Circulaires 83

Louis-Marie

1866-01-17

- Souhaits de bonne an­née. - Frère Bonaventure. - Exhortation de saint An­toine à ses disciples. - F. Dominique

083

51.02.01.1866.1

 1866/01/17

 V. J. M. J.

N.-D. de Saint-Genis-Laval, le 17 janvier 1866.

Fête de saint Antoine.

     Mes très chers Frères,

 Mes pensées, mes sentiments et mes vœux se confondent avec ceux des Frères Assistants, pour répondre aux témoignages de respect et d'affection et à tous les souhaits que vous nous exprimez dans vos premières lettres de cette année.

    Le plus ardent de nos désirs est que Dieu, en vous conservant à tous les forces et la santé dont vous avez besoin pour faire le bien, vous enrichisse de plus en plus de sa grâce et de son amour. Nous pouvons dire avec le grand Apôtre que nous ne cessons point de prier Dieu pour vous, et de lui demander qu'il vous remplisse de la connaissance de sa volonté, en vous donnant toute la sa­gesse et toute l'intelligence spirituelle, afin que vous vous conduisiez d'une manière digne de Dieu, tâchant de lui plaire en toutes choses, portant les fruits de toutes sortes de bonnes œuvres, et croissant en la connaissance de Dieu ; et que vous soyez en tout remplis de force par la puissance de sa gloire, pour avoir en toute rencontre une patience et une douceur persévérante, accompagnée de joie (Coloss., I, 9,10,11).

 Ce que nous souhaitons par-dessus tout, avec la plus tendre affection et le plus entier dévouement, à tous les Membres de l'Institut, c'est :

 1° La Piété, qui est la première qualité d'un bon Frère, le principe de tous biens, la plus insigne de toutes les grâces, au sentiment des Saints.

 2° La parfaite Régularité, qui fait la sûreté, le mérite et la consolation des Religieux ; le soutien, la force et la gloire des Communautés.

 3° La Charité, l'union fraternelle, dont l'effet propre est d'adoucir toutes les peines de la vie religieuse, et de faire de chaque Etablissement comme une image et un avant-goût du Paradis.

 4° Le Bon Esprit, l'esprit filial, qui fait qu'un Religieux, tout entier à ses Supérieurs, à ses Confrères, à son Institut, comme un enfant bien né à ses propres parents, retrouve en Religion toutes les douceurs de la famille, et goûte le centuple que Jésus-Christ a promis à ceux qui quittent tout pour le suivre.

 5° La paix du Seigneur, la sainte joie que donnent à tous les prédestinés la bonne conscience, le bonheur de servir Dieu et l'espérance, toujours plus vive, toujours plus assurée, de le voir et de le posséder dans le Ciel.

 6° La Science des Saints, c'est-à-dire l'intelligence des desseins de Dieu sur vous, de l'amour qu'il vous porte, de l'excellence de votre Vocation; le secret pour bien user des créatures, pour bien vivre en Communauté, pour bien profiter des épreuves, des tentations, des peines de toutes sortes qui remplissent la vie, pour ne pas vous laisser prendre aux ruses du démon, aux séductions du monde, aux faux charmes des objets sensibles, aux apparences du bien, aux entraînements des sens.

 7° La Ferveur, qui donne la reconnaissance des dons de Dieu et la fidélité à la grâce ; qui fait persévérer dans la prière, dans le combat des tentations, dans l'amour des croix, dans la pratique du zèle et de toutes les vertus qui conduisent à la persévérance finale.

 Voilà, M. T. C. F., ce que nous ne cessons de demander à Dieu, tous les jours et à tout instant, pour toute la Congrégation et pour chacun de ses Membres. Notre seule consolation, c'est de voir que ces sentiments et ces dispositions vous animent pour la plupart et qu'ils vont en se fortifiant et en gagnant dans l'ensemble de nos Etablissements. Notre plus grande peine, c'est lorsque nous apprenons qu'ils s'affaiblissent dans quelques Frères ou dans quelques Maisons. Oh! quel serait notre bonheur, quelle serait notre joie, si nous les voyions régner partout, régner toujours, et assurer ici-bas, votre perfection et votre sainteté, et vous mériter au Ciel, les richesses, les honneurs et les délices infinis des Bienheureux! Prions tous ensemble, prions avec ferveur pour que cette consolation nous soit donnée; et travaillons, avec une ardeur toute nouvelle, sous la protection de la sainte Vierge notre bonne Mère, et de saint Joseph notre glorieux Patron, à la mériter par la persévérance de nos efforts et le fidèle accomplissement de tous nos devoirs.

 C'est pour vous y exciter et vous y encourager que je me propose de vous entretenir dans cette Lettre de la vie et des vertus de Notre Très Cher Frère Bonaventure, dont j'ai à vous annoncer la douce et édifiante mort. Je ne connais pas de Frère qui ait réalisé à un plus haut degré, les vœux que je viens de vous exprimer, en qui nous trouvions un modèle plus accompli de l'esprit et des vertus d'un véritable Petit Frère de Marie.

 Disons d'abord comment la Providence prépara sa Vocation à l'Institut.

 Dans l'ordre de la grâce, il est une vérité terrible qui n'est pas assez méditée par les Religieux, c'est la SUBSTITUTION d'un homme à un autre ; c'est cette sage économie de la Providence par laquelle Dieu abandonne les uns pour appeler les autres ; il ôte aux uns les grâces particulières, privilégiées, du salut, comme la Vocation à un état de perfection, et il les donne aux autres. Ce mystère de prédestination est annoncé plusieurs fois dans la Sainte Ecriture. Je vous déclare, dit Jésus-Christ aux Juifs, que le royaume de Dieu vous sera ôté et qu'il sera donné à un peuple qui en produira les fruits (Matth., XXI, 43). Votre règne ne subsistera point désormais, dit Dieu à Saül par la bouche de Samuel. Le Seigneur a cherché un homme selon son cœur, et il sera mis à voire place (Rois, XIII, 14). Le Seigneur a livré le royaume d'Israël à un autre meilleur que vous ; les grâces que vous avez méprisées, il les a données à votre prochain meilleur que vous (Ibid., XV, 28).

 Ainsi, Jacob est mis à la place d'Esaü et reçoit la bénédiction qui, par droit d'aînesse, appartenait à Esaü ; Mathias prend la place de Judas dans le collège apostolique ; un soldat païen, remplaçant à Sébaste le lâche qui apostasie, complète le nombre des quarante héros chrétiens qui meurent pour Jésus-Christ et reçoivent la palme du martyre. Que de fois aussi on a vu des Solitaires, des Religieux se pervertir, abuser de la grâce et abandonner leur sainte Vocation ; tandis que des pécheurs, des mondains, entendant la voix de Dieu, se montraient dociles ; et, fidèles à la grâce qui leur était offerte, venaient remplacer les déserteurs de la Religion !

 C'est à ce mystère redoutable de la grâce que le Frère Bonaventure dut sa Vocation.

 On était à la rentrée scolaire de 1830. Quelques Frères, doués de grands talents et qui promettaient beaucoup, abandonnèrent leur saint état, pour se jeter dans le monde. A la surprise que causèrent ces défections succédèrent des plaintes et des pensées de découragement.

