Collège de Shang-Hai

10/Feb/2010

Il va bientôt y avoir un an, le 3 décembre 1909, le collège Saint-François-Xavier, fondée en 188.1 par les RR. PP. Jésuites dans le quartier moderne de Hong Keou, à Shanghai, et confié depuis 15 ans à la direction de nos Frères, célébrait par de joyeuses fêtes le vingt-cinquième anniversaire de sa naissance, et chantait un Te Deum solennel d' action de grâces pour la bénédiction particulière dont le Seigneur l'a favorisé pendant ce premier quart de siècle. Et vraiment, rien ne pouvait être plus juste ni plus opportun, puisque, malgré la faiblesse relative des moyens dont il disposait et les difficultés de beaucoup de genres qu'il lui a fallu vaincre, il lui a été donné, par la grâce de Dieu, de conquérir à un degré peu commun, dans ce peu de temps, la confiance des familles ; de voir croître au delà de toute espérance le nombre de ses élèves, qui est actuellement de 625 ; de faire, au point de vue moral et religieux, un bien qu'il est permis de croire réel et solide, et de prendre un rang honorable parmi les établissements d'éducation les mieux réputés de l'Extrême Orient.

Nous croyons aller au-devant des désirs des lecteurs du Bulletin en leur donnant sur cette maison, une des plus intéressantes qui soient actuellement sous la direction de l'Institut, les quelques détails ci-après, que nous résumons d'après les notes fournies à diverses époques, et tout dernièrement encore, par le personnel de l'établissement.

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Ouvert un des premiers, vers le milieu du dernier siècle, aux navires des nations occidentales, le port de CHANGHAI a vu, depuis lors, croître rapidement son importance économique ; et, bien qu'il ne fût et ne soit encore administrativement qu'un chef-lieu d'arrondissement de la province du Kiang-Sou, il est devenu non seulement une des plus grandes villes de la Chine, mais le centre le plus important des transactions entre l'Empire et les pays européens. Au point de vue catholique, il est le chef-lieu résidentiel du vicariat apostolique du Kiang-Nan, confié depuis 1856 au zèle des RR. PP. Jésuites, qui l'avaient évangélisé au XVII' siècle.

La ville, baie sur la rive gauche de la rivière Houang-pou qui va bientôt après se jeter dans l'estuaire du Yang-Tseu-Kiang, se compose aujourd'hui de deux parties bien distinctes : la ville chinoise et la zone internationale. La ville chinoise, qui compte, dit-on, de 220 à 230.000 habitants, a l'aspect général de la plupart des grands centres urbains de l'Empire et ne présente rien de particulièrement remarquable. Elle se prolonge vers le sud par le faubourg de Tong-ka-dou. La zone internationale fait suite à la ville chinoise dans la direction du N. et du N.-E, sur une étendue de 750 hectares, et forme une grande et belle cité à physionomie européenne de 540 à, 550.000 âmes où dominent, avec l'élément chinois, les éléments anglais, portugais, américain, japonais, allemand, français, etc. Elle s'étend sur les trois concessions française, anglaise et américaine, et a son administration autonome, tout à fait indépendante de l'administration chinoise. De grands travaux d'assainissement en ont presque banni les fièvres pernicieuses et lui ont fait perdre à peu près complètement la réputation de ‘’tombeau des Européens’’ qu'elle mérita jadis avec, assez de justice.

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C’est dans la concession américaine, à côté de l’église du Sacré-Cœur, que s'élève, sur un terrain rectangulaire de 90 mètres de long sur 58 de large, le collège auquel nous allons consacrer cette courte notice. Cet emplacement avait été acquis, dit-on, par les RR. PP. Jésuites, vers 1880, en vue d'y construire un observatoire ; mais, jugeant ensuite que l'observatoire serait mieux placé à la campagne, ils résolurent d’y bâtir un local pour une école qu'ils avaient fondée quelques années auparavant dans la concession française, non loin de leur église Saint Joseph, et qui se trouvait logée trop a l'étroit. Ce fut le Collège Saint-François-Xavier, qui depuis lors sert d’abri commun à trois œuvres distinctes : un collège européen, un orphelinat et une école chinoise.

