Circulaires 182

Théophane

1895-01-01

Circulaire du 1ier  janvier 1895 : Piété dans les Ecoles libres. - Livre de classe, ce qu'il doit être. - Piété dans le Maître : La  foi, bonne conduite, amour surnaturel de son état. - Encyclique sur les mys­tères du Rosaire. - Apostolat de la  Prière. - Cause de Béatification de notre pieux Fondateur : Commission ecclésiastique, lettres postulatoires. - Une guérison à Notre-Dame de l'Hermitage, attribuée au P. Champa­gnat. - Retraite à Alger. - Nouvelles de nos  Missions - Chine, Danemark, Colombie. - Départs pour les Mis­sions. - Fondations nouvelles. - Avis concernant le droit d'accroissement, les assurances et les classiques. - Défunts.

182

51.04.01.1995.1

 

V. J. M. J.

Saint-Genis-Laval, le 1ierjanvier 1895.

Fête de la Circoncision.

       MES TRÈS CHERS FRÈRES,

La nouvelle année qui commence rappelle des devoirs à remplir, selon le rang et la position de chacun dans la société. La plupart des hommes se contentent de ceux de simple bienséance ; mais nous, religieux, pénétrés des divines lumières de la foi et de la vocation, nous ne pouvons nous contenter de ce qu'exigent les usages du monde. Elevons plus haut nos sentiments, et faisons monter de ferventes actions de grâces vers le Dieu qui nous a créés, qui nous a conservés, qui nous a comblés de bienfaits dans l'ordre spirituel et temporel.

Si l'année qui vient de s'écouler laissait dans nos cœurs quelques regrets, que ce soit surtout celui de n'avoir pas assez aimé un Dieu si bon, si digne d'amour, et de n'avoir pas été assez généreux dans les sacrifices qu'il nous a demandés. Mais ne nous bornons pas à des regrets stériles; renouvelons nos bonnes résolutions de la retraite et prenons les moyens de les rendre efficaces; suivant la parole de l'Apôtre, faisons le bien pendant qu'il en est temps (II Cor., XIII, 7).

La charité de Jésus-Christ qui nous unit, nous porte aussi à nous faire, les uns aux autres, des souhaits de bonheur. Ce que je demande à Dieu pour vous, M. T. C. F., c'est une année pleine de mérites pour le ciel. Mais, comme nos mérites sont proportionnés au degré de ressemblance et d'union que nous avons avec Notre-Seigneur Jésus-Christ, je souhaite avant tout que vous croissiez dans la connaissance, l'amour et l'imitation de notre divin Sauveur et Maître ; qu'à son exemple et à l'exemple de Marie, notre Mère, vous embrassiez généreusement la croix ; que vous soyez humbles, doux, mortifiés obéissants, très purs et très bons, vous aimant les uns les autres, comme Jésus nous a aimés. Et si nous voulons voir nos vœux se réaliser, inspirons-nous des leçons que nous donne l'avènement de l'Enfant-Dieu dans l'étable de Bethléem; écoutons et méditons ce chant des Anges annonçant ce grand événement : Gloire à Dieu dans le ciel, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté !

Gloire à Dieu, gloire à lui Seul ! ainsi le veulent la justice et l'ordre ; gloire à lui seul, parce que lui seul est grand. Si nous voulons être heureux, si nous voulons que notre année, que notre vie entière s'écoule dans la paix et le contentement, glorifions Dieu, faisons-lui une part sans mesure, donnons-lui en tout la première place, la place qui lui est due ; glorifions-le dans nos pensées, nos désirs, nos affections, nos paroles et nos actions. A l'exemple de Jésus-Christ, dont toutes les actions et toute la vie ont eu pour fin principale la gloire de son Père, faisons en sorte que tout en nous soit consacré à la gloire et au service de Dieu. Si nous savons nous oublier pour Dieu, nous sacrifier pour sa gloire, ne soyons pas en peine du profit qui nous en reviendra : à son tour, il fera notre part aussi grande, aussi belle que possible; car le Seigneur est bon avec celui qui est bon, il est libéral avec celui qui est libéral (Ps. XVII, 27).

Ceux qui savent respecter les droits de Dieu, lui faire hommage d'eux-mêmes et de leurs oeuvres, et lui rendre gloire de tout, ceux-là sont des hommes de bonne volonté ; c'est à eux que les Anges sont venus annoncer et souhaiter la paix, ce bien précieux qui, au dire du grand Apôtre, surpasse tout sentiment. Ces hommes, les anges les ont trouvés dans les bergers auxquels ils annonçaient la naissance du Sauveur. Après que les anges se furent retirés dans le ciel, les bergers se dirent l'un à l'autre : « Allons jusqu'à Bethléem, et voyons ce qui vient d'arriver, et ce que le Seigneur nous a fait connaître. » Ils se hâtèrent donc d'y aller ; et ils trouvèrent Marie et Joseph, avec l'entant qui était couché dans une crèche (Luc, 11, 15,16). Quelle aimable simplicité, quelle admirable promptitude dans l'obéissance!

Les hommes de bonne volonté, nous les trouvons encore dans les Rois mages qui, à l'apparition d'une étoile, quittent leur pays, entreprennent un long et pénible voyage pour se rendre, eux aussi, à Bethléem. Quelle foi vive, quel esprit de détachement, quelle constance, quelle piété, quelle ferveur dans ces difficultés et ces fatigues de voyage, si courageusement surmontées, dans ces hommages et ces présents offerts à l'Enfant-Dieu !

Les Bergers et les Mages, voilà pour nous, M. T. C. F., de beaux modèles à imiter. Mais n'est-ce pas ce que vous faites ? Quelle bonne volonté, en effet, dans tous les membres de la Congrégation, depuis le petit Juvéniste qui vient de quitter ses parents, jusqu'à nos bons anciens qui ont passé quarante et cinquante ans sous le joug de la religion ! Quelle bonne volonté dans tous, à suivre les saints exercices de nos Retraites, à se rendre aux postes assignés par l'obéissance, à remplir les devoirs d'état, à faire tous les sacrifices de la vie religieuse ! Et, dans ces jeunes Frères que la loi militaire vient arracher à leur famille religieuse, pour les jeter dans ce triste milieu qu'on appelle la caserne, quelle bonne volonté pour se plier au dur métier de soldat, pour s'y conserver purs et rester fidèles à leurs devoirs de chrétiens, fidèles à leur Dieu et à leur Congrégation !

Votre bonne volonté, M. T. C. F., j'y ai fait appel spécialement, par la Circulaire du 22 octobre 1893, sur l'Education, sur l'étude et la préparation du catéchisme. Cet appel a été entendu, je suis heureux de le reconnaître; néanmoins, permettez-moi de vous le renouveler; oui, relisez ce qui a été dit dans cette Circulaire sur l'éducation : vous ne sauriez trop vous en pénétrer. Laissez-moi de plus vous donner ici, comme y faisant suite et en formant le complément, l'extrait d'un écrit que j'ai eu la bonne fortune de trouver dans une publication mensuelle le Bulletin de la Société générale d'Education et d'Enseignement.

Je suis heureux de vous en faire profiter; car je suis de plus en plus convaincu que nous ne saurions trop faire pour nous préserver du laïcisme et rendre notre enseignement véritablement et entièrement chrétien. 

PIÉTÉ DANS LES ÉCOLES LIBRES

 La piété est l'unique moyen de faire produire à ces écoles leur fruit naturel de moralisation et de sanctification. Les trois éléments de la piété sont : l'instruction religieuse, la prière et la fréquentation des sacrements. Si la piété est une fleur, l'instruction religieuse est sa racine ; la prière, sa rosée, et la communion, son soleil. Heureuses les écoles où la piété fleurit, c'est-à-dire où l'instruction religieuse est largement distribuée, où la prière est en honneur, où la communion est fréquemment reçue, en un mot, où les âmes des baptisés sont abondamment nourries de Notre-Seigneur Jésus-Christ, leur force et leur vie Celles-là seules atteindront le but de moralisation et de sanctification pour lequel elles ont été fondées elles seront ici-bas et là-haut, la couronne des maîtres et des chrétiens généreux et intelligents qui font tant de sacrifices pour les fonder et les entretenir. 

LIVRE DE CLASSE

 Disons d'abord ce que le livre de classe ne doit pas être, nous dirons ensuite ce qu'il doit être. 

I. -CE QUE LE LIVRE NE DOIT PAS ÊTRE.

 Dans une école chrétienne destinée à former des chrétiens, à élever des enfants de Dieu et de l'Eglise catholique, le livre ne doit être ni païen, ni mahométan, ni juif, ni protestant, ni matérialiste ; il doit être catholique, c'est-à-dire irréprochable au point de vue de la doctrine.

Tous les maîtres chrétiens, me dira-t-on, admettent cette vérité, qui est presque banale. Il est évident qu'on ne nourrit pas des enfants avec du poison ; or, l'erreur est le poison des âmes ; la moindre goutte suffit parfois pour les infecter, les corrompre, les tuer.

C'est donc une chose convenue que, dans nos livres classiques, il ne doit pas y avoir la moindre erreur doctrinale ; mais prend-on toutes les précautions voulues pour cela, pour y éviter le malheur de l'empoisonnement par le livre ?

Le livre ne doit pas être neutre.

Nous ne sommes, ni ne pouvons être neutres : c'est-à-dire indifférents entre le bien et le mal, la vérité et l'erreur, la foi et l'athéisme, le catholicisme et le bouddhisme.

D'ailleurs y a-t-il des livres neutres ? Qu'appelle-t-on livre neutre ?

 Le livre neutre sera celui où l'on ne parle ni de Jésus-Christ, ni du Pape, ni de l'Eglise ; ni des sacrements, ni des fêtes chrétiennes ; ni des anges, ni des saints, ni surtout de la Reine des saints, l'auguste Vierge Marie; ni de l'âme, ni du salut éternel. Tel est le livre neutre, en circulation clandestine dans nos écoles depuis près d'un siècle.

Le livre neutre, aujourd'hui, est celui dans lequel non seulement Jésus et le symbole catholique n'ont pas de droit de cité, mais d'où le nom même de Dieu est soigneusement expurgé, où l'on ne dit plus :

Petit poisson deviendra grand,

Pourvu que Dieu lui prête vie,

mais :

Petit poisson deviendra grand,

Pourvu que l'on lui prête vie.

Et l'on appelle cela un livre neutre, c'est-à-dire inoffensif, ni bon, ni mauvais ! N'est-ce pas, au contraire un livre sectaire au premier chef, maître d'athéisme et d'irréligion, sapant la foi avec fureur par la conspiration la plus insidieuse, la conspiration ténébreuse du silence ?

Mais l'absence de lumière, n'est-ce pas la nuit ? l'absence de chaleur, n'est-ce pas le froid ? l'absence de bien, n'est-ce pas le mal ?

Le diable a ôté ses cornes : il est devenu un élégant commis-voyageur en librairie, avec frac, cravate blanche et gants beurre frais. Chaque fois que vous achetez un livre neutre, c'est de sa main que vous le recevez. Sous ce volume bien relié, nettement imprimé aux gravures chatoyantes, il y a du chloroforme destiné à faire insensiblement passer vos enfants de vie à trépas. Ne vous fiez pas aux courbettes de cet élégant et exécrez son grimaçant sourire.

En troisième lieu, les livres adoptés dans nos écoles catholiques ne doivent être l'ouvrage ni d'un juif, ni d'un protestant, ni d'un impie, ni d'un indifférent, si l'indifférence en cette matière est possible.

Il y a un proverbe qui dit : « La caque sent toujours le hareng ». Voilà pourquoi le livre d'un juif sent le juif, le livre d'un protestant sent le protestant, le livre de l'impie sent l'impie, le livre de l'indifférent ne sent rien du tout, il est insipide.

