Circulaires 232

Stratonique

1911-02-02

Nos Constitutions et nos Règles. - Voyage en Amérique. Nos causes de béatification. - Cause du R. Frère François. - Faveurs attribuées au V. Champagnat.¬ Vertu de pauvreté. Economie. - Documents de Rome. Relation triennale. - Erection de noviciat à Pernambouc. - Id. à Moamoa. - Décret de la S. C. des Religieux sur l'étude dans les noviciats. - Décret du Saint-Office sur les scapulaires. - Défunts.

232

Circ. Sup. 11.1

 

V. J. M. J.

                                                                                                    Grugliasco, 2 février 1911.

                                                                     Fête de la Purification de la B. Vierge Marie.

     Très Chers Frères,

A tous les Membres de notre Institut, en quelque lieu qu'ils soient, grâce et paix de la part de Dieu notre Père et de Jésus-Christ Notre-Seigneur !

C'est le souhait que je forme de tout cœur pour vous tous au commencement de cette année 1911 en empruntant les paroles de l'apôtre Saint Paul dans sa première épître aux Corinthiens.

Je désire aussi très ardemment que, pendant le cours de cette année, il y ait partout dans l'Institut, un saint élan pour aller de plus en plus de l'avant dans la voie de l'imitation du Vénérable Père Fondateur, du vénère Frère François et de tous nos saints aînés de Lavalla, de l'Hermitage et d'ailleurs. Et nous n'avons pas pour cela de meilleur moyen que la méditation et la fidèle observance de nos Constitutions et de nos Règles.

C'est pourquoi, bien que je vous aie déjà entretenus de ce sujet dans la Circulaire du 2 février 1909, je désire vous en parler de nouveau aujourd'hui.

Ce n'est pas, je l'avoue, sans une certaine hésitation que je l'entreprends. Est-il bien utile et profitable, en effet, d'y revenir encore quand nous avons en mains, dans toutes nos maisons, ces admirables Circulaires des Révérends Frères François et Louis-Marie, qui ont traité des Règles avec tant d'autorité, de talent et de doctrine ?

Cependant, après Y avoir longuement pensé devant Dieu, il me semble, M. T. C. Frères, que nous pouvons tous tirer grand profit d'un entretien, qui nous met en face de nous-mêmes et de nos devoirs les plus sacrés. Puisque nous avons l'honneur d'être les soldats de Jésus-Christ, voyons combien précieuse est l'armure qui nous a été donnée, et quel soin nous devons avoir d'en être toujours couverts ; en d'autres termes, voyons de quelle importance sont pour nous nos Constitutions et nos Règles, et combien nous devons être fidèles à les observer.

C'est là, vous devez le comprendre, un vaste sujet de sérieux examen, de profonde méditation, dont il importe que chaque religieux soit bien pénétré, au milieu des difficultés sans nombre qui l'environnent, et dans les temps malheureux que nous traversons. Ainsi ont fait les saints religieux de tous les Ordres, nos Maîtres et nos Modèles; ainsi firent les saints Frères nos devanciers, à J'exemple de notre Vénérable Père. Ils nous ont montré le chemin à suivre, par l'exemple d'une vie toute de régularité et d'obéissance ; ils nous laissent cet héritage à cultiver et à faire valoir, avec les mêmes moyens qu'ils ont employés eux-mêmes. Ces moyens, à la portée de tous, vous les connaissez, M. T. C. F. ; ils sont contenus dans leur simplicité et leur intégralité dans nos Constitutions et Règles. Pas d'autre voie pour arriver à la perfection, à la sainteté obligatoire de notre vocation. En prendre une autre de notre propre choix, serait illusion, hors de la volonté divine ; nous y travaillerions en vain.

Mais peut-être plusieurs seront-ils tentés de dire : « Les circonstances actuelles ont modifié bien des choses ; il importe d'en tenir compte ». Sans doute les difficultés ont grandi dans quelques régions ; mais ce ne sont là, espérons-le, que des situations transitoires que le bon Dieu abrégera dans sa miséricorde, le principe est, et reste toujours le même, parce que Dieu ne varie pas dans sa sainte volonté.

Prenons donc notre oeuvre comme la divine Providence la veut ; et, heureux de la grâce insigne de notre vocation, serrons nos rangs avec courage, avec esprit de foi et reconnaissance ; n'oublions pas qu'au jour solennel de nos engagements au pied de l'autel, nous avons promis d'être fidèles jusqu'à la mort à nos saintes Règles et à nos Constitutions. Sur elles seules doit reposer l'édifice de notre perfection et de notre sainteté ; ou, comme des insensés, suivant la parole de notre divin Sauveur, nous le bâtissons sans fondement sur le sable mouvant ; alors que pourrions-nous en attendre, sinon une épouvantable ruine ?

Quelques comparaisons feront mieux saisir ma pensée. 

I 

L'organisme humain se compose d'un grand nombre d'éléments différents, lesquels, bien équilibrés, favorisent son développement, lui donnent aisance et vigueur, et lui font jouer le rôle qui lui est assigné dans la vie terrestre de l'homme. Le squelette, les tendons, les muscles, les nerfs, le cœur, les artères, les veines, les organes de la digestion, des diverses sécrétions ; ceux de la vision, de l'audition, du goût, de l'odorat, constitués normalement et remplissant bien chacun sa fonction respective : c'est la parfaite santé avec ses précieux avantages.

Une armée ayant ses cadres bien complets et bien organisés : infanterie, artillerie, génie, etc. ; des chefs instruits et courageux ; des armes, des munitions, des approvisionnements en quantité et de bonne qualité, sera capable des plus hauts faits d'armes, des plus grandes conquêtes.

Un état ayant des lois sérieusement élaborées, des rouages administratifs bien conditionnés, sera un état prospère, et le peuple qui le composera, sera, en général, un peuple heureux.

Une maison d'éducation ayant un programme bien établi ; un personnel choisi, instruit, dévoué ; de bonnes conditions matérielles; un code de discipline sage et bien appliqué, sera une maison qui formera sûrement de bons élèves, donnera satisfaction aux familles, et sera un véritable élément de progrès dans le pays qui la possédera.

Les mécanismes modernes des grandes usines de notre temps, des grands navires qui sillonnent les océans, des locomotives si perfectionnées qui transportent voyageurs et marchandises sur les voies ferrées, sont, en général, composés d'un nombre considérable d'organes différents, par leur forme, leurs dimensions, leur destination, et capables de produire des forces énormes. On reste vraiment saisi d'étonnement et d'admiration, en présence de ces masses métalliques si lourdes, et pourtant si bien ajustées, si bien assemblées, qu'elles fonctionnent aisément, avec un ensemble de mouvements qu'on qualifie de merveilleux.

Notre système planétaire, composé d'une multitude infinie d'astres différents de grandeur et d'éclat, qui se meuvent au sein de l'espace, d'après des lois bien connues, sans jamais dévier de la route tracée par le Créateur, et sans jamais se heurter, nous donne l'impression d'une organisation aussi sage, aussi majestueuse qu'incomparable.

Ces comparaisons, que l'on pourrait multiplier, ont pour objet de nous donner une idée plus juste de nos Constitutions, accroître dans nos esprits la haute estime et le respect que nous en avons déjà.

Dans les Instituts religieux, en effet les Constitutions forment comme l'ossature, comme le mécanisme vital de toute leur organisation.

Si cette partie principale est d'une structure parfaite en tous ses éléments, elle servira de point d'appui solide à toutes les autres parties.

Si, au contraire, cette ossature était défectueuse, tout le reste de l'organisme s'en ressentirait, et les effets en seraient plus ou moins désastreux.

Or, M. T. C. F., comme je vous l'ai dit, dans la Circulaire du 2 février 1909, nous avons le bonheur d'être certains que la charpente constitutionnelle de notre Institut, si je puis m'exprimer ainsi, a toute la solidité, que l'on puisse désirer.

En effet, c'est de l'Eglise, la suprême autorité d'ici-bas, que nous l'avons reçue ; c'est son Chef, Docteur infaillible, qui l'a sanctionnée et confirmée par le Décret solennel du 27 mai 1903.

Combien grande, par conséquent, doit être notre estime pour ces Constitutions, et la confiance qu'elles doivent nous inspirer pour la sécurité et la stabilité de notre oeuvre dans la sainte Eglise !

 Les grands Ordres religieux, Bénédictins, Franciscains, Chartreux, Dominicains, Jésuites, etc., qui ont eu à subir tant d'assauts, ont survécu à toutes les attaques leur oeuvre pendant de longs siècles, avec des alternatives de progrès ou d’amoindris­sement. Nous les voyons aujourd'hui établis dans toutes les parties du monde. Ils y font l’œuvre de Dieu, malgré leurs ennemis qui ne désarment pas.

Quel est le secret de cette, force de résistance et de cette prodigieuse vitalité ? il faut évidemment y voir le doigt de Dieu, qui prend un soin spécial de ceux qui composent l'élite de son Eglise. Mais aussi, n'en doutons pas, cette vitalité, cette victoire continue contre J'enfer et ses Suppôts à travers les siècles, est due à leurs Constitutions ; elles ont été le rempart protecteur contre les assauts répétés de l'ennemi.

Disons, toutefois, que ces Constitutions, qui ont par elles-mêmes une si grande Puissance intrinsèque, ne produisent leurs bons résultats, qu'en proportion de la fidélité avec laquelle elles sont observées. Telle une vigne formée d'un cépage de première valeur ; elle ne donnera de la vendange, qu'en proportion du soin avec lequel elle sera cultivée. Elle pourrait même devenir totalement stérile, si elle était tout à fait négligée.

Aussi l'histoire nous apprend-elle que des Ordres religieux sont tombés dans une décadence plus ou moins profonde, à certaines époques de leur existence. Et si on en recherche les causes, on les trouve presque toujours dans des infidélités plus ou moins nombreuses et plus ou moins persistantes aux Constitutions.

Si l'on considère les Instituts religieux, aujourd'hui si nombreux et si répandus dans toutes les parties du monde, on voit que tous ne sont pas également parfaits. Tous ne sont pas, au même degré, le sel de la terre et la lumière du monde. Sans nul doute, on peut affirmer que leur valeur, aux yeux de Dieu et de l'Eglise, peut se mesurer par le plus ou moins de fidélité qui y règne aux Constitutions et aux Règles.

Qui d'entre nous ne pourrait pas citer tel ou tel Institut, qui jouit de l'estime générale, qui fait l'honneur de la Religion, dont les sujets sont en tout et partout la bonne odeur de Jésus-Christ, et qui, ayant mis la main à la charrue, vont toujours en avant, sans jamais regarder derrière eux ?

La divine Providence a voulu, comme vous le savez, M. T. C. F., que je fasse de longs voyages dans différentes contrées du monde. Cela m'a fourni de nombreuses occasions d'observer et de comparer les Ordres religieux, ainsi que leurs oeuvres diverses.

Que de choses édifiantes et même parfois étonnantes, il m'a été donné de voir et d'apprendre ! Le détail en serait trop long. Toutefois, je crois utile de ne pas passer sous silence un point de la plus grande importance: celui de la persévérance dans la vocation. Il y a des Congrégations jouissant de l'estime bien méritée du Clergé et du peuple, où on peut dire que les défections sont à peu près chose inconnue. Si on cherche les causes de ce fait si remarquable et si consolant, on le trouve principalement, dans la parfaite fidélité aux Constitutions et aux Règles qui règne constamment dans toutes les maisons de ces Instituts. 

II 

Il est bon, M. T. C. F., de s'arrêter un moment sur cette pensée, d'en peser toute la portée et d'en tirer profit pour nous-mêmes. Rien de si efficace comme l'exemple. On reste confondu de son peu de courage, quand on voit le zèle et la générosité de tant de religieux et de religieuses, qui, sous tous les climats du monde, même les plus incléments, trouvent assez d'énergie et de force, pour rester fidèles à leurs Constitutions ; avec ce simple mais puissant levier, ils font des merveilles pour la gloire de Dieu. Excitons-nous à la vue de tant de fervents, répétant le mot de saint Augustin : « Pourquoi ne ferais-je pas ce que font tant d'autres, religieux comme moi »  «Plaise à Dieu, dit l’Imitation de JésusChrist, que le désir d'avancer dans la vertu, ne sommeille pas complètement en toi, qui as vu  tant d’exemples d'hommes vraiment pieux ! » (Imit., I, XVIII, 24) Nous voulons tous, je n'en doute pas, le bien de notre Institut. Quel plus grand bien pouvons-nous lui souhaiter et lui procurer, que celui d'être toujours et en tout, des religieux de devoir, des religieux parfaitement réguliers ? « Considère, dit encore l'Imitation, les vivifiants exemples des saints Pères, en qui resplendirent la vraie perfection et la religion, et tu verras comme ce que nous faisons est peu ou presque rien. » (Imit., XVIII, 1).

