Les frères maristes au Canada

F. Thomas-Austin, A. G.

22/Oct/2010

En cette année mariale, quand dans tout cœur mariste, s'élève, joyeux et ardent, l'espoir que le Bon Dieu, par l'intermédiaire de son Eglise, reconnaîtra officiellement la sainteté de Marcellin Champagnat, il nous est agréable d'offrir aux lecteurs du Bulletin, à la suite de la visite que nous venons de faire, nos impressions sur l'œuvre de ses fils au Canada. Cette œuvre s'étend à deux provinces : Lévis et Iberville, ainsi nommées d'après la localité où se trouvent les Maisons provinciales respectives. Elles furent constituées par la division en deux qui fut faite de la province du Canada en 1943.

Ces deux provinces maristes se trouvent tout entières dans la province de Québec, la plus étendue et la plus ancienne des dix Provinces canadiennes. C'est cette province, si avantageusement différente, sous plusieurs rapports, du reste du pays, que cette relation désignera quand on y parlera du Canada.

Dans l'espoir qu'une meilleure connaissance du pays permettra d'apprécier plus exactement l'œuvre admirable autant qu'importante des Frères Maristes canadiens, nous croyons utile d'offrir aux lecteurs une brève esquisse du Canada d'aujourd'hui.

 

L'ambiance religieuse. — Et d'abord, la province de Québec est parmi les pays les plus catholiques du monde. C'est la conviction qui s'établit chez un visiteur, quand il admire ces grandes et vastes églises qui s'élèvent partout, même dans les villages les plus reculés, et quand il voit les foules qui remplissent ces églises, soit pour la messe, soit pour les autres offices religieux. Ma visite des maisons coïncida, dans un endroit, avec l'exercice des Quarante-Heures dans la paroisse. Le soir du deuxième jour, à 9 h. 30, il y eut Heure Sainte suivie d'une messe de communion. Les pieux fidèles se pressèrent en foule aux pieds de Jésus-Hostie ; l'affluence fut si grande qu'on estima à 400 le nombre de ceux qui durent rester debout pendant cette messe. Sur une population totale de 4.000 habitants, on évalua à 2.000 le nombre de communions distribuées ce jour-là ; ce qui ne laissa pas d'édifier grandement le visiteur.

Cette conviction se fortifie à la vue des centaines d'institutions catholiques qui embellissent la province de Québec, et qui l'enrichissent par le dévouement des prêtres, des religieux et des religieuses ; et à la vue de ces belles croix lumineuses qui dominent les collines de cette province où l'on se sent aux âges de foi. Ce qui frappe un visiteur religieux, ce sont les richesses spirituelles et matérielles dont jouissent les Canadiens-Français, comme un peuple privilégié de Dieu. Ce que le visiteur n'oubliera jamais, c'est ce magnifique tableau de foi et de piété chrétiennes que présente ce peuple à un monde païen. Naturellement, la vie religieuse ne peut qu'en bénéficier.

 

Le climat canadien. — Au Canada, la gamme des climats est aussi étendue que le pays est vaste. Par comparaison avec les mêmes latitudes de l'Europe, les hivers canadiens sont plus longs et plus froids. Ainsi pendant la visite canonique dans la Beauce, le thermomètre est descendu à 38° sous zéro. Pendant les vagues de grand froid, c'est par une température de moins 45° centigrades que les Frères doivent parfois aller à l'église le matin, pour une distance en quelques endroits qui n'est pas loin du kilomètre.

Quoique le climat canadien soit rigoureux pendant l'hiver, il est salubre et vivifiant. L'hiver ralentit certains travaux, mais ne met pas d'obstacle à la construction en plein air, même par les froids les plus intenses. Cette saison est aussi favorable à la pratique de plusieurs sports, parmi lesquels le patinage, le ski et Je hockey, sports inconnus dans la plupart des pays où se dévouent les Frères Maristes. Le hockey est le sport national par excellence, et il est rare qu'une école n'ait pas sa patinoire où les élèves, divisés en plusieurs équipes, prennent leurs ébats ou se préparent à lutter vigoureusement contre une équipe étrangère. Une photo qui accompagne montrera aussi comment une neige abondante fournit aux Juvénistes canadiens à la fin de l'hiver des moyens de récréation peu ordinaires.

Si les hivers canadiens sont froids, ils n'excluent pas pour autant des journées ensoleillées très nombreuses qui donnent au pays un attrait caractéristique. Les automnes canadiens offrent un spectacle magnifique, les feuilles prenant alors des tons d'or et de pourpre d'une richesse et d'une variété rarement atteintes en d'autres pays.