Et, en effet, étant donné que les livres de lecture, d'histoire, d'exercices grammaticaux composés par un juif, un protestant, un rationaliste, un indifférent soient parfaitement irréprochables sous le rapport doctrinal, ce qui est rare, seront-ils irréprochables sous le rapport de la tendance ? Est-il possible d'écrire un livre sans amour ? Assurément non. Or, l'amour de l'auteur passera dans l'âme du lecteur, surtout si le lecteur est un enfant. Le jeune écolier juge comme son manuel. Félix Ansart, dans son histoire de France lui fera aimer saint Louis et détester le pape. Madame de Saint-Ouen l'exaspérera contre l'Eglise en lui serinant son piétisme protestant. Tous les manuels d'histoire de France adoptés dans les écoles de la troisième république, font haïr la royauté et chérir la révolution. Tous les livres soi-disant neutres, mais en réalité rationalistes, si nombreux jusque dans nos écoles de filles, on pourrait dire, surtout dans nos écoles de filles, font de nos fillettes de treize ans de petite philosophes en jupon, dont le cœur ne sera jamais à Jésus et à son Eglise.

Il y a encore une raison d'exclure de nos écoles tout livre composé par une plume ennemie : c'est la raison financière.

En achetant nos livres chez les juifs et les francs-maçons, nous enrichissons nos adversaires. Est-ce que par hasard les catholiques ont trop d'argent pour le porter ainsi dans les caisses de nos ennemis ?

Point d'argent aux auteurs juifs, francs-maçons, universitaires : telle devrait être notre devise et le mot d'ordre de toute l'armée catholique.

Il y a dans l'Evangile une parole qui a dû coûter cher à Notre-Seigneur Jésus-Christ; c'est celle qui termine la parabole du serviteur infidèle. Quoi! Nous forçons la souveraine justice de nous proposer pour modèle un vulgaire fripon, et nous arrachons du cœur de notre divin Chef ce poignant aveu : « Les enfants du siècle ont, dans leurs affaires, plus de prudence que les fils de lumière. »

Il n'y a pas un seul livre catholique dans les écoles universitaires, entendons bien, pas un seul ! Les trois quarts de nos livres classiques sont universitaires, ont une provenance juive ou maçonnique ! ! ! N'y a-t-il pas là matière à un sérieux examen de conscience ? 

Il. – CE QUE DOIT ÊTRE LE LIVRE.

 Dans les écoles catholiques, la nature du livre est déterminée par le but que poursuivent ces écoles. Or, nous avons dit que nos écoles libres ont pour but principal de conserver la foi et de faire des chrétiens, en vertu de cette sagesse tout élémentaire qui veut que l'on proportionne les moyens à la fin, qu'on prenne le chemin qui mène au but.

Il faut que nous développions en nos écoles la vie intellectuelle, la vie morale et la vie surnaturelle. Mais cette triple vie est indivisible dans l'âme de l'écolier, devenu, par le baptême, chrétien, enfant de Dieu. On ne peut en faire un petit croyant au catéchisme et un petit athée à la leçon de grammaire. Voilà pourquoi le cardinal Newman disait : « On veut neutraliser l'école en nous donnant une heure par jour pour l'enseignement religieux. Ce n'est pas une heure qu'il nous faut, c'est la journée entière. » Et la prétention de l'éminent Cardinal, loin d'être exagérée, était conforme à la nature des choses: c'était une revendication de bon sens. Sur les bancs de l'école, l'enfant ne se partage point; il est un et indivisible. Combien de chrétiens, combien de religieux et de prêtres même semblent n'être pas assez convaincus de cette vérité !

Il faut donc que nous donnions simultanément à nos écoliers la culture de l'intelligence, la culture du cœur et la culture de l'âme ; et, comme le livre est l'auxiliaire du maître, son principal instrument, on me dira peut-être : Vous allez donc mettre de la piété et de la morale dans les livres d'arithmétique et d'algèbre ? Pourquoi pas de la morale ? Ce n'est pas impossible.

« Faites-vous de la morale en classe, demandait un jour un instituteur à l'un de ses confrères – Moi, reprit celui-ci, je fais de la morale partout, même dans un problème. – Comment cela ? c'est bien simple. Je dis à mes élèves : Un ouvrier gagne 15 francs par semaine ; le dimanche il en dépense 20 au cabaret. Combien a-t-il de reste ? »

 Le brave homme aurait pu ajouter: «Pensez-vous que cet ouvrier n'eût pas été plus riche à la fin de l'année, si, au lieu d'aller au cabaret, il avait assisté aux offices, chaque dimanche, c'est-à-dire, s'il avait été un chrétien pieux ?

Nous reconnaissons cependant très volontiers que les livres de mathématiques s'adressent surtout à l'esprit et qu'une page d'ascétisme pourrait être mieux placée que dans un traité de trigonométrie ou d'algèbre.

C’est surtout dans le livre de lecture, le manuel d'histoire et l'exercice de grammaire que peut et doit se faire la culture morale et surnaturelle de l'enfant. C'est là le champ de bataille où les adversaires se disputent le cœur et l'âme des écoliers. C'est là que les francs-maçons ont dressé leurs batteries et tendu leurs filets. C'est là que nous devons exercer notre zèle, déployer toutes nos industries pour maintenir et  développer la foi de nos élèves.

Le livre de lecture est d'une importance capitale pour la formation morale et religieuse de l'enfant. Pourquoi cela ? Parce que l'enfant le lit et le relit mille fois parce que les sentences qu’il y trouve resteront gravées dans sa mémoire jusqu'à sa mort.

Comparons le Francinet si répandu dans nos classes, avec le second livre de lecture des Frères. Dans l'un et l'autre, il y a quelques connaissances usuelles et scientifiques. Francinet est plus savant, trop savant peut-être pour des enfants. Le livre des Frères est clair, varié, intéressant. Mais quelle différence surtout entre la morale de l'un et la morale de l'autre ! Francinet parle de Dieu, mais il parle d'un Dieu tout Philosophique, qui n'a ni vie ni amour. Quant aux dogmes et aux sentiments chrétiens, il n'y en a Pas trace, pas le moindre vestige. Et la censure maçonnique donc ! Car ces Messieurs ont leur Imprimatur, et un seul mot chrétien serait une hérésie.

Dans le livre des Frères, au contraire, la nature et la foi se donnent fraternellement la main ; elles y forment un ensemble varié qui nourrit Pâme et l'enflamme d'amour surnaturel. Non seulement les champs, les bois, les fleurs de la prairie et les étoiles du firmament chantent la gloire du vrai Dieu ; mais les progrès industriels MêMe tournent à la louange et à l'amour du Créateur.

On y voit le curé prêchant la vraie sagesse : « L'homme est créé pour aimer, servir Dieu et sauver son âme. Travailler à notre salut est l'affaire capitale; tout doit être subordonné à ce but dernier de notre existence ici-bas. »

Quant au manuel d'histoire, il devra faire aimer la vertu, la religion, l'Eglise et la France.

Je ne parle pas ici de l'histoire sainte, toute remplie de Dieu et de sa Providence, toute pleine de Jésus et de son amour. Je ne parle pas davantage de l'histoire ecclésiastique qui n'est que l'histoire de Notre-Seigneur Jésus-Christ vivant dans l'Eglise, son corps mystique, et surtout dans les saintsqui en sont les membres d'honneur. Je parle uniquement de l'histoire de France, qui est le principal manuel d'histoire des écoles primaires.

Or, je demande ce que sont nos manuels d'histoire de France, comme livres d'éducation, et dans quelle mesure ils sont propres à développer l'amour de la vertu, de la religion et de la patrie.

D'abord on y fait beaucoup plus l'histoire du crime que de la vertu. Tous nos enfants connaissent Frédégonde et Brunehaut: combien savent le nom de sainte Geneviève et de sainte Bathilde ?

Et dire que toute notre histoire de France, si belle, si chrétienne, est traitée suivant cette méthode: des noms, dei; dates, des guerres, des crimes, et c'est tout.

M. Lavisse a inauguré, il y a quelque vingt ans, un type du manuel élémentaire de l'histoire de France. Alors le vent était à la restauration chrétienne, et la petite histoire de M. Lavisse était irréprochable, pieuse même dans ses citations; elle pouvait entrer dans toutes nos écoles primaires. En tête de chaque page, l'éminent historien donnait la suite des principaux événements, quelques noms et dates célèbres ; puis le reste de la page était consacré à des épisodes intéressants et vraiment instructifs, à de charmantes biographies. Cette petite histoire de France, aux gravures nombreuses et soignées, aux récits simples et dramatiques, éclairait l'enfant et lui laissait une impression salutaire.

A mon avis, si l'on nous fait, pour nos écoles libres, de nouveaux manuels élémentaires d'histoire de France, il n'y a pas d'autre marche à suivre, sauf à accentuer la note chrétienne et patriotique, à parler moins des illustres scélérats, et davantage des personnages illustres par leurs vertus et leur sainteté, à taire ce que l'enfant ne doit pas connaître ; et enfin à expliquer les passages difficiles, comme les guerres de religion, la Ligue, la Saint-Barthélemy, la Révocation de l'Edit de Nantes, pour mettre en garde nos jeunes élèves contre les interprétations erronées et les objections de l'avenir. Mais, de grâce, mettons de la foi et de l'amour dans nos histoires. Ainsi nos manuels, à tous degrés, atteindront leur but éducateur; notre belle histoire de France éclairera l'esprit, touchera le cœur, fera aimer la religion et la patrie ; elle déposera dans les âmes tendres et aimantes de nos jeunes écoliers des germes puissants de vertus civiques et chrétiennes.

Restent les exercices de grammaire, indispensables pour l'enseignement de la langue française et des autres langues mortes ou vivantes. Que seront ces exercices ? Ils seront conçus et rédigés dans un esprit chrétien, dans un but d'éducation, c'est-à-dire qu'ils devront éclairer l'intelligence, enrichir la mémoire, former le cœur et promouvoir la piété, en un mot, élever jusqu'à Dieu, jusqu'au cœur de Jésus, jusqu'à l'Immaculée Vierge Marie.

N'est-il pas évident que nous ferons une toute autre impression sur l'âme de nos élèves, suivant que nous leur dirons – « Respectez l'auteur de la nature », ou « aimez Dieu de tout votre cœur » ; « évitez le mal », ou « imitez la Vierge sans tache » ; « l'homme doit à son semblable justice et affection », ou Jésus dit : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés »

Aussi quelle différence à ce point de vue entre les exercices de Larive et Fleury, par exemple, et ceux des Frères Là, c'est le naturalisme, le rationalisme, l'athéisme ici, c'est le christianisme. Dans les exercices des Frères, comme dans ceux de nos adversaires, nous trouvons toutes les connaissances usuelles, toutes lesdonnées de la raison et de l'expérience, mais avec de fréquentes échappées sur le ciel et le monde surnaturel.

Dans les ouvrages maçonniques (c'est le met d'ordre) on ne sort jamais des choses matérielles et des bornes étroites de la vie présente.

Autrefois, Noël et Chapsal, dans leurs fameux exercices sur toutes les règles de la grammaire, donnaient, au milieu de beaucoup d'autres, cette phrase à la Jean-Jacques : « Boire, manger, dormir, c'est le partage de la brute ; penser avec liberté, agir avec courage, c'est le partage de l'homme. » Pourquoi ne remplacerions-nous par, des sentences de ce genre par les admirables proverbes de nos livres saints ? La contre-partie de la phrase ci-dessus serait le mot de l'Ecclésiaste: «Crains Dieu et observe ses commandements ; car c'est là tout l'homme. » C'est un peu mande ronflant, mais comme c'est plus chrétien et plus pratique !

Nous devons saisir toutes les occasions de combattre le naturalisme, la grande hérésie du XIXe siècle, que l'illustre pape Pie IX nous a signalée avec tant d'insistance, qu'il a combattue durant tout le cours de son long et glorieux Pontificat et qui a été solennellement condamnée au Concile du Vatican.