 Quelques-uns, portant leurs inquiétudes au Père Champagnat, semblaient même s'en prendre à lui de ces sorties, comme s'il avait été en son pouvoir de les prévenir et de les empêcher. « Hommes de peu de foi, leur répond dit le vénéré Père, pensez-vous que la Maison tombera, parce que quelques sujets sensuels, orgueilleux, livrés à leur propre esprit, ont mérité par l'abus qu'ils ont fait de la grâce, d'être retranchés de la Congrégation? Le nombre des Religieux qui doivent se sanctifier et opérer leur salut dans notre Institut, est fixé irrévocablement et de toute éternité ; il n'appartient ni au monde, ni aux passions, ni au démon, de diminuer ce nombre d'un seul Frère. Les sujets qui sont partis seront remplacés par d'autres qui seront plus fidèles. Il n'est pas difficile à Dieu de remplir les vides faits parmi nous. Il peut prendre les premiers hommes « qui passeront dans la rue. Confiez-vous en lui : car  déjà il a donné à d'autres la grâce de la Vocation que ces Frères ont perdue par leur faute. Leur chute, au lieu de nous décourager, doit nous servir de leçon et nous donner du zèle pour notre perfection. Elle nous apprend que Dieu ne veut point à son service les esprits mondains, les âmes sensuelles, les cœurs tièdes et relâchés ; mais des Religieux fervents, mortifiés et d'une solide vertu. Craignons donc pour nous, au lieu de craindre pour la Congrégation, en nous rappelant cette parole de saint Paul : Que celui qui croit être ferme prenne garde de tomber (1, Cor., X, 12).

 Pendant que ces choses se passaient à l'Hermitage, l'un des Frères apostats arriva chez ses parents à Ampuis, et fit beaucoup parler dans la paroisse par sa légèreté et par le mépris qu'il témoignait de la vie religieuse. Antoine Pascal, c'est le nom de famille du Frère Bonaventure, résidait dans cette paroisse. Il entend dire qu'un tel est revenu du Couvent, et qu'à la manière dont il en parle, les jeunes gens ne seront guère encouragés à se faire Frères. «Ah ! reprend aussitôt le bon jeune homme un tel est revenu, et il donne partout comme perdu le temps qu'il a passé au Couvent ; eh bien! moi, je veux le remplacer. Tout ce qu'il dit ne m'effraie pas du tout. Dès la semaine prochaine, je vais demander sa place, et j'espère que Dieu me fera la grâce de la garder jusqu'à la mort.

 Il vint en effet, et c'est le 27 juin 1830 que le Père Champagnat l'admit au Noviciat, et le confia au Frère Louis, alors Maître des Novices. Le nouveau Postulant se fit remarquer, dès les premiers jours, par sa piété, son bon esprit, sa soumission et son amour du travail.

 Voulant l'éprouver, « Mon cher ami, lui dit le Père Champagnat, à la suite d'une visite domiciliaire faite à l'Hermitage, vous avez bien mal choisi votre temps pour vous faire Religieux. Vous voyez que les gendarmes nous rendent visite ; ils pourraient fort bien revenir au premier jour, pour nous conduire tous en prison. A mon avis, vous auriez mieux fait de rester chez vous.» – « Mon Père, répondit le Postulant, depuis que je suis ici, je n'ai cessé de remercier Dieu de m'avoir retiré du monde; les événements qui se passent, loin de m'effrayer ne font que m'affermir dans ma Vocation. Ce matin même, je me suis senti vivement pressé d'aller vous demander l'Habit de Frère, afin de souffrir en Religieux, si nous venons à être inquiétés. » – « Vous avez raison, mon cher ami, reprit le Père charmé de telles dispositions ; c'est quand le monde persécute la Religion qu'il faut le fuir et se donner tout entier à Dieu. Préparez-vous à prendre l'Habit, et priez la sainte Vierge de vous obtenir la grâce de le porter jusqu'à la mort. »

 La Vêture eut lieu le 9 octobre, à la suite de la Retraite annuelle, et Antoine Pascal, qui en fit partie, reçut avec l'Habit le nom de Frère Bonaventure. Plein de joie de se voir revêtu des Livrées de Marie, il redoubla de ferveur et s'appliqua avec tant de zèle à son avancement spirituel qu'il devînt le modèle de tout le Noviciat.

 Bientôt le Père Champagnat le trouva tellement affermi, tellement solide, qu'il résolut de s'en servir pour guérir l'excellent Frère Cassien, Directeur de la Maison de Sorbier, d'une tentation de découragement qui lui venait des fautes et des défauts de quelques-uns de ses seconds. A la place d'un Frère, dont il se plaignait, il lui envoya le Frère Bonaventure; et, quelque temps après, ayant eu occasion de le voir: « Eh bien, lui dit-il, êtes-vous content du Frère Bonaventure ? le trouvez-vous assez pieux, assez vertueux ? » – « Mon Père, Frère Bonaventure me couvre de confusion, il est notre modèle à tous. Depuis six mois qu'il est avec nous, je n'ai pu le surprendre une seule fois à faire ce qu'on peut appeler une faute, un manquement volontaire à la Règle. »

 Pour comprendre toute l'étendue de cet éloge, il faut avoir connu le bon Frère Cassien ; il faut savoir jusqu'où allait la délicatesse de sa conscience et à quelle perfection il portait lui-même la fidélité à la Règle et l'exactitude en tout. Aussi, témoin ravi d'une vertu si soutenue dans un Frère si nouveau, il comprit qu'il n'était pas à sa place ; et, à la Retraite de 1831, en lui donnant son suffrage pour l'admission à la Profession religieuse, il proposa au Père Champagnat de lui confier la direction d'une Maison. « Je veux faire mieux que cela, répondit le Père, mon intention est d'en faire notre Maître des Novices. » – « C'est parfait, reprit le Frère Cassien, vous êtes sûr qu'il formera bien les Postulants et qu'il nous donnera de très bons Frères. »

 Frère Bonaventure fit donc ses vœux le 12 octobre 1831 ; et, quelque temps après, il fut nommé Maître des Novices, noble et sainte fonction qu'il a remplie, avec un zèle au-dessus de tout éloge, pendant prés de vingt ans..

 Nous ne le suivrons pas dans le détail de sa conduite, dans cet emploi ; nous nous contenterons de rapporter les deux pensées qui l'ont dominé tout le temps, et qui lui ont servi comme de Règle. Elles lui venaient du pieux Fondateur lui-même, et elles nous conviennent admirablement à tous : Supérieurs, Maîtres des Novices, Directeurs, Frères chargés des classes. Tous, nous devons être des modèles pour ceux que nous avons à former; tous, nous devons les cultiver, les tailler, les façonner, les suivre avec des soins infinis et une attention continuelle.

 Un jour donc le Père Champagnat, trouvant le Frère Bonaventure occupé à aider un ouvrier qui faisait en plâtre des statues de la sainte Vierge, il lui dit : « Frère Bonaventure, n'est-il pas vrai que tel est le moule, telle est la statue? Eh bien! rappelez-vous que vous êtes  le moule des Frères, le moule de toute la Congrégation : car les Frères seront tels que vous les ferez, et vous les ferez tels que vous êtes. Jamais vous ne leur donnerez les vertus que vous n'avez pas, et vous devez craindre qu'ils ne prennent tous les défauts qu'ils remarqueront en vous. »

 Cette comparaison frappa singulièrement le Frère Bonaventure ; elle fut pour lui comme une lumière, comme un flambeau qui l'éclaira sur l'excellence de son emploi, sur tout ce qu'il lui fallait de vertu et de perfection pour former les Frères et faire le bien que Dieu et la Congrégation attendaient de lui. Mais bientôt le Père Champagnat compléta cette première instruction par une seconde qui ne le frappa pas moins, et qui acheva de lui donner l'heureuse direction dont il ne s'est jamais écarté.