L'édifice principal, qui a 58 mètres de long sur 16 de large, est un bâtiment de belle apparence, à quatre étages en y comprenant le rez-de-chaussée, et bien approprié à sa destination. Il est construit vers le milieu de la propriété, et fait face au nord et au sud, à cieux belles cours de récréation avec préau.

Les Pères dirigeaient depuis huit ans ce Collège, inauguré en 1884, lorsque, ayant eu connaissance du bien que faisaient nos Frères à Pékin et à Tien sin, le désir leur vint d'en avoir quelques-uns comme auxiliaires, en remplacement de professeurs laïques qu'ils étaient obligés d'employer. Par l'intermédiaire du R. P. Tournade, Procureur Général de la mission, qui résidait à Paris, ils firent de vives instances auprès de nos Supérieurs en vue de les obtenir, et, grâce à d'heureuses circonstances, il put leur être donné satisfaction.

En conséquence, le 23 juillet 1893, les Frères Jules-André, Alboin et Marie-Prudent s’embarquèrent à Marseille, sous la direction du Frère Emiliani, à destination du Kiang – Nan. Le 26 août suivant, ils abordaient heureusement à Shanghai, où ils furent rejoints peu de jours après par le Fr. Marie-Julien venant d'Australie.

Accueillis par les Supérieurs du Collège avec une cordialité toute religieuse, ils entrèrent en fonctions dès la réouverture des cours, qui eut lieu le 1ier septembre. On leur confia les deux classes de l'orphelinat et les trois dernières classes de la section des Européens. Les deux premières classes de cette dernière section avaient chacune un Père à leur tête, et les deux classes de la section des Chinois étaient faites par deux laïques portugais, anciens élèves de l’Établissement. Eu tout, le collège comprenait donc alors neuf classes, dans lesquelles furent répartis les 165 élèves qui vinrent à cette rentrée.

Comme c'était de leur devoir, les Frères mirent toute leur application et tout leur dévouement à bien s’acquitter de leur tâche et à justifier les espérances qu' on fondait sur eux. De leur côté, les Pères du Collège ne marchandèrent aux Frères ni leur appui moral, ni leurs encouragements, ni leurs témoignages de satisfaction, et grâce à Dieu tout alla bien. Dix-huit mois après, le R. P. Tournade pouvait écrire au R. F. Théophane, alors Supérieur Général de l'Institut : ` Ainsi que je le prévoyais, nos Pères de Shanghai, très satisfaits des Frères que vous avez envoyés là-bas pour le Collège, désirent vous passer complètement cet établissement cl ils me chargent de négocier cette affaire avec vous.

En effet, les Pères, dont l'activité était sollicitée de toutes parts par les besoins du ministère apostolique dans la vaste étendue du Vicariat, n'avaient pas tardé à caresser l'idée de pouvoir se décharger de la direction du collège sur les Frères, dont ils appréciaient le dévouement et les aptitudes ; et dès les premiers mois de 1894, il y avait eu des propositions à cet égard. Le Frère Directeur avait même été chargé de rédiger un projet de conventions qui fut approuvé presque sans modifications par le Supérieur du Collège, par le R. P. Vice-Provincial et par S. G. Mgr Garnier, vicaire apostolique du Kiang-Nan. Nos Supérieurs, à. qui il fut ensuite envoyé, n'objectaient rien non plus aux conditions ; mais, étant donné l'éloignement du pays et la différence de ses mœurs avec celles des pays occidentaux, ils jugèrent prudent de prolonger l'essai pendant quelque temps encore avant d'accepter l'offre bienveillante qui leur était faite. Cependant les instances s'étant renouvelées de la part des Pères et les Frères ayant eu le temps de se familiariser un peu plus avec la situation qui allait leur être faite, le traité qui réglait les conditions de l'acceptation pour les Frères de la direction du collège Saint François Xavier fut signé, le 1ier mars 1895, par le R. P. Tournade , Procureur Général de la mission du Kiang-Nan d'une part, et le R. F. Théophane, Supérieur Général des Petits Frères de Marie de l'autre. Il était fait pour trois ans avec faculté de résiliation pour les deux parties, en se prévenant mutuellement une année à l'avance.

