction, il y a lieu de croire que cette parole se vérifie dans un très grand nombre de Frères. Le plus grand nombre, certainement, cherchent, avec foi et piété, à accroître, chaque jour, leurs connaissances religieuses; et tout mon désir, en vous faisant ces réflexions, est de fortifier et de généraliser cette sainte disposition. Du reste, il le faut absolument et je ne puis trop vous y exhorter : car la seconde partie du texte est immanquable comme la première : Mais pour celui qui n'a pas, on lui ôtera même ce qu'il a.

 Oh ! que l'expérience, en effet, vient confirmer douloureusement cet appauvrissement croissant du religieux qui vit comme en dehors des choses de la foi, qui ne les sent que médiocrement, qui ne les croit qu'à peine; et, par suite, n'en garde qu'un demi-souvenir, n'en a que peu ou point de souci !

 Hélas ! dans cette âme légère, où toutes choses prennent place, excepté celles de l'éternité, il se fait un vide incroyable de bonnes pensées, d'images et de goûts pieux. En son esprit tout est vain, tout est pauvre, tout est creux ; et rien ne peut dire avec quelle facilité les idées frivoles, les représentations mondaines, les goûts et les souvenirs dissipants y font invasion.

 Mais ce qu'il y a de plus terrible et de plus dangereux, c'est que, sur cette pente, il est comme impossible de s'arrêter ; comme impossible que le fonds nul ne fasse bientôt place au fonds mauvais. C'est-à-dire, que, très promptement, le vide des bonnes choses donne entrée aux mauvaises; que les imaginations dangereuses succèdent aux imaginations folles; les affections charnelles, aux affections terrestres; le dégoût, aux négligences ; les désirs criminels, aux désirs vains; les fautes réelles, et bientôt les grandes fautes, aux oublis légers. N'est-ce pas, d'ailleurs, comme une nécessité, notre faiblesse étant si extrême, notre corruption si grande, le monde si mauvais, et le démon, avec toute sa malice, si acharné à notre perte !

 Aussi, voyez comme ce Religieux, déjà si pauvre en vertus et en souvenirs de foi, s'appauvrit de plus en plus, perd de plus en plus le goût des études et des lectures saintes, les oublie plus souvent, les fait moins sérieusement, en retire moins de fruits, et se met toujours plus à découvert devant ses ennemis spirituels : le démon, le monde et la chair. À celui qui n'a point, on ôtera même ce qu'il a ou semble avoir.

 Donc, M. T. C. F., et pour Vous-mêmes et pour cette bonne et nombreuse jeunesse dont se remplissent nos Maisons de Noviciat, je ne puis que vous renouveler toutes mes instances et toutes mes recommandations pour les études religieuses. Qu'elles se fassent bien dans toutes vos Maisons; qu'elles vous conservent et vous fassent avancer dans la voie de la Vocation Fervente ; qu'elles y fassent entrer et y conservent tous ces jeunes Frères qui vous sont confiés. Impossible qu'ils persévèrent, s'ils ne sont pris à temps, pris religieusement, toujours élevés et placés dans ce bon milieu de Règle et de Piété dont les Souvenirs de foi sont la plus sûre garantie.

 VI° SOUVENIR.

 L'homme de bien tire de bonnes choses du bon fonds de son cœur, et le méchant homme en tire de mauvaises de son mauvais fonds. Car la, bouche parle de la plénitude du cœur (Luc, VI, 45).

 LE BON FONDS. – LE PAUVRE FONDS

 Pour nous, l'homme de bien est le bon Religieux, le religieux tout affectionné aux choses du salut ; et le bon fonds est le fonds de foi, un riche trésor de Souvenirs spirituels, de pensées saintes, d'affections pieuses, de doctrine chrétienne et religieuse. Or, d'un tel fonds que peut tirer Un tel Religieux, sinon de bonnes, d'excellentes choses et pour lui-même et pour les autres?

 Pour lui-même, c'est évident : il en tirera, chaque jour, de bonnes méditations, de bons examens, de bonnes prières, en un mot, de bons exercices de piété. Il en tirera l'union avec Dieu, dans toutes ses actions, par de fréquentes oraisons jaculatoires, l'amour croissant des choses du salut, un penchant toujours plus prononcé vers le bien. Il en tirera surtout ce bon esprit qui attache à la Vocation, qui fait aimer les Supérieurs, les Confrères et tout son Institut : excellent esprit qui donne, dès ici-bas, le centuple promis au véritable Religieux, et lui assure, dans le siècle futur, le trésor de la vie éternelle.

 Egalement, pour ses Confrères, le Religieux de foi sera toujours un Religieux de charité, de complaisance, de bons services et d'excellents rapports. On est certain d'avance qu'il saura trouver, au besoin, dans le trésor de ses souvenirs spirituels, les saints encouragements, les bons conseils, les charitables avertissements que la véritable amitié ne manque pas de donner. C'est partout et toujours que les Frères, hommes de foi, sont les soutiens des Vocations, les promoteurs de l'esprit religieux, les gardiens de la Règle et de la paix.

 De même, pour les enfants, d'un bon fonds de foi il ne peut sortir que le zèle, le dévouement, les soins assidus, la surveillance attentive, les Catéchismes bien préparés et bien faits : et toujours cette onction spirituelle, ces prières ferventes qui, seules, peuvent donner le succès aux efforts du zèle.

 Oh! quelle riche vie que celle d'un Religieux Instituteur qui s'applique sans cesse à vivre de la foi, et, par une suite nécessaire, à la répandre de son mieux, tout autour de lui ! Il faut le dire, tous travaillent pour lui : Supérieurs, Frères, Confrères et Enfants, familles mêmes, et paroisses entières. Tous font le bien à son profit, et lui rendent ainsi l'édification qu'ils en reçoivent. Mon Dieu! à la fin de sa course, quelle belle, quelle riche, quelleéclatante couronne éternelle il tirera de ce bon fonds de foi, et de toutes les bonnes œuvres qu'il y aura rassemblée ! L'homme de bien tire de bonnes choses du bon fonds de son cœur.

 Après ce tableau si encourageant et si vrai, on a peine, vraiment, à passer au tableau contraire, que présente le Religieux qui vit dans la négligence et l'oubli des choses du salut.

 Sans en faire encore le méchant homme, qui tire de mauvaises choses d'un méchant fonds, que de pauvretés spirituelles s'accumulent dans les pauvres journées, les pauvres semaines et les pauvres années de ce pauvre Frère ! Voyez plutôt, et que votre propre expérience juge s'il y a exagération.

 Chaque jour, pauvre méditation : pas de méthode suivie, pas de sujet préparé, pas même de sujet compris, temps presque complètement perdu. Pour l'examen, c'est moins encore : comment rentrer en soi-même, étudier un défaut dominant, le poursuivre, en triompher, lorsqu'on ne vit que de dissipation? Hélas ! tous les exercices de piété sont à l'avenant. S'il essaie une fois d'y apporter un pou d'attention, dix autres, il les néglige entièrement. C'est un défaut général et de bonnes intentions et de sérieuse attention. Se rappeler la présence de Dieu dans les prières, en suivre le sens, en prendre les sentiments, y garder une grande modestie, les prononcer parfaitement, sont des moyens aussi sûrs que faciles de les bien faire ; mais ils sont comme impossibles à celui qui n'a pas de fonds de foi. Même à la sainte Messe, c'est à peine s'il peut prier, s'il peut se servir de son livre, s'il tire quelque fruit de ce souverain moyen de sanctification.

 Donc, chaque jour, pauvres prières, pauvres exercices, pauvre travail, pauvres actions! Pensant à peine à les offrir à Dieu, ne renouvelant presque jamais son intention, tout est comme sans fruit pour le présent, sans mérite pour l'avenir ; tout est perdu pour l'éternité. Oui, redisons-le, afin de faire réfléchir ceux qui s'oublient et se négligent de la sorte : qu'elle est pauvre ! oh ! qu'elle est pauvre la journée d'un religieux, qui n'a qu'une foi faible et languissante.

 Et la semaine que sera-t-elle ? Chaque semaine, il y a des jours de Confession et de Communion, qui doivent accroître en nous la pureté de la conscience et la ferveur du cœur. Mais le négligent dans les choses de la foi, oublie, la veille, la Communion du lendemain ; il oublie le lendemain, la Communion de la veille; le soir même, il a déjà oublié la Communion du matin. De même pour la Confession, il ne s'en occupe qu'au moment de la faire, et il S'en occupe très superficiellement. C'est ainsi que les sacrements sont reçus à la légère, presque sans préparation, presque sans actions de grâces, avec tiédeur, avec froideur : c'est-à-dire que les plus grands actes de la religion s'accomplissent dans la négligence, et que ces moyens souverains de perfection et de salut, sont rendus comme nuls par cette série non interrompue de tristes oublis.

 Vous le savez comme moi, M. T. C. F., il n'y a que la foi vive, la foi soutenue par la prière, qui puisse faire apprécier comme il convient toute l'excellence des divins sacrements, et en assurer la sainte et fructueuse réception.

 Je ne vais pas plus loin, je n'attaque pas l'année de ce Religieux négligent ; les détails seraient trop nombreux, parce que les oublis de chaque jour, de chaque semaine et d'autres qui Viennent au mois, à l'année, seraient trop prolongés.

 Cependant, je ne puis m'empêcher d'ajouter, pour le bien de tous, une observation importante sur ce que donne à craindre le Religieux négligent, qui vit comme en dehors des choses de la foi : à craindre de la légèreté de ses discours, de sa facilité à murmurer et à se plaindre, du peu d'estime qu'il fait de son état, de la préférence qu'il semble toujours donner et au relâchement et aux Relâchés ; de ses sympathies marquées pour les Confrères infidèles, dont il vante à. tous propos et les prétendus succès et le prétendu contentement ; à craindre des préventions, de cette sorte d'opposition comme instinctive contre les Supérieurs, contre les Règles et la Piété, qui perce, en toute occasion, dans son langage comme dans ses manières.

 C'est aux Frères Directeurs à se tenir constamment en garde contre ces tristes et trop ordinaires résultats de la négligence et de l'oubli dans les choses de la foi ; et à arrêter, par tous les moyens possibles, les tendances que nous signalons ici.

 Si, dès l'origine, elles ne sont pas fortement réprimées, elles ne peuvent que perdre bientôt et le sujet lui-même et la maison qui les subit : car, le négligent, sans être encore absolument méchant, ne sait tirer que de très pauvres choses de son très pauvre fonds. La bouche parle toujours de la plénitude du cœur.