 Dans une visite que le vénéré Père, fit au Noviciat, il adressa, selon son habitude, quelques paroles d'édification aux Novices, et leur dit : « Vous êtes ici, mes enfants, comme cet arbre dont parle le Prophète, qui, planté le long des eaux, dans un terrain excellent, porte des fruits en abondance (Ps. I,3). Oui, mes chers Frères, il n'y a pas de terrain plus propre à produire des fruits de vertu et de sainteté que le terrain de la vie religieuse. Là, vous êtes, comme de jeunes plantes, cultivés, taillés, arrosés et préservés de tous les dangers. Le Frère chargé de vous, fait à votre égard tout ce que le Frère jardinier fait à l'égard de ses plantes. Mais  prenez-y garde et profitez bien de ses soins, de son excellente culture : car si un arbre cultivé, taillé, arrosé, dirigé avec tant de soins, ne produit pas de fruit, il mérite d'être coupé et jeté au feu. Tel serait votre sort, si les soins de votre jardinier spirituel vous étaient  inutiles. »

 Ce mot de jardinier spirituel resta à jamais gravé dans la mémoire du Frère Bonaventure; il lui fit embrasser toute la seconde partie de ses obligations et de ses devoirs, dont la première lui était signifiée par l'idée du moule.

 « La comparaison du moule, se dit-il à lui-même, m'apprend que je ferai les Frères tels que je suis : des Religieux fervents, si je suis fervent; des Religieux pleins de l'esprit de Jésus-Christ, si je possède abondamment cet esprit ; de saints Religieux, si je suis un saint !… et des Religieux tièdes, si je suis tiède moi-même, des Religieux sans vertu, remplis de l'esprit du monde, des Religieux en l'air, si je suis moi-même sans vertu, mondain, extérieur et tout superficiel. Il faut donc à tout prix que je devienne un bon Religieux, et que je ne demande rien des autres que je ne le pratique moi-même, le premier.

 « La comparaison de l'arbre cultivé, taillé, arrosé, entouré de soins, préservé de tout accident fâcheux, m'apprend que je dois cultiver mes Frères par de solides instructions ; les tailler par des avertissements, de sages corrections, des conseils, des avis donnés bien à propos ; les arroser par des encouragements et surtout par de fréquentes et ferventes prières ; les préserver de tout danger par une exacte vigilance et le parfait accomplissement des Règles. Oh ! que ces comparaisons me disent clairement toutes les qualités que doit posséder un Maître des Novices, pour faire de ses Disciples de parfaits Religieux! Mon Dieu, que mes devoirs sont grands ! faites-moi la grâce de les remplir toujours, comme vous me faites celle de les connaître ! »

 Ces deux instructions du Père Champagnat avaient donné au Frère Bonaventure une parfaite intelligence de ses devoirs comme Maître des Novices. Un avis du Père Ogris, Jésuite, qu'il prit pour confesseur, dans une Retraite que ce Père donnait à l'Hermitage, lui apprit le moyen par excellence de les remplir avec succès.

 « Vous êtes Maître des Novices, lui dit ce Père, vous avez là une fonction d'une extrême importance. Il est très nécessaire pour les jeunes gens qui vous sont confiés, comme pour votre Institut, que vous vous en acquittiez avec intelligence et selon l'esprit de Jésus-Christ. Or, voici un conseil qui peut vous être très utile pour cela :

  « Pour bien former les Postulants, il faut veiller particulièrement sur leur esprit, sur leur cœur, sur leur conscience et sur leur caractère car le bon esprit, le bon cœur, la bonne conscience et le bon caractère sont indispensables pour faire un saint Religieux.

 « C'est le bon esprit qui porte un Religieux à aimer et estimer sa Vocation, à s'y attacher, à chérir ses Frères, à vénérer ses Supérieurs et à regarder sa Congrégation comme sa famille.

 « Il faut un cœur tendre, bon, filial, reconnaissant, pour aimer Dieu sans mesure et se dévouer à sa gloire. L'homme à mauvais cœur, l'homme qui a des sentiments bas et égoïstes, n'est pas propre aux grandes vertus et il est incapable de faire le bien.

 « C'est par une conscience droite et timorée qu'un Religieux se conserve pur et chaste, qu'il se rend fidèle à sa Règle et aux petites choses, qu'il fait sans cesse la guerre au péché, qu'il emploie toute son énergie, toute la force de sa volonté, pour s'en préserver lui-même et le combattre dans les autres.

 « Enfin, c'est le bon caractère qui fait de la vie religieuse un paradis sur la terre et qui rend un Frère propre à opérer le bien.

 « Attachez-vous donc, mon cher Frère, à former tous vos jeunes gens d'après ces principes, et prenez-les vous-même pour règle de toute votre conduite. »

 C'est, en effet, et à la lettre, ce qu'a fait le bon Frère Bonaventure, pour lui-même toujours, et pour ses Novices tout le temps qu'il en a été chargé. Il n'est personne qui n'ait reconnu et admiré son bon esprit, son dévouement filial à l'Institut, sa parfaite obéissance, son excellent caractère et sa fervente piété.

 Après avoir rempli, pendant près de vingt ans, un des premiers emplois de la Congrégation, on le met au travail manuel, on dispose de lui pour toutes sortes de choses pénibles et humiliantes ; jamais on ne l'a surpris à en témoigner la plus légère peine. Bien loin de là, il accepte son nouvel emploi avec bonheur, parce que l'esprit d'humilité qui l'anime lui fait croire qu'il est plus en rapport avec ses connaissances et ses talents.

 De Maître il devient disciple, de Supérieur il devient inférieur et il ne se souvient de ses premières fonctions que pour se montrer plus humble, plus simple, plus obéissant. « Tant que j'ai été chargé de la direction de la Maison-Mère, dit un de ses successeurs, son ancien élève, il m'a rendu compte de sa conduite et m'a fait l'ouverture de son cœur, chaque semaine, avec la même simplicité et la même soumission que le plus fervent Novice pourrait le faire. Il me demandait jusqu'aux moindres permissions ; il prenait mes avis pour tout, sans se prévaloir jamais de son ancienneté, de son expérience, ni de l'autorité qu'il avait eue sur moi. Tous ses actes portaient le cachet de la plus parfaite obéissance. »

 Que le Supérieur parlât ou que la Règle s'exprimât, il se montrait également respectueux et soumis. « Pendant plusieurs années que j'ai été avec lui, dit un de ses Aides au Noviciat, je ne l'ai jamais vu violer la Règle une seule fois, ni même manquer de ponctualité pour se rendre fidèle aux plus petites observances. » – « Deux ans de suite, dit un autre Frère, j'ai eu mon lit près de lui au dortoir, je ne l'ai pas trouvé une fois en retard pour le lever. Entendre le premier coup de la cloche du réveil, donner le signal du lever et sortir du lit, étaient trois actes qui se confondaient en un seul, et s'opéraient toujours au même instant. » – « Il me semble encore le voir en récréation, dit un troisième Frère. Au premier coup de cloche, les boules ou tout autre objet de jeux lui tombaient des mains ; il s'arrêtait tout court, laissant inachevée la parole que la cloche surprenait sur ses lèvres. On le voyait aussitôt, le chapeau à la main, se tourner du côté de la Chapelle, pour faire la prière qui termine la récréation. » -« En entrant en Religion, disait de lui le Père Champagnat, Frère Bonaventure a laissé sa volonté tout entière derrière la porte, il n'en a plus d'autre que celle de la Règle et de ses Supérieurs; c'est un modèle d'obéissance, de simplicité et de bon esprit. Dieu nous fasse la grâce d'avoir beaucoup de Frères comme Frère Bonaventure! »

 Que dire de son dévouement à l'Institut, de sa charité pour tous les Frères, de son affection pour les Supérieurs?

