Lettres Ă  Marcellin

M. Charles Tripier, Curis-au-Mont-dOr

1837-11-10

Curis-au-Mont-dOr, près de Neuville, le 10 novembre 1837.
Monsieur le Supérieur de Lavalla,
Daprès ce que je vous ai fait connaître de ma façon de penser au sujet des difficultés élevées contre le Frère Bruno, à laquelle vous avez adhéré en me le renvoyant, pourquoi et comment se fait-il quau moment où il me semblait que tout était définitif et que nous allions jouir de la paix, nous nous voyons encore assaillis et inquiétés par M. le Grand Vicaire Cattet qui est venu le 7 de ce mois me trouver à La Morelle, où je suis, pour dabord mengager à me rendre chez lui, le lendemain, pour déjeuner. Jaurais voulu pouvoir men dispenser, cependant je me suis rendu à son invitation.
Là, M. le Vicaire général a commencé par me dire que jignorais peut-être savoir que M. le Curé de Neuville était contre moi et qui demandait le changement du Frère Bruno, et quen conséquence il ne convenait pas de raidir contre son Curé. Jai répondu que je voyais bien que des vues humaines provoquaient une vengeance. Mais M. Champagnat, vous connaissez le fort et le faible de cette affaire qui dans le fond nen est pas une; car vous avez remarqué comme moi que le Frère Bruno nest fautif en rien, quand même lon voudrait supposer quil maurait engagé à ne pas céder aux Soeurs de St. Charles ce que je métais proposé de leur remettre, cest-à-dire, la moitié de mon magasin donnant sur mon jardin. Mais la vérité est que ce nest point lui qui men a parlé mais bien le maître maçon et le maître charpentier qui mont fait leurs observations, auxquelles je me suis rendu sur le champ parce que la critique aurait su profiter de cette circonstance pour nuire à mon établissement.
Que devons-nous penser lorsque nous voyons des contradictions venir de la part de ceux qui devraient tout faire pour le maintient de cette école et lencouragement des Frères? Mais com-ment peut-on être mécontent du Frère Bruno cette année, puisquau contraire il a acquis, et se perfectionne de plus en plus? Mais M. le Grand Vicaire répond à mes plaintes disant: Je ne veux aucun mal au Frère Bruno, à Dieu ne plaise, mais je ne dois pas souffrir que lon abuse de mon autorité. Mais pourrai-je répondre lon ne doit pas abuser de son autorité, pour ne pas la compromettre. Et dailleurs, en quoi est-elle compromise si ce nest que lon veut linculper lorsquil na aucun tort? Lon nen veut pas au Frère, mais cependant sous ce prétexte lon demande son changement. Je vous déclare, mon Révérend Père, que je moppose formellement à ce prétendu changement parce quil deviendrait très nuisible et mettrait le plus grand désordre dans cette maison. Je ne suis pas assez dupe pour agir si mal contre mes intérêts. Et si lon continue dinquiéter les Frères de ma maison, lon maura bientôt poussé à bout pour renoncer aux Frères Maristes. Jobtiendrai sûrement les Frères de la Doctrine Chrétienne et alors je ne serais plus inquiété et lon ne me forcera pas à faire des Frères les fabricants de lEglise de Neuville.
Quelle inconséquence de persister à vouloir détruire mon établissement, en renvoyant un Frère qui na dautre défaut que davoir pris lintérêt des Frères Maristes. Ce serait exciter une rumeur et un scandale manifeste par la décomposition de ma maison. Dailleurs si M. le Curé et M. le Grand Vicaire nuisent si fort à mon établissement, qui ne dépend que de moi, ils peuvent bien rester tranquilles. Cette maison marchera et se soutiendra de mieux en mieux.
Maintenant, mon cher Monsieur, cest à vous à ne pas vous laisser dominer, mais à déclarer que ce qui est fait est fait, comme ce qui est écrit est écrit. Cest là la dernière volonté, manifestée pour éloigner la vexation.
Jai lhonneur dêtre, avec considération, votre très humble serviteur,
TRIPIER.

fonte: AFM 129.42

RETOUR

Lettres Ă  Marcellin...

SUIVANT

Lettres Ă  Marcellin...