Circulaires 101

Louis-Marie

1871-01-16

Le Patronage de Saint-Joseph. - Engagements décennaux de la classe 1871. - Nouvelles des Frères de Breteuil et de Paris. - Nou­velles de la Maison-Mère. - Avis sur la correspondance avec les Assistants. - Lettre du Frère chargé des classiques - Economie - Rapports avec les Autorités ci­viles.

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51.02.01.1871.1

1871/01/16

 V. J. M. J.

 Saint-Genis-Laval (Rhône.), le 16 janvier 1871.

      Mes très Chers Frères

 Je ne doute pas qu'au milieu de tant d'épreuves générales et particulières que nous subissons en ce moment, vous n'ayez béni comme nous la divine Providence de la grande ressource et de la grande consolation qu'elle nous ménage à tous, dans la proclamation de saint Joseph comme Patron de l'Église catholique.

 C'est l'acte admirable, ajouté à tant d'autres, que vient d'accomplir Notre Très Saint Père le Pape Pie IX, à la demande des Pères du Concile Œcuménique et d'un grand nombre de prêtres et de pieux fidèles ! Qui ne sent tout ce qu'il y a, aux yeux de la foi, d'heureux et de rassurant dans ce précieux Décret, adressé par le Saint Père à la ville et au monde : à la ville de Rome, envahie elle-même par un pouvoir usurpateur; au monde, agité de tant de troubles, écrasé et menacé de tant de fléaux

 Dans une autre circonstance, le Saint-Père avait dit :  « On prie beaucoup ; Marie et Joseph qui ont été les soutiens de l'Eglise naissante, reprennent dans les cœurs la place qu'ils n'auraient jamais dû perdre : par eux encore une fois le monde sera sauvé. » Et, aujourd'hui, le pieux, l'admirable Pontife, qui porte dans son cœur, avec le poids de ses propres amertumes, le poids de toutes celles dont souffre la Chrétienté, animé d'une foi sans borne, d'une charité sans mesure, d'une espérance que rien ne peut ébranler, met tout en œuvre pour raviver cette double dévotion, le recours à Marie et à Joseph, par qui il attend la délivrance et le salut. Après avoir exalté, devant le Ciel et la terre, la glorieuse vierge Marie, en la proclamant IMMACULÉE, il veut exalter aussi le saint Patriarche Joseph, en le proclamant PATRON DE L'ÉGLISE UNIVERSELLE.

 Ah ! puissions-nous tous, M. T.-C. F., puissent tous les chrétiens, les Français en particulier, entrer dans la pensée du Vicaire de Jésus-Christ, prendre en Marie et en Joseph une confiance absolue : s'unir tous, pour demander, par leur toute-puissante intercession, avec une nouvelle ardeur, avec de nouvelles et persévérantes instances, la délivrance de l'Eglise, la délivrance de notre chère Patrie, la délivrance du monde entier, par une bonne et heureuse paix, par un bon et général retour à la foi et aux vertus chrétiennes.

 Ici, quelques courtes réflexions qui pourront nous aider à raviver ces sentiments, à mieux comprendre l'excellence et le prix dit bienheureux patronage de saint Joseph.

 Nous savons que saint Joseph, au berceau du Christianisme, a été l'Econome, le Gardien, le Protecteur, le Nourricier de la Famille de Nazareth, de Jésus qui l'adopta pour Père, de Marie qui l'avait choisi pour époux. Bien plus, il fut comme le sauveur du Sauveur des hommes et de sa Mère, en les dérobant l'un et l'autre à la fureur d'Hérode. Levez-vous, lui dit l'Ange de la part de Dieu, prenez l'enfant et sa mère, fuyez en Egypte, et demeurez-y jusqu'à ce que je vous dise d'en partir : car Hérode cherchera l'enfant pour le faire périr (Matth., 11, 13). Et plus tard : Levez-vous, prenez l'enfant et sa mère, et allez dans le pays d'Israël : car ceux qui voulaient faire périr l'enfant sont morts (Matth., II, et 20).

 Or, ce que saint Joseph a été et ce qu'il a fait, par une mission spéciale, sur des ordres exprès venus du Ciel, pour la personne même de Jésus-Christ et pour Marie, sa mère, il l'est et il le fait encore aujourd'hui, dans un sens très étendu et très véritable, par une semblable mission, pour le Corps mystique du divin Maître, polir l'Eglise pour tous les Chrétiens, tous les Catholiques, dont Marie est aussi la mère. C'est ce que nous confirme et nous explique le Décret dit Souverain Pontife, en proclamant saint Joseph PATRON DE LA SAINTE EGLISE,son Gardien, son Protecteur, son Défenseur et son Soutien.

