La « Démaristisation »

Luis G. Benavides fms.

05/Nov/2010

INTRODUCTION

Vatican II dans la Déclaration sur l'Education chrétienne, encourage les prêtres, religieux, religieuses et laïcs « à s'efforcer d'exceller par leur souci d'inspirer aux élèves l'esprit du Christ, par leur valeur pédagogique et par l'étude des sciences; de sorte que non seulement ils aident l'Eglise à se renouveler de l'intérieur, mais qu'ils accroissent et servent sa présence bienfaisante au monde d'aujourd'hui, plus spécialement dans le domaine de la culture» (G.E.M. Concl.).

Dans cette tâche que l'Eglise signale, on peut découvrir l'importance actuelle de notre mission éducatrice. Mais on doit chercher aussi l'occasion pour examiner si la direction dans laquelle nous menons nos efforts correspond vraiment à ce que l'Eglise nous demande.

Maintes fois le Pape s'est adressé aux éducateurs pour leur rappeler le but que doit poursuivre toute éducation chrétienne. Dans ces allocutions, il a toujours mis en relief et l'importance et l'actualité des écoles catholiques, même en contredisant d'autres opinions qui en jugent différemment. Dans l'audience du 22 novembre dernier, s'adressant aux membres du comité directif de l'Organisation Mondiale d'anciens élèves des Ecoles Catholiques, le Saint Père exhorte les maîtres catholiques à envisager clairement le but de la formation chrétienne: « la tâche éducative des maîtres, c'est d'aimer les élèves tels qu'ils sont et de les conduire avec clairvoyance, délicatesse et fermeté vers leur vie adulte, dans les circonstances si complexes du monde moderne, afin qu'ils puissent devenir les architectes d'une société future plus juste, plus fraternelle, plus ouverte aux valeurs, spirituelles et qui aide les hommes à se réaliser et à réaliser pleinement leur vocation de Fils de Dieu ».

Dans cette même audience le Saint-Père signale le manque que ressent le monde actuel de vocations enseignantes, dans un sens totalement chrétien, c'est-à-dire, le manque de personnel qualifié pour un enseignement qui cherche à mener la jeunesse à se réaliser complètement en Dieu. « Ceci, a dit le Pape, comporte de graves conséquences pour le présent et encore plus graves pour l'avenir ». Ces réflexions nous ont amené à considérer la situation dans laquelle se trouvent nos écoles face au personnel qualifié dont parle le Pape.

Nos écoles, accomplissent-elles les buts signalés par le Concile et demandés par le Saint-Père? ou mieux encore: sommes-nous dans des situations où l'exigence du Concile peut être accomplie?

Si l'on regarde les statistiques on peut facilement découvrir comment l'influence de la Congrégation s'accroît.

On constate que le besoin d'écoles catholiques se fait sentir un peu partout puisque le nombre de nos élèves augmente progressivement et à un rythme très accéléré.

Mais en même temps on constate que le nombre de Frères s'est maintenu stationnaire ou a diminué depuis les cinq dernières années.

Ce fait nous a poussé à porter nos considérations sur nos possibilités réelles. La logique pour porter avant ces raisonnements est indispensable: si nos élèves augmentent, si le nombre de classes augmente aussi; si la diversification de l'apostolat des Frères s'accroît, on doit aussi remplacer les Frères manquants et accroître le nombre de nos auxiliaires civils dans une très haute proportion.

Cet accroissement répond, sans doute, à une nouvelle situation dans l'Eglise, situation que le Concile a vraiment découverte, canalisée et encouragée: la collaboration des laïcs dans l'œuvre didactique et apostolique de l'Eglise.

Mais cette collaboration, telle qu'on l'a sollicitée, crée une problématique dont on ne voit pas les solutions valables pour que nos écoles continuent à être de vrais centres de vie chrétienne.

 

I. AUGMENTATION DE NOS ELEVES

En considérant séparément chacun des éléments qui contribuent à établir la problématique actuelle, on peut analyser en détail les causes qui forment la raison d'être de ces situations que nous vivons aujourd'hui, et en même temps envisager des solutions possibles.

Dans des études antérieures nous avons constaté que l'indice de croissance du nombre de nos élèves est très aigu. Encore aujourd'hui on peut constater que l'on demande partout aux Frères de se charger d'un nombre de plus en plus large d'élèves.

