Circulaires 175

Théophane

1892-12-27

Circulaire du 27 décembre 1892 : Souhaits de bonne année. - Lettre Encyclique de Léon XIII sur le Rosaire. - Jubilé épiscopal de Sa Sainteté Léon XIII. - Fête de l'Immaculée-Conception à Lyon. - Miracles de Sainte Anne à New-York. - Etudes reli­gieuses. - Exercices de piété des Frères surveillants et autres employés des pensionnats. - Employés et domes­tiques, prendre soin de leur salut. - Enseignement du chant. - Départs pour les Missions. - Chine. Extrait d'une lettre du Frère Marie-Candide. - Colombie. Let­tre du Frère Directeur de Timana. - Laïcisations. Fon­dations d'écoles. - Approbation par le Saint-Siège du Noviciat de Canet de Mar. - Transfert du Noviciat de Saint-Athanase d'Iberville à Saint-Hyacinthe. - Frè­res soldats, retraite donnée par le R. P. Coulange. - Guérison d'un postulant de Mataró attribuée au P. Cham­pagnat. - Défunts. - Le cardinal Howard.

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51.04.01.1892.4

 V. J. M. J.

Saint-Genis-Laval le 27 décembre 1892.

Fête de Saint-Jean.

    Mes Très Chers Frères,

Que la grâce du Dieu tout-puissant, que la charité de Jésus-Christ et la communication du Saint-Esprit soient avec vous tous (Il Cor., 13).

Tel est le souhait que l'apôtre saint Paul adressait aux chrétiens de Corinthe. C'est celui que je vous fais, M. T. C. F., au commencement de cette nouvelle année. Oui, que Dieu soit toujours avec vous, qu'il vous protège par sa grâce, qu'il vous garantisse, par sa Providence, de tous les dangers auxquels vous serez exposés, qu'il adoucisse, par son onction, toutes les épreuves qui pourront vous arriver, qu'il comble par sa bienveillance, tous vos désirs, et qu'il vous délivre de tous maux par le secours de sa miséricorde; qu'il fasse aussi, ce Dieu tout-puissant, que vous soyez toujours avec lui par votre fidélité à observer la Règle, par votre tendre amour pour lui, par votre charité et votre dévouement à votre belle mission.

Saluons cette nouvelle année avec confiance; car, assurément, ce que Dieu a été pour nous dans le passé, il le sera dans l'avenir. Quelles grâces ne nous a-t-il pas départies pendant cette année qui vient de finir ! Rien n'a manqué du côté de Dieu par le passé; il a pourvu avec une libéralité infinie à tous nos besoins corporels et spirituels : moyens de perfection, grâces des sacrements, de la retraite annuelle et des Grands Exercices, il a tout mis à notre disposition pour assurer notre persévérance et notre salut. Si, aux bienfaits qui nous sont personnels, nous joignons les bénédictions que Dieu a répandues sur notre Congrégation, quelles actions de grâces ne lui devons-nous pas!

Voici une nouvelle année que Dieu nous accorde. Pourquoi nous la donne-t-il ? C'est pour mieux le servir que jamais ; prenons-en donc la résolution et appliquons-nous aux vertus particulières à notre état, afin de devenir des religieux fervents, zélés pour sa gloire, de vrais Petits Frères de Marie, de dignes disciples du Père Champagnat.

Ne perdons pas de vue que la nouvelle année qui a commencé un dimanche doit être spécialement consacrée à la Très Sainte Trinité. Nous aurons donc soin d'apporter une attention particulière à la récitation du Gloria Patri et au signe de la croix pour rapporter à l'adorable Trinité toutes nos pensées, tous nos sentiments et toutes nos actions. C'est en recherchant avant tout la gloire de Dieu, en nous immolant entièrement à son service, à l'exemple de Marie notre mère, que nous attirerons sur nous les regards complaisants de Dieu, et que nous verrons se réaliser les souhaits d'heureuse année que nous nous faisons mutuellement.

N'oublions pas non plus, M. T. C. F., ce que nous devons à Marie, notre ressource ordinaire, à Marie qui a tout fait dans notre Congrégation et qui ne cesse de nous protéger si visiblement. Oui, la puissante et immaculée Vierge continue de nous bénir et de nous garder : vous en verrez de nouvelles preuves dans la suite de cette Circulaire.

Courage donc et confiance ! mais si Marie se montre toujours notre mère, montrons-nous toujours ses véritables enfants : aimons-la, soyons zélés pour répandre son culte et pour faire connaître et aimer Jésus-Christ son Fils. C'est pour vous exciter à pratiquer plus parfaitement ce que vous devez à cette divine Mère que je me fais un devoir et un plaisir de vous donner ici l'admirable Encyclique du Saint-Père, le Pontife infaillible. Les enseignements renfermés dans cette admirable Encyclique sont marqués au sceau divin de la vérité. Vous vous ferez un devoir de l'expliquer à vos Elèves dans vos catéchismes et vos instructions. 

LETTRE ENCYCLIQUE DE NOTRE TRÈS SAINT PÈRE

LE PAPE LÉON XIII SUR LE ROSAIRE,

EN L'HONNEUR DE MARIE.

 LEON XIII, PAPE

Vénérables Frères, salut et bénédiction apostolique.

Toutes les fois que l'occasion Nous est donnée d'exciter et d'accroître dans le peuple chrétien l'amour et le culte de la glorieuse Mère de Dieu, Nous sommes inondé d'une joie et d'une satisfaction merveilleuses, non seulement parce que la chose est par elle-même très importante et très féconde en bons fruits, mais aussi parce qu'elle s'harmonise de la plus suave façon avec les sentiments intimes de Notre cœur. En effet, la piété envers Marie, piété que nous avions sucée avec le lait, grandit vigoureusement avec l'âge et s'affermit dans Notre âme; car Nous voyons plus clairement combien était digne d'amour et de reconnaissance Celle que Dieu lui-même aima le premier, et d'une telle dilection, que, l'ayant élevée au-dessus de toutes les créatures, et l'ayant ornée des dons les plus magnifiques, il la choisit pour sa mère. De nombreux et éclatants témoignages de sa bonté et de sa bienfaisance envers Nous, que Nous ne pouvons Nous rappeler sans la plus profonde reconnaissance et sans que nos yeux se mouillent de larmes, augmentèrent en Nous cette même piété et l'enflammèrent plus vivement. A travers les nombreuses et redoutables vicissitudes qui sont survenues, toujours elle a été Notre refuge, toujours Nous avons élevé vers elle Nos yeux suppliants ; ayant déposé dans son sein toutes Nos espérances et toutes Nos craintes, toutes Nos joies et toutes Nos tristesses, Notre soin assidu a été de la prier de vouloir bien se montrer en tout temps Notre mère et d'invoquer la précieuse faveur de pouvoir lui témoigner en retour les sentiments du plus tendre des fils.

Lorsque, dans la suite, par un mystérieux dessein de la Providence de Dieu, il est arrivé que Nous ayons été appelé à cette chaire du bienheureux Pierre, pour représenter la personne même de Jésus-Christ dans son Eglise, ému du poids énorme de cette charge et n'ayant, pour Nous soutenir, aucune confiance dans Nos propres forces, Nous avons sollicité avec plus d'instances les secours de l'assistance divine, par la maternelle intercession de la bienheureuse Vierge. Notre espérance, Nous sentons le besoin de le proclamer, n'a jamais été déçue dans le cours de Notre vie, ni surtout dans l'exercice de Notre suprême apostolat. Aussi, cette même espérance Nous porte-t-elle maintenant à demander, sous les mêmes auspices et par la même intervention, des biens plus nombreux et plus considérables, qui contribuent également au salut du troupeau du Christ et à l'heureux accroissement de la gloire de l'Eglise.

Il est donc juste et opportun, Vénérables Frères, que Nous excitions tous Nos fils, et que vous les exhortiez après Nous, à célébrer le prochain mois d'octobre, consacré à Notre-Dame et Reine auguste du Rosaire, avec le redoublement de piété que réclament les besoins toujours grandissants.

Par quels nombreux moyens de corruption la malice du siècle s'efforce d'affaiblir et d'extirper entièrement la foi chrétienne et l'observance de la loi divine qui nourrit la foi et lui fait porter des fruits, ce n'est déjà que trop visible; déjà le champ du Seigneur, comme sous un souffle empesté, est presque couvert d'une végétation d'ignorance religieuse, d'erreurs et de vices. Et ce qui est plus cruel à penser, loin qu'un frein soit imposé, ou que de justes peines soient infligées à une perversité si arrogante et si coupable, par ceux qui le peuvent et surtout qui le doivent, il arrive le plus souvent que leur inertie ou leur appui semble accroître la force du mal.

De là vient qu'on a à déplorer, avec raison, que les établissements publics où sont enseignés les sciences et les arts soient systématiquement organisés de façon que le nom de Dieu n'y soit pas prononcé, ou y soit outragé ; à déplorer que la licence de publier par des écrits ou de faire entendre par la parole toutes sortes d'outrages contre le Christ-Dieu et l'Eglise, devienne de jour en jour plus impudente. Et ce qui n'est pas moins déplorable, c'est cet abandon et cet oubli de la pratique chrétienne qui en sont résultés pour beaucoup et qui, s'ils ne sont pas une apostasie ouverte de la foi, y mènent certainement, la conduite de la vie n'ayant plus aucun rapport avec la foi. Celui qui considèrera la confusion et la corruption des plus importantes choses, ne s'étonnera pas si les nations affligées gémissent sous le poids de la colère divine et frémissent dans l'appréhension de calamités plus graves encore.

Or, pour apaiser la justice de Dieu offensé et pour procurer à ceux qui souffrent la guérison dont ils ont besoin, rien ne vaut mieux que la prière pieuse et persévérante, pourvu qu'elle soit unie avec le souci et la pratique de la vie chrétienne, ce que Nous croyons devoir être principalement obtenu par le Rosaire en l'honneur de Marie.

Son origine bien connue, que glorifient d'illustres monuments et que Nous-même avons plus d'une fois rappelée, atteste sa grande puissance. En effet, à l'époque où la secte des Albigeois, qui se donnait l'apparence de défendre l'intégrité de la foi et des mœurs, mais qui, en réalité, les troublait abominablement et les corrompait, était une cause de grandes ruines pour beaucoup de peuples, l'Eglise combattit contre elle et contre les factions conjurées, non pas avec des soldats et des armes, mais principalement en opposant la force du très saint Rosaire, dont la Mère de Dieu elle-même donna le rit à propager au patriarche Dominique ; et ainsi, magnifiquement victorieuse de tous les obstacles, elle pourvut, et alors et dans la suite, pendant des tempêtes semblables, au salut des siens, par un succès toujours glorieux. C'est pourquoi, dans cette condition des hommes et des choses que Nous déplorons, qui est affligeante pour la religion, très préjudiciable au bien publie, nous devons tous prier en commun, avec une égale piété, la sainte Mère de Dieu, afin d'éprouver heureusement, selon nos désirs, la même vertu de son Rosaire.