 Mais de là, quelle heureuse conséquence, quelles douces considérations à déduire pour montrer la tendresse, l'amour que saint Joseph nous porte, la confiance entière que nous lui devons ! Pour Joseph, comme pour Marie, le motif et la mesure de l'amour qu'il a pour chacunde nous, est l'amour même qu'il a eu pour Jésus, selon la pensée de saint Liguori, expliquant, dans la paraphrase dit Salve Regina, l'amour de Marie pour les hommes, le motivant et le mesurant sur l'amour même qu'elle avait pour Dieu.

 Ainsi, Marie a aimé Jésus comme Mère, avec toute la puissance de tendresse et d'amour que peuvent donner à la fois, à une pure créature, à une mère, la nature et la grâce. Et voilà pourquoi, depuis que Jésus-Christ, sur la Croix, nous a mis en quelque sorte en sa place, nous a donnés à Marie pour enfants : Femme, voilà votre fils (Jean, XIX, 26). Marie a pour nous une tendresse et un amour de mère, c'est-à-dire, une tendresse et un amour dont aucun saint ni tous les saints ensemble ne sauraient approcher, l'amour maternel et tout divin de Marie surpassant comme infiniment tout autre amour.

 Mais, à proportion, il en est de même pour saint Joseph. En effet, l'amour de Joseph pour Jésus petit seul entrer en comparaison avec l'amour de Marie pour ce même Jésus, son Fils et son Dieu. Joseph seul, comme Marie et avec Marie, dans la mesure qui convient, a pu donner à Jésus le doux nom de fils, et s'entendre dire de sa bouche adorable : Mon PERE ! Seul, ou plus que tout autre, après Marie, Joseph a été l'instrument et le témoin de l'Incarnation, de la Naissance, de l'Enfance divine, de la Vie adorable du Verbe fait chair. Seul, ou plus que tout autre, après Marie, il l'a assisté, nourri, protégé, défendu et sauvé. Seul, enfin, ou plus que tout autre, après Marie, il a reçu les caresses de Jésus, entendu sa voix, admiré ses traits, recueilli ses paroles, contemplé ses actions, joui de son intimité, vécu avec lui, participéaux prémices detous ses mystères.

 Donc, plus que tout autre, après Marie, Joseph a aimé Jésus, l'a aimé sans mesure, l'a aimé avec toute la perfection de la tendresse et de l'amour.

 Donc aussi, par une autre conséquence non moins certaine que consolante, après Marie, et parce que, pour Joseph comme pour Marie, nous sommes substitués à Jésus, nous tenons la place de Jésus. Joseph nous aime et nous chérit plus que ne pourrait le faire tout autre saint, tout autre protecteur, tout autre ami et patron, même le plus affectionné et le plus dévoué.

 Oh ! alors, avec quelle confiance, quel empressement, quel complet abandon nous devons aller à Joseph, invoquer Joseph, accepter le patronage de Joseph et y compter pour le corps et pour l'âme, pour le temps et pour l'éternité !

 Nous savons qu'il nous aimera, nous protégera, nous assistera, nous défendra, nous PATRONNERA, en un mot, comme il a aimé, protégé, assisté, défendu et patronné Jésus lui-même et Marie sa mère, avec le même amour, la même tendresse, le même dévouement.

 Un passage du chapitre de saint Matthieu déjà cité nous révèle quelque chose des soins admirables, de l'incomparable sollicitude, des précautions toutes célestes que Joseph apportait à garder l'Enfant-Jésus, à le protéger contre les moindres dangers.

 Au retour de l’Egypte, comme il apprit, dit l'Evangéliste, qu'Archelaüs régnait en Judée à la place d'Hérode son père, il craignit d'y aller ; et, ayant reçu un ordre du ciel, il se retira en Galilée. (Matth. 11, 22). On le voit, quoique l'Ange lui eût annoncé la mort de ceux qui cherchaient à faire périr l'enfant, il n'avance qu'avec réserve et précautions ; le texte évangélique nous montre qu'il s'informe exactement de l'état des choses, et qu'à toute la prudence naturelle qui va au-devant des moindres dangers, il joint toute la prudence surnaturelle qui fait recourir au Ciel, et n'agit que par ses ordres ou ses inspirations.

 C'est avec ces mêmes soins, cette même sollicitude, et de plus, avec toute la perfection de connaissance et d'amour que donne la Vision béatifique, que saint Joseph remplit dans l'Eglise sa fonction de Patron et de Protecteur, qu'il veille sur chacun de nous, qu'il nous assiste et nous aide à la vie et à la mort. Oh ! redisons-le donc, avec amour et reconnaissance : qu'il est bien gardé celui qui se met sans cesse sous la garde et le Patronage de saint Joseph ! qu'il est en sûreté et pour le temps et pour l'éternité !