En 1894, à cause du besoin que le collège avait de professeurs d'anglais, les Frères Frédérick et Celestine étaient venus d'Australie pour renforcer la première colonie de l'année précédente. Les Frères Joseph-Chanel ; Pascal-Louis, Faust, Marie-Anthelme et Archangélus vinrent encore se joindre à eux ; et avec les deux professeurs laïques qui furent maintenus à la tête des deux classes chinoises, le personnel se trouva à peu près complet, quoique deux ou trois autres Frères au moins eussent été très utiles.

Le 26 août 1895, après un cordial dîner d'adieux présidé par leur Vice-Provincial, les BR. PP. Jésuites remirent aux Frères les clefs de la maison ; et la rentrée des classes se fit le 1ier septembre suivant. Elle fut très satisfaisante ; car, malgré la pluie abondante qui tombait ce jour-là, il y eut 185 élèves présents. Deux mois après, leur nombre était monté à 240, et avant la fin de l'année scolaire il s'élevait à 350, où il devait se maintenir, avec quelques légères variantes, pendant environ trois ans.

Peu de temps après la prise de possession, à la date du 26 octobre 1895, le Frère Emiliani, à qui incombait dorénavant la responsabilité du Collège, résumait à peu près en ces termes dans une lettre au R. F. Théophane, Supérieur Général, le résultat de ses premières impressions : " Je suis heureux de vous dire, mon Révérend Frère, que nos enfants, dans leur ensemble, nous donnent pleine satisfaction par leur excellent esprit, et qu'ils adhèrent avec une ferveur consolante à la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus que nous tâchons de leur inculquer. Comme vous le savez sans doute, nous avons reçu une belle statue du Sacré-Cœur, achetée par les élèves, au moyen de vieux timbres qu’ils nous ont fournis et qui ont été vendus un bon prix en France par les soins d'un de nos chers Frères. Nous l’avons installée à la place d'honneur ; après la cérémonie solennelle de la bénédiction, nous nous sommes tous consacrés, Maîtres et élèves à ce Cœur adorable, et je puis vous assurer que le bon Maître tient fidèlement à notre égard sa promesse de bénir les maisons où l'image de son Cœur sera exposée et vénérée. C'était au moins la seconde fois que le Frère Emiliani éprouvait visiblement l'effet de cette divine promesse. A Sydney, au Collège de Hunters' Hill dont il avait été directeur pendant dix ans, il était déjà arrivé par le même moyen au même succès.

Les RR. PP. Jésuites, d'ailleurs, en nous cédant la direction du Collège ne s'en étaient pas désintéressés pour cela. Ils se réjouirent beaucoup de sa marche prospère, et en toute occasion les Frères trouvèrent en eux des amis dévoués et des conseillers très sages, dont l'expérience leur permit de prévenir ou de résoudre de nombreuses difficultés. Dé' son côté, Monseigneur Garnier, le vénérable Vicaire apostolique de la Mission, leur montra toujours une bonté toute paternelle, se faisant un plaisir de venir présider chaque année leurs petites solennités, comme la distribution des prix, la clôture des retraites, les émissions de vœux des Frères, etc., et prenant enfin un bienveillant intérêt à tout ce qui se rapportait à leur œuvre.

Au mois de mai de 1898, le Frère Emiliani, éprouvé depuis longtemps par diverses maladies dont il n'avait pu parvenir à se défaire, fut obligé de quitter Shanghai, à l'appel des Supérieurs, pour aller essayer de se rétablir en France. La traversée lui fut favorable et il arriva à Saint-Genis-Laval dans un état qui donna des espérances ; mais la maladie ne tarda pas à reprendre le dessus, et, deux ans après, le 16 juin 1900, le bon Frère succombait à une dernière crise. Il fut remplacé, à la tète du collège Saint François Xavier, dans le courant de l'été de 1898, par le Frère Antonin, qui malgré sa jeunesse — il n'avait alors que 27 ans — sut se montrer à la hauteur de son importante situation. Dès les premiers jours, il s'était acquis le respect et la sympathie des élèves, l'affection toute dévouée de ses Frères, l'estime et la confiance des personnes du dehors, et l'œuvre, sous sa direction, put continuer sa marche prospère.