Et, en effet, lorsque nous nous confions à la Mère de la Miséricorde, disposée de telle sorte à notre égard que, quel que soit le besoin qui nous presse, surtout pour l'acquisition de la vie immortelle, elle vient aussitôt et d'elle-même, même sans être appelée, toujours à notre aide, et elle nous donne du trésor de cette grâce dont elle reçut de Dieu, dès le principe, la pleine abondance afin de devenir digne d'être sa mère. Cette surabondance de la grâce, qui est le plus éminent des nombreux privilèges de la Vierge, l'élève de beaucoup au dessus de tous les hommes et de tous les anges et la rapproche du Christ plus que toutes les autres créatures : « C'est beaucoup pour un saint de posséder une quantité de grâce suffisante au salut d'un grand nombre; mais s'il en avait une quantité qui suffît au salut de tous les hommes du monde entier, ce serait le comble ; et cela existe dans le Christ et dans la Bienheureuse Vierge. » (S. Thomas).

Lors donc que nous la saluons pleine de grâce par les paroles de l'ange et que nous tressons en couronne cette louange répétée, il est à peine possible de dire combien nous lui sommes agréables et nous lui plaisons: chaque fois, en effet, nous rappelons le souvenir de sa sublime dignité, et de la rédemption du genre humain que Dieu a commencée par elle ; par là aussi se trouve rappelé le lien divin et perpétuel qui l'unit aux joies et aux douleurs, aux opprobres et aux triomphes du Christ pour la direction et l'assistance des hommes en vue de l'éternité. Que s'il a plu au Christ, dans sa tendresse, de prendre si complètement notre ressemblance et de se dire et se montrer à tel point fils de l'homme et notre frère, afin de mieux faire éclater sa miséricorde envers nous, « Il a dû devenir semblable en tout à ses frères, afin d'être miséricordieux » (Hébr., 11, 17) ; de même Marie, qui a été choisie pour être la Mère de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui est notre frère, a été élevée par ce privilège au-dessus de toutes les mères, pour qu'elle répandît sur nous et nous prodiguât sa miséricorde.

En outre, si nous devons au Christ de nous avoir fait participer au droit qui lui appartenait en propre d'avoir Dieu pour père et de lui en donner le nom, nous lui devons également de nous avoir tendrement communiqué le droit d'avoir Marie pour mère et de lui en donner le nom. Et comme la nature elle-même a fait du nom de mère le plus doux d'entre tous les noms, et de l'amour maternel, comme le type de l'amour tendre et dévoué, la langue ne peut pas exprimer, mais les âmes pieuses sentent combien brûle en Marie la flamme d'une affection généreuse et effective, en Marie qui est, non pas humainement, mais par le Christ, notre mère.

Ajoutons qu'elle voit et qu'elle connaît beaucoup mieux que tout autre ce qui nous concerne ; les secours dont nous avons besoin dans la vie présente, les périls publics ou privés qui nous menacent, les difficultés et les maux dans lesquels nous nous trouvons, surtout la vivacité de la lutte pour le salut de notre âme contre des ennemis acharnés, en tout cela et dans les autres épreuves de la vie, bien plus que toute autre, elle peut et elle désire apporter à ses fils chéris la consolation, la force, les secours de tout genre. C'est pourquoi adressons-nous à Marie hardiment et avec ardeur, la suppliant par ces liens maternels qui l'unissent si étroitement à Jésus et à nous; invoquons avec piété son assistance par la prière qu'elle a elle-même désignée et qui lui est si agréable; alors nous pourrons nous reposer avec sécurité et allégresse dans la protection de la meilleure des mères.

Au titre de recommandation pour le Rosaire qui ressort de la prière même qui le compose, il faut ajouter qu'il offre un moyen pratique facile d'inculquer et de faire pénétrer dans les esprits les dogmes principaux de la foi chrétienne, ce qui est un autre titre très noble de recommandation. Il est de foi, avant tout, que l'homme monte régulièrement et sûrement vers Dieu, et qu'il apprend à révérer d'esprit et de cœur la majesté immense de ce Dieu unique, son autorité sur toutes choses, sa souveraine puissance, sa sagesse, sa providence « Il faut, en effet, que celui qui s'approche de Dieu croie qu'il existe et qu'il récompense ceux qui le cherchent. » (Héb., XI, 6). Mais parce que le Fils éternel de Dieu a pris l'humanité, qu'il luit à nos yeux et se présente comme la voie, la vérité et la vie, il est, à cause de cela, nécessaire que notre foi embrasse les profonds mystères de l'auguste Trinité des personnes divines et du Fils unique du Père, fait homme: « La vie éternelle consiste à vous connaître vous, le seul vrai Dieu, et celui que vous avez envoyé, Jésus-Christ. » (S. Jean, XVIII, 3). Dieu nous a gratifiés d'un immense bienfait lorsqu'il nous a gratifiés de cette sainte foi : par ce don, non seulement nous sommes élevés au-dessus de la nature humaine, comme étant- devenus contemplateurs et participants de la nature divine, mais nous avons un principe de mérite supérieur pour les célestes récompenses; et, en conséquence, nous avons la ferme espérance que le jour viendra où il nous sera donné de voir Dieu, non plus par une image tracée dans les choses créées, mais en lui-même, et de jouir éternellement du souverain bien.

Mais le chrétien est tellement préoccupé par les soucis divers de la vie et si facilement distrait par les choses de peu, que, s'il n'est pas souvent averti, il oublie peu à peu les choses les plus importantes et les plus nécessaires et qu'il arrive ainsi que sa foi languit et même s'éteint.

Pour préserver ses fils de ce grand péril de l'ignorance, l'Eglise n'omet aucun des moyens suggérés par sa sollicitude et sa vigilance, et le Rosaire en l'honneur de Marie n'est pas le dernier qu'elle emploie dans le but de venir en aide à la foi. Le Rosaire, en effet, avec une très belle et fructueuse prière revenant dans un ordre réglé, amène à contempler et à vénérer successivement les principaux mystères de notre religion : ceux en premier lieu, par lesquels le « Verbe s'est fait chair » et Marie, mère et toujours vierge, accepte avec une sainte joie cette maternité ; ensuite les amertumes, les tourments, le supplice du Christ souffrant, qui ont payé le salut de notre race; puis, ses mystères glorieux, son triomphe sur la mort, son ascension dans le ciel, l'envoi du Saint-Esprit, la splendeur rayonnante de Marie reçue par-dessus les astres, enfin la gloire éternelle de tous les saints associés à la gloire de la Mère et du Fils.

La série ordonnée de toutes ces merveilles est fréquemment et assidûment présentée à l'esprit des fidèles et se déroule comme sous leurs yeux ; aussi le Rosaire inonde-t-il l'âme de ceux qui le récitent dévotement d'une douceur de piété toujours nouvelle, leur donnant la même impression et émotion que s'ils entendaient la propre voix de leur très miséricordieuse mère leur expliquant ces mystères et leur adressant de salutaires exhortations. C'est pourquoi il est permis de dire que chez les personnes, dans les familles et parmi les peuples où la pratique du Rosaire est restée en honneur comme autrefois, il n'y a pas à craindre que l'ignorance et les erreurs empoisonnées détruisent la foi.

Mais il y a une autre utilité non moins grande que l'Eglise attend du Rosaire pour ses fils : c'est qu'ils conforment mieux leur vie et leurs mœurs à la règle et aux préceptes de la sainte foi. Si, en effet, selon la divine parole connue de tous : « La foi sans les oeuvres est une foi morte » (Jacq., 11, 20), parce que la foi tire sa vie de la charité et que la charité se manifeste en une moisson d'actions saintes, le chrétien ne tirera aucun profit de sa foi pour l'éternité, s'il ne règle sur elle sa vie : « Que sert à quelqu'un, mes frères, de dire qu'il a la foi, s'il n'a pas les oeuvres ? Est-ce que la foi pourra le sauver ?» (Jacq., 11, 14). Cette classe d'hommes encourra, au jour du Jugement, des reproches bien plus sévères de la part du Christ que ceux qui ont le malheur d'ignorer la foi et la morale chrétiennes ; car ceux-ci ne commettent pas la faute des autres, de croire d'une manière et de vivre d'une autre ; mais parce qu'ils sont privés de la lumière de l'Evangile, ils ont une certaine excuse, ou du moins certainement leur faute est moins grande.

Pour que la foi que nous professons produise l'heureuse moisson de fruits qui convient, la contemplation des mystères peut admirablement servir, en enflammant les âmes à la poursuite de la vertu. Quel sublime et éclatant exemple ne nous offre pas, sur tous les points, l’œuvre de salut de Notre-Seigneur Jésus-Christ !

Le Dieu tout-puissant, pressé par l'excès de son amour pour nous, se réduit à l'infime condition de l'homme ; il habite et il converse fraternellement comme l'un de nous, au milieu de nous, il prêche et il enseigne toute justice aux particuliers et aux foules, maître éminent par la parole, Dieu par l'autorité, il se donne tout entier au bien de tous; il guérit ceux qui souffrent de maladies corporelles, et sa paternelle miséricorde apporte le soulagement aux maladies plus graves des âmes ; à ceux qu'éprouve la peine ou que fatigue le poids des inquiétudes, il adresse le premier le plus touchant appel : « Venez à moi, vous qui travaillez et qui êtes chargés et je vous soulagerai. » (Matth., XI, 28).

Lui-même, alors que nous nous reposons entre ses bras, nous souffle ce feu mystique qu'il a apporté parmi les hommes, et nous pénètre de cette douceur d'âme et de cette humilité, par lesquelles il désire que nous devenions participants de la vraie et solide paix dont il est l'auteur : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos de vos âmes.»  (Matth. XI, 29). Et néanmoins, pour cette lumière de la sagesse céleste et cette insigne abondance de bienfaits dont il a gratifié les hommes, il a éprouvé la haine et les plus indignes outrages de la part des hommes, et, attaché à la croix, il a versé son sang et sa vie, n'avant pas de plus vif désir que de les enfanter à la vie par la mort.

Il n'est pas possible que l'on considère attentivement en -soi-même de tels témoignages de l'immense amour pour nous de notre Rédempteur, sans que la volonté reconnaissante s'enflamme. La force de la foi éprouvée sera si grande que l'esprit de l'homme étant éclairé et son cœur vivement touché, elle l'entraînera tout entier sur les pas du Christ, à travers tous les obstacles, jusqu'à pouvoir répéter cette admirable protestation de l'apôtre Paul : « Qui donc nous séparera de la charité du Christ ? La tribulation ou la pauvreté, ou la faim, ou la nudité ou le péril, ou la persécution, ou le glaive? (Rom., XVIII, 35). « Ce n'est plus moi qui vis, c'est Jésus-Christ qui vit en moi. » (Gal., II, 20).

Mais, de peur que devant les exemples si sublimes donnés par le Christ, Dieu et homme tout à la fois, la conscience de notre faiblesse native ne nous décourage, en même temps que ses mystères, ceux de sa très sainte Mère sont placés sous nos yeux et offerts à notre méditation.

Elle est sortie, il est vraie, de la race royale de David mais il ne lui reste rien des richesses ou de la grandeur de ses aïeux ; elle mène une vie obscure, dans une humble ville, dans une maison plus humble encore, d'autant plus contente de son obscurité et de sa pauvreté, qu'elle peut plus librement élever son esprit vers Dieu et s'attacher à ce bien suprême et aimé par-dessus tout.

