Quelques mots sur Zié-Ka

F. Louis-Michel

10/Feb/2010

 

D'une lettre du C. F. Louis-Michel, provincial de Chine, nous extrayons les quelques intéressants détails qui vont suivre sur la maison de Zié-ka, où se trouve le noviciat-juvénat de la Congrégation de la Mère de Dieu, qui s'est unie à la nôtre le 2 février 1909. Le C. F. Provincial, qui s'y était rendu une première fois à l'époque de l'union, trace le récit de la seconde visite qu'il y fit l'été dernier.

Zié-ka est un charmant petit village, d'environ 200 habitants, sis au sein de la grande plaine du Pou-Tong, dont les eaux du Wangpoo assurent la constante fertilité. En apercevant, séparé par une crique du quasi château de la famille Zié qui donne le nom au village, les 15 ou 20 chaumières qui abritent les habitants, on se demande pourquoi une vaste et majestueuse église a été bâtie en ces lieux. Ce monument est dû à la munificence de la famille patriarcale qui fonda le village, espérant ainsi réunir les chrétiens des villages environnants pour les offices et obtenir aussi. la faveur d'avoir habituellement un prêtre à résidence.

Depuis 7 ans que la maison-mère des Frères de la Mère de Dieu, est établie dans le village, les habitants ont bénéficié de la présence du prêtre, mais il n'en a pas toujours été ainsi, et il est probable que lorsque nous quitterons ce paisible hermitage, pour nous installer dans un local mieux approprié aux besoins de l'œuvre, la grande église de Zié-ka deviendra veuve et subira le sort des modestes églises qui font le seul ornement des villages environnants.

En attendant, parlons de Zié-ka, dont le nom a maintenant pris place dans les annales de l'Institut et qui restera toujours pour nous un lieu de souvenir. C'est le 2 juillet que j'eus le plaisir de parcourir de nouveau les étroits sentiers qui conduisent de la rive droite du Wangpoo à Zié-ka, et dont les sinuosités sans fin déconcerteraient le plus 'expert des géomètres. Si ce n'étaient la chaleur de l'époque et la longueur de la route, la promenade ne manquerait pas d'agréments, car en cette saison la plaine du Pou-tong n'est qu'un immense massif de verdure. La route est des plus pittoresques : des canaux, des champs de coton et des rizières ; puis des rizières, des champs de coton et des canaux ! De loin en loin ; quelques grands arbres et des touffes de bambous autour des villages, puis, pour changer encore de modestes villages ombragés par des touffes de bambous et des arbres verdoyants.

Une demi-heure avant d'arriver à Zié-ka, on aperçoit l'église, dont les murs blancs et la toiture noire contrastent gentiment avec la verdure du sein de laquelle elle émerge.

On passe alors le dernier pont qui aurait certainement pour patron : Propitius esto, si l'on donnait comme nom à chacun de ceux que l'on trouve précédemment celui d'un des saints qui composent la grande litanie ! Enfin, après avoir contourné encore une centaine de champs de riz, dont les beaux épis commencent à se montrer, après avoir aperçu et perdu de vue l'église plus de quinze fois, on traverse un petit village, au milieu duquel une pagode, à moitié détruite par l'incendie, laisse apercevoir ses Bouddha ventripotents, au regard farouche. C'est 'Lié-ka, le Zié-ka rebelle à la voix de Dieu, issu pourtant du même sang que celui dont quelques pas seulement nous séparent, et qui attire sur lui les regards de Dieu et de ses anges.

Avec un mois et demi de retard, j'arrive enfin dans cette pieuse solitude à laquelle j'aurais déjà donné le nom de N.-D. de l'Hermitage si nous devions y dresser notre tente pour toujours.

Le dimanche 3 juillet, vers.. les 10 heures du matin, le personnel de la maison, — comprenant le cher Frère Aristonique, directeur, le très honoré F. Ya-ko-bei, ex-supérieur général des Frères de la Mère de Dieu, 19 frères de la même congrégation et 11 juvénistes, — est réuni dans la plus belle salle pour la réception officielle du Sen-wei-tsang : le cher Frère Provincial.

Les Juvénistes font tous les frais de la fête : compliments, chants, débits en 3 langues : français, mandarin, shanghaïen ; le tout, composé et exercé uniquement par les frères chinois, a été très bien rendu, et c'est avec le plus grand plaisir que j’ai pris part à cette fête de famille, dans notre récent noviciat de Gié-ka.

Pour habituer nos nouveaux confrères aux diverses pratiques de l'Institut et pour leur fournir une occasion pour ainsi dire naturelle de faire une connaissance un peu plus intime avec le premier supérieur de la province, j'ai consacré ma première semaine à Zié-ka aux exercices de la visite régulière…

Nous suivons le règlement ordinaire des vacances, mais les deux lectures spirituelles sont remplacées par deux instructions que je leur fais sur les règles, afin de leur en-faire saisir le vrai sens, le véritable esprit. Entre temps, ils s'adonnent à l'étude du français sous la direction des FF. Joseph-Séraphin, Pierre-Camille et Louis-Fabien, qui sacrifient ainsi une partie de leur repos des vacances.

Vous devez vous demander comment nous vivons dans ce milieu essentiellement chinois, nous Frères européens parmi lesquels s'en trouvent quelques-uns qui n' ont pas encore eu l'occasion d'être sevrés complètement des douceurs européennes. Je vous répondrai que nous vivons bien et même très bien. Nous démolissons force bols de riz avec accompagnement de to-fou, œufs pourris et salaisons de toutes sortes. Comme boisson, nous avons, pour tempérer les ardeurs de l'époque, de l'eau tiède recueillie des toits ou du thé bien bouillant. Ajoutez a cela l'air pur de la campagne et un lit assez mafieux pour adoucir i. la longue toutes les aspérités de notre corps et vous comprendrez que notre existence de vrais Missionnaires ne nous fait nullement porter envie d ceux qui habitent les châteaux de Shanghai…

F. Louis-Michel.

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