Les élèves devinrent même bientôt si nombreux que le bâtiment ne suffisait pas à les contenir, et qu'une nouvelle construction s'imposait. Dans une visite tout paternelle qu'il fit aux Frères peu de temps après le départ du Frère Emiliani, Monseigneur Garnier en avait reconnu la nécessité et promis de l'entreprendre ; mais le vénérable prélat fut enlevé inopinément par la mort, le 15 août 1898, à l' affection des chrétiens du Vicariat, au moment où on s'apprêtait à célébrer le cinquantième anniversaire de son ordination sacerdotale, de sorte qu'il ne lui fut pas donné de voir la réalisation de son projet. Ce projet ne fut pourtant pas abandonné pour cela : pendant l'hiver de l'année 1900, le préau de la cour du nord fut élevé de deux étages, ce qui donna trois spacieuses salles de classe et un dortoir pour les orphelins internes, où l'on put s'installer dans le courant du mois de mai. Le Collège comptait à ce moment 13 classes et 450 élèves, savoir : 6 classes et 160 élèves dans la section des Européens payants, 2 classes et 80 élèves dans la section as orphelins, et 5 classes avec 21Q élèves, clans la section dei Chinois.

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C'était l'époque où venait d'éclater, dans le Nord de l'Empire, la terrible insurrection des Boxeurs, dont nos établissements de Pékin et de Tientsin eurent si cruellement à souffrir. Le 17 juin, le jeune Frère Marie-Adon et le postulant Paul Yen étaient mis à mort à Chala-Eul, en défendant leurs orphelins ; le 18 juillet, le Frère Joseph Félicité était tué par l'explosion d'une mine, et le 12 août, le Frère Jules-André, visiteur du district, tombait martyr de son dévouement, frappé à mort par une balle en allant porter secours à une pauvre catéchumène qu'une explosion de mine venait d'ensevelir à moitié sous des décombres. La nouvelle successive de toutes ces morts fit une profonde impression sur la communauté de Shanghai, principalement celle du Frère Jules-André, qui avait été un de ses fondateurs et y avait laissé un excellent souvenir.

Grâce, dit-on, à l'énergique attitude du vice-roi, Lieou-Kien-I, le Kiang-Nan avait pou souffert de la crise qui venait de bouleverser les provinces septentrionales, et au 1ier septembre, le collège Saint-François-Xavier, seul de tous nos établissements de Chine, put ouvrir ses portes comme de coutume ; mais naturellement la rentrée se ressentit du malheur des circonstances. De 210, le nombre des élèves chinois était tombé à 71, et jusqu'en 1906, il ne remontera pas au delà de 120 ; mais, en revanche, le nombre des élèves européens ne tardera pas à augmenter dans une proportion notable, et il sera bientôt nécessaire de créer une septième classe pour eux.

La fin de cette malheureuse année 1900, si féconde en sujets de tristesse, réservait du moins à la Communauté de Saint-François-Xavier et à tous les fidèles de la Mission le sujet d'une grande joie. Depuis 15 mois, le Vicariat était en deuil par suite du décès de Mgr Simon, successeur de Mgr Garnier, que le bon Dieu avait rappelé à lui 45 jours après son sacre. Or, vers le milieu de décembre on apprit l'heureuse nouvelle que ce deuil avait cessé par l'élection si longtemps désirée de Mgr Paris, en qui l'église du Kiang-Nan allait retrouver un Pasteur rempli de toutes les vertus apostoliques, et les Petits Frères de Marie un fidèle héritier de l'intérêt, de la bienveillance et du paternel dévouement dont les avaient entourés ses deux derniers prédécesseurs.