 Il faut ajouter qu'il plaît singulièrement à Marie, et qu'il ne saurait mieux répondre à ses intentions maternelles.

 Marie se remettait elle-même en toute confiance à saint Joseph, elle se reposait pleinement sur ses soins: elle comptait tellement sur son saint Epoux, que, non seulement elle s'abandonnait à sa garde, mais, ce qui lui était infiniment plus cher qu'elle-même, ce qu'elle avait de plus précieux au monde, son Fils, son Jésus, elle le lui confiait chaque jour, le sachant en parfaite sûreté dans ses bras vigilants.

 Ainsi fait-elle encore pour tous ceux qui lui sont chers, pour ses enfants adoptifs, les chrétiens, qu'elle aime en quelque sorte plus que Jésus lui-même, puisqu'elle l'a sacrifié, pour les sauver. Elle se plaît à les voir aller à Joseph, à son saint Epoux, au saint Gardien de Jésus. Dans sa tendresse maternelle, elle jouit, pour ainsi dire, de les entendre le prier, l'invoquer se confier à ses soins ; parce qu'elle est assurée qu'il les protégera comme il la protégeait, comme il protégeait Jésus lui-même; qu'il les sauvera, sinon des éprouves et des maux temporels par lesquels la Providence veut les sanctifier, du moins des atteintes des vices et des pièges de Satan qui les perdraient éternellement.

 Dans ces pensées, M. T. C. F., combien nous devons tous tenir à aller à Jésus, mais à Jésus par Marie, et à Marie par Joseph ! Ô JÉSUS ! Ô MARIE ! Ô JOSEPH ! Ô Trinité de la terre ! que vous conduisez sûrement et doucement à la Trinité du Ciel ! Que ne prend-on toujours cette voie de salut, si heureusement rappelée, au nom de Dieu, par le Vicaire même de Jésus-Christ !

 Eh ! en est-il d'autre qui puisse mener à la vérité et à la vie, mettre fin à nos maux, nous rendre le bonheur du temps et préparer celui de l'éternité ? Non, il n'en est point, point absolument, car, dit le Prince des Apôtres : Nous vous le déclarons à vous tous, magistrats, sénateurs docteurs, nous vous déclarons à vous et à tout le peuple d'Israël que cet homme qui paraît devant vous a été guéri au nom de Jésus-Christ de Nazareth, notre Seigneur… C'est lui qui est la principale pierre de l'angle… et il n'y a point de salut par aucun autre : car nul autre nom n'a été donné aux hommes, par lequel nous devions être sauvés. (Act. IV).

 Aussi, M. T. C. F. le fruit par excellence que nous devons retirer de toutes nos prières et de toutes nos dé­votions à la sainte Vierge et à saint Joseph, c'est le règne de Jésus-Christen nous : le règne de sa VÉRITÉ dans nos esprits, le règne de sa VIE ou de son amour dans nos cœurs, le règne de sa VOIE ou de ses exemples dans nos volontés, dans tout nous-mêmes par l'imitation de ses vertus. Ne nous a-t-il pas dit de sa propre bouche qu'il est la voie, la vérité et la vie: LA VOIE, hors de laquelle il n'y a qu'égarement ; LA VÉRITÉ, hors de laquelle il n'y a qu'erreur; LA VIE, hors de laquelle il n'y a que mort, tant pour les individus que pour les familles et pour les sociétés elles-mêmes.

 D'où viennent, hélas! tous nos malheurs publics et particuliers : les invasions, les destructions, les pillages, les ruines de toutes sortes, les maladies, la captivité et la mort qui nous désolent ? Nul doute que ce ne soit de l'affaiblissement du règne de Jésus-Christ parmi nous. Jésus-Christ est comme banni de toutes les sociétés, de leurs lois, de leur enseignement, de tout. Voilà pourquoi Dieu permet qu'elles se déchaînent les unes contre les autres, qu'elles se punissent réciproquement de dérober à Jésus-Christ son héritage : vous êtes mon fils, m'a dit le Seigneur… demandez-moi, et je vous donnerai les nations pour votre héritage. (Ps. 11, 7, 8.)

 En brisant, en refusant le règne pacifique du Fils de Dieu, de Jésus-Christ, elles ne peuvent que donner entrée à l'esprit du mal, au règne de Satan, qui traîne toujours à sa suite le cortège de tous les fléaux.