Et le Seigneur est avec elle, et il la comble des consolations de sa grâce ; un message céleste lui est envoyé, la dirigeant comme celle qui, par la vertu du Saint-Esprit, donnera naissance au Sauveur attendu des nations. Plus elle admire la sublime élévation de sa dignité et en rend grâce à la bonté du Dieu puissant et miséricordieux, plus elle s'enfonce dans son humilité, ne s'attribuant aucune vertu, et elle s'empresse de se proclamer la servante du Seigneur alors qu'elle devient sa mère. Ce qu'elle a saintement promis, elle l'accomplit avec une sainte ardeur, sa vie étant dès lors en intime communion, pour la joie et pour les larmes, avec celle de son Fils Jésus.

C'est ainsi qu'elle atteindra une hauteur de gloire où personne, ni homme, ni ange, ne s'élèvera, parce que personne ne peut lui être comparé pour le mérite et la vertu ; ainsi, la couronne du royaume d'En-Haut et du royaume d'ici-bas lui est réservée, parce qu'elle deviendra l'invincible reine des martyrs ; ainsi, dans la cité céleste de Dieu, elle sera assise éternellement, la couronne sur la tête, à côté de son Fils, parce que constamment pendant toute sa vie, plus constamment encore sur le Calvaire, elle aura bu avec lui le calice d'amertume.

Voici donc que, dans sa sagesse et sa bonté, Dieu nous a donné dans Marie le modèle de toutes les vertus le plus à notre portée. En la considérant et la contemplant, nos esprits ne se sentent pas comme écrasés par l'éclat de la divinité ; mais, au contraire, attirés par la parenté d'une commune nature, nous travaillons avec plus de confiance à l'imiter. Si nous nous donnons tout entiers à cette oeuvre, avec son assistance surtout, il nous sera certainement possible de reproduire en nous au moins quelques traits d'une si grande vertu et d'une si parfaite sainteté, et, imitant l'admirable conformité de sa vie à toutes les volontés de Dieu, il nous sera donné de la suivre dans le ciel.

Poursuivons vaillamment et fermement, quelque pénible et quelque embarrassé de difficultés qu'il soit, notre pèlerinage terrestre ; au milieu du labeur et des, épreuves, ne cessons pas de tendre vers Marie des mains suppliantes, en disant avec l'Eglise : « Nous soupirons vers vous, gémissant et pleurant, dans cette vallée de larmes… Tournez vers nous vos regards miséricordieux. Donnez-nous une vie pure, ouvrez-nous un chemin sûr afin que, contemplant Jésus, nous nous réjouissions à. jamais avec vous ! » (Liturgie).

Et Marie, qui, sans avoir jamais subi personnellement l'épreuve, sait combien notre nature est faible et vicieuse, et qui est la meilleure et la plus dévouée des mères avec quel à-propos et quelle générosité elle viendra à notre aide ! Avec quelle tendresse elle nous consolera ! Avec quelle force elle nous soutiendra ! Marchant par la route que le sang divin du Christ et les larmes de Marie ont consacrée, nous sommes certains de parvenir sans difficultés à la participation de leur bienheureuse gloire.

Le Rosaire en l'honneur de la Vierge Marie, dans lequel se trouvent si bien et si utilement réunis une excellente formule de prière, un moyen efficace de conserver la foi et un insigne modèle de vertu parfaite, est donc entièrement digne d'être fréquemment aux mains des vrais chrétiens et d'être pieusement récité et médité.

Nous adressons particulièrement ces exhortations à la « Confrérie de la Sainte Famille » que nous avons récemment approuvée et recommandée. Puisque le mystère de la vie longtemps silencieuse et cachée de Notre-Seigneur Jésus-Christ, entre les murs de la maison de Nazareth, est la raison d'être de cette Confrérie, qui a pour but d'obtenir que les familles chrétiennes s'appliquent à se modeler sur l'exemple de la très sainte Famille, divinement constituée, les liens particuliers qui la rattachent au Rosaire sont évidents, spécialement en ce qui regarde les mystères joyeux qui se sont accomplis lorsque Jésus, après avoir montré sa sagesse dans le temple, « vint », avec Marie et Joseph, à Nazareth, « où il leur était soumis », préparant les autres mystères qui devaient le mieux contribuer à instruire et à racheter les hommes. Que tous les associés s'appliquent donc, chacun dans la mesure de ses moyens, à cultiver et à propager la dévotion du Rosaire.

Pour ce qui Nous regarde, Nous confirmons les concessions d'indulgences que Nous avions faites les années précédentes, en faveur de ceux qui accompliront pendant le mois d'octobre, ce qui est prescrit à cet effet. Nous comptons beaucoup, vénérables Frères, sur votre autorité et votre zèle, pour que le Rosaire soit récité, avec une ardente piété, en l'honneur de la Vierge, secours des chrétiens.

Mais Nous voulons que la présente exhortation finisse, comme elle a commencé, par le témoignage renouvelé avec plus d'instances de Notre reconnaissance et de Notre confiance envers la glorieuse Mère de Dieu. Nous demandons au peuple chrétien de porter à ses autels ses prières suppliantes, et pour l'Eglise, ballottée par tant decontradictions et de tempêtes, et pour Nous-même qui, avancé en âge, fatigué par les labeurs, aux prises avec les difficultés les plus graves, dénué de tout secours humain, tenons le gouvernail de l'Eglise.

En Marie, Notre puissante et tendre Mère, Notre espoir va tous les jours grandissant et Nous est de plus en plus doux. Si Nous attribuons à son intercession de nombreux et signalés bienfaits reçus de Dieu, Nous lui attribuons avec une particulière reconnaissance, la faveur d'atteindre bientôt le cinquantième anniversaire de Notre ordination épiscopale.

C'est assurément une grande chose pour qui considère une si longue durée de ministère pastoral, surtout ayant encore à l'exercer, avec une sollicitude de tous les jours, dans la conduite du peuple chrétien tout entier. Pendant cet espace de temps, en Notre vie, comme en celle de tout homme, comme dans les mystères du Christ et de sa Mère, ni les motifs de joie n'ont manqué, ni de nombreuses et graves causes de douleur n'ont été absentes ; des sujets de Nous glorifier en Jésus-Christ Nous ont été donnés aussi. Toutes ces choses, Nous Nous sommes appliqué avec soumission et reconnaissance envers Dieu, à les faire servir au bien et à l'honneur de l'Eglise.

Dans la suite, car le reste de Notre vie ne sera pas dissemblable, si de nouvelles joies ou de nouvelles douleurs surviennent, si quelques rayons de gloire brillent, persévérant dans les mêmes sentiments et ne demandant à Dieu que la gloire céleste, Nous dirons avec David : « Que le nom du Seigneur soit béni ; Que la gloire ne soit point pour nous, Seigneur, qu'elle ne soit point pour nous, mais pour votre Nom » (Ps. CXII, 2, CXIII, 1).

Nous attendons de Nos fils, que Nous voyons animés pour Nous de tant de pieuse affection, moins des félicitations et des louanges que des actions de grâces, des prières et des vœux offerts au Dieu très bon; pleinement heureux s'ils obtiennent pour Nous que ce qui Nous reste de vie et de force, ce que Nous possédons d'autorité et de grâce, serve uniquement au grand bien de l'Eglise et avant tout à ramener et à réconcilier les ennemis et les égarés que Notre voix appelle depuis longtemps.

Que de la fête prochaine qui, si Dieu le permet, Nous réjouira, s'écoulent pour Nos fils bien-aimés, la justice, la paix, la prospérité, la sainteté et l'abondance de tous les biens ; voilà ce que Notre cœur paternel sollicite de Dieu, voilà ce que Nous exprimons par les paroles divines : « Entendez-moi… et fructifiez comme la rose plantée sur le bord des eaux ; soyez parfumés d'un doux parfum comme le Liban. Fleurissez comme le lis, et donnez votre parfum, et couvrez-vous d'un gracieux feuillage, et chantez le cantique de la louange, et bénissez le Seigneur dans ses oeuvres. Glorifiez son nom, confessez-le de bouche et dans vos cantiques et sur vos cithares… Louez de cœur et de bouche, et bénissez le nom du Seigneur» (Eccl., XXXIX).

Si ces résolutions et ces vœux rencontrent l'opposition des méchants qui " blasphèment tout ce qu'ils ignorent », que Dieu daigne leur pardonner; que par l'intercession de la Reine du très saint Rosaire, il nous soit propice.

Comme augure de cette faveur et comme gage de notre bienveillance, recevez, Vénérables Frères, la bénédiction Apostolique que Nous vous accordons affectueusement dans le Seigneur, à vous, à votre clergé et à votre peuple.

Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 7 septembre 1892, la quinzième année de Notre Pontificat.

LÉON XIII, PAPE. 

JUBILÉ ÉPISCOPAL DE SA SAINTETÉ LÉON XIII.

 A l'occasion du Jubilé, la commission exécutive a invité, par une récente circulaire, tous les enfants des familles catholiques de Rome, à venir le jour de l'Epiphanie, offrir leurs vœux au Saint-Père et recevoir sa bénédiction.

Cette invitation m'a donné la pensée de vous engager, M. T. C. F., à faire prier tous vos enfants, d'une manière particulière, pour Notre Saint-Père le Pape, dans les jours bénis de son Jubilé.

Vous profiterez de cette circonstance pour inspirer à vos enfants un grand attachement au Saint-Père et à la Sainte Eglise Catholique, notre Mère. 

LA FÊTE DE L'IMMACULÉE CONCEPTION A LYON.

 Le grand et magnifique pèlerinage annuel des hommes à Notre-Dame de Fourvière, dimanche 4 décembre, a donné la même édification que les années précédentes.

Partis de la cathédrale de Saint-Jean, ils sont montés sur la colline en récitant le Rosaire à haute voix, et leur défilé a duré une demi-heure. Pendant que l'harmonieux carillon de treize cloches saluait leur arrivée, ils ont pris place, debout et serrés, dans la nouvelle église dont ils ont rempli la vaste enceinte. Il ne devait pas y avoir là moins de quatre mille hommes.

Qu'il était beau d'entendre les chants du Salve Regina, de divers cantiques populaires et du Magnificat, exprimer la foi et la piété de cette assemblée, où dominait la jeunesse, et dans laquelle étaient représentées toutes les conditions. Le R. P. Benoît-Marie, dominicain, a prononcé une belle et touchante allocution; des milliers de regards se dirigeaient vers lui, témoignant d'une sainte avidité pour la parole de Dieu. Il a montré, dans le culte de la sainte Vierge, dispensatrice des grâces du ciel, le remède aux maux qui désolent notre société et qui se manifestent par les erreurs de l'esprit et les faiblesses du cœur. La bénédiction du Saint Sacrement a été donnée par Mgr Leroy, vicaire apostolique du Gabon, en même temps que le bourdon faisait retentir sa voix majestueuse.

Jeudi, jour de la fête, le pèlerinage spécial des Lyonnaises, groupées pour réciter ensemble le Rosaire, s'est organisé sur la place Saint-Jean et a suivi, à quatre jours de distance, le pèlerinage des hommes, bravant une température humide et froide, marchant dans la neige fondue ; elles ont rempli non seulement l'église supérieure, mais encore l'ancienne chapelle.