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VII° SOUVENIR.

 Celui  qui  n'est  point  avec  moi  est contre moi ; et celui qui n'amasse point avec moi, dissipe. (Luc, XI, 12).

 LE RELIGIEUX, HOMME DE FOI. – LE RELIGIEUX DISSIPATEUR.

 Il ne faut pas nous lasser, M. T. C. F., d'opposer les tristes effets de l'ignorance et de l'oubli dans les choses de la foi, aux fruits merveilleux qu'apporte à chacun et à tous le Souvenir attentif de ses saints enseignements, Sous ce double rapport, ce nouveau texte de la Sainte Ecriture donne lieu aux plus sérieuses et aux plus solides réflexions.

 Disons, d'abord, que le Religieux, homme de foi, est toujours franchement avec Dieu, franchement avec Jésus-Christ : car il est franchement avec sa Règle, avec sa Vocation, avec ses Emplois, avec ses Supérieurs, avec ses Confrères, avec tout son Institut. Toute sa conduite, intérieure et extérieure, dit à tous et dit partout que rien ne saurait le faire fléchir sur la question de ses devoirs.

 C'est lui qui met sa gloire à défendre la piété, à défendre l'Autorité, à relever la Mission du Frère Instituteur, à plaindre profondément et à déplorer le malheur de ceux qui y sont infidèles.

 Voulez-vous savoir comment il se met à l'abri de cette terrible parole du Divin Maître : Celui qui n'est point avec moi est contre moi ? – Le voici :

 Il apporte une parfaite tenue dans les prières, et une attention persévérante à y répondre toujours, d'une voix ferme et bien articulée ; il se prête au chant de toutes ses forces et selon ses moyens ; il a des manières, un langage, et des façons d'agir toujours conformes aux Règles de son saint Etat ; il est heureux d'en porter les insignes, de les porter avec modestie, selon l'usage établi; il est heureux surtout de se couvrir de sa Croix, d'en exprimer parfaitement le Signe, oui, de faire toujours le Signe de la Croix, dans toute l'étendue, avec toute la gravité, et dans tout l'esprit de foi que demande ce Signe adorable; il est heureux encore d'être des premiers aux exercices d'humilité et de mortification : Coulpe, Direction,Permission pour la Communion, Jeûne du samedi ; heureux de rendre service à tous, principalement au cher Frère Directeur; heureux de donner tous ses soins aux intérêts spirituels et temporels de la Maison, sans invoquer de dispense, sans alléguer que ce n'est pas son affaire : Je le répète, c'est par ses actes simples, faciles, mais droits, mais dignes, mais soutenus, mais persévérants, que le Religieux, homme de foi se déclare constamment pour Notre-Seigneur, et est toujours avec lui et pour lui.

 Qu'on ne demande pas, après cela, si un tel Religieux dissipe : non, non, il ne dissipe pas; il amasse continuellement avec Jésus-Christ. Son seul objectif, à lui, c'est le royaume et la justice de Dieu sa seule politique, c'est de chercher Dieu uniquement de le chercher de toute son âme, de le chercher en tout et avant tout, de compter tout le reste pour rien : Cherchez premièrement le royaume et la justice de Dieu, et toutes ces choses vous seront données par dessus (Matth. VI, 35).

 Adroit négociant du Royaume du Ciel, il va toujours avec SA GRANDE BALANCE et SA GRANDE MESURE : Qu'est-ce que cela pour l'éternité?

 Chez lui, rien n'entre, sans être pesé à cette balance, rien n'est admis, sans être mesuré à cette mesure Il ne se laisse point prendre aux apparences; il ne se paie pas de belles paroles : il est sur le qui-vive, quelques offres brillantes qui lui soient faites, et alors surtout qu'elles paraissent le plus brillantes. Toujours, toujours, sa balance : Qu'est-ce que cela pour l’Eternité? Toujours, toujours sa mesure : Qu'est-ce que cela pour la grande Eternité?

 Dans son Commerce spirituel et divin, il ne dédaigne point les ruses et les secrets des Maîtres dans la partie ; au contraire, il les étudie et s'applique continuellement à les exploiter pour lui-même. Certes, il n'est point ennemi des grandes et fortes Opérations qui doublent, triplent, et quelquefois centuplent ! Avoir spirituel en un moment. Quand Dieu lui présente de ces riches et bonnes affaires, rien ne lui coûte pour les réaliser : Humiliations profondes, soumission héroïque, fortes mortifications, grands sacrifices, abandon de toutes choses, surtout abandon complet du pauvre moi humain. Il est clair qu'il n'arrive pas subitement à ces coups de maîtres; mais il y tend, mais il ne s'en effraie pas; et, dans l'occasion, il en tire toujours le plus qu'il peut : OH ! L'HABILE NÉGOCIANT !

 Dans ce qui précède, si j'ai cherché à réunir les heureux effets et les marques sûres de l'esprit de foi, c'est que je voudrais être bien compris de tous, même de nos plus Jeunes Frères. Déjà, à leur passage dans les Noviciats et à leur première sortie dans les Postes, on voit se dessiner aux marques que je viens d'indiquer, tous ceux dont l'avenir religieux est comme assuré. Alors, il faut caractériser aussi, avec la même netteté, ceux dont on n'espère pas beaucoup.

 On n'espère pas beaucoup, on espère même très peu, s'il y a habitude, des inoccupés devant le Saint Sacrement, des lèvres fermées ou des voix éteintes à la prière, des bouches closes au chant, des dormeurs aux Lectures et aux Instructions; de ceux qui ne savent pas apprendre à faire le Signe de la Croix ; pas plus que des mécontents, ou de ceux qui n'ont pas le temps de prier et d'étudier le Catéchisme: en tous ceux-là, on ne voit rien ou presque rien qui doive, plus tard, les mettre à l'abri de la terrible parole : Celui qui n'est point avec moi, est contre moi.

 Que dire maintenant du Religieux qui, sans ambition pour les grandes richesses de l'éternité, sans faim ni soif du royaume et de la justice de Dieu, manquant d'esprit de foi, vrai dissipateur des dons de Dieu, a la souveraine imprudence, l'extrême lâcheté de glisser sans cesse sur les plus chers intérêts de son âme?

 D'abord, peut-il dire, ce pauvre Religieux, qu'il est avec Dieu, qu'il est avec Notre-Seigneur Jésus-Christ, qu'il n'est pas contre lui : ce Religieux si peu avec sa Règle, expression formelle de la volonté de Dieu ; si peu avec ses Supérieurs, les Représentants directs de Jésus-Christ: ce Religieux, hélas ! beaucoup avec lui-même, beaucoup avec son esprit propre, beaucoup avec sa petite suffisance, presque toujours avec la recherche de ses aises et de ses commodités.

 Peut-on dire, en second lieu, qu'il amasse avec Jésus-Christ, lui qui ne peut lire un livre de piété, se recueillir dans une prière, garder ses sens un moment, faire rien de sérieux dans les choses de la foi ? Non, non, il n'amasse pas, il dissipe; et, on peut le dire, c'est à tout que s'étend cette malheureuse dissipation. Le prodigue dissipa les biens qu'il avait reçus de son père, en vivant luxurieusement ; lui, les dissipe en vivant légèrement.

 Retraites. générales, dissipées, chaque année, après quelques jours, après quelques semaines. Quelquefois après quelques heures, tout est oublié ; ou, si l'on en garde quelque souvenir, c'est un souvenir vague et toujours stérile.

 Fêtes solennelles, Fêtes de Notre-Seigneur, Fêtes de la Sainte Vierge, Fêtes des Saints, Fêtes annuelles, dissipées de même. L'Eglise les a échelonnées de mois en mois, de semaines en semaines,  pour réveiller la piété et la ferveur de ses enfants ; pour rendre, chaque année, le Souvenir des mystères de la Religion et des exemples des Saints plus vivant, plus animé, plus efficace surtout. Eh bien ! toutes ces Fêtes passent comme inaperçues pour notre dissipateur : elles le laissent avec tous ses défauts, toutes ses insensibilités, tous ses oublis habituels. Passent et sont dissipés de même les Neuvaines, les Mois de dévotion, les avis et les exhortations des Supérieurs, leurs lettres, leurs remontrances, les bons exemples des Confrères, tous les moyens de sanctification, dont profite si heureusement le Frère qui vit de la vie de la foi.

 Pauvre dissipateur, pauvre tête en l'air ! pauvre tête fêlée ! qualifications sévères, triviales peut-être; mais, en réalité, trop bien méritées. Ne jette-t-il pas et ses sens et ses facultés comme à tous les vents? surtout, aux quatre vents de la curiosité, de la vanité, de la paresse et de l'indévotion? Quand on lui reproche qu'il est comme un vase fendu, qu'il laisse tout perdre, s'il se plaint de la dureté du langage, il n'y a qu'à le renvoyer au prophète Aggée : Vous avez semé beaucoup, dit-il, et vous avez peu recueilli ; vous avez mangé et vous n'avez point été rassasiés ; vous avez bu, et votre soif n'a point été étanchée ; vous vous êtes couverts d'habits, et vous n'avez point été échauffés ; et celui qui a amassé de l'argent, l'a mis dans un sac percé (Aggée, 1, 6).

 Sac percé, tête fêlée, n'est-ce pas tout un? Certes ! il faut le dire, dans la Vie Religieuse, les semences spirituelles sont d'une abondance inouïe; le pain et le vin eucharistiques sont servis comme à profusion; sous le toit et sous le vêtement de la Religion, on est comme à l'abri de tous les frimas.

 Qu'en coûte-t-il à celui qui veut, qui est vigilant, qui est soigneux, qui est persévérant et courageux, de faire d'abondantes récoltes; de prendre avec fruit la nourriture divine : de se réchauffer sans cesse au foyer de toutes les grâces; d'amasser, en un mot les plus riches trésors spirituels? Rien, presque rien, parce qu'il y a courage et bonne volonté. Mais, c'est précisément ce qui fait le crime du Négligent: de recevoir les mêmes biens que le Fervent, d'avoir les mêmes moyens, et de tout jeter dans un sac percé ; de livrer cette semence spirituelle, si abondante et si précieuse, à tous les oiseaux de proie des distractions; à toute la malice des mauvais esprits, si acharnés à l'enlever ; de ne lui offrir qu'un sol rempli de pierres et de cailloux, c'est-à-dire, un cœur dur et insensible, où elle ne peut grandir, à peine germer ; de l'étouffer, enfin, sous les épines de toutes sortes de pensées mondaines, de préoccupations sensuelles et terrestres.

