JoannĂšs Fontanay
Le Seigneur a accueilli dans la paix de sa maison FrĂšre JoannĂšs FONTANAY dĂ©cĂ©dĂ© le mercredi 17 janvier 2024, Ă lâĂąge de 96 ans, dont 80 ans de profession religieuse. Le FrĂšre Provincial des FrĂšres Maristes, les FrĂšres de la Province LâHermitage, la communautĂ© de Saint Genis-Laval, sa famille et ses amis, vous invitent Ă les rejoindre par la priĂšre.
Ce nâest pas une page quâil faudrait Ă©crire pour honorer la mĂ©moire de FrĂšre JoannĂšs, mais un livre, car il a Ă©tĂ© pour lâInstitut, et tout particuliĂšrement pour les provinces de France, lâun de ces FrĂšres que le P. Champagnat appelait « les colonnes de lâInstitut ». Lui-mĂȘme nous a laissĂ© quelques pages autobiographiques Ă©crites en 2014, dans un style Ă la fois prĂ©cis et sobre correspondant si bien Ă sa maniĂšre dâĂȘtre habituelle. Dans cette notice, nous essayons dâen tirer lâessentiel.
Il naĂźt Ă Saint HĂ©and (Loire), le 18 octobre 1927, dans une famille dâagriculteurs, sixiĂšme dâune fratrie de 5 garçons et 2 filles. Il a huit ans lorsque son pĂšre dĂ©cĂšde en 1935. La famille Ă©tant revenue sur la petite propriĂ©tĂ© familiale de ChevriĂšres, JoannĂšs y frĂ©quente lâĂ©cole des FrĂšres avant de partir au juvĂ©nat de La Valla en octobre 1939. Lâambiance y est bonne et le travail si sĂ©rieux que, ayant terminĂ© ses Ă©tudes primaires, il est invitĂ© Ă entrer au postulat de ND de lâHermitage, le 2 fĂ©vrier 1942. Il nâa pas encore 15 ans. Mais câest le temps de la guerre, des restrictions alimentaires, du manque de chauffage et dâune certaine improvisation dans la formation.
Il prend lâhabit et le nom de F. JoannĂšs Pascal, le 15 aoĂ»t 1942. LâannĂ©e dâaprĂšs, il doit attendre dâavoir 16 ans pour prononcer ses premiers voeux, le 19 octobre 1943. Scolastique, il obtient le brevet Ă©lĂ©mentaire en juin 1944, puis la premiĂšre partie du bac en octobre. La guerre occasionnant des pĂ©nuries en personnel scolaire, il est nommĂ© Ă St Genest Malifaux en octobre 1944, passe ensuite Ă Marlhes oĂč, Ă 17 ans et demi, il assure une classe complĂšte (avec 3 divisions) et un service de surveillance jusque vers le 25 juin 1945. En octobre 1945, il retourne au scolasticat de Saint Genis pour obtenir, en 1946, la 2e partie du baccalaurĂ©at.
Il collectionne ensuite les fonctions de professeur des maisons de formation : aux juvĂ©nats de La Valla, Saint Paul-Trois-ChĂąteaux, ND de LâHermitage (1946-49), au postulat de ND de lâHermitage (1946-47). DispensĂ© de service militaire, il prononcĂ© ses voeux perpĂ©tuels en septembre 1949 avant dâexercer au noviciat de ND de Lacabane (CorrĂšze) pendant deux ans (1949-51).: « un cadre agrĂ©able, mais une vie assez austĂšre » dit-il. Professeur-surveillant Ă ND de ValbenoĂźte (Saint Etienne) et Ă©tudiant Ă Lyon en 1951-52, il retrouve une nouvelle maison de formation comme professeur au scolasticat de Saint Genis-Laval pendant 4 annĂ©es (1952-1956) qui lui permettent dâachever une licence dâenseignement (en anglais) tout en prĂ©parant une qualification dâenseignement religieux quâil ne terminera pas.
Il entre alors dans une phase plus Ă©clectique : de 1956 Ă 1961, soit pendant 5 ans, il est professeur au pensionnat ND de ValbenoĂźte oĂč il enseigne anglais, français, latin et y assure avec satisfaction lâenseignement religieux. Une bourse lui permet un sĂ©jour de 3 mois aux USA de juillet Ă octobre 1959 : une expĂ©rience enrichissante qui lâaide Ă amĂ©liorer son enseignement. Mais Ă partir de juillet 1961, il dirige le scolasticat de ND de lâHermitage : prĂšs de 50 jeunes FrĂšres. Il avoue que « ce fut une Ă©tape laborieuse » pendant 3 ans. La fusion des scolasticats de LâHermitage et de St Genis le libĂšre, et pendant lâannĂ©e 1964-65, il est professeur dâanglais Ă la fois au juvĂ©nat de ND de lâHermitage et Ă ND de ValbenoĂźte.
Vient alors le temps des grandes responsabilitĂ©s. Ă la rentrĂ©e de septembre 1965, ĂągĂ© de 38 ans, il prend la direction de ND de ValbenoĂźte. LâannĂ©e 1967-68 est trĂšs perturbĂ©e par les Ă©vĂšnements de mai 1968, « qui ont demandĂ© beaucoup dâefforts pour garder une atmosphĂšre Ă peu prĂšs respirable pour les enseignants et les Ă©lĂšves ». En mĂȘme temps, il est dĂ©lĂ©guĂ© de sa province au chapitre gĂ©nĂ©ral de la congrĂ©gation tenu Ă Rome en deux sessions Ă lâautomne 1967 et Ă lâautomne 1968. Ătant lâun des quatre modĂ©rateurs de cette assemblĂ©e parfois houleuse, il prĂ©side de nombreuses assemblĂ©es gĂ©nĂ©rales, « avec quelque rigueur », avoue-t-il.