Oui, M. T. C. F., considérons cet exemple des saints Pères, mais tout particulièrement de notre Vénérable Père Fondateur, qui nous a donné, sous l'inspiration divine, nos Constitutions et nos Règles, et qui tant de fois, et si fortement durant sa vie, nous a exhortés à y être fidèles ! Y a-t-il un sujet de la vie religieuse qu'il ait traité si souvent et avec tant d'énergie ? Y a-t-il un point sur lequel il ait fondé de si magnifiques espérances et en même temps exprimé de si vives craintes ? «A temps et à contre-temps », à l'exemple de saint Paul, il en a parlé à ses Frères. C'est que, par voie de graves conséquences, de là dépendent les progrès dans le bien ou la perte des vocations, la prospérité ou la ruine de notre Institut, qui est l’œuvre de Dieu.

Jamais les contradictions, les persécutions même – et nous savons qu'elles ne lui manquèrent pas – n'affligèrent le Vénérable Père ; il n'y voyait que des événements permis de Dieu. Mais ce qu'il a craint par-dessus tout, après le péché, C'était de voir un jour la discipline religieuse se relâcher dans la Congrégation ; C'était de voir s'amoindrir chez nous le respect et J'amour des Règles. Rappelons-nous ce sentiment de profonde émotion qu'il ne put contenir un soir pendant la lecture spirituelle. On lisait Saint-Jure sur les Règles. Arrêtant brusquement le lecteur, il s'écrie :  « Ah ! M. T. C. F., je ne puis m'empêcher de suspendre  la lecture, quelque excellente qu'elle soit, pour vous faire part d'une chose qui m'afflige et m'épouvante. C'est l'espèce d'incrédulité où peuvent être quelques-uns d'entre vous sur la nécessité des Règles et l'obligation pour tous les religieux de les observer. Elles leur sont absolument nécessaires pour acquérir les vertus de leur état. Les violer facilement, c'est renoncer à sa perfection et s'exposer au danger de se perdre. »

Puis, s'adressant à ceux qui se contentent des grandes lignes, qui manquent de générosité et de courage, et font peu de cas des petites observances, il ajouta : « Je vais avancer une chose qui surprendra : c'est que les religieux tièdes sont plus dangereux dans une communauté que les scandaleux ; c'est qu'ils sont les plus grands ennemis de l'Institut. En effet, ce ne sont pas ceux qui s'écartent tout à fait de leurs devoirs qui sont à craindre, et qui perdent les autres. Grâce à Dieu, ils sont rares et on les retranche dès que leurs désordres sont connue ; d'ailleurs, leur conduite provoque la répulsion et le blâme de tout le monde.

« Mais il n'en est pas de même des religieux tièdes. Semblables à ces fruits qui ont belle apparence, quoique piqués des vers et pourris à l'intérieur, ces sortes de religieux paraissent beaucoup plus vertueux qu'ils ne le sont en effet, d'où il suit qu'on les estime plus qu'ils ne méritent. Comme on ne s'en méfie pas, on subit leur influence, on adopte leurs sentiments, en se règle sur leur conduite; on se fait gloire de penser comme eux, de faire ce qu'ils font et d'être ce qu'ils sont. Leurs exemples sont extrêmement dangereux.»

Pénétrons-nous, M. T. C. F., de ces salutaires enseignements de notre Vénérable Fondateur. En revenant si souvent sur ce sujet, ce qu'il cherchait et voulait, c'était de faire partager à ses Frères ses convictions si vives, si profondes et si vraies, sur l'importance des Constitutions et des Règles ; sur la nécessité impérieuse pour chacun d'y être fidèle, non seulement dans les grandes lignes, niais jusqu'aux moindres détails ; car, toutes sont l'expression de la volonté divine ; et au service de Dieu rien n'est petit, rien n'est sans mérite. Toute notre perfection est là. « Pensez, disait Moïse à son peuple, que le Seigneur votre Dieu vous a instruits comme un père enseigne son fils, afin que vous observiez les commandements du Seigneur, et que vous marchiez dans ses voies » (Deut., VIII, 5, 6).

Un religieux avisé, qui penserait à ces grandes choses, pourrait-il, en effet, hésiter entre le devoir et l'indifférence, S'il était fermement convaincu que l'accomplissement des Règles est pour lui le seul moyen de mériter ses grâces, et de remplir la fin sublime de sa vocation ?

Mais, ô faiblesse et misère humaines ! depuis le péché notre nature est dans le plus grand désordre : la règle lui est toujours à charge, l'autorité la révolte et la soulève ; le simple conseil la rebute. « Nous portons dans nos membres, dit saint Paul, cette mauvaise loi, qui répugne à la loi de l'esprit, et qui nous captive sous le joug du péché » (Rom., VII, 23). Il faut avoir continuellement les armes à la main contre soi-même, se faire violence pour se maintenir dans le devoir; se méfier de ses propres lumières, si proches de l'erreur.

Malheur au religieux qui l'oublie et s'aveugle ! Bientôt il en viendra, de liberté en liberté, d'infraction en infraction, à compter pour rien les avis, les enseignements des Supérieurs et les prescriptions les plus graves. Etat très dangereux, qui prépare une sorte d'incrédulité religieuse, à laquelle il ne manque, hélas! qu'un pas à faire pour consommer la ruine de sa vocation, et risquer son salut éternel.

Voilà bientôt un siècle que notre chère Congrégation existe. Hélas ! Quand nous compulsons nos registres, nous sommes bien obligés de constater que tous ceux qui avaient été appelés à travailler à la vigne du Seigneur dans notre Institut n'y ont pas persévéré jusqu'à la fin. Trop grand, malheureusement, est le nombre de ceux qui après avoir mis la main à la charrue, ont regardé en arrière, pour aller s'engager dans la voie large de la vie du monde !

Et quelles ont été les causes de ces regrettables défections ? Presque toujours on les trouve dans des infractions plus ou moins nombreuses, et plus ou moins persistantes aux Constitutions et aux Règles.

Le Vénérable Fondateur connut lui-même cette peine si cruelle à son cœur paternel. N'eut-il pas, en effet, la douleur de voir quelques-uns de ses chers enfants, qui après avoir bien commencé, se laissèrent entraîner sur la pente facile et dangereuse de l'indifférence et de l'irrégularité ? Peu à peu, ils en vinrent, aveuglés par leurs infidélités, à ne tenir aucun compte de ses charitables et pressants avis, ni des observances régulières, et, finalement, ils abandonnèrent leur sainte vocation, où, par leur propre faute, ils ne trouvaient plus le bonheur et la paix. C'est l'histoire fatale de tous ces religieux infidèles, qui, habituellement, vivent en dehors de leurs Règles ; car, nous dit le Vénérable Père : « Qui ne vit pas en religieux, ne mourra pas en religion ! »

Ce que j'ai pu observer pendant mes 53 ans de communauté, et l'impression produite par un coup d’œil rétrospectif et précis sur cette longue période d'un demi-siècle, confirment pleinement que c'est là la principale, presque l'unique cause des tristes infidélités à la vocation.

En 1827, eut lieu à l'Hermitage, entre deux Frères, un dialogue éminemment instructif sur les terribles résultats des infidélités aux Constitutions et aux Règles.

L'un des deux avait été pendant plusieurs années un Frère pieux et un bon Directeur ; mais, s'étant relâché, il fut averti par le Vénérable Fondateur, qui lui imposa même une pénitence. Il la reçut mal, et, se laissant dominer par l'orgueil et le mauvais esprit, il abandonna sa vocation.

L'autre, qui était un religieux fervent et régulier, qui portait un grand intérêt au pauvre égaré, et qui avait fait son noviciat avec lui, le prit en particulier et lui dit : « Mon ami, avez-vous bien réfléchi à ce que vous faites ? Savez-vous que la vocation est une affaire capitale pour le salut ? » – « Oui, je le sais. » «Comment donc se fait-il que vous, qui avez été conduit dans cette communauté par la divine. Providence, vous en sortiez par l'instigation du démon ? » – « Que voulez-vous que j'y fasse ? Mon parti est pris ; je ne puis faire autrement. » – « Vous pouvez faire autrement si vous voulez. » – « Non, car, outre que j'ai entièrement perdu ma vocation, je sens une force invincible qui m'entraîne malgré moi. » – « C'est le démon qui vous entraîne. » – « Que ce soit le démon ou toute autre chose, il faut que je m'en aille ; car je souffre horriblement, et je ne puis rester davantage. » – « Mais ne voyez-vous pas que vous allez à l'enfer ?» – Je le sais, je le comprends. » – « Quoi, vous êtes convaincu que vous prenez le chemin de l'enfer, et vous le suivez, et vous ne reculez pas ?» – « Non, il m'est impossible de reculer, quand même je comprenne que je vais à l'abîme ! » – « Malheureux ! Votre aveuglement et votre endurcissement me font trembler ! » – « Vous n'avez pas tort de trembler ; car vous pouvez tomber comme moi. Tant que j'ai été fidèle à la Règle, j'ai aimé ma vocation autant que vous, et maintenant je la déteste autant que je l'ai aimée. » – « Vous convenez donc que vous avez eu tort de manquer à la Règle ?» – « Sans doute que j'en conviens ; je ne l'ai jamais nié.» – « Pourquoi donc blâmez-vous le Père Supérieur, de ce qu'il vous reprend, et d'où vient que vous vous jetez dans le monde au lieu de vous repentir et de réparer le mal que vous avez fait ?» – « Je me retire et je me jette dans le monde, parce que Dieu m'a abandonné, et que je suis un réprouvé ! » En disant ces mots il tourna le dos et se dirigea du côté de la porte. Pendant tout le temps du dialogue, il avait une tenue et un ton de voix effrayants, qui jetèrent l'épouvante dans l'esprit et dans le cœur du bon Frère qui voulait le ramener.

Ainsi donc, M. T. C. F., qu'on ne s'y trompe pas ; il faudra rendre un compte très sévère des grâces et talents reçus, et follement dissipés ; Notre-Seigneur nous le montre par les paroles les plus énergiques en divers endroits de l'Evangile. Que n'exigera-t-il pas pour la vocation religieuse, qui est une chaîne de tant d'autres grâces ! Rappelons-nous les terribles peines dont il menace les serviteurs infidèles. Pendant la vie on peut quelquefois s'endormir dans l'illusion ; mais à la mort toutes les illusions tombent : la conscience et la loi de Dieu se lèvent, pour accuser le coupable.

Un jeune homme entré dans la Congrégation y avait passé plusieurs années heureuses. Mais il eut le malheur de se laisser aller à des négligences répétées, qui lui firent perdre le goût de la vie religieuse et sa vocation. Il retourna donc vivre dans le monde. Peu d'années après il fut saisi d'une cruelle maladie, qui le conduisit bientôt aux portes du tombeau. La famille et les amis voyant le grand danger, l'exhortèrent à mettre ordre à sa conscience, sans pouvoir rien obtenir de lui. En proie à une vive agitation nerveuse, il se débattait sur son lit, s'écriant par moments : « J'ai perdu ma vocation ! j'ai perdu ma vocation ! » Enfin, après bien des prières et des supplications, on obtint qu'il se confessât et reçût les derniers sacrements, ce qui lui fit retrouver le calme et la paix. Il mourut bientôt après dans de pieuses dispositions ; mais combien on resta vivement impressionné, au souvenir des pénibles scènes qui avaient précédé sa confession !

Un autre fait pris dans l'histoire de notre Institut montre bien les funestes conséquences de l'inobservance des Constitutions et des Règles, non seulement pour les sujets, mais aussi pour les maisons.

 On était en 1830. La révolution venait de sévir en France, et les Congrégations religieuses avaient été menacées. C'est à cette époque qu'eut lieu la visite domiciliaire à l'Hermitage par le Procureur du Roi et les gendarmes. Or, tout cela ne fit aucun mal à l'Ins­titut. Mais la violation d'une Règle et la conduite ir­régulière d'un seul furent la première et principale cause de la fermeture de l'établissement de Feurs : c'était le premier que la Congrégation perdait.

Tant il est vrai que les Constitutions et les Règles sont les gardiennes et les soutiens des maisons religieuses, et que leur infraction en amène tôt ou tard la ruine. Vérité effrayante qui devrait faire trembler les religieux violateurs des Règles : « Qui sait, doivent-ils se dire, si les infractions que je me permets, n'amèneront pas la ruine de cette maison ?» 

III 

Ces exemples tirés de notre histoire, sont pour nous, M. T. C. F., d'utiles et instructives leçons, qui revêtent toujours une certaine actualité. Il importe donc de ne pas les oublier et d'en tirer profit ; c'est pourquoi je les rappelle ici aux méditations de chacun, afin qu'en voyant les malheureuses suites des infidélités aux Règles nous nous attachions davantage encore à remplir parfaitement nos saints engagements, à être des religieux réguliers en tout.