 Unissons-nous donc tous, M. T. C. F., pour demander que le règne de Jésus-Christ nous arrive, qu'il reprenne dans les individus, dans les familles, dans les sociétés, dans notre France surtout, la place qui lui est due. Demandons cette grâce insigne, qui sera le salut de tous et de tout, demandons-la par Marie et Joseph, et continuons à travailler, avec tout le zèle et tout le dévouement dont nous sommes capables, à étendre le règne de Jésus Christ, à le faire connaître et à le faire aimer, C'est à cette grande fin que saint Joseph nous protège, que Marie nous bénit, et que Dieu, par une providence visible et toute miraculeuse, nous sauve de tant de périls.

 Confions à Joseph nos Frères, nos enfants, nos Maisons ; confions-lui nos peines intérieures et extérieures, nos difficultés financières, administratives, militaires et autres ; confions-lui nos esprits, nos cœurs, nos volontés ; confions-lui notre vie, notre mort, notreéternité, nos âmes et nos corps, nos personnes et nos œuvres, la Congrégation et chacun de ses membres. Nous pouvons tout demander à sa puissante intercession, tout attendre de son pouvoir et de sa bonté.

 Nous l'avons dit, saint Joseph nous aime et nous protège dans la mesure de son amour pour Jésus, et par conséquent dans la proportion de notre ressemblance actuelle ou future avec Jésus. Mais, dans l'Eglise de Dieu, les Religieux sont ceux qui ressemblent le plus à Jésus qui le suivent de plus près, qui l'imitent le plus parfaitement dans sa pureté, dans sa pauvreté, dans son obéissance, dans son zèle et son amour pour les âmes. Les Communautés sont aussi la plus vive et la plus parfaite reproduction de la Communauté de Nazareth, et de la sainte Famille. Nous avons donc, et comme Congrégation et comme Religieux, un droit spécial à la protection de saint Joseph, à son saint patronage. Il faut nous en prévaloir chaque jour, pour lui recommander notre vocation, nos vœux, nos emplois, toutes nos affaires spirituelles et temporelles, afin qu'il conserve tout, qu'il bénisse et défende tout, à l'honneur et la gloire de Jésus et de Marie.

 Disons encore, dans cette même pensée, que notre chère Patrie, la France catholique, a également un droit spécial, comme FILLE AINÉE DE L'ÉGLISE, à la garde et à la protection de saint Joseph. Et, à cette heure solennelle, ne semble-t-il pas que le Décret Pontifical, comme autrefois la parole de l'Ange, arrive tout exprès, pour qu'on prie et qu'on supplie cet incomparable Gardien, ce tout-puissant Patron et Protecteur de se lever encore, de prendre encore la mère et l'enfant, de prendre la mère et la fille, la sainte Eglise catholique et la France, l'une et l'autre simultanément et presque également frappées ; de les tirer des mains de leurs ennemis, de les rendre à la paix et à la tranquillité dont elles ont un si pressant besoin ? Nous le demanderons de toute notre âme ; nous conjurerons, en toute ferveur et humilité, par Marie et Joseph, le Dieu de toute miséricorde de faire grâce aux pécheurs, en les convertissant ; de nous sauver tous, en faisant prévaloir la justice et la vérité sur la violence et la force qui n'engendrent que la mort.

 Puis, M. T. C. F., nous qui avons l'immense bonheur de connaître J.-C. et de l'aimer, nous nous appliquerons plus que jamais à nous éclairer et à nous conduire par sa VÉRITÉ, à nous sanctifier et à nous vivifier dans sa vie ou son amour, à nous avancer et à nous perfectionner dans ses vertus et ses voies.

 A ces intentions, on dira, jusqu'à nouvel ordre, avec le Pater, l'Ave et les six invocations déjà recommandés, 1° trois fois l'Ave Joseph après le Salve Regina du matin, et après le Sub tuum de la prière du soir ; 2° les litanies de saint Joseph, après le chapelet ; sauf pour les Etablissements, les jours d'école, où on les remplacera par l'Ave Joseph. Jusqu'à nouvel ordre aussi, nous ferons mémoire de l'Immaculée Conception à Laudes et à Vêpres.

 Dans de si graves circonstances, nous ne pouvons trop prier Marie et Joseph de nous venir en aide, de détruire le règne de Satan sur la terre, de refouler ce monstre au fond des enfers, et de nous délivrer tous, en ramenant parmi nous le règne de Jésus-Christ. Aussi, verrai-je avec grand plaisir qu'aux pratiques données, chacun, dans les Noviciats surtout, trouve encore le moyen d'ajouter le Rosaire, chaque jour : le Rosaire, qui est la prière par excellence des victoires et des conversions !

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 J'ai à vous rappeler quelques Notes et Avis concernant l'engagement décennal des Frères qui font partie de la classe de 1871.

 Vous savez sans doute que tous les jeunes gens valides de cette classe, appelée par décret du 5 de ce mois, font partie du contingent ; il n'y a d'exemption que pour défaut de taille (moins de 1 mètre 55) et infirmités incompatibles avec le service militaire.

