12/Apr/2024 MAISON GéNéRALE

Canonisation de Saint Marcellin Champagnat : L’homélie que le Pape n’a jamais prononcée

A l’occasion du 25e anniversaire de la canonisation de saint Marcellin Champagnat, le frère Michael Green, de la Province de Star of the Sea, partage avec tous les Maristes de Champagnat une perle qui a été « cachée » pendant un quart de siècle et qui aujourd’hui est mise en lumière. Lisez ci-dessous l’histoire complète, écrite par le Fr. Michael, et découvrez un texte qui révèle le don de Champagnat à l’Église.

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Les Maristes qui ont eu la chance d’être à Rome il y a vingt-cinq ans pour la canonisation de saint Marcellin se souviendront d’une semaine mémorable. C’était extraordinaire. Des milliers de personnes ont afflué dans la Ville éternelle, venant de toutes les parties du monde mariste. Pendant plusieurs jours, ils ont participé à des concerts, des réceptions, des rencontres de jeunes et des célébrations liturgiques ; ils se sont identifiés par des écharpes commémoratives et d’autres objets ; ils ont chanté des chansons spécialement conçues pour ce moment ; ils se sont rassemblés et ont célébré ensemble. Par un dimanche matin légèrement pluvieux, le 18 avril, les pèlerins ont rempli la place Saint-Pierre pour entendre le pape Jean-Paul II proclamer la sainteté de Marcellin Champagnat. Une immense image d’une nouvelle peinture du Fondateur a été placée sur l’échafaudage qui dissimulait la façade de la basilique, alors en cours de rénovation. Les célébrations se sont poursuivies longtemps après la messe, les Maristes ayant pris possession de Rome. Ce fut un grand événement.

Mais, à l’insu de tous, sauf des organisateurs, l’une des activités prévues n’a pas eu lieu. Le matin suivant la canonisation, il devait y avoir une audience papale spéciale pour les pèlerins maristes, peut-être dans la salle Paul VI où les différents groupes nationaux avaient organisé un concert, avec de la musique et des danses, le samedi soir précédent. Pour diverses raisons, cela n’a pas pu se faire. Au lieu de cela, une messe pour tous a été organisée ce matin-là dans la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs, mais elle n’a pas été présidée par le Saint-Père.

Dans le cadre de la préparation de l’audience annulée, le Frère Charles Howard, Supérieur général, alors retraité à Sydney, avait été chargé, confidentiellement par le Vatican, de rédiger un discours que le Pape prononcerait devant les pèlerins maristes. Le brouillon de ce discours a survécu. Il n’a jamais été publié ni même connu. Le vingt-cinquième anniversaire de sa non-délivrance semble être un moment approprié pour le faire connaître.

Le projet est caché dans les archives de cet auteur depuis 1999. A cette époque, le Frère Charles était en poste à la Maison Provinciale des Frères à Sydney. Près de la fête de Saint Marcellin, le 6 juin de la même année, chacun des frères de la communauté s’est réveillé pour trouver une note dactylographiée glissée sous la porte de sa chambre (une pratique de toute une vie pour le Frère Charles !). Il leur donnait quelques détails sur le projet de discours papal qu’il avait préparé et leur suggérait qu’il pourrait être utile de l’inclure dans la prière matinale de leur communauté .

Les Frères se conformèrent consciencieusement à ce que leur ancien Supérieur général avait proposé, mais une petite communauté de huit Frères était une assemblée plus modeste que les dix mille Maristes ou plus qui auraient pu entendre les mots de Charles prononcés par le Pape. Un quart de siècle plus tard, il est peut-être approprié que ces mots soient reçus aujourd’hui par un public mariste plus large.

Voici le discours que Frère Charles a écrit pour le Pape Jean-Paul II.


Discours que le Frère Charles Howard a écrit pour le Pape Jean-Paul II

Aujourd’hui, chers amis, nous honorons un nouveau saint, saint Marcellin Champagnat, un homme qui est pour nous un exemple lumineux de foi. Au cœur de sa spiritualité se trouvait sa foi en l’amour de Dieu, en la présence et l’action continues de Dieu dans sa vie. C’est la racine de son zèle, de sa compassion, de son énergie et de son enthousiasme remarquables. C’est ce qui l’a soutenu dans des circonstances très difficiles. C’est ce qui lui a permis de continuer à dire « oui » à Dieu, tout comme Marie.

Il écrit dans la vie de chacun d’entre nous un plan d’amour et de grâce, nous invitant, par les inspirations de l’Esprit Saint, à jouer notre rôle dans l’avènement du royaume de Dieu.