 La Congrégation était sa famille; tous les membres qui la composent, ses Frères ; un père ne peut être plus intéressé au bien de ses enfants et à la prospérité de sa maison que Frère Bonaventure l'était à sa Congrégation. De tous ceux qu'il a formés, il n'en est pas un qui n'ait gardé la plus heureuse impression de ses soins, de sa bonté, de sa charité, de son dévouement, et qui ne se les rappelle avec bonheur et reconnaissance.

 Dans le soin des biens de la Communauté, l'esprit de foi dont il était plein, lui montrait tous les objets qui lui étaient confiés comme appartenant à Dieu, consacrés à sa gloire et aux besoins de ses serviteurs. Il aurait cru, en quelque sorte, profaner une chose sainte que de laisser dépérir les biens de la Communauté. De là cette sollicitude qui le tenait sur pied tout le jour et une grande partie de la nuit, pour veiller à tout et prendre soin de tout. Ne voulant pas manquer aux travaux du dehors, il prenait fréquemment le temps des récréations pour visiter les écuries, les granges, les caves, s'assurer du bon état des provisions, redresser les objets et mettre chaque chose à sa place. Pendant les douze ans qu'il est resté à Saint-Genis, il s'est constamment levé à trois heures et demie, pour faire d'avance le travail de l'écurie, et ne jamais manquer aux Exercices du matin.

 C'est ainsi qu'il trouvait dans sa piété et son dévouement les moyens de satisfaire l'une et l'autre, de se soutenir dans le travail en se soutenant dans la prière, et de les faire servir également à glorifier Dieu et à se sanctifier. Quel bon exemple pour nous tous ! Quelle précieuse leçon pour les Frères qui ont à remplir quelque emploi manuel dans la Congrégation !

 Je dis la piété du bon Frère, son amour pour Notre-Seigneur, sa reconnaissance des grâces de Dieu, sa générosité à son service, la pureté de son intention, toutes les qualités d'un excellent cœur. Ce n'est pas seulement en principe et en théorie qu'il a possédé ces dispositions et ces qualités, c'est en pratique et en réalité. L'exercice qu'il en faisait chaque jour l'a conservé dans un état de ferveur continuelle. Il suffisait de le voir prier, de l'entendre réciter son Office ou parler de Dieu, pour se sentir porté à la dévotion. « Quel souvenir édifiant j'ai conservé de ce Frère, nous écrit un de ceux qui l'aidaient au Noviciat ! Aujourd'hui encore, quand je veux m'exciter à la piété, je n'ai qu'à me rappeler le recueillement et la ferveur avec lesquels je l'ai vu prier tant de fois au pied de son Crucifix dans un coin de sa chambre. » – « F. Bonaventure est admirable, disait le P. Champagnat, entendant les instructions que, dans un temps il faisait aux Novices, entre la Méditation et la Messe. On sent, en l'entendant, que son cœur est embrasé de l'amour de Dieu. Impossible à moi de continuer ma préparation, quand il parle ; je me surprends malgré moi à l'écouter. Je ne sais où il puise les belles choses qu'il dit à ses Novices, mais j'estime ces jeunes gens très heureux d'avoir de telles instructions. Ce Frère est un saint, et il parle comme un saint, On est convaincu, en l'écoutant, qu'il ne dit que ce qu'il sent et ce qu'il fait. »

 Cette piété et cette ferveur du bon Frère allèrent toujours croissant; il avait peine à la fin de sa vie, à contenir les sentiments dont son cœur était plein. « Les voyages, disait-il confidemment[1]un an avant sa mort (il conduisait alors le cheval et faisait les commissions) me sont agréables, parce que, seul dans les chemins, je puis prier à haute voix et donner un libre cours aux sentiments de mon âme. Il m'arrive même quelquefois d'être tellement transporté de joie et d'amour, que je suis obligé de m'arrêter pour regarder le Ciel tout à mon aise, et inviter les créatures à louer et bénir Dieu qui est si bon, si aimable.» Il se mettait alors à chanter le Te Deum, le Magnificat, le Laudate Dominum ou quelques cantiques. C'est à peine s'il voyait les hommes et les objets qu'il rencontrait, tant il était absorbé dans la pensée et le sentiment de la présence de Dieu.

 Nous nous sommes assuré, en maintes occasions, que son grand travail était de n'agir que pour Dieu seul en toutes choses et de rendre aussi actuelle que possible cette parfaite pureté d'intention. « Je voudrais, disait-il, penser toujours au bon Dieu dans mon travail; mais j'ai beau faire pour ne pas le perdre de vue, pour unir sans interruption ma volonté à la sienne, je m'oublie toujours quelques instants ». C'était sa plainte dans toutes ses directions ; mais cette plainte même, en témoignant de ses désirs et de ses efforts, nous dit assez avec quelle perfection il faisait ses moindres actions, et quels trésors de mérites il a accumulés pendant ses trente-cinq ans de Communauté.          

 A la piété, au bon esprit, à l'amour de ses Frères et de son Institut, le Frère Bonaventure joignait un caractère excellent. La douceur et la bonté en faisaient le fonds; et, la grâce, la nature et ses efforts y avaient ajouté l'affabilité, les bonnes manières, les prévenances, les égards, une complaisance qui ne se démentit jamais. Il a passé trente-cinq ans en Communauté, sans se heurter contre qui que ce soit, sans blesser personne, sans faire de la peine au moindre de ses Frères. C'est le témoignage unanime qu'on lui a rendu pendant sa vie et à sa mort, et ce témoignage prouve mieux que tout ce que nous pourrons dire la solidité de son esprit et la perfection de ses vertus. Ce prodige de grâce ne se rencontre, en effet, que dans les âmes qui unissent à un jugement très droit, à un bon sens exquis, à un tact parfait la pratique constante des plus solides vertus, l'humilité, la charité, la mortification. C'est parce que le Frère Bonaventure a excellé dans ces vertus qu'il a su se faire estimer et aimer de ses Confrères et de tous ceux qui l'ont connu. « En voilà un qui ne se fâche pas souvent, disait un riche propriétaire des environs de Saint-Genis, qui avait eu affaire avec lui pour quelques ventes ; s'il n'est pas un saint, je ne sais pas qui le sera. »

 En effet, car il faut abréger, nous n'avons aucun doute sur le salut de cet excellent Frère ; nous croyons qu'on peut lui appliquer sans crainte la sentence du divin Maître : Celui qui persévérera jusqu'à la fin sera sauvé (Matth. XIV, 13). Non seulement il s'est soutenu dans le bien ; mais, comme le Juste dont parle le Prophète, il n'a eu dans son cœur que des désirs toujours plus ardents de s'élever à Dieu et d'aller de vertu en vertu (Ps. LXXXIII, 6, 8). Novice, Instituteur, Maître des Novices, Directeur des travaux, commissionnaire, malade, Frère Bonaventure fut toujours le Religieux fervent, ponctuel, fidèle à la grâce et à toutes ses Règles, modèle en tout et partout. Le caractère de sa vertu a été celui que demande saint Bernard : mener une vie commune d'une manière non commune : ne se singulariser en rien à l'extérieur ; et à l'intérieur, ravir le cœur de Dieu par l'ardeur et la pureté de son amour et de ses intentions. C'est avec cette perfection qu'il s'est montré fidèle jusqu'à la fin, jusque dans les moindres choses.