Le total d'élèves pour l'année 19601 était 298.003. Après une période de dix ans, pour l'année 1970, le total a augmenté de 117.532 élèves ce qui fait un total de 415.535 élèves. Cette croissance correspond à un indice annuel de 3,17% et l'augmentation totale a été 39,3% sur le total de 1960.

Dans le tableau ci-après on présente l'évolution croissante de nos élèves pour la période 1960-1970.

Le diagramme N°. 1 représente le pourcentage annuel de différence.

Les deux années dans lesquelles la croissance a été plus intense sont: 1964 et 1968. L'indice de croissance est signalé par la ligne pointillée.

Cette augmentation continuelle de nos élèves — une moyenne de 11.753,3 élèves de plus par an — indique l'importance de notre travail d'éducateurs et le besoin croissant dans le monde de l'éducation chrétienne.

En même temps, l'augmentation nous pose une question déjà considérée par le Concile: Si « le caractère distinctif de l'école catholique est de créer une atmosphère de la communauté scolaire animée par l'esprit évangélique de liberté et de charité, aidant les adolescents à croître en même temps dans le développement de la propre personne et dans la nouvelle créature qu'ils sont devenus par le baptême, et d'ordonner finalement toute la culture humaine selon le message du salut, afin que la connaissance du monde, de la vie et de l'homme que les élèves acquièrent soit illuminée par la foi» (G.E.M. no. 8), il nous faut voir si nous sommes capables de remplir encore notre tâche.

Le Concile appelle « caractéristique ou note distinctive » de toute école catholique l'évangélisation qu'elle réalise parmi la jeunesse, mais par les statistiques nous constatons que le nombre de Frères ne s'accroît pas dans la même mesure que s'accroît le nombre de nos élèves, et encore que non seulement il ne s'accroît pas, mais voire diminue, comme les données ci-après le montrent:

En 1960 le total de Frères profès était de 9.153, tandis que en 1970, le total en est 9.076. Ceci signifie que, en 1960, il y avait dans la Congrégation un Frère profès pour 32,7 élèves, en 1970, par contre, il n'y a qu'un Frère profès pour 46,7 élèves. Si tous les Frères profès étaient chargés d'enseignement, on pourrait dire que, par rapport à 1960, le travail fait par les Frères a augmenté de 42,8%.

Il y a, on peut facilement le constater, une très grande disproportion entre la croissance du nombre d'élèves et l'augmentation des Frères. Dans la période considérée, une fois seulement le pourcentage des Frères fut supérieur en variation positive à celui des élèves. Ce fut en 1961 où le pourcentage de variation atteint pour 1962 2,07 tandis que celui des élèves n'arriva qu'à 1,69%. Ce calcul se fait en considérant la différence d'une année à l'autre et en évaluant le pourcentage par rapport à l'année considérée.

Exemple: En 1961 il y avait 306.009 élèves. En 1962, 311.207; l'augmentation était donc de 5.198 élèves, total qui par rapport aux 306.009 représente le 1,69%. De même pour les Frères: en 1961 9.222 Frères; en 1963, 9.418. Différence: 196 = 2,07% d'augmentation. La différence de croissance est, donc,

2,07 — 1,69 = 0,38% en faveur de la croissance des Frères. Le tableau ci-après nous fait voir le calcul par années:

Le diagramme N). 2 combine ces données de croissance pour faire ressortir la disproportion de croissances pendant ces dernières années. Le point le plus grave de disproportion a été celui de 1968, car la diminution des Frères fut très sensible, tandis que l'augmentation d'élèves fut la plus importante de toute cette période.

En observant attentivement ce diagramme, on peut se rendre compte plus facilement de la diminution progressive des Frères et de la croissance du nombre d'élèves. Le diagramme montre uniquement la variation en pourcentage par rapport à l'année précédente. Ainsi, pour les cinq premières années on peut dire que la variation s'est maintenue presque parallèle, mais après l'on voit que les Frères n'ont guère augmenté, tandis que les élèves ont toujours augmenté, même si la dernière année, 1970, la croissance a été très petite par rapport à 1960. Seulement l'année 1962, le pourcentage de croissance des Frères a gagné quelques points.