Non, non, M. T. C, F., on ne déchire pas en vain la volonté divine, pour y substituer la sienne propre ; ce criminel désordre, Dieu ne le tolère pas. Saül, après avoir été appelé de Dieu, et sacré solennellement par son ordre, en est cependant irrévocablement rejeté. Point d'autres causes que celle-là. Nous savons de quels châtiments il menace son peuple pour les infractions à sa loi ; châtiments si sévèrement tenus, lorsqu'ils furent mérités. L'Evangile même, loi toute d'amour et de miséricorde, ne renferme-t-il pas aussi une part terrible contre les infidèles à la grâce ?

Ecoutons maintenant l'enseignement de Moïse à son peuple : « Voilà, dit-il, que je mets aujourd'hui devant vous la bénédiction ou la malédiction. La bénédiction, si vous obéissez aux commandements du Seigneur notre Dieu; la malédiction si vous n'obéissez pas à ses préceptes » (Deut., XI, 26, 27, 28). Nous aussi, M. T. C. F., nous sommes le peuple tout particulièrement choisi de Dieu. J’espère que dans notre désir de lui plaire, nous n’hésiterons pas entre ces deux alternatives; mais que chacun aura toujours à cœur, selon la mesure de son amour et de son pouvoir, d'écarter cette terrible malédiction, de nos personnes, de nos maisons, et de notre cher Institut, pour lui assurer à jamais la paternelle bénédiction divine. N'est-ce pas cette bénédiction qui, jusqu'à présent, a fait sa force, son développement et sa vie ?

 Comme religieux nous avons l'obligation stricte de désirer la perfection et d'y tendre de toutes nos forces, pour procurer la gloire de Dieu. Et notre Institut aussi, en tant que personne morale, n'a de raison d'être dans l'Eglise, qu'à cette seule condition : la plus grande gloire de Dieu. Comment remplira-t-il cette condition vitale ? sinon par le persévérant travail de perfection de chacun de ses enfants.

Donc, M. T. C. F., si nous portons au cœur l'amour de notre chère Congrégation, comme un digne fils porte l'amour de sa mère et de sa famille ; si nous sommes jaloux de son honneur et de sa réputation, de son avenir et de sa vie, nous le prouverons efficacement par la pratique de l'esprit religieux qui nous est propre, par notre avancement dans la vertu, par une régularité parfaite. Pour cela,  ne  doit-il pas nous suffire de savoir que Dieu le désire de nous et qu'il le veut ?

Et ici, à chacun sa part de devoir et de responsabilité :

1° A tout religieux, quels que soient son âge et son rang, dans la mesure de ses forces ; car en embrassant la vocation religieuse, non seulement il a eu l'intention de tendre à la perfection, mais encore il s'y est engagé par vœu. C'est là sa fin. Or, il y renonce s'il ne la remplit pas dans la manière prescrite, s'il néglige ses Règles.

2° Aux Supérieurs surtout, à quelque degré qu'ils le soient. Par leur charge ou par devoir d'état, ils sont les gardiens et les défenseurs des Règles et des Constitutions. Quelle terrible responsabilité n'encourraient-ils pas, s'ils venaient à se négliger dans cette grave obligation ! Qui pourrait calculer la grandeur du mal produit dans un Institut, en ce qui concerne le Supérieur général ; dans les provinces, pour les Provinciaux ; dans les maisons, pour les Frères Directeurs, si les uns et les autres laissent librement s'introduire les abus et le relâchement des Règles ? On tremble à cette seule pensée ! Ne serait-ce pas, en effet, de gaieté de cœur, ou par ses propres mains, répandre le poison mortel qui tue les âmes, et mène les Congrégations à la ruine ?

Ecoutons là-dessus, M. T. C. F., la sainte indignation d'un des premiers disciples du Vénérable P. Champagnat, disciple que nous pouvons appeler, en toute vérité, un de nos fondateurs. Le fait se passa à Saint-Genis-Laval en 1865.

Pendant la retraite annuelle, le Frère Jean-Baptiste, déjà bien affaibli par les travaux et la maladie, vint donner une conférence. Comme toujours ce fut avec une vive satisfaction qu'on le vit monter en chaire. A titre exceptionnel cette année-là, les Supérieurs faisaient leurs conférences à la chapelle et de la même chaire qui servait au Père prédicateur.

Dans cette mémorable conférence, une des dernières qu'il fit aux retraites annuelles, il traita la question des pernicieuses conséquences qu'entraînent les infractions aux Règles, et de la grave responsabilité qui incombe à ce sujet aux Frères Directeurs.

Avec la grande autorité que lui donnaient son âge, son expérience, sa vertu, ses fonctions de premier Assistant, sa qualité d'historien du Vénérable Fondateur et de l'Institut, il parla des désastres produits par les irrégularités du passé, et de ceux qui étaient à redouter pour l'avenir.

A mesure qu'il avançait dans le développement de son sujet, sa voix s'animait, son geste devenait de plus en plus énergique, sa physionomie avait pris une expression de sainte émotion, qui impressionnait vivement les quatre ou cinq cents Frères présents.

« Les Frères Directeurs, dit-il, qui négligent la régularité pour eux-mêmes et pour les Frères de leur établissement, font un mal si grand à l'Institut, et assument une responsabilité telle, que je ne saurais trop les stigmatiser. Notre-Seigneur, ajouta-t-il, qui est ici près de nous dans son tabernacle, qui nous voit et nous entend, pourra leur pardonner dans sa miséricorde ; mais pour moi, continua-t-il, en s'animant encore, pour moi, je vous le déclare, je ne leur pardonnerai jamais ! »

On raconte qu'à cette véhémente sortie, où parlaient la conviction la plus profonde et l'amour sacré de l'Institut, on sentit comme un frisson parcourir l'auditoire. A quarante-cinq ans d'intervalle, entendons, nous aussi, cet accent toujours autorisé, toujours cher à nos cœurs de Petits Frères de Marie, et cueillons pour nous la leçon qu'il a tracée. 

IV 

Jusqu'ici, presque tous les motifs invoqués dans cette lettre, pour nous porter au respect et à l'observance de nos Constitutions et de nos Règles, sont appuyés sur des faits d'où se dégagent avec raison des sentiments de crainte, sentiments toutefois justes et salutaires ; car l'enseignement pratique qui en ressort .montre d'une manière claire et terrible comment Dieu agit avec des religieux infidèles à ses volontés et à ses grâces. En lisant et méditant ces exemples, en voyant les malheurs de ces âmes dévoyées, ne doit-on pas s'inspirer de cette pensée redoutable, que la justice divine, la même toujours et pour tous, traitera les infracteurs d'aujourd'hui comme elle a traité ceux d'hier ? Qui ne tremblerait devant ces terribles conséquences ? Qui voudrait attirer sur sa tête, sur ses Frères ou sur sa maison pareilles disgrâces, et ces cruelles épreuves, ces croix si amères dont vainement on chercherait les causes ailleurs ?

Donc, M. T. C. F., à tout prix épargnons à nos âmes ces graves conséquences et gardons-nous, gardons aussi nos Frères et nos maisons de cette, tiédeur, que Dieu abhorre et réprouve ; de ces négligences coupables, de ces infidélités volontaires, qui troublent les communautés, leur soustraient les bénédictions et les grâces, lassent la patience divine et provoquent sa justice. Pénétrons-nous de cette pensée du Sage : « La crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse » (Prov., 7). N'aurions-nous que ce seul motif, il devrait être largement suffisant, pour nous maintenir fidèles dans la pratique de tous nos devoirs.

Mais élevons nos pensées plus haut. Non seulement Dieu est notre Maître et Législateur, nous donnant sa lui ramenée à plus de perfection dans nos Règles, et nous prescrivant de l'observer ; mais encore, et par dessus tout, il est notre Père : « Vous prierez ainsi, nous « dit Notre-Seigneur : Notre Père qui êtes aux Cieux… » A ce titre si doux, si grand, et si noble, qui nous élève jusqu'à Dieu et nous unit à lui, correspond de notre part le devoir filial de le servir et de l'aimer, plus parfaitement qu'un fils bien né n'aime son père et se conforme à ses volontés « Vous aimerez, nous dit-il, le Seigneur votre Dieu de tout votre cœur, de toute votre âme et de toutes vos forces ; » et le divin Maître appelle cela « Le premier et le plus grand des commandements » (Matt., XXII, 37, 38).

Est-il possible, M. T. C. F., de remplir dignement ce précepte, le premier et le plus grand de tous, sans porter au cœur le désir ardent de plaire à Dieu, de nous conformer à tout ce qu'il demande, c'est-à-dire, à sa sainte volonté ? Non, sans doute, car le véritable amour de Dieu ne peut se supposer sans accomplir la volonté divine, et même sans l'accepter de sa main dans ce qu'elle a de crucifiant pour la nature – « Celui qui fait la volonté de mon Père, est celui qui m'aime ; et celui qui veut être à Jésus-Christ, doit porter sa croix et le suivre ».

Rappelons-nous cette scène touchante de l'Evangile « Comme il parlait à la multitude… quelqu'un lui dit « Voilà votre mère et vos frères qui sont dehors et vous cherchent. Il répondit : Qui est ma mère, et quels sont mes frères ? Et étendant la main vers ses disciples, il dit : Voici ma mère et mes frères ; car quiconque fera la volonté de mon Père qui est dans les cieux, celui-là est mon frère, ma sœur et ma mère. » (Matt., XII, 46, 47).

Voilà tracé par la Vérité même le vrai caractère des enfants de Dieu : « faire la volonté de son Père » ; c'est-à-dire, pour nous religieux, observer les préceptes particuliers qu'il nous a donnés. C'est clair, c'est simple, et tout est là. A ce signe infaillible nous pouvons voir avec quel zèle nous progressons dans le chemin de la perfection ; il suffit de voir quel cas nous faisons des Règles, et quel est notre esprit sur la régularité ; car, amour de Dieu, volonté divine, régularité, perfection, fin religieuse et mérites pour l'éternité, sont choses tellement liées ensemble qu'elles sont inséparables ; et qui voudrait exclure l'une, ébranlerait ou compromettrait les autres.

Saint François d'Assise voulant inspirer à ses disciples l'amour de la Règle, quels beaux noms ne lui donne-t-il pas ! Il l'appelle : « La Moelle de l'Evangile, l'Echelle du ciel, le Traité de paix éternelle, la Clef du paradis». Quoique nous n'ayons pas la prétention de mettre en parallèle notre humble Institut avec celui du Séraphique Saint François nous sommes dans la vérité, cependant, en affirmant que nos Règles approuvées par l'Eglise, sont tout cela pour nous, et que nous n'avons rien à envier aux autres, sous aucun rapport.

Quelle assurance de salut n'a donc pas en main un religieux régulier ! Que peut-il désirer encore ? Et si cette grande et unique pensée du salut le préoccupe avant tout, comme il doit s'attacher par toutes les fibres de son cœur, à ce qui lui donne dès ici-bas la quasi-certitude du ciel ! « Observez les règles que je vous donne, disait le grand Apôtre à son cher disciple, en vous conservant sans tache et sans reproche, jusqu'à l'avènement glorieux de Notre-Seigneur Jésus-Christ. » (I Tim., IV, 14). Nous aussi, M. T. C. F., observons par conviction et amour les Constitutions et les Règles qui nous sont données ; c'est le moyen sûr de nous conserver sans tache et sans reproche devant Dieu et devant les hommes, et de marcher à grand pas dans le chemin de la perfection.

Mais à ceux qui manquent d'humilité et de générosité que de prétextes l'amour-propre ne fournit-il pas pour les dispenser de suivre le vrai chemin ! Maître expert dans l'art de manier les illusions, tantôt il aveugle sur la valeur même du précepte, qu'il traite de bagatelle, tantôt il recourt à des obstacles futiles, qu'il grossit et montre comme absolument insurmontables; ou bien, il traite de surannées les petites observances, sous le prétexte menteur qu'il faut être de son temps, et marcher avec le progrès moderne ; des hommes à esprit large, et non des méticuleux ou rétrogrades. Quel malheur quand l'amour-propre s'empare des âmes ! « Le cœur, alors, dit le Sage, gâte l'esprit. » (Sap., IV, 12).

Au contraire, le religieux humble, à esprit sérieux, repousse ces tristes accommodements avec la conscience. Attentif à ses affaires spirituelles, il a un oeil ouvert pour se garder des pièges de ce maudit amour-propre ; et l'autre sur ses devoirs, pour n'en rien négliger, persuadé qu'au service de Dieu, rien n'est petit, rien n'est négligeable ; et que Dieu, selon la parole de saint Chrysostome, « paie avec usure les plus petites choses faites pour lui ».

Le Révérend Frère François, dans la Circulaire du 1ier janvier 1853, nous montre la nécessité d'« Etudier et Méditer la Règle », afin de s'en bien pénétrer. – Dans celle du 27 décembre 1860, le Révérend Frère Louis-Marie prend pour thème « La complète sécurité du religieux dans la Régularité », parce que c'est le fidèle accomplissement de la volonté divine. – Enfin, la Circulaire du 8 décembre 1863, complément des deux autres, traite de la Ponctualité, ou de la précision dans la Régularité. Mettant en parallèle deux maisons religieuses, l'une sans régularité, l'autre à régularité ponctuelle, il nous fait toucher du doigt dans son langage énergique, dans la première le désordre, le manque de progrès et de vie religieuse ; dans la seconde, au contraire, c'est la bénédiction divine, c'est le progrès, la paix, la sainte joie, le bonheur.

