Echos et réflexions
Le 31 octobre nous avons célébré le dixième anniversaire de la mort violente de nos quatre Frères de Bugobe : Servando, Miguel Ángel, Fernando et Julio. Dans beaucoup de provinces et de communautés ce fut un moment de prière intense mêlée d?émotion et d?admiration, sentiments éprouvés devant de grands modèles, des personnes totalement logiques avec leur foi.
Mais voici un bref résumé des initiatives prises à cette occasion dans la Congrégation.
1-Beaucoup parmi nous ont suivi les textes quotidiens qui paraissaient dans la page Web tout au long du mois d?octobre, textes qui nous conduisaient au dixième anniversaire.
2-Une célébration, envoyée à toutes les provinces, a aidé beaucoup de communautés à vivre un temps de prière centrée sur l?exemple qu?ils nous ont laissé.
3-Mais dans le monde mariste les initiatives ont été nombreuses pour rendre présents nos quatre Frères : messes qui réunissaient beaucoup d?élèves, de parents et d?amis, concours de chants, de poèmes, de théâtres ; catéchèses et power-points, qui faisaient réfléchir sur le sens de la générosité et de la foi.
4-La Province de la Méditerranée avait préparé des prières et des réflexions pour tous le jours du mois d?octobre soit pour les élèves du primaire que pour ceux du secondaire et le 28 octobre à Séville eut lieu une grande réunion de réflexion, table ronde, eucharistie, à laquelle ont participé des centaines de personnes : Frères, catéchètes, professeurs.
5-Le Frère Provincial de la Province Ibérica est très direct : « Le Frère Julio était de notre province. Tous les ans, à cette date, nous avons des célébrations liturgiques dans nos centres éducatifs, dans les organisations de solidarité et les semaines de solidarité? C?est une date qui nous est très chère pour rendre forte la vocation missionnaire dans la Famille mariste de notre Province? »
6-Dans la province de Santa Maria de los Andes, au Chili, la pastorale catéchétique de toute l?année avait été centrée sur l?exemple et les textes du Fr. Fernando de la Fuente, aboutissant à des concours de chants, de peinture, de poésies et des mini jeux olympiques.
7-Dans la province de la Croix du Sud des collèges prirent aussi des initiatives semblables, davantage centrées sur le Fr. Miguel Angel Isla ; dans cette province on a publié aussi une très belle plaquette sur les quatre Frères : Amaron hasta el final. 8-8-8-L?Espagne mariste a vécu avec une particulière sensibilité cet anniversaire : des articles ont paru dans certains journaux et un très beau poème Cristo de mis rezos a été composé sur le Crucifix brisé de l?oratoire de Frères à Bugobe, sans parler des messes et des prières dans les collèges.
Les initiatives ici énumérées sont celles dont l?écho est arrivé jusqu?à Rome. Il y en a certainement beaucoup plus. Mais ceci peut permettre quelques réflexions.
1-La renommée de sainteté est justement cette réalité qui émerge spontanée et de multiples manières, qui se dit en sentiments d?émotion, d?admiration, de fierté, ou en prières, réflexions, actions de grâces à Dieu et demandes d?intercession. La renommée de sainteté attire l?attention d?un grand nombre de fidèles et crée en eux le désir de louer Dieu et de le servir avec l?audace des serviteurs qui les inspirent. C?est ce que nous trouvons quand nous devenons attentifs à la place que ces quatre Frères de Bugobe ont dans les c?urs, dans les prières et dans une générosité qui est inspirée par la leur. Or, la renommée de sainteté est une des premières choses que l?Eglise demande quand on veut ouvrir une cause : quel impact ont les serviteurs de Dieu sur le peuple de Dieu ? Quels avantages le peuple de Dieu peut-il gagner si ces serviteurs sont proposés comme modèles ? Et quelle spontanéité et intensité a-t-elle cette renommée ?
Mais la renommée de sainteté est aussi un signe de Dieu par lequel il nous dit : « Vous recevez là un don exceptionnellement riche, vous recevez des modèles de vie chrétienne, qui sont pour tout le peuple de Dieu et dont vous êtes responsables. »
2-Leur assassinat, leur martyre, nous a surpris ; ce fut quelque chose d?imprévu et de soudain. Mais à bien réfléchir ce n?est vrai qu?en partie. Cela veut bien dire que nos quatre Frères n?ont pas couru après le martyre et qu?il s?est abattu sur eux contre leur gré. Mais tous les quatre Frères ont vécu une longue marche d?approche à leur grande générosité qui les a conduits au camps des réfugiés de Nyamirangwe. Quand ont relit leurs notes, nous découvrons des Frères qui étaient déjà largement ouverts à la volonté de Dieu, ils étaient des amis quotidiens du Seigneur ; ils n?ont pas improvisé leur sainteté quand ils se sont trouvés avec les réfugiés, bien qu?ils se soient sentis encore plus fortement appelés à un amour total en vivant avec eux. Nous possédons un texte du Fr. Miguel Angel Isla, l?Expérience de Dieu, d?une mystique éblouissante et profonde ; il date de 1977. Beaucoup de notes du Fr. Julio, qui disent son attention à Dieu, se trouvent dans des carnets qu?il écrivait dans les années 1984? Personne n?est martyr par hasard. Le martyre est une vocation qui se prépare par une longue générosité, il est une logique non une surprise. Le c?ur du martyr est prêt bien avant que le corps ne soit immolé. Le martyre est la conclusion d?une vie qui avait l?habitude de se donner.
