La mission du Congo

24/Oct/2010

La presse internationale a relaté avec un grand luxe de détails, les péripéties du voyage triomphal du jeune roi Baudouin au Congo belge. Ce fut partout de l'enthousiasme sinon du délire. Cette ferveur a dû étonner pas mal d'anticolonialistes habitués à voir, çà et là sur le globe, des autochtones s'émanciper, et, pour ce faire, rejeter la tutelle du peuple civilisateur.

 Les Congolais ont peut-être à se plaindre du Gouvernement actuel, qui transporte chez eux les mesquines querelles de la métropole, et désire instaurer dans un pays profondément religieux, un laïcisme qui n'annonce rien de bon !

Mais ils n'ont eu qu'à se louer de la clairvoyance, du zèle et du dévouement de leurs rois.

« C'est mon père qui m'initia aux choses de la Colonie, disait le roi Baudoin, dans un de ses discours. C'est avec lui que j'ai longuement préparé ce voyage. »

A peine descendu d'avion, il déclarait à Son Excellence le Vicaire Apostolique de Léopoldville : « Répondant dès le début, avec une abnégation totale à l'appel du roi Léopold II, les missionnaires ont fait connaître dans ces territoires, les bienfaits de la civilisation chrétienne. Fondée sur l'amour du prochain, elle a largement contribué à libérer la population de la servitude morale et physique subie depuis des siècles. »

Ce texte serait à paraphraser longuement :

« Dès le début » les missionnaires furent sur les lieux. On aurait presque envie de parler d'avant le début, car les Capucins italiens et belges travaillèrent avec fruit aux VI° et VII° siècles, dans la région du Bas-Congo. Ils eurent des martyrs de la foi, tel Jooris van Geel (1652). L'heure de la pénétration définitive devait sonner plus tard.

A-t-on remarqué que Stanley n'avait pas achevé l'exploration du fleuve, que déjà les fils du Cardinal Lavigerie s'installaient sur les bords du Tanganyika, en plein fief esclavagiste, et que les Pères de Scheut s'enfonçaient dans la forêt de l'Equateur et les savanes du Kasaï ?

Vinrent les Jésuites, les Trappistes, les Prêtres du Sacré-Cœur, les Rédemptoristes, les Norbertins… tous sollicités, sinon harcelés, par un roi désireux de sauver des âmes individuelles, bien sûr, mais davantage soucieux de sauver les âmes « en plantant, on construisant l'Eglise, là où elle n'est pas encore visiblement et complètement établie ». (P. Charles S.J.)

Vinrent aussi les Frères Maristes, répondant à l'appel de M. Renkin, le grand ministre d'un très grand roi. Peut-être avait-il lu dans Maurice Barrés que « rien ne vaut l'expérience et l'action de ces religieux enseignants, attachés à leurs vœux, sûrs de leur communauté, et s'adressant à l'âge le plus tendre, pour distribuer en doses sages, ce que la Civilisation peut procurer de bienfaits ».

 

Stanleyville (1911). — Les Frères Maristes remontèrent le fleuve Congo en 1911 et s'installèrent aux bords de Stanleyfalls. Leur entourage ? Des Bakamas de la forêt, à peine remis de l'épouvantable frayeur causée par les sanglantes incursions arabes. Des Lokeles, infatigables voyageurs et trafiquants, qui naissent, vivent et meurent dans la pirogue, qui leur sert à la fois d'entrepôt, de magasin, de cuisine, de dortoir… Des Wagenias, pêcheurs virtuoses, d'une agilité et d'une force prodigieuses, qui manœuvrent dans les rapides mugissants avec la désinvolture des bébés s'amusant dans le sable.

Qu'on s'imagine ce que fut l'école des Frères à ses débuts ! On est loin du grand luxe et même de l'indispensable confort. Quant aux élèves, il n'est question ni d'élite ni de sélection selon l'âge et l'esprit…

Il fallait quelques années pour y voir clair, pour faire admettre que les enfants de six ans nous intéressaient plus que les vieux chasseurs et pêcheurs et commerçants… Et tandis que les Frères apprenaient à écrire et à lire et à aimer le bon Dieu à tout ce petit peuple, ils se dévouaient aux mille tâches qui s'imposent à l'époque des fondations en Afrique Centrale. Ils furent cuisiniers et jardiniers, architectes et maçons, mécaniciens et menuisiers… Ils formaient eux-mêmes leurs premiers ouvriers et leurs premiers instituteurs. Rude apostolat des débuts !