 

DIAGRAMME N°. 2 – DESEQUILIBRE DES CROISSANCES

Le diagramme N°. 3 montre la disproportion de variation en faveur des élèves selon l'indice trouvé dans le tableau précédent. La disproportion la plus haute a été en 1968.


DIAGRAMME N°. 3 – VARIATION SUIVIE DANS LA CROISSANCE

Dans ce diagramme la ligne pointillée indique ce qui serait une variation uniforme et correcte si l'augmentation était contrôlée, en acceptant que la variation des deux premières années soit normative.

En observant les données présentées jusqu'ici on est porté à juger qu'un total de 47 élèves par Frère est un chiffre qui se trouve encore dans les possibilités de fournir à chacun des élèves une attention suffisante, en lui donnant une formation selon l'évangile. Avec cette distribution, dirait-on, la Congrégation peut accomplir la note caractéristique des écoles catholiques voulue par le Saint-Père. Mais il faut situer ces données dans, une juste place en leur donnant leur valeur correspondante. En effet, ce ne sont pas tous les Frères profès qui sont voués à l'enseignement. En moyenne, les dix dernières années, c'est le cas seulement de 68,3% des Frères profès.

En 1960, 68,5% des Frères profès étaient enseignants, c'est-à-dire, que 4,58 sur 10 n'étaient pas directement occupés dans l'enseignement.

En 1970, sur un total de 9.076 Frères profès, 5.536 sont directement occupés dans l'enseignement, ce qui correspond à 61,2%. Dans cette proportion, pour 10 Frères occupés dans l'enseignement, il y en a 6,3 qui ne le sont pas.

 

Le diagramme No. 4 nous montre ce qui correspond à la colonne « d », c'est-à-dire, la comparaison entre dix Frères enseignants et les Frères non enseignants correspondants.

Pour l'année 1970, la diminution de Frères enseignants a été très aiguë et trop disproportionnée par rapport à la diminution de Frères. Est-ce que ce fait indique une problématique à propos d'un conflit avec la finalité de notre vocation, puisqu'on constate que plus d'un tiers des Frères profès ne s'occupent pas directement d'enseignement (exactement le 38,8%)? Il faudrait en faire une étude plus détaillée et plus en profondeur.

 

DIAGRAMME No. 4 – VARIATION SUBIE DANS LA CROISSANCE

 

Le tableau suivant établit une comparaison entre la diminution de Frères enseignants et la variation de Frères profès annuellement. Le calcul a été élaboré de la façon suivante: par exemple, en 1967 il y avait 9.704 Frères profès et en 1968, 9.621: variation, donc de 83 Frères, égale à 0,85% du total de 1967. De même, en 1967 il y avait 7.125 Frères enseignants et l'année suivante il n'y en avait que 6.646. Variation — 475 Frères, égale à 6,79% en moins sur le total de 1967.

Après ce calcul on a établi un indice de déséquilibre pour déterminer comment la variation pouvait être interprétée, mais on a vu que l'accentuation des données dans un sens ou dans l'autre ne permettait pas d'établir une interprétation juste, et que, plutôt, cette variation, dénotait, un manque complet de planification.

Le tableau, et puis le diagramme nous aideront à mieux comprendre cette situation qui, sans doute, nous met dans une problématique nouvelle, selon ce qu'on va expliquer après.

Le Diagramme No. 5 représente la variation indiquée dans le tableau précédent. Il faut remarquer la variation discontinue de croissance des Frères enseignants. Comme nous l'avons déjà suggéré, ce fait nous peut signaler un manque de planification ou, pire encore, un abandon de la finalité de notre apostolat, pour chercher une occupation hors l'enseignement.

 

DISTRIBUTION DES ELEVES PAR FRERE ENSEIGNANT

IAGRAMME N°. 5

En reconsidérant maintenant la distribution des élèves par Frère, la proportion devient encore plus déformée. En effet, en 1960 il y avait 298.003 élèves et le total de Frères enseignants était de 6.284, correspondant à 47,7 élèves par Frère enseignant. Ce total a diminué en 1962, cette année étant la meilleure des dix, chaque Frère ayant alors 47 élèves. Mais cette situation ne s'est pas maintenue, puisque l'année suivante, 1963 il y avait 50,1 élèves par Frère enseignant.