 

Maisons de formation. — Le Canada est encore un pays possédant la vitalité d'un jeune géant qui grandit à vue d'œil. Cette vitalité caractérise aussi les provinces maristes canadiennes. Elle se manifeste d'abord dans les maisons de formation, où le travail de préparation à l'apostolat mariste se fait avec compétence, parmi une jeunesse nombreuse, ardente et choisie. Dans la province de Lévis, ces maisons comprennent deux juvénats pour les plus jeunes : l'un, de construction récente, à Desbiens, et l'autre à Beauceville où, depuis 1948, il remplace l'ancien Collège du Sacré-Cœur. Elles comprennent aussi un juvér.at supérieur à Lévis ; le noviciat, transféré cette année de Lévis à Château-Richer, dans un magnifique bâtiment dont la construction vient de s'achever ; et enfin le scolasticat à Valcartier. Il est à noter que la fondation ou l'organisation de ces divers centres de formation a eu lieu dans le court espace de dix ans, grâce à l'initiative et au dévouement de ceux qui sont responsables de la direction de la province, et grâce à cette vitalité mentionnée plus haut. Il en est de même dans la province d'Iberville. Celle-ci compte un juvénat inférieur et le scolasticat à Iberville; le noviciat à Saint-Hyacinthe ; et près de Montréal, à Saint-Vincent-de-Paul, un juvénat supérieur installé dans un immeuble de construction récente et dont le Bulletin de juillet 1954 a déjà parlé.

Il n'est pas étonnant que dans un pays si catholique, de nombreuses vocations remplissent les maisons de formation du Canada, malgré certaines difficultés de recrutement qui sont propres au pays. Actuellement les juvénats comptent près de 400 jeunes gens de 13 à 18 ans qui finissent leurs études de onzième année, avant de passer au noviciat, soit à Saint-Hyacinthe, soit à Château-Richer. Ces noviciats abritent chacun une jeunesse fervente et généreuse de 50 à 60 candidats à la vie religieuse. Les Postulants suivent le programme de douzième année pendant que les novices se livrent aux études propres au noviciat. Enfin les scolasticats des deux provinces sont intelligemment organisés pour offrir, autant que possible, trois années de formation et de préparation aux examens officiels de l'Etat. La richesse de ces deux provinces se voit encore dans la belle jeunesse qui remplit ces scolasticats : à Iberville et à Lévis.

Il convient de noter que, dans toutes ces maisons de formation, il y a des signes nombreux et tangibles du dévouement des Frères et de leur attachement à l'œuvre de ces maisons. Beaucoup de travaux ont été effectués par ces Frères. L'ameublement est souvent en grande partie l'œuvre des Frères menuisiers, la plupart professeurs de travaux manuels dans nos écoles. C'est ainsi que bien des récréations et bien des vacances d'été ont été sacrifiées pour fabriquer bancs de la chapelle, confessionnaux, autels, crédences, bureaux pour professeurs et élèves, tables, meubles pour les chambres, armoires de toutes sortes, crucifix et cadres religieux, etc. …

 

Les écoles. — A l'exception du Collège Laval dans la province d'Iberville, l'œuvre si importante de l'éducation chrétienne au Canada se poursuit, pour les Frères, dans des écoles paroissiales. Dans celles-ci, les Frères sont engagés par une Commission scolaire locale de cinq membres qui, grâce aux subventions du Gouvernement, est à même de reconnaître par des traitements plus rémunérateurs que dans d'autres pays, les services que rendent les Frères. D'ailleurs cette reconnaissance de leurs bons services est bien méritée, surtout dans certaines écoles de campagne où le nettoyage et la propreté de l'école sont à la charge des Frères. La propreté, l'ordre et le bon goût dans l'aménagement qui caractérisent souvent les maisons mariâtes du Canada indiqueraient aussi pourquoi les Commissions scolaires préfèrent que les Frères se chargent de l'ordre et de la propreté dans leur école.

Dans la plupart des écoles, le chant et la musique sont en grand honneur et sont commis aux soins d'un Frère qui souvent sera maître de chapelle à l'église où il dirigera une petite maîtrise et un chœur d'hommes. C'est encore un Frère qui se chargera des mouvements d'Action catholique, tel que la J. E. C, qui offrira deux sections bien organisées : l'une pour le cours supérieur, l'autre pour le cours complémentaire. Quoique chaque groupe soit sous la direction d'un Frère, tout le personnel s'intéresse aux activités de l'œuvre. Chaque semaine, les deux responsables réuniront séparément professeurs et élèves-dirigeants, pour discuter de questions relatives aux besoins des jeunes. Le service de la J. E. C. organise aussi des retraites fermées pour les étudiants.