Des Frères y laissèrent leur santé et même leur vie. Epreuve supplémentaire, celle de la guerre 1914-1918, pendant laquelle les renforts se raréfièrent. Qui dira l'angoisse des missionnaires en ces époques troublées ? Tant de belles œuvres ont été mises sur pied au prix de lourds sacrifices ! On songe à engranger les premières gerbes d'une riche moisson, et voici que les bras font défaut ! Ce serait le moment de viser à l'expansion, et l'on est contraint de freiner le mouvement !

C'est de 1920 que date l'essor du Groupe Scolaire de Stanleyville. On quitte la rive du fleuve pour occuper un « no man's land » entre le soupçon de ville européenne et le quartier indigène qui s'aligne entre le fleuve et son affluent, la Tshopo.

Point n'est besoin de réclame pour attirer les élèves. Ils arrivent en masse, pour « acheter de l'intelligence » et pour suivre les cours de catéchisme qui les mèneront au baptême. La population scolaire croît en flèche. On passe de la centaine au millier d'élèves et puis l'on se met à dénombrer par milliers. En 1950, il y avait 620 petits gamins de 6 à 8 ans (il faut souvent deviner l'âge des candidats au savoir), en première année primaire. A cette époque affluaient les fils des pêcheurs Wagenias, demeurés rebelles jusqu'alors non par mauvaise volonté ou mépris de la science, mais par amour du grand air et de la liberté. D'où crise de logement ! On songe à construire autre part et à la bonne mesure cette fois. Les nouveaux bâtiments sont occupés illico presto sans que désemplissent les anciens.

 A l'heure qu'il est, on a prié les Révérends Pères de prendre en main les 2.000 petits du degré inférieur, dont les classes se trouvent en plein village. Les degrés moyens et supérieurs de l'école primaire fonctionnent au nouvel emplacement, avec 34 classes et 1.750 élèves ; 19 autres classes primaires sont en construction.

A-t-on cessé de construire dans notre Congo Mariste depuis 1911 ? On tâche de voir grand, d'imaginer les extensions futures, et l'on est toujours incapable de recevoir de braves enfants qui nous font confiance ; qui n'iront à l'école laïque et sans Dieu que la mort dans l'âme, non pas attirés par des avantages temporels, mais poussés par le désir d'être quand même acceptés dans une école. Hélas ! des âmes nous échappent faute de missionnaires !

Plusieurs centaines d'enfants font des études post-primaires. A Stanleyville, il y a une école secondaire avec sections administrative, commerciale et normale : six années d'études ; une école professionnelle avec sections de menuiserie, de mécanique, d'électricité ; une école artisanale avec sections d'automobile, d'ajustage, de maçonnerie et de menuiserie ; une école pour enfants européens : deux Frères, aidés par des instituteurs laïques, préparent aux humanités des Prêtres du Sacré-Cœur les 150 garçons des classes primaires.

Pour le tout, 18 Frères, aidés par une soixantaine de civils noirs et blancs. Tout serait pour le mieux si l'on disposait d'une communauté forte de 80 Frères !

Car il y a tant à faire en dehors des classes. La direction de ce complexe, la direction des sections, l'économat. 11 souci des constructions…

La Procure avec les travaux de rédaction, de correction d'impression, avec les expéditions de livres à 2.000 kilomètres à la ronde.

Et puis les œuvres scolaires : Congrégations et Légions de Marie, croisades, chorales, scouts, groupements sportifs, fanfare… Et les œuvres postscolaires réunies en un vaste mouvement UNELMA (Union des Elèves Maristes).

Les dix-huit Frères ont bien de quoi se dévouer ! Grâce à Dieu, ils disposent d'un laïcat de très bonne volonté. Ils l'utiliseront toujours davantage. Les blancs se doivent d'être d'Action Catholique, sous peine d'être infidèles à leur vocation de chrétiens. Les noirs sont à former et à utiliser. Peut-être qu'on les a trop longtemps traités en « mineurs ». Il est temps de leur faire confiance, d'utiliser le potentiel de générosité dont ils disposent, de les rendre responsables de la croissance de l'Eglise et du salut de leurs frères.