Nous ne devons pas exclure le naturel, mais nous ne devons pas nous borner au naturel. Nos livres de classe doivent ressembler à l'échelle de Jacob qui reposait sur la terre, et dont le sommet touchait le ciel. Ou, si l'on veut une autre comparaison qui résume toute notre pensée, nous dirons : Nos livres de classe doivent ressembler aux Anges gardiens de nos enfants qui, d'une main, les dirigent dans les sentiers de la vie, et de l'autre leur montrent le ciel.

Maïs ne craignez-vous pas d'effaroucherles parents en mettant des vérités et des sentences religieuses dans les livres que vous donnez à leurs enfants ? Je réponds : Les parents envoient leurs enfants aux écoles chrétiennes à bon escient ; ils tiennent à leur éducation morale et ils gavent qu'elle ne peut se faire sans la religion ; ils n'ont pas toujours beaucoup de piété, mais ils veulent qu'on en donne à leurs enfants. N'est-il pas, au contraire, à craindre de les scandaliser en ressemblant trop à des écoles qu'ils ne veulent pas, tandis que nous pourrions les édifier en réveillant des sentiments de foi qui ne font que sommeiller dans les cœurs. Nous avons peur de parler de Jésus-Christ à des baptisés ; en cela nous errons. Nous devons craindre de détruire au lieu d'édifier, d'être une pierre d'achoppement quand nous devrions être des apôtres. Certaines distributions de prix, dans des écoles chrétiennes, sont un véritable scandale. Vous n'y entendez pas un mot de foi, de piété, ni même de religion. Craignons de donner à nos élèves des livres scandaleux pour ne les avoir pas choisis édifiants et chrétiens.

Le livre de prix est, lui aussi, un livre de classe, et l'on peut dire qu'il est devenu également un champ de bataille et un champ de zèle pour les catholiques. Son importance n'est pas médiocre. Le livre de prix est lu par l'enfant qui le reçoit : c'est la première occupation de ses vacances ; s'il est intéressant, il sera relu plusieurs fois, on le gardera précieusement; ce sera le commencement de la petite bibliothèque du jeune débutant dans la vie.

Le livre de prix est lu par les parents de l'enfant, par les frères et sœurs, par les grands-pères et les grand'mères, par les oncles et les tantes, même par les voisins et les voisines ; il sera un propagateur, un apôtre du bien, s'il est bon, ou du mal s'il est mauvais ; il sera un semeur de l'éternité si, à une forme littéraire, attrayante, il joint le fond solidement chrétien.

Ici encore, allons-nous instruire auprès de nos ennemis. Tous les livres chrétiens, sans exception, sont rayés du catalogue des livres de prix destinés aux écoles publiques. Jusqu'en ces derniers temps, on avait fait grâce à quelques chefs-d’œuvre de littérature, comme la Sainte Elisabeth de Hongrie de M. de Montalembert; aujourd'hui, c'est l'insipide, l'idiot, plutôt que le chrétien; c'est le mot d'ordre. L'Evangile, l’Eglise, les Saints, arrière ! Ainsi le veut le principe intangible de la neutralité.

Nouveau motif pour nous de donner des livres de prix chrétiens dans nos écoles chrétiennes. Et, Dieu merci, nous avons ici, sur nos adversaires, un avantage immense. Combien, en effet, nos récits moraux, nos livres chrétiens sont plus intéressants que tout le fatras naturaliste donné en prix dans les écoles publiques !

Au lieu de ces indigestes traités d'histoire naturelle, de chimie, de physique, qui moisissent infailliblement dans toutes les bibliothèques populaires, nous avons les biographies des grands hommes dont s'honorent la Patrie et l'Eglise: Saint Louis, Charlemagne, Bayard, Duguesclin, Christophe Colomb et mille autres. Au lieu de l'histoire d'un âne ou d'une poupée, nous avons le délicieux roman chrétien, genre Fabiola, sans compter nos innombrables vies de saints, si poétiques, si dramatiques et si sympathiques, quoi qu'on en dise, aux petits baptisés des champs et de l'atelier.

En 1848, un jeune écolier de neuf ans recevait en prix à l'école communale, la Vie de saint Louis de Gonzague et de saint Stanislas de Kostka. Ces deux charmantes vies, toutes parfumées de pureté et d'innocence, il les lut et les relut cent fois. Or, en 1870, le petit écolier, devenu prêtre, célébrait la sainte Messe à Rome, dans la chambre où mourut saint Louis de Gonzague. Ce livre de prix avait produit dans sa jeune âme une impression profonde, décisive peut-être pour sa vocation.

L'intéressant et pieux volume avait été un apôtre car le père du jeune écolier, qui n'était rien moins que dévot, lisait néanmoins avec amour le livre de prix de son fils, et, en le lisant, de grosses larmes humectaient sa paupière. Croit-on que l'histoire de Cendrillon ou de Gulliver eût produit les mêmes fruits de grâce et de salut ?

Que nos livres de prix soient donc d'une doctrine et d'une littérature irréprochables; qu'ils soient chrétiens et pieux. Ne craignons ni la Bible illustrée, petite ou grosse (il y en a de si belles aujourd'hui-!), ni l'histoire de l'Eglise, ni la vie des Saints. La France catholique se meurt d'inanition ; saisissons toutes les occasions de la nourrir du pain substantiel de la parole de Dieu et de la sublime morale de l'Evangile de Jésus-Christ.

Nos écoles libres sont en ce moment le principal espoir de la France. Aussi, dans notre patriotisme ardent et éclairé, nous souhaitons vivement qu'elles se perfectionnent, se développent et se multiplient; nous voulons qu'elles deviennent florissantes et puissantes, Eh bien ! rappelons-nous la parole évangélique. Elle est tombée des lèvres divines et articulée par une bouche qui ne trompe Pas : « Cherchez d'abord le royaume de Dieu et sa justice et tout le reste vous sera donné par surcroît. »

Cherchons le royaume de Dieu dans nos livres, et avec nos livres, et n'allons pas les chercher chez nos ennemis. Soyons Saintement jaloux de leur orthodoxie. Qu'ils contribuent à étendre le règne de Jésus-Christ dans les âmes en les nourrissant de sa pure doctrine et en les enflammant de son amour. En un mot, qu'ils soient chrétiens puisqu'ils doivent nous aider à former des chrétiens.

La raison et la foi,  l'Eglise et la patrie demandent cela de nous. 

La PIETE DANS LE MAITRE.

 Nous venons de voir que les écoles catholiques doivent avoir des livres catholiques, et que ces livres ne doivent pas sortir de la plume d'un juif ou d'un incroyant quelconque non plus que d'une presse ou d'une librairie ennemie.

Disons maintenant que la piété nécessaire au maître d'une école chrétienne, comprend trois éléments indispensables : la foi, la bonne conduite et l'amour surnaturel deson état. 

1. – LA FOI.

 Le maître d'une école chrétienne doit être chrétien par conséquent il doit avoir la foi, car le chrétien a la foi. Il croit en Dieu, créateur du ciel et de la terre, première cause et auteur de tout ce qui existe. Il croit que ce grand Dieu du ciel a foulé notre sol, qu'il a pris notre nature, qu'il s'est incarné dans le sein d'une vierge, et que Jésus-Christ, vrai fils de Marie, est aussi le vrai Dieu.

Il révère dans l'Evangile la parole divine. Il croit fermement que la Sainte Eglise catholique et romaine a été constituée et sera, jusqu'à la fin des siècles, la bouche de Dieu au milieu du monde.

Il confesse le Père, le Fils et le Saint-Esprit, Dieu unique en trois personnes distinctes. Il marque son front du signe de la Croix et donne à tout requérant ce symbole vénérable de la foi du Christ.

Le maître d'une école chrétienne doit avoir la foi entière, simple et droite du chrétien ; rien n'est plus évident. Sa foi doit avoir certaines qualités spéciales : elle doit être éclairée, communicative.

Le maître chrétien est professeur de religion: la religion chrétienne entre dans son Programme d'enseignement ; il doit donc savoir sa religion.

Depuis longtemps déjà, en France, il était admis que les instituteurs primaires devaient se contenter de faire réciter la lettre du catéchisme, sans donner aucune explication ; on trouvait cela tout naturel. Rien cependant de plus anormal. Et, en effet, si le maître ne connaît pas la religion chrétienne, pourquoi fait-il la classe à des enfants chrétiens ? S'il la connaît, pourquoi ne l'expliquerait-il pas ? Pourquoi, sur ce point comme sur les autres, n'éclairerait-il pas l'intelligence de l'enfant qui attend de lui sa lumière ? Puisque nous le supposons chrétien, il n'est pas hérétique: il n'enseignera donc pas l'erreur. Si, au contraire, nous soupçonnons sa foi ou sa compétence, s'il peut être maître d'hérésie, c'est que le système est déjà vicié. On le voit, il y avait là un principe de neutralité dont les conséquences se sont développées avec le temps et s'étalent aujourd'hui dans leur monstrueuse laideur.

La foi du maître doit être éclairée; dans quelle mesure ? Cela dépend évidemment du rang que le maître occupe dans la hiérarchie scolaire. La science religieuse doit être plus étendue dans un maître de l'enseignement secondaire que dans un instituteur primaire, plus profonde chez un recteur d'université que chez un professeur de rhétorique.

Voici le programme de l'archidiocèse de Paris, que tout maître chrétien doit connaître : 1° la lettre du catéchisme diocésain ; 2° une intelligence au moins littérale de ce texte ; 3° l'histoire abrégée de l'Ancien Testament et de la vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ; 4° les principaux évangiles des dimanches; 5° les grands événements de l'histoire ecclésiastique ; 6° des notions sommaires de liturgie. Ce programme, comme on le voit, est complet.

L'histoire ecclésiastique et la liturgie qui s'ajoutent au reste pour le certificat supérieur me paraissent d'une importance capitale, car rien n'est plus ignoré en France que la belle, très belle et divine histoire de l'Eglise.

D’un autre côté, combien de chrétiens et même de maîtres chrétiensqui ne connaissent ni les choses ni les personnes liturgiques, ni le sens des cérémonies de l'Eglise !

Le maître chrétien doit aussi connaître les réponses aux objections les plus répandues contre la religion; il doit avoir sa petite apologétique locale et de circonstance. Il doit pouvoir expliquer à ses élèves l'histoire du prophète Jonas, celle de Josué arrêtant le soleil, ce que c'est que l'Inquisition, que la Saint-Barthélemy, ne fut pas un crime imputable à l'Eglise, etc. Il sera bon aussi qu'il sache à peu près la vie de Voltaire et de J.-J. Rousseau pour faire la lumière sur ces prétendus amis du peuple.

La foi du maître doit être communicative. « On ne met pas la lumière sous le boisseau, a dit Notre-Seigneur, on la met sur un chandelier, afin qu'elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison. » Or la foi est une lumière. « Que votre lumière brille devant les hommes », ajoute le divin Maître. Que votre foi brille devant vos élèves. Vous portez en votre poitrine le Verbe de Dieu, ne l'y retenez pas captif. « Vous pouvez me lier de chaînes, s'écriait saint Paul, vous ne parviendrez pas à enchaîner la parole de Dieu. » « J'ai cru, voilà pourquoi j'ai parlé », dit de son côté le psalmiste. Nous aussi, si nous croyons nous devons parler.

Hélas ! combien de chrétiens aujourd'hui retiennent la vérité captive, non pas toujours dans l'injustice, comme S. Paul le reproche aux philosophes païens mais dans la timidité, l'apathie, dans une insouciance inexplicable. Vraiment, c'est à se demander si ces chrétiens ont la foi en voyant combien peu ils la communiquent autour d'eux.