 Nous avons lu ces magnifiques Circulaires, témoignages d'une haute science ascétique ; elles sont en nos mains ; mais n'y sont-elles pas des trésors cachés ou simplement lettre morte ? Pour certains, animés seulement de bons désirs, « ce livre est doux à la bouche », selon la parole de l'Apocalypse ; mais parce qu'ils manquent peut-être de courage, pour entrer résolument dans une vie fervente, dans une vie vraiment religieuse,  l'assimilation de ce livre par la pratique « leur cause de l'amertume dans les entrailles » (Apoc., x, 10). De là, la terrible tentation de l'indifférence. Prenons-y garde, Dieu ne nous prodigue pas ses grâces en vain ! Nous savons combien il est sensible aux négligences et aux fautes de ses amis privilégiés

Faisons donc appel à nos intérêts les plus chers, M. T. C. F., et attachons-nous à la fidèle observance de nos Constitutions et de nos Règles, avec cet esprit de foi qui nous y montre Dieu, son amour, sa sainte volonté, source de nos vertus et de nos mérites pour le ciel. Pour le religieux, « c'est servir Dieu en esprit et « en vérité, et ce sont là les serviteurs que le Père de« mande ». (Joan., IV, 23). En tout temps nous devons à Dieu ce tribut filial d'amour ; mais particulièrement en ces jours mauvais, où l'esprit du mal lève orgueilleusement la tête ; car le Seigneur veut trouver dans ses serviteurs des saints plus sanctifiés, qui se sanctifient chaque jour davantage, des saints jaloux de lui faire plaisir en toutes choses.

Trêve donc sans retour aux négligences coupables, quelles qu'elles soient. Si nous voulons vraiment être religieux et agréables à Notre-Seigneur Jésus-Christ, il faut être crucifiés au monde, morts à nous-mêmes, amis de la croix et du sacrifice ; il faut, courageusement, nous faire esclaves des saintes observances de la Règle, même de ce qui en elle nous paraît être des minuties ; par amour de Dieu, aimer passionnément ces minuties, elles sont le complément et la perfection de notre holocauste. Chacune, bien acceptée, est un nouveau fleuron ajouté à notre couronne éternelle, 

VOYAGE EN AMÉRIQUE. 

Le Bulletin de l'Institut vous a déjà entretenus de mon voyage en Amérique au cours de l'été dernier.

Je me contenterai donc de vous en parler très brièvement.

D'ailleurs le cher Frère Angélicus, Assistant Général, qui vient de faire, dans tous les établissements de la province, la visite prescrite par l'article 142 des Constitutions, nous a fait un rapport détaillé, dont j'espère que vous trouverez une analyse dans le Bulletin de mars prochain.

Après ma visite à nos provinces du Levant, j'eus la satisfaction de pouvoir faire connaître à tout l'Institut, dans la Circulaire du 24 mai dernier, que nos Frères de ces deux provinces y font I'Œuvre  de Dieu.

Je suis heureux aujourd'hui de rendre le même témoignage de nos Frères du Canada et des Etats-Unis. Nombreux sont les enfants qui viennent leur demander l'inappréciable bienfait de l'éducation chrétienne. Et, je me plais à le constater ici, liberté pleine et entière leur est laissée par les pouvoirs publics pour l'accomplissement de ce ministère à la fois si utile aux âmes et si profitable aux meilleurs intérêts du pays.

Oh ! comme il est à souhaiter qu'il en soit ainsi dans toutes les contrées du monde !

Prions à cette intention dans toutes nos communautés. Faisons aussi prier de même les enfants de nos écoles dans tous les pays du monde.

Vous vous attendez sans doute, M, T. C. F., à ce que je vous dise quelque chose de l'incomparable manifestation de foi, d'adoration et d'amour envers Notre-Seigneur qui eut lieu à Montréal (Canada), dans la première quinzaine du mois de septembre dernier.

On écrira des volumes sur ce grand événement, qui constituera, à n'en pas douter, un des chapitres les plus remarquables de l'histoire de l'Eglise.

Pour nous, enfants et disciples du Vénérable Père Champagnat, nous avons des titres particuliers à nous réjouir et à bénir le Seigneur de cette manifestation à la fois si grandiose et si profondément chrétienne. En effet, nous le savons, notre Vénérable Père avait pour la divine Eucharistie une dévotion extraordinaire. Il voulait que tout fût non seulement beau en ce qui touche au Culte de l'Eucharistie, mais il tenait à ce que ce fût aussi riche que le permettaient les minimes ressources dont disposait la Communauté. Son attention et son zèle veillaient à ce que tous les éléments du culte extérieur, bâtiments, ornements, chants, cérémonies, etc., fussent aussi parfaits que possible.

La pauvreté partout et en tout, excepté à la chapelle: voilà ce qu'il voulait et ce qu'il pratiquait.

Oh ! comme il aurait joui ! Comme sa grande âme aurait vibré d'un saint enthousiasme s'il se fût trouvé présent à ces incomparables manifestations religieuses : messes solennelles dans les vastes et magnifiques églises de la ville, messe en plein air à laquelle assistait une multitude immense ; cardinaux, archevêques, évêques, prélats, prêtres, religieux, religieuses de tous ordres, laïques de tout âge, de tout sexe et de toute condition. On sentait qu'un souffle puissant de foi catholique animait toute cette multitude qui priait, qui chantait, qui adorait la sainte Victime s'immolant mystiquement sur un autel immense dans ses proportions et superbe dans sa forme.

Et  la procession du jour de la clôture du Congrès, que dois-je, que puis-je vous en dire ? Oh ! ici, il n'est pas possible de trouver des expressions pour rendre les pensées, les sentiments, l'admiration qui étaient dans toutes les âmes à la vue de cet hommage public si grandiose d'adoration rendu à Jésus-Hostie par les cinq ou six cent mille personnes prenant part à cette incomparable cérémonie, soit comme faisant partie de la procession soit comme témoins placés sur le parcours.

Les fils du Vénérable Père Champagnat étaient là, au nombre d'environ 80, tenant modestement leur place dans l'immense procession.

Qui pourra dire l'impression de saint enthousiasme et de profonde adoration, qui animaient tout ce peuple catholique au moment où l'ostensoir placé sur l'immense autel par les mains de Son Eminence le Cardinal légat, le Tantum ergo fut chanté par toute la multitude, quand, après ce chant, Notre Seigneur bénit la foule prosternée et silencieuse, et enfin quand les acclamations : « Dieu soit béni ! Béni soit son saint nom, etc., etc. …, dites d'une voix vibrante et forte par Sa Grandeur Monseigneur l'Archevêque de Montréal, furent répétées de même par les deux à trois cent mille voix de la multitude ?

Non ! non ! on ne trouvera pas d'expressions qui rendent au juste ce que fut cette incomparable cérémonie, qui avait lieu juste au moment où finissait une magnifique journée de beau soleil et où commençait une superbe nuit éclairée par la pleine lune.

Et, comme vous le savez, M. T. C. F., la divine Providence avait disposé les choses de manière à ce que le Supérieur Général de l'Institut se trouve là pour jouir de ces spectacles si édifiants, si réconfortants, et vous y faire participer ensuite, dans une certaine mesure, par la petite relation que je viens de vous en donner.

Il est une haute et opportune leçon qui a été donnée au monde dans cet inoubliable Congrès, et sur laquelle il me semble utile d'appeler votre attention : elle répond en effet parfaitement aux enseignements et aux exemples que nous a laissés le Vénérable Fondateur, c'est le culte de l'autorité.

Autorité religieuse en première ligne, Autorité civile ensuite.

Sa Sainteté Pie X fut l'objet du plus grand et du plus religieux respect, avant, après et surtout pendant le ,Congrès, et cela principalement dans la personne de son légat, Son Eminence le Cardinal Vincent Vannutelli.

Oh ! qu'il fut imposant l'acte spontané de respect qui se produisit à la séance d'ouverture à la Cathédrale lorsque, du haut de la chaire, Sa Grandeur Monseigneur Bruchési, archevêque de Montréal, annonça qu'il allait donner lecture d'un télégramme que l'on venait de recevoir de Sa Sainteté. Immédiatement toute l'immense assemblée se lève, et, dans l'attitude du plus religieux respect, écoute les paroles que le télégraphe apportait du Vatican.

Ce fut un témoignage vraiment grandiose du culte de tout un peuple pour la plus auguste autorité qui soit sur la terre.

Il y a lieu de remarquer que, dans l'assemblée, se trouvaient réunis des personnages du plus haut rang et des plus constitués en dignité, tant de l'ordre ecclésiastique que de l'ordre civil.

Après ce solennel hommage rendu à la parole du Souverain Pontife vint immédiatement le tour du roi d'Angleterre. Même témoignage de respect à la lecture, faite aussi du haut de la chaire, de la belle réponse télégraphique de Sa Majesté Georges V au télégramme que lui avait adressé Son Eminence le Cardinal légat.

Ce n'est pas sans raison, M. T. C. F., que j'insiste sur ces détails. La grande oeuvre de l'éducation à laquelle se dévoue notre Institut, est une Couvre dans laquelle le respect doit jouer un rôle de premier ordre ; respect de l' enfant pour le Maître et respect du Maître pour l'enfant.

L'expérience de tous les temps a démontré combien est efficace cette loi du respect dans l'éducation en famille comme à l'école.

Et combien cette efficacité n'est-elle pas accrue lorsque la sève de la foi vient donner une vie chrétienne à l'ensemble des témoignages extérieurs de respect.

Heureux les peuples, heureuses les familles, heureuses les écoles, et, pourquoi ne le dirions-nous pas, heureuses les Communautés de religieux où cette grande loi du respect est, tout à la fois, bien comprise et bien pratiquée !

La paix y règne, un travail fécond s'y fait ; tandis que là où cette loi n'est ni comprise ni pratiquée, c'est le malaise, c'est la stérilité.

Le Vénérable Père Champagnat nous a donné à ce sujet, tout à la fois une doctrine que nous ne saurions trop étudier et admirer, et des exemples que nous n'aurons jamais trop à cœur d'imiter fidèlement partout et toujours.

Il avait, nous dit l'auteur de sa vie, un respect profond pour les Pasteurs de l'Eglise. D'abord pour notre Saint-Père le Pape, dont il regardait les avis, les décisions et tout ce qui émanait de lui comme des oracles. Son respect pour les évêques n'était guère moins grand. Dès qu'il paraissait devant eux, il se jetait à genoux et demandait humblement leur bénédiction ; en se retirant il en faisait autant. Les Prélats, avec lesquels il eut à traiter, furent ravis de l'humilité et de l'esprit de simplicité du Vénérable Fondateur ; ils lui donnèrent tous les plus grandes marques d'estime, et se montrèrent entièrement dévoués à son oeuvre, ce qui était pour lui une de ses plus grandes consolations. Oh ! qu'il est consolant, s'écriait-il quelquefois, d'avoir tous ces saints évêques pour nous ! Peut-on craindre quand on est conduit et protégé par les successeurs des Apôtres, par ceux qui sont la lumière du monde, les colonnes de la vérité, le sel de la terre ? Les évêques sont nos Pères ; nous devons nous regarder comme leurs enfants et leur donner, en toute occasion, des marques d'un profond respect et d'une entière soumission. Il faut absolument que les Frères aillent bien avec le Clergé, aujourd'hui plus que jamais, cela est nécessaire pour faire le bien.

Il n'y a, peut-être, pas de chose que le Vénérable Fondateur ait tant recommandée aux Frères, que le respect pour le sacerdoce et la soumission aux Pasteurs de l'Eglise.

Je ne saurais trop vous exhorter, M. T. C. F., à être toujours, en ce point, des disciples dociles et des imitateurs fidèles de notre Vénérable Père. Que partout, dans les limites de nos Constitutions, nous ayons à cœur d'être les auxiliaires dévoués et dociles du Clergé. Pour cela, il suffira que nous observions très fidèlement le chapitre VIII de la première partie du Directoire Général.

Dans une audience que me donna, il y a peu de temps, Son Eminence le Cardinal Coullié, archevêque de Lyon, j'eus la satisfaction d'entendre de la bouche du bon et vénéré Prélat un témoignage sur notre Institut que je suis heureux de faire connaître à tous nos Frères.

« Dans notre grand diocèse, me dit Son Eminence, vos religieux jouissent de l'estime et de la sympathie de nos Prêtres, et la raison principale, c'est qu'ils ont su dans leurs rapports avec le Clergé, conserver soigneusement les traditions et les règles du Vénérable Père Champagnat. »

Et comme je remerciais le bon Archevêque d'une lettre qu'il nous avait écrite récemment, en lui annonçant que nous la conserverions comme un trésor pré cieux dans nos archives : « C'est justement dans ce but que je vous l'ai écrite », ajouta aimablement Son Eminence.