 Mais, abrégeons, en disant que le Religieux qui n'est pas avec Jésus-Christ, qui n'amasse pas avec lui, dissipe son temps ou il le perd, ou il l'emploie mal ; dissipe son âme n'y a que pensées et affections vaines; dissipe ses sens : il les livre sans cesse à la curiosité ; dissipe toute une Communauté : il y est une occasion perpétuelle d'infractions ; dissipe tout l'avenir de ses Enfants : leur Instruction et leur Education sont manquées; dissipe ses exercices de piété, ses confessions, ses Communions : tout est fait négligemment et sans fruit ; dissipe sa vie entière – à la mort, il aura beaucoup travaillé et n'aura rien gagné Je dis à la mort ; mais à la mort en Religion, y arrivera-t-il? Non, dit le Père Champagnat : car il ne vit pas en religieux, et qui ne vit pas en Religieux, ne mourra pas en Religion. Bien avant, il aura dissipé sa Vocation, son Noviciat, ses premiers Vœux, ses seconds Vœux, sa Stabilité peut-être. Qui ne craindra une si épouvantable dissipation? Celui qui n'est point avec moi est contre moi ; et celui qui n'amasse point avec moi dissipe.

 VIII°SOUVENIR.

 PARABOLE DES CONVIÉS, OU LES TROIS CONCUPISCENCES :

OBSTACLES AUX SOUVENIRS DE FOI.

 Un homme, dit Jésus-Christ, fit un jour un grand souper auquel il invita plusieurs personnes. A l'heure du souper, il envoya son serviteur dire aux conviés de venir, parce que tout était prêt ; mais tous, comme de concert, commencèrent à s'excuser (Luc, XIV). Dans ces excuses des invités, nous trouvons les trois grands obstacles aux souvenirs de foi.

 En effet, ce qui empêche de regarder en haut et de penser au Ciel, ce qui colle à la terre et aux choses présentes, ce qui rend comme impossibles toute vue surnaturelle, tout souvenir de foi, c'est l'air épais, c'est l'atmosphère lourde, ce sont toutes les vapeurs grossières que forme, autour des mondains, la triple concupiscence des honneurs, des richesses et des plaisirs; et, pour nous-mêmes, Religieux, c'est la part que nous avons à cette triple concupiscence, jusque dans l'enceinte de nos Couvents. Etudions-la dans le triple refus que rencontre le serviteur du Père de famille.

 Le premier Convié dit: J'ai acheté  une maison de campagne, il faut nécessairement que j'aille la voir ; je vous prie de m'excuser (Luc, XIV, 18).

 L'homme aux honneurs refuse d'aller au souper du Père de famille, parce qu'il a sa maison de campagne à visiter ; il a ses dignités qui l'enivrent, ses affaires qui l'absorbent, ses fêtes mondaines qui l'enchaînent. Comment ! avec tant de choses, penser à la mort, au jugement, au Ciel, à l'enfer, à l'éternité ! Comment accepter d'aller au grand souper de Dieu, au Banquet eucharistique, au bain de la Pénitence où se retrouve la robe nuptiale, au festin de la parole de Dieu, qui est le pain spirituel dont se nourrissent ses enfants? Ah ! dit-il, je vous prie de m'excuser, il faut nécessairement que j'aille voir ma maison de campagne, la voir seulement, la voir en passant; et, pour cela, oubli complet de la Cité permanente, de la splendide et éternelle habitation du Paradis … Quelle folie ! disons-nous, quelle extravagance c'est la folle de tous ceux que travaille l'orgueil de la vie ; qui se paient des futiles honneurs de ce monde et espèrent s'en nourrir : exactement, la folie et le malheur d'un homme qui irait, sur quelque haute montagne, humer le vent et respirer la fumée, pour apaiser une faim dévorante.

 Mais, c'est également la folie et le malheur, même en religion, de quiconque se livre à son orgueil ; et, plein de lui-même, se complaît en son prétendu mérite ; se fait hautain avec ses Frères, arrogant avec son Directeur, suffisant avec tous ; qui ne sait répondre que par des paroles blessantes, par des demi-mots pleins d'humeur, et, quelquefois, par un silence plus mauvais encore. Pour un tel Religieux, pas de lumière surnaturelle possible ; pas d'onction de la grâce : entre lui et Dieu, il y a un abîme, l'abîme de l'orgueil, qui est le premier et le plus grand obstacle aux Souvenirsde foi ; le capital ennemi contre lequel nous devons faire réagir ces puissants souvenirs : arrachant, par la foi et la prière, de notre mémoire, de notre esprit et de notre cœur, tout ce qui peut entretenir ce malheureux orgueil.

 Le second Convié dit : J'ai acheté cinq paires de bœufs je vais les éprouver; je vous prie de m'excuser (Luc, XIV, 19).

 On voit ici l'homme aux gros domaines, l'homme aux richesses et au bien-être qui accompagne. C'est celui dont il est dit au livre du Deutéronome : Mon bien-aimé s'est engraissé et s'est révolté : appesanti par la bonne chère, rassasié à l'excès, tout bouffi d'embonpoint, il a abandonné Dieu son créateur, et s'est éloigné de Dieu son salut (Deut., XXII, 15).

 Concupiscence des yeux, amour des richesses, amour du bien-être, second obstacle aux Souvenirs de foi. L'homme animal, dit saint Paul, n'est point capable des choses qui sont de l'esprit de Dieu ; elles lui paraissent une folie, et il ne peut les comprendre (ICor., II, 14).

 Il ne comprend rien au-delà de ce qui se touche, de ce qui se sent, de ce qui se goûte, de ce qui se voit, de ce qui s'entend, c'est-à-dire, qu'il est tout entier perdu dans les sens, dans la matière, dans ce monde visible et périssable; et qu'il s'y attache uniquement, oubliant le monde invisible et éternel pour lequel seul il est fait.

 Il s'attache, dit saint Bernard, à la paille et au fumier de ses richesses grossières, de ses contentements sensuels ; et il néglige son froment et son or, c'est-à-dire, son âme et son salut.

 Le Premier espère se satisfaire, se rassasier, en se remplissant de vent et de fumée ; et le Second, en se rassasiant de viande et de vin, en reposant son âme, toute matérialisée, dans l'abondance des provisions dont regorgent ses greniers et ses celliers. L'insensé ! iloublie que cette nuit même on va lui demander son âme, sans qu'il puisse même savoir où ira tout ce qu'il a amassé.

 Mais, pour nous Religieux, qui échappons à la concupiscence des yeux par la pauvreté volontaire, quel danger nous reste-t-il encore d'étouffer la parole de Dieu, par de vaines attaches ; de mettre obstacle aux Souvenirs de foi, par des liens de chair et de sang? Oh ! la misère humaine est si grande, le péché a jeté en nous de si profondes racines, que, lors même qu'il semble frappé à mort dans ce qui est son principal aliment, il reprend encore vie en nous sur une foule de petites choses.

 C'est l'attache excessive et déréglée à la science, à cette science qui enfle et qui ne sait rien édifier. On la poursuit par vaine gloire, on la poursuit en dehors et au détriment de la science religieuse ; on y apporte des vues secrètes d'intérêt personnel. Pour y avancer davantage, on néglige son emploi, on mutile ou on précipite ses exercices de piété : d'où résultent pour l'âme les inquiétudes, les préoccupations, qui ferment l'entrée aux lumières divines, ou les étouffent ensuite.

 C'est encore une attache démesurée et pleine d'inquiétude pour les parents, pour la famille, pour le pays. On y pense, on en parle, on veut les visiter, on s'en occupe à tout propos. Ce qu'on en apprend d'heureux, exalte outre mesure ; et ce qui en revient de désagréable, agite encore davantage. Autre grand empêchement à la liberté d'esprit, au dégagement du cœur, nécessaire pour bien pénétrer les vérités saintes, s'y affectionner, et en garder un profond et salutaire souvenir.

 Une troisième attache, plus funeste encore, serait l'attache au pou de bien qu'on peut avoir dans le monde même après avoir renoncé à s'en servir soi-même. En soi, la nue-propriété que laissent les Vœux, est une propriété stérile qui ne peut et ne doit tourner à aucun usage personnel ; et, néanmoins, il s'en trouve qui, pour la conserver, pour l'administrer, pour en disposer, passent par toutes les inquiétudes et par toutes les préoccupations des gens du monde. N'espérez pas qu'un religieux intéressé, un Religieux propriétaire, soit jamais un homme de foi.

 Si, à ces attaches principales, on ajoute une recherche trop inquiète de ses aises et de ses commodités un soin excessif de la santé, l'amour du bien-être et du repos, un fonds de paresse et de lâcheté, un fonds d'amour-propre et de sensualité, quelque commencement d'affection trop naturelle, ou pour les Confrères ou pour les Enfants, quelque complaisance trop grande dans certains objets, même permis, on comprendra combien le Religieux lui-même doit faire, jusqu'à la mort une guerre acharnée à la concupiscence des yeux, doit se détacher de soi-même et de tout, pour avoir ce cœur pur, dont parle l’auteur de l'Imitation, qui pénètre jusque dans le Ciel et dans les enfers; cet œil perçant de la foi, dont le saint Curé d'Ars disait qu'il plonge jusque dans les profondeurs de l'éternité. Tâchons, tâchons, par tous les moyens possibles, d'arriver à ce parfait et universel dégagement des choses de la terre, afin de laisser le champ complètement libre et parfaitement préparé pour les semences divines de la foi.

 Troisième obstacle aux Souvenirs de foi, la concupiscence de la chair. Un autre dit : J'ai épousé une femme, ainsi je ne puis y aller (V. 20.). Ce dernier ne demande point excuse, il dit nettement : Je ne puis pas ; ille donne même comme une chose évidente et qui va de soi. Hélas ! telles sont, en effet, pour l'ordinaire, les préoccupations de famille et de ménage ; telles sont, dit saint Paul, les tribulations inhérentes à l'état, que le soin des choses surnaturelles paraît souvent comme impossible à plusieurs.

 Grâce à Dieu, nous sommes affranchis de cet esclavage ; nous avons le bonheur de posséder la glorieuse liberté, la sainte indépendance que donne le renoncement aux plaisirs de la chair ; mais quel serait l'épouvantable malheur du Religieux qui, affranchi par son choix de ces liens naturels, irait reprendre d'autres chaînes?

