Lettres Ă  Marcellin

Père Justin Chanut, S.M.

1838-10-25

Verdelais, canton de Saint-Macaire, (Gironde).
Le 25 octobre 1838.
Mon Révérend Père,
[1] Vous devez être surpris du retard que jai mis à vous donne un gage de mon respectueux attachement. Jattendais de semaine en semaine M. Balmet; et la pensée de ne vous écrire quaprès son arrivée, ma fait différer jusquà présent. Depuis mon départ de Lyon, jai eu le temps de réfléchir et de réfléchir profondément, malgré quelques prédications jetées çà et là à travers les campagnes, je nai pu réussir entièrement à ne pas mennuyer. Ma position nétait vraiment pas commode, mais je me consolais dans la pensée quil fallait bien commencer un peu péniblement, pour mériter de Dieu quil bénisse ce nouvel Etablissement. Cest auprès de la Sainte Vierge que bien souvent jai éprouvé les plus grandes consolations, il est si consolant de pouvoir se dire: Dieu le veut, que sa sainte volonté soit faite! Verdelais est un pays tout cultivé, bien boisé; magnifique quand le soleil dore les coteaux; affreux quand les brouillard couvrent la campagne. Verdelais est un pays tout cultivé, bien boisé; magnifique quand le soleil dore les coteaux; affreux quand les brouillard couvrent la campagne. Le bâtiment que nous habitons est joignant la chapelle du pèlerinage qui est aussi léglise paroissiale. Les appartements sont bien propres et bien commode, cependant, comme M. le Curé de la paroisse les occupait, et que nous navions juste quune chambre enclavée au milieu, vous comprenez combien nous étions peu à notre aise. M. le Curé, déjà en possession de limmense propriété quon destinait à la Société, en continuait la gestion commencée, de sorte que nous navions eu cette année ci, quà dire notre bréviaire fin, javais pris mon parti bien tranquillement, et je me disposais à aller faire deux missions quon mavait demandées, et un carême à Blaye, lorsque la Providence a tout changé. M. le Curé a demandé et obtenu daccompagner Mgr. Dupuy à Alger. Voilà une disposition de choses toute nouvelle et bien inattendue. Monseigneur lArchevêque veut que nous nous emparions de léglise du pèlerinage, et pour cela, il veut nous charger de desservir la pauvre paroisse de Verdelais. Je répugnais dabord beaucoup à cela, mais comme il est impossible de rien faire à Verdelais si nous ne sommes pas les seuls maîtres de léglise du pèlerinage, jai compris quil fallait ou renoncer à tout ou subir cette charge. M. le Supérieur du grand séminaire ainsi que les directeurs mont dit quil nétait pas possible de faire autrement. Je viens donc den écrire au R.P. Supérieur afin quil me dise ce quil y a à faire dans un tel état de choses. Je pense que le P. Supérieur vous a communiqué, à la retraite, la première lettre que je lui ai envoyée, et dans laquelle javais fait la description de lEtablissement de Verdelais. Que de fois, en voyant cette propriété, je me suis dit: il faudrait un Père Champagnat pour tirer parti dun si beau local.
[2] Les ressources pécuniaire, je crois, ne manqueront pas. Si nous nous chargeons de la cha-pelle les honoraires de messe offerts par les pèlerins pourront suffire habituellement pour quatre prêtres. Un certain nombre de ces honoraires sont bien audessus du taux ordinaire. LArchevêque est disposé à faire de son côté tous les sacrifices possibles et déjà il ma donné quelque argent. Il serait difficile de vous dire tout laccueil quil nous fait; sa table nous est ouverte toutes les fois que nous navons pas de raisons pour refuser. Il a déjà communiqué aux Evêques voisins le dessein quil avait de former un noviciat de vos Frères, et tous lui ont dit quils feraient tout leur possible pour procurer des sujets à cet Etablissement. Ainsi: si pour votre autorisation légale, vous pensiez que la protection de Mgr. Donnet vous soit utile, vous nauriez besoin que de men dire un mot, et de votre part, je ferai la demande des pièces que vous demanderez. Le diocèse de Bordeaux peut être plus quaucun diocèse a besoin de Frères instituteurs. Il y a peu de villes, tout en campagne et presque partout règne une étrange ignorance dans les classes des campagnes. Monseigneur dans ses visites, sur 40 instituteurs en a trouvé 28 qui ne mettaient jamais les pieds à léglise. Dans sa retraite pastorale il a annoncé à son clergé lentrée de la Société de Marie dans son diocèse, cette Société, cest la vôtre, car il ne pouvait pas faire beaucoup de cas de celle de Bordeaux. Moi même je nen ai presque pas entendu parler, mais la première fois que je me procurerai le plaisir de vous écrire, je vous donnerai de plus amples renseignement, par les informations que jaurai prises.
[3] Je crois, mon Révérend Père, que la Société des Frères est appelée à faire beaucoup de bien dans le diocèse de Bordeaux, mais il faudra pour cela commencer par un bon noviciat, car comment faire venir, pour chaque Etablissement particulier, des Frères de Lyon? Unissons donc nos prières pour demander au bon Dieu quil bénisse loeuvre qui est à commencer. Le local est magnifique, que ne pouvez vous venir et nous guider par vos conseils.
[4] M. Balmet a trouvé de quoi soccuper, mais il demande des outils, et puis il fera des merveilles.
[5] Adieu, mon Révérend Père, priez le bon Dieu pour moi, sil vous plaît, pardonnez à la rapidité de cette lettre, je ne vous en aime pas moins: le coeur va sans façons.
[6] Je me propose bientôt décrire au P. Terraillon; veuillez, en attendant, lui présenter mes très humbles respects. Rappelez-moi au souvenir et aux prières du R.P. Matricon, ainsi quau souvenir et aux prières de tous vos bons Frères de lHermitage, auxquels je conserve toujours une affection bien vive, ils mont tant de fois édifié!
[7] Je me recommande spécialement à vos prières, et vous prie dagréer le profond respect avec lequel jai lhonneur dêtre, mon Révérend Père, votre très humble et très obéissant serviteur,
CHANUT.
P.S. Le Père Balmet me charge de vous dire de sa part les choses les plus aimables et les plus respectueuses.

fonte: CSG 01, 271

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