Je vous la transcris ici, M. T. C. F., comme une nouvelle preuve de l'inépuisable bonté de Son Eminence à notre égard, et comme un titre de plus ajouté à tant d'autres qu'il avait déjà à notre reconnaissance. 

                        Lyon, le 6 juillet 1910.

Très Honoré Frère,

Ils sont bien touchants et bien consolants pour moi les vœux qui arrivent de l'exil. Merci ! Merci !

Vous savez l’affection que j'ai toujours portée à nos chers Petits Frères, et lorsque j'avais la consolation de parcourir les paroisses du diocèse, une de mes joies était de les rencontrer dans leurs écoles dépensant leur activité et leur dévouement à l'instruction de nos chers enfants.

C'est pour nous un devoir de reconnaissance de constater le bien qu'ils ont fait partout où la Providence les a conduits, et je suis heureux de saisir cette occasion pour leur rendre ce témoignage.

Prions, mon Très Honoré Frère, pour que vous nous reveniez bientôt ! La France catholique a besoin de conserver sa foi, et votre Père Champagnat n'avait pas d'autre but que cette pensée en instituant votre Congrégation.

Merci des vœux à l'occasion de la fête de Saint Pierre! Je suis heureux d'y répondre en appelant sur votre grande famille les plus abondantes bénédictions de Dieu.

                     † PIERRE Cardinal COULLIÉ,

                      Archevêque de Lyon,

                        qui réclame le secours de vos prières. 

Nos Causes de Béatification. 

Par les correspondances qui, de toutes les parties du monde, nous arrivent à la Maison-Mère, nous constatons avec bonheur que dans toute la Congrégation, on s'intéresse vivement aux Causes de béatification du Vénérable Père Champagnat et du vénéré Frère François.

Nous avions un peu espéré que la Congrégation préparatoire pour la cause du Vénérable Père Fondateur se tiendrait au cours de l'année 1911. Il parait que ce ne sera pas possible, d'après ce que m'écrit le C. Frère Procureur Général près le Saint-Siège. Mais, en compensation, on nous dit que l'on pourra tenir deux Congrégations au cours de l'année 1912.

Rome revient toujours à la charge pour demander de nouveaux miracles. Ce sera, nous assure-t-on, le meilleur moyen d'activer la marche en avant vers la Congrégation définitive de béatification.

Il n'y a donc pas à hésiter, partout nous redoublerons de zèle en vue d'obtenir ces manifestations de sainteté qu'exige le Saint-Siège pour procéder à la béatification.

Comme il est dit quelque part dans le Saint Evangile, nous insisterons, nous persisterons et nous ferons, s'il faut, une sainte violence pour obtenir ce qui fait l'objet de nos ardents désirs.

Une nouvelle image du Vénérable Fondateur, à laquelle sera fixée une relique, pourra être envoyée à ceux qui m'en feront la demande. Je désire qu'elle soit utilisée, dans une large mesure, chez les parents et connaissances de nos Frères, parmi la parenté des élèves de nos Ecoles, chez les personnes pieuses avec lesquelles, on pourra se mettre en rapport sans s'écarter des prescriptions de nos Règles, en un mot, partout où l'on aura lieu d'espérer quelque miracle.

La petite vie illustrée du Vénérable Fondateur récemment éditée est aussi à répandre le plus possible. Les, Frères Directeurs sont invités à s'en procurer une provision, et à faire tout ce qui dépendra d'eux pour en favoriser la diffusion et la lecture. C'est un moyen tout à la fois économique et efficace de faire connaître de plus, en plus le Vénérable, et d'exciter la confiance en son pouvoir auprès de Dieu.

Les petites images (coloriées ou non), où le Vénérable est représenté catéchisant, sont encore en quantité à l'Economat Général. Il y a lieu de ne pas les laisser dormir inutilement en magasin.

Si par prudence et pour ne pas nous exposer à compromettre la bonne marche de la Cause, il ne nous est pas permis d'invoquer publiquement le Vénérable, rien ne s'oppose à ce que nous l'invoquions en notre particulier, et à ce que nous conseillions à d'autres de faire de même en vue de lui demander des faveurs, de vrais miracles.

Je renouvelle la recommandation de nous envoyer au plutôt les relations, aussi bien documentées que possible, des faveurs obtenues par l'intercession du Vénérable.

 Cause du Révérend Frère François. 

                        Saint-Genis-Laval, 7 janvier 1911. 

Mon Très Révérend Frère Supérieur Général,

C'est toujours cloué sur la croix qui m'est survenue à Lyon le jour de la Saint-André, et pour obéir à votre désir, que je vous écris ces lignes, pour vous dire où en est la marche de cette cause, si chère à tous.

A la suite de votre Circulaire du 25 avril 1909, dans laquelle Votre Révérence invitait à titre officieux ceux des Frères qui pouvaient fournir des notes relatives à la cause, à les recueillir, notre Frère Procureur près le Saint-Siège m'adressait des instructions pour guider mon inexpérience dans cette affaire. Sans retard, je me mis à recueillir quelques-unes de ces notes, et à découvrir les témoins qui devraient comparaître.

Ces préliminaires esquissés, le rôle officiel de l'Eglise va commencer.

Par décision de la Sacrée Congrégation des Rites, notre C. F. Procureur Général près le Saint-Siège, est nommé Postulateur Général des causes présentées par les Petits Frères de Marie ; et le 24 février 1910 je reçois ma nomination de Vice-Postulateur pour la cause du vénéré Frère François.

Ces nominations faites, notre Frère Postulateur, d'accord avec le Révérend. P. Copéré, à Rome, s'occupa activement de la composition des articles, qui doivent être prouvés par des témoins assermentés ; et le Vice-Postulateur se mit en rapport avec le R. P. Payrard à Lyon.

A la grande joie de tous, de divers endroits surgirent de puissants encouragements à poursuivre, en même temps que de hautes marques d'adhésion. Un docteur et professeur de droit canonique me disait :

« Les articles du Fr. François ont un cachet de simplicité qui séduit. » Et ces autres paroles : « J'ai lu tous les articles : pour moi l'issue n'est pas douteuse ; à la condition, bien entendu, que les témoins fassent la preuve. »

Un vénérable membre du docte Chapitre de Lyon s'exprimait ainsi : « Peut-on ne pas croire à la sainteté d'un homme élevé dans un tel milieu d'innocence, et conservé jusqu'à la fin dans un milieu de sainteté, comme l'a été le Fr. François ?»

Postulateur et Vice-Postulateur furent d'ailleurs admirablement favorisés par la Providence, qui avait bien préparé les voies ; de sorte qu'à fin mai ils furent comme contraints de tenter une démarche officielle auprès de Son Eminence le Cardinal Archevêque de Lyon, pour obtenir la constitution du Tribunal diocésain qui devait s'occuper de l'instruction canonique ou juridique de notre chère cause.

C'est dans ce but, et conseillé par nos amis, que le Fr. Candidus vint à Lyon à l'époque de la retraite du Régime. On était au mois de juin.

Même les plus chauds partisans de la cause doutaient que le Tribunal pût être constitué avant le mois d'octobre, en raison des grandes fêtes de Lyon, et des vacances traditionnelles des Tribunaux ecclésiastiques qui s'ouvraient le premier juillet ; en outre le Cardinal était souffrant.

Mais, fidèles aux traditions de leur Vénérable Fondateur dans les cas difficiles, Postulateur et Vice-Postulateur tournent leurs regards vers leur Ressource ordinaire, et avec un abandon filial lui confient l'affaire.

Le 16 juin, fête de Saint François Régis, ils tentent une démarche auprès de Son Eminence. Dès 9 heures ils sont au palais, mais tout s'en mêle pour décourager les Postulateurs. Cependant, à la dernière limite des réceptions, quelques minutes leur sont accordées.

Son Eminence se rappelle avoir reçu une visite de Fr. Candidus à Rome ; aussi accueille-t-Elle les visiteurs en toute paternité. Elle nous parle avec effusion de nos chères causes.

C'est alors que le Postulateur présente la supplique pour l'Introduction de la cause du vénéré Frère François. Son Eminence la prend et la lit très attentivement avec une visible satisfaction.

« Eminence, dit alors Frère Candidus, y aurait-il possibilité de trouver une heure propice, pour la constitution du Tribunal ecclésiastique ? »

Après un coup d’œil rapide sur son agenda, et avec une surprenante sûreté de décision, Son Eminence répond : « Lundi, à 10 heures, si vous êtes prêts ».

Les Postulateurs reçoivent à genoux et dans des sentiments de reconnaissance sa bénédiction paternelle et se retirent. 

I 

Il fallait être prêts. Sans perdre une minute, ils se démènent si heureusement, que tout arrive à point et comme par enchantement.

Chose digne de remarque, cette date du lundi, prise comme au hasard, est juste celle qui convient le mieux à tous les conviés ; et le lundi, 20 juin, à 10 heures, Son Eminence, en sa chapelle, entonnait le Veni Creator d'ouverture.

Ensuite, dans une allocution pathétique, Elle exposa l'objet de cette cérémonie solennelle, et ajouta : « Elle prouve bien la fécondité spirituelle de l'Institut des Petits Frères de Marie, puisque, après la cause déjà en si bonne voie du Vénérable Père Champagnat, voici l'introduction bénie du premier Supérieur Général, le vénéré Frère François. » Cette allocution fut suivie de la procédure canonique, soit lecture de la nomination officielle du Vice-Postulateur nomination des Membres du tribunal ecclésiastique prestation solennelle du serment par le Cardinal et par chacun des Membres du Tribunal. 

CAUSE DU VÉNÉRÉ FRÈRE FRANÇOIS. 

Constitution du tribunal ecclésiastique de Lyon, 

                            le 20 juin 1910.

Juge Député : Mgr Alexis Brosse, Vicaire Général, Président.

Juges adjoints: M. le Chanoine Jacques-Michel Bornarel ; Chanoine Jean-Marie-Jules Chausse ; Chanoine Robert Ardaine ; Chanoine Honoraire, Jean Marie Boiron, Curé de Saint-Paul.

Promoteur fiscal : M. le Chanoine Sébastien Buy.

Notaire : M. le Supérieur François Belzit, du Séminaire Universitaire, présentement Curé de Saint-André, Guillotière.

Notaireadjoint : M. l'Abbé André Jullien, Prof. de droit, au Grand Séminaire de Sainte-Foy-lès-Lyon.

Quand tout fut terminé, Son Eminence fit l'éloge du Tribunal et en montra l'excellence. Pour quiconque en connaît la haute valeur, cette composition peut être regardée comme la première récompense accordée ici-bas à l'humilité de Frère François : Et exaltavit humiles. Son Eminence exprima en outre l'espoir que tous les travaux seraient bien menés. « Je ne verrai pas l'issue du procès, ajouta-t-Elle[1], mais les membres du Tribunal seront plus heureux. » Telle fut en résumé cette première et mémorable séance.

Cependant le temps pressait. Il y avait suprême intérêt à amorcer le Tribunal avant les vacances, afin de manœuvrer plus vite dès la reprise des séances d'octobre, et de faire comparaître avant l'hiver les témoins invalides, âgés, ou les plus documentés.

Immédiatement, avec un zèle et un dévouement au-dessus de tout éloge, le Tribunal attaque ses travaux avec tant de précision et de science canonique, que le 27 juin, malgré les grandes fêtes religieuses de Lyon, il peut entendre, au complet, Frère Sindulphe, le premier témoin cité, qui a beaucoup connu le Serviteur de Dieu.

Cette première séance n'ayant pas suffi, la commission en fixa une deuxième, exceptionnelle, pour le 2 juillet, fête de la Visitation. C'est en ce jour béni, que Frère Sindulphe termina sa déposition, et que la reprise des travaux juridiques fut fixée aux premiers jours d'octobre.

Dans l'ordre venait ensuite le deuxième témoin, Frère Amphien, âgé de 83 ans, et menacé d'être soudainement enlevé par la mort. Il devait être entendu le 3 octobre. Hélas, ce jour-là il fit défaut pour cause d'impossibilité de transport. Aussitôt la Commission décide une descente à l'Hermitage, pour le jeudi, 13 octobre, seul jour libre pour l'ensemble de ces Messieurs. Mais dès le 11 octobre Dieu appelait à la récompense éternelle son fidèle serviteur. « Espérons, m'écrivait alors une sommité du Tribunal, que le crédit du bon  Frère Amphien dans le ciel sera aussi utile à la cause que l'eût été sa déposition, si précieuse fût-elle. »

Le 13 octobre, malgré un temps affreux et la grève inquiétante des cheminots, la commission arrive à l’Hermitage à l'heure fixée.

Elle y entend plusieurs témoins d'alentour, qui n'auraient pu se rendre à Lyon. Dans l'après-midi elle fait un très édifiant pèlerinage à la tombe du Vénérable Père Champagnat, à celle de F. François et même à celle de F. Amphien. La séance close, le soir, ces Messieurs se retirèrent enchantés de tout.