On se souvient que ce sont les femmes de Lyon qui ont inauguré ces grands pèlerinages, en l'année terrible 1870, par un froid de 10°, au milieu d'un demi-mètre de neige. Les hommes les suivirent alors; mais la jeunesse manquait entièrement, elle était sur les champs de bataille.

Que dire de la populaire illumination? Cette année le temps a été des plus favorables, et l'illumination plus belle que jamais. A la lueur des feux qui embrasent la ville tout entière, en cette soirée bénie, la radieuse imagede Marie, gardienne de la cité, se montre comme dans la vision de l'Apocalypse, revêtue du soleil et couronnée de douze étoiles, et témoigne de la foi de tout un peuple qui a élevé, sur la verte colline, l'un des plus beaux sanctuaires dédiés à la Mère de Dieu, et qui la salue chaque année par un élan spontané, persévérant et universel, depuis le 8 décembre 1852, jour de l'inauguration de cette fête incomparable qui a précédé de deux ans la proclamation du dogme de l'Immaculée Conception.

(Echo de Fourvière). 

LES MIRACLES DE SAINTE ANNE A NEW YORK.

 L'Établissement de nos Frères, à New York, au centre de la cité, a été ouvert au mois de septembre dernier. On lui a donné le nom d'Ecole de la Bonne Sainte-Anne, à l'occasion d'un événement que je suis heureux de vous relater, survenu par la présence des reliques insignes de la mère de la sainte Vierge, opérant de nombreux miracles.

Un grand mouvement catholique, commencé au mois de mai dernier, grandit tous les jours et gagne les Etats-Unis. Ce mouvement doit son origine à l'arrivée d'une relique insigne de sainte Anne envoyée par le Saint-Père à Sainte-Anne de Beaupré, près Québec.

Mgr Marquis, Protonotaire apostolique, arrivait à New York le 1iermai dernier et descendait chez M. l'abbé Tétreau, curé de l'église canadienne française de Saint Jean-Baptiste. Il fit savoir qu'il apportait avec lui, de Rome, une relique insigne de sainte Anne, qu'il avait obtenue sur la demande instante de Sa Sainteté, et qu'il avait lui-même détachée du bras de la bonne sainte que l'on conserve au monastère bénédictin de Saint-Paul-hors-les-Murs, à Rome.

Comme Mgr Marquis devait partir pour Québec, le lendemain même de son arrivée, on le supplia d'exposer la sainte relique à vêpres ce jour-là même. La nouvelle s'en répandit aussitôt dans la paroisse et les environs.

A vêpres, la petite église fut comble, A la fin de l'office, tout le monde voulut vénérer la relique. Un jeune homme de vingt et quelques années, épileptique invétéré, s'approcha de l'autel avec son père, et tomba en convulsions effrayantes sur les gradins mêmes du sanctuaire. Il fallait quatre hommes pour le tenir. Tout le monde fut épouvanté. Mais aussitôt que le Prêtre lui eut touché la poitrine avec la relique, les convulsions et les cris cessèrent. C'était une scène comme on en lit dans les Evangiles. On se sentit en présence de Jésus-Christ; et la même sensation de crainte et d'adoration dont parlent les Evangélistes s'empara de tous ceux qui étaient dans l'église.

La foule s'écoula silencieuse après avoir vénéré, avec un sentiment de foi vive, ce fragment du bras qui avait tant de fois caressé la Mère du Verbe incarné.

Le lendemain, dès la pointe du jour, les portes de l'église Saint Jean-Baptiste se trouvèrent assiégées par une foule compacte qui augmentait, à chaque heure, jusque vers onze heures du soir. Mgr Marquis dut ajourner son départ. On parlait de guérisons miraculeuses en grand nombre, et l'on accourait des faubourgs, de la grande ville et de toutes les villes circonvoisines. Durant les trois semaines qui s'écoulèrent jusqu'au 21 mai, près de 300.000 personnes sont venues vénérer la précieuse relique de la bonne sainte Anne.

Décrire ce qui s'est passé pendant ce temps serait trop long. Nuit et jour, la petite église était assiégée par des milliers de personnes dont la plupart devaient rester dehors dans la rue, pendant que les prêtres à l'intérieur s'efforçaient de satisfaire la pieuse attente de ceux qui remplissaient l'église. Dans la rue, des officiers de police maintenaient la foule des arrivants sur le parapet du côté de l'église. A mesure que l'église se vidait, ce flot vivant s'avançait lentement dans le sanctuaire. On ne parlait pas, on ne s'impatientait pas. Tout le monde priait et attendait en silence le moment où la sainte mère de la Vierge Marie lèverait sur eux le bras qui leur donnerait la santé de l'âme ou celle du corps.

Les six derniers jours avant le départ de Mgr Marquis (on eut un temps affreux), la foule des pèlerins ne fit qu'augmenter. Le vent soufflait avec violence et une pluie torrentielle inondait la rue. Mais le flot des pèlerins était toujours là, s'avançant insensible à la furie des éléments et soutenu par une foi surhumaine. Ces masses d'hommes, de femmes et d'enfants (infirmes, malades, estropiés), pendant que la tempête sifflait au-dessus de leurs têtes, stationnaient dans la rue, obéissant avec la docilité de petits écoliers à la direction des braves officiers de police. Dieu bénissait par des grâces signalées cette foi vivante dont le Nouveau-Monde n'avait jamais eu le spectacle. Aujourd'hui que la petite église canadienne française est devenue sanctuaire national de la bonne sainte Anne, on nous écrit de tous les coins du pays le récit de quelque guérison merveilleuse opérée durant ces jours d'épreuve, d'attente et de ferventes prières.

Dans l'intérieur de l'église, les prêtres se succédaient depuis la pointe du jour, l'un dirigeant les mouvements de la foule compacte, l'autre uniquement occupé à faire baiser les saintes reliques, à cette procession sans fin de malades, de besogneux spirituels, d'enfants dévoués de la Vierge Marie, désireux de vénérer le bras qui avait tenu la Mère du Sauveur. On priait, les yeux fixés sur le prêtre et sur le reliquaire qu'il tenait. Tous ces visages, tournés vers la présence invisible, mais sensible de Jésus, le médecin du corps et des âmes, brillaient d'un éclat surnaturel.

Les reporters protestants des grands journaux restaient là pendant des heures, immobiles, touchés jusqu'au fond de l'âme et observant ce double flot mouvant, avec des malades et des estropiés, entrant et sortant sans cesse, priant, espérant et les yeux de l'âme levés vers Dieu et ses Saints.

Des protestants de haute distinction sollicitaient la permission de rester dans les bancs de l'église, pour étudier ce phénomène d'un peuple catholique mû par la foi des anciens jours.

Ce calme et cet ordre étaient quelquefois interrompus par les cris de joie poussés par quelque miraculé que la bonne sainte Anne avait guéri sur place. Et à ces cris répondaient les acclamations et les bénédictions de la foule. Un jeune boiteux qui venait de sortir guéri, après avoir laissé ses béquilles au pieds de la statue de sainte Anne, criait et pleurait de joie, et tout le monde de crier et de pleurer comme lui !

Ces scènes se renouvelèrent journellement jusqu'au 20 mai. Enfin, quand il fallut emporter la relique, M. l'abbé Tétreau, au milieu des sanglots de ses bons paroissiens, leva la sainte relique au-dessus de sa tête, et les bénit tous, eux et leurs familles… Puis, comme il se dirigeait vers la porte, on l'arrêtait à chaque pas, on montait sur les bancs ; on étendait les bras vers la relique, comme si c'était la bonne sainte elle-même : « Adieu, adieu, sainte Anne ! criait-on… Revenez vite, bonne sainte Anne… Oh! oui, revenez, revenez!» criait-on partout.

En effet, elle devait revenir pour sa fête au mois de juillet, et nous allons dire par quels prodiges et quels bienfaits elle a signalé sa première et sa seconde visite.

La Supérieure générale des Sœurs de charité au mont Saint-Vincent se mourait d'un mal incurable ; elle avait supplié Sa Grandeur, Mgr l'archevêque de New York de lui procurer la faveur de vénérer la sainte relique. M. le curé Tétreau se rendit aux désirs de Monseigneur qui le fit conduire dans sa propre voiture avec le sacristain de la cathédrale. Contre toute attente, la malade put, dès le lendemain, se lever et se promener au jardin. Aujourd'hui elle est parfaitement guérie.

Il y a quatre semaines, la Sœur Irène, supérieure de l'asile des enfants trouvés, était à son tour mourante. Elle avait reçu les derniers sacrements et les médecins avaient épuisé pour elle toutes les ressources de leur art. La Supérieure générale accourt là-dessus. Elle espère que sainte Anne fera pour la chère mourante ce qu'elle avait déjà fait pour elle-même. Elle obtient de Monseigneur que l'on apporte la relique à l'agonisante. La guérison fut prompte et instantanée. On supplia M. Tétreau, avant de quitter la maison, de faire baiser la relique à toute la communauté. Or, il y avait là une jeune fille de dix-sept ans qui avait complètement perdu l'ouïe depuis son enfance. Elle n'eût pas plutôt baisé la sainte relique que sa surdité disparut complètement. Le lendemain elle venait à l'église de Saint Jean-Baptiste rendre grâce à la bonne sainte Anne, au pied de sa statue, et faire enregistrer son nom sur la longue liste des miraculés.

Mgr Marquis était parti le 20 mai, emportant avec lui la relique destinée par notre Saint-Père le Pape à Sainte-Anne de Beaupré. Il revint avec une autre relique non moins insigne, le 16 juillet, au moment où les paroissiens de Saint Jean-Baptiste allaient commencer une neuvaine en l'honneur de sainte Anne.

Durant ces neuf jours, malgré la chaleur accablante, ce fut la même affluence qu'au mois de mai précédent. Comme à Lourdes, au milieu de ces multitudes poussées et inspirées par la même foi vivante et invincible, une atmosphère céleste remplissait cette petite église, saisissait et pénétrait chacun de ceux qui y entraient…

Or, un jour, pendant qu'un Chanoine faisait vénérer la relique à la foule compacte qui remplissait le sanctuaire, on lui apporta un billet d'un curé, le suppliant de venir à la porte de l'église où une malade l'attendait.

C'était une protestante de très bonne famille, percluse depuis huit ans, qui disait à tout le monde qu'elle savait que sainte Anne allait la guérir. Malgré la vive opposition de sa riche famille, elle s'était rendue à notre petit sanctuaire pour vénérer la sainte relique. Aussitôt qu'elle l'eut baisée, elle s'écria : Je suis guérie ! Elle descendit de voiture, se rendit à l'église, pleurant de joie et bénissant Dieu et la grande sainte en qui elle avait mis sa confiance. Arrivée au pied du sanctuaire elle demanda à M. le Chanoine de lui permettre de vénérer la relique une seconde fois. Elle la saisit, la baisa, lui parlant, comme si c'était sainte Anne elle-même, et traversa l'église une seconde fois en disant tout haut à tout le monde qu'elle était désormais catholique romaine.

Rendue à son domicile, voisins et parents la virent avec étonnement sauter hors de la voiture, monter lestement les escaliers jusqu'au quatrième étage pour leur prouver qu'elle était bien guérie.