 Fidèle à garder le silence, ou à parler bas, toujours en peu de mots, jamais inutilement.

 Fidèle à tout soumettre à l'obéissance, et à ne rien faire, dire ou recevoir sans permission.

 Fidèle à garder la modestie des yeux, afin de conserver le recueillement, l'esprit de prière et la parfaite pureté du corps et de l'âme.

 Fidèle à tous les Exercices de Règle, y arrivant toujours des premiers, quittant tout au premier signal pour voler où la Règle et les Supérieurs l'appelaient.

 Fidèle en tout, en particulier comme en public, seul comme devant ses Supérieurs. «Mon premier Supérieur, disait-il, n'est jamais absent : car c'est Dieu dont je dois respecter souverainement la présence. »

 Fidèle surtout à sa Vocation et à toutes les grâces qu'il y recevait, craignant toujours qu'après avoir remplacé dans l'Institut un Religieux infidèle, il ne méritât d'être remplacé lui-même, en punition de ses propres infidélités.

 Mais qu'il fut loin, le bon Frère, d'attirer sur lui ce châtiment ! Il a avoué lui-même que jamais il n'a eu de tentation contre sa Vocation. « J'ai eu le malheur de rester longtemps dans le monde, disait-il, et d'y perdre les plus beaux jours de ma jeunesse (il avait 26 ans quand il entra en Religion) ; maisdepuis que Dieu m'a fait la grâce de le quitter, je ne l'ai jamais regretté un seul instant. » « Si vous connaissiez le monde et ses dangers, vous n'auriez pas envie d'y retourner, disait-il un jour à un novice tenté d'abandonner sa vocation. Pour moi, si j'avais à choisir entre la mort et le retour dans le monde, je préférerais la mort. Oui, mieux vaut le cimetière que le monde pour un Religieux. »

 Chaque année, le 27 juin, jour de son entrée en Religion, il commençait une neuvaine d'action de grâces pour remercier Dieu de la grande faveur qu'il lui avait faite en l'appelant à la vie religieuse. Cette année, sentant que sa fin approchait, il dit : «C'est pour la dernière fois que je fais ma Neuvaine chérie »; puis, se reprenant aussitôt: « Non, s'écria-t-il, ce n'est pas la dernière ; car j'espère remercier Dieu éternellement dans le ciel du bienfait de ma Vocation. »

 Mais d'où venait au Frère Bonaventure cette estime si grande de sa Vocation, cet attachement extraordinaire qu'il y avait ? Nul doute que ce ne soit de son ardent amour pour Jésus-Christ. Mettant son bonheur à s'unir à Notre-Seigneur, à dépendre de lui en tout, à l'imiter le plus parfaitement possible, il sentait que la vie religieuse répondait admirablement et mieux que toute autre à ce besoin de son cœur. « Par état, disait-il, les Religieux vivent en familiarité avec Jésus ; ils habitent pour ainsi dire avec lui; ils composent sa famille, et ils puisent sans cesse à toutes les fontaines de ses grâces. Par état, ils ont l'inestimable avantage de le recevoir très fréquemment, de le visiter à tout instant, d'assister chaque jour à la sainte Messe, de méditer, d'étudier et d'enseigner, chaque jour sa Vie, sa doctrine, et ses Mystères, de retracer son obéissance, sa pauvreté, son incomparable pureté, de coopérer avec lui au salut des âmes, de ne faire qu'un avec ce divin Modèle de tous les prédestinés, et d'être l'objet continuel et particulier de sa tendresse et de son amour. Oh ! quel bonheur ! quelle faveur insigne! Oui, on peut le dire, dans cette pensée d'union avec Jésus, de dépendance de Jésus, d'imitation de Jésus, la vie religieuse est un immense bienfait, une grâce inestimable, ou plutôt la réunion de toutes les grâces, un bien, un trésor d'une valeur infinie, que le prix du monde entier ne saurait jamais égaler. »

 Que n'ont-ils ces pensées et ces sentiments, si pieux et si vrais, ceux d'entre nous qui ne portent qu'avec peine le joug de l'état religieux, qui en parlent avec si peu d'estime, qui s'en affranchissent avec tant de légèreté !… Mais, hélas ! c'est un mystère caché pour eux. Ils entendent ces leçons, ils lisent et admirent ces exemples, sans en rien retenir. Aveuglés et séduits par le monde et par le démon, dominés par la nature corrompue, ils ne comprennent plus rien aux pensées de la foi ni aux douceurs de l'amour divin, ils ne voient que les faux plaisirs qui les attirent, la fausse liberté et les faux biens qui les captivent. Oh ! qu'ils sont loin du royaume de Dieu ! me disait, il n'y a pas longtemps, un bon Religieux.

 Combien plus sage, mieux avisé et plus heureux fut notre bon Frère Bonaventure, dans sa constance et sa fidélité ! Quelle paix, quelle joie n'en a-t-il pas ressentie pendant sa vie … Quel délicieux, quel profond contentement quel riche centuple dans sa dernière maladie et à sa mort !

 S'abandonnant tout entier à la volonté de Dieu, se confiant pleinement en sa bonté, la gaieté et la douce joie ont toujours rayonné sur sa figure. Quelqu'un qui le voyait si épanoui, si content, « donnez-moi donc votre secret, lui dit-il, pour être toujours gai, toujours content comme vous!… » – « Vous l'avez ce secret, mon cher, ami, car vous êtes comme moi Religieux et Serviteur de Dieu. On ne peut pas être triste, quand on porte les Livrées de Marie et qu'on a le bon Dieu pour ami. »

 Sur son lit de douleur, il ne s'occupait de sa maladie que pour en suivre les progrès, mesurer le temps et compter les jours qui le séparaient de la vue de Dieu. « Que pensez-vous, lui dit un Frère Assistant, du bonheur que vous allez avoir de posséder Dieu, de le voir et de l'aimer éternellement? » A cette question, le saint malade ne peut répondre que par le silence ; mais son visage se colore, ses yeux s'animent, il se lève sur son séant et regarde le Ciel avec une expression de joie et de ferveur qu'on ne saurait rendre. « Ne regrettez-vous pas de mourir avant que la Chapelle soit finie, lui dit un autre jour le même Frère? » – « Oh ! non, s'écria-t-il, car le Ciel est bien plus beau que la Chapelle, c'est la véritable maison de Dieu et la seule patrie des Saints. » – « Que regrettez-vous donc, ajouta encore le Frère? » – « Bien, dit le mourant, si ce n'est de n'avoir pas assez fait de sacrifices pour Dieu. »

 Réponse admirable dans cet excellent Frère qui a toujours porté, dans son âme et dans son corps, la mortification de Jésus-Christ. Sa vie, comme celle du divin Maître n'a été qu'une immolation continuelle de tout lui-même ; il ne s'est jamais épargné en rien, il s'est refusé jusqu'à la fin les moindres délicatesses, il a travaillé sans relâche, il a usé avant le temps son fort tempérament au service de Dieu et de ses Frères ; et le voilà qui est encore tout affamé de sacrifices, qui n'a d'autre regret que de n'en avoir pas fait davantage. Ah ! c'est qu'il n'y a que les sacrifices faits pour Dieu qui consolent à la mort, qui comptent au jugement et qui suivent dans l'éternité.