A partir de cette époque, chaque semaine libre, le Tribunal a fonctionné très régulièrement, pour l'audition d'un ou deux témoins des plus pressés ou des plus intéressants.

Le jeudi, 24 novembre, une Commission s'est transportée gracieusement à Saint-Genis-Laval, pour y entendre le Frère Gentien, malade et qui paraît bien documenté.

Ici se place un incident fâcheux survenu au Vice-Postulateur, sur lequel je ne voulais pas parler, parce que Votre Révérence est déjà au courant.

Le 30 novembre dernier je me rendis à la maison de famille, Place Fourvière, où se réunissent les témoins. Après avoir réglé toutes choses avec l'un d'eux, qui devait se présenter le lendemain, je me rappelle que le temps m'a manqué pour faire ma visite habituelle d'arrivée à la bonne Mère ; et je ne veux pas laisser fermer la Basilique sans remplir ce devoir filial.

Voilà que malgré toutes les précautions prises, arrivé au bas de l'escalier de l'Hôtel de famille, je fais une chute grave, qui me met dans l'impossibilité de me relever seul. Transporté à l'Hôpital Saint-Joseph, je subis une opération sérieuse, mais sans résultat apparent, malgré les soins les plus minutieux et les plus dévoués, pendant plus d'un mois.

 Je me rappelai alors la prière de madame Elisabeth, qu'on m'avait tant redite étant enfant : « Que m'arri­vera-t-il aujourd'hui, ô mon Dieu ? Il ne m'arrivera rien que vous n'ayez prévu de toute éternité ; et cela suffit ». Il aurait pu m'arriver plus mal vu les condi­tions de la chute.

Grâces à Dieu, malgré ce fâcheux contretemps, j'ai pu continuer jusqu'ici la présentation des témoins appelés, tout en me recommandant au Vénérable Père Champagnat et au vénéré Frère François, dans des sentiments de pleine soumission à la volonté divine.

A l'heure actuelle, une vingtaine de témoins ont déjà comparu ; il en reste environ 70 à 80 à entendre. Ces chiffres suffisent pour montrer que l'Eglise ne fait pas les saints à la vapeur. Elle procède lentement, pour aller sagement et sûrement.

Que faire pour faciliter la tâche ?

1° Chaque témoin futur doit classer ses notes, préparer sa déposition par la prière et la réflexion, et lire avec intelligence les articles sur Frère François.

2° On demande de tout le monde de promouvoir des neuvaines, triduums ou prières, en vue d'obtenir soit pour la cause du Vénérable Père Champagnat, soit pour celle de Frère François des faits miraculeux, tels que l'Eglise les exigera en temps opportun. En union dans la prière et le sacrifice, sachons attendre l'heure de Dieu.

Citons pour terminer cet exposé, les lignes suivantes, que m'adressait au nouvel an, un éminent personnage lyonnais, qui s'intéresse vivement à la cause du Serviteur de Dieu. 

                                        Lyon, le 28 décembre 1910.

Mon Bien Cher Frère,

 « L'année 1910 vous laisse sur la croix.

« L'année 1911 sera pour vous la résurrection, et dès les premiers jours, c'est mon vœu le plus ardent. C'est la prière que j'offre à Notre-Seigneur à votre intention. Et, en définitive, et par-dessus tout, à la volonté du bon Dieu.

« Mettons, mon bon Frère, cette année sous la protection du bon Frère François. Je me sens gagné de plus en plus par la dévotion envers lui.

« Il était pour moi un inconnu ; il me devient un intime de l'ordre surnaturel, j'en remercie Dieu.

« Veuillez agréer, mon cher Frère, avec mes meilleurs Vœux pour votre prompt rétablissement, l'assurance de mes sentiments dévoués. » 

*     *

Fidèle à cet avis, venu d'une personne si autorisée, j'ai mis immédiatement l'année 1911 sous la protection du Vénérable Père Champagnat et du Frère François.

Et maintenant plein de confiance, j'attends le moment marqué par la Providence, ne désirant en que la sainte volonté de Dieu.

Daignez agréer, mon Très Révérend Frère Supérieur 'Général, l'humble hommage de mon filial respect et de mon entière obéissance.

             Fr. Marie-Junien,

             Vice- Postulateur. 

Faveurs attribuées au Vénérable Père Champagnat 

                         Trait de protection à Roma (Basutoland).  

Voici ce qu'écrivait à la date du 2 décembre 1909 le Frère Félix, décédé depuis :

 Très Révérend Frère Supérieur,

La maladie vient de nous éprouver : plusieurs de nos enfants ont pris des fluxions de poitrine assez graves, qui nous ont effrayés. Mais nous avons eu recours au Vénérable Père Champagnat qui les a protégés. La protection s'est surtout fait sentir dans un cas d'empoisonnement.

Je me suis imposé une neuvaine d'années pour obtenir sa canonisation.

          Signé : Fr. FÉLIX. 

          Guérison d'une jeune fille, à Amchit en Syrie. 

Le mercredi, 6 avril 1910, une jeune fille nommée Aakley, cheminait tranquillement, lorsque tout à coup une grosse pierre, lancée avec force par un berger du village, vint lui briser le front. Elle tomba évanouie. Appelé à la hâte, le médecin accourt, examine la blessure, constate que le frontal est brisé et que le sang coule sur le cerveau. Il cherche d'abord à calmer la douleur, puis coud la blessure en attendant un moment plus favorable pour l'examiner minutieusement. Trois jours se passent pendant lesquels le docteur tente en vain de nombreux médicaments. La malade ne peut rien prendre. Le quatrième jour, il se produit une enflure générale de toute la partie supérieure du corps : tête, poitrine, épaules. Le docteur se décourage et juge inutile de revenir. Dût-elle guérir, dit-il, qu'il lui faudrait un an et demi à deux ans pour se remettre, et encore resterait-elle folle.

Le lendemain, quatre docteurs sont appelés pour délibérer sur l'état de la malade et l'opérer s'il y a lieu. Ils découvrent le front et examinent la fracture. Mais, aussi peu rassurés que le docteur traitant, ils croient devoir s'en tenir aux prescriptions de ce dernier qu'ils complètent par l'indication de quelques analgésiques.

Cependant le mal fait de rapides progrès ; le sang de l'enfant se corrompt, ses traits jaunissent. Le dixième jour le visage se couvre d'humeurs, et la malade est dans un tel état, que les docteurs la condamnent unanimement. Il n'y a donc plus à compter sur les moyens humains.

Vers cette époque, la mourante avait trois de ses frères chez les Frères d'Amchit. Le plus âgé, de qui nous tenons ces détails, était en même temps professeur et élève. Ayant eu connaissance par le Frère Directeur de l'Ecole des nombreuses faveurs qui avaient été obtenues, dans des cas semblables, par l'intercession du Vénérable Père Champagnat, il fut heureux de recevoir une image avec relique ; le jeune homme, rentré dans sa famille, y fit commencer une série de prières qui furent accompagnées d'aumônes, pour demander par notre cher Vénérable la guérison qu'on n'espérait plus des moyens humains. Les prières durèrent quinze jours au bout desquels les parents eurent la consolation de constater une amélioration extraordinaire dans l'état de leur chère enfant. Cette amélioration devait se continuer rapide. Quelques jours à peine s'était écoulés que la malade était complètement rétablie.

« C'est un miracle ! » me disait un peu plus tard le jeune homme (Simon Acle), et un grand miracle !… »

La famille reconnaissante continue depuis à honorer celui par qui elle a reçu une faveur aussi signalée.

                Signé : Frère Marie-Basile. 

             Guérison d'un de nos Frères.

                                                         Gebail (Syrie), le 10 juin 1910.

Mon Très Révérend Frère Supérieur,

Je viens vous remercier du bon conseil que vous m'avez donné lors de votre passage à notre Procure de Beyrouth. J'ai appliqué sur ma jambe l'image du Vénérable Père Champagnat avec relique que vous avez eu la bonté de me donner.

Et j'ai commencé en même temps une neuvaine au Vénérable. Deux jours après, j'ai éprouvé un grand soulagement, le quatrième jour je pouvais aller assister à la bénédiction chez les Pères Jésuites. Le lendemain j'ai pu bêcher au jardin pendant plus d'une heure.

Depuis que je suis à Gebail, je suis allé à Amchit et je n'ai pas été trop fatigué.

Je viens donc, mon Révérend Frère Supérieur, vous remercier et, en même temps, vous prier de vouloir bien m'aider à remercier Dieu et le Vénérable Père Champagnat de m'avoir accordé ce soulagement.

Je suis, Mon Très Révérend Frère Supérieur Général, votre très humble et très obéissant serviteur.

                                  Frère Gomer. 

                                            Autre guérison.

                                 San Maurizio, le 27 octobre 1909.

Très Révérend Frère Supérieur Général,

Comme vous demandez une croisade de miracles pour hâter la béatification de notre Vénérable Fondateur, je m'empresse de vous communiquer le suivant.

Depuis le mois d'avril dernier, ma mère était atteinte de très vives douleurs à un bras. Elle avait essayé tous les remèdes qu'on lui avait conseillés; jusqu'à présent tout avait été inutile.

Tout dernièrement, elle eut la pensée de s'adresser au Vénérable Père Champagnat ; elle fit une neuvaine, et depuis lors, elle n'a plus rien senti. Les douleurs ont complètement disparu.

Honneur et gloire au Vénérable serviteur de Dieu

Je suis, Mon Révérend Frère, votre très humble et dévoué serviteur.

                Frère Raymond. 

                                 Autre guérison.

             Paspébiac (Canada), le 4 décembre 1910.

Au Révérend Frère Chrystotèle.

Révérend Frère,

J'ai bien reçu votre lettre du 21 novembre ainsi que l'image portant relique de votre Vénérable Fondateur, dont je vous remercie infiniment.

J'ai le même jour commencé une neuvaine avec grande confiance, m'appuyant davantage sur le mérite de vos prières auprès du Vénérable Fondateur que sur les miennes pour être exaucée.

Mon mal d'yeux est complètement disparu et j'espère que c'est pour quelque temps au moins. Je continue à le prier chaque jour. J'ai toujours beaucoup à demander pour d'autres affligés quand ce n'est pas pour moi.

J'ai promis aussi à Madame Narcisse V., de la recommander à vos prières. C'est une mère de famille jeune encore avec de jeunes enfants et qui est atteinte d'un cancer. Elle a une grande confiance en vos prières.

 J'ai aussi reçu une brochure de la 'vie de votre Vénérable Fondateur que j'ai lue avec beaucoup de bonheur et d'intérêt. Merci beaucoup pour tout ceci et pour le concours de vos bonnes prières auprès de 'votre Vénérable Fondateur.

Je demeure votre très obligée et reconnaissante servante.

           Eléonore Duret. 

        Guérison du Frère Hérodion, à Sibundoy (Colombie).

(Relation déjà publiée dans le Bulletin des Juvénats de 1910).

                                    Cali (Colombie), 26 juillet 1909.

Mon Très Révérend Frère Supérieur,

Le 6 juin dernier a été signalé, dans notre province de Colombie, par une guérison importante qu'il nous plaît d'appeler miraculeuse et que nous devons à la protection de notre Vénérable Fondateur. C'est notre Cher Frère Hérodion, directeur de l'établissement que nous avons fondé parmi les Indiens de Sibundoy (Caquetà), qui en a été l'objet.

Voici en quels termes s'exprime le C. Frère Segondus qui a soigné le malade.

L'avant-dernier dimanche de mai, notre C. F. Directeur commença à se plaindre de fatigue extraordinaire, de douleurs dans les jambes, etc. Il ne mangea rien à souper. Le lundi matin il croyait avoir la[2]dengue ou bien un simple refroidissement. Le jeudi, le mal avait empiré. Je crus devoir passer la nuit à son chevet… Pendant la nuit du samedi, notre cher malade s'évanouit dans mes bras… En l'absence de tout médecin, le R. Père Fidel de Monclar, préfet apostolique, consulté, fut d'avis de transporter le C. F. Directeur à Pasto. Pendant que je préparais un lit de camp, on m'avisa de vite accourir. Je trouvai le malade en syncope. Puis vint le délire, impossible de transporter le malade. Nous envoyâmes à Pasto les Indiens nécessaires pour nous ramener un médecin. Le docteur Moncayo se mit en route, conjecturant une typhoïde. Au tiers du chemin, un Indien apporta au docteur une lettre du R. P. Fidel de Monclar. Après en avoir pris connaissance, le docteur remit ses remèdes à l'Indien et lui-même rebroussa chemin jugeant inutile de continuer sa route.

A cette heure, dit-il, en se présentant au Frère Directeur de l'Ecole de Pasto, le Frère Hérodion doit être mort ; voyez ce que m'en dit le Père Préfet ; ce sont tous les symptômes d'un moribond du typhus….