Elle s'est fait instruire dans la doctrine chrétienne, a reçu le saint baptême avec la ferveur des premiers néophytes et se dispose à agrandir le sanctuaire de sa sainte protectrice.

Durant la neuvaine solennelle qui se termina le 26 juillet, fête de sainte Anne, chaque jour fut marqué par des guérisons extraordinaires, sans compter les guérisons inespérées, opérées dans les âmes.

Un ecclésiastique, qui ne quittait pas le sanctuaire, dit, la veille de la fête : «Vous allez voir que sainte Anne fera quelque chose d'extraordinaire aujourd'hui ou demain. » En effet, le soir même, on apporta un garçon de quinze ans qui avait une grave lésion de la moelle épinière. Il était tout difforme et avait l'air d'un enfant de sept ans.

Deux hommes le déposèrent aux pieds du prêtre. Sa guérison fut instantanée. Il se leva subitement, se tint ferme et se mit à courir, laissant, devant la statue de sainte Anne, ses béquilles et l'appareil métallique qui maintenait ses membres en place. Tout le monde pleurait.

Pour lui, il se hâta de retourner à sa maison. Le lendemain il revint avec une jeune fille de ses parents ou de ses voisins, encore plus estropiée que lui. Elle aussi fut guérie sur place.

Le soir, avant de clore les exercices de la neuvaine, on chanta le Magnificat et le Te Deum avec un entrain et un enthousiasme indescriptibles.

   La dévotion à sainte Anne va produire dans tout le pays des fruits abondants de salut et de bénédiction.

                                        (L'Univers.) 

ETUDES RELIGIEUSES.

 Nous ne savons que trop, M. T. C. F., les tendances de notre temps à tout laïciser ; nous voyons la rage infernale avec laquelle les sectes impies travaillent à la laïcisation de l'enseignement nous gémissons sur les tristes effets qui en résultent nous faisons des vœux pour qu'il soit mis un terme à tout ce qui vise la perte des âmes. Mais ce n'est point assez : Dieu demande de nous l'action ; il exige de nous un zèle et un dévouement proportionnés aux attaques de ses ennemis. Comment répondrons-nous à ses desseins? Ce sera en faisant de toutes nos écoles des écoles vraiment chrétiennes ce sera par le soin que nous apporterons à l'enseignement religieux ; ce sera par notre application à combattre le laïcisme, à nous en défendre nous-mêmes, comme d'un immense danger, qui nous est signalé par ceux d'entre nous qui font l'office de sentinelles.

C'est pourquoi, M. T. C. F., je crois devoir vous rappeler de nouveau à tous l'obligation qui vous est imposée de consacrer chaque jour une heure à l'étude de la religion. (Règles com., chap. IX, art. 15, 1ière ­partie. Guide des Ecoles, chap. II, 2nde partie).

L'étude du catéchisme, la préparation du catéchisme l'obligation de faire le catéchisme, faut-il vous en rappeler l'importance et la nécessité? Puis-je dire là-dessus quelque chose qui n'ait pas été dit ? Pourquoi faut-il que j'aie à y revenir ? Ah ! c'est que je vois l'ennemi de tout bien dresser ses batteries pour vous détourner de votre devoir sur ce point. Pouvez-vous vous croire en sûreté de conscience, si vous avez des négligences réitérées et habituelles à vous reprocher à ce sujet ? Non, vous ne pouvez, sans vous rendre coupables, ne pas apporter à l'enseignement religieux le soin et le zèle que prescrivent et recommandent nos Règles et nos Constitutions.

Veillez donc, C. F. Directeurs, C. F. Vicaires Provinciaux et Visiteurs, veillez soigneusement à ce que les études religieuses se fassent, à ce que l'enseignement religieux se donne partout, selon que les Frères en ont le devoir. Et, pour que ces études se fassent d'une manière plus pratique et plus profitable, je désire que les Frères à qui elles sont imposées tiennent désormais un cahier qui attestera leur application à l'étude de la religion, à la préparation du catéchisme, soit par des demandes, des sous-demandes, des réponses, des explications, soit par des traits et des exemples à citer dans les catéchismes et puisés à bonne source. Ce cahier sera montré aux C. F. Vicaires Provinciaux et Visiteurs à leur passage dans l'Établissement, et ils y apposeront leur visa. Ainsi pourra être contrôlé l'accomplissement d'un devoir auquel nous ne saurions attacher trop d'importance. 

FRÈRES SURVEILLANTS ET AUTRES EMPLOYÉS

DES PENSIONNATS.

 Il est, dans l'emploi de surveillant, un point bien digne d'attirer votre attention : c'est celui qui regarde les exercices de piété. On sait quelle ténacité de volonté il faut à un Frère surveillant pour qu'il n'ait pas de négligences plus ou moins graves à se reprocher à ce sujet. Ce qui laisse en général le plus à désirer, pour nos Frères surveillants, c est la méditation, cet exercice cependant si important et si nécessaire de la vie spirituelle. Une âme privée de l'oraison est une terre sans eau, une terre aride dans laquelle toutes les vertus languissent et finissent par périr.

Pour prévenir un tel malheur, un Frère surveillant et ceux qui ont la charge de veiller sur son âme, ne sauraient trop faire pour qu'il jouisse du bienfait de l'Oraison. Parmi les moyens pratiques, il y a le soin que l'on prend, dans bon nombre de pensionnats, de faire remplacer le Frère surveillant par des Frères qui ont la charité de s'y prêter alternativement ; mais c'est ce qui, pour diverses raisons, ne se fait pas et ne peut se faire partout. Il importe donc de recourir à un moyen sûr et d'une application générale, de mettre tout Frère surveillant dans la possibilité de faire sa méditation : c'est de lui faciliter son lever à l'heure réglementaire, et de lui procurer un livre où il puisse trouver des sujets de méditation pour tous les jours de l'année. C'est ce que je recommande à tous nos Frères Directeurs de pensionnats, en même temps que je conjure nos Frères surveillants, par l'intérêt que je porte à leurs !mes, de faire les plus généreux efforts pour profiter du bienfait de l'oraison.

J'appelle également l'attention des Directeurs sur le soin qu'ils doivent apporter à ce que les Frères surveillants et les Frères chargés du temporel dans les pensionnats fassent ensemble, chaque jour, à heure fixe, la lecture spirituelle prescrite par la Règle. 

EMPLOYÉS ET DOMESTIQUES.

 Nous devons traiter avec une bonté toute chrétienne les personnes employées dans nos Établissements.

Les domestiques sont, sans doute, l'objet d'une vigilance et d'une sollicitude spéciales par rapport à leur conduite, soit à l'intérieur, soit à l'extérieur de nos Établissements; mais cette vigilance doit surtout s'étendre à leur instruction religieuse, à l'accomplissement de leurs devoirs envers Dieu, tels que la prière, l'assistance aux offices de l'Eglise, la fréquentation des sacrements, etc.

Un Frère doit donc être chargé de présider les prières, matin et soir, des employés internes et d'instruire sur la religion ceux qui en ont besoin. 

ENSEIGNEMENT DU CHANT.

 Il y a plus de vingt-cinq ans qu'on petit lire dans l'avertissement des Principes du Plain-Chant : « Le meilleur moyen de parvenir à cette exécution (la belle exécution du chant qui convertit Augustin), serait l'enseignement journalier du chant dans toutes les écoles.»

Depuis, nombre de voix autorisées et compétentes ont  proclamé cette vérité et fait ressortir l'influence du chant en général sur le physique et le moral de l'homme, et du Plain-Chant en particulier pour ramener le peuple dans nos temples et le porter à la piété.

Les écoles catholiques de Lyon ont mis ce conseil en pratique, en établissant des leçons de chant dans toutes les classes, et elles ont prouvé, par l'expérience, que ces leçons ne nuisent en rien aux autres parties de l'enseignement.

L'Institut, qui s'était mis à la tête de ce mouvement, ne saurait, se laisser devancer. Les prescriptions du Guide relatives au chant ne peuvent rester lettre morte. Les éloges et les encouragements donnés dans les Circulaires et les réunions de retraite, disent assez que le chant doit nous être cher à l'égal du catéchisme, puisqu'il concourt si efficacement au même but. Pour arriver à un bon résultat, il faut, comme pour le catéchisme, des leçons de chant régulièrement données tous les jours de classe.

Je prescris donc de nouveau ces leçons dans nos écoles. Notre tableau de Plain-chant peut y aider efficacement (il est depuis plusieurs années dans les écoles de Lyon).

Les Frères Provinciaux et Visiteurs donneront, cette année, une composition de chant dans chaque Établissement, afin d'arriver à établir l'enseignement régulier du Chant et de concourir ainsi au bien que le Père Champagnat nous demande, en particulier, et que l'Eglise attend de tous les instituteurs religieux. 

Faits de L'année 1892 intéressant la Congrégation. 

Départs pour les Missions.

 

1° Le 12 janvier 1892, sont partis de Marseille pour la Colombie : F. Claver, F. Vibien, F. Olypius, F. Justus, F. Judicaël, F. Mucianus.

2° Le 4 février 1892, de Glasgow pour le Canada F. Louis-Raphaël, F. Pierre-Vincent, F. Jean-Honoré F. Joseph-Armand.

3°  Le 18 février 1892, de Londres, par le Drummond-Castle pour l'Afrique du Sud: F. Florence-Mary, F. Mary-Calixte, F. Mary-Valérian.

4° Le 1er avril 1892, de Marseille pour les Seychelles : F. Bénildus accompagné du F. Adventor.

5° Le 30 avril 1892, du Havre pour New York F. Patrice, F. Oreste.

6° Le 7 juillet 1892, de Liverpool pour le Canada : F. Angélicus, F. Zéphyriny, F. Gabriel-Marie, F. Oduwald, F. Jean-Casimir, F. Mary-Thaddéus, accompagnés par le F. Emiliani.

7°, Le 12 août 1892, de Barcelone pour la Colombie : F. Royer, F. Calanique, F. Adalbert, F. Hérodion, F. Théophylacte, F. Cléonicus.

8° Le 13 août 1892, du Havre pour New York F. Virgilius, F. Adalbérini, F. Aubert.

9° Le 21 août 1892, de Marseille pour Aden (Arabie) : F. Marie-Amateur, F. Guibertus, F. Marie-Anthelme.

10° Le 4 septembre 1892, de Marseille pour Constantinople : F. Acyndinus, F. Emile-Etienne, F. Marie-Agilbert, F. Louis-Rupert.

11° Le 18 septembre 1892, de Marseille pour Lagha (Algérie) : F. Flavitus, F. Joseph-Pascal, F. Théophanès, F. Hérébaldus, F. Marie-Justin, F. Louis-Auguste, F. Dagobert.

12° Le 22 septembre 1892, de Marseille pour Aïn-Témouchent (Algérie) : F. Amédéus, F. Joseph-Elvard, F. Marie-Anicétus, F. Romualdus.

13° Le 3 novembre 1892, de Marseille pour Nouméa : F. Libératus, F. Philomène-Joseph.

14° Le 19 novembre 1892, de Southampton pour Uitenhage (Afrique du Sud) : F. Albert, F. Fourrier, F. Eustérius, accompagnés du F. Emiliani.

 

Ces 14 départs comprennent 55 Frères. 

Il 

Mission de Chine. 