 Cependant, le bon Dieu avait agréé tous ceux du bon Frère, le moment était venu pour lui d' en recevoir la récompense. Il fut administré le 13 octobre, il reçut les derniers Sacrements avec de grands sentiments d'amour, d'humilité et de componction, après avoir demandé pardon à tous ceux qu'il aurait pu offenser ou scandaliser. Depuis ce moment jusqu'à celui de sa mort, 20 du même mois, à 10 heures du matin, il resta plongé dans un profond recueillement et ne discontinua plus ,ses entretiens avec Dieu. Voyant arriver Monsieur l'Aumônier – « C'est pour la dernière fois que vous venez me voir, lui dit-il ; me voilà arrivé à mes derniers moments, veuillez m'assister et prier pour moi. » Il garda sa connaissance jusqu'à la fin, mais on ne l'entendit pas proférer d'autres paroles. Monsieur l'Aumônier lui donna une dernière absolution, et c'est entre ses bras qu'il rendit le dernier soupir, les yeux doucement fixés au Ciel, avec un léger mouvement des lèvres, comme le suprême effort de sa piété pour redire encore une fois les noms de Jésus, Marie, Joseph.

 On avait parmi les Frères une telle opinion de la vertu du Frère Bonaventure, que tous l'estimaient et le vénéraient comme un Saint, comme le modèle accompli d'un Petit Frère de Marie. Après sa mort, tous les jeunes, comme les anciens, s'approchaient avec bonheur de ses restes mortels. On lui baisait les mains, on le contemplait avec amour et respect, et on se disputait tous les objets de piété à son usage. Ses cheveux furent littéralement coupés jusqu'à un, et chacun se plaît à les conserver comme une précieuse relique.

 Ainsi meurt le bon Religieux, le véritable enfant du P. Champagnat, celui qui persévère jusqu'à la fin dans sa vocation. Ainsi sont récompensés, dès ici-bas, ses peines, ses travaux, et ses sacrifices. Voilà le gage précieux qu'il reçoit lui-même et qu'il laisse à tous ses Frères, de son salut et de son bonheur éternel. Oh! qui ne voudrait mourir de cette mort si précieuse et si douce du Frère Bonaventure ! Vivons de sa vie, M. T. C. F., imitons ses exemples, soyons humbles, simples et détachés comme lui; fidèles et persévérants comme lui, et nous recevrons, comme lui, dans les douceurs et les consolations d'une bonne et sainte mort, le gage final de notre éternelle félicité.

 Nous ne cesserons pas, M. T. C. F., de demander cette grâce les uns pour les autres, et de conjurer le Dieu de paix de nous donner une sainteté parfaite, afin que tout ce qui est en nous, l'esprit, l'âme et le corps, se conserve sans tache pour l'avènement de Notre-Seigneur Jésus-Christ (Thess., v, 23).

 Recevez la nouvelle assurance des sentiments pleins de respect et d'affection avec lesquels je suis, en Jésus et Marie,

Mes très chers Frères,

Votre très humble et obéissant serviteur,

      F. Louis-Marie.

  ——————————————-

En vous donnant la date de cette circulaire, M. T. C. F., je ne puis résister à la pensée d'ajouter ici la magnifique exhortation que cet illustre Patriarche de la solitude fit un jour à ses Disciples réunis autour de lui.

 « Encore, leur dit-il, que la Sainte Ecriture suffise pour nous instruire, il est bon néanmoins de nous exhorter et de nous animer les uns les autres par des entretiens spirituels ; et, puisque vous êtes mes enfants, et qu'en cette qualité vous me rendez compte comme à votre père des connaissances que vous avez acquises dans la piété, il faut aussi qu'étant plus âgé que vous, je vous dise ce que j'ai appris par mon expérience.

 « N'ayons tous qu'un même but, qui est d'arriver à la perfection et d'obtenir la Couronne éternelle. Ne nous relâchons pas dans nos bonnes résolutions et ne nous décourageons pas dans les travaux : car qu'est-ce que notre vie comparée avec les siècles à venir ? et qu'est-ce que sa durée à proportion de l'éternité ? Dans le commerce qui s'exerce entre les hommes, on ne reçoit que l'équivalent de ce que l'on donne; il n'en est pas ainsi de la vie éternelle que Dieu nous promet, car, à proprement parler, elle ne coûte rien ; puisque, pour un travail de quelques années sur la terre, et un travail léger, nous recevons dans le Ciel un poids immense de gloire, une récompense et un bonheur qui ne finiront jamais.

 « Ne croyons pas non plus avoir beaucoup quitté en quittant tout ce que nous avons, pour embrasser la Vie religieuse. Qu'est-ce qu'une maison, une terre, quelque argent, un petit héritage, à l'égard des richesses de l'autre vie? Fussions-nous maîtres de la  terre entière, elle n'est que comme un point, en la comparant avec la vaste étendue du Ciel, dont la possession nous est promise? Puis, ces biens du monde, ne faudra-t-il pas un jour les laisser malgré nous? Quel avantage y a-t-il de posséder les biens que nous ne  pouvons emporter avec nous? Que ne travaillons-nous plutôt à acquérir ceux qui nous suivent après la mort, la justice, la tempérance, la force, l'intelligence des vérités célestes, la foi en Jésus-Christ, la charité, la douceur, l'amour des pauvres?

 « Méditons sans cesse cette belle parole de l'Apôtre :

 « Je meurs tous les jours ; vivons chaque jour comme si c'était le dernier de notre vie ; pensons en nous levant que nous ne vivrons pas jusqu'au soir, et, en nous couchant, que peut-être nous ne verrons pas le lendemain. Rien de plus propre que cette attente continuelle d'une mort prochaine, que cette considération journalière du jugement de Dieu qui la suit de près, des tourments horribles qui sont préparés aux méchants, pour nous détacher de tout ce qui est passager, pour nous détourner des plaisirs, pour réprimer nos passions, et nous retenir quand nous sommes sur le point de tomber dans le péché.

 « Ne nous étonnons point du nom de la vertu, de la chasteté, de l'humilité, de la pénitence et des autres, comme s'il s'agissait de quelque chose de si extraordinaire qu'il fallût, pour l'acquérir, vaincre des difficultés insurmontables, ou l'aller chercher dans des pays trop éloignés. Les Grecs, à la vérité, entreprennent des voyages de long cours pour apprendre les sciences mais, pour acquérir la vertu, il n'en est pas besoin car elle n'est ni loin de nous, ni même hors de nous elle est à notre portée, elle est en nous-mêmes, selon cette parole du Sauveur : Le royaume de Dieu est au« dedans de vous » (Luc, XVII, 21.)

 « Veillons et appliquons-nous, avec tout le soin possible, à la garde de notre cœur: car nous avons des ennemis très redoutables et très artificieux, qui sont les démons. Ces esprits maudits sont dévorés de rage contre les hommes en général, contre les chrétiens en particulier, et surtout contre ceux qui font profession de la vie religieuse. Ils ne cessent de tendre des pièges sur leur chemin, et de les poursuivre par toutes sortes de tentations ; mais la prière, la vigilance, la mortification, le signe de la Croix, la foi et la confiance en Dieu, et un grand amour pour Jésus-Christ ont le pouvoir de les terrasser à l'heure même. Jésus-Christ les a liés et enchaînés par la vertu de sa Croix, leurs plus grands efforts tombent devant ce signe de salut. On ne peut trop en se gardant de leurs malices, les mépriser et se rire de leur impuissance. »

 Saint Athanase, qui rapporte au long ce discours du Saint, ajoute qu'il fit une telle impression sur le cœur de ses Disciples, qu'ils en furent animés d'une ferveur merveilleuse, et qu'ils sortirent tout enflammés du désir de s'avancer dans la vertu.