Les deux dernières années présentent une distribution par Frère que l'on ne peut pas expliquer. En 1969, le total d'élèves était 65,2 par Frère, mais la variation pour 1970 a progressé dans un sens négatif, quand le total d'élèves par Frère est arrivé à 76,2. Sans doute ces années signalent une évolution complètement inconnue dans notre Congrégation, évolution que l'on ne peut pas juger, mais en analysant la situation que cette évolution a provoquée, on conclut que le nombre si grand d'élèves par Frère enseignant ne peut plus se soutenir ou progresser dans la direction que l'on a toujours suivie, mais qu'il nous faudra chercher une solution pour fournir à nos élèves une attention suffisante à les guider vers le Christ.

Le soin de la formation chrétienne des élèves ne peut plus être comme auparavant. Une certaine transformation de notre apostolat et la considération des besoins du monde actuel demandent que nous envisagions une solution sans abandonner notre but spécifique.

Analysons attentivement la variation du nombre d'élèves par Frère:

 

En dix ans, de 1960 à 1970, le nombre d'élèves par Frère a augmenté de 28,5, soit 59,9% par rapport à ce nombre en 1960. La mutation la plus remarquable est arrivée de 1969 à 1970, avec l'accroissement de 11 élèves.

Une semblable modification est surprenante, car on ne peut pas établir une nouvelle méthode d'éducation dans une si courte période d'une année. Et ce changement oblige à renouveler dans nos écoles, tout le système qui était basé sur les principes de rapport personnel avec nos élèves.

Dans ces circonstances, pour pouvoir maintenir le rythme de travail dans nos écoles, on a adopté une solution: l'accroissement du nombre des professeurs civils.

 

ACCROISSEMENT DU NOMBRE DES PROFESSEURS CIVILS

Le Bulletin de l'Institut (Nos. 172 et 173 pp 284 ss) nous faisait remarquer déjà en 1958 que l'accroissement des professeurs civils dans nos établissements se présentait déséquilibré, ce qui créait une problématique pour la Congrégation en général et pour chaque école en particulier.

« Les statistiques de 1946 — disait-on dans ce numéro du Bulletin — ne font pas état des professeurs civils, mais si l'on juge par la progression enregistrée ces dernières années, on peut se demander si l'on ne va pas vers un déséquilibre dangereux ».

En 1954 il y avait 3.014 professeurs civils dans nos écoles et 5.822 Frères s'occupaient d'enseignement. Sur le total des professeurs qui enseignaient dans nos écoles, c'est-à-dire, sur 8.836 professeurs, 66% étaient des Frères.

En 1960 la situation était un peu différente, car sur un total de 11.490 professeurs, 5.206 étaient des professeurs civils et le reste, 6.284, des Frères, ce qui représentait le 54.5% du total.

Mais pour 1970 la situation est complètement bouleversée. Sur un total de 16.728 professeurs, 11.192 sont des professeurs civils, tandis que 5.536 seulement sont des Frères, ceux-ci représentant 32,2% et les professeurs civils 67,8%. Si l'on continue dans cette direction, dans peu de temps nos écoles seront complètement absorbées par les professeurs civils, laissant aux Frères, peut-être, seulement la fonction de guides ou d'administrateurs, le nombre de Frères devenant ainsi dans chaque école simplement symbolique. Cette situation peut être étudiée à partir des données du tableau suivant.

Analysons un peu plus en détail l'évolution des professeurs civils dans nos écoles. En 1960 il y avait donc dans nos écoles un total de 5.206 professeurs civils. En 1970, il y en a 11.490. La différence en est de 6.284 en plus. Une moyenne de 571,2 professeurs civils de plus chaque année. En considérant que la moyenne du nombre de nos écoles dans la période considérée a été 712,6 écoles, la proportion d'augmentation était 0,802 professeurs civils par année pour chaque école.

Mais cette augmentation n'a pas été contrôlée, spécialement certaines années, car la croissance du nombre des civils ne correspond pas à une croissance du nombre des Frères, mais parfois au contraire, les professeurs civils sont venus couvrir les places laissées vides par des Frères.