EXTRAIT D'UN RAPPORT DU CHER FRÈRE MARIE-CANDIDE 

                       Pékin collège de L'Immaculée-Conception.

 Une année s'est écoulée depuis que nous avons pris la direction du collège ; je suis heureux de vous présenter un rapport sommaire de l'année.

Nous avons à bénir le bon Dieu de la protection manifeste dont il n'a cessé de nous entourer. Cette première année a été bonne et nos débuts ont été heureux à tous égards.

Nos enfants nous ont également procuré bien des consolations. Ils savaient peu de français. Nous ne connaissions pas un mot de chinois, néanmoins nous nous sommes parfaitement entendus. Leur respect, leur soumission, leur docilité, leur bon esprit enfin ont toujours été tels que nous pouvions les souhaiter.

L'empressement qu'ils ont mis à profiter de nos leçons, nous permet de concevoir les plus belles espérances pour le jour prochain où nous pourrons être compris de tous.

En rapprochant les résultats obtenus pendant cette année de début, et les témoignages que nous avions recueillis bien souvent sur les enfants chinois, nous sommes portés à croire que ces pauvres enfants ont été jugés un peu trop sévèrement.

Au point de vue de la discipline, nous nous sommes montrés faciles. Nous avions à étudier les usages et les mœurs, le système établi, etc. Néanmoins, grâce à Dieu et à l'aide de nos notes hebdomadaires, mensuelles et trimestrielles, par l'emploi des principes d'éducation usités en France et sans avoir recours aux pénitences afflictives, l'ordre relatif a régné dans la maison.

Il nous tarde de connaître suffisamment le chinois pour devenir de véritables auxiliaires des Missionnaires.

L'état du personnel comprend 4 professeurs chinois, 145 élèves, parmi lesquels 38 internes dont 12sont entretenus aux frais de la Mission et du collège.

Les élèves baptisés dans l'année sont au nombre de 4 et nous avons encore 35 païens. 

III

Mission de Colombie.

                Le Frère Directeur de Timana nous écrit

« Je suis très heureux de vous annoncer que nous arrivons à Timana aujourd'hui, 1ieravril. Notre voyage a duré neuf jours, par des chemins qui ne se voient que dans les Andes de Colombie. Nous avons dû franchir une montagne de 3.800 mètres d'altitude, et non loin de l'endroit où nous avons passé, un pic s'élevait à 4.200 mètres : il recevait de la neige, et nous de la pluie. Les paysages d'ailleurs sont magnifiques. Partout nous avons été bien reçus et les populations se montrent enthousiastes pour les Frères. A un pays de 8.000 âmes, nommé le Pital, les principaux habitants vinrent nous recevoir à cheval ; on fit partir des centaines de fusées et de serpenteaux, et la fanfare joua quelques-uns de ses plus beaux morceaux en notre honneur. Nous fûmes logés et servis à table par les membres de la famille la plus riche du pays ; les principales notabilités vinrent nous rendre visite en exprimant toutes le désir et l'espoir d'avoir un jour des Frères. Jugez si nous étions confus de pareils honneurs.

« Dans toutes les localités où nous nous sommes arrêtés, ç'a été à peu près la même chose. Plus tard, mon Révérend Frère Supérieur, je vous donnerai des détails sur le pays. En attendant, nous avons à rendre à Dieu mille actions de grâces pour la protection visible dont il nous a favorisés pendant ce voyage. Durant ces neuf jours de marche, pas un de nous ne s'est laissé tomber de cheval; seul le Frère M. a été obligé de changer trois fois le sien, parce qu'il ne savait pas bien le conduire. Dieu seul pourtant et le voyageur savent quels chemins il faut suivre pour aller au Tolima[1]! »

Les classes furent ouvertes le 24 du même mois, et elles comptent en ce moment de 150 à 160 élèves qui donnent aux Frères beaucoup de consolations.

L'établissement d'Elias n'a pas encore été inauguré parce que la maison n'était pas achevée; mais nous espérons qu'il pourra l'être prochainement, grâce au concours dévoué des habitants de la localité et des pays environnants.

Le passage suivant, emprunté encore à une lettre du Frère directeur de Timana, nous montre à l’œuvre, la foi généreuse de ces religieuses populations en même temps que leur désir d'avoir bientôt une école où ils puissent faire élever chrétiennement leurs enfants. 

                                       Timana, le 1ier mai 1892.

 « Le pensionnat d'Elias ne se finit pas encore; cependant une douzaine d'ouvriers y travaillent journellement, et les populations de la région montrent un empressement admirable. Ces jours derniers, on avait fait appel aux hommes de bonne volonté afin qu'ils vinssent aider gratuitement à avancer les travaux du collège et nous allâmes visiter ces bons ouvriers. D'un même pays, appelé le Pitalito, ils étaient venus mille huit cents hommes, leur curé en tête, et deux cents femmes. Ces bonites gens restèrent deux jours sur le chantier, n'attendant leur salaire que du bon Dieu et de saint Louis, qui est le patron du pensionnat, et au­quel ils ont une grande dévotion. M. le Curé de Timana m'a dit que c'était la septième fois que les habitants de divers pays venaient ainsi travailler pour activer la construction du pensionnat Saint-Louis.                    

C'est de cette façon que nos pères ont élevé leurs cathédrales, au moyen âge.

Les détails nous manquent encore sur Palmira, qui est de fondation toute récente ; mais il est certain, dès à présent, que c'est parmi nos Établissements de Colombie un de ceux qui ont le plus d'avenir.

Palmira est une ville florissante, dont la population est actuellement de treize à quatorze mille âmes, et qui progresse rapidement. Elle jouit d'un excellent climat et, ce qui n'est pas sans avantage pour nous, elle est située tout près de Cali. L'Établissement ne compte actuellement que cinq Frères ; mais il pourra prendre un développement beaucoup plus grand dès que nous serons en mesure de fournir des sujets.

Nous avons là, M. T. C. F., un puissant motif de bénir la Providence, qui nous ménage ces consolations au milieu des tristesses qui nous viennent d'ailleurs ; mais aussi de la prier qu'elle continue à tout faire chez nous ; car il faut répéter plus que jamais le mot de notre pieux Fondateur : « Si le Seigneur ne bâtit lui-même  la maison, c'est en vain que travaillent ceux qui l'édifient. » 

IV 

Laïcisations. – Fondations d'écoles. 

En exécution de la loi du 30 octobre 1886, les dernières écoles communales que nous dirigions ont été laïcisées dans l'année, savoir : Beaubery (Saône-et-Loire), La Bastide (Ardèche), Saint-Alban-d'Ay (Ardèche), Grandris (Rhône), Perreux (Loire), Sainte-Foy-l'Argentière (Rhône), Varennes-sous-Dun (Saône-et-Loire).

Des écoles libres ont été immédiatement ouvertes dans tous ces postes, à l'exception de Beaubery. Nous avons dû nous retirer de Somain (Nord) et de Marsanne (Drôme), faute de ressources pour l'entretien des Frères.

L'Institut a pu fonder vingt-deux Établissements nouveaux, savoir :

Saint-Adrien, à Marseille, Francheville (Rhône), Ménetou-Salon (Cher), Sancoins (Cher), Varennes (Allier), Pierrebuffières (Haute-Vienne), Saint-Désirat (Ardèche), Chatuzanges (Drôme), Antibes (Alpes-Maritimes), Cabannes (Bouches-du-Rhône), Saint-Martial (Ardèche), Aden (Arabie), Constantinople (Turquie), New York, Lawrence, Lowel (Etats-Unis), Burgos (Espagne), Canet de Mar (Espagne), Palmira, Timana (Colombie), Greymouth (Nouvelle-Zélande), Aïn-Témouchent (Algérie), L'Agha à Alger. 

Approbation par le Saint-Siège du Noviciat de Canet

             de Mar (Espagne). 

Notre noviciat d'Espagne, d'abord établi à Mataró, collège de Valldemia, ne pouvait, faute d'espace, se développer dans cette maison qui lui était commune avec le pensionnat dont l'importance s'accroît chaque année. La divine Providence nous a ménagé, à. peu de distance de Mataró, et dans un site admirable, un bel Établissement oÙ notre noviciat a pu s'installer dans d'excellentes conditions.

En vue d'obtenir, pour ce Noviciat, l'approbation du Saint-Siège, j'ai adressé à Rome la supplique suivante :

« Très Saint-Père,

« Dévotement prosterné aux pieds de Votre Sainteté, le Frère Théophane, supérieur général de l'Institut des Petits Frères de Marie des Ecoles, supplie humblement Votre Sainteté de vouloir bien autoriser, avec le consentement de l'Ordinaire, selon les Constitutions dudit Institut, l'érection d'un Noviciat dans le nouvel établissement nommé Canet de Mar, diocèse de Gérone, et la faculté de faire célébrer la sainte messe dans la chapelle ou oratoire de cette maison.

« Que Dieu, etc. »

Nous avons reçu cette approbation dans la forme qui suit :

« En vertu des facultés spéciales concédées par Notre Saint-Père le Pape, la Sacrée Congrégation des Eminentissimes et Révérendissimes Cardinaux de la sainte Eglise romaine, préposée aux affaires et consultations des Evêques et Réguliers, sur les Instances du Procureur général, a bénignement accédé à la demande du Supérieur général, avec le consentement de l'Ordinaire de Gérone, pour que le Noviciat soit érigé dans la maison susdite, sous les conditions de droit requises d'après la teneur des saints canons et des constitutions apostoliques, avec pouvoir de célébrer la messe dans ledit oratoire et de l'entendre pour l'accomplissement du précepte.

« Nonobstant toutes choses contraires quelconques. »

Rome, le 26 novembre 1892.

                                                                       J. Card. VERGA, préfet.

11, M. Arch. CÆS., secrét. 

VI 

Canada. 

Transfert du Noviciat à Saint-Hyacinthe.

 Le Noviciat que nous avions d'abord installé à Saint-Athanase­-d'Iberville, et d'où sont déjà sortis bon nombre de Frères Canadiens, vient d'être transféré à Saint-Hyacinthe (le 15 novembre 1892).

C'est à la générosité de Sa Grandeur, Mgr Moreau, évêque de Saint-Hyacinthe, que nous devons en partie cette importante fondation. En vue de préparer les voies à un plus grand développement de notre oeuvre en Canada, Monseigneur nous a fortement pressés d'opérer ce, transfert ; et, pour nous y décider, il nous a fait don de l'emplacement d'une superficie d'environ quatre hectares.

Là, sous la protection de Sa Grandeur et à proximité du Séminaire, notre Noviciat se trouve très bien placé ; le service religieux y est fait par un prêtre du séminaire.

Juvénat. – L’œuvre du Juvénat vient aussi de trouver un généreux bienfaiteur en la personne de M. Saint-Georges, curé de Saint-Athanase. Grâce à sa libéralité, la Congrégation va être mise en possession d'une vaste propriété contenant maison, dépendances et terrain d'une étendue de douze hectares.

Tout nous fait espérer que cette Province naissante du Canada se développera avec l'aide de Dieu, par la protection de la Sainte Vierge et le dévouement de tous les bons Frères appelés à travailler au salut des enfants, dans cette partie si intéressante de l'Amérique du Nord. 

VII 

Nos Frères soldats.