Chacun de nous a une vocation précieuse comme disciple du Christ. En tant que membre de la grande famille mariste, je vous encourage à vous soutenir les uns les autres dans votre vocation personnelle, à prier les uns pour les autres afin que vous soyez sensibles et fidèles aux appels de l’Esprit Saint dans vos vies. Et priez tout spécialement pour les vocations aux congrégations maristes, à la vie religieuse et à la prêtrise.

Un grand amour pour Marie a été l’une des caractéristiques les plus importantes de la vie de Marcellin Champagnat. Il y voyait un signe particulier de l’amour et de la providence de Dieu pour le don de Marie dans sa vie. Sa confiance en ses prières et en sa protection s’est manifestée clairement tout au long de sa vie. Marie est un modèle et une mère pour nous tous et nous lui demandons de nous aider à être fidèles à notre vocation chrétienne, à faire naître Jésus dans le cœur des autres. Elle est un modèle pour nous lorsque nous nous ouvrons au mouvement de l’Esprit Saint dans nos vies, à l’amour de Dieu, au courage et à la passion en tant que disciples de Jésus. Jésus était au centre de la vie de Marie ; il doit être au centre de la nôtre.

Nous sommes tous appelés à poursuivre la mission de Jésus, à apporter la vie aux autres, et je sais que beaucoup d’entre vous le font dans la noble vocation de l’enseignement. Beaucoup d’entre vous l’ont fait avec générosité et sincérité pendant de nombreuses années, parfois dans des circonstances très difficiles. Je vous félicite et vous remercie.

Je vous encourage tous à être passionnés dans votre travail, passionnés dans la diffusion de la Bonne Nouvelle par votre zèle, par le témoignage de votre vie, en vous donnant généreusement au service des autres, spécialement des jeunes et au milieu d’eux, à avoir une attention spéciale pour les marginaux et les plus délaissés. Soyez des ‘Marcellin’ pour les jeunes en difficulté, pour ceux qui cherchent des valeurs et qui veulent donner un sens à leur vie. Soyez des ‘Marcellin’ pour les jeunes qui ont besoin de quelqu’un qui les écoute, qui les encourage, qui les aime. Pour ceux qui sont engagés dans l’éducation, n’oubliez jamais ces paroles de saint Marcellin : « Pour bien éduquer un enfant, il faut l’aimer ».

Marcellin a encouragé ses frères à s’aimer les uns les autres et à aimer leurs élèves. Son insistance sur l’importance de créer un esprit de famille dans les communautés et les écoles est un merveilleux héritage. Avoir des élèves, des enseignants, du personnel et des parents qui se sentent ‘en famille’ les uns avec les autres, avec la certitude d’être acceptés et valorisés indépendamment de leur rôle ou de leur position sociale, est un beau cadeau et une précieuse contribution au développement des individus. Tout établissement d’enseignement doté d’un fort esprit de famille aura un impact évangélisateur sur tous ceux qui entrent en contact avec lui.

Je vous félicite pour tout ce que vous faites pour développer cet esprit de famille, ce sens de la communauté, dont le monde d’aujourd’hui a un besoin vital. En outre, une communauté véritablement chrétienne sera toujours prête à repousser ses limites pour accueillir ceux qui sont dans le besoin, et à œuvrer pour la réconciliation là où elle est nécessaire. Je vous encourage vivement dans cette voie : puissiez-vous être des messagers d’amour, de justice et de paix pour l’ensemble de la famille humaine. Que vos institutions ne deviennent jamais des bastions de privilégiés.

Nous savons que Marcellin Champagnat était un homme particulièrement attentif aux gens dans le besoin et aux défavorisés. C’était un homme riche de compassion et de sensibilité pour ceux qui sont en marge de la société. Il encourageait ses Frères à s’occuper tout spécialement des enfants les plus pauvres, les plus ignorants et les enfants les plus lents.

Je vous exhorte à suivre l’exemple de saint Marcellin, et à être des hommes et des femmes solidaires. Le monde a un besoin urgent d’un sens de la fraternité qui inclut un esprit de partage où les personnes considèrent comme un honneur de pouvoir consacrer leurs talents et leur attention aux besoins de leurs frères et sœurs en difficulté. Chers amis, nous sommes dans la deuxième année de préparation du grand Jubilé de l’an 2000 et l’Esprit Saint est à l’œuvre dans le monde. Nous le voyons notamment dans le service désintéressé de ceux qui travaillent ensemble aux côtés des marginaux et des ceux qui œuvrent pour un monde meilleur et une société plus juste.

