01/Feb/2006 MAISON GéNéRALE

Émerveillement pour la vie

Et lorsque furent accomplis les jours pour leur purification, selon la loi de Moïse, ils lemmenèrent à Jérusalem pour le présenter au Seigneur, selon quil est écrit dans la Loi du Seigneur : Tout garçon premier-né sera consacré au Seigneur, et pour offrir en sacrifice, suivant ce qui est dit dans la Loi du Seigneur, un couple de tourterelles ou deux jeunes colombes.
Et voici quil y avait à Jérusalem un homme du nom de Siméon. Cet homme était juste et pieux ; il attendait la consolation dIsraël et lEsprit Saint reposait sur lui. Et il avait été divinement averti par lEsprit Saint quil ne verrait pas la mort avant davoir vu le Christ du Seigneur. Il vint donc au Temple, poussé par lEsprit, et quand les parents apportèrent le petit enfant Jésus pour accomplir les prescriptions de la Loi à son égard, il le reçut dans ses bras, bénit Dieu et dit :
« Maintenant, Souverain Maître, tu peux, selon ta parole, laisser ton serviteur sen aller en paix ; car mes yeux ont vu ton salut, que tu as préparé à la face de tous les peuples, lumière pour éclairer les nations et gloire de ton peuple Israël. » (Lc 2, 22-32)

Le vieil homme et l?enfant
Dans le temple de Jérusalem, Siméon serre lenfant Jésus dans ses bras. Il ne s?agit pas d?une simple rencontre, mais de la véritable transmission du témoin d?une génération à une autre. Pendant tant d?années il a espéré et cru, et voici cette espérance petite comme un enfant, mais pleine de vie. Siméon est comblé de joie parce quil a l?assurance que son idéal sera enfin réalisé par cet enfant.
Il nest pas facile pour le vieil homme qui sommeille en chacun de nous d?accueillir lenfant, tout ce qui est nouveau et en gestation, et qui désire naître en nous. Nous craignons que lenfant puisse trahir le vieil homme, l?écarter, lui faire entrevoir des horizons nouveaux qui sont toujours déstabilisants. Mais la nouveauté de Dieu (une des rares choses certaines que nous puissions dire de Dieu est quil est éternellement nouveau et éternellement jeune) se révèle sous les aspects dun enfant, de quelque chose dinédit, et nous opposons nos peurs, nos calculs et nos résistances. Ainsi, nous ne réussissons pas à accueillir le Dieu qui vient. Nous cherchons à mettre ensemble l?ancien et le nouveau alors que par sécurité nous nous agrippons à ce que nous sommes et à ce que nous avons ; la nouveauté de Dieu nous interpelle et nous pousse à aller vers la terre nouvelle qu?Il nous indiquera.(Gn 12,1)
Mais nous savons tous que ce qui est vieux meurt et que seulement la nouveauté de Dieu résiste à lusure du temps. Mais comme il est difficile d?accueillir l?avenir lorsqu?il nous arrive dans la fragilité du présent ! En ce lointain 2 janvier 1817, aurions-nous été en mesure d?accueillir la nouveauté qui nous était offerte ou bien nous en serions-nous tirés avec une boutade : Qu?est-ce qui peut bien sortir de bon de la Valla ?

La personne et les structures
Lattitude de Siméon est exemplaire. Il nous apparaît comme une personne sensible, attentive et disponible. On voit clairement quil ne joue pas un rôle, qu?il nest pas immergé ou écrasé par les structures, et c?est peut-être à cause de cela qu?il réalise que celui qu?il tient dans ses bras nest pas un enfant ordinaire qui est venu pour être circoncis, mais il est Jésus, la lumière du monde. Hérode a eu aussi la même chance, mais lié comme il l?était aux structures et au pouvoir, il a accueilli cet enfant comme une menace et un rival à éliminer.
Il pourrait être intéressant de discuter d?un plus ou moins grand besoin de structures, mais peut-être est-il plus utile de nous demander quelle attention nous portons aux personnes ? Nos énergies sont-elles investies pour faire croître les personnes ou pour perpétuer des structures ? Sommes-nous plus préoccupés de préserver le présent ou plus enclins à construire l?avenir ?
Sans importuner saint Augustin (Confessions, I, 1) , j?aimerais citer une maxime d?Einstein : « Nous devons nous convaincre nous-mêmes que nous pouvons toujours poursuivre la vérité, mais jamais la saisir ! » Cette intuition peut nous aider à nous débarrasser de cette pincée de narcissisme (ou de triomphalisme) qui nous pousse à considérer que nous avons bien fait seulement lorsque nous avons réussi. Mais la vie et l?avenir se sèment, et lorsqu?on en cueille les fruits ils n?existent plus.