A partir de cette époque jusqu'en 1905, l'histoire de l'établissement ne présente, à notre connaissance, aucun événement particulièrement remarquable. Le collège poursuit paisiblement sa marche normale, soutenant sa bonne réputation et voyant augmenter d'une manière lente, mais continue, le nombre de ses élèves. Pendant les années 1902 et 1903, le Frère Antonin, obligé à de longues et fréquentes absences par la charge de Visiteur qui lui avait été conférée après la mort du Frère Jules André, cède la direction de Saint François Xavier au Frère Pascal-Louis.

C'est à la fin de l'année 1905 que, pour la première fois, en vue de donner aux études un stimulant qui leur manquait, on se résolut à présenter des élèves aux ‘’Cambridge Local Examinations’’ qui, comme dans tous les pays relevant de la couronne britannique, comprennent trois degrés : preliminary ou élémentaire ; junior ou moyen, et senior ou supérieur, et se prennent par écrit, dans des conditions très sérieusement déterminées, devant un délégué local de l'Université de Cambridge. Ce premier essai un peu timide donna des résultats meilleurs que beaucoup n'avaient espéré sur les 5 candidats présentés, 4 réussirent et ce fut un encouragement pour les années suivantes. On a continué depuis sans interruption, et avec un succès toujours meilleur.

L'année 1906 marque pour Saint François Xavier le point de départ d'une nouvelle période de prospérité ascendante, qui, grâce à Dieu, dure encore. Peu de jours après la rentrée des classes, le nombre des élèves européens était de 200 ; celui des orphelins de 80 ; celui des Chinois, de 160 ; soit en tout 400. Deux ans plus tard, au commencement des vacances de 1908, on en comptait 510, dont 250 européens, 80 orphelins et 180 Chinois.

Mais, comme il fallait s'y attendre, par suite de cette augmentation rapide les classes devenaient surchargées et l'espace manquait pour en créer de nouvelles : on dut donc de nouveau songer à bâtir. Le préau de la cour des européens fut agrandi et surmonté d'un étage, où purent être installées deux des cinq classes chinoises et une sixième qu'on s'empressa de créer. Au bout de trois mois celle-ci comptait 80 élèves et elle dut être dédoublée 'h. son tour. Au 20 mars 1909, le nombre des inscrits s'élevait à 570.

Le 11 avril de la même année, qui était le saint jour de Pâques, il fut donné aux Frères de l'Etablissement une des plus douces consolations qu'ils pussent désirer : dix-sept de leurs élèves, appartenant les uns à la section des Européens, et les autres à celle des orphelins, recevaient solennellement le saint Baptême à l'office du matin, après une préparation sérieuse, et trois de leurs camarades se disposaient à les imiter trois mois plus tard.

Enfin, comme nous l'avons insinué au début, le 3 décembre, fête de saint François Xavier et le lendemain, devaient être des jours mémorables dans les annales du Collège. C'était la vingt- cinquième fois qu'il célébrait sa fête patronale depuis son transfert dans le local qu'il occupe, et il sentait le besoin de rendre à Dieu de spéciales actions de grâces pour les bénédictions vraiment extraordinaires dont il avait été l'objet pendant ce temps, ainsi que pour le bien qu'il lui avait été donné de faire.

Dans la matinée du 3, une messe solennelle fut donc célébrée à cette intention par le R. P. Diniz, ancien élève du Collège, et suivie du salut du Très Saint Sacrement, avec chant du Te Deum. Tous les élèves qui avaient fait leur première communion tinrent à s'approcher de la Sainte-Table. Le reste de la journée fut consacré aux sports ou jeux annuels du Collège.

Le lendemain, 4 décembre, était le jour officiel du Jubilé. A midi, un banquet de famille réunissait, outre le personnel du collège, une trentaine d'ecclésiastiques amis de la maison. Tels étaient, entre autres : le R. P. Ducoux, S. J. Recteur de Zi-ka-wei, et représentant de Mgr Paris, alors en visite pastorale ; le R. P. Moisan, curé de la paroisse et ancien Supérieur du Collège ; le R. P. Van Doselaere, également ancien Supérieur du Collège ; bon nombre d'autres Pères Jésuites de Shanghai et de Zi-ka-w le Procureur des Augustiniens, celui des Missions étrangères Paris, etc. … Dans la soirée, un goûté de gala fut servi à tous les élèves par les soins d'une généreuse bienfaitrice ; des prix magnifiques, donnés par les amis et bienfaiteurs, furent distribués aux gagnants des Sports ; et enfin, à 5 heures et demie, eut lieu une belle séance dramatique et musicale à laquelle assistaient plus de 1.000 personnes. A la sortie, la façade du Collège était brillamment illuminée. Comme souvenir de ces fêtes jubilaires Frère Directeur avait prié le C. F. Candidas, notre Procureur Général près le Saint-Siège, de demander une bénédiction spéciale au Saint-Père, et la faveur fut en effet accordée ; malheureusement la nouvelle en parvint trop tard.