 

Buta. – – C'est l'abbaye moyenâgeuse en pleine forêt vierge. L'abbaye avec ses moines norbertins, son église-cathédrale, ses hôpitaux et dispensaires, sa ferme et ses ateliers, ses écoles… Vu d'avion, c'est un merveilleux ensemble de bâtiments en briques rouges disposés avec ordre sur un immense tapis d'herbe. Tout autour, à quelques kilomètres, le vert foncé d'une impénétrable forêt. Il y a près de 2.000 élèves dans cette école de village ! Ici comme partout, on refuse chaque année des centaines d'enfants qui viennent de très loin pour s'initier aux lettres ou pour compléter une instruction rudimentaire.

Buta date de 1912. Les premiers Frères ont remonté en pirogue Ntimbiri-Rubi, jusque dans les territoires de Babuas, à peine pacifiés. Ils ont manœuvré comme leurs collègues de Stanleyville, séparés d'eux par une forêt fort peu connue, et pas accueillante du tout, qu'on ne franchissait guère en moins de vingt jours de marche.

Les voilà à la tête d'un vaste complexe comprenant lui aussi des sections primaires, professionnelles et modernes.

En plus de ceci, les œuvres, comme il se doit. Et puis un vaste internat, d'un genre très original, avec petits pavillons pour groupes d'enfants. Ces derniers sont chargés de l'entretien et de la cuisine. Et puis encore des plantations qui fournissent une partie des vivres nécessaires. Une ferme exemplaire dispense de recourir au boucher voisin, qui réside à quelque 200 kilomètres de là.

A Buta, s'élève notre premier juvénat. Une gentille construction bien isolée du bruit des écoles, mais proche à la fois de la cathédrale, de la maison des Frères, du jardin et de la rivière. Ce juvénat nous a fourni une vingtaine d'excellents Frères Maristes. A présent qu'un second juvénat fonctionne dans l'est, celui-ci recueillera surtout les enfants de la cuvette centrale congolaise, à commencer bien entendu, par les meilleurs de nos élèves, désireux de se donner au bon Dieu dans la famille de la Sainte Vierge.

 

Nyangézi. — C'est la plus ancienne mission du Kivu fondée en 1906, pour remplacer des postes du Tanganyika ravagés par la maladie du sommeil. A 1.600 mètres d'altitude, il y a moins à redouter la tsé-tsé, et les esclavagistes n'ont jamais réussi à grimper le redoutable escarpement qui relie le Tanganyika au Kivu : 800 mètres à gravir sous la menace de nos solides Bashis. Dans ce pays de montagnes encore inexplorées, au sein d'une population sympathique, courageuse mais encore assez farouche, les Pères Blancs se sont installés et ont rayonné. Ils sont fiers de leurs 300.000 chrétiens et catéchumènes, le tiers de la population de l'actuel Vicariat de Bukavu. Ils regardent l'avenir avec confiance, car vingt prêtres noirs les assistent dans le ministère. Ils jouissent en plus de l'aide de trente Frères et de soixante Sœurs indigènes. Les Pères ont quitté Nyangézi pour s'installer à Chibimbi, sur la colline d'en face. Les Frères Maristes ont repris les écoles moyennes et primaires et se sont mis en demeure de les faire prospérer. De nouveaux bâtiments ont surgi à un rythme accéléré, tandis qu'on consolidait et réaménageait les anciens. Ceux-ci abritèrent le noviciat d'abord, puis le scolasticat, puis le juvénat. Malgré tout, la place manquait et peut-être aussi le calme requis pour le noviciat. Les scolastiques s'en furent à Stanleyville, quérir les diplômes exigés par l'Etat ; les novices émigrèrent à Save au Ruanda, non sans regretter leur berceau de Nyangézi. Ceux des premiers temps parlaient de leur « château », car ils logeaient — à l'époque de la crise de logement — dans un local vétuste à souhait, pittoresque sans doute, mais d'un confort très relatif. Le N° 147 du Bulletin publie une photo de la façade : c'est sommaire et modeste ! L'intérieur est bien moins digne de tenter le photographe… Tout a changé. Les Frères possèdent à présent un chef-d'œuvre d'habitation : simple, commode, vaste… de quoi loger trente Frères. L'ancienne maison deviendra le scolasticat, car il y aura moyen désormais de terminer le cycle d'études secondaires normales dans ce poste de montagnes. Les autres vestiges de l'époque héroïque se transforment en juvénat modèle. 