J’ai noté avec joie que, dans des situations sociales et politiques difficiles, vous encouragez vos Frères à rester le plus possible avec le peuple et je sais que, ces dernières années, onze de vos Frères sont morts violemment pour témoigner de leur foi, de leur courage chrétien et de leur fidélité aux gens qu’ils voulaient aider. Vous avez aussi d’autres Frères qui vivent dans des circonstances très difficiles. Je me tourne vers eux et je les remercie pour le témoignage de leur vie : c’est un encouragement pour nous tous à être généreux dans notre façon de vivre notre foi et notre engagement de solidarité, comme l’a recommandé votre Chapitre général. « C’est le moment pour nous d’accueillir, résolument et sans équivoque, l’appel évangélique à la solidarité ». Cet appel à la solidarité est très important pour notre temps et je vous invite tous à être généreux et audacieux en suivant cet appel qui est clairement celui de l’Esprit.

Chers amis, il est facile de regarder le monde d’aujourd’hui et de voir de nombreux facteurs négatifs qui peuvent conduire au pessimisme. Mais je crois que Dieu prépare un grand printemps pour le christianisme et si nous nous ouvrons à l’Esprit Saint, nous pouvons devenir des témoins audacieux et courageux du Christ et de son message. C’est l’Esprit qui a conduit les apôtres, c’est l’Esprit qui a conduit Marcellin Champagnat à être un leader si audacieux et si courageux. Le même Esprit nous donnera le courage de répandre la Bonne Nouvelle et d’apporter l’amour de Jésus aux autres par notre attention, notre compassion, notre disponibilité et notre intérêt pour leurs difficultés et leurs besoins. Encouragez-vous et fortifiez-vous les uns les autres, et l’Esprit remplira vos cœurs d’amour, de compassion et de courage. Nous avons tous, de différentes façons, la capacité d’être des témoins et des leaders audacieux et courageux.

Soyez audacieux aussi en tant que groupe. Soyez un exemple brillant de laïcs et de religieux qui travaillent ensemble, courageusement, dans la grande et difficile aventure de l’évangélisation des jeunes et de leurs familles. Avec votre fort esprit de famille, vous pouvez être des modèles de la nouvelle vision de l’Église avec votre collaboration et votre partenariat entre tous les membres. Et ensemble, en partageant le charisme de Marcellin Champagnat, vous pouvez travailler pour offrir aux jeunes une spiritualité mariale renouvelée. Soyez courageux, mes amis, soyez des ‘Marcellin’ pour aujourd’hui.

Je voudrais maintenant dire un dernier mot aux Frères. J’ai constaté avec une grande joie qu’un bon nombre d’entre vous avez manifesté votre volonté de servir dans des situations difficiles, y compris dans des pays où certains de vos compagnons ont été tués ces dernières années. Vous tous, chers Frères, vous êtes appelés à l’héroïsme en cette période critique de l’histoire de votre Institut. Vous êtes tous appelés à vous laisser transformer par l’Esprit Saint, à vous convertir et à refonder votre Institut dans une fidélité créative à l’esprit de votre Fondateur, saint Marcellin Champagnat. Aujourd’hui, nous rendons grâce à Dieu pour la vie de ce grand homme et pour l’inspiration qu’il représente pour nous tous. Que ce jour soit aussi un jour d’action de grâce pour nos propres vies et nos propres vocations, un temps pour renouveler notre engagement.

Je prie en particulier pour que vous ayez le courage d’entreprendre cette refondation qui est si importante pour tous ceux que vous servez aujourd’hui et ceux que vous servirez à l’avenir. Elle est également très importante pour l’ensemble de l’Église.

Pour vous tous, membres de la communauté mariste élargie, qui marchez avec les Frères dans un partenariat de collaboration, priez avec eux et pour eux afin d’obtenir l’aide spéciale de Marie. Encouragez les frères à être audacieux dans leur solidarité et dans leur refondation, comme ils l’ont fait lors de leur dernier Chapitre général.

Et je prie pour que vous ressentiez l’encouragement et le témoignage de votre saint Fondateur afin que vous voyiez plus clairement la dignité de votre propre vocation dans la vie, votre vocation à être des témoins joyeux du mystère pascal de Jésus, hommes et femmes, jeunes et vieux, appelés à être des messagers d’espérance dans un monde qui aspire à une vision spirituelle de la vie.

Marcellin Champagnat est un homme qui avait un grand amour pour l’Église et il se réjouirait de voir l’union que nous recherchons aujourd’hui avec des prêtres, des religieux et des laïcs, tous se comprenant, se respectant, s’encourageant et se soutenant les uns les autres dans différents domaines vocationnels, tous invités et engagés à réaliser la mission de Jésus. Merveilleux !

Enfin, demandons à Marie, notre bonne mère, de continuer à nous inspirer et à prier pour nous sur notre chemin de foi, d’espérance et d’amour.

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