Le maître chrétien doit communiquer sa foi en l'expliquant familièrement et paternellement quand l'occasion s'en présente. Il doit communiquer sa foi en la défendant, s'il le faut, devant ses élèves. Il doit planter la foi, non seulement dans l'esprit, mais surtout dans le cœur de ses élèves, en la leur faisant aimer, en leur en montrant la beauté, l'excellence, les avantages pour cette vie et pour l'autre.

Il doit communiquer la foi à ses élèves en la pratiquant avec eux et devant eux. « Les paroles touchent, dit le proverbe, les exemples entraînent. »

Le maître doit communiquer sa foi par l'exemple ; elle doit briller dans tous ses actes : voilà pourquoi la foi appelle la bonne conduite. 

II. – BONNE CONDUITE.

 En quoi consiste la bonne conduite nécessaire au maître chrétien ?

D'abord, elle doit être extérieurement bonne ; elle doit être bonne sincèrement. C'est une chose appréciable que de ne pas donner le scandale, et l'Eglise s'en contente à la rigueur, car elle laisse à Dieu seul le soin de juger les consciences.

Néanmoins, elle réprouve l'hypocrisie et elle veut que les maîtres de ses enfants soient tels au dedans qu'ils paraissent au dehors.

Le maître simplement bon au dehors et dans les apparences ne sera jamais qu'un loup couvert d'une peau de brebis. Or l'on sait le bien que les loups font aux brebis.

Les maîtres religieux seront fidèles à leur vocation ; ils travailleront sur eux-mêmes, pour se sanctifier plus en­core que sur leurs élèves, pour les former à la vertu. Il n'y a que la vraie lumière qui éclaire, il n'y a que la vraie chaleur qui échauffe; de même, le maître éclairera les âmes dans la mesure de sa foi, il les échauffera dans la mesure de sa charité, il les sanctifiera dans la mesure de sa sainteté. A la conduite bonne extérieurement, il doit joindre laconduite bonne sincèrement; il ne sera maître de vertu qu'autant qu'il sera réellement et solidement vertueux. 

III. – AMOUR SURNATUREL DE SON ÉTAT.

 Le maître chrétien doit aimer son état, non seulement pour des motifs naturels et honnêtes ; mais il l'aimera surtout d'un amour surnaturel.

Les motifs de cet amour surnaturel peuvent se réduire à trois principaux : le mérite, la noblesse toute divine de notre profession, la récompense spéciale que Dieu lui réserve.

D'abord le mérite. Le maître chrétien a un avantage immense sur celui qui n'a pas le bonheur de croire. L'un et l'autre sont soumis à la loi, dure peut-être, mais inévitable, du travail : « Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front. » Personne n'échappe à cette loi, et celui-là la subirait plus durement qui voudrait s'y soustraire.

Le maître chrétien fait donc sa classe pour gagner le pain de chaque jour; il la fait en même temps pour gagner le ciel. Il se soumet à son dur et incessant labeur, mais il sait que ce labeur opère pour l'éternité. Il reçoit le salaire qu'on lui donne ici-bas, et il attend encore un autre salaire beaucoup plus magnifique, que Dieu lui paiera là-haut. Il remplit ponctuellement son devoir pour satisfaire à ses obligations; mais l’œil de son âme est constamment fixé vers Dieu, à qui surtout il veut plaire ; aussi l'accomplissement de ses devoirs d'état est pour lui un huitième sacrement qui produit toujours la grâce dans son âme et la soulève vers le ciel : tous les sacrifices qu'il fait, tous ses actes de patience, toutes ses industries pour instruire ses élèves, pour les former au bien, sont autant de grains célestes qu'il jette dans le champ du père de famille, et qui lui préparent une moisson immense et éternelle de gloire.

Comprend-on la puissance d'un pareil mobile dans un maître chrétien ? Comme il l'élève au-dessus des indifférences et même des ingratitudes humaines ! Qu'est-ce donc, lorsque le maître est un religieux qui a voué sa vie à la perfection, au service de Dieu et des enfants ? Alors sa classe devient un champ de bataille où il combat sans cesse le bon combat ; c'est une arène d'où il ne sort qu'avec la couronne du martyre. Combien d'immolations obscures dans les plus humbles écoles primaires, qui sont inconnues ou méconnues des hommes, mais qui charment le regard des anges et ravissent le cœur de Dieu ! Qui en dira le mérite et en mesurera la récompense ?

Cette récompense sera d'autant plus belle que la profession d'instituteur a quelque chose de tout divin dans son excellence.

Assurément la raison nous dit que l'homme est dans l'enfant, et que cultiver des enfants, c'est préparer des hommes. Elle nous dit aussi que l'homme est le plus noble sujet sur lequel puisse travailler un autre homme.

A quoi comparerez-vous l'enfant ? Sera-ce au marbre, à la plante, à l'animal ? Il leur est infiniment supérieur. Si donc on estime celui qui améliore la race chevaline ou bovine, celui qui découvre une nouvelle espèce de fruit, ou une nouvelle variété de fleur; si l'on tresse des couronnes au sculpteur et au peintre, quel honneur ne méritera-t-il pas, celui qui polit l'âme de l'enfant et fait resplendir en elle l'image de la divinité ?

Saint Jean Chrysostome s'est donc inspiré du simple bon uns, quand il a dit : « Quoi de plus grand que de façonner les âmes ? Quoi de plus excellent que de former l'adolescence à la piété ? Il est bien supérieur au peintre, au statuaire et à n'importe quel artiste, celui dont l'art consiste à incruster la vertu dans l'âme des jeunes gens.»

Au point de vue de la foi, la profession d'éducateur est plus qu'excellente, elle est divine. Cet enfant régénéré par la grâce est un autre Jésus-Christ. « Sachez, disait saint Paul aux Galates, que vous êtes mes petits enfants, que j'ai pour mission de vous donner une nouvelle naissance et de former en vous Jésus-Christ. »

C'est à l'éducateur qu'on peut appliquer littéralement la parole de Jésus dans l'Evangile : « Tout ce que vous aurez fait au moindre de ces petits enfants qui croient en moi, c'est à moi-même que vous l'avez fait.» C'est déjà dire qu'une grande récompense lui est réservée. Non seulement en faisant la classe vous gagnez le ciel ; mais Dieu vous réserve un paradis spécial. Ceux qui enseignent la justice à plusieurs, brilleront comme des étoiles durant les siècles des siècles, dit l'Esprit-Saint. Ils auront l'auréole des docteurs, une gloire spéciale, accidentelle qui s'ajoutera à la béatitude essentielle de la vision de Dieu. Or, pour la mériter, il suffit d'avoir enseigné à plusieurs la pratique de la justice. N'est-ce pas le cas de tous les maîtres ou instituteurs chrétiens. Non, il n'est pas nécessaire d'être un saint Augustin, un saint Grégoire, un saint Thomas ou un saint Bernard pour mériter l'auréole des docteurs. Les instituteurs primaires y auront même une part de choix parce qu'ils ont de plus nombreux élèves et que leur enseignement a pour but principal de former les jeunes âmes à la vertu, à la vie chrétienne et à la piété.

Telle sera la récompense de leur dévouement.

Le dévouement d'un maître dépend de sa piété. Plus sa piété est sincère, plus il est dévoué, plus son action est puissante et défie toute concurrence. Que Dieu nous donne une légion de ces maîtres pieux, animés de la foi sincère, éclairée, communicative ; irréprochables dans leur conduite et solidement vertueux, véritables apôtres au milieu de leurs élèves; et la France chrétienne sera bientôt régénérée par l'école, et après les angoisses de J'épreuve, nous chanterons l'alleluia de la résurrection. 

ENCYCLIQUE SUR LE ROSAIRE.

 Guidé par son amour filial envers la Reine des vierges, aussi bien qu'inspiré par son zèle ardent pour la sanctification des peuples, le Vicaire du Christ a de nouveau, de sa parole puissante, convoqué les fidèles au pied des autels de Marie. Mais le Souverain Pontife, dans sa paternelle condescendance, ne se borne point à un simple appel. Il redit avec amour les trésors de grâces renfermés dans la dévotion du Rosaire. Il veut en ouvrir à ses enfants les horizons célestes et les inviter à reproduire, par leurs actes, les mystères de la vie du Sauveur, dans chaque situation de leur existence.

Nous croyons être utiles à l'édification et à la piété de nos Frères en mettant sous leurs yeux les passages suivants de la nouvelle Encyclique pontificale sur le Rosaire. 

MOTIFS DE CONFIANCE.

 La confiance du recours que nous avons à Marie est basée sur la grandeur de l'office de Médiatrice de la grâce, qu'elle exerce continuellement en notre faveur, devant le trône de Dieu. Elle est la créature la plus agréable à Dieu et par sa dignité et par ses mérites, et, par conséquent, éminemment supérieure en puissance à tous les anges et à tous les saints. Or, cet office de miséricorde n'est, peut-être, nulle part mieux exprimé que dans le Rosaire: les phases différentes du sublime rôle de la Sainte Vierge dans le salut du genre humain s’y déroulent avec une force de vérité presque dramatique, et cela à l'immense avantage de notre piété, soit que l'âme contemple cette succession de saints mystères, soit que l'émotion fasse vibrer les lèvres, toujours de la même prière. 

MYSTÈRES JOYEUX.

 Et d'abord se présentent les mystères joyeux.

Le Fils éternel de Dieu s'incline vers les hommes, fait Homme lui-même avec le consentement de Marie concevant de l'Esprit-Saint. Jean alors est sanctifié dans le soin maternel, par un privilège insigne, et il est orné de grâces de choix pour préparer les voies du Seigneur. C'est à la salutation de Marie visitant sa parente, sous l'inspiration de l'Esprit divin, que sont dus ces merveilleux bienfaits, Enfin, vient en ce monde le Christ, l'attente des nations; autour de son pauvre berceau accourent les bergers et les mages, prémices de la foi, dans un saint empressement. Ils trouvent l'Enfant avec Marie sa mère. Et bientôt voulant par une cérémonie publique s'offrir comme Hostie à Dieu son Père, il se fait porter dans le Temple ; et là, par le ministère de sa Mère, il est offert au Seigneur. Et Marie, dans le mystère de Jésus un instant égaré, apparaît anxieuse, elle cherche partout son enfant et le retrouve, avec quelle joie ! 

MYSTÈRES DOULOUREUX.

 Le langage des Mystères douloureux est également sublime. Dans le jardin de Gethsémani où Jésus a peur, où il est triste jusqu'à la mort, et dans ce prétoire où il est flagellé, couronné de sanglantes épines, condamné au dernier supplice, on ne voit pas Marie; mais depuis long­temps déjà elle connaît et souffre ces douleurs. Lorsque devant Dieu elle s'inclina sa servante pour se relever Mère de son Fils, ou lorsqu'elle se consacra tout entière, avec Jésus dans le temple, dans l'une et l'autre de ces solennelles circonstances elle s'est, dès lors, associée à sa douloureuse expiation des crimes du genre humain : il est donc impossible de ne point la voir, partageant, de toute la force de son âme, les angoisses infinies de son Fils et toutes ses douleurs ! D'ailleurs, c'était en sa présence, sous son regard que devait s'accomplir ce divin sacrifice dont elle avait nourri la victime de sa plus pure substance.

C'est le spectacle le plus émouvant de ces mystères : de­bout, contre la croix de Jésus était  Marie, sa Mère, péné­trée envers nous d'un amour infini qui la rendait notre Mère à nous, offrant d'elle-même son propre Fils à la justice de Dieu, et agonisant de sa mort en son âme percée d'un glaive de douleur. 

MYSTÈRES GLORIEUX.

 Enfin, dans les mystères glorieux qui suivent, la fonction émouvante de la sublime Vierge est confirmée avec une éloquence plus grande encore.