En effet, les années dans lesquelles l'augmentation des professeurs civils a été très élevée sont celles de 1966 et de 1968. Ces années signalent aussi, dans les statistiques de la Congrégation, une élévation dans le nombre des sorties des Frères, montant à 14,5% d'une année à l'autre, comme on peut le constater dans le Bulletin de l'Institut (No. 209, pp 304 ss).

Le tableau suivant présente la mutation dans le nombre des professeurs civils en signalant la différence d'une année à la suivante et le pourcentage sur le nombre que cette différence représente.

En faisant une comparaison entre l'évolution des élèves et celle des professeurs civils nous constatons que l'indice annuel de mutation des élèves était de 3,17% tandis que celui des professeurs civils est 7,15%. L'augmentation des professeurs civils est donc encore plus alarmante que celle que nous avons déclarée « surprenante » auparavant.

Si l'augmentation totale des élèves pendant cette décade a été du 39,3%, celle des professeurs civils est montée de 115%! (de 5.206 à 11.192; une différence de 5.986 professeurs civils en plus).

Le Diagramme No. 6 montre une comparaison entre l'évolution des Professeurs civils, celle des élèves et celle des Frères enseignants à partir de 1960. Il suffit de le regarder pour en tirer des conclusions sur le chemin parcouru pendant ces années à propos de l'accroissement de la Congrégation.

On dirait que devant le problème du besoin de personnel et de l'augmentation de nos élèves, on a choisi la solution que l'on a considérée facile: augmenter nos auxiliaires civils, mais l'augmentation a été si rapide qu'elle est devenue incontrôlée, si l'on en juge par le graphique correspondant.

Le diagramme suivant a été calculé en prenant comme base de départ l'année 1960 et ramenant les données de cette année à 100. Ce calcul présente les résultats suivants, lesquels ont été employés pour faire le diagramme.

Ce problème ne peut pas être sous-estimé. L'augmentation des professeurs civils dans nos écoles crée une nouvelle situation pour la Congrégation et exige de nous une nouvelle façon d'agir.

Sans doute, la collaboration des laïcs dans l'apostolat de l'éducation a été bien recommandée par le Concile, et dans ce sens l'Eglise tout entière a beaucoup évolué, mais avec quelle préparation pour l'éducation chrétienne les professeurs civils viennent-ils nous aider?

« En ce qui concerne l'apostolat d'évangélisation et de sanctification — dit le Concile — les laïcs doivent être spécialement préparés… afin de manifester à tous le message du Christ » (Ap 31).

Voici le problème créé par une croissance peut-être mal contrôlée: Une alarmante croissance des élèves et le recours à un nombre trop élevé de professeurs civils insuffisamment préparés, sinon au point de vue pédagogique, du moins du point de vue de l'évangélisation, parce qu'il n'est pas possible de préparer un si grand nombre de professeurs dans une année scolaire.

Si l'on fait une distribution du total des élèves entre le total des professeurs civils on peut établir une comparaison avec laquelle on pourra juger comment nos écoles ont changé d'une situation dans laquelle la majorité des professeurs étaient des Frères, à une autre, dans laquelle la majorité sont des professeurs civils.

Cette distribution n'est pas réelle parce qu'on a distribué le total d'élèves deux fois, mais elle peut nous montrer comment l'augmentation des professeurs civils s'est manifestée.

C'est en 1963 que commence une nouvelle situation lorsque les professeurs civils dépassent en nombre les Frères. Si cette évolution avait été contrôlée, selon le rythme des quatre premières années, même si la progression est trop élevée, la disproportion actuelle n'aurait été atteinte qu'en 1978 ou en 1979, selon ce que montre le diagramme suivant.

L'analyse de ce diagramme nous permet de déduire que:

a) depuis 1963, nos écoles sont passées à une situation de « Démaristisation », dans laquelle nous avons commencé à être des « collaborateurs » des professeurs civils;

b) la proportion dans la distribution des élèves entre professeurs civils et Frères enseignants, est arrivée sans une planification prévue, et l'augmentation des professeurs civils a été faite pour chercher une solution momentanée;

c) l'augmentation et l'emploi des professeurs civils dans nos écoles a forcé une situation qui peut-être n'aurait dû arriver que huit ou neuf ans après, si l'on avait su prévoir;

d) la situation actuelle ne peut pas être contrôlée par une diminution ou un contrôle des professeurs civils, mais à partir du contrôle de la croissance du nombre des élèves, laquelle devrait reculer pour se mettre en proportion avec le nombre des Frères enseignants.