 Ah ! c'est là proprement que viennent s'éteindre toutes les lumières surnaturelles de la foi, et se perdre ses Souvenirs les plus précieux : Dieu nous préserve d'un tel malheur ! Gardons toujours notre cœur très pur, afin qu'il puisse voir Dieu en liberté ; gardons nos corps très chastes, nos mains, nos yeux, tous nos sens, très innocents, afin de pouvoir communiquer dignement avec l'Auteur même de toute pureté, et nous nourrir de sa chair et de son sang.

 Nous avons quitté la terre d'Egypte, avec ses ténèbres épaisses, avec ses plaies affreuses; nous sommes entrés dans la terre promise de la Vie Religieuse: marchons-y, avec courage et constance, toujours guidés par la colonne lumineuse de la foi, toujours soutenus par ses immortelles espérances, toujours enflammés du pur amour et du saint courage qu'elle inspire.

 IX° SOUVENIR.

 Journée du Chrétien.

 Vous trouverez inscrits, en tête de la nouvelle Edition du Petit Office de la Sainte Vierge, les dix-huit grands Souvenirs ou Devoirs de tout Chrétien en ce monde. Ces Souvenirs et ces Devoirs, je veux que vous les retrouviez aussi à la fin de cette Instruction sur les Souvenirs de foi, comme la résumant en quelques mots

 CHRÉTIEN

 Souviens-toi que tu as aujourd'hui

 Un Dieu à glorifier. Jésus-Christ à imiter.

 Marie et les Saints à prier.

Les saints Anges à honorer.

Ton âme à sauver.

Ton corps à mortifier.

Des vertus à pratiquer.

Tes péchés à expier.

 Le paradis à gagner.

L'enfer à éviter. L'éternité à méditer.

Le temps à ménager. Le prochain à édifier.

Le monde à appréhender.

 Le démon à combattre.

Tes passions à abattre.

Peut-être la mort à souffrir

Et le jugement à subir.

 Telle est la journée pratique de tout chrétien,  dix-huit  Devoirs, dont l'obligation est ACTUELLE : Aujourd'hui, non demain ; PERPÉTUELLE, aujourd'hui, toujours; UNIVERSELLE  pour le Religieux et le Séculier, pour le Prêtre et le simple Fidèle, pour quiconque est et veut être Chrétien ; CAPITALE : il y va d'un bonheur ou d'un malheur éternel.

 Plaise à Dieu que nous comprenions tous l'importance infinie de ces grands souvenirs; et que, les retrouvant, deux fois le jour, à l'ouverture de notre Livre d'Office, ils nous saisissent toujours avec plus de force, et nous avertissent efficacement de bien prier, afin d'assurer notre salut, par une sainte vie.

 Dans ces dix-huit lignes, si courtes, si simples, que de science ! que de doctrine ! que de richesses ! que de grandeur ! Devant cette science des Saints, toutes les sciences humaines ne sont absolument rien ; et, si elles devaient diminuer en rien les merveilleux effets de la première, elles seraient un souverain malheur.

 Remercions donc Dieu, M. T. C. F., bénissons-le mille fois de nous révéler ces secrets. Dans l'ardent amour que Notre-Seigneur avait pour ses Apôtres et ses Disciples, il tressaillait de joie et bénissait son Père, avec transport, de ce qu'il les avait enrichis de cette science suréminente du salut – A l'heure même dit saint Luc, il tressaillit de joie par un mouvement du Saint-Esprit, et il dit : Je vous bénis, Mon Père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que vous avez caché ces choses aux sages et aux savants, et que vous les avez révélées aux petits. Oui, Mon Père; car il vous a plu que cela fût ainsi (Luc, X, 21).

 Reprenons le mot du divin Maître, et disons nous-mêmes: « Oui, mon Dieu ! soyez béni, béni mille fois, de m'avoir enseigné ces vérités, de m'en donner l'estime et l'amour, et de me les faire préférer à toutes les connaissances mondaines »

 Nous avons d'autant plus à remercier Dieu de cet incomparable bonheur, qu'en nous le faisant partager avec les simples fidèles, il y ajoute encore deux grandes grâces :

 La première, c'est qu'il nous appelle, comme religieux, à glorifier Dieu plus parfaitement, à imiter Jésus-Christ de plus près, à nous sauver, en un mot, avec une plus grande perfection, c'est-à-dire, à joindre la pratique des Conseils à celle des Commandements.

 La seconde, c'est qu'il nous confie, comme Instituteurs la glorieuse Mission de transmettre à tous nos enfants ces secrets du salut, de les en instruire, chaque jour et toute notre vie.

 Quelles faveurs ! M. T. C. F., quelle miséricorde ! Pour un léger accroissement de devoirs, et encore la pratique des Conseils ne fait qu'alléger celle des Commandements ; pour quelque accroissement de peine, et encore, que sont nos peines devant celles des pécheurs et des mondains ? pour si pou de chose : ici-bas, le centuple de grâces et de mérites; et, dans l'éternité, un accroissement sans mesure de bonheur et de gloire ! Celui qui fera et enseignera, dit Jésus-Christ, celui-là sera estimé grand dans le royaume du ciel (Matth. V, 19).

 CONCLUSION.

 Il est rapporté que nos anciens Guerriers, quand ils devaient aller au combat, s'assemblaient autour d'un monument élevé à la mémoire de leurs Ancêtres et des héros morts pour la patrie. Là, après avoir déposé leurs armes sur la tombe des Braves, ils rappelaient avec emphase leurs hauts faits d'armes, s'enthousiasmaient au récit de leurs victoires, et juraient de vaincre ou de mourir pour la gloire et le salut de la patrie. On dit même que plusieurs aiguisaient, sur le marbre de ces tombeaux, leurs terribles coutelas; et qu'alors, tout pleins de ces souvenirs guerriers, ils volaient au combat comme des lions.

 C'est à ce courage héroïque que le grand Apôtre nous convie, aux Chapitres XI et XII de son Epître aux Hébreux, dans le combat contre les vices et la conquête de la Vie éternelle.

 Après avoir posé la foi comme le fondement de nos espérances et la condition essentielle du salut, il fait passer devant nous, en un tableau admirable, toutes les merveilles de courage héroïque, de vertus éminentes de patience invincible, qui ont illustré la vie des héros de la foi.

 Et de là, il tire cette généreuse CONCLUSION : « Puis donc que nous sommes environnés d'une si grande nuée de témoins, dégageons-nous de tout ce qui nous appesantit et des liens du péché qui nous serrent, et courons par la patience dans cette carrière qui nous est ouverte, et que tant de Saints ont parcourue, avant nous, avec tant de courage et de constance.

 C'est à cette même pensée que faisait appel le grand saint Augustin, en s'apostrophant ainsi lui-même : Est-ce que je ne pourrai pas ce qu'ont pu et ceux-ci et  celles-là? Quoi ! dit-il à son ami Alypius, les Simples,  les Ignorants, les Enfants ravissent le ciel ! et nous,  avec toute notre science, nous nous damnerions? »

 Tant est puissant ce motif de l'exemple des Saints, que saint Paul y revient encore au chapitre XIII de la même Epître : Souvenez-vous de vos pasteurs, qui, vous ont prêché la parole de Dieu ; et, considérant quelle a été la fin de leur vie, imitez leur foi (Héb., XIII, 7).

 Donc, que la première Conclusion de toutes ces réflexions sur les Souvenirs de foi, soit d'étudier et de méditer la vie des Saints; de nous animer sans cesse par l'exemple de leurs vertus, par la constance et la grandeur de leur courage. Nous aspirons à faire société avec eux pendant toute l'éternité : il faut la commencer dès ici-bas, en nous inspirant de leurs pensées et de leurs sentiments, en prenant leur esprit et leur langage, en modelant nos actions sur les leurs. C'est, en même temps, et le fruit excellent des Souvenirs de foi, et le moyen infaillible de les entretenir. Comment pourrait espérer d'entrer en société avec les Saints, après la mort, celui qui leur serait resté étranger, toute sa vie? La vie est le Noviciat du Ciel: au Ciel, on ne fera que continuer avec une perfection incomparable et un souverain bonheur, ce que le noviciat aura commencé, sur la terre, avec effort et générosité.

 Pour seconde Conclusion, guerre sans relâche à la négligence et à l'oubli, dans les choses de la foi. L'oubli, si funeste en tout, est d'un malheur infini, quand il s'agit de Dieu et de l’Eternité.

 Avec quelle force, quelle énergie ne le combattons-nous pas, en nous-mêmes et dans les Enfants, pour les pauvres sciences que nous avons à apprendre ou à enseigner !

 Que de peines, que d'efforts, pour confier à notre mémoire un peu d'histoire, un peu de calcul, quelques règles de langage, quelques notions de science, des noms de villes, de pays, de cours d'eau, et autres connaissances, dont tout l'avantage est concentré dans l'espace si court de cette pauvre vie !

 Avec nos Enfants, pour leur faire arriver un peu de cette pauvre science, nous disons et redisons cent fois les mêmes choses; nous les tournons et retournons dans tous les sens, nous nous aidons de toute espèce de comparaisons, de similitudes, d'analogies; enfin, nous sommes à la recherche des meilleures méthodes, des meilleurs moyens d'obtenir d'eux quelque progrès; et, si quelqu'un croit avoir trouvé quelque secret nouveau d'y mieux réussir, il ne peut assez s'en applaudir, et tous les autres s'empressent de le lui demander.

 Ah ! M. T. C. F., quelle leçon nous avons à prendre, au profit de la SCIENCE ÉTERNELLE des Saints, de ces efforts presque surhumains que nous faisons tous pour nos pauvres sciences du temps ! C'est la leçon que Jésus-Christ veut nous donner lui-même dans la parabole de l'Econome infidèle, lorsqu'il nous avertit que les enfants de ce siècle sont plus habiles dans la conduite de leurs affaires que les enfants de lumière (Luc, XVI, 8).

 Profitons-en tous; et, en nous rendant habiles dans les connaissances de notre état : je ne le défends pas, je le recommande au contraire; et Dieu le veut de chacun, dans toute la mesure des moyens qu'il lui a donnés ; mais, je le répète, en nous rendant habiles dans ces connaissances profanes et passagères, ayons surtout à cœur, souverainement à cœur, de nous rendre habiles, d'exceller même dans la SCIENCE DE LA FOI, dans la connaissance de Dieu et de Jésus-Christ son Fils; car, dit Jésus-Christ lui-même, en parlant à son Père: La vie éternelle consiste à vous connaître, vous qui êtes le seul Dieu véritable et Jésus-Christ que vous avez envoyé (Jean XVII, 3).