La gloire de son Fils, vainqueur de la mort, Marie en jouit, silencieuse de bonheur; ses regards accompagnent, de l'expression de son amour de Mère, Jésus qui retourne dans les cieux. Elle, digne du ciel, reste sur la terre ; elle veut soutenir et guider de sa sagesse l'Eglise qui vient de naître. Cependant, le mystère de la Rédemption des hommes ne sera parfaitement accompli que lorsque sera venu le Saint-Esprit que le Christ a promis ; voici Marie, présentée à notre admiration,au milieu du Cénacle. Elle est là, entourée des Apôtres, priant pour eux, avec l'inénarrable gémissement de son âme hâtant l'avènement parfait du Paraclet, don suprême du Christ, trésor,  source précieuse, qui jamais ne tarira. Elle s'en va maintenant, se dirigeant vers le siècle éternel, plaider notre cause, remplir un ministère qui ne cessera jamais. Nous la voyons, en effet, monter de cette vallée de larmes vers la Jérusalem sainte, escortée par les chœurs angéliques ; nous la saluons sublime de splendeur dans la gloire des saints, le front éclatant d'un diadème d'étoiles, qu'y a déposé son divin Fils; elle rayonne à ses côtés, reine de tout l'univers. 

CONCLUSION.

 Vénérables Frères, cette excellence du Rosaire que nous avons fait ressortir sous ses deux aspects, vous proclame assez la raison de notre insistance à recommander la pratique et le progrès universel de cette dévotion. Le secours du Ciel, nous l'avons dit en commençant, devient de jour en jour plus indispensable au siècle où nous vivons. Elles sont nombreuses les causes de douleur pour l'Eglise qui voit attaquer ses droits et sa liberté, nombreuses aussi les causes d'effroi pour la société chrétienne menacée dans sa paix et dans sa prospérité. Notre espérance d'obtenir du Ciel les secours nécessaires est tout entière, Nous le répétons et proclamons de nouveau, dans le Rosaire. Plaise à Dieu que cette dévotion de nos pères soit remise en honneur, comme c'est Notre volonté ! Que dans les villes et les villages que dans les familles, que dans les ateliers, que chez les grands et chez les humbles, cette dévotion soit aimée et pratiquée, que le Rosaire soit partout le drapeau de la foi chrétienne et le gage puissant dé la protection et de la miséricorde divines. 

APOSTOLAT DE LA PRIÈRE.

 Plusieurs fois, je vous ai entretenus, M. T. C. F., de l’œuvre si recommandable, si féconde en bénédictions divines et en fruits de salut, l'Apostolat de la Prière, Ligue du Cœur de Jésus. Conformément à mes désirs et à mes instructions, nos chers Frères Vicaires Provinciaux s'en sont beaucoup occupés et s'en sont faits parmi vous les zélés propagateurs. Leurs rapports en témoignent, comme ils témoignent des résultats obtenus. Ces résultats, je ne puis les énumérer; mais ils sont consolants, encourageants, merveilleux ; ils sont la réalisation des promesses faites par Notre-Seigneur à ceux qui honoreraient son divin Cœur. Combien de nos Communautés n'ont qu'à s'applaudir d'avoir embrassé cette précieuse dévotion et d'en suivre les pratiques avec ferveur ! Bien de plus facile d'ailleurs que ce qui est demandé aux Associés, rien qui surcharge et ne soit à la portée de tous; rien, puis-je ajouter, qui soit plus puissant que cette dévotion pour nous faire réussir dans l’œuvre si importante de l'Education ; rien de plus fort que le Cœur de Jésus, si pur, si humble, si noble, si miséricordieux, si aimant, si généreux dans le sacrifice, pour combattre l'orgueil, l'égoïsme et toutes les convoitises qui sont comme le malheureux fond de notre être. C'est là le but de l'Apostolat de la Prière, qui tend à faire de tout cœur catholique un cœur d'apôtre. J’en ai pour preuve ces intentions particulières que je trouve inscrites dans le Calendrier de l'Œuvre, pour le mois de janvier 1895, savoir: l'esprit de mortification, la charité envers le prochain, l'amour de la pureté, la vertu de confiance, une religieuse fidélité aux devoirs de notre état, la docilité à la grâce divine,  la soif de la Sainte Eucharistie, l'amour des pauvres, l'esprit d'abnégation, lecourage chrétien, la fermeté dans la foi, la vertu de générosité, la vertu de constance, la persévérance, etc. ……

Je ne puis m'étendre davantage sur l’Œuvre  dont il s’agit, je me plais à reconnaître qu'elle s'est bien développée, parmi nous  ; mais ne reste-t-il plus rien à faire ?

   Toutes nos maisons, toutes nos écoles y sont-elles affi­liées? je le désire vivement. S'il en est encore qui n'en fassent pas partie, j'engage les chers Frères Directeurs à s'entendre à cette fin avec les chers Frères Provinciaux et Visiteurs. On peut s'adresser à M. le Directeur de l'Apostolat de la Prière, 16, rue des Fleurs, à Toulouse, pour demander une Notice de l'Œuvre, des billets d'admission et le petit Messager du Cœur de Marie, dont l'abonnement est de 1 fr. 50.              

CAUSE DE BEATIFICATION

DE NOTRE PIEUX FONDATEUR

    La cause de Béatification de notre vénéré Fondateur vient de faire un pas de plus vers l'heureuse issue que nous réclamons de tous nos vœux.

   La Commission ecclésiastique, instituée par Mgr l'Ar­chevêque de Lyon, dans le but de procéder à une information canonique de non culte, concernant le Serviteur de Dieu, Marcellin-Benoît-Joseph Champagnat, a tenu plusieurs séances à l'Archevêché, et une dernière à l'Hermitage, le 4 décembre de cette année.

   Les pièces de ce procès doivent être déposées prochai­nement à la Congrégation des Rites pour être collation­nées et jointes au dossier.

Nous avons des lettres postulatoires de Cardinaux, d'Archevêques, d'Evêques et de Supérieurs généraux, au nombre de soixante-douze. Ces lettres, très riches et très variées, sont en la Possession du Postulateur de la cause ; elles vont être imprimées pour être remises au Saint-Père.

Peu de causes, nous dit-on, auront été demandées et appuyées par des Prélats de tant de contrées différentes.

Dans sa lettre du 23 décembre, le R. P. Nicolet, Postulateur de la Cause, après nous avoir exprimé ses bons souhaits pour l’année 1895, nous écrit ce qui suit

« Puissions-nous chanter le Te Deum de l'Introduction de la Cause !

« J'ai remis à Mgr le promoteur de la Foi les trois lettres pour la dispense des dix ans (les dix ans qui devraient s'écouler entre les premières informations et l'introduction). Au mois de janvier, nous aurons, je le crois, la dispense désirée. En attendant, les écrits sont examinés, et le Sous-Promoteur s'occupe de revoir le procès et la vie pour préparer les observations. Nous marchons donc tout doucement.

« Dans le mois de février, je ferai imprimer les lettres postulatoires… Il me semble que dans ces soixante-douze lettres, nous avons un beau dossier…

« Pour réussir sûrement, nous devons prier, parce que l’œuvre que nous poursuivons doit venir de Dieu.

« A l'Hermitage, il m'est venu une pensée. La petite brochure sur les grâces et guérisons obtenues par le B. Chanel est épuisée. En la rééditant, j'ai l'intention de mettre non seulement les grâces nouvelles, mais encore celles obtenues par l'intercession du P. Champagnat, soit avant le procès, soit après. Ce serait un moyen de propager le culte de l'un et de l'autre. Ce sont deux Frères en religion que Dieu veut glorifier et que nous devons unir le plus possible. »

En vue d'obtenir eu plus tôt la Béatification qui nous intéresse à un si haut point, prions Dieu, par Jésus et Marie, de manifesterde plus en plus le crédit dont jouit auprès de lui son Serviteur, notre vénéré Père, en multipliant les faveurs extraordinaires qui sont demandées par son intercession. 

UNE GUÉRISON.

 Sous ce titre, nous reproduisons ici le contenu d'une lettre qui nous a paru avoir pour tous nos Frères un véritable intérêt.

                                                                 L'Hermitage, 25 octobre 1893.

Mon Très Révérend Frère Supérieur Général,

Le jeudi, 7 septembre dernier, vers six heures du soir, un événement extraordinaire mettait en émoi la communauté de l'Hermitage.

Le père et la mère Lyonnet, nos plus proches voisins, apportaient au couvent leur petite fille Marie, âgée de six ans, qu'on venait de relever de dessous un lourd tombereau, renversé sur elle dans des conditions telles, que les personnes présentes ont peine à comprendre que cette enfant n'ait été pas écrasée sous le coup.

Tout affolés, ils venaient réclamer les premiers soins pour cette chère enfant, qui poussait des cris déchirants.

Les Aumôniers, les Religieuses et quelques Frères accourent à cet appel : mais tout ce qu'ils peuvent faire est peu de chose devant la gravité du mal. Le cou et le visage de l'enfant sont horriblement tuméfiés. L'enflure gagne le corps. Les dents se serrent ; aucun liquide ne passe, la suffocation paraît imminente.

La petite Marie est alors déposé chez les Sœurs.

Appelé par voie téléphonique, le Médecin arrive bientôt, et en présence du C. F. Procureur, du C. F. Infirmier et de la Supérieure des Sœurs de la Sainte-Famille, il caractérise ainsi l'état de la malade: « emphysème pulmonaire considérable, enflure du corps et même des jambes, perforation des poumons, enfoncement de quelques côtes ».

« Impossible de rien faire en cet état d'enflure, ajoute le Docteur. Si l'enfant désenflait, vous me feriez appeler demain. Vous pouvez lui donner une potion de julep gommeux, additionnée de 20 grammes de liqueur de l'Hermitage; mais il est probable que la pauvre petite n'ira pas loin, à moins d'une réaction inespérée. »

La nuit se passe en cris douloureux. Malgré les soins des parents éplorés et le dévouement admirable des Religieuses, l'enflure croissait toujours, surtout au côté gauche et sous les reins.

A 4 heures du matin, 8 septembre, le râle succède aux cris. A 6 heures, la Sœur Supérieure croit la malade à l'extrémité; on fait appeler l'Aumônier, le Révérend Père Charaix, qui lui administre le sacrement de l'Extrême-Onction.

Une demi-heure avant la grand'messe, le vénérable Aumônier, interrogé sur l'état de la petite fille, répond : « Elle s'en va à grand train dans l'éternité. Je l'ai administrée d'urgence. Elle ne peut aller loin… Le Docteur croit aussi qu'elle ne survivra pas. »

« Puisque l'état de cette enfant est désespéré, fait observer le C. F. Provincial, ne devrions-nous pas la recommander au Père Champagnat ? N'est-ce point pour cela que le bon Dieu a permis qu'elle fût apportée ici ? Vous le pouvez, répliqua le Révérend Père; mais si le Père Champagnat la guérissait, ce serait un vrai miracle. – Raison de plus pour essayer, ajouta le C. F. Provincial. »

Alors, en présence du R. Père et des Religieuses, il fait appliquer la gravure du Père Champagnat sur la poitrine de la moribonde, et aussitôt il se rend dans les classes où, après avoir rapporté les paroles du Père Charaix, il fait un chaleureux appel aux Frères pour solliciter de Dieu, en ce jour de la Nativité de la sainte Vierge, la glorification de son serviteur, notre vénéré Fondateur.

Après la sainte Messe, la malade parut plus calme.

Néanmoins, le père et la mère, perdant tout espoir, faisaient les préparatifs pour emporter leur enfant dans leur maison, et pensaient même à sa toilette funèbre.