3-Sont-ils des martyrs ? En quel sens ?
Nous avons envie de dire oui, conscients que l?Eglise ne se contente pas d?émotions, mais veut un ensemble de preuves qui démontrent le martyre. Pourtant, bien que l?on ne soit qu?aux premiers pas et sans qu?aucune cause ne soit ouverte, voici quelques raisons qui inclinent à dire oui.
1-Le don de la vie.
Comme le Seigneur ils ont donné leur vie avant qu?on ne la leur prenne. Comme pour le Seigneur, ceux auxquels ils avaient donné la vie, ils la leur ont prise de façon violente. Et la vie était donnée dans sa totalité, sans réserves, et le don se déclinait en amour et service sans limites, avec la conscience que dans la violence et la misère existant au camps, leur vie était en danger.
2-La kénose.
Et la vie était donnée dans un contexte très inhumain, une vraie kénose, comme pour le Seigneur, ce qui est un témoignage d?amour extrême. Ils ont laissé des beaux collèges ou des missions tranquilles pour venir dans ce camps de Nyamirangwe où dominaient la misère, la douleur, la violence, les privations, les injustices, l?insécurité constante. Ils ont répondu à la faim d?humanité, de présence, d?amour, de respect, de culture, de fraternité?Ils ont entendu le cri des malheureux et ils se sont fait solidaires dans le partage de tout ce qui faisait le vécu des réfugiés. C?est le martyre de la charité.
3-Une même passion.
Mais, le crucifix qu?ils avaient dans leur oratoire a aussi été massacré : bras et jambés cassés. Il s?est exercé contre lui, le Dieu innocent, la haine de tous ceux qui tuent les martyres, une haine satanique. Nos quatre Frères sont morts de la haine qu?on portait au Seigneur, ils ont partagé la même passion : lui mutilé, jeté par terre, leurs corps tués, jetés dans une fosse à aisance. Si nous considérons la globalité de ce qui est arrivé, le Christ a été torturé et tué en même temps que les Frères. C?est le martyre classique.
4-Le pardon.
Le Frère Benito, Supérieur général, qui savait l?amour très fort qu?ils portaient aux réfugiés, ?leur vraie famille? comme ils écrivaient souvent à ceux de leur famille naturelle, ne doute pas de leur pardon aux assassins, et lui-même, comme Supérieur de tous les Frères pardonne et prie pour eux. Le Frère Albert Nzabonaliba, rwandais et qui les avait précédés dans ce camps comme responsable de la communautés des Frères, ne doute pas de leur pardon, car, il dit « leur c?ur vibrait tellement à l?unisson de celui du Christ? » Le pardon est un élément du martyre ; le martyr est un homme de réconciliation, dans sa mort il refait l?unité de l?humanité, Par le pardon il proclame que celui qui le tue reste son frère. Dans tout martyr se renouvelle l?épiphanie de la Croix : le Christ est de nouveau mis à mort, il pardonne comme sur la Croix, il devient le Sauveur, celui qui abat le mur de la haine.
Les Frères Servando Mayor, Julio Rodriguez, Ferando de la Fuente et Miguel Angel Isla sont certainement des modèles et peuvent être considérés comme des pionniers de ce que nous vivons aujourd?hui dans l?Institut, la « missio ad gentes ». Pourrions-nous aller jusqu?à dire qu?ils sont aussi des intercesseurs dans le nouvel effort missionnaire que nous vivons ?
Trois points restent sûrs et forts :
1-Ils ont dit oui à une mission difficile ;
2-Ils ont aimé les réfugiés sans limites au point qu?ils étaient devenus « leur famille ».
3-Dans ce oui, dans cet amour, ils ont trouvé une mort violente.
Trois dons se sont rencontrés : la volonté, le c?ur, la vie.
C?et bien les modèles que notre monde cherche aujourd?hui.
Fr. Giovanni Maria Bigotto, postulateur.