Lettres Ă  Marcellin

Père François Moine

1837-12-05

Perreux, le 5 décembre 1837.
Monsieur le Supérieur,
Nous eûmes le plaisir de recevoir vos trois Frères le quatorze du mois passé. Je les gardai chez moi trois jours après lesquels ils purent prendre possession de leurs petits appartements. Louverture des classes ne se fut à proprement parler que le mardi 21, jour de la Présentation de la très Sainte Vierge. Nous fûmes heureux de pouvoir profiter de loccurrence de cette belle circonstance pour célébrer la messe dusage au commencement des classes. Nous eussions désiré pouvoir ajouter beaucoup à la solennité, mais au moins nous eûmes la consolation de voir que nous étions très bien compris de nos chers paroissiens qui nous prouvent tous les jours, de plus en plus, par leurs sentiments et leur conduite quils savent apprécier pour leurs enfants les avantages dune instruction soignée, et surtout, éminemment chrétienne. Il y a vraiment de lenthousiasme. Les deux classes donnent un nombre de 150 enfants, au moins. Nous souhaite rions que le 3ème Frère puisse recevoir une 3ème division, qui diminuerait la seconde classe.
Comme cette année doit être plus que toutes les autres une année de sacrifice pour tous, et que nous avons grandement besoin du concours général de tous nos bons paroissiens pour effectuer notre grand projet, nous avons cru devoir céder aux instances de nos jeunes gens qui ont absolument voulu profiter dun avantage quils neurent pas dans leur enfance, ou dont ils ne surent pas profiter: celui de pouvoir sinstruire. En conséquence, nous avons engagé vos Frères à faire une petite classe la veillée pour les jeunes gens, qui sy rendent fort assidûment et en assez grand nombre. Elle commence à 6 heures et finit à 8. Les Frères auraient désiré avoir votre agrément pour cela, et nous mêmes nous eussions souhaité davoir prévu cette difficulté pour vous la soumettre, mais enfin pressés par les circonstances nous avons cru devoir présumer votre volonté, toujours si empressée à faire le bien, et nous nous sommes chargé de toute la responsabilité. Nous aimons croire que notre confiance naura rien eu de téméraire et que nos exercices du soir, en activité depuis huit jours, auront toute votre approbation et seront par là même singulièrement encouragés. Il faut bien un peu du dévouement, surtout dans les commencements de part et dautre, puisque le bien se fait toujours à si grands frais. Ces classes du soir au reste ne peuvent durer que pendant deux ou trois mois.
Il serait à souhaiter que vous puissiez autoriser vos Frères à changer lheure de leur souper. Cest-à-dire, quils souperaient à 8 heures. De cette manière ils se trouveraient réunis pour tous les exercices.
Quelques jours après votre court séjour ici, nous devînmes enfin propriétaires de la vigne située au-dessus de léglise. Nous avons acheté la totalité. Le plan que nous devons adopter pour la nouvelle construction fait maintenant lunique difficulté. Nous navons pas reçu celui que vous nous aviez promis. Un architecte de Lyon, venu dans nos pays, nous en a promis un. Sous peu de jours nous vous le soumettrons. Ce plan exigerait des piè-ces de bois moins longues. Ce serait un corps de bâtiment allongé, qui recevrait, dans le milieu, un avancement où seraient placés la cuisine, avec ses dépendances, le réfectoire, lescalier, etc. Cette dernière portion, avec celle quelle joindrait, seule serait élevée. Les deux extrémités formeraient deux espèces de pavillons et nauraient quun rez-de-chaussée, sauf à les élever plus tard, si le besoin en était. Les trois classes occuperaient toute la longueur du bâtiment et deux recevraient le jour de trois côtés, mais celle du milieu dun côté seulement; on pourrait avoir trois fenêtres, peut-être serait-elle encore assez aérée et éclairée. Ce plan offrirait quelque chose dassez gracieux. Dans tous les cas, il est très urgent de se déterminer au plus tôt et dadopter un plan bon, commode et utile.
Une petite minorité du Conseil municipal ne sest pas montrée très favorable à notre établissement de Frères. Il y a eu quelques propos un peu équivoques, et il paraît quen définitif le Conseil attend. Comme nous aurons besoin de beaucoup dargent, nous accepterions de grand coeur au moins la somme que recevait linstituteur; mais pour cela il serait nécessaire, nous dit-on, quun Frère soit breveté. M. le Sous-Préfet lui-même paraît très bien disposé et offre même sa médiation. Il faudrait que vous eussiez la bonté de nous donner quelques renseignements et de tracer aux Frères la conduite quils devraient tenir dans le cas où ils devraient se mettre en mesure dobtenir ce résultat. Cette ressource nest pas à dédaigner.
Nous espérons plus que jamais que notre établissement sera béni du Ciel, protégé par la Ste. Vierge. Linstruction éminemment religieuse donnée à la jeunesse sera le plus solide rempart opposé à lirréligion et à limpiété.
Daignez agréer lassurance de lestime et considération avec lesquelles jai lhonneur dêtre, Monsieur le Supérieur, votre très humble et obéissant serviteur,
MOINE, Curé.

fonte: AFM 129.47

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