«Nous ne voudrions pas laisser mourir ici notre fille, nous dit le père Lyonnet: ce serait trop de frais et d'embarras pour vous. »

On représente aux parents qu'emporter la malade, ce serait la tuer. « Ecoutez, mère Lyonnet, dit le C. F. Provincial, nous avons mis la Communauté, en prière pour votre fille. Promettez au P. Champagnat une neuvaine de messes en actions de grâces, dites dans la chapelle, si le bon Dieu la sauve par son intercession. Nous continuerons de prier : vous verrez qu'elle guérira. – Frère, vous avez raison, interrompit le père Lyonnet. Nous attendrons ; faites prier. »

Le râle persista une grande partie de la journée. Cependant, après la récitation de l'office du soir à l'intention de la malade, l'Infirmier remarque un petit mieux ; elle avait pu prendre quelque chose. Nouvel appel à la prière est fait avant le salut de la fête.

La nuit suivante fut encore très mauvaise. Le samedi matin, on pria encore spécialement pour la patiente, et on recommanda aux Frères de faire violence au ciel jusqu'à guérison complète.

Vers midi, une rebouteuse, amenée par la mère Lyonnet, trouva la petite fille râlant encore. Elle conseille, pour l'enflure, la tisane de saponaire que l'enfant ne peut avaler, et elle déclare alors son incompétence pour le mal interne. L'enflure, dont elle dit n'avoir pas vu d'exemple, ne lui permet pas de scruter les membres du corps. Elle recommande instamment de ne pas emporter la malade et d'appeler au plus tôt le médecin. C'est ce qui eut lieu.

« Je la croyais morte, dit le lendemain M. le Docteur, étonné de la revoir en vie. »

Après avoir remarqué une faible décroissance d'emphysème, il confirme de nouveau la gravité du mal, recommande force précautions et prescrit l'alimentation par le lait ou le bouillon. «C'est la première fois de ma vie que je rencontre un cas pareil, dit-il au Frère Infirmier. Cette enfant ne peut pas vivre en cet état. »

Cependant le lundi, 11 septembre, vers dix heures du matin, les époux Lyonnet se décident à emporter chez eux leur chère Marie, avec l'image du P. Champagnat. Le transfert s'opère sans trop d'inconvénients, et la nuit suivante est relativement bonne.

Le mardi 12, une des Religieuses visitant la malade, la trouva sur son séant, se regardant au miroir et demandant plaisamment si elle restera toujours laide comme cela, c'est-à-dire le visage enflé à moitié.

Le jeudi 14, une autre Religieuse la surprend allant et venant dans la cuisine et ne présentant presque plus d'enflure

Au neuvième jour des prières, samedi, 16, le P. Charaix se rend à la maison de la petite fille, et est tout surpris de ne pas l'y trouver. On court la chercher dans un champ voisin, et il a la satisfaction inespérée de constater qu'elle est guérie,

Le dimanche, 17, le F. Adalbéron rencontre l'un des frères de la jeune Marie, et lui demande comment va sa sœur. – « Elle est guérie, répond tout joyeux le petit garçon. – C'est le P. Champagnat qui aura intercédé pour elle, ajouta le Frère.– Ah ! ben ça, répond l'enfant, c'est un miracle ! » voulant dire un très grand miracle.

C'est de la bouche des enfants que sort la louange la plus parfaite.

Le mardi, 19 septembre, au retour d'un voyage, le F. Provincial trouva Marie dans la maison paternelle, agissant presque comme si elle ne relevait pas de maladie ; il lui restait seulement un peu de toux.

« Il faut que le Père Champagnat soit bien puissant auprès du bon Dieu, dit la mère Lyonnet : tout le monde croit que ma fille ne se serait pas tirée d'affaire sans les soins et les prières de l'Hermitage. Aussi réaliserons-nous bientôt notre promesse. » Reconnaissantes de ma visite, mère et enfant m'accompagnèrent jusqu'au chemin. « Il y a là vraiment quelque chose de merveilleux, me dit en­suite mon socius ; car cette fille si malade a guéri en bien peu de temps. – C'est d'autant plus extraordinaire, ajoutai-je, que la science médicale n'a rien pu faire pour elle, et que de l'aveu de ses parents, comme des Sœurs, on n'a pu lui faire prendre aucun remède. »

Ce même soir, nos Religieuses m'assurèrent que les nombreuses personnes du voisinage qui ont assisté ou visité Marie Lyonnet, sont unanimes pour attribuer sa guérison à l'intercession du Père Champagnat.

Le bruit de cette guérison avait inspiré à Mme Mathevon, d'lzieux, à la date du 29 septembre, la promesse positive d'une messe d'actions de grâces, si son fils, âgé de deux mois et presque désespéré, échappait à la mort, par le recours à notre vénéré Père. Le lendemain, l'en­fant était hors de danger. Le dimanche 24, Mme Mathe­von acquittait sa promesse. Depuis l'enfant va très bien.

Quant aux époux Lyonnet, reconnaissants de la conservation de leur seule fille, ils ont donné leur neuvaine de messes à l'Hermitage, le samedi, 23 septembre dernier. La Communauté s'est empressée de s'associer à ce pieux témoignage de reconnaissance.

Le 26 septembre, notre Médecin revint chez les Sœurs pour s'assurer de l'état de l'enfant. Marie, accompagnée de ses parents, descendit la côte à pied, malgré la bise froide qui soufflait. – « Qu'est-ce qui te fait mal? demande affectueusement le Docteur. – Rien, répond la petite Marie. »

L'auscultation la plus minutieuse aboutit, en somme à la conclusion que toutes choses étaient rentrées dans leur état normal, sauf un reste de toux. Le Docteur prescrivit un remède contre la toux et me dit, en partant : « Il faut avouer que des guérisons semblables ne s'opèrent pas une fois sur cent. Cette Enfant serait guérie, ajouta-t-il un peu après, si elle n'avait pas pris froid. Mais ce n'est rien, ça passera. »

Aujourd'hui, octobre, le F. Marie-Edmond a trouvé la petite Marie en bonne santé et dormant paisiblement dans un champ de pommes de terre, où travaillaient ses parents.

N.-B. – Cette guérison a eu lieu il y a plus d'un an présentement, l'enfant se porte à merveille. 

RETRAITE EN ALGÉRIE.

 Nos Frères de l'Algérie ont fait, pour la première fois, au mois d'août dernier, leur retraite à Notre-Dame d'Afrique, lieu isolé et spécialement propre au recueillement. Mgr Livinhac, Supérieur Général des Pères Blancs, à Maison-Carrée, a bien voulu mettre gracieusement à notre disposition son séminaire, établi en ce lieu.

Notre-Dame d’Afrique, sur une éminence, comme Notre-Dame de Fourvière à Lyon, et Notre-Dame de la Garde, à Marseille, domine la ville d'Alger et la mer, qui n'en est qu'à quelques centaines de mètres. De là, on jouit d'un panorama grandiose et ravissant.

Tout à côté de la Basilique, se trouve une ancienne chapelle, ainsi que l'habitation des Pères Blancs. C'est là qu'étaient nos Frères retraitants.

Grâce aux attentions, aux prévenances charitables et minutieuses de Mgr Livinhac et de ses religieux, nos Frères, parfaitement hébergés, ont eu à leur disposition tout ce dont ils pouvaient avoir besoin. Les bons Pères, voulant que les retraitants fussent tout à eux-mêmes, au réfectoire comme ailleurs, poussèrent la condescendance jusqu'à se retirer, pour leurs repas, sous une espèce de tente dressée devant la maison.

Les Frères faisaient leurs visites au Saint Sacrement et le Chemin de la Croix dans la Basilique, y entendaient la messe et assistaient au salut, selon nos usages, apportant en tout la bonne volonté qu'on remarque toujours dans toutes nos Retraites. Ajoutons que la Providence voulut bien adoucir ce qu'auraient pu avoir de trop pénible pour eux les exercices de la Retraite, soit en leur envoyant un prédicateur de choix dans le R. P. Crull, de la Compagnie de Jésus, soit en tempérant la chaleur brûlante de l'atmosphère par la bienfaisante brise de mer.

 Le 13 août, Mgr Dusserre, archevêque d'Alger, a daigné se prêter, avec une bonté touchante, à présider les Cérémonies de la clôture de la Retraite, heureux, dit-il, de saisir cette bonne occasion pour voir tous les Frères, les remercier du bien qu'ils font, et les encourager dans la mission qu'ils remplissent auprès des enfants. C'est lui qui a dit la Messe de Communauté et donné la sainte Communion à tous les Frères. Il a présidé ensuite à leur déjeuner, auquel les Pères Blancs ont pris part.

A la cérémonie de la rénovation des vœux, Monseigneur, avec une bienveillance toute paternelle, a adressé aux Frères, une allocution dont nous donnons ici un résumé.

«Mes bien chers Frères, dit-il, nous lisons dans l'épître de la messe de saint Laurent, diacre et martyr, que Dieu aime ceux qui se donnent à lui de bonne grâce, avec joie, avec générosité, et non avec tristesse et par nécessité. Oui, mes bien chers Frères, c'est avec une bien vive émotion que j'ai lu, pendant la messe que j'ai dite pour vous, tout à l'heure, ces paroles que saint Paul adressait aux Corinthiens.

« Je puis vous dire que vous êtes les amis de Dieu, ses amis de prédilection ; car il nous aime dans la mesure que nous l'aimons. Or, par amour pour lui, vous allez, dans un instant, lui faire hommage de votre liberté, en lui renouvelant votre vœu d'obéissance ; de votre cœur, en lui promettant de n'employer ce noble organe que pour ressentir les bienfaits de son amour ; et enfin, vous renouvellerez le complet abandon que vous avez fait des biens périssables de ce monde, pour arriver à le posséder plus entièrement lui seul. Grande sera donc votre récompense, puisque vous lui donnerez tout en vous donnant vous-mêmes, et qu'il proportionne son amour à celui qu'on a pour lui !

« Nous rencontrons, parfois, des personnes dans le monde qui viennent nous consulter sur la manière de répartir leur fortune: « Je donnerai, nous disent-elles, tant à mes parents, tant à telle autre personne, je réserverai ceci pour moi; le reste sera pour Dieu ; je l'emploierai à des bonnes oeuvres. » N'y a-t-il pas quelque chose de dur, quelque chose qui serre le cœur, dans ces paroles : Le reste sera pour Dieu?

« Il faut pourtant que l'on calcule ainsi dans le mondel es nécessités de famille l'exigent; il faut penser aux siens. Mais vous, mes bien chers Frères, qui avez eu le bonheur d'être appelés à la gloire de la vie religieuse, vous n'avez par, fait ce calcul, vous vous êtes donnés à Dieu avec cette joie du cœur qui n'est diminuée par aucune restriction.

« Oui, vous le voyez, mes chers Frères, quand on veut se donner à Dieu dans le monde, on fait des calculs : « J'observerais bien les préceptes, nous dit-on, mais j'ai des enfants à élever ; mon avenir est en jeu ; je dois penser à mes héritiers; je ferai tout pour Dieu quand j'aurai satisfait aux exigences du monde. »

« Voyez-vous, mes bien chers Frères, ce reste qui est encore ici la part de Dieu. Oui, il y a là quelque chose qui fait mal au cœur; mais pour le monde, cela semble une nécessité.

« Quelle joie et quelle gloire n'y a-t-il pas de se donner à Dieu librement, entièrement, comme vous allez le faire ! Aussi, j'ai le droit et le devoir de vous dire que vous êtes des amis de Dieu, plus que cela, vous êtes ses privilégiés.

« On veut quelquefois se donner à Dieu quand on est en famille; mais, ici, plus que partout ailleurs, vous le savez, on ne s'appartient pas; on est aux siens et aux affaires. Mais vous êtes dégagés des liens de la famille, vous êtes libres, et, dans la plénitude de votre liberté, vous vous donnez à Dieu, sans aucune réserve, et vous n'appartenez plus qu'à Dieu seul. Une âme religieuse, vraiment digne de ce titre, est donc sur un nouveau Thabor, et peut entendre ces paroles de Dieu le Père: « C'est là mon fils bien-aimé, en qui j'ai mis toutes mes complaisances. » Vousne sauriez donc trop vous pénétrer de la beauté et des avantages de votre vocation.

