Lettres Ă  Marcellin

Père Barthélémy Artru

1840-01-05

PĂ©augres, le 5 janvier 1840.
Monsieur le Supérieur,
Il me tardait bien de répondre à la dernière lettre que vous mavez fait écrire, mais je voulais auparavant la communiquer aux personnes qui sintéressent à létablissement de nos Frères, et les engager à faire, au besoin, quelques sacrifices pour les conserver; puis jétais bien aise de vous annoncer quenfin nous commencions à construire cette maison décole dont les fondations ont été creusées la semaine passée et dont nous devons poser après demain la première pierre. Vous pouvez compter, Monsieur le Supérieur, sur toute ma bonne volonté et ma coopération à faire avancer cette construction de manière à ce quelle puisse être habitée en novembre prochain sans aucun danger pour la santé de nos enfants et leurs instituteurs. Mais ne soyez pas, Monsieur le Supérieur, à suspendre les classes. Cette mesure ne pourrait être plus inopportune que dans ce moment où lesprit dopposition, qui cherche encore à se remuer ici, ne manquerait pas de profiter de linterrègne de nos Frères Ma-ristes pour travailler à les remplacer par quelque instituteur de la façon des écoles normales, et pour mettre un obstacle bien difficile à un de vos éta- blissements qui est déjà ancien, et qui est à la veille davoir les résultats les plus avantageux et pour vous et pour nous.
Il est vrai que vous navez pas toujours eu lieu den être satisfait, mais cest à la mauvaise gestion de lex-frère Nilamond quil faut attribuer les mécomptes que nous éprouvons dans ce moment; il serait injuste de nous en rendre victimes. Ce pauvre jeune homme avait étrangement abusé de la confiance que nous lui avions accordée, vous et moi, et que certainement il avait mérité pendant les trois premières années de son séjour dans ma paroisse. Au lieu de samuser à acheter de beaux livres pour les pensionnaires, et dabuser des avantages pécuniaires quils lui avaient dabord procurés, pour faire des diminutions arbitraires sur les rétributions mensuelles des autres enfants de ma paroisse, il aurait mieux fait de maintenir le tarif. Il ny aurait pas eu le déficit quon aura de la peine à combler cette année, toutes choses que javais complètement ignorées. Je voudrais pouvoir aider à payer les dettes de lex-Frère Nilamond, mais notre construction va absorber toutes nos petites ressources et nous mettre même dans la nécessité de contracter aussi quelques dettes. Cependant, je tiendrai lengagement que je vous ai fait de fournir à vos Frères le traitement annuel de 800 f., et si, à cause des circonstances, les mois décole ne peuvent faire cette somme, je mengage à la faire moi-même.
Il est vrai que le local un peu éloigné du village pourra être cause que les classes seront moins fréquentées durant les premiers mois de lannée, mais cependant les enfants y sont largement logés; nos Frères seulement auront besoin dun peu de patience. Il y a déjà 70 enfants; je suis convaincu quavant la fin du mois, il y en aura au moins 85; il pourrait y en venir à peu près 100 de ma paroisse. Avec laccroissement de la population qui est ici bien sensible, ce nombre croîtra aussi sensiblement.
De grâce, Monsieur le Supérieur, un peu de patience et tout ira, jespère, au gré de vos désirs et des miens; et sil est vrai que Dieu finit toujours par bénir et faire réussir les bonnes oeuvres qui éprouvent dabord beaucoup de difficultés, je ne doute pas quil ne bénisse, et ne fasse aussi réussir celle qui depuis sept ans fait tout lobjet de mon ambitieuse sollicitude.
Javais appris avec beaucoup de peine que votre santé était toujours faible. Je vous prie dagréer mes souhaits de bonne année et les voeux sincères que je forme pour lentier rétablissement de votre estomac et la prospérité de votre sainte maison. Votre très humble et dévoué serviteur,
ARTRU

fonte: AFM 129.77

RETOUR

Lettres Ă  Marcellin...

SUIVANT

Lettres Ă  Marcellin...