 L'engagement décennal est maintenu ; mais il est urgent que tous les contractants, c'est-à-dire, tous les Frères nés en 1851, remplissent, sans le moindre retard, toutes les formalités prescrites.

 Déjà, nous avons écrit aux parents de les faire inscrire sur les tableaux de recensement, et de prévenir M. le Maire qu'ils se trouvent dans le cas d'être dispensés, comme étant voués à l'enseignement primaire public.

 La formule d'engagement préparée à la Maison-Mère pour les deux provinces du centre, et dans chaque maison provinciale, pour les autres provinces, a été adressée à tous les contractants.

 Chacun d'eux a dû : 1° signer, à l'endroit désigné, son nom de famille, avec paraphe, précédé des initiales du nom ou des prénoms de baptême.

 2° Renvoyer, par le retour du courrier, l'engagement ainsi signé à chaque Maison provinciale : les deux provinces du centre, à Saint-Genis-Laval (Rhône) ; et les autres provinces, respectivement, à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), à la Bégude (Ardèche), à Beaucamps (Nord), à Hautefort (Dordogne).

 3° Faire connaître, par la même lettre, au Frère Directeur provincial : 1° qui doit consentir son engagement (père, mère, tuteur), c'est-à-dire, le père d'abord; au défaut du père, la mère ; au défaut de père et de mère, le tuteur ; 2° s'il sait signer ; 3° quelle est son adresse très précise : nom, prénoms, profession, commune, hameau, canton, département.

 Nous croyons avoir une liste très exacte de tous les contractants; et, sans exception aucune, la formule d'engagement a été adressée à tous ceux qui y sont portés.

 Toutefois, un oubli involontaire est toujours possible; il est possible aussi, vu les difficultés présentes des communications, que quelques lettres ne soient pas parvenues. Il faut donc qu'à la réception de cette Circulaire, les Frères intéressés, c'est-à-dire, nous le répétons, tous les Frères nés en 1851, qui n'auraient pas reçu la formule d'engagement, aient soin d'en écrire immédiatement au Frère Directeur provincial, et lui donnent en même temps les renseignements demandés, numéro 3° ci-dessus.

 L'engagement décennal une fois signé et retourné, comme il vient d'être dit, la Maison-Mère et les différentes Maisons provinciales resteront chargées de remplir et de faire remplir les autres formalités prescrites; mais il est bon que chaque contractant écrive à ses parents de ne mettre aucun retard à donner eux-mêmes le consentement qui leur est demandé, en se conformant très exactement à toutes les indications transmises par les Supérieurs.

 Il est arrivé que nos lettres ont été gardées, dans certaines familles, huit ou dix jours, sans être décachetées : ce dont, soit dit entre nous, nous n'avons guère à nous étonner ni à nous plaindre, lorsque, actuellement, malgré la gravité des circonstances, des contractants eux-mêmes nous font attendre depuis plusieurs jours l'engagement qui leur a été envoyé.

 Que personne ne se fasse illusion sur les soins et la célérité qu'on doit apporter à la mesure. On doit savoir que les Autorités vont presser de toutes les manières pour avoir au plus tôt la classe appelée ; qu'il n'ya pas, nous l'avons déjà dit, d'autres causes d'exemption que les infirmités et le défaut de taille ; et que, l'engagement décennal une fois régularisé et accepté, chaque contractant a le double avantage d'être dispensé et de l'armée active et de la garde nationale mobile.

 Ceux qui n'auraient pas la taille, moins de 1 m. 55 (bien s'en assurer à la mairie), et ceux qui auraient des infirmités incompatibles avec le service militaire, en écriront aussitôt à chaque Frère Directeur provincial, afin qu'on les mette en mesure de se présenter au Conseil de révision et de faire valoir leur droit à l'exemption.

 Toutefois, pour plus de sûreté, nous conseillons à tous de remplir toutes les formalités de l'engagement décennal, afin d'y avoir recours, si les causes d'exemption n'étaient pas reconnues suffisantes.

 Pour le moment, nous ne voyons pas d'autres recommandations à vous faire sur ce point ; mais nos avis, basés sur les dispositions et règlements antérieurs, pourraient recevoir des modifications, d'après des instructions nouvelles qui seraient données par les Autorités. C'est une raison de plus pour chaque contractant de se hâter, afin d'être en mesure de remplir les nouvelles formalités qui seraient demandées, ce que nous ne présumons pas cependant.

 Je recommande instamment à tous les Frères Directeurs de diriger de leur mieux leurs Seconds dans cette affaire, et d'y apporter, de leur côté, la plus grande activité et tous les soins possibles.