«Un jour, vous avez entendu ces paroles du divin Maître : « Que celui qui veut me servir me suive », et vous l'avez suivi dans la voie de Bethléem; vous avez voulu imiter sa pauvreté complète, divine, admirable, sacrée ; vous l'avez accompagné sur le Calvaire par l'immolation de votre volonté ; vous l'avez suivi sur la montagne de la douleur et de l'obéissance jusqu'à la mort; vous possèderez donc la joie du Thabor par une pureté absolue, complète. Remerciez Dieu de cette belle et sublime vocation ; continuez la mission toute de charité que vous exercez auprès des enfants; mais vivez aussi au ciel par votre union avec Dieu.

« Quelle différence entre le langage et la conduite du monde et ce qui se pratique chez vous ! Chez vous, point de réserves, point de limites, point de restrictions ; aussi, recevez-vous le centuple promis à ceux qui ont tout quitté pour être à Dieu.

«Vous avez dit : « Je n'appartiens à la terre que pour y faire le bien. » Soyez donc assurés que votre gloire sera grande dans le ciel.

« Vous avez passé la mer, pour venir apprendre à la jeunesse de l'Algérie à servir Dieu et à honorer la Sainte Vierge; comment ne trouverais-je pas dans mon cœur des remerciements pour vous, qui venez avec un pareil dévouement ! Je vous admire et j'éprouve le besoin de vous féliciter, et de vous dire encore une fois : Merci.

« Je suis heureux, mes bien chers Frères, d'être venu dans ce Sanctuaire béni présider cette belle Cérémonie. Ce sera aussi pour vous un précieux souvenir, dans votre vie religieuse, d'avoir fait cette Retraite sous les auspices de Notre-Dame d'Afrique. Vous avez eu là une très bonne pensée; je vous en félicite.

« Bientôt, vous allez chanter le Te Deum, que votre bon Frère Assistant a eu l'heureuse inspiration de marquer dans le programme de ce jour. Vous le chanterez avec, joie, afin de remercier Dieu des grâces sans nombre qu'il vous a accordées. Au moment de votre départ, vous chanterez aussi le Magnificat, et chacun pourra dire avec Marie : « Dieu a fait en moi de grandes choses. »

« La Sainte Vierge nous enseigne, dans ce beau Cantique, que, pour trouver l'humilité, il faut monter, monter jusqu'au ciel; c'est là que le grand acte d'humilité a été accompli par le Fils de Dieu quand il dit à son Père : Mon Père, me voici pour faire votre volonté; me voici pour racheter les hommes par les humiliations et les souffrances. L'orgueil, au contraire, descend ; il se complaît dans ce qui est bas, le vice et le péché.

« Comme vous avez l'honneur incomparable d'appartenir à la Société des Petits Frères de Marie, vous devez pratiquer cette vertu d'humilité d'une manière éminente. L'humilité, vertu sortie du trône de Dieu et qu'il ne donne qu'aux grandes âmes, semble avoir toutes ses prédilections.

« Oui, conservez cette vertu, cette joie de l'âme, cette bonne grâce, cette simplicité, qui vous caractérisent, c'est par là que vous réussirez auprès des enfants que vous élevez avec tant de zèle et de dévouement.

«Mes chers Frères, j'entends dire beaucoup de bien de vous et cela me fait grand plaisir. Savez-vous ce que l'on remarque en vous ? c'est la joie du cœur, l'épanouissement de la bonté et une bonne grâce admirable; cela vous attire les sympathies des populations et vous gagne les enfants que l'on vous confie.

« Conservez ces précieuses qualités, mes bien chers Frères, et soyez assurés que Dieu bénira vos travaux et que Marie vous protégera. »

La Cérémonie terminée, les Frères se disposaient à aller remercier Sa Grandeur, lorsque Monseigneur dit au Cher Frère Assistant : « C'est moi qui vais à eux ; introduisez-moi dans leur salle de réunion. » Là, après les avoir de nouveau félicités et remerciés, il les a bénis ; puis il a ajouté : « Avant de quitter ce Sanctuaire béni, où vous avez fait votre première Retraite, il faut en emporter un pieux souvenir. Allez donc auprès du marchand d'objets de piété, qui est à côté de la Basilique, et que chacun de vous choisisse l'objet qui lui conviendra. » Aussitôt, se rendant lui-même auprès du marchand : « Donnez, de ma part, à ces bons Frères, lui dit Monseigneur, tout ce qu'ils vous demanderont. » De là, un bon moment de gaieté pour le marchand et pour les Frères. Tous s'en retournèrent ensuite très satisfaits d'une Retraite que le bon Dieu et la bonne Mère avaient visiblement bénie.

Les quarante-trois Frères, qui exercent actuellement en Algérie, sont répartis, ainsi qu'il suit, dans les neuf Etablissements fondés pendant ces trois dernières années :

Sept, à Mascara, diocèse d'Oran

Cinq, à Sétif, diocèse de Constantine;

Quatre, à Aïn-Témouchent, diocèse d'Oran

Sept, à l'Agha, diocèse d'Alger;

Cinq, à Saint-Denis-du-Sig, diocèse d'Oran;

Cinq, à Boufarik, diocèse d'Alger;

Quatre, à Maison-Carrée, diocèse d'Alger;

Trois, à Mustapha, diocèse d'Alger;

Trois, à Hussein-Dey, diocèse d'Alger. 

NOUVELLES DE NOS MISSIONS.

CHINE

Lettre du C. Frère Mie Candide, Visiteur.

                                                             Cha-la-Eul, le 30 septembre 1894.

    Mon très Révérend Frère Supérieur Général,

Votre sollicitude s'étend à toutes les parties de notre chère famille ; je le sais, vous vous intéressez aux oeuvres les plus modestes, à celles même nées d'hier, comme les nôtres. C'est pourquoi je pense vous être agréable en vous donnant quelques détails sur nos travaux durant l'exercice clos le 15 août dernier. D'ailleurs, vous entretenir de nos efforts pour faire un peu de bien; vous dire nos joies et nos peines, nos consolations et nos espérances m'est un réel bonheur.

Mes lettres antérieures vous l'ont déjà dit, cette année de début à Cha-la-Eul, a été assez laborieuse. Mais, grâce au divin Cœur de Jésus, à la protection de Marie, à l'assistance des bons Anges, nous avons lieu de nous dire satisfaits.

Nos enfants se sont montrés dociles et ont correspondu à nos soins au-delà de nos prévisions. Sans doute, ils ont encore bien des défauts, bien des vices, qui tiennent à leur origine et au caractère chinois; mais ils se sont considérablement amendés sous tous les rapports.

Nous nous sommes surtout appliqués à les instruire des vérités de la Religion, soit par nous-mêmes, soit par les Sien-Chengs, insistant sur le sens du catéchisme. En Chine, on s'adresse à la mémoire de l'enfant, jamais à sa raison, ni à son cœur. L'enseignement religieux lui-même souffre de cette façon d'agir. Nous avons fait de notre mieux pour rompre avec cette méthode déplorable ; aussi avons-nous eu la satisfaction d'entendre nos chers orphelins répondre très sensément et très sûrement aux questions qui leur ont été posées à l'examen préparatoire à la première communion.

Leur inspirer l'amour du travail a été également l'objet de nos efforts. Pendant la longue saison d'hiver même nous avons trouvé le moyen de les faire travailler : arracher l'herbe sèche, porter des pierres, faire des remblais, etc., leur a fourni une occupation chaque jour de beau temps. Le printemps venu, ils ont été, les plus grands du moins, aides-maçons, démolissant, préparant ou apportant les matériaux. Par eux, nous avons pu faire beaucoup et à peu de frais pour l'amélioration de notre local.

La surveillance, chose absolument inconnue des maîtres chinois, n'a pas été la moindre de nos préoccupations. Cette partie de notre tâche était aussi la plus à notre portée ; nous nous en sommes acquittés et le jour et la nuit. Or, je suis heureux de pouvoir vous dire que notre vigilance n'a pu surprendre aucune faute grave contre les mœurs ; et pourtant chacun sait que l'immoralité est: la plaie la plus profonde, la plus invétérée parmi les Chinois.

Nous avons usé de fermeté et de vigilance, mais nous avons été bons et pleins de charité pour ces pauvres enfants. Trois seulement nous ont quittés, préférant la vie vagabonde de la rue à la règle de la maison.

Notre personnel à gages, très nombreux et très indocile, a été réduit. De quarante-cinq ouvriers jardiniers ou domestiques, nous sommes arrivés à n'en compter que vingt-huit. Nous avions quatre Sien-Chengs ; à cette heure, une seule classe sur quatre est encore dirigée par un de ces maîtres mercenaires. Les trois autres ont à leur tête un de nos jeunes novices qui suivent en tout nos méthodes.

La direction de la ferme qui nous incombe depuis le 1ier juin, nous a donné bien à faire. La culture diffère absolument de celle pratiquée en France ; nous avons dû et nous devons encore nous en remettre à nos jardiniers, qui plus d'une fois se sont montrés difficiles. Par une grande patience, alliée à une fermeté inébranlable, nous avons peu à peu dompté notre monde. En ce moment, petits et grands nous sont soumis.

Il avait été question de transformer le mode de culture car, d'après les comptes, il est prouvé que le jardin coûte de 1.200 à 1.400 taëls, et n'en rapporte que de 1.100 à 1200. Nous essayerons encore l'ancien système, c'est-à-dire la culture des primeurs : nous avons tout un matériel qu'il faut user. D'autre part, nous espérons qu'en faisant travailler les enfants, nous pourrons réaliser quelques bénéfices.

Sous le rapport financier, l'année a été très difficile  ; le prix des denrées de première nécessité s'est élevé d'un tiers alors que le nombre de nos enfants augmentait dans les mêmes proportions. Néanmoins, à force d'économies, nous n'avons dépensé que 300 taëls de plus que notre prédécesseur l'année dernière. Cette différence a été remarquée à l'avantage de l'Administration actuelle.

L'état sanitaire a toujours été relativement bon; pourtant la fièvre et le choléra nous ont souvent tenus sur le qui-vive. Inutile de parler des mille et une petites misères dont souffrent habituellement nos orphelins. La gale, une gale spéciale se rapprochant de la lèpre, nous, a particulièrement donné à faire.

Nos rapports avec messieurs les Lazaristes ont été, comme depuis notre arrivée ici, très faciles : de notre part, soumission, respect, empressement ; de la leur, charité, complaisance, appui, encouragement.

Un seul mot maintenant sur nos maisons du Nant'ang et de Tien-Tsin.

Le collège de Nant'ang marche bien; le nombre des élèves s'est accru, et tout le monde est satisfait. On se plaît à rendre témoignage de la bonne surveillance exercée sur les élèves : par elle, bien des fautes sont empêchées.

A Tien-Tsin, même satisfaction, soit de la part de ces Messieurs, soit de la part des familles. Tous les enfants en âge de fréquenter l'école sont allés chez nos Frères. Là aussi le bien se fait d'une façon moins évidente, moins consolante, mais tout aussi réelle. Monseigneur tient beaucoup à cet établissement, et nous y tenons tous également ; c'est Tien-Tsin qui nous a valu le Nan-t’ang et Cha-la-Eul. Ce qui manque au collège de Tien-Tsin, c'est une oeuvre chinoise annexée, mais j'espère qu'elle viendra à son heure…

Personnel de l'Orphelinat Cha-la-Eul, année 1893-1894 : 

Enfants présents au 15 août 1893                   127

–              reçus dans l'année                              91

–              sortis dans l'année                              54

–              présents au 15 août 1894                  164

–              admis au Baptême                              8

–              –  à la Confirmation                              17

–              –  à la Première Communion               48

 

Autre lettre du C. F. Marie-Candide.