 Pourquoi ces paroles, M. T. C. F., ne feraient-elles pas sur nous la même impression? N'ont-elles pas pour nous, comme pour les Solitaires de la Thébaïde, la même importance, la même vérité, la même obligation? Ce sont ces vérités qui ont fait les Saints, qui ont assuré la persévérance et le salut de nos chers Défunts. Méditons-les comme eux, et qu'elles nous soutiennent comme eux dans l'amour de notre saint état, dans la pratique des vertus, dans la voie royale de la Croix, la seule qui mène au Ciel.

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 Voici la liste des Frères Novices et Postulant, décédés depuis notre Circulaire du 26 juillet 1865.

 

F. Stabilis, V. O., décédé à Notre-Dame de Saint-Genis-Laval, le 21 août 1865.

F. Philange, V. O., décédé à Saint-Paul-trois-Châteaux, le 24 août 1865.

F. Julius, Profès, décédé à Notre-Dame de l'Hermitage, le 7 septembre 1865.

F. Menalippe, Profès, décédé à Saint-Romain-en-Jarez, (Loire), le 10 septembre 1865.

F. Elaphe, Profès, décédé dans sa famille, à Saint-Sorlin (Drôme), le 19 septembre 1865.

F. Viateur, Novice, décédé à Notre-Dame de Saint-Genis-Laval, le 12 octobre 1865.

   Pionaud (Jules), Postulant, décédé à Notre-Dame de Saint-Genis-Laval, le 17 octobre 1865.

F. Callistrate, Profès, décédé à Notre-Dame de l'Hermitage, le 16 octobre 1865.

F. Bonaventure, Stable, décédé à Notre-Dame de Saint-Genis-Laval, le 20 octobre 1865.

F. Marie-Odulphe, Novice, décédé à Notre-Dame de Saint-Genis-Laval, le 27 octobre 1865.

F. Flour, V. O., décédé à la Bégude (Ardèche), le 4 novembre 1865

F. Basilidès, Profès, décédé à Notre-Dame de l'Hermitage, le 6 novembre 1865.

F. Obed, Profès, décédé à Saint-Paul-trois-Châteaux, le 22 novembre 1865.

F. Gontard, Novice, décédé dans sa famille, à Faramans (Isère), le 24 novembrel865.

F. Evremont, V. O., décédé à Notre-Dame de Saint-Genis-Laval, le 8 décembre 1865.

F. Dominique, Profès, décédé à Blanzy (Saône-et-Loire), le 9 décembre 1865.

F. Léontius, V. O., décédé à Saint-Paul-trois-Châteaux, le 18 décembre 1865.

F. Elisée, décédé à Saint-Paul-trois-Châteaux, le 11 juin 1865 (omis dans la dernière Circulaire).

 

Parmi ces Défunts se trouve encore un des premiers Disciples du Père Champagnat, le bon Frère Dominique, décédé à 63 ans, après 42 ans de Communauté. Lui aussi, après quelques hésitations, dont son affection extraordinaire pour le pieux Fondateur et sa docilité à suivre ses avis, l'ont fait triompher, fut un modèle de constance et dévouement. D'une vertu solide et d'une piété sincère, il ne sut jamais biaiser avec sa conscience ni trahir son devoir. Tout dévoué à ses Supérieurs et au bien de sa Congrégation, il s'est conservé toute sa vie dans un grand esprit de pauvreté et de détachement, ne se passant jamais à lui-même les délicatesses que son esprit d'ordre et d'économie ne lui permettait pas d'accorder aux autres. Je n'oublierai jamais l'admirable réflexion qui lui échappa, après que nous eûmes parcouru ensemble le clos de Saint-Genis-Laval : « Oh! qu'on est heureux, quand on voit ces belles campagnes des environs de Lyon, d'avoir fait vœu de pauvreté ! Avec de telles propriétés, si on les possédait soi-même, comment se décider à mourir et surtout s'y préparer ! » Cette parole seule nous révèle toute l'estime qu'il faisait de ses vœux, et jusqu'à quel point il en comprenait les avantages et les obligations.

 Le bon Dieu lui a fait la grâce qu'il désirait, de mourir sur la brèche et le signal à la main. Il a été frappé subitement le jeudi matin, au sortir de la Messe où il venait de communier ; et la maladie ne s'est prolongée que jusqu'au samedi, jour auquel, muni de nouveau des Sacrements, parfaitement soumis et résigné, il a rendu son âme à Dieu.

 C'est le sentiment des Saints, confirmé par la plus constante et la plus douce expérience, que la bonne mort est la grande récompense de la Vocation religieuse, Tous nos défunts, les jeunes comme les anciens, nous laissent pleins d'espérance sur leur sort éternel ; mais les faiblesses et les imperfections humaines sont si grandes que le temps de l'expiation peut bien se prolonger pour plusieurs d'entre eux. Il faut donc que nous soyons très exacts à prier pour tous et à faire ce que la Règle et l'esprit de charité demandent de nous pour leur soulagement. Je vous le recommande de nouveau avec instance.

 N'oublions pas, non plus, M. T. C. F., de comprendre toujours, d'une manière spéciale, dans nos pieux suffrages, notre Bienfaitrice insigne, Madame la Comtesse de la Grandville, décédée en son château de Beaucamps, le 6 septembre 1865, à l'âge de 72 ans.

 C'est certainement pour sa consolation et pour la nôtre que Dieu lui a ménagé les suffrages nombreux et immédiats de toute la Communauté, en l'appelant à lui à la veille de nos Retraites annuelles, et à la fin même de celle de Beaucamps, qui a réuni autour de son cercueil tous les Frères de la Province du Nord ; mais il faut que ces prières et ces suffrages lui soient continués dans tous les temps : c'est un devoir que la piété, l'amour et la reconnaissance nous imposent également.

 Vingt-trois ans plus tôt, Madame la Comtesse appelait et recevait trois Frères seulement pour la petite Ecole externe de Beaucamps. A sa mort, Dieu avait tellement béni son zèle, son éminente piété et son inépuisable charité, qu'elle laissait cette Maison Provinciale avec son Ecole externe, un magnifique Pensionnat de cent soixante élèves, un Noviciat, trois cent trente Frères en dépendant et un total de treize mille enfants, instruits et élevés par eux dans cinquante-quatre Etablissements particuliers.

 J'ai eu la consolation de lui apprendre sur son lit de mort, à mon retour de la Retraite de Glasgow, que la Province d'Angleterre, qui lui doit aussi son existence, se consolidait de plus en plus, et que j'avais laissé tous les Frères qui la composent dans un très bon esprit. Elle ne put s'empêcher surtout de joindre les mains et de témoigner sa joie, en apprenant que le Saint-Siège venait d'étendre son Œuvre, jusqu'à l'extrémité sud de l'Afrique, et appelait ses Frères à fonder un Etablissement au Cap de Bonne-Espérance.