 Nous avons eu, au mois de septembre dernier, la joie de voir entrer nos Frères soldats de la classe de 1888. Sentant la nécessité de leur accorder quelques jours de recueillement pour se retremper dans leurs sentiments religieux, nous avions tout préparé, à Charly, pour leur procurer le grand bienfait d'une retraite. Elle leur a été prêchée par le R. Père Coulange qui venait de donner, à nos Frères appelés à la profession, des preuves de son zèle et du talent avec lequel il sait faire pénétrer dans les âmes les vérités du salut.

Nos Frères soldats ont su, dès les premiers jours, se plier généreusement à tous les sacrifices qui leur étaient demandés pour passer, de la dissipation de la caserne, au silence, au recueillement et à tout ce qu'exigeaient d'eux les saints exercices de la retraite.

Ils en sont sortis tous animés des meilleurs sentiments et résolus de reprendre, avec un nouveau courage leur belle mission auprès des enfants. Nous avons appris, depuis, par eux-mêmes et par leurs Frères directeurs, qu'ils se dévouent avec, zèle à l'éducation des enfants qui leur sont confiés. On m'en a signalé plusieurs comme se montrant les plus pieux et les plus réguliers de leur communauté.

Que Jésus et Marie en soient mille fois bénis ! Qu'ils daignent conserver tous ces bons Frères dans les excellentes dispositions qui les animent !

Nous avons à prier pour ceux que la loi militaire vient d'appeler sous les drapeaux, et qui nous ont quittés après avoir suivi les exercices d'une retraite dans leur maison provinciale respective. Eux aussi, comme ceux des années précédentes, ils auront à passer par les épreuves et les dangers de la caserne. Nous demanderons à Dieu, chaque jour, qu'il daigne conserver tous ces bons Frères dans les heureuses dispositions où ils se trouvaient à leur départ. 

VIII 

Guérison attribuée à l'invocation du P. Champagnat. 

               Mataró, le 7 décembre,

 Mon très Révérend Frère Supérieur Général,

 Je vous ai fait attendre trop longtemps la relation de guérison de notre cher malade ; je crains que le bon Père Champagnat ne m'en veuille quelque peu, pour n'avoir pas mis plus d'empressement à publier la faveur qu'il nous a obtenue.

Voici donc, M. T. R. Frère Supérieur, ce que je puis vous affirmer sur cette guérison extraordinaire.

Dans un de mes derniers voyages à Burgos, je choisissais, entre autres, un jeune homme de seize ans, de forte constitution, et qui ne connaissait la maladie que de nom. Après avoir suivi, pendant quelques mois, la vie du Noviciat, il parut perdre peu à peu la santé; et en juillet dernier, la pâleur que nous avions d'abord remarquée s'accentua, et des points de côté, qui ne l'empêchaient pas pourtant de s'occuper, devinrent plus fréquents.

A l'époque de la prise d'habit, ce cher postulant était désolé de ne point se voir admettre, en raison de son peu de santé; mais, soit le fruit de ses ardentes prières, soit aussi le résultat d'un effort de la nature luttant contre le mal, il nous parut à tous reprendre ses bonnes couleurs et son teint habituel. Il fut donc admis, en définitive, à revêtir le saint habit, le 10 août, à la clôture de la retraite de Mataró.

Peu de jours après, la perte de l'appétit, des essoufflements et des douleurs de côté recommencèrent ; et, le 25 août, vers les quatre heures du soir, le trouvant avec une forte fièvre, je le fis mettre au lit et fis appeler immédiatement le médecin de la maison, lequel, étant hors du pays, fut suppléé par son père, docteur égale­ment, et de grande expérience. Ce digne monsieur, après mûr examen, jugea que nous avions un malade en danger et qu'il ne fallait pas le perdre de vue.

Le lendemain matin, 26 août, M. le Docteur, fils, constata la même gravité et déclara que c'était un énorme épanchement pleurétique au côté droit. Il ajoutait que cet épanchement, venu peu à peu et sans fièvre, puis « s'allumant tout à coup de fièvres hautes et paroxystiques » qui arrivent à 40° et plus au thermomètre, faisait croire au caractère purulent du liquide, et qu'en tout cas, si le cher malade n'allait pas rapidement vers le terme fatal, la maladie serait longue.

Vous jugez, mon Très Révérend Frère, si cette déclaration et cette incertitude du docteur, me remplirent, de crainte. Aussi l'idée que me suggéra, le soir même, le cher Frère Directeur du collège, de commencer une neuvaine au Père Champagnat, fut pour moi un trait de lumière ; et, novices et juvénistes à la prière du soir de ce même jour, disaient à haute voix et par trois fois « Buen Padre Champagnat curad à nuestro Hermano enfermo ». (Bon Père Champagnat, guérissez notre Frère malade). A toutes les prières de l'heure, aux prières de sortie et de rentrée des classes, et à tous les exercices de piété de communauté, nous ajoutions la même invocation.

Dans la visite qu’il fit, vingt-quatre heures après celle dont je viens de parler, notre Docteur s'aperçut d'un mieux qui le surprit agréablement; et ce mieux ne cessa de s'accentuer, et si sensiblement que M. le Docteur, qui avait entendu parler de notre neuvaine au P. Champagnat, laissa échapper: le troisième jour, ces paroles : « Il faut que votre fondateur soit puissant. »

Les visites de M. le Docteur devenaient plus rares à mesure que nous nous approchions de la fin de la neuvaine. Lorsqu'elle fut terminée, notre cher malade pouvait se lever et se montrer à la communauté ravie de joie, et intimement convaincue que le bon P. Champagnat, était l'auteur de cette guérison.

M. le Docteur; à qui je demandais son opinion sur ce fait, me répondait : « L'état paroxystique a cessé presque subitement, et tout de suite a commencé l'absorption du liquide, quand je m'y attendais le moins et que j'étais prêt à faire la ponction thoracentèse.» Or, cette absorption spontanée, au terme où les choses étaient arrivées, est, à elle seule, déjà un fait extraordinaire, si l'on tient compte de la rapide disparition de l'épanchement dont il ne reste en si peu de jours que quelques traces.

Maintenant j'ajoute, mon Très Révérend Frère Supérieur, que tous les membres de la communauté du Noviciat, de celle du Juvénat et tous les Frères du collège, qui s'étaient joints à nous pendant la neuvaine, sont persuadés que nous devons de particulières actions de grâces au vénéré P. Champagnat.

Notre petit Frère Saturnino, qui a été l'objet de cette faveur, vaque aujourd'hui à ses occupations, fait ses promenades tout comme les autres. Inutile d'ajouter qu'il a pour le bon Fondateur des sentiments profonds de gratitude et de vénération.

Veuillez agréer, etc.

——————————————– 

La Cause de Béatification de notre pieux Fondateur se poursuit activement à Rome.

Des nouvelles toutes récentes nous donnent lieu d'espérer que cette cause, qui nous est chère à tous, avance aussi rapidement que possible et qu'elle intéresse particulièrement ceux qui en sont chargés.

C'est pour nous, M. T. C. F., un nouveau motif de redoubler de ferveur dans la récitation des trois Ave Maria du matin et du soir.

Vous devez aussi mettre tous vos soins à propager la Petite Vie illustrée,du vénéré Père Champagnat. C'est un moyen très efficace d'exalter les vertus de notre pieux Fondateur, de faire connaître notre Institut et de susciter quelques bonnes vocations. 

IX 

Nos DÉFUNTS. 

F. DONAT, Stable, décédé à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), le 3 juillet.

F. ALBERT Dominic, Profès, décédé à Johannesburg (Transvaal), le. 14 juillet.

F. PAUL-PIUS, Obéissant, décédé à Dumfries (Ecosse), le 24 juillet.

F. JOSEPH-NOEL, Novice, décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 25 juillet.

F. ALPHÉUS, Profès, décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 26 juillet.

F. AUDRY, Profès, décédé à Hunter's Hill, Sydney (Australie), le 17 août.

F. ALDÉRICUS, Obéissant, décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 25 août.

F. VALOIS, Profès, décédé à Notre-Dame de Lacabane (Corrèze), le 4 septembre.

F. PHILON, Profès, décédé à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), le 17 septembre.

F. EUSTATE, Profès, décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 18 septembre.

F. NICOSTRATE, Obéissant, décédé à Burgos (Espagne), le 25 septembre.

F. EXUPERANCE, Profès, décédé à Notre-Dame de Lacabane (Corrèze), le 30 septembre.

F. ARTHAUD, Profès, décédé à Varennes-sur-Allier (Allier), le 9 octobre.

   RAIS AIphonse-François, Juvéniste, décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 12 octobre.

F. EDILBERT, Profès, décédé à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), le 24 octobre.

F. MANSUÉTUS, Profès, décédé à Notre-Dame de l'Hermitage (Loire), le 25 octobre.

F. FLORIN, Obéissant, décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 3 novembre.

F. MARY-THADDÉUS, Obéissant, décédé à Saint-Athanase-d'Iberville (Canada), le 5 novembre.

F. LOUIS-MARIE, Profès, décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 6 novembre.

F. HELIODORUS, Profès décédé à Maillane (Bouches-du-Rhône), le Il novembre.

F.CECILUS, Stable, décédé à Aubenas (Ardèche), le 26 novembre.

F. ANICÉTO, Profès, décédé à Notre-Dame de l'Hermitage (Loire), le 29 novembre.

F. ISIDORE-JOSEPH, Novice, décédé à Varennes-sur-Allier (Allier), le 30 novembre.

F. FAUSTINIEN, Profès, décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 9 décembre.

F. LOUIS-CANDIDE, Novice, décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 21 décembre.

 

Je vous recommande toujours l'exactitude à faire la prière de Règle pour nos Frères, parents et bienfaiteurs défunts. La dévotion aux âmes du purgatoire est une des quatre grandes dévotions que notre pieux Fondateur nous rappelait si souvent.

La présente Circulaire sera lue en Communauté, à l'heure ordinaire de la lecture spirituelle.

Je suis avec la plus tendre affection en Jésus, Marie, Joseph,

Mes Très Chers Frères,

Votre très humble et très dévoué serviteur,

    F. THÉOPHANE.

 

 Son Eminence LE CARDINAL HOWARD. 

Nous avons la douleur de vous annoncer la mort de S. E. le cardinal Howard, notre protecteur auprès du Saint-Siège. Son Eminence a succombé à la suite d'une longue et pénible maladie dont elle souffrait, sans espoir de guérison, depuis 1887. Dans la pensée de prolonger les jours de l'Eminent Prélat, son médecin avait ordonné son séjour en Angleterre. Retiré à Brighton, il sentit d'abord une légère amélioration dans son état, mais la terrible maladie reprit bientôt son cours. Peu à peu il perdit toutes ses forces, et le vendredi 16 septembre dernier, Son Eminence rendait paisiblement son âme à Dieu, après avoir reçu les derniers sacrements.

Je crois vous être agréable et vous intéresser, M. T. C. F. en vous donnant ici un extrait abrégé d'une notice publiée par un journal anglais.

Le cardinal Howard était né le 18 février 1829, à Hainton Hall, dans le Lincolnshire. Il avait hérité non seulement du nom des Howard, mais aussi de leur noble sang. Il était descendant direct des premiers dues de ce nom et de ce comte d'Arundel qui fut la dernière victime du roi Henri VIII. Son père, le capitaine Howard, était catholique.