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 Nous avons à nous réjouir et à bénir Dieu des nombreuses demandes que la Circulaire du 25 janvier dernier a provoquées pour les Missions de l'Océanie, celle en particulier de la Nouvelle-Calédonie : comme je l'espérais, je n'ai eu, en effet, que l'embarras du choix.

 Que Dieu fortifie parmi nous cet esprit de zèle et de dévouement, qu'il daigne l'étendre de plus en plus, afin que nous puissions répondre à tant de besoins qui nous sont exposés chaque jour.

 Pour l'école de Nouméa, notre choix s'est arrêté sur le cher Frère Louis-Antonio, de la Province de l'Hermitage, Directeur ; le cher Frère Henricus, de la Province de Saint-Paul-Trois-Châteaux, sous-directeur ; le cher Frère Théobald, de la Province du Nord, et le cher Frère Félix, de la Province de Saint-Genis-Laval.

 Le départ de ces Frères a ou lieu le 5 mai, à bord du bâtiment le Calvados, partant de Brest. Nous avons appris avec bonheur qu'ils ont un aumônier à bord, et que M. le Capitaine de Frégate, commandant le Calvados, se montre plein de bienveillance pour eux.

 Ils ont même eu la consolation, avant de quitter le port, de recevoir, par dépêche télégraphique, la Bénédiction de Mgr Vitte, évêque d'Anastasiopolis, Vicaire Apostolique de la Nouvelle-Calédonie, sacré à N.-D. de Verdelais, la veille, 4 mai. Sa Grandeur a ou pour eux une attention, pleine de foi et de piété, autant que de délicatesse et d'affection. Les bons Frères en ont été profondément touchés et encouragés.

 La cérémonie d'adieu s'est faite à la Maison-Mère, le 27 avril, dimanche du Bon Pasteur, avec une piété, une édification et une charité vraiment touchantes.

 La veille, au soir, il y avait eu un Salut spécial pour recommander à Dieu cette fondation nouvelle et attirer ses bénédictions sur les Frères qui doivent en être chargés. Le Dimanche, la grand-messe, chantée par le R. P. Poupinel, chargé lui-même des Missions de l'Océanie et si dévoué à cette Œuvre, a été à l'intention des bons Frères. A la suite, vers onze heures, il leur a adressé un excellent petit mot, tout propre à les encourager et à les diriger dans la carrière nouvelle, où les appelle la divine Providence.

 Le soir, après Vêpres, la Communauté s'étant réunie, l'accolade fraternelle a été donnée à nos chers Frères Missionnaires, par tous les Frères et novices de la Maison-Mère.

 Avant la cérémonie, on a rappelé à la Communauté tout ce qu'il y a de providentiel dans la Fondation de cette Ecole ; de providentiel à Nouméa, pour en préparer la création; de providentiel au Ministère de la Marine, pour déterminer le choix de nos Frères.

 Il faut le dire, c'est dès 1851 que Dieu disposait toutes choses pour nous appeler à cette Mission. Il est bon de faire remarquer ici cette action miséricordieuse de la Providence, action si longtemps cachée et maintenant si évidente. Elle nous montre, une fois de plus, que Dieu va toujours à ses fins, avec force et suavité; et que nous ne pouvons trop nous abandonner à sa conduite et la seconder, alors même que nous n'en connaissons ni le secret ni le but.

 Donc, en 1851, Dieu voulut que, dans la difficile affaire de la reconnaissance légale de l'Institut, un homme excellent, plus distingué encore par ses vertus et ses rares talents, que par sa position sociale et ses hautes fonctions, M. le comte Benoist d'Azy, fût notre protecteur le plus dévoué, le plus actif et le plus influent.

 Depuis cette époque, M. le comte, avec sa nombreuse et si respectable famille, n'a point cessé de nous porter le plus vif intérêt, de nous être utile en toute occasion, et de soutenir en particulier nos Maisons de Decize, de Saint-Bénin-d'Azy, de Bessèges, de Roche-Sadoule et autres.

 Or, la même Providence qui nous avait ménagé ce puissant et religieux protecteur, a voulu qu'un de ses fils, M. le baron Benoist d'Azy, fût chargé de la direction des Colonies au Ministère de la Marine, au moment même où la Fondation de Nouméa était demandée

 Naturellement, les Frères de Ploërmel, seuls connus de Monsieur le Gouverneur, et occupant déjà notre possession de Tahiti[1], devaient être proposés et demandés par lui à M. le Ministre. C'est donc à M. le baron Benoist d'Azy, le seul à la marine, qui connût notre Œuvre, qu'est dû un autre choix ; qu'est due surtout la considération spéciale qui l'a déterminé : considération répondant si bien au but, à l'esprit primitif et à tout le passé de la Congrégation des Petits Frères de Marie.

 « Le service du culte, dit Son Excellence, étant assuré à la Nouvelle-Calédonie, par la Congrégation  des Pères Maristes, il me paraît naturel que l'éducation de la jeunesse du pays soit confiée à des religieux  qui ont, avec cette Congrégation, une communauté  d'origine et d'excellents rapports. »

 Qui pourrait, dans cet ensemble de faits et de circonstances, ne pas voir l'action, toute paternelle de la divine Providence sur l'Institut, une assistance toute spéciale de la Bonne Mère, qui veut resserrer de plus en  plus, entre tous ses Enfants, avec les liens d'origine, les liens du zèle, de la charité et d'un mutuel dévouement ?

 C'est ce qui m'amène encore à relater ici, avec quelques détails, une circonstance particulière qui a marqué notre cérémonie d'adieu : elle me paraît également toute providentielle.

 C'est une Image ou pieux Souvenir donné, sur leur demande, à chacun des Frères de Nouméa, avec une sentence et quelques réflexions particulières à chacun.

 Au cher Frère Directeur d'abord.

 Sa sentence, à lui, fut tirée de l'Evangile du jour : Le bon Pasteur donne sa vie pour ses brebis (J., X, 11).

 « Voilà, mon cher Frère, lui dis-je, en lui remettant son image, voilà, en un seul mot, l'abrégé de tous vos devoirs de Directeur, et envers vos Frères, et envers vos Enfants: donner votre vie pour eux ; l'employer, l'user, la consumer à procurer leur bien, à sanctifier leurs âmes, à les sauver, à quelque prix  que ce soit ; pousser même la charité et le dévouement s'il le fallait, jusqu'à donner votre sang, pour ceux que la Providence et l'obéissance vous confient. »

 « Mais, mon cher Frère, la fonction ordinaire et journalière du bon Pasteur, c'est de garder ses brebis,  de les défendre, de les conduire à de bons pâturages, de les nourrir et de les entretenir convenablement. Il donne sa vie pour elles, non en répandant son sang ;  mais en offrant ses prières à Dieu pour leur salut, en multipliant ses soins, en se donnant et se dépensant chaque jour, avec un zèle et un dévouement  qui ne se lassent jamais. Or, savez-vous ce que demande l'accomplissement de cette tâche, ce qu'elle demande de vous et de tous (car c'est la tâche  spéciale de tout Directeur), elle demande surtout quatre choses ou le maintien constant et énergique  de QUATRE PRINCIPES, qui sont la base essentielle  de toute maison religieuse : la piété ! la régularité !  l'union ! le zèle ! Piété envers Dieu, régularité envers l'Institut, union entre les Frères, zèle pour les  enfants. »

 « Ces quatre principes, mon cher Frère, vous les trouverez inscrits sur l'image que je vous donne ; je vous en confie la conservation et le soin ; je les confie, devant Dieu et devant la Communauté,  à toute votre foi et à tout votre dévouement.  Puissent toutes nos maisons les prendre pour appui  et pour règle, et faire, si bien, que jamais aucune de ces quatre bases ne vienne à manquer ou à  faiblir. »

 Vint ensuite la part du cher Frère Sous-Directeur

  Votre sentence à vous, cher Frère Sous-Directeur,  va de soi. La tâche, à la fois si douce et si importante de maintenir dans l'Etablissement la piété, la régularité, l'union et le zèle, vous la partagez avec  le cher Frère Directeur. Vous lui êtes donné, et vous êtes pour tous, un aide, un soutien, un suppléant au besoin. Soyez donc l'homme des bons services, des bons conseils et des charitables avertissements.

 « Que votre devise, à vous, soit ce mot de la Sainte Ecriture : Dieu a fait un commandement à chacun,  d'aider son frère dans le besoin (Eccl., XVII, 12).

  Sur votre Image, vous aurez une autre sentence  du plus grand prix. Le pieux Fondateur l'a recueillie  des Pères de l'Eglise et des Maîtres de la vie spirituelle. Le cher Frère Jean-Baptiste, lui, l'a recueillie du pieux Fondateur, l'a inscrite dans sa vie; et moi, comme son successeur immédiat, après le T. R. F.  François, je vous la donne, de la part de Dieu, à vous  et à vos Confrères, comme un des premiers exercices de la vraie charité : Se garder les uns les autres en Jésus- Christ ! »

 Ici, M. T. C. F., je rappelle à tous une affirmation très positive et très souvent répétée du cher Frère Jean-Baptiste, défunt ; c'est que, dans sa pensée, un de nos plus grands défauts, celui qui expose le plus l'Institut, c'est le manque de charité : non cette charité qui oblige qui soulage, qui cherche à faire plaisir et à contenter mais la charité qui avertit un confrère, en toute franchise et amitié ; qui l'avertit à temps, qui l'avertit efficacement, et, au besoin, avertit les premiers Supérieurs.

 « Non, disait le défunt, on ne se garde pas assez les  uns les autres en Jésus-Christ, On ne sait pas assez  se donner, les uns aux autres, la plus grande et la  plus nécessaire marque d'une véritable et courageuse amitié : l'avertissement fraternel. »

  Allons, cher Frère Sous-Directeur, de Nouméa,  ajoutai-je, soyez, dans cette Maison, l'homme de la  parfaite charité. »

 Vint le troisième Frère.