  « Dieu soit béni! dit-elle. De toutes mes Œuvres, c'est celle des Frères qui me donne le plus de consolations. Nulle part, je n'ai trouvé autant de reconnaissance que parmi eux. Je suis trop heureuse de tout le bien qu'ils font. » Je la suppliais alors de ne pas nous oublier devant Dieu, et je lui promis de nouveau, avec toute notre affection, le secours de toutes nos prières. « Vous oublier! mon bon Frère! oublier mes Frères de  Beaucamps! oh ! jamais! jamais ! »

 C'est donc pour perpétuer cet échange de bienfaits et de reconnaissance que nous garderons devant Dieu ce filial et religieux souvenir de Madame la Comtesse, et que nos Frères du Nord, en particulier, s'efforceront de soutenir, par leur ferveur, leur bon esprit et leur dévouement, l’Œuvre qu'elle a si généreusement fondée. C'est aussi une consolation et un témoignage de respect et de reconnaissance qu'ils doivent à Monsieur le Comte de la Grandville, dont la bienveillance et le généreux appui leur sont toujours assurés.

 Dans ces sentiments, le premier jeudi libre après la réception de cette Circulaire, dans les maisons de Noviciat, on se concertera avec Messieurs les Aumôniers pour faire un second Service solennel pour le repos de l'âme de Madame la Comtesse ; et, le même jour, dans toutes les Maisons de l'Institut, on dira l'Office des morts, à neuf leçons, on assistera à la Messe, et on fera la sainte communion à la même intention.

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 Dorénavant, les demandes pour les vœux (vœu d'obéissance et vœux perpétuels) devront être envoyés avec la correspondance de décembre, de janvier ou de mars, afin que la liste des Aspirants puisse être communiquée aux Frères Directeurs et aux Frères Profès, six mois avant la Retraite, comme il est marqué au Chapitre VI de la première partie des Constitutions, Art. 2 avec la note.

 Chaque Aspirant doit avoir soin de faire et de signer sa demande, selon la formule prescrite, et de l'écrire sur une feuille volante qui ne contienne rien autre.

 La demande pour la Profession se fait ordinairement de l'avis du Confesseur et du Supérieur. Pour cette année ceux qui n'auraient pas encore l'avis du Supérieur, pourront également envoyer leur demande, s'ils le désirent. Si l'on y voit quelque empêchement, on ne la portera pas sur la liste, sans les prévenir.

 Pour encourager et faciliter les études parmi les Frères nous recommandons à tous les moyens suivants :

 1° S'efforcer, selon la Règle, d'avoir chaque jour la Messe avec les enfants.

 2° A la suite des Exercices de piété du matin, prendre dix minutes pour donner un devoir, ordinairement une dictée, 10 minutes pour corriger le devoir de la veille.

 3° Avoir quatre cahiers de devoirs : un pour le catéchisme et les notes spirituelles, – un pour les dictées et les analyses, – un pour les modèles ou les pages d'écriture, – un pour les problèmes d'arithmétique.

 Ceux qui possèdent suffisamment les connaissances élémentaires, peuvent avoir des cahiers pour les matières facultatives.

 4° Ecrire proprement chaque devoir, en mettant la date en tête et le numéro d'ordre.

 5° Le Frère Directeur, ou le Frère qui le remplace, se fera un plaisir et un devoir d'aider les Frères dans leur travail, de le suivre et de le diriger.

 6° Les Frères Visiteurs contrôleront les divers cahiers, et ils inséreront dans leur procès-verbal le nombre des devoirs écrits, en les spécifiant.

 On a constaté que dans tous les Etablissements où cette marche et ces moyens sont constamment employés, les Frères se forment facilement et arrivent au brevet très promptement.

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 Pour exciter et soutenir l'émulation dans les classes, condition essentielle de progrès pour les élèves et de soulagement pour les Maîtres, rien de mieux que l'usage des bons points chaque jour, des billets de satisfaction chaque semaine, des mentions honorables chaque trimestre et des prix à la fin de chaque année scolaire.

 C'est l'objet de la petite note que je joins ici. Vous pourrez l'insérer dans le Guide des Ecoles, afin qu'elle soit toujours à la disposition des Frères.

 Rien n'empêche, avec cette méthode, qu'on ne continue, si l'usage existe, à donner des délivrances chaque mois. Alors, les bons points sont résumés et payés par les billets de satisfaction ; les billets de satisfaction, par les délivrances ; les délivrances, par les mentions honorables; et les mentions honorables par le prix d'honneur.

 Les élèves sont toujours libres de racheter leurs pénitences soit par les billets de satisfaction, soit par les délivrances ; mais c'est aux dépens des bonnes notes qui assurent la Mention honorable et préparent au prix d'honneur.

 L'usage est d'exiger une bonne note, valant dix bons points, pour une pénitence d'un quart d'heure (pensum ou arrêt).

La Chapelle de la Maison-Mère s'achevant en ce moment, je tiens à régulariser le Registre des Bienfaiteurs de notre Œuvre, soit parmi les Membres de l'Institut soit parmi les fidèles.

 Je désire donc que, dans la prochaine correspondance, on me donne sur un billet détaché :

 1°  Les noms et prénoms de chaque Bienfaiteur ayant versé au moins vingt francs, et le total de la somme versée par chacun.

 Le total des souscriptions faites dans les classes (les classes réunies).

 Les Frères de chaque Maison s'entendront pour dresser cette liste.

 4° Ceux qui auraient été changés, comprendront dans leurs renseignements tout ce qu'ils ont reçu dans les divers Postes où ils ont passé.

 5° Les Frères ou Novices qui ont fait des dons personnels, soit en argent, soit sur leur vestiaire, nous les rappelleront aussi, en nous donnant le total et l'année.

 En vous renouvelant, M. T. C. F., tous mes remerciements, pour les efforts si généreux que vous avez faits jusqu'à ce jour, je ne dois pas vous laisser ignorer que nous avons à les continuer encore : il y a toujours, dans des entreprises si considérables, des frais imprévus qui grossissent beaucoup la dépense. J'espère donc que votre piété, votre zèle et votre dévouement se ranimeront pour mener à bonne fin notre Œuvre commune ; et que, la bonne volonté personnelle de chaque Frère s'unissant, à la charité des pieux fidèles, l'Institut n'aura pas à recourir au moyen si onéreux des emprunts.

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 Pour mériter de plus en plus la protection de saint Joseph, lui recommander nos divers besoins spirituels et temporels, et nous rappeler à tous d'honorer et d'invoquer souvent ce grand Patron de l'Institut, nous en ferons mémoire, pendant l'année 1866, à Laudes et à Vêpres, comme il est marqué dans le Petit Office de la Sainte Vierge.

 Nous irons par saint Joseph au Cœur immaculé de Marie; et, par Marie et Joseph, au Cœur sacré de Jésus, afin de nous renouveler tous dans l'esprit de piété, de ferveur et de régularité.

 Cette année encore, à cette intention, et pour demander particulièrement l'exactitude au coucher et au lever on terminera la prière du soir par ces trois invocations

 Cœur sacré de Jésus, R. Ayez pitié de nous.

 Cœur Immaculé de Marie, R. Priez pour nous.

 Saint Joseph, R.. Priez pour nous.

 Je souhaite de nouveau, M. T. C. F., avec le Prince des Apôtres, que la grâce et la paix croissent en vous de plus en plus par la connaissance de Dieu et de Jésus-Christ Notre-Seigneur, en qui je vous renouvelle mes sentiments les plus affectueux.

     F. Louis-Marie.

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[1]: Actuellement on préfère:confidentiellement. NDLR

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