Il nâa que le temps de finir lâannĂ©e scolaire Ă ValbenoĂźte, car, en mars 1969, il devient provincial de ND de lâHermitage. Mai 68 et le chapitre gĂ©nĂ©ral ont crĂ©Ă© dans la province une certaine effervescence, et, dit-il, « Il a fallu accompagner patiemment les uns et les autres, sans toutefois Ă©viter bien des dĂ©fections ». Autre transaction dĂ©licate : la fusion de la Province du Sud-Ouest avec celle de ND de lâHermitage. Ces annĂ©es sont si Ă©prouvantes que JoannĂšs doit passer 6 mois en sanatorium, Ă Hauteville (Ain), en 1969-70, sans quitter sa responsabilitĂ©, mais avec lâaide dâun provincial adjoint.
En septembre 1974, avant mĂȘme la fin de son mandat de provincial, il reprend la direction de ND de ValbenoĂźte. Il doit sâopposer Ă un syndicat qui aurait voulu une intĂ©gration Ă lâenseignement public et qui nâacceptait pas la fusion avec ND du Rond-Point, Ă©tablissement des Soeurs Maristes. Cette fusion permettait dâenvisager une totale mixitĂ© qui sera rĂ©alisĂ©e Ă partir de 1976 en deux sites dotĂ©s dâun responsable de niveau, ce qui allĂ©geait la fonction de directeur gĂ©nĂ©ral de lâensemble.
Mais JoannĂšs ne pourra profiter longtemps de ce rĂ©sultat. En 1982, il doit remplacer le directeur du Pensionnat Saint Laurent Ă Lagny-sur-Marne (Seine-et-Marne). Câest pour lui un milieu nouveau ; et la charge est lourde. Il faut rĂ©duire un internat de 300 garçons de 10 Ă 20 ans et organiser le passage Ă la mixitĂ©. Finalement, lâEnsemble Scolaire Saint Laurent-la Paix Notre-Dame comprend quelque 2000 filles et garçons. En aoĂ»t 1991, ĂągĂ© de 64 ans, JoannĂšs quitte ses fonctions et va passer une annĂ©e sabbatique Ă Bruxelles oĂč il suit les cours de lâinstitut Lumen Vitae.
Le temps des responsabilitĂ©s ne sâĂ©loigne pas tout Ă fait. NommĂ© Ă Paris en juillet 1992, il y reste jusquâen 2006. Pendant 7 Ă 8 ans, il est trĂšs occupĂ© par ses fonctions de secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de lâUFE (Union des FrĂšres Enseignants) et garde des activitĂ©s Ă Lagny. En tant que responsable de la maison dâaccueil de la rue Dareau, il y reçoit davantage dâĂ©tudiants venus de divers pays.
Ă partir de 2006, il entre dans ce que nous pourrions nommer une retraite active Ă la maison provinciale : Ă Ste Foy-les-Lyon dâabord puis, en janvier 2009, Ă la rue dâInkermann (Lyon 6e). Il y est le doyen et un des Ă©lĂ©ments stables dâune communautĂ© comprenant plusieurs FrĂšres souvent en dĂ©placement. Il sây occupe en particulier de la gestion des calendriers Champagnat, et il rĂ©dige les notices biographiques des FrĂšres, Ă lâoccasion des dĂ©cĂšs. En octobre 2014, Ă 87 ans, il dresse de sa vie un bilan lucide et fort impressionnant pour nous :
« Jâai eu une vie trĂšs active commencĂ©e jeune (enseignant dĂšs 17 ans et demi) et poursuivie bien au-delĂ de 80 ans. Je nâai pas âmĂ©nagĂ© ma peineâ ; et ainsi ma vie de consacrĂ© a Ă©tĂ© tournĂ©e vers les autres soit dans la vie communautaire, soit dans lâactivitĂ© apostolique directe. Je perçois un peu confusĂ©ment quâil y a eu, dans ma vie, ce fil rouge ou cette ligne droite qui lâunifie. Jâestime aussi que jâai eu le souci de servir aussi bien que possible, lĂ oĂč on mâa demandĂ© dâexercer mon activitĂ©, alors que parfois jâai Ă©tĂ© nommĂ© Ă des postes difficiles. Je crois avoir ainsi accompli mon âvoeu dâobĂ©issanceâ. Dâailleurs nâĂ©tant pas particuliĂšrement novateur, je me suis coulĂ© aisĂ©ment dans les structures existantes et dans les rĂšglements de la vie communautaire. Cette fidĂ©litĂ©, un peu matĂ©rielle, Ă suivre une rĂšgle de vie ne mâa pas vraiment coĂ»tĂ© et mâa probablement aidĂ© Ă garder la âligne droiteâ Ă©voquĂ©e prĂ©cĂ©demment. »
Il envisage alors un retrait dans une des communautĂ©s de FrĂšres ĂągĂ©s ; mais câest en juillet 2023 seulement que les Ă©preuves du grand Ăąge lâobligent Ă entrer Ă lâEHPAD de St Genis-Laval, oĂč il ne rĂ©side que quelques mois. Ă la fin de son autobiographie, il cite ces paroles de Saint Jean de la Croix : « Un grand amour mâattend ». Que dire de plus ?