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 Grâce à Dieu, par une protection visible de la sainte Vierge et de saint Joseph, les notes et instructions qui vous ont été envoyées le 16 octobre dernier, ont eu leur complète application. Vous vous y êtes conformés parfaitement, les Autorités ont accueilli nos pièces et aucun de nos sujets n'a été détourné, par le service militaire, du soin et de l'enseignement des enfants.

 Il est même bon de remarquer, à cet égard, que l'opinion publique s'est rangée, presque sans exception à la pensée du Gouvernement de la défense nationale. On a compris avec lui que plus on était obligé de désorganiser les communes et les familles, pour multiplier les défenseurs du pays, plus il devenait nécessaire de laisser les instituteurs à leurs fonctions, pour soigner les enfants de six à treize ans, pendant que la mère reste à son ménage, et que les adolescents, non encore atteints par le sort, aident, selon leurs forces, aux travaux des champs.

 Du reste, les Frères, en accomplissant leur tâche d'instituteurs, n'ont pas laissé de se prêter, dans toute la mesure de leurs forces et de leurs moyens, aux besoins du moment, soit en donnant leurs soins aux malades et aux blessés dans les ambulances qui leur sont confiées, soit en allant, comme à Paris, sur les champs de bataille, recueillir les morts et les blessés.

 J'ai appris avec bonheur que nos Frères de Breteuil ont pu, aidés par la ville, recevoir dans leur Maison 650 prisonniers français avec les 60 Prussiens qui les conduisaient ; fournir à tous, ce qu'ils n'avaient pas eu depuis quinze jours, du café et des aliments chauds ; et les voir, à leur départ, on ne peut plus satisfaits des bons soins dont ils avaient été l'objet.

 Le Pensionnat marche à l'ordinaire ; les Frères continuent en paix, en soignant leurs élèves, à soigner quelques blessés français et un malade prussien (31 décembre 1870).

 Marle, près de Soissons, a subi le bombardement ; et là, comme à Breteuil, Dieu a protégé les Frères et leur Maison contre tout malheur et accident.

 Pour Paris, le cher Frère Norbert nous écrit, à la date du 9 janvier courant, que, depuis le jeudi 5, les obus pleuvent sur le quartier de Montrouge et de Plaisance, et sur le quartier du Luxembourg qui souffre encore davantage. Dans la nuit du 8 au 9, à Saint-Nicolas, Providence de neuf cents enfants, tenue par les Frères des Ecoles chrétiennes, rue de Vaugirard cinq enfants ont été tués dans un dortoir, et dix autres ont été blessés. Pendant que je vous trace ces lignes, ajoute le Frère, j'entends le sifflement d'une bombe qui tombe à quelques pas de la Maison. La position, vous le voyez, n'est pas sans danger , mais nous avons confiance quand même : car nous savons que ce que Dieu garde est bien gardé. Toutefois, si ces détonations, ces sifflements de bombes continuent, nous descendrons notre bureau au sous-sol et, la nuit prochaine,nous coucherons dans nos caves.

 Le cher Frère finit en réclamant avec instance les prières de la Communauté, pour lui, pour ses Frères et pour tous nos pauvres assiégés.Les Frères conservent leur ambulance de 80 lits pour les blessés ; mais, par mesure de prudence, ils ont congédié leurs enfants jusqu'à nouvel ordre.

 La Maison-Mère continue à loger nos légions de marche, la 1ière et la 3ième légion de marche du Rhône; et, en ce moment, une 2ième légion de marche de la Lorraine et de l'Alsace. Tout se passe à peu près comme je vous l'ai dit dans la Circulaire du 16 octobre dernier. Les plus grands embarras sont à l'installation de chaque nouvelle légion; mais, une fois les choses établies, on va le mieux qu'on peut de part et d'autre. Nous rendons aux malades et à tous, les services qui dépendent de nous; nos légionnaires, jusqu'à présent, se sont retirés satisfaits, et nous espérons qu'il en sera de même jusqu'à la fin. J'ai recommandé aux Frères de se montrer de plus en plus convenables et complaisants pour ces hommes qui, eux-mêmes, ont tant à endurer dans leur position, qui quittent tout et s'exposent aux plus grands dangers, pour la défense et la délivrance du pays.

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 Jusqu'à nouvel ordre, les Frères Assistants continueront, en s'entendant avec nous, à opérer, chacun, dans sa province, sauf le cher Frère Euthyme et le cher Frère Félicité qui restent à la Maison-Mère. Le cher Frère Jean-Baptiste est à Notre-Dame de l'Hermitage.