Tous les secours humains étaient prodigués au malade, autant que le permettait notre isolement au milieu d'un pays sauvage, mais tout fut inutile. Les crises succédaient aux crises, et celles-ci étaient extrêmement violentes. Le Père Préfet jugea opportun d'administrer le malade qui fit ses recommandations à la Communauté : « Souvenez-vous, mes bons Frères, que la seule consolation que l'on éprouve au moment de la mort c'est d'avoir travaillé au salut de son âme et à la gloire de Dieu ; tout le reste s'évanouit… » Après la sainte communion et une nouvelle absolution, il dit d'une voix mourante : « Maintenant, mon Père, permettez-moi de m'en aller dans l'éternité. » Il entra immédiatement en agonie. Tous les symptômes des mourants étaient sur son visage. Après les prières des agonisants, le Révérend Père Fidel s'adressa aux assistants en ces termes : « Nous allons réciter un Notre Père pour que le Vénérable Père Champagnat obtienne la guérison du Frère Hérodion, et, en échange, nous promettons de travailler de toutes nos forces à la béatification du Fondateur ».

Les jours suivants, vendredi, samedi et dimanche, 4, 5 et 6 juin, fut célébré un triduum solennel pour demander la même faveur par l'entremise du Père Champagnat. Les Indiens de l'Ecole et un grand nombre de leurs parents y prirent part. En même temps à Pasto, nos cinq cents élèves, ceux de Cali et les Frères en firent autant et prièrent avec le C. Frère Provincial devant une relique du Vénérable.

Tous les moyens humains étaient restés sans succès mais Dieu ne fut pas sourd à tant de supplications.

L'inertie absolue annonçait la mort à bref délai… Mais notre Père Champagnat attendait ce moment solennel pour manifester la puissance de son intercession auprès de Dieu. Vers minuit de la nuit du samedi au dimanche, le R. P. Jacinto, qui veillait le moribond entendit distinctement celui-ci prononcer ces paroles : « Esto será milagro ». « Ce sera un miracle ». Puis, de nouveau, le silence et l'inertie pendant plus d'une heure. Le cher Frère Hérodion ouvrit alors les yeux. Il se rendait compte de ce qui se passait autour de lui. Il fit la Sainte Communion avec une ferveur tout édifiante.

Pendant ce temps, à Pasto, on chantait une messe solennelle pour célébrer la fête du Vénérable Champagnat (décédé le 6 juin 1840). Toutes les autorités y assistaient, Monseigneur l'évêque officiait. Le R. P. Stanislas, curé de Sibundoy, fit un vibrant panégyrique du Vénérable…

Et cependant, à cette heure, on ignorait à Pasto la résurrection du C. F. Hérodion. Depuis le 6 juin, la convalescence a été constante ; le 17 juin, le malade a commencé à se lever et depuis lors sa santé s'affermit de jour en jour.

Tous, ici, nous attribuons cette guérison inespérée, extraordinaire, à la protection de notre Vénérable !

Je suis, etc.

                       Frère THÉODORE-JOSEPH,    Provincial

VERTU DE PAUVRETÉ – ÉCONOMIE. 

Le R. Frère Louis-Marie, de vénérée mémoire, se rendant à Rome pour y négocier la grande affaire de l'autorisation de l'Institut, dut faire un petit séjour à Marseille avant de prendre le bateau dans lequel il devait faire le voyage.

Dans le but d'attirer les bénédictions d'en haut sur l'importante affaire qu'il allait traiter auprès du Saint-Siège, il crut qu'il ne pouvait rien faire de mieux, que d'exhorter les Frères à la pratique de la pauvreté. C'est pour cela qu'après avoir fait un pèlerinage à Notre-Dame de la Garde, il adressa au Frère Pascal, la mémorable lettre que nous lisons à la page 135 de sa vie, et où il insiste tant sur la nécessité d'éviter tout ce qui est opposé à l'esprit de pauvreté, tel qu'il s'est pratiqué du temps du Vénérable Fondateur.

Nous sommes, M. T. C. F., à une époque où, comme au temps où cette mémorable lettre fut écrite, nous avons un puissant motif pour vous faire les mêmes recommandations, c'est la circonstance du grand centenaire de 1917 qui s'approche de plus en plus.

Il importe que partout, dans l'Institut, on ait à cœur d'arriver à une pratique de plus en plus parfaite du chapitre III de la première partie du Directoire Général. Tous les Frères s'attacheront aussi à bien connaître et à avoir en haute estime tout le contenu du chapitre IX, seconde partie de la vie du Vénérable Fondateur.

Les Frères Délégués, les Frères Provinciaux, les Frères Directeurs sont invités à profiter de toutes les occasions qui se présenteront d'attirer l'attention des Frères sur ces deux chapitres, de les commenter. Ils feront de même pour l'article 207 (30) des Constitutions.

Les correspondances et voyages non nécessaires, le confort dans les bâtiments, l'ameublement, les vêtements et la nourriture sont les points principaux sur lesquels on doit veiller dans toutes les provinces. Si l'on n'y prenait garde, on se laisserait entraîner par le courant qui existe à ce sujet dans le monde au milieu duquel nous avons à vivre.

Outre les motifs que je viens d'indiquer pour vous exciter à la pratique de la vertu de la pauvreté et de l'économie religieuse, il en est plusieurs autres.

1° Vous savez tous que notre Institut a eu à subir des pertes matérielles énormes, par suite de la spoliation totale dont nous avons été victimes en France ; qu'en Espagne, l'insurrection de Barcelone, en juillet 1909, nous a causé aussi un préjudice très considérable ; et que, d'autre part, la Caisse Générale a eu à faire et fait encore annuellement des dépenses très fortes soit pour le logement, soit pour l'entretien du personnel et des sujets en formation (juvénistes, postulants, novices et scolastiques) de nos anciennes provinces de France, et qui se trouvent actuellement en Italie, en Espagne, ,en Suisse, en Belgique, etc. Dans une certaine mesure, les nouvelles provinces ont aussi des charges considérables nécessitées par le recrutement et la formation des sujets.

2° Comme je l'ai dit dans les provinces que j'ai visitées en 1909 et en 1910, nous sentons la convenance et même la nécessité d'avoir à Rome en notre Collège Saint Léon-le-Grand une chapelle qui soit suffisamment vaste, qui soit belle et riche comme le voulait notre Vénérable Père, de telle façon que nous puissions la lui offrir comme un beau présent à l'occasion de sa béatification, et enfin qu'elle soit comme un monument, commémoratif de la célébration du premier centenaire de l'Institut.

Nous avons pensé que ce serait bien d'y faire contribuer toutes nos maisons des diverses parties du monde.

Après. en avoir conféré avec les membres du Conseil Général et en avoir entretenu aussi les Frères Provinciaux et autres qui se trouvaient à la dernière retraite du Régime, nous avons déterminé que, de tous nos établissements, on serait autorisé, pour cette année et pour l'année prochaine, à envoyer au Frère Supérieur Général un prélèvement de dix francs par Frère au minimum ou de vingt francs par Frère au maximum. Chacun fera en sorte d'économiser le plus possible, de manière que ces prélèvements ne nuisent pas aux versements ordinaires à la Caisse Commune et à la Caisse provinciale.

Les Frères qui, pour contribuer à cette bonne oeuvre, pourraient et voudraient disposer d'autres fonds tels que revenus patrimoniaux, sont autorisés à le faire en cette année 1911 et l'année prochaine.

Nous lisons au Directoire Général (article 642) « L'administration du temporel étant une chose extrêmement importante pour la prospérité de l'Institut, il sera nécessaire d'y apporter beaucoup d'ordre et de méthode. Ceux qui en seront chargés, doivent être vigilants, prudents, fidèles, économes et ne jamais perdre de vue que les choses qui leur sont confiées appartiennent à Dieu, et qu'ils se rendraient très coupables si, par leur faute elles dépérissaient ou n'allaient pas à leur véritable destination. »

Les Frères Economes, et tous ceux qui ont à gérer de quelque manière les intérêts matériels de l'Institut, doivent bien se pénétrer des indications et prescriptions de cet article 642, ainsi que des 40 articles suivants qui forment le chapitre IX.

Les Frères Provinciaux auront soin de rappeler que c'est là une chose EXTRÊMEMENT IMPORTANTE Pour la prospérité de l'Institut, selon l'expression du Directoire Général.

Dans le but d'assurer le mieux possible l'accomplissement des prescriptions que je viens de rappeler, une commission de trois Frères Assistants s'occupe, à chaque semestre, de faire, pour le Conseil Général, un rapport sur la comptabilité de l'Economat Général et sur les divers comptes rendus, qui nous sont envoyés des provinces en accomplissement des articles 163 et 168 des Constitutions..

Je suis heureux de pouvoir dire ici que cette Commission constate, chaque fois, qu'en général il y a progrès dans la bonne tenue des arrêtés de comptes qui nous arrivent des provinces. Toutefois il y a bien encore matière, un peu partout, pour aller du bien au mieux. Je recommande tout spécialement une exactitude parfaite jà envoyer les arrêtés de comptes semestriels à la Maison-Mère aux époques déterminées. 

DOCUMENTS DE ROME 

I 

RELATION TRIENNALE. 

Conformément à l'article 17 de nos Constitutions, nous avons envoyé au Saint-Siège, en janvier 1910, la relation triennale prescrite par les saints Canons.

Je suis heureux, M. T. C. F., de porter à votre connaissance la réponse qui y a été faite par l'organe de la Sacrée Congrégation des Religieux :

                    A Son Eminence Révmele Card. Arch. de Lyon.

                                                                                       Donné à Rome, le 6 septembre 1910.

Eminentissime et Révérendissime Seigneur,

Il est régulièrement parvenu à cette Sacrée Congrégation un rapport signé et scellé, dans lequel le Supérieur Général des « Petits Frères de Marie » rend compte de l'état dudit Institut pendant la période triennale 1907-10, comme c'est dans les devoirs de sa charge.

En même temps qu'elle se plaît à louer tout ce qui s'est fait de bon et de pieux dans ledit Institut, cette même Sacrée Congrégation aime à- espérer que, non seulement il persévérera dans le bien, mais qu'il progressera de jour en jour vers le mieux.

Et afin que ses membres tendent avec une ferveur toujours plus grande à réaliser la fin de leur vocation, le Saint-Père leur accorde à tous et à chacun la Bénédiction Apostolique.

Je serai très reconnaissant à Votre Eminence, dont je baise humblement la main, de communiquer tout ceci au Supérieur ci-dessus désigné.

De Votre Eminence

Le très humble et très dévoué serviteur.

                        J. C. Card. Vivès, Préfet.

Vinc. la Puma.

                  Vu avec respect, et reconnu authentique.

Lyon, 15 septembre 1910.

                          Pierre Card. Coullié              Archevêque de Lyon et de Vienne. 

Erection du Noviciat de Pernambouco. 

Très Saint Père,

Le Supérieur Général des Petits Frères de Marie implore très humblement de Votre Sainteté la faculté d'ériger un noviciat dans une maison de l'Institut située à Pernambouco (Brésil).

Et que Dieu, etc.

'En vertu des pouvoirs spéciaux à elle accordés par le Saint-Père, la Sacrée Congrégation préposée aux affaires des Religieux, a donné à l'Ordinaire du lieu la faculté de permettre l'érection canonique d'un noviciat dans la maison ci-dessus mentionnée pourvu que soient remplies toutes les conditions requises de droit, d'après les Saints Canons et les Constitutions Apostoliques.

Rome, novembre 1910.

                   S. C. Card. Vivès, Préfet

III 

ERECTION du NOVICIAT de MOAMOA. 

Très Saint Père,

Le Supérieur Général des Petits Frères de Marie implore très humblement de Votre Sainteté la faculté d'ériger un noviciat dans une maison de l'Institut située à Moamoa, île Upolu (Samoa).

Et que Dieu, etc.

En vertu des pouvoirs spéciaux à elle accordés par le Saint Père, la Sacrée Congrégation préposée aux affaires des Religieux, a donné au Vicaire Apostolique de l'Archipel des Navigateurs, la faculté de permettre l'érection Canonique d'un Noviciat dans la maison ci-dessus mentionnée, pourvu que soient remplies toutes. les conditions requises de droit, d'après les Saints Canons et les Constitutions Apostoliques.

Rome, 26 août 1910.

                                     S. C. Card. Vivès, Préfet.

                          P. BROYER, S. M.

Épisc. Polem. nec non Vic. Ap. Navigatorum. 

IV 

DÉCRET DE LA SACRÉE CONGRÉGATION DES RELIGIEUX 

SUR L'ÉTUDE DANS LES NOVICIATS.

Le noviciat est institué pour examiner le candidat à la vie religieuse et le former peu à peu à la perfection. C'est pourquoi on y consacre un an au moins, sous la direction d'un maître, à des exercices purement spirituels.