Le nombre total des élèves était alors de 600. Pendant le 1ier semestre de 1910 il a augmenté encore, et l'année scolaire s'est terminée avec 625. On aurait même pu dépasser ce chiffre ; mais l'espace faisait absolument défaut, et l'on dut mettre une affiche pour avertir les Chinois qu’il était inutile de se présenter, parce qu'il n'y avait pas de place. Des dispositions ont été prises depuis, de concert avec les RR. PP. Jésuites, pour prolonger et exhausser encore cl' un étage le bâtiment de l'orphelinat situé à la partie orientale de la cour du Nord, afin de remédier dans la mesure du possible à cet inconvénient.

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Un mot maintenant sur l’organisation et la vie du Collège. Ainsi qu'il a été déjà dit, il comprend trois sections distinctes : 1° la section des Européens, qui compte actuellement 250 élèves (dont 55 internes), dans huit classes ; 2° la section des orphelins, qui en compte 105 (dont 45 internes) dans trois classes ; 3° la section des Chinois, qui en a 270, tous externes, dans sept classes.

Les élèves de la section dite des ‘’Européens’’ sont en réalité pour la plupart Eurasiens, c'est-à-dire de sang européen plus ou moins mélangé de sang asiatique. L'élément dominant parmi eux est l'élément portugais-macaïste-chinois. Il y a bien aussi de vrais Européens : Anglais, Français, Russes, Juifs ; mais c'est en somme le petit nombre. Les Chinois et les Japonais, vêtus à l’européenne s'y trouvent également clans une assez forte proportion. Dans la section des ‘’orphelins’’ se trouvent des orphelins proprement dits, qui sont internes, et des externes dont les parents sont trop pauvres pour payer la rétribution exigée des élèves de la section européenne. Ils sont pour la plupart eurasiens ou chinois, et portent tous le costume européen. Ils sont entretenus au moyen : 1° d'une allocation donnée par la municipalité anglo-américaine ; 2° d'une subvention de la Conférence de St. Vincent de Paul ; 3° d'une petite pension payée par les tuteurs de quelques-uns d'entre eux ; 4° enfin des petites rétributions qu'on peut obtenir des externes peu aisés qui suivent les leçons qu'on y donne. Quant aux élèves de la section chinoise, ils sont tous de vrais Chinois et portent le costume national. Dans toutes les sections, l'enseignement se donne exclusivement en anglais ; mais naturellement le programme n'est pas le même dans toutes. Les orphelins étant de basse extraction n'ont pas, en général, une capacité intellectuelle bien étendue et l'on doit se borner, la plupart du temps, à leur inculquer, avec une instruction religieuse solide et pratique, une bonne instruction profane élémentaire qui leur permette de se procurer un gagne-pain plus tard. Plusieurs d'entre eux, cependant, ont pu être admis, après quelques années, dans les classes européennes, et se présenter avec succès aux examens locaux de Cambridge.

Les élèves chinois ne sont admis que lorsqu'ils savent assez bien leur propre langue, le chinois n’étant pas enseigné au Collège ; aussi les plus jeunes élèves de cette section ont-ils au moins 12 ou 13 ans, et les autres présentent tous les âges intermédiaires jusqu'à 20 ans et même au-delà. Il en est un certain nombre qui sont déjà, mariés, ce qui d'ailleurs n'est pas extraordinaire dans les écoles de Chine.