 Les correspondances pour mutation, direction, affaires intérieures, iront donc directement à chaque Assistant. Les correspondances pour dispense (les engagés de 1871 exceptés), présentation, nomination et situation des Frères, rapports avec les Préfets et les Recteurs, et toutes celles que des besoins particuliers rendraient nécessaires continueront à aboutir à la Maison-Mère ; je dis aboutir, pour quelques-unes qui peuvent passer par les Maisons provinciales.

 Dans le courant de janvier ou de mars, chaque Frère Directeur écrira directement, une fois, à la Maison-Mère : 1° pour dire l'état sommaire de ses Frères et de son Etablissement ; 2° le numéro du tirage de ceux de ses Frères qui appartiennent aux classes de 1869 ou de 1870; dire aussi si ces mêmes Frères sont compris dans le contingent de l'armée active, ou ce qui les en a exemptés ou dispensés; s'ils sont compris dans le contingent de la garde nationale mobile, ou ce qui les en a, exemptés ou dispensés ; 3° pour réclamer, en faveur des Frères de 21 à 40 ans, le certificat prescrit par la Circulaire ministérielle du 12 octobre 1870. Quelques-uns d'entre eux pourraient n'avoir pas reçu ledit certificat, ou savoir qu'on ne l'a pas présenté à l'Autorité compétente (Voir le modèle, page 203, Circulaire du 16 octobre 1870).

 Voici la liste des Frères décédés depuis la Circulaire du 16 octobre 1870.

 F. ABRAHAM, Profès, décédé à Apia, Mission de Samoa (Océanie), le 22 mai 1870.

F. JEAN-DE-DIEU, Profès, décédé à Beaucamps (Nord). le 27 octobre 1870.

F. SIMÉON, Profès, décédé à Caderousse (Vaucluse), le 15 novembre 1870 '

F. GERMANO, Obéissant, décédé à Régny (Loire), le 16 novembre 1870

F. SÉRÉNUS, Profès, décédé à Thizy (Rhône), le 24 novembre 1870.

F. HYACINTHE, Novice, décédé à Saint-Symphorien-d'Ozon (Isère), le 2 décembre 1870.

F. ANDRÉ-CORSINI, Novice, décédé à Montluel (Ain), le 16 décembre 1870.

F. FERRIER-JOSEPH, Profès, décédé à. Beaucamps (Nord), le 7 décembre 1870.

F. CISÉLUS, Obéissant, décédé à N.-D. de l'Hermitage sur St. Chamond (Loire), le 25 décembre 1870.

F. SYNDIME, Profès, décédé à Beaucamps (Nord), le 27 décembre 1870.

F. DANGE , Obéissant, décédé à la Bégude (Ardèche), le 3 janvier 1871.

F. PALMAQUE, Profès, décédé à Torteron (Cher), le. 3 janvier 1871.

F. TIMOTHEE[1], Profès, décédé à Toulon (Var), le 13 janvier 1871.

F. AUGUSTALIS, Profès, décédé à Saint Alban-d’Ay (Ardèche), le 14 janvier 1871.

 

Je recommande ces chers défunts à vos pieux suffrages selon la Règle, à toute votre dévotion pour les âmes du Purgatoire. Cette dévotion, vous le savez, repose sur les sentiments les plus vifs de la foi, de la piété et de la charité chrétiennes.

Le Frère chargé des classiques me remet la lettre suivante, à l'adresse des Frères Directeurs des deux provinces du Centre, me priant de la joindre à cette Circulaire, et d'inviter les Frères Directeurs à lui répondre, lorsqu'ils auront occasion d'écrire à la Maison-Mère.

               « Mon cher Frère Directeur,

 « Vous serait-il possible de me faire toucher le montant des fournitures classiques qui figurent à votre débit ? Il y en a qui remontent à plus d'une année. Je suis harcelé par mes divers fournisseurs, et impossible de les solder, de leur remettre même des acomptes, si je ne reçois moi-même, avec les arrérages de 1869-1870, un acompte sur 1870-1871.

 « Veuillez donc, je vous prie, mon cher Frère Directeur, faire un effort pour me venir en aide le plus tôt possible, J'espère que nous reviendrons bientôt à des temps meilleurs, et qu'alors je pourrai, comme par le passé, laisser l'année à votre convenance, pour le règlement de vos comptes de classiques.

 « Agréez, etc. … »

 Vous transmettre cette demande, très chers Frères Directeurs, c'est assez vous dire que je l'approuve et que je l'appuie. Nous avons à faire des efforts et à user de tous les moyens possibles, pour subvenir aux besoins généraux de l'Institut, par les temps difficiles que nous traversons[2].