 « Et vous, dis-je au cher Frère Théobald, quelle  devise dois-je vous donner? Quelle tâche spéciale va être la vôtre, pour le bien de cet Etablissement lointain? Vous l'ignorez ; et pourtant, c'est vous-même  qui l'avez choisie : car je vous la donne sur un excellent mot que vous m'avez dit, il n'y a pas longtemps. »

 Là-dessus, à la confusion du bon Frère qui, me dit-il après, ne savait où se cacher, je me mets à raconter tout haut notre entrevue dans l'Etablissement de Lille-Esquermes, au mois de février dernier. C'est cette entrevue, en effet, qui a déterminé, encore tout providentiellement, le choix du cher Frère Théobald. Voici par quelles questions il fut amené :

Mon cher Frère, êtes-vous content à Esquermes. Très content, mon Révérend, parce qu'on y est très régulier. – Vous aimez donc les Maisons régulières? – Beaucoup, mon Révérend, je ne me plais que là. C'est très bien, mon cher Frère, et je souhaite que tous cherchent là leur contentement, et ne le cherchent que là. – Ne m'avez-vous pas demandé à aller en Nouvelle-Calédonie? – Oui, mon Révérend, je vous l'ai demandé, et je vous le demande encore, avec instance. – Eh bien ! c'est fait, dès ce moment, je vous choisis et vous désigne pour cette Mission. Vous irez, à Nouméa, aider de votre mieux, au parfait accomplissement de la Règle.

 Cette petite violence ainsi faite à la modestie du bon Frère, je lui remis son image et sa sentence, avec la pratique en rapport : L'homme obéissant racontera la victoire (Prov., XIX, 28), et au-dessous: Constante fidélité à la Règle.

 Enfin, arrive le tour du quatrième Frère, le cher Frère Félix, le serviteur des serviteurs de Dieu. Il me fut bien facile de trouver sa sentence et d'en faire le commentaire.

 « Oui, heureux Frère Félix, lui dis-je, c'est vous qui  allez être le mieux partagé de la maison de Nouméa,  étant chargé du soin du, temporel, en attendant que quelque autre vienne vous supplanter, vous donner sa  classe, et se reposer, à son tour, en se faisant votre  serviteur, et le serviteur des autres. Votre partage,  en effet, est celui du divin Maître, celui de sa divine  Mère ; et c'est à vous que je confie, tout particulière ment, la garde des trois grandes vertus qui doivent  faire, en Europe, en Asie, en Afrique, en Océanie,  partout et toujours, le caractère propre des Petits« Frères de Marie : la sainte Humilité, l'aimable Simplicité, la parfaite Modestie. »

    « Votre sentence, à vous, sera donc cette parole du divin Maître : Le fils de l'homme n'est pas venu pour  être servi, mais pour servir (Matth., XX, 28). Au-dessous, vous aurez notre grande devise à tous : Humilité !  Simplicité ! Modestie !

    Alors, m'adressant aux quatre Frères, je continuai : Voilà, mes chers Frères, votre Maison constituée ; la  fonction de chacun déterminée par une Obédience  régulière et canonique ; l'esprit de chacun, et l'esprit  de tous, solennellement rappelé. Restez dans cet  esprit, remplissez saintement ces emplois, et allez  avec confiance : appuyés sur Jésus, protégés par  Marie et Joseph, assistés de vos bons Anges et de vos  saints Patrons; oui, allez avec confiance, Dieu sera  avec vous et vous bénira.»

  Il me reste cependant à vous donner un souvenir  commun, qui vous rappelle, comme encouragement,  quelle sera la fin de vos sacrifices, de votre exil volontaire pour la gloire de Dieu et le bien des âmes, de  tous vos travaux et dévouement. »

  Je l'ai inscrit sur une cinquième image, l'image de  S. Louis de Gonzague.

  Au haut, la grande sentence du saint, celle qui l'a arraché au marquisat de Châtillon, et l'a conduit, tout jeune encore au Noviciat de la Compagnie de Jésus :  Quid hoc ad Eternitatem? Qu'est-ce que cela  pour l'éternité?

  Au-dessous, comme en réponse à cette question, vous avez la promesse de Jésus-Christ lui-même,  promesse faite avec serment : Je vous le dis en vérité,  personne ne quittera pour moi et pour l’Evangile sa  Maison, ou ses frères, ou ses sœurs, ou son père, ou  sa mère, qui, dès à présent, ne reçoive cent fois au­tant…. au milieu même des persécutions, et, dans le siècle à venir, la vie éternelle» (Marc, x, 29, 30).

  Quelles paroles, mes très chers Frères ! quelles  magnifiques promesses, même pour le temps présent, même au milieu des persécutions ! Et n'oublions jamais que c'est un Dieu qui les prononce, et  qu'il sait les tenir.

  Confiance donc ! amour ! reconnaissance ! grand  esprit de foi ! Puissentces réflexions salutaires nous  être toujours présentes, à tous, nous revenir surtout,  quand les combats, les difficultés, quelques grandes  épreuves se trouveront sur le passage de la vie.

 Cette distribution, de nouveau genre, ainsi faite, vint la rénovation des vœux des quatre Frères; puis, le baiser fraternel; puis, leur collation avec les Membres du Régime, et leur départ pour Lyon.

 Ils emportaient, avec la bénédiction de leur Supérieur, les vœux les plus ardents de tous pour leur heureuse traversée et le plein succès de leur Mission.

 A leur départ, il fut convenu : 1° que l'Ave Maris Stella se dirait, tous les jours, à leur intention, dans les Maisons de Noviciat, à la visite de 11 heures et demie ; et que, dans les Postes, on offrirait le chapelet pour la même fin ; 2° que ces prières spéciales rappelleraient à tous d'offrir pour nos voyageurs les prières et bonnes œuvres de chaque jour, jusqu'à la nouvelle de leur bonne arrivée en Nouvelle-Calédonie.

 J'ajoute, aujourd'hui, que ces prières doivent comprendre les trois Frères qui partent pour le Cap de Bonne-Espérance, et vont s'embarquer à Southampton, le 5 juillet prochain. Ce sont : le cher Frère Nectaire, de la province de Saint-Paul-Trois-Châteaux; le cher Frère Létus et le cher Frère Anselm, de la province du Nord.

 Cet accroissement de personnel dans la maison du Cap vous dit que le bon Dieu continue à la bénir. Les enfants affluent soit à l'école paroissiale, soit à l'Academy qui réunissent, les deux, près d'une centaine d'élèves protestants.

 Nous espérons mieux encore, pour l'école et pour la Mission, de l'arrivée du nouvel évêque, Monseigneur Léonard, que le Saint-Siège vient d'y nommer. Cet excellent prélat a daigné nous honorer de sa visite, le 22 avril dernier. Sa Grandeur nous a adressé à tous d'excellentes paroles, et a appelé sur l'Institut les bénédictions les plus abondantes.

 En Australie, les vocations commencent à se dessiner. Déjà, à Saint-Patrick, deux postulants ont été admis à la vêture, et un troisième se prépare. Cette œuvre du noviciat est puissamment encouragée par Sa Grâce Monseigneur l'Archevêque, qui a fait acheter, à cette fin, une maison adjacente à l'école.

 L'école elle-même continue à prospérer ; elle réunit, en ce moment, 350 enfants. Elle a dû recevoir une classe de plus.

 Voilà donc, cette année, neuf nouveaux Frères envoyés dans les Missions, et toutes les espérances possibles données à deux bons évêques qui se lamentaient, à l'arrivée à Sydney du cher Frère Ange et du cher Frère Vial, de voir que personne n'arrivait pour eux. J'ai la ferme confiance que cette aumône spirituelle, faite au salut des âmes, portera bonheur à la Congrégation ; que les sujets donnés seront promptement et amplement remplacés; et que nos fondations anciennes elles-mêmes, n'auront qu'à gagner à ces fondations nouvelles de zèle et de dévouement.

 Prions Dieu qu'il en soit ainsi ; que, partout l'esprit religieux se fortifie; que les vocations s'affermissent et se multiplient ; que les scandales et les malheurs soient écartés, et que notre oeuvre grandisse de plus en plus, pour la gloire de Dieu, pour l'honneur de Marie et pour le salut des Frères et des enfants.

 Je recommande tout particulièrement à nos chers Frères d'Angleterre, d'Ecosse et d'Irlande, ainsi qu'à ceux de Sydney, de favoriser les vocations, de tout leur pouvoir.

 ———————————-

 Un incident, fâcheux sous un rapport, utile, peut-être, sous d'autres, m'oblige à vous rappeler quelques précautions financières très bonnes à prendre.

 Je ne détaille pas le fait, ce n'est pas nécessaire. Qu'il vous suffise de savoir qu'une somme de 300 francs aété si adroitement enlevée à un Frère, au moment où il prenait son billet, à la gare de Perrache, à Lyon, qu'il ne s'en aperçut que sous le tunnel de Saint-Just, et que toutes ses recherches et réclamations furent sans effet. Le Frère n'eut du commissaire, pour toute consolation, que le récit d'un autre vol de 1.800 francs, arrivé trois jours plus tôt, plus adroitement encore.

 De là, les deux précautions suivantes qu'il ne faut pas oublier :

 1° Ne jamais avoir ni porte-monnaie, ni portefeuille de valeur dans les poches de nos soutanes; elles ne sont que de véritables sacs ouverts pour ces industriels, si parfaitement exercés à l'escroquerie.

 2° Ne jamais étaler ni argent ni billet de banque, quand on a ou à payer une place aux voitures ou à solder quelque facture dans les magasins ; prendre ses précautions d'avance, de manière à ne laisser voir que l'argent nécessaire.

 Je dois également vous rappeler de vous tenir en garde contre les marchands forains.

 Quelques-uns ont le talent de donner un tel lustre, une telle apparence à des toiles, à des draps et autres marchandises, objets, secrets, inventions, présentés par eux, qu'ils disent les donner et qu'on croit, en effet, les avoir pour rien, au prix qu'ils les font.

 Puis, à peine vous ont-ils quitté, qu'on reconnaît bien vite la tromperie ; mais c'est trop tard.

 Deux Maisons ont eu à subir, ces dernières années, des pertes de plusieurs centaines de francs, dans des marchés de ce genre, aussi imprudents qu'irréguliers. Il faut absolument vous en abstenir, et n'avoir affaire, selon la Règle, qu'a nos Maisons de procure, pour les articles qu'elles tiennent ; et, pour tous les autres, à des marchands bien connus.

 ———————————-

 A la Maison-Mère, à la suite de l'Ave Maria qui précède la méditation du matin, nous ajoutons l'invocation : Sancte Joseph, ora pro nobis ; Saint Joseph, priez pour nous. Mon intention est de proposer au prochain Chapitre d'adopter cette petite pratique de dévotion à saint Joseph : pratique qui, sans être une surcharge pour personne, pourra nous aider tous à faire une bonne oraison, dont saint Joseph est le grand protecteur.