Des yeux qui savent lire
« Maintenant, Souverain Maître, tu peux, selon ta parole, laisser ton serviteur sen aller en paix, car mes yeux ont vu ton salut. »
Il y avait sûrement beaucoup de gens au temple, mais combien ont su accueillir le salut manifesté par cet enfant ? Beaucoup étaient sûrement allés au temple pour rencontrer le Seigneur, mais il est passé au milieu deux en personne et ils nont pas su le reconnaître. Quelquun aura entrevu Jésus, un autre se sera arrêté pour échanger quelques mots avec Joseph et Marie, échanger des politesses de circonstance, et puis? il se sera éloigné pour aller prier son Dieu.
Comme il reste difficile d?accueillir lespoir, le salut, la joie? lorsqu?ils naissent, lorsqu?ils ne sont pas encore évidents, lorsqu?ils nont pas limprimatur canonique. La foi dAbraham nest certainement pas confortable, mais celle de Thomas risque de devenir ridicule. La paix ne régnait pas au temps de Siméon et les choses ne se sont pas améliorées aujourdhui. Le salut, alors comme aujourdhui, nest pas entièrement réalisé, la joie dIsraël ne se montre plus et n?est plus ancrée dans notre ciel, mais Siméon accueille en cet enfant la paix, le salut, la lumière et la gloire.
Comme il nous est difficile d?accueillir les semences de l?espérance, de la vie, etc. qui germent en nous ! Pourtant, sans cet exercice, il nous sera impossible de percevoir ce qui fleurit autour de nous, dans notre milieu, dans les autres? Nous courons le risque terrible de nous habituer à nous-mêmes et donc de nous comporter? comme des vieux ! Nous savons que nous sommes faits d?une certaine manière et nous risquons de nous reposer et considérer la vie plus comme un trésor à préserver que comme un don à développer. Voilà pourquoi nous devons choisir la vie et cultiver davantage lesprit d?entreprise que le désir d?archiver.

Accepter paisiblement la nouveauté de la vie
« Laisse ton serviteur sen aller en paix ! » Siméon a accueilli le signe que Dieu lui a envoyé et se retire en paix. C?est le chemin normal de la vie, la sagesse de l?homme mûr et la sérénité du saint.
Partir en paix parce que la volonté du Seigneur a été accomplie avec cohérence et joie. Partir en paix afin de permettre à ceux qui viennent après nous d?accueillir les signes des temps et d?être à leur tour fidèles dans leur réponse. Partir en paix sans défendre des lignes ou des positions du passé parce que notre regard est tourné vers l?avenir. Partir en paix parce que nous sommes pacifiés et que c?est Dieu qui dirige lhistoire, toute lhistoire et non pas seulement la nôtre.
Y a-t-il en nous quelque chose de lattente de Siméon ? Désirons-nous le Seigneur ? Nous crions vers le Seigneur : Que ton règne vienne en nous et autour de nous ! Nous avons confiance dans le lendemain de Dieu qui est le seul lendemain certain. Sommes-nous en mesure d?ouvrir grand les yeux pour affronter la journée avec joie, dépasser la routine, éviter l?étiquetage et les préjudices faciles ? Réussissons-nous à découvrir la nouveauté malgré les apparences ? Quels mécanismes de croissance réussissons-nous à mettre en action pour louer Dieu et parler de lenfant au monde qui nous entoure, même si, comme Anne, nous sommes très avancés en âge ? Pourquoi est-il si facile de nous souvenir et de raconter notre histoire glorieuse mais si difficile de construire une grande histoire ?
Le grand poète Parini nous rappelait qu?un « sang illustre s?accommode mal d?un esprit languissant. » Je ne voudrais pas appliquer ce dur commentaire à la vie consacrée, mais j?aimerais rappeler ce que le Supérieur général écrivait dans sa circulaire Une révolution du c?ur :
« Est-ce que vous et moi croyons qu?une revitalisation de notre mode de vie est possible? ? Comptons-nous canaliser une bonne partie de notre temps et de nos énergies pour réaliser ce rêve? ? Si, en paroles et en actes, notre réponse et celle de la majorité de nos frères est non, il n?y a plus rien à espérer de l?avenir de notre Institut, qui probablement ne durera pas au-delà de la génération actuelle. »

Merci Marie d?avoir accueilli la nouveauté de Dieu
sans attendre d?en avoir l?assurance.
Merci parce que tu as laissé s?accomplir ses plans.
Merci parce que tu nous as révélé que rien ne lui est impossible.
Merci parce que tu as cru en l?accomplissement de sa Parole.
Merci parce que tu nous as donné Jésus,
le fruit toujours nouveau de lamour de Dieu pour toi et pour nous.
Amen.

Onorino Rota, fms

RETOUR

Publication de la « Méthode de lecture » d...

SUIVANT

Vivre l?esprit de l?Hermitage...