 Soit dans les Maisons de Noviciat, soit dans les Etablissements particuliers, écarter avec soin toute dépense inutile, comme voyage sans permission, voyage entraînant des frais, achat de mobilier non absolument nécessaire réparations et agencements qui ne seraient pas indispensables ; négligence dans le soin et l'emploi dit luminaire, du chauffage, de la chaussure, des habillements, des objets classiques, de tout ce qui est à l'usage de chacun, à l'usage de chaque Maison : négligence encore dans la rentrée des pensions, mois d'école, faux frais, et fonds communaux ou de fondation.

 En prévision d'une cherté qui peut devenir extrême d'un moment à l'autre, et pour prendre quelque part aux privations effrayantes que subissent déjà tant de villes et de pays conquis et ravagés, tout le monde sent qu'il convient de réduire nos dépenses, même les dépenses alimentaires : par exemple, avoir les desserts plus petits et moins coûteux, servir le vin mêlé de deux tiers d'eau, appuyer sur les légumes et diminuer la boucherie, etc.

 Des Communautés de prêtres ont retranché, d'un seul coup, un plat et deux desserts à leur régime ordinaire, et supprimé tout usage du café[3], quoiqu'il fût reçu depuis longtemps. Notre régime à nous est trop limité, pour que nous puissions faire de fortes réductions mais, avec des soins et un peu d'esprit de mortification, on peut ôter à la délicatesse sans rien retrancher de ce qui est indispensable à la santé : car, malgré ces conseils et ce besoin d'économies, il faut (et c'est bien mon intention) que la nourriture des Frères soit toujours, comme disent les Constitutions, saine, abondante et bien préparée.

 Que Dieu nous donne à tous l'esprit de sagesse et de discrétion qui fait juger et disposer de tout selon qu'il convient, l'esprit d'humilité et de charité qui sait rendre douces et acceptables les choses mêmes l'es plus pénibles à la nature.

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 Aux mesures et aux précautions déjà recommandées pour assurer le maintien de nos écoles, j'ajoute qu'on doit se prêter, autant que possible, aux demandes des Autorités. Ainsi, on invite actuellement les instituteurs à recueillir des graines potagères et fourragères pour les pays envahis, une fois que la paix sera conclue. Vous pouvez recevoir sans difficulté celles qui vous seront remises, en faire demander par les enfants, profiter des occasions qui se présenteront, pour en demander vous-mêmes, et vous entendre avec qui de droit pour le dépôt et les envois à faire.

 C'est dans le même sens que nous avons répondu à ceux qui nous ont consultés pour la lecture en public du Bulletin de la République, les autorisant à s'y prêter, sauf à prier M. le Maire, s'il le jugeait bon, de trouver quelqu'un dans la commune, plus capable et plus influent, qui s'en chargeât et atteignît plus efficacement le but patriotique qu'on se proposait.

 Vous vous entendriez avec nous, si les demandes qui vous seraient faites, vous paraissaient trop difficiles à remplir, ou égard à vos moyens, aux règles et à vos occupations.

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 Continuons, M. T. C. F., à prier instamment les uns pour les autres, et pour les besoins de l’Eglise et de l'Etat. Offrons à cette fin tous nos exercices de piété, que nous tâcherons de faire de notre mieux, tant extérieurement qu'intérieurement, articulant et prononçant parfaitement toutes nos prières, ne les précipitant jamais, y apportant toute l'attention de notre esprit et toute la dévotion de notre cœur. Efforçons-nous aussi de croître, chaque jour, en régularité, en ponctualité, et de n'agir que pour Dieu seul, afin que toutes nos actions et toutes nos œuvres soient comme un holocauste, une supplication perpétuelle.

 C'est là comme le résumé de tous mes désirs et de tous mes vœux, à ce renouvellement d'année. Je vous les exprime dans toute la sincérité de mon cœur, et vous prie d'agréer le tendre et respectueux attachement avec lequel je suis, en Jésus, Marie, Joseph,

 Mes très chers Frères,

 Votre très humble et très affectionné Frère et serviteur,

              Frère Louis-Marie.

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[1]L'excellent Frère Timothée avait été autorisé à passer au service des RR. Pères Maristes, et nous savons que, chez eux comme chez nous, il a eu constamment une conduite admirable de piété, de ferveur, de bon esprit et de dévouement. Le Révérend Père Poupinel nous écrit que sa mort a été des plus édifiantes et qu'il l'a instamment prié de demander pour lui les prières et pieux suffrages de la Communauté.

[2]  Nous avertir par lettre lorsque les fonds seront prêts : on les fera prendre.

[3]  A ce propos, je ne puis moins faire que de rappeler ici et de recommander très fortement l'Article des Constitutions qui interdit l'usage du café et des liqueurs, après les repas.

Les circonstances difficiles où nous nous trouvons, doivent faire cesser absolument les abus qui se sont introduits sur ce point dans quelques Maisons, à l'occasion des visites et des grandes fêtes.

 

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