Une nouvelle école de Moniteurs a surgi de terre, de même qu'une vaste école artisanale, laquelle fournira les villages en ouvriers qualifiés. Si nous avions le temps, nous ferions le tour du propriétaire. Quatre-vingt-dix hectares en bois, prairies, plantations diverses, étangs, plaines de jeu… Ah ! les belles heures de travail manuel pour les novices qui aménagent des pépinières ombragées, qui sèment des eucalyptus, des cyprès, des cassias, des grevilleas ; qui déterrent les plantules pour les repiquer dans des paniers en fibres fraîches ; qui préparent une colline pour le reboisement ; qui vont en silence, par temps couvert, planter des milliers d'arbrisseaux…, la forêt de demain.

Les novices, comme les scolastiques et les juvénistes, sont intervenus dans vingt autres domaines. Si la pisciculture est prospère et si les cinq étangs fournissent des tonnes de telapias, c'est en partie grâce à leur labeur. Ils ont lancé un poulailler, puis un clapier, devenus prospères et sources de revenus.

 

Save. — Suivons les novices à Save, au beau pays du Ruanda. Ce ne sont plus les gorges profondes de la Ruzizi, ni les montagnes sévères et souvent rocailleuses du Kivu. Tout respire le calme dans cette région de collines arrondies et de pâturages infinis. Un paradis perdu, longtemps ignoré des explorateurs, défendu au nord par une série impressionnante de volcans, pas tous éteints ; à l'est par une ceinture de tribus belliqueuses, qui étaient passées naguère par chez eux, avant de se fixer aux sources du Nil. Au sud, c'est la grande cassure donnant presqu'à pic sur le Tanganyika. Stanley et Livingstone n'eurent guère envie de monter plus haut qu'Usumbura et foncèrent vers le Lualaba. A l'ouest enfin, c'est la barrière du lac Kivu et de son déversoir torrentueux. Les fiers guerriers ont remisé leur lance, ou plutôt, ils l'ont troquée contre le bâton pastoral. Un fils de chef s'est vu confier la crosse du pasteur d'un incomparable troupeau : Mgr Bigirumwani, qui partage avec Mgr Perraudin le souci d'administrer le Ruanda spirituel. Remarquons que le second fut sacré évêque par le premier en 1956. Ils ont la charge d'un million de chrétiens et de catéchumènes, mais ne disposent que de 200 prêtres en majorité indigènes, beaucoup trop peu pour satisfaire aux besoins de cette merveilleuse et fervente chrétienté.

A Save, onze novices ruandais ont émis leurs premiers vœux ce 15 août 1956. Les Congolais et les Ruandais feront bon ménage dans les années à venir, comme ont fait bon ménage les enfants de vingt tribus différentes, qui aujourd'hui sont frères de la grande famille mariste.

Nous dirigeons à Save une école de moniteurs, avec 200 internes, et une école primaire avec 1.500 élèves. Les quatre Frères ne se plaignent pas de la besogne. Ils font remarquer que les prêtres du pays sont souvent à quatre pour s'occuper d'une paroisse de 40.000 chrétiens pratiquants. Comment se plaindre quand tout va bien. Il suffirait de quintupler l'effectif missionnaire pour que tout aille très bien. 

A Save, la mission — Pères, Frères et Sœurs — s'étend sur plus d'un kilomètre de longueur. C'est une colline concédée jadis par le roi, aux tout premiers missionnaires. Le noviciat fut inauguré en août 1955. Un fort joli bâtiment, encore inachevé, mais qui suffira pour les prochaines années. N'empêche que ceux qui prévoient des développements, se remuent déjà, craignant d'avoir des sujets et pas de quoi les loger. Oui, mais pour construire il faut des sous, et le Ruanda, si riche en potentiel humain, n'a que peu de ressources. Nous puiserons dans la bourse de la Providence, en dignes fils du Bienheureux Marcellin Champagnat. Ce qui importe avant tout, c'est de former de saints religieux et d'assurer leur persévérance dans des communautés ferventes et fraternelles.