Mais l'expérience a prouvé que l'assiduité des occupations pieuses, même variées à propos, fatigue l'esprit, surtout chez les jeunes gens, et que la volonté ne peut la plupart du temps maintenir l'âme attentive à des. actes de religion qui se poursuivent tout le jour. Considérant que, même pendant le noviciat, un temps Modéré assigné aux études pourrait aider les novices à ne pas oublier ce qu'ils ont appris, et à manifester leur intelligence, leurs aptitudes et leur application, la Sacrée Congrégation des Religieux, en sa séance plénière tenue au Vatican le 15 août, a donc statué et prescrit à l'observation de tous les Ordres et Congrégations religieuses. les règles ci-après.

1° Les novices consacreront tous les jours, sauf les fêtes, une heure à l'étude en particulier.

2° Ces études seront dirigées par le maître ou le sous-maître des novices, qui doivent se distinguer par les connaissances requises, ou mieux par quelque professeur d'humanités résidant au noviciat ou non loin. Ce directeur aura pour rôle, trois fois au plus par semaine, pendant une heure, en outre de celle que les novices doivent consacrer chaque jour à l'étude à titre privé, de les instruire en commun, comme dans une classe, ou du moins d'examiner leurs progrès dans l'étude.

3° Quoiqu'il ne faille pas considérer cela comme une classe proprement dite, les novices se garderont d'y voir un simple exercice de mortification. Qu'ils s'y appliquent avec le plus grand soin, de manière à en recueillir un fruit véritable ; que, d'autre part, les maîtres dirigent les études avec méthode et soient à même de juger de l'intelligence et de l'activité de chaque novice et de veiller à ses progrès.

Quant au genre d'études à entreprendre, il devra répondre à la nature de chaque Ordre ou Congrégation. On recommande l'étude de la langue maternelle, et, pour les novices destinés aux Ordres, l'étude des langues latine et grecque, soit qu'on rafraîchisse les connaissances acquises, surtout en grammaire, soit qu'on lise les saints Pères et les auteurs ecclésiastiques qui ont brillé dans les lettres, par exemple saint Ambroise, saint Augustin, saint Jérôme, Lactance, saint Jean Chrysostome, Eusèbe et autres semblables ; de même l'Evangile de saint Luc et les Actes des Apôtres, dans l'original grec.

On pourra y ajouter très utilement des exercices écrits, comme des pièces de circonstance, des poèmes à la Vierge. Il conviendrait que ces productions et d'autres. de ce genre, rédigées soit dans la langue maternelle, soit en latin, fussent lues ou débitées par les novices à la tribune, afin d'acquérir une prononciation exacte et une certaine aisance dans la parole publique. De même, il est à propos que les novices, dans leurs conversations, se servent quelquefois du latin plutôt que de la langue maternelle, et qu'ils donnent aussi en latin de courts sermons ou instructions catéchétiques à leurs confrères.

4° Celui qui préside la classe devra noter par écrit l'activité et le progrès de chaque novice, et envoyer, sur ce point, au Supérieur général ou au provincial, un témoignage écrit, dont il sera tenu compte avec le reste pour l'admission aux vœux.

Toutes ces règles, Notre Saint-Père le Pape Pie X, sur le rapport du soussigné sous-secrétaire, a daigné les confirmer le 27 août 1910. Nonobstant toutes prescriptions contraires, même celles qui méritent une mention spéciale.

Donné à Rome, à la Secrétairerie de notre Sacrée Congrégation, le 27 août 1910.

              Fr. J. C., Card. Vivès, Préfet.

              FRANÇOIS CHERUBINI, SousSecrétaire

DECRET DU SAINT-OFFICE

 PERMETTANT AUX FIDÈLES DE REMPLACER A LEUR GRÉ

LES SCAPULAIRES PAR UNE MÉDAILLE. 

On le sait, les saints scapulaires, comme on les appelle, contribuent grandement à entretenir la dévotion des fidèles, et à exciter en eux le désir d'une vie plus parfaite. Aussi, pour que la pieuse coutume de s'y inscrire s'accroisse de jour en jour, notre Très Saint Père Pie X, Pape par la divine Providence, tout en souhaitant beaucoup que les fidèles continuent à les Porter comme par le passé, a cru cependant devoir se rendre aux vœux, que plusieurs personnes lui ont exprimés. Après avoir préalablement pris les suffrages des Eminentissimes Pères les cardinaux Inquisiteurs généraux, dans l'audience accordée le 16 décembre de l'année courante à Mgr l'Assesseur de cette suprême et Sacrée Congrégation du Saint-Office, a daigné, dans sa bienveillance, accorder ce qui suit :

A tous les fidèles agrégés ou à agréger à l'avenir, par une imposition régulière, à un ou plusieurs scapulaires authentiquement approuvés par le Saint-Siège (excepté ceux qui sont propres aux Tiers-Ordres), il est désormais permis de remplacer ce ou ces scapulaires d'étoffe par une médaille en métal, portée au cou ou autrement, pourvu que ce soit sur leur personne et décemment, de sorte qu'en observant les règles propres à chacun d'eux, ils puissent sûrement gagner toutes les faveurs spirituelles (y compris le privilège dit sabbatin du scapulaire de Notre Dame du Mont-Carmel), et participer à toutes les indulgences annexées à chacun d'eux.

Cette médaille devra porter à l'avers l'effigie de Notre-Seigneur Jésus-Christ montrant son Cœur sacré, et au revers celle de la Bienheureuse Vierge Marie. Elle devra être bénite d'autant de bénédictions distinctes qu'elle remplacera de scapulaires régulièrement imposés, et pourra tenir lieu de ceux-ci, au gré de ceux qui les demanderont.

Enfin, chacune de ces bénédictions pourra être donnée par un seul signe de croix, soit dans l'acte même de l'inscription aussitôt après l'imposition régulière, soit même plus tard, selon l'opportunité des demandants. Peu importe qu'on observe ou non l'ordre des différentes inscriptions et le temps qui s'est écoulé depuis. La bénédiction peut se faire par n'importe quel prêtre, même distinct de celui qui inscrit, pourvu qu'il jouisse de la faculté respective, ordinaire ou déléguée, de bénir les scapulaires. Demeurent fermes par ailleurs les limitations, clauses et conditions du pouvoir primitivement accordées.

Nonobstant toutes choses contraires, même dignes d'une mention très spéciale.

Donné à Rome, au palais du Saint-Office, le 16 décembre 1910.

                           Aloys GIAMBENE,

                        Substitut pour les Indulgences. 

Nos DEFUNTS.

 

F. PATRICIC, Profès perp., décédé à Dundee (Ecosse), le 10 mars 1910.

F. VICTRICE, Stable, décédé à Païta (Nouvelle-Calédonie), le 28 avril 1910.

     PFYROT Régis, Postulant, décédé à Araules (Haute-Loire), le 28 avril 1910.

F. FLOSCULE, Profès perp., décédé à Ternay (Isère), le 16 mai 1910.

F. VÉRULE, Profès perp., décédé à Nouméa (Nouvelle-Calédonie), le 17 mai 1910.

F. FÉLIX, Stable, décédé à Roma (Afrique du Sud), le 21 mai 1910.

F. SYMPHRONE, Profès perp., décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 2 juin 1910.

F. EPIPODIUS, Profès perp., décédé à Varennes-sur-Allier (Allier), le 3 juin 1910.

F. PRIME, Profès perp., décédé à Varennes-sur-Allier (Allier), le 3 juin 1910.

F. FRANÇOIS-ERNEST, Novice, décédé à Pontos (Espagne), le 26 juin 1910.

F. SENOCH, Profès perp., décédé à Beaucamps (Nord), le 7 juillet 1910.

F. AGATHON, Stable, décédé à Beaucamps (Nord), le 8 juillet 1910.

F. CECILIEN, Profès perp., décédé à Saint-Hyacinthe (Canada), le 18 juillet 1910.

F. MARIE-CYPRIEN, Profès perp., décédé à Steenvoorde (Nord), le 27 juillet 1910.

F. AGNEL, Profès perp., décédé dans la Province d'Aubenas, le 31 juillet 1910.

F. ODILON, Profès perp., décédé à Hardivillers (Oise), le 3 août 1910.

    RIEU Marcel, Juvéniste, décédé à Pernambuco (Brésil septentrional), le 16 août 1910.

F. LEON-FRANÇOIS, Profès perp., décédé à MakriKeui (Turquie), le 18 août 1910.

F. ROMUALDUS, Stable, décédé à Camaragibe (Brésil septentrional), le 20 août 1910.

F. MARIE-CÉLIEN, Profès perp., décédé à Tuy (Espagne), le 20 août 1910.

F. IRÈNE, Profès perp., décédé à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), le 23 août 1910.

F. DULAS, Profès perp., décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 27 août 1910.

F. LOUIS-GoNZAGUE, Stable, décédé à Vintimille (Italie), le 29 août 1910.

F. EUSTADE, Profès perp., décédé à Burgos (Espagne), le 30 août 1910.

F. MARIE-DOMNIN, Profès perp., décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 11 septembre 1910.

F. ACHEOLUS, Profès perp., décédé à Vintimille (Italie), le 18 septembre 1910.

F. PERGENTINUS, Vœux temp., décédé à St-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), le 18 septembre 1910.

F. LUPERQUE, Stable, décédé à Dumfries (Ecosse), le 21 septembre 1910.

F. ELOI-VICTOR, Profès perp., décédé à Ruoms (Ardèche), le 1ieroctobre 1910.

F. PANCRACE, Profès perp., décédé à Dumfries (Ecosse), le 3 octobre 1910.

    ECEIZA Antonio, Juvéniste, décédé à Vich (Espagne), le 3 octobre 1910.

F. AMPHIEN, Stable, décédé à Notre-Dame de l'Hermitage (Loire), le 7 octobre 1910.

F. ADALBAUD, Profès perp., décédé à Varennes-sur-Allier (Allier), le 14 octobre 1910.

F. URBASE, Profès perp., décédé à Vintimille (Italie), le 21 octobre 1910.

F. CHARLES-BERNARD, Vœux temp., décédé à Belém. (Brésil septentrional), le 22 octobre 1910.

F. QUINTUS, Profès perp., décédé à Arlon (Belgique), le 25 octobre 1910.

F. ANTHÈME, Stable, décédé à Beaucamps (Nord), le 27 octobre 1910.

F. ROGATIEN, Profès perp., décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 6 novembre 1910.

F. LAURENT, Stable, décédé à Anzuola (Espagne), le 10 novembre 1910.

F. MÉDERIC, Profès perp., décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), 4 décembre 1910.

F. ABBON, Profès perp., décédé à Saint-Genis-Laval, (Rhône), le 4 décembre 1910.

F. MARIE-PRISCILLIEN, Novice, décédé à Turin, (Italie), le 25 décembre 1910.

F. MARIE-MICHEL, Vœux temp., décédé à Sanilhac (Ardèche), le 25 décembre 1910.

F. MARiE-LANDRY, Profès perp., décédé à Santa Maria (Brésil), le 27 décembre 1910.

F. FERNANDO-MARIA, VEUX temp., décédé à Cabezon-de-la-Sal (Espagne), le 31 décembre 1910.

F. GERMINIEN, Profès perp., décédé dans la Province d'Aubenas, le 17 janvier 1911.

F. PLACIDUS, Profès perp., décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 18 janvier 1911.

F. GÉRY-JOSEPH, Profès perp., décédé dans la Province de l'Hermitage, le 18 janvier 1911.

F. CRESCENTIEN, Stable, décédé à Grugliasco (Italie), le 25 janvier 1911.

F. MARIE-LEONCIEN, Stable, décédé à Granby (Canada), le 4 janvier 1911.

« Le vœu le plus ardent de mon cœur au dernier moment de ma vie », nous a dit le Vénérable Fondateur  dans son testament spirituel, « est que vous vous aimiez les uns les autres. »

Ayons à cœur plus que jamais, M. T. C. F., de nous conformer à cette suprême volonté de notre Vénérable Père, et cela, non seulement entre nous, qui formons la partie militante de notre grande famille religieuse, mais aussi envers ceux qui nous ont devancés dans l'éternité, et qui y forment la partie souffrante. Montrons-leur notre amour en nous acquittant parfaitement de tous les suffrages prescrits par les Constitutions. Gagnons en outre beaucoup d'indulgences qui leur ,soient applicables. Je vous recommande tout spécialement les défunts de la longue liste qui précède, et plus particulièrement encore le dernier, Frère Marie-Léoncien, qui est mort victime de son dévouement dans l'incendie qui, pendant la nuit du 4 au 5 janvier dernier, a complètement détruit notre important établissement de Granby au Canada.

La présente circulaire sera lue dans toutes nos Communautés, à l'heure ordinaire de la lecture spirituelle.

Recevez, M. T. C. F., la nouvelle assurance du religieux attachement avec lequel je suis,

Votre tout dévoué en N.-S.

                      F. STRATONIQUE.

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[1] : Nous nous plaisons à espérer le contraire, et que la bonté du Seigneur prolongera assez longtemps les jours du vénérable prince de l'Eglise pour lui donner cette consolation.

 [2] : le

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