C'est encore sous la conduite d'un Frère que les enfants de chœur — et certaines écoles en ont plus de 60 — et les servants de messe rehaussent la solennité des offices religieux, par leur assiduité, leur belle tenue et leur bonne formation. Les Frères peuvent encore initier leurs grands élèves, dans quelques cas, à la discipline militaire, aux exercices de gymnastique, au maniement des armes portatives d'infanterie, et aux éléments des tactiques modernes. Dans plusieurs écoles, des cours de travaux manuels, sous la direction d'un Frère, exerceront une influence profonde et souvent décisive sur l'avenir de plusieurs élèves. Ils éveilleront des vocations et développeront des aptitudes insoupçonnées. Ce sont les élèves de la 6e à la 9e année qui viennent à tour de rôle s'initier au maniement de la scie, du rabot, et du marteau, dans des classes où l'outillage moderne facilite ce complément inappréciable de formation. Une large part est faite aux jeux organisés et, comme toujours, les Frères ajoutent à leur travail.

Comme œuvre postscolaire, une amicale d'anciens élèves fonctionne à peu près dans toute les écoles et voit ses cadres grandir d'année en année par les finissants qui veulent tous s'honorer du titre d'ancien élève des Frères.

Quand on ajoute ces charges à une journée scolaire qui peut commencer à huit heures du matin pour finir à quatre heures de l'après-midi, on comprendra quel esprit de dévouement et de sacrifice doit souvent animer nos confrères canadiens.

 

L'enseignement au Canada. — L'enseignement donné par les Frères Maristes au Canada s'étend de la première année de l'école primaire jusqu'à la douzième ou même, comme à l'Académie commerciale de Chicoutimi, jusqu'à la treizième de la vie scolaire. A Chicoutimi, cette treizième année est la première des cinq années du Cours d'ingénieur. Les six premières années, cependant, dans la plupart des écoles, sont confiées aux soins de maîtres séculiers et d'institutrices sous la direction des Frères. Il y a 22 communautés maristes au Canada qui ont moins de six Frères ; 20 autres ont entre six et douze Frères ; et 10 seulement ont plus de douze Frères. Ces chiffres n'incluent pas les maisons de formation. Dans une communauté, par exemple, il y a huit Frères, deux maîtres et dix-neuf institutrices. Dans la plupart des petites écoles de campagne, les Frères ont leur résidence dans le même bâtiment que l'école, de sorte que les élèves bénéficient d'une proximité avec leurs maîtres auxquels ils s'attachent par des liens de respect, d'affection et de confiance. Ils forment tous une grande et heureuse famille mariste. 

L'enseignement secondaire classique étant entre les mains du clergé, il est quelquefois difficile de relever le niveau de l'enseignement dans les écoles des Frères et de garder les élèves au delà de la neuvième année. Cependant, sur 52 écoles maristes au Canada, il y en a 22 où les études dépassent celles de la neuvième année. Et, fort heureusement, on envisage un changement qui permettra aux Frères à peu près partout, de diriger vers le Christ une jeunesse plus âgée, de former ces jeunes pendant les années critiques de l'adolescence, quand ils ont surtout besoin d'être guidés.

Le Gouvernement venant en aide aux écoles par des octrois parfois considérables, pour la construction des écoles ou le salaire des maîtres, il en résulte que les autorités du Département de l'Instruction publique exercent sur les écoles un contrôle minutieux par des inspections régulières suivies de rapports détaillés sur les membres du personnel enseignant et les résultats obtenus. Par ces résultats, les Frères Maristes canadiens ont mérité, aussi bien que par leur tact, leur zèle et leur dévouement, une réputation enviable, comme en ont témoigné à l'occasion de la visite canonique, les autorités civiles et ecclésiastiques. « Les paroisses, écrit un Curé, qui ont le précieux avantage de posséder un établissement dirigé par les Frères Maristes sont privilégiées. » Ces sentiments résument bien les témoignages de tous ceux qui jouissent de ce privilège.

Il resterait à signaler le Collège Laval, de la province d'Iberville, qui, de toutes les écoles des Frères Maristes au Canada, est le seul établissement scolaire qui soit la propriété des Frères. C'est essentiellement un pensionnat de 400 élèves qui suivent les cours de l'enseignement secondaire moderne. Mais comme on se propose d'en parler dans un autre article, je laisse à son auteur le soin de présenter la belle œuvre du Collège Laval.

    F. Thomas-Austin, A. G.

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