 Le Chapitre Général devant avoir lieu, prochainement, pour les élections, je vous donne ci-dessous, par ordre alphabétique, les noms des Frères stables, avec l'âge, l'année de la stabilité, la résidence et l'emploi actuel de chacun.

 PROVINCE DU CENTRE 

SECTION DE SAINT- GENIS -LAVAL

 

NOMS  DES FRERES

ELGIBLES

ÄGE

STABILITE

EMPLOI

ACTUEL

F. Abel, 

46

1855

Directeur Provincial.

F. Amphien

48

1861

Directeur à Beaujeu

F. Avit

54

1856

Visiteur

F.Cittinus

46

1861

Directeur à Oyonnax

F. Conrad,        

56

1856

Directeur à St-Clair.

F. Ethelbert,

41

1863

Directeur à Mornant.

F. Louis-Bernardin,

60

1857     

Dir. à la Côte-St-André.

F. Marie,           

71

1855

Ancien Directeur.

F Marie-Arsace,

43

1867

Sous-Directeur à Neuville

F. Marie-Clarent,

43

1865

Directeur à Cours.

F Marie-Jubin,  

53

1861     

Ancien Directeur.

F. Marie-Lin,     

60

1856

Directeur à Beaucroissant.

F. Nicet,

44

1861

Directeur à Neuville.

F. Polycarpe,    

68

1856

Ancien Directeur.

F. Privat,

45

1865

Dir. au Péage-de-Roussillon.

F. Procule,

45

1865

Directeur à Nantua,

F. Ruffin,

49

1868     

Directeur à Genelard.

                                       

                                                                

                                          

                                                    

SECTION DE N. D. DE L’HERMITAGE 

NOMS DES FRERES

ELIGIBLES

AGE

STABILITÉ

EMPLOI ACTUEL

F. Azarias,

42

1863     

Directeur Provincial

F. Callinique,

51

1856

Visiteur

F. Chrysogone

49

1855

Procureur Général.

F. Claude,

47

1856

Directeur à Charlieu.

F. Cyrion,

42

1867

Directeur à Valbenoite.

F. Epaphras,    

48

1861

Directeur à Firminy

F. Juste,

55

1855

Secrétaire Général

F. Macédone,   

41

1863

Directeur à Vanosc.

F. Pierre-Marie,

68

1866

Ancien Directeur.

F. Platonide,

61

1859

Directeur à Perreux,

F. Candide,

42

1867

Directeur à Grand'Croix.

                                                    

                                                                                                                   

 

PROVINCE DU MIDI

 

SECTION DE SAINT -PAUL -TROIS -CHATEAUX

 

 

NOMS DES FRERES

ELIGIBLES

AGE

STABILITE

EMPLOI ACTUEL

F. Augustus,

48

1855

Directeur à Die.

F. Benoît-Marie,

58

1861

Directeur à Saillans.

F. Cariton,

54

1859

sous-Directeur au Péage-de-Romans.

F. Cyrille,

44

1865     

Dir. à Cazouls-lès-Béziers.

F. Donat,

43

1867

Directeur au Thor.

F. Hymère,

44

1866

Directeur à la Seyne.

F. Ildefonse,

45

1855

Directeur à Solliès-Pont.

F. Jean-Marie,

66

1855

Directeur à Gonfaron.

F. Jean-Pierre,

58

1859

A St-Paul-Trois-Châteaux.

F. Ladislas,

50

1655

Directeur Provincial,

F. Néophyte,

41

1866

Procureur.

F. Nestor,

35

1869

Visiteur.

F. Onésiphore,

52

1855     

Direct. à la Belle-de-Mai.

F. Palémon,      

42

1868

Directeur à St. Barnabé.

                                                                                                                                                                                                                   

                                                                                                                               

                                                    

                                                  

 

SECTION D'AUBENAS 

 

NOMS DE FRERES

ELIGIBLES

AGE

STABILITE

EMPLOI ACTUEL

F. Ambroise,

54

1855

Sous-Directeur à la Bégude

F. Didyme,        

48

1868

Directeur à Largentière

F. Juvénal,

46

1861

Direct. à St-Ambroix, Visit.

F. Louis-Régis,

54

1855

Directeur à Bessèges.

F. Malachie,

64

1855

Directeur Provincial,

F. Marie-Ferdinand,

48

1863

Directeur au Cheylard.

 

 

                                                      

                                                                

PROVINCE DU NORD

 

 

NOMS DES FRERES

ELIGIBLES

AGE

STABILITE

EMPLOI ACTUEL

F. Aidant,

53

1857

Directeur Provincial.

F. Andronic,      

57

1856

Visiteur.

F. Aquilas,

55

1855

Directeur à Oignies.

F. Cantide,

45

1863

Directeur à Esquermes.

F. Druon,

43

1867

Direct. à Braine-le-Comte.

F. Flavius,         

51

1861

Directeur Provincial.

F. François -Michel,     

59

1856

Directeur à Vieux-Condé.

F. Gébuin,         

40

1863

Directeur à Breteuil.

F. Jean- Philomène,

53

1861

Directeur à Clamart.

F. Norbert,

38

1867

Directeur à Paris-Plaisance

F. Placide,

47

1861     

Ancien Directeur.

 

 

 

Le C. F. Chrysogone, Procureur Général, et le Cher F. Juste, Secrétaire Général, sont compris dans la section de N.-D. de l'Hermitage, pour compléter le nombre des Frères stables de cette section, pour laquelle ils sont employés, du reste, comme pour celle de Saint-Genis-Laval.

 L'élection se fera comme il est marqué au chapitre IV de la première partie des Constitutions, art. 6, 7, 8 et 9 ; et chaque Province fournira un nombre de députés proportionné au nombre de ses profès.

 Par cette disposition, il revient :

 Seize députés à la province du Centre, dont neuf pour la section de Saint-Genis-Laval, et sept pour celle de Notre-Dame de l'Hermitage.

 Douze députés à la province du Midi, dont huit pour la section de Saint-Paul-Trois-Châteaux, et quatre pour celle d'Aubenas. 

Cinq députés à la province du Nord, y compris l'Ouest, l'Angleterre et la Belgique.

 Ainsi, chaque Frère Profès, après avoir imploré les lumières du Saint-Esprit, et prié, pendant une demi-heure, pour recommander à Dieu et à Marie les besoins de la Congrégation, demander de bonnes élections, et attirer les bénédictions divines sur le Chapitre Général, choisira, sur la liste des Frères stables de sa section respective, autant de noms que cette section doit fournir de députés, et les écrira sur son billet-scrutin.

 C'est donc neuf noms pour Saint-Genis-Laval, sept noms pour Notre-Dame de l'Hermitage, huit noms pour Saint-Paul-Trois-Châteaux, quatre noms pour Aubenas, et cinq noms pour le, Nord et les Parties qui S'y rattachent.

 Voici la formule dont on doit se servir :

 Je soussigné, Profès de l'Institut des Petits Frères de Marie, après avoir consulté Dieu, imploré les lumières du Saint-Esprit et la protection de Marie, nomme pour députés au Chapitre, les Frères[2]     les croyant, en conscience et devant Dieu, les plus capables de cette charge.

 Ce billet-scrutin, ainsi rempli, sera daté et signé. Le Frère électeur le signera de son nom de religion, le cachettera et l'enverra, sous enveloppe, à la Maison-Mère. Tous les billets-scrutins d'un même Etablissement seront mis sous une même enveloppe. On fera en sorte de ne pas dépasser 10 grammes.

 Les Frères Profès ne doivent faire connaître à personne les députés qu'ils ont choisis; ils enverront leur vote le jour même qu'on recevra la Circulaire, ou, au plus tard, le lendemain.

 Les Frères Directeurs la communiqueront immédiatement à tous les Frères Profès de l'Etablissement, et, au besoin, l'expliqueront à ceux qui pourraient être embarrassés; mais ils ne doivent influencer en rien le vote de qui que ce soit.

 D'après un vœu du dernier Chapitre, il a été réglé que la Commission de dépouillement sera présidée par un Frère Assistant, lequel étant membre-né du Chapitre, verra seul le nom du Frère électeur, pour constater la régularité du vote. Cette vérification faite, il plie et cachette la signature, et remet le billet aux Frères scrutateurs qui continuent le dépouillement. On sait que tous les billets sont conservés jusqu'à ce que le Chapitre ait reconnu la régularité des élections.

 Plus que jamais, nos élections doivent se faire avec foi et piété, selon Dieu, dans la seule vue de procurer sa gloire, l'honneur de Marie notre bonne Mère, et le plus grand bien de tout l'Institut, devenu, aujourd'hui, déjà si nombreux ; et appelé, en quelque sorte, tout de nouveau, à prendre part à l’œuvre des Missions, selon le désir de notre pieux Fondateur.

 A cette fin, à la réception de cette Circulaire et jusqu'à nouvel ordre, on offrira, à l'intention du Chapitre Général et pour nos Retraites, toutes les prières et bonnes œuvres de chaque jour. Avant l'Office et avant les prières du matin et du soir, cette intention particulière sera rappelée par ces trois invocations

 Cœur sacré de Jésus, ayez pitié de nous.

Cœur immaculé de Marie, priez pour nous.

Saint Joseph, priez pour nous.

 

Voici la liste des Frères décédés depuis la Circulaire du 8 avril 1872.

 F. CORNELIO, Obéissant, décédé dans sa famille, à Chaspignac (Haute-Loire), le 3 août 1872.

F. ANDRÉ-MISAEL, Profès, décédé à la Bégude (Ardèche), le 29 août 1872.

F. CATULIN, Profès, décédé à la Bégude (Ardèche), le 30 août 1872.

F. SANCTIN, Profès, décédé au Beausset (Var), le 30 août 1872.

F. HÉLIAN, Obéissant, décédé à la Bégude (Ardèche), le 2 septembre 1872.

F. CANTIDIEN, Profès, décédé à N.-D. de l'Hermitage (Loire), le 23 septembre 1872.

F. ADJUTOR, obéissant, décédé à Chevrières (Loire), le 26 octobre 1872.

F. DEICOLA, Obéissant, décédé aux Roches-de-Condrieu (Isère), le 27 octobre 1872.

F. EMYGDIUS, Profès, décédé à N.-D. de l'Hermitage (Loire), le 1ier novembre 1872.

F. PONS, Obéissant, décédé au Pouzin (Ardèche), le 13 novembre 1872.

F. THÉOPHANÈS, Obéissant, décédé à la Bégude (Ardèche), le 14 novembre 1872.

F. DIDIER, Profès, décédé à Beaujeu (Rhône), le 27 novembre 1872.

F. ANDÉOL, Novice, décédé à N.-D. de l'Hermitage (Loire), le 2 février 1873.

F. DAMIANO, Profès, décédé dans sa famille, à Biol, (Isère), le 5 février 1873.

F. JOSEPH-MARIE-XAVIER, Profès, décédé à Villa Maria (Nouvelle-Hollande), le 14 février 1873.

F. AULE, Profès, décédé à Molières[3](Gard), le 18 février 1873.

F. PIERRE-AUGUSTE, Obéissant, décédé à N.-D. de l'Hermitage (Loire), le 24 février 1873.

F. PATIENCE, Profès, décédé à la Bégude (Ardèche), le 22 mars 1873.

F. GAÉTAN, Stable, décédé à Beaucamps (Nord), le 30 avril 1873.

 

Je recommande tous ces défunts à vos pieux suffrages selon la Règle; et je vous prie de trouver bon que je comprenne parmi eux mon bon et vénéré frère, ancien curé de la Fouillouse, bienfaiteur de l'Institut, décédé à Saint-Genis-Laval, le 13 décembre 1872.