Leur but, en venant chez nous, est tout pratique. S'ils veulent apprendre l'anglais et les sciences, ce n'est nullement pour le plaisir de le savoir ; mais afin de pouvoir obtenir des 'emplois lucratifs, gagner de l'argent.

Aussi, n'est-il généralement pas nécessaire de les pousser beaucoup pour les faire travailler, et la plupart d'entre eux sont de bons élèves ; mais ils ne restent au collège que juste le temps qu'il leur faut pour pouvoir arriver à l'objet de leurs désirs, et c'est pourquoi ils ne peuvent, sauf exception, ni approfondir ni bien digérer aucune matière.

Pour ce qui est des Européens, ils font au collège Saint-François Xavier d'assez bonnes études et le programme monte de plus en plus. L'intelligence ne leur manque pas, quoiqu’on trouve rarement parmi eux des dispositions transcendantes. Outre l'anglais, qui est la langue fondamentale, on leur enseigne régulièrement le français. Les mathématiques : arithmétique, algèbre, géométrie, trigonométrie, et les sciences physiques et naturelles sont aussi enseignées en vue des examens de Cambridge ; mais elles sont pour la plupart de ces enfants d'une utilité moins pratique que les études commerciales : la comptabilité, la sténographie, la dactylographie, et surtout la composition anglaise, qui leur permettent de se créer des situations fort honorables dans les bureaux et banques de Shanghai ; aussi est-ce vers ce dernier but que tendent le plus volontiers les efforts des Maîtres.

C’est surtout dans cette section des Européens qui on peut espérer de faire du bien, au point de vue moral et religieux. Dans leur grande majorité les enfants qui la composent sont catholiques et assez accessibles aux sentiments de piété. Aussi, dans les classes, les prières et le catéchisme se font-ils régulièrement comme dans les établissements religieux des pays chrétiens. On tâche même de tenir l’instruction religieuse en très grand honneur et de la rendre aussi forte et aussi solide que possible ; car, dans la grande Babylone qu'est Shanghai, le jeune homme a particulièrement besoin, pour conserver sa foi et la pureté de ses mœurs, de convictions religieuses fortement ancrées. Pendant la durée des classes, les enfants qui ont fait leur première Communion se confessent toutes les semaines et l'on s'efforce avec discrétion de les amener à la communion plus fréquente. La dévotion au Sacré-Cœur est très florissante parmi eux, et le 1ier vendredi de chaque mois, il n'en est aucun qui consentit, à moins de très grave empêchement, à manquer la Communion réparatrice. La Première Communion et la Confirmation, qui ont lieu chaque année pour 30 à 40 des élèves, est précédée d'une retraite de trois jours dont les renouvelants suivent aussi les exercices. Au commencement de chaque année, un mois environ après la rentrée, une retraite est également donnée aux élèves des plus hautes classes, qui la suivent avec une piété généralement très édifiante.

Il est vrai malheureusement que cette semence de foi et de piété qu'on s'efforce de répandre et de cultiver dans leurs âmes n'y arrive pas toujours à maturité. Comme dans la parabole évangélique, on a la douleur d'en voir une partie, souvent bien grande, hélas ! sécher prématurément au vent de l'indifférence et de l'incrédulité, faute d'avoir jeté en temps opportun d'assez profondes racines, ou s'étioler sous la poussée envahissante des mauvaises passions après- avoir donné pendant un temps de belles espérances. Mais il y en a toujours aussi, grâce à Dieu, une autre partie qui, tombant sur des âmes généreuses, y germe abondamment sous l'action de la grâce, et qui, après s'y être épanouie en fleurs de pureté et d'innocence, s'y noue en fruits de vertus solides et de vie vraiment chrétienne. N'est-ce pas encore assez soutenir le courage et consoler le zèle des semeurs qui ont foi et qui connaissent le prix d'une âme ?

Parmi les orphelins, il se trouve ordinairement un ; grand nombre de non catholiques ; mais il n'est pas rare c ait la consolation de pouvoir les amener à la vraie foi, l'opposition qu'on rencontre de la part des parents étant d'ordinaire beaucoup moindre.