 

EXPLICATION DU DIAGRAMME

DIAGRAMME N°. 7

La ligne AO indique la tendance de diminution des Frères enseignants par rapport aux élèves. La ligne OB indique la tendance que l'augmentation des professeurs civils aurait dû prendre pour continuer dans la même direction progressive de distribution des élèves par rapport aux professeurs civils. La ligne pointillée signale la situation réelle.

La section hachurée montre comment le problème est arrivé en avant, en considérant chaque colonne verticale, comme une année en avance.

 

INDICE DE TRAVAIL

Pour conclure cette étude, nous présentons un dernier calcul. Si nous supposons que les Frères enseignants s'occupent réellement d'enseignement et qu'ils sont chargés d'une classe, l'indice du travail fait par un Frère en 1960 et celui fait en 1970 s'est complètement modifié. Nous prendrons pour ce calcul un aspect simplement pédagogique.

On a bien établi qu'un nombre supérieur à 35 élèves ne peut pas être normalement accepté dans une classe.

Calculons, donc, sur ce chiffre un indice (ou « sur-indice ») en considérant que le rôle des Frères est d'être chargés comme responsables des groupes de classes.

En 1960, il correspondait 47,7 élèves par Frère enseignant, comme nous avons déjà calculé. Si nous divisons ce total par 35, chiffre accepté comme limite supérieure pour une classe, nous aurons 1,36. Sur cet indice il faut soustraire 1,00 qui correspond à 35 élèves. Le reste correspond à l'excès de travail que ce groupe de 47,7 élèves exige: 0,33. Le tableau ci-après nous montre l'accroissement de cet indice de « surplus ».

A notre point de vue, ce sur-indice signale le pourcentage de travail de plus que chaque Frère doit entreprendre. Ce surcroît de travail s'accuse sous beaucoup d'aspects, dont nous signalerons deux ou trois.

L'excès de travail provoque un surmenage qui conduit à un état de névrose continuel. Dans un état de névrose, on ne peut pas se dédier à un travail d'ascèse spirituelle et la vie de prière en souffre nécessairement. Le découragement à propos de notre travail éducatif vient ensuite et on commence à mépriser ce labeur de l'éducation en le remplaçant par d'autres activités « apostoliques » hors de l'éducation. En conséquence on abandonne le travail éducatif, travail qui doit être entrepris par d'autres Frères ou par des professeurs civils. Cet abandon du travail a une répercussion immédiate sur le travail de « recrutement » des vocations, et donc sur l'accroissement de la Congrégation.

Cet exposé que nous venons de faire n'est pas simplement hypothétique, car l'expérience nous le fait voir et souffrir chaque jour.

 

CONCLUSION

En conclusion, nous voulons suggérer quelques remèdes pour rectifier certains pas que nous avons faits et qui nuisent, nous semble-t-il, à l'avenir de notre congrégation.

a) Stopper au plus tôt l'augmentation du nombre de nos élèves.

b) Fournir aux professeurs civils une préparation religieuse et pédagogique mariste, pour qu'ils soient capables de collaborer vraiment à notre apostolat.

c) Etablir des centres de préparation à niveau régional ou provincial, pour la préparation de ces professeurs. On ne peut plus laisser à chaque maison le soin de chercher et de préparer ses propres maîtres.

d) Orienter le travail éducatif des Frères pour leur permettre le temps nécessaire de recyclage spirituel.

e) Enthousiasmer nos élèves pour notre genre de vie, et par notre travail apostolique et par l'abnégation continuelle dans l'enseignement.

Il nous semble que ce n'est qu'avec des mesures extrêmes qu'on pourra surmonter la situation que nous vivons maintenant et qui se présente comme une véritable menace pour notre avenir.

La formation des communautés éducatives, dont parlent le concile et nos documents capitulaires, ne peut pas être réalisée, si nous ne nous tenons pas à nos possibilités de travail.

Peut-on exiger davantage?

Luis G. Benavides fms.

Mexico, avril 1970

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1 Ces données correspondent au 1ier Janvier de l'année signalée.

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