 N'oublions pas que la dévotion aux âmes du Purgatoire est une de celles que notre pieux Fondateur nous a tout particulièrement recommandées, et qu'il l'a pratiquée lui-même toute sa vie. C'est un exercice de foi, de piété et de charité chrétiennes, qui nous apporte a nous, les plus grands fruits de salut ; en même temps qu'il apporte un soulagement si désiré et si puissant aux saintes âmes, retenues encore dans le lieu de l'expiation.

 Il faut qu'on s'entende, dans chaque Maison, pour ne jamais manquer, aux époques et jours marqués de dire l'Office, de faire les communions, et de donner les messes que prescrits la Règle.

 Les notes sur les Aspirants aux vœux seront remises aux Frères Directeurs provinciaux, respectivement pour chaque Province, en arrivant à la Retraite. La liste des Aspirants vous sera communiquée plus tard.

 ———————————–

 Les Retraites, cette année, sont fixées ainsi qu'il suit :

 1° et 2°Saint-Genis-Laval : Section de l'Hermitage, du 24 août au 31 ; Section de Saint-Genis-Laval, du 7 septembre au 14.

 3° Beaucamps, du 31 août an 7 septembre.

 4° La Bégude, du Il septembre au 18.

 5° Saint-Paul-Trois-Châteaux, du 18 septembre au 25.

 6°Azerat, du 23 septembre au 30.

 7° Pour les Frères d'Ecosse et d'Irlande, du 2 juillet in 9, à Glasgow ; et, à Beaucamps, pour les Frères de Londres et les Frères Anglais de Beaucamps, du 9 juillet au 16.

 8° Les Frères de Syrie, du Cap de Bonne-Espérance et d'Océanie, font leur Retraite dans le mois et la huitaine qui conviennent le mieux.

 9° Les membres du Régime, avec les Frères Visiteurs et les Frères Provinciaux, feront leur Retraite avant ou après le Chapitre Général, s'il y a possibilité ; sinon, ils s'entendront avec le Frère Supérieur Général, pour suivre une des Retraites générales.

 Les avis divers, donnés à l'occasion des Retraites, sont les mêmes que ceux des Circulaires du 2 juillet 1871 et 26 juillet 1872. (Revoir ces deux Circulaires, et s'y conformer très exactement.)

 ———————————

 La présente Circulaire dispensera les Frères Assistants de répondre aux lettres du mois de juillet, sauf les cas d'urgence.

 ———————————-

 Que tous les Frères Profès soient très exacts à envoyer leur vote pour le choix des députés au Chapitre Général. Le temps est très court pour le réunir avant les Retraites, et il n'a pas été possible de vous adresser plus tôt la Circulaire pour les élections.

 ———————————-

 Encore trois souvenirs, pour terminer cette Circulaire sur les souvenirs de foi. Le premier, c'est Dieu lui-même qui nous le demande; le second, c'est Dieu qui nous le promet ; et le troisième, je le tire d'une excellente lettre qui me vient d'un de nos Frères missionnaires.

 Le souvenir que Dieu nous demande, comme notre souverain Maître et notre souverain Juge, c'est le souvenir de ses divines paroles :

 Gravez, nous dit-il, gravez ces paroles que je vous dis dans vos cœurs et dans vos esprits, tenez-les attachées à vos mains et présentes à vos yeux pour vous en souvenir ; apprenez-les à vos enfants, afin qu'ils les méditent. Ecrivez-les sur les poteaux et sur les portes de votre logis (Deut., XI, 18, 19, 20).

 Voilà ce que le Seigneur tout-puissant nous prescrit, comme notre Souverain Maître ; et voici ce qu'il ajoute comme notre souverain Juge :

 Je mets aujourd'hui devant vos yeux la bénédiction et la malédiction : la bénédiction, si vous obéissez aux commandements du Seigneur votre Dieu, que je vous prescris aujourd'hui; et la malédiction, si vous n'obéissez point aux ordonnances die Seigneur votre Dieu et si vous vous retirez de la voie que je vous montre maintenant (Deut., XI, 26, 27, 28).

 Premier souvenir, M. T. C. F., celui que Dieu nous demande : Souvenir, évidemment, d'une importance infinie, puisque la sanction que Dieu y met a des conséquences infinies.

 Le second est un souvenir plein de douceur et de miséricorde, Dieu le promet, par la bouche d'Isaïe, à l'âme fidèle, à l'âme humble et docile, pour lui ôter toute crainte d'être jamais oubliée. Voici ce que dit le Seigneur, s'écrie le Prophète : Une mère peut-elle oublier soie enfant et n'avoir point de compassion du fils qu'elle a porté dans ses entrailles? Mais quand même elle l'oublierait je ne vous oublierai jamais. Je vous porte gravée sur ma mai  n. Vos murailles sont sans cesse devant mes yeux (Isaïe, XLIX, 15, 16).

 Voilà, M. T. C. F., quel échange de souvenirs Dieu lui-même nous propose : échange tel, que chacun de nous petit se dire en toute certitude : « Si je consens à avoir la loi de Dieu gravée dans mon cœur, sa volonté, ou ma Règle, toujours présente à mes yeux,  je suis certain, j'en ai la parole même de Celui qui a  dit : Le Ciel et la terre passeront plutôt que la parole, de Dieu vienne à manquer (Matth. XVIX, 35) ; oui,  je suis certain que Dieu m'aura toujours présent à  son souvenir, qu'il me portera gravé sur sa main  Où trouver un motif plus puissant de nous adonner à la pratique des souvenirs de foi ?

 Troisième souvenir, inspiré aussi par la foi à un de nos Frères, dans sa traversée de France en Australie.

 « Priez et faites prier, mon Révérend Frère, m'écrit il afin que je fasse le bien que le bon Dieu attend  de moi ; et que je travaille, sans relâche à devenir un saint.

  « Les manœuvres des matelots m'ont fait faire, pendant la traversée, de longues et profondes réflexions.  J'ai vu là quelles peines les hommes savent se donner, de quel zèle ils sont animés, lorsqu'ils ont à sauver et leur vie et leurs biens.

 « Impossible de rendre sur le papier, les soins et la  vigilance du capitaine et de ses seconds ; impossible  de dire, au moindre danger, la force et l'énergie du  commandement ; et, dans tous les hommes de l'équipage, jusqu'aux simples mousses, la promptitude et  la perfection de. l'obéissance ; l'agilité, le sang-froid et  la hardiesse incroyables des manœuvres.

  « Que n'a-t-on pas fait pour éviter les écueils, pour  échapper aux tempêtes, pour profiter du vent? On  n'a craint ni le travail ni la peine; on a tout bravé ;  on a même sacrifié le repos de la nuit. Et c'est ainsi  que notre navire a été conduit à travers plus de cinq mille lieues, avec une attention et un courage qui ne se sont jamais démentis.

 « Et pourtant ce n'était que pour aborder à un port de la terre, pour éviter le naufrage du corps, le naufrage d'un peu de fortune. Oh ! si l'on en faisait autant, pour prévenir le naufrage éternel de l'âme, pour aborder sûrement au port éternel du Paradis ! »

 Et le bon Frère, qui a ou sous les yeux le spectacle de cette navigation laborieuse, en tire cette conclusion qui doit nous rester à tous, comme une grande leçon, comme un souvenir précieux, venu d'au-delà des mers, en retour de ceux que nous avons donnés nous-mêmes à nos chers Missionnaires.

 « Moi, du moins, ô mon Dieu, avec votre grâce, je  veux naviguer ainsi vers mon éternité!…. Je veux naviguer si bien que j'arrive sûrement au port du  Paradis! Oui, mon Dieu ! je veux, je veux, à tout  prix, sauver mon âme, la sauver coûte que coûte ! … »

 Puis, le bon Frère repasse les travaux, les souffrances et toutes les croix qui l'attendent, et il les embrasse de nouveau ; de nouveau, il s'y dévoue tout entier, à la suite de Jésus. Faisons de même, et assurons tous, par tous les moyens en notre pouvoir, notre heureuse navigation vers le Paradis, en nous efforçant, de plus en plus, selon le conseil du Prince des Apôtres, d'affermir notre vocation et notre élection, par les bonnes œuvres (Il S. P., I, 10).

 La présente Circulaire sera lue, en communauté, à l'heure ordinaire de la lecture spirituelle.

 On la lira, une seconde fois, au réfectoire, dans les Maisons de Noviciat.

 Que Partout on fasse cette lecture avec beaucoup de soin ; qu'on s'efforce de bien saisir tout l'ensemble de chaque paragraphe, et l'ensemble de toutes nos réflexions. Si l'on se contente d'en parcourir quelques-unes, d'ici et delà, elles resteront incomprises, inefficaces comme tant d'autres; on n'aura point de doctrine sur cette grande question des souvenirs de foi, si propres, cependant à agir sur l'esprit et sur le cœur, et à entraîner au bien tous ceux qui voudront sérieusement s'en pénétrer.

 Recevez la nouvelle assurance du tendre et religieux attachement avec lequel je suis, en Jésus, Marie, Joseph,

Mes très chers Frères,

Votre très humble et très dévoué serviteur,

                 F. Louis-Marie.

——————————————–

 


[1]: Le texte porte:Taïti

[2]  Ecrire ici autant de noms qu'on doit nommer de Députés

[3] : Le texte porte : Mollières. Il s’agit, actuellement de Molières sur Cèze. NLDR. 

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