Quant aux Chinois proprement dits, on ne peut pas dire non plus que l'œuvre des Frères soit stérile à leur égard, même au point de vue religieux, bien qu'il n'ait pas encore été possible de faire parmi eux œuvre directe d'apostolat. Au contact de leurs Maîtres religieux, dont ils voient chaque jour le dévouement et qu'ils ne tardent généralement pas à entourer de respect et d'estime, ils perdent peu à peu une foule de préventions contre la religion catholique et ceux qui la professent. Beaucoup se sentent impressionnés par la beauté de notre culte et quelques-uns demandent à assister au catéchisme, désireux qu’ils sont de connaître la doctrine du Maître du ciel. Bien peu, sans doute vont jusqu'à embrasser effectivement la foi ; mais qui sait ce que pourra faire plus tard sur eux le travail de la grâce ? En attendant, un des principaux obstacles qui les séparaient du christianisme — le préjugé d'éducation et de race — se trouve en grande partie renversé ; et ce n'est pas sans espérance qu’on voit un grand nombre de jeunes gens et même d'hommes de l’âge mur, qui n'avaient jadis que haine et mépris pour les Missionnaires et les Frères, qu'on leur avait appris à regarder comme de ‘’grands diables d'Occident’’, s'approcher d'eux poliment dans les rues et les aborder avec des témoignages de respect et d' affection parce qu' ils les ont connus au collège.

C'est surtout dans l'apostolat parmi les païens qu'il convient de ne pas perdre de vue les paroles que le P. Palau, dans Le Catholique d'action, fait dire par Notre-Seigneur à son disciple fidèle :

« Où tu ne peux mettre officiellement mon Nom, fais du moins entrer ma doctrine.

Où tu ne peux faire entrer ma doctrine, fais du moins entrer mes vertus.

Où tu ne peux faire entrer mes vertus, fais du moins entrer mon amour pour les malades et les pauvres.

Où tu ne peux faire entrer mon amour pour les malades et les pauvres, fais entrer du moins quelques-uns de mes prêtres.

Où tu ne peux faire entrer quelques-uns de mes prêtres, fais entrer du moins ton influence.

Où tu ne peux faire entrer ton influence, fais du moins entrer de bonnes raisons.

Où tu ne peux faire entrer de bonnes raisons, fais entrer du moins ton amabilité.

Où tu ne peux faire entrer ton amabilité, fais du moins entrer tes amis.

Où tu ne peux faire entrer tes amis, fais du moins entrer la vraie science

Où tu ne peux faire entrer la vraie science, fais entrer du moins la modération dans les plaisirs.

Où tu ne peux faire entrer la modération dans les plaisirs, fais entrer du moins l'honnêteté.

Où tu ne peux faire entrer l'honnêteté, tâche du moins d'empêcher le trop grand nombre de péchés.

Bref, partout et toujours, fais le bien que tu peux faire, empêche le mal que tu peux empêcher, sers ma cause par les moyens qui sont en ton pouvoir, et ne néglige rien de ce qui, de près ou de loin, peut avancer la victoire »

 

AUTRES OEUVRES

Outre le collège Saint-François-Xavier, nous avons à Shanghai et dans les environs plusieurs autres œuvres intéressantes, dont nous espérons pouvoir quelque jour entretenir aussi les lecteurs du Bulletin. C'est : — 1" l'Ecole Municipale Française, située dans la Concession française, et qui compte environ 300 élèves, sous la direction de cinq de nos Frères, secondés par quelques auxiliaires chinois. — 2° La maison de formation de Zié-ka, où nous avons un noviciat et juvénat. – – 3° L'Ecole Lao-Dang, située dans la ville chinoise. — 4° L'Ecole paroissiale de St-Joseph, près de l'église du même nom, dans la concession française ; la communauté de ces deux dernières maisons est entièrement composée de Frères de la Mère de Dieu, dont la congrégation s'est unie à la nitre. — 5° Enfin, à Zi-ka-wei, un peu au S.O. de la ville, nos Frères possèdent un terrain assez étendu, qui sert actuellement de maison de campagne au collège St-François-Xavier, et où l'on se propose de transporter plus tard la maison de formation de Zié-ka (V. gravure p. 641).

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