2012-04-04

La Cité de la Miséricorde – Kigera, Mji wa Huruma

Photos

Ce texte vient de Frère Marino. Après s’être dévoué corps et âme aux enfants de la rue et à la jeunesse en situation particulièrement difficile dans la ville de Goma, RDC, nous le retrouvons à Kigera-Musoma, Tanzanie, auprès des enfants des campagnes, tout aussi défavorisés et malmenés par la vie ou plutôt par la société qui n’a que faire de ces estropiés inutiles et de ces intouchables. (Kigera, MJI wa HURUMA, fmp/32 Mji wa Huruma, Cité de la Miséricorde)

 

Qui sont les hôtes de cette Cité ? Et que font-ils ?

class=imgshadowBeaucoup ont lu « La Cité de la Joie » de Dominique Lapierre. Permettez-moi de vous présenter la Cité de la Miséricorde, Mji wa Huruma. SHIKAMOO !!! Mes respects !!! Littéralement, je saisis vos pieds, je me jette à vos pieds. SHIKAMO à toi, Babayo, Consolata, Pedero, Alfonso, Godfrey, Michaël, Francesco, Sofia, Bahati et tous les autres.

Moi, le dernier venu, je vous dois le respect ; acceptez-moi comme votre serviteur, votre ami, votre frère. Kigera est un lieu que Google Earth ne peut encore situer ; c’est là où se trouve un des trois centres que le Père Biseko, ce prêtre charismatique, simple et digne dans ses habits raccommodés et ses sandales « Good Year » – comprenez, en pneu de camion -, a implanté MJI wa HURUMA, la Cité de la Miséricorde.

Kigera est un lieu isolé, retiré et protégé par les épineux qui croissent dans cette zone aride. C’est là que les « SERVANTS OF LOVE » accueillent des « rebus » de la société : enfants perdus, vieillards décrépis, malades dont le marathon arrive à la fin de la dernière ligne droite, les inutiles, les improductifs, les sans intérêt. Pourtant, ici, ils sont les bienvenus.

Démunis de tout avoir matériel, déformés dans leur corps, atrophiés dans leur l’intelligence…, voilà le laissez-passer qui ouvre les portes de Mji wa Huruma. Ils entrent dans une famille, peut-être à cause de la flamme de vie qui scintille encore dans le regard, le cœur, l’esprit ? Leur seule richesse est leur pauvreté et en cela, ils sont nos maîtres. Je n’ai rien…, je n’ai que moi, ce n’est que moi. Me voici pour toi qui as besoin de moi.

Le premier à vous accueillir sera Babayo, force et visage d’orang-outang ; parfois le regard vide, parfois plein d’humanité, à en être jaloux ! Pour le Seigneur, c’est toujours « carnaval » ; tous les masques des plus pauvres sont les siens, tous ont un reflet de sa Face.

Quelqu’un de la famille de ce jeune homme a jugé bon de lui briser les métatarses des deux pieds pour l’empêcher de circuler. Les soudures de ses os sont nettement visibles et Babayo parcourt des distances que des bien-portants ne peuvent se permettre.

Consolata, jeune paralytique, sidéenne de surcroît, au regard immense dans son visage émacié par la maladie, joue le rôle de DJ ! Sa musique religieuse fait danser les boiteux et les handicapés mentaux, tous mélomanes et danseurs infatigables.

Edina, épileptique et simple d’esprit, nous réjouit tous ; il n’y a pas de personne morose qui puisse lui résister. Toute la journée, tous les jours, elle n’est que rire et sourire… édenté ! À celle-ci, ce sont les dents de devant qui lui ont été cassées et arrachées ! Ainsi, épileptique, elle ne pourra ni se mordre ni se couper la langue… Mais qui donc a eu l’idée lumineuse de la démunir des perles blanches de sa bouche ?

Pedero, ancien lépreux, n’a que des moignons au bout de ses quatre membres. Mais pensez-vous que son enthousiasme soit amoindri ? Avec élégance et dignité, il faut le voir se nourrir, s’habiller ou saisir les serpents…, prendre vos mains dans les « siennes ».

Les enfants les plus jeunes sont une colonie d’oisillons qui volètent partout, tout le temps. Par leurs piaillements ils invitent le soleil à ne pas tarder à lancer les rayons par-dessus l’horizon. Quand ils ne sont pas sous cure, leur mère l’est,… ObamaTitiFrancescoFredyJohn, enfants de folles, fils de personne. Ils sont là, sans manquer de l’affection maternelle et paternelle des « SERVANTS OF LOVE ».

John, à sa naissance, sa mère nous l’a laissé, en s’enfuyant pour vivre sa vie. Intelligent, espiègle, habile, batteur de tamtam et danseur hors pair. Si sa mère le voyait, elle le reprendrait et nous, nous le perdrions. Des jeunes gens, des jeunes filles mûris dans l’affection et l’éducation de Mji wa Huruma se préparent à prendre leur envol dans la vie. Chabcha, berger, deviendra éleveur, après avoir gardé les bêtes ; Rudy sera meunier, Katarina, jolie et élancée, trouvera un bon parti. Son père est aussi dans le centre…, mais elle ne le sait pas. Celui-ci n’a pas le courage de lui dire qu’il l’a appelée à la vie quand il était en âge d’être arrière-grand-père…

 

Mais qui donc fait tourner la boutique ?

Des volontaires, femmes fortes, dévouées, infatigables parce que la foi les « booste ». La charité est leur principale occupation. Des volontaires hommes : tous travaux, toutes missions, 24h/24 et 7j/7. Naturellement à l’église, en prière, quand ils ne sont pas au travail. Le Père Biseko, le « Champagnat » des CHARITY HOMES ; le Père Michaël Bassano des Maryknoll et moi, F. Marino, encore et toujours sur la brèche, que ce soit avec les jeunes et les enfants des rues de Goma ou avec ceux de Mji wa Huruma. Et encore demain, là où le Seigneur me mènera.

Dans les CHARITY HOMES, les conditions de vie sont celles des gens humbles des villages environnants. Nous vivons de la charité de nos bienfaiteurs et de notre travail. Nous participons financièrement en payant nos repas, notre transport. Notre salaire est la joie d’être au service de nos Maîtres, mais que, LUI, appelle les « miens », « mes brebis », « mes agneaux », « mes petits ». Dès mon arrivée, je me suis mis au travail de réparation : fenêtres, portes, tables et chaises… Champagnat ! Que de fois j’ai pensé à toi !!! Et à ta table de La Valla ; non pas de l’ébénisterie mais de la charpente.

L’éolienne qui nous fournit de l’eau, nous procure aussi bien des soucis. Cela m’a coûté bien des journées de dur labeur, marqué par les brûlures du soleil implacable, pour la convaincre de pomper notre eau quotidienne.

En première urgence, au toit de l’église, des solutions de dépannage ont été apportées. Un rafistolage efficace après des années de pluies et suintements. Le toit de l’église peut se réparer à 2 000–2 500 €, les cuisines à 2 500 €, les lavoirs hommes à 1 500 €, la buanderie à 2 000 €, l’aménagement des services sanitaires à 2 000 €. Mais aussi une camionnette, même de seconde main, serait la bienvenue, pour nous servir de mulet de travail…

Personnellement, je choisirais l’ordre suivant : éolienne, cuisines et buanderie ; ce sont les postes qui procurent le plus de fatigues et de peines. Et de quoi transporter et nous désenclaver.

F. Marino Primicieri 
(Paru dans Présence Mariste N° 269, octobre 2011)

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