 

Byimana. — A 80 kilomètres au nord de Save, les Frères Maristes s'étaient installés trois ans plus tôt, reprenant line école centrale et une école pour moniteurs : 220 internes sur un total de 1.300 élèves. C'est parmi les internes, qui, la plupart, deviendront moniteurs ou instituteurs, que nous découvrons des juvénistes. Ou plutôt, nous faisons le tri parmi les nombreuses demandes faites spontanément par les élèves. Dès la première année, une trentaine d'aspirants à la vie religieuse harcelèrent le Frère Directeur. Il eu accepta seize qu'il fit monter sur un camion à destination de Nyangezi.

Les années passèrent et les épreuves aussi : onze élèves sur seize sont profès temporaires. Ajoutons que les cinq autres ont quitté à regret et nous demeurent fort attachés. N'est-ce pas consolant comme taux de persévérance ? Sans vouloir brûler les étapes, souhaitons que tout prospère tellement qu'on doive envisager la construction d'un troisième juvénat.

 

Bukavu. — Repassons la crête Congo-Nil, ses forêts de bambous et de fougères géantes, pour aboutir à la capitale du Kivu, la féerique Bukavu.

La ville s'étend sur cinq presqu'îles qui s'enfoncent profondément dans le bleu d'un lac de rêve. Est-ce pour mieux jouir du paysage que nos Frères se sont établis trois cents mètres plus haut ? On a mis en branle des bulldozers géants pour raser une paire de collines et obtenir une plate-forme idéale. Là s'élèvent les bâtiments d'un Groupe Scolaire, qui aura l'importance de ceux de Buta et de Stan.

Les débuts en 1948 avaient été miséreux. Les Frères étaient satisfaits des deux maisonnettes aménagées de telle sorte qu'il y eut les salles voulues pour mener la vie de communauté. Mais ils auraient pu critiquer la précarité des locaux fournis par l'administration pour servir de classes et d'ateliers. Il fallut manœuvrer pendant cinq ans dans le quartier industriel de la ville avant de pouvoir respirer à l'aise sur les collines. Là-haut se dressèrent des bâtiments provisoires et des maisons préfabriquées. Un vaste chantier permet d'augurer que, d'ici dix ans, les Frères auront une maison en matériaux durables, et toute une série d'ateliers et de classes comme il en faut dans nos villes champignons.

Pour l'instant fonctionnent, en plus de la section primaire préparatoire, les sections professionnelles du fer, du bois, de l'auto, de l'électricité : quatre années d'études. Pour les moins doués, il y a les sections d'apprentissage de maçonnerie et d'auto : deux années d'études.

Deux mouvements d'Action Catholique sont à mentionner : celui de la J.O.C. qui s'inspire des principes codifiés par Mgr Cardijn et celui des Xavériens. Ce dernier fort bien adapté à la mentalité indigène, a puisé dans le fonds international, des trouvailles du scoutisme, des patronages, des croisades et autres ligues à but de sanctification personnelle, et d'apostolat effectif. Les ouvriers noirs se feront les apôtres des ouvriers noirs. C'est la consigne de Pie XI.

 

Kalima. — Précisément, nous entrons ici en plein milieu ouvrier. Qu'on ne songe pas aux quartiers de Birmingham, de Roubaix ou de Liège. Il y fait triste, bien souvent, tandis qu'au Congo, le soleil dore tout et met les cœurs en fête. A Kalima on exploite l'étain à ciel ouvert.

On a largement entamé la forêt primaire pour établir, avec ordre et méthode, des chantiers et des camps. La société minière s'est chargée de tout : de la prospection, des constructions pour blancs et pour noirs, de l'église, de la mission, des hôpitaux et des écoles, du recrutement des familles de travailleurs.

