Tu es toute belle, ĂŽ Marie!

8.12.2005

Dans le jour férié de notre mÚre, la Vierge Immaculée dans sa Conception, nous offrons à nos lecteurs cette belle réflexion du PÚre Cantalamessa, Franciscain, le prédicateur de la Maison pontificale.

En disant que Marie est lImmaculĂ©e, nous disons deux choses delle, lune nĂ©gative et lautre positive : de maniĂšre nĂ©gative, elle fut conçue sans la tache du pĂ©chĂ© origine ; de maniĂšre positive, elle est venue au monde dĂ©jĂ  comblĂ©e de toute grĂące. Cette parole explique tout ce que Marie est. LĂ©vangile de la fĂȘte le souligne en nous rappelant la parole de lange : RĂ©jouis-toi, comblĂ©e de grĂące, le Seigneur est avec toi.
Le mot grĂące a deux sens. Il peut signifier une faveur, un pardon, une amnistie, comme lorsque nous disons quun condamnĂ© Ă  mort a Ă©tĂ© graciĂ©. Mais il peut signifier aussi la beautĂ©, le charme, lamabilitĂ©. Le monde daujourdhui connaĂźt bien ce second sens du mot grĂące, cest peut-ĂȘtre dailleurs le seul sens quil connaĂźt bien.
La Bible aussi retient les deux sens du mot grùce qui indique avant tout et par-dessus tout la faveur divine, gratuite et imméritée, qui, en présence du péché, se traduit par le pardon et la miséricorde, mais indique aussi la beauté qui dérive de cette faveur divine, de ce que nous appelons létat de grùce.
Nous retrouvons chez Marie ces deux sens de la grĂące. Elle est comblĂ©e de grĂące surtout parce quelle est lobjet de la faveur dun choix unique, elle est aussi graciĂ©e parce que sauvĂ©e gratuitement par la grĂące du Christ. (Elle a Ă©tĂ© prĂ©servĂ©e du pĂ©chĂ© originel, en prĂ©vision des mĂ©rites du Christ ! ) Mais elle est comblĂ©e de grĂące dans le sens aussi que le choix de Dieu la rendue resplendissante, sans tache, toute belle, toute pure, comme la chante lÉglise en cette fĂȘte.
Si lImmaculĂ©e Conception est la fĂȘte de la grĂące et de la beautĂ©, il y a lĂ  un message trĂšs important pour aujourdhui. La beautĂ© nous touche tous ; elle est lun des ressorts les plus importants de lagir humain. Lamour nous unit tous. Nous pouvons diffĂ©rer quant Ă  la beautĂ© dune chose, mais nous sommes tous attirĂ©s par la beautĂ©. DostoĂŻevski a dit : Le monde sera sauvĂ© par la beautĂ©. Mais, nous devons ajouter immĂ©diatement, le monde peut aussi ĂȘtre perdu par la beautĂ©.
Pourquoi, tant de fois, la beauté se transforme-t-elle en un piÚge mortel et est-elle la cause de crimes ou de larmes amÚres ? Pourquoi tant de personnifications de la beauté, à commencer par HélÚne de Troie de HomÚre, ont-elles été la cause de tant de luttes et de tragédies humaines, et pourquoi tant de mythes modernes de la beauté (comme celui de Marilyn Monroe) ont-ils eu une fin si triste ?
Pascal disait quil existe trois ordres de grandeur ou de catégories de valeurs dans le monde : lordre des corps et des choses matérielles, lordre de lintelligence et du génie, lordre de la bonté et de la sainteté. La force et les richesses matérielles appartiennent au premier ordre ; le génie, la science et lart appartiennent au deuxiÚme ; la bonté, la sainteté et la grùce appartiennent au troisiÚme.
Entre chacun de ces niveaux et le suivant, il y a un saut de qualitĂ© presque infini. Le fait dĂȘtre pauvre ou riche, beau ou laid nenlĂšve rien au gĂ©nie ; sa grandeur se situe Ă  un plan diffĂ©rent et supĂ©rieur. De mĂȘme, le fait dĂȘtre fort ou faible, riche ou pauvre, un gĂ©nie ou un illettrĂ© najoute rien au saint ; sa grandeur se situe aussi Ă  un autre niveau infiniment supĂ©rieur. Le musicien Gounod disait quune goutte de saintetĂ© vaut plus quun ocĂ©an de gĂ©nie.
Tout ce que Pascal dit de la grandeur en général sapplique aussi à la beauté. Il en existe trois espÚces : la beauté physique ou celle des corps, la beauté intellectuelle et esthétique, et la beauté morale et spirituelle. Entre chacun de ces niveaux, il y a aussi un abysse.
La beauté de Marie Immaculée se situe au troisiÚme niveau, celui de la sainteté et de la grùce, et elle en constitue aussi, aprÚs le Christ, le sommet. Cest une beauté intérieure, faite de lumiÚre, dharmonie, de correspondance parfaite entre la réalité et limage que Dieu avait de la femme lorsquil la créée. Cest Ève dans toute sa splendeur et perfection, la nouvelle Ève.

Serait-ce que nous les chrĂ©tiens dĂ©prĂ©cions la beautĂ© dans le sens ordinaire du mot et en avons peur ? Il nen est rien. Le Cantique des cantiques cĂ©lĂšbre cette beautĂ© des Ă©poux avec un enthousiasme insurpassable et sans complexe. La beautĂ© est aussi la crĂ©ation de Dieu, mieux encore, la fleur mĂȘme de la crĂ©ation matĂ©rielle. Nous disons cependant quelle doit toujours ĂȘtre une beautĂ© humaine, et donc rĂ©flĂ©chi dans une Ăąme et un esprit. Elle ne peut pas ĂȘtre rabaissĂ©e au rang de la beautĂ© purement animale, rĂ©duite au seul appĂ©tit des sens, Ă  un instrument de sĂ©duction, Ă  lattrait sexuel. Ce serait la dĂ©shumaniser.
Nous pouvons tous faire quelque chose pour transmettre aux gĂ©nĂ©rations futures un monde un peu plus beau et plus propre, si nous choisissons bien ce que nous faisons entrer dans notre maison et dans notre c?ur, par les fenĂȘtres de nos yeux. Ce qui pour Marie a Ă©tĂ© le point de dĂ©part de sa vie est pour chaque croyant son point darrivĂ©e. De fait, lÉglise aussi est appelĂ©e Ă  devenir un jour sans tache ni ride, mais sainte et immaculĂ©e. (Éph. 5, 27).

P. Raniero Cantalamessa, OFMCap
Prédicateur de la Maison pontificale

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