Le jeune Howard fit son éducation à Oscott et là, à une époque de sa vie d'étudiant, il se crut appelé à la prêtrise. Lorsque ses condisciples, parlant de leurs projets d'avenir, se voyaient déjà généraux, juges, etc. ; « Moi, disait-il, je serai cardinal. » Mais cette idée disparut plus tard ; et, en quittant Oscott, il passa quelque temps à l'étranger, avec le Docteur Wiseman. Puis il se rendit à Edimbourg, avec feu lord Lovat, pour y suivre les cours de l'Université.

Après y avoir passé un certain temps, il entra au 2e Life Guards de la Reine. Il brillait dans les sociétés par sa belle taille, ses manières distinguées et son heureux caractère. Mais une maladie qu'il eut en 1851 fit revivre son désir de servir Dieu et de sauver son âme, dans l'état ecclésiastique.

Pendant l'hiver de cette même année, il fit un voyage en Italie, dans l'intérêt de sa santé ; et, pendant son séjour à Rome, il se sentit de plus en plus confirmé dans son pieux dessein.

Quelque temps après il quitta l'armée et revint à Rome où il entra dans l'Academia pour se préparer à la prêtrise. Il fut ordonné par le cardinal Wiseman, son compatriote et son ami, le 8 décembre 1854, jour mémorable de la définition du dogme de l'Immaculée-Conception de la sainte Vierge Marie.

Son désir le plus ardent, a cette époque, était d'aller aux Indes en qualité de missionnaire. C'est dans cette intention qu'il apprit l'hindoustan, l'arabe et plusieurs langues orientales.

C'est seulement sur les instances de Pie IX, qui avait dit de lui: « C'est un bon jeune homme que mon successeur fera cardinal », qu'il renonça à ses aspirations vers les Missions, et qu'il se fixa à Rome. Il était profondément attaché à Pie IX qui, de son côté, lui témoignait toute la bonté et la tendresse d'un père.

L'étude des langues, à laquelle il s'était livré, lui avait permis d'en apprendre un grand nombre avec une étonnante facilité. Sur la fin de sa vie, le cardinal Howard parlait à peu près toutes les langues de l'Europe, et bon nombre de langues orientales.

Cette connaissance des langues lui permit d'accompagner, en qualité de secrétaire, la députation envoyée aux Indes par Pie IX pour mettre fin au schisme de Goa. Il fut encore envoyé, en plusieurs autres occasions, en mission confidentielle, par le Saint-Père qui avait la plus grande confiance en son habileté et ses lumières. Son séjour à Rome lui permettait aussi d'exercer son zèle sur un plus vaste champ ; il embrassait, dans sa charité, tout ce qui pouvait intéresser la gloire de Dieu et le bien de son Eglise. La conversion de l'Angleterre protestante, sa patrie, et de la Russie schismatique était l'objet de ses vœux et de ses espérances. Il encouragea très activement la fondation de l'Université catholique de Washington, et l'établissement de collèges et de séminaires ecclésiastiques. Le collège Canadien à Rome fut la dernière des œuvres auxquelles il prit part. En 1872, il fut élevé au siège archiépiscopal de Néo-Césarée in partibus infidelium ; et, pendant quelque temps, il fut évêque coadjuteur de Frascati, jolie ville située à environ vingt-deux kilomètres de Rome. En 1877, dans le Consistoire secret du 12 mars tenu au Vatican, le pape Pie IX créa huit cardinaux prêtres, et trois cardinaux diacres Mgr Howard fut du nombre des premiers, à la grande satisfaction des catholiques anglais.

Mgr Cataldi, maître des cérémonies de Sa Sainteté, étant venu lui annoncer son élection et le complimenter, le cardinal Howard répondit en langue italienne qu'il parlait à la perfection. Il exprima sa profonde gratitude au Saint-Père qui, dans la bonté de son cœur et dans l'intention d'avancer les intérêts de l'Eglise, avait jugé à propos de créer, en sa personne, un nouveau cardinal anglais et d'honorer cette nation qui, quoique séparée de l'Eglise, accorde la liberté aux prêtres et aux évêques catholiques.

L'église titulaire assignée au cardinal Howard était celle de Saint-Jean et de Saint-Paul. Le nouveau cardinal prit possession de cette église, en grande cérémonie, le 23 avril 1877. Le 1ier décembre 1881, le cardinal fut nommé archiprêtre de la basilique de Saint-Pierre. Il succéda au cardinal de Borromeo, décédé le 24 mars 1884. Sa Sainteté le Pape Léon XIII éleva le cardinal Howard au rang de cardinal évêque, le nommant au siège suburbain de Frascati.

Cette dignité fut la dernière que reçut le cardinal Howard. Peu de temps après, une longue maladie allait priver l'Eglise des éminents services de ce prélat, et notre Institut de son zélé protecteur.

Les funérailles du cardinal Howard furent célébrées avec une grande solennité, le 27 septembre, dans la chapelle de Fitzallan, au château d'Arundel. La cérémonie fut faite par Mgr Vaughan, archevêque de Westminster, en présence d'un nombre considérable d'évêques, de prêtres, de nobles et de fidèles.

Il nous reste à dire quelque chose des services que le cardinal a rendus à notre Institut, comme protecteur. Nous le ferons très brièvement pour ne pas trop allonger cette notice.

L'extension considérable que prenait la Congrégation, tant en France que dans les Missions, fit comprendre au R. F. Louis-Marie la nécessité d'avoir, auprès du Saint-Siège, un cardinal protecteur.

Il adressa à cette fin, le 5 février 1878, une supplique à Sa Sainteté Pie IX qui voulut bien, le 5 mars suivant désigner S. E. le cardinal Howard comme protecteur des Petits Frères de Marie.

Depuis lors, le vénéré cardinal n'a cessé de s'occuper des intérêts de l'Institut. Il recevait, avec une bienveillance toute paternelle, les Supérieurs qui se rendaient à Rome pour traiter des affaires de la Congrégation. Comme on lui parlait un jour d'une autre Congrégation qui réclamait de lui un service, le cardinal répondit :

« Je ne suis pas leur protecteur, Je suis le Cardinal  Protecteur des Petits Frères de Marie ; ce sont mes  Frères et je leur porte le plus grand intérêt. »

A la suite de la mort du regretté Frère Louis-Marie, les Frères Assistants écrivirent au Cardinal protecteur[2]pour lui annoncer la grande perte que venait de faire, l'Institut. Ils le prièrent d'obtenir, du Saint-Père, une bénédiction spéciale pour le Chapitre Général qui allait se réunir pour donner un successeur au Supérieur général décédé.

Le 3 mars 1880, le cardinal Howard annonça, par une touchante lettre, que le Saint-Père bénissait la réunion du Chapitre Général.

Quand le R. Frère Nestor écrivit, le 23 mars 1880[3], à S. E. le cardinal Howard, pour lui annoncer son élection comme Supérieur général et lui offrir l'hommage de son profond respect, le Cardinal protecteur répondit par une lettre très bienveillante, dans laquelle il montrait le vif intérêt qu'il portait à la Congrégation.

Après la mort si prématurée du R. Frère Nestor, les Frères Assistants écrivirent à S. E. le cardinal Howard pour lui annoncer ce triste événement et le prier de bénir le Chapitre Général qui allait se réunir.

Le vénéré Cardinal répondit par la lettre suivante que je crois devoir publier en entier. Elle montre, mieux que nous ne saurions le dire, la part que prit l'éminent Cardinal à notre douleur et les vœux qu'il formait pour l'heureuse élection qui allait se faire :

« Rome, le 18 avril 1883.

« Mes Très Chers Frères,

 La douloureuse nouvelle que vous m'avez annoncée  m'a affligé autant qu'elle m'a surpris. J'étais si loin de prévoir ce malheur ! Je prends une grande part à  votre chagrin et je vois bien l'étendue de la perte que vous avez faite. Sans doute votre esprit de foi et votre  soumission religieuse à la volonté de Dieu en ont adouci l'amertume ; mais la blessure est profonde. Je  me suis uni sans retard à vos suffrages et j'ai célébré aussitôt la sainte messe pour le cher défunt. Je prierai encore avec vous, et, en conjurant le Seigneur  d'accorder le repos éternel à la chère âme qu'il a appelée à lui, je le supplierai de vous donner un nouveau Supérieur Général aussi pieux, aussi zélé, aussi « dévoué que celui dont la mort est une rude épreuve, pour votre Institut.

 Je vous bénis de tout mon cœurs, mes très chers  Frères Assistants, je bénis votre Chapitre Général et toute votre Congrégation. Je me recommande à vos  prières et vous renouvelle l'assurance de mon entier  dévouement.

        Signé : EDOUARD, card. Howard. »

 Son Eminence répondit également, par une lettre très bienveillante, à celle que je lui avais adressée le 10 mai 1883, pour l'informer de mon élection comme Supérieur général et lui demander de vouloir bien nous continuer sa paternelle protection auprès du Saint-Siège.

Il nous la continua, en effet, et, dans plusieurs circonstances, il montra la délicate attention avec laquelle il savait prendre les intérêts de l'Institut et nous concilier la bienveillance des diverses Congrégations romaines avec lesquelles nous avons eu des affaires à traiter.

Le bon Cardinal ne laissait échapper aucune occasion de nous être utile et de nous faire du bien; et c'est à sa haute protection que nous avons dû, en grande partie, l'autorisation légale qui nous a conféré, en Espagne, de si précieux avantages. J'ai rapporté, dans ma Circulaire du 25 décembre 1887, la lettre si élogieuse, si paternelle, si pressante, si persuasive, par laquelle Son Eminence recommandait cette affaire à Son Excellence Mgr le Nonce apostolique de Madrid.

De notre côté, nous étions toujours heureux de donner à notre vénéré Protecteur des témoignages de notre reconnaissance ; et c'est principalement pour déférer à son désir que nous avons consenti à la fondation de l'Établissement d'Auckland, en Nouvelle-Zélande, qu'il nous avait recommandée par une lettre écrite de sa main en 1884.

Mais le ciel permit que, succombant à la maladie dont il avait ressenti les premières atteintes vers l'année 1885, notre Cardinal protecteur nous fût ravi à un âge où il aurait pu rendre encore de longs et éminents services à l'Eglise et à notre Congrégation.

A la nouvelle de sa mort, nous avons fait célébrer, pour le repos de son âme, un service solennel à la Maison-Mère. On a prié dans toutes nos maisons provinciales pour lui également

Faisons des  vœux, M. T. C. F., pour qu'il plaise à Dieu de nous donner bientôt, comme Cardinal Protecteur, un prélat qui partage, à l'égard de notre Institut, la bienveillance que nous avons constamment trouvée dans S. E. le cardinal Howard, dont nous aimerons à garder la mémoire.

——————————————–

 


[1] : Tolima est le nom du département où se trouvent Timana et Elias. C’est, dit-on, le plus religieux de toute la Colombie.

[2] : Il s’agit de la lettre n° 7614 écrite par le Secrétaire Général, frère Eubert, lettre qui fut signée par tous les frères Assistants.

[3] : Lettre n° 7667.

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