Nous sommes dans le Maniema, au milieu d'une population autochtone, insuffisante pour les besoins de la Société Symétain. On trouve donc dans les camps, des représentants de pas mal de tribus du Congo et même du Ruanda. Sous un régime extra-coutumier on constate que, malgré tout, les gens de la même tribu se groupent pour vivre encore un peu à la mode d'autrefois.

Cela évoluera ! Les petits parleront le Swahili généralisé, plutôt que la langue tribale ; les évolués parleront le français. L'essentiel est que l'esprit chrétien pénètre ce monde particulier, car la charité parfaite résout les problèmes les plus complexes.

Les statistiques révèlent que huit Frères se dévouent dans ce coin du Congo qui n'a à envier la chaleur ni de Stan ni de Buta, tant on y est bien servi en fait de calories.

Vingt-six moniteurs aident les Frères dans l'éducation des quelque 900 élèves du groupe. A côté de l'école primaire il y a l'école professionnelle destinée à fournir la Société minière en techniciens et ouvriers qualifiés. En plus des ajusteurs, des électriciens, des menuisiers, il faut encore des topographes, des dessinateurs, des chefs de chantier à la hauteur… Monseigneur voudrait nous confier d'autres écoles. Il vit dans l'anxiété comme tous ses collègues dans l'épiscopat. La moisson est jaunissante, les ouvriers manquent. Les vieux pays chrétiens sauront-ils consentir les sacrifices requis pour assurer le salut de l'Afrique ? Comprendront-ils l'appel ému de Tagore aux civilisateurs : n Je vous en supplie, ne nous envoyez pas que des machines et des instruments, envoyez-nous des âmes ! »

 

Les collèges pour Européens. — Depuis la guerre la population blanche a fortement augmenté. Dans les grandes villes d'importants collèges furent édifiés, capables de recevoir un grand nombre d'internes. Le pays est immense et les « broussards » sont tout heureux de confier à l'avion leurs enfants qui s'en vont en classe à des centaines ou à des milliers de kilomètres de chez eux. A Léopoldville comme à Bukavu ou à Stan, les Frères assurent l'enseignement primaire dans deux collèges dirigés par les Pères Jésuites. Cela fait mille petits blancs à élever sans compter les dizaines de petits noirs, fils d'évolués, qui bénéficient du contact avec une autre race que la leur. Nouveau pas vers l'union belgo-africaine plénière, à laquelle les missionnaires auront travaillé mieux que personne.

 

Conclusion. — « Pour qui connaît l'histoire de l'Eglise du Christ, la mission apparaît comme une de ses données fondamentales, celle par laquelle elle vit, elle se dilate, au lieu de risquer de se replier sur soi. Nous sommes nombreux à savoir que le christianisme d'aujourd'hui est un christianisme engagé dans un combat suprêmement difficile, où il va de tout, et que « l'Eglise du 20e siècle est celle des nouveaux apôtres. » (Daniel-Rops).

Les Frères Maristes savent cela et se sont engagés. Ils ont pris leurs risques au Congo. Ils se sont faits tout à tous. Ils sont prêts à affronter les difficultés présentes avec calme et lucidité. Les problèmes d'aujourd'hui ne sont plus ceux de la fondation. L'heure est passée des rétrogrades, des romantiques, des paternalistes. L'Afrique s'éveille et se transforme à un rythme vertigineux. Les vrais missionnaires se réjouissent de voir une jeunesse qui s'épanouit, qui arrive à sa pleine maturité. On ne freine pas une émancipation, signe de vitalité, on la dirige, on la canalise. Rien ne sert de soupirer et de gémir, de regretter « le bon vieux temps où l'on faisait le catéchisme à quelques sauvages au bord du fleuve ». A l'époque où l'Islam s'insinue à nouveau au cœur de l'Afrique et où le communisme est prêt à profiter de tout ce qui frise l'injustice, pour proposer sa doctrine de libération ; à l'époque où les distances ne comptent plus, où le cinéma, la presse et la radio déversent au fond de la brousse les produits d'une civilisation douteuse, il s'agit d'être vigilants, avertis, zélés.

Que les lecteurs du Bulletin veuillent prier pour nos missionnaires de l'Afrique centrale, bastion chrétien d'un continent trop entamé par l'erreur, et pour les Frères Maristes qui, là-bas, travaillent à l'établissement et à l'extension du règne du Christ !

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