                                                                             Cha-la-Eul, le 2 octobre 1894.

      Mon très cher Frère Assistant,

J'adressais hier un long rapport au Révérend Frère Supérieur sur nos travaux de l'année; je viens vous entretenir à votre tour dès aujourd'hui, parce que les événements se précipitent, et que je ne sais s'ils me permettront de vous écrire plus tard.

Les Japonais ont débarqué sur deux points. Ils se disposent à marcher sur Pékin, où tout le monde est affolé. Chinois et Européens. Nous avons tout à craindre, tout à redouter de leur apparition sous les murs de Pékin. L'empereur et son gouvernement fuiront certainement, et nous resterons à la merci de l'anarchie. Cette perspective a porté bon nombre d'Européens à gagner Tien-Tsin ou Shang- Haï. Ceux de nos diplomates ayant famille nous ont quittés. La légation allemande tout entière s'est éloignée. Nous-mêmes, sur la recommandation de notre Ministre, restons enfermés dans nos maisons. Il y aurait grand danger à nous montrer dans la rue. Plusieurs Anglais, pour n'avoir pas gardé cette mesure de prudence, ont été maltraités et n'ont dû leur salut qu'à la vitesse de leurs chevaux.

Monseigneur prend ses mesures pour éloigner les Sœurs d'abord, et les Frères ensuite. On se demande s'il y a plus de sécurité pour eux à Cha-la-Eul qu'au Nant’ang, et réciproquement: ce serait difficile à dire. Dans tous les cas, notre confiance en Dieu est entière : pourrions-nous n'être pas calmes dans les mains de sa divine Providence ? Ainsi qu'en décembre 1891, à l'approche des rebelles, nous continuons à vaquer à nos occupations comme à l'ordinaire. Peut-être prions-nous mieux et plus la Vierge du Rosaire; peut-être invoquons-nous avec plus de ferveur saint Michel, patron de notre maison et les bons Anges gardiens : c'est tout le changement opéré dans nos esprits par cette situation menaçante.

Aucun de nous ne tremble pour sa vie; tous nous serions heureux de la donner pour Dieu et les âmes. Néanmoins on se défend difficilement d'une certaine tristesse à la pensée dé voir ruinée en un jour, l’œuvre de tant d'années, de tant d'efforts, de tant de sacrifices ! Encore une fois, à la garde du bon Dieu ! Cette malheureuse guerre n'est pas le seul fléau qui éprouve actuellement le nord de la Chine ; la famine y est affreuse par suite des inondations et de l'interception der, riz du sud ; le choléra et le typhus y multiplient leurs victimes ; les pluies, qui cessent habituellement vers la fin d'août, continuent toujours et engendrent, avec l'humidité, de nombreuses fièvres. Au Nang-t'ang, tous nos Frères, sauf F. F., ont été atteints de la fièvre paludéenne; ici, à Cha-la-Eul , F. M.-V. souffre encore de la fièvre tierce, et F. M.-O. a été très, très éprouvé par la fièvre paludéenne. Actuellement, tous sont à peu près remis et remplissent leur tâche.

Deux de nos novices ont été malades pendant plus d'un mois; nous comptons encore plus de vingt enfants sur le K’ang; mais aucun cas n'est grave à nous inspirer des inquiétudes. Ce qui nous préoccupe surtout, moi en particulier, c'est de trouver à manger pour tout notre monde. Nos fournisseurs ont épuisé leurs provisions et nous apportent le riz au jour le jour à un prix exorbitant tant. Nous n'avons jamais des vivres à la maison pour plus de trois jours.

Rien ne vient des campagnes environnantes parce que le gouvernement réquisitionne chameaux, ânes, mulets etc., pour porter les bagages de l'armée. Mon Dieu comme cette pauvre Chine est donc éprouvée! Et dire que tant de souffrances et de misères sont pour le diable ! Pour nous, nous méritons pour Dieu, pour le ciel, ce qui fait que nous nous trouvons heureux au milieu de toutes ces éprouves.

Nous comptons sur le secours des prières de tous, particulièrement celles des Juvénistes et Novices. Déjà, j'en suis sûr, vous priez pour nous, parce que le télégraphe vous aura appris les dangers courus ici par les Européens. 

                                  Cha-la-Eul, le 20 octobre 1894.

Depuis ma lettre du 2 courant la situation n'a pas changé pour nous à Pékin. De la guerre, on ne sait rien de certain ; les bruits les plus contradictoires circulent parmi les membres de la colonie européenne restés ici, Ce que l'on peut affirmer, c'est que les Chinois ont été battus en plusieurs rencontres, et que les Japonais sont parfaitement installés en Corée. Tous les jours de nouvelles troupes partent pour la frontière ; mais quelles troupes! C'est à faire pitié ! Elles ont pour armes des lances, des ares, des fusils à mèche, etc.

Le gouvernement s'est ému des menaces proférées contre les Européens ; des postes de vingt soldats ont été placés à la porte de chaque légation. De plus, un décret du Yamen (ministère), recommandant les Européens à la protection des autorités, a été affiché sur nos portes et dans tous les quartiers de la ville. Un second décret (impérial, celui-là) a paru dans la Gazette de Pékin ; vous en trouverez la traduction ci-incluse. Bref, Pères, Frères et Sœurs vaquent à leurs occupations, comme à l'ordinaire, tandis que nos ministres protestants ont tous accompagné leurs ministresses à Tien-Tsin ou à Shang-Haï. Le ministre d'Angleterre en faisait l'observation à M. Gérard. « Cette conduite de mes nationaux me fait perdre la face, disait-il en style chinois. »

Vous le voyez, mon bon Frère Assistant, Dieu nous garde. Malgré la guerre, la révolution, la famine, la fièvre et le typhus et bien d'autres misères, nous pouvons faire son oeuvre.

Tous nos Frères vont bien en ce moment; mais tous, excepté votre serviteur et F. Fortunat, ont payé leur tribut à la fièvre. C'est le cher F. Elie-François qui a débuté ; il nous a bien inquiétés. Après huit jours de traitement, il s'est trouvé mieux. Quant à nos enfants, tous y ont passé ou y passent ; de plus, le choléra en éprouve plusieurs; l'un d'eux est mort à l'hôpital, il y a trois jours, sans avoir pu être administré. En ville, les décès ne se comptent plus. Néanmoins, personne ne s'effraye : nous n'avons pas les journaux pour monter les têtes, frapper les esprits.

Nos fournisseurs continuent à nous approvisionner de riz tous les trois jours ; nous nous faisons à cette situation précaire, nous en remettant entièrement à la bonne Providence.

Notre jardin, lui aussi, a ses maux : les chenilles ont fort compromis notre récolte de pai-t'sai (choux). C'est une perte de mille francs environ. Et dire qu'avec toutes ces misères, nous construisons, nous transformons notre local ! Depuis deux mois, trente ouvriers, sans compter nos enfants, y travaillent. Encore huit jours, et nous en aurons fini (pour cette année), avec la brique et le mortier…

« Gazette de Pékin du 14° jour de la 9° lune de la 20e année Koang-Sin (12 octobre 1894). 

« Décret impérial.

« Les Missions religieuses de tous les pays jouissent depuis longtemps de la sécurité dans la circonscription de la Capitale; il convient de les protéger en toutes circonstances conformément aux Traités. Aucune des Puissances européennes n'est engagée dans la guerre faite actuellement par le Japon ; mais il est à craindre que, parmi la grande multitude d'hommes qui viendront cette année à Pékin, de toutes les provinces, des gens ignorants ne fassent naître à tort la suspicion et la haine, et que, s'il arrivait quelque difficulté, des scélérats et desgens sans aveu n'en profitent pour créer des troubles. Il est de toute nécessité de prendre des mesures préventives.

« En conséquence, Nous enjoignons au Gouvernement militaire de Pékin et aux censeurs chargés de la police, d'ordonner à tous leurs subordonnés de réprimer avec vigilance et de protéger avec soin. On arrêtera immédiatement les malfaiteurs qui voudraient faire naître des troubles, et on les punira avec la plus grande sévérité. Il ne sera permis de montrer aucune indulgence.

« respect a ceci. » 

DANEMARK

 Notre Cher Frère Weibert, directeur de notre Établissement de Copenhague, vient d'être nommé, par le gouvernement français, Officier d'Académie, distinction fort rare, lorsqu'il s'agit d'humbles religieux.

Le C. F. Weibert, obligé depuis quelque temps de séjourner dans le Midi, en raison de sa santé, a reçu, en France, au mois d'octobre dernier, l'avis officiel de cette nomination. C'est quelques jours après, qu'en son absence, M. le ministre plénipotentiaire de France en Danemark, assisté de divers personnages de distinction, a remis officiellement et solennellement les palmes académiques ou insignes d'Officier entre les mains du C. F. Directeur intérimaire de l'école de Copenhague, en présence des Frères et de leurs élèves.

Le Ministère de l'Instruction publique a voulu récompenser dans le C. F. Weibert et dans ses collaborateurs, l'extension qu'ils ont donnée à l'enseignement de la langue française en Danemark, et les succès qu'ils ont, obtenus par l'apparition de nos méthodes. 

COLOMBIE

 Notre C. F. Bérillus, Assistant, qui s'est embarqué avec neuf Frères à Marseille, le 12 octobre dernier, pour la Colombie, nous a donné plusieurs fois de ses nouvelles. Grâce à Dieu, elles ne nous ont apporté que de la satisfaction. Tous nos chers voyageurs sont heureusement arrivés en Colombie en parfaite santé.

L'accueil qui leur a été fait dans plusieurs localités a été très sympathique, on peut même dire enthousiaste. Si l'on en juge par les demandes de fondations qui lui sont faites, le cher Frère Assistant n'aura pas à se mettre en peine pour, trouver l'emploi de ses neuf nouveaux missionnaires et d'autres encore. Recommandons au bon Dieu la mission qu'il est allé remplir et demandons pour lui la faveur d'un heureux retour. 

DÉPARTS POUR LES MISSIONS

 Dans le courant des années 1893 et 1894.

Se sont embarqués :

1° Le 3 février 1893, à Marseille, pour Constantinople, F. Parfait, F. Désiré et F. Léon.

2° Le 4 mars 1893, au Havre, pour New York, F. Saintin, F. Florence, F. Dacianus, F. Géraldus, F. Francisci, F. Polyme, F. Gausbertus, et F. Bernardo ;

3° Le 16 avril 1893, à Marseille, pour Pékin, F. Elie-François, F. Fidelis-Bernardo, F. Marie-Onésime, F. Marie-Fortunat, F. Marie-Victorius et F. Faust, pour Aden ;

4° Le 29 avril 1893, à Liverpool, pour New York-, F. Félix-Antoine et F. Boniface;

5° Le 3 juin 1893, au Havre, pour le Canada, F. Joannès-Emile, F. Bénin, sous la con duite du C. F. Césidius, Provincial ;

6° Le 23 juillet 1893, de Marseille, pour Shanghaï, F. Emiliani, F. Jules-André, F. Alboin, F. Marie-Prudent

7° Le 2 août 1893, à Bordeaux, pour la Colombie, F. Christin, F. Alligien, F. Corinthe, F. Acatius, F. Génoin et F. Carméry.

8° Le 26 septembre 1893, au Havre, pour le Canada F. Victor-Etienne, F. Louis-Etienne, F. Hildebrand, F. Evence;

9° Le 3 novembre 1893, à Marseille, pour la Nouvelle-Calédonie, F. Concessus, F. Joseph-Adrien, F. Louis-Othon, F. Paul-Casimir, F. Marie-Lin, en compagnie du Révérend Frère Supérieur-Général et du C. F. Procope, Assistant ;

10° Le 4 novembre 1893, au Havre, pour New York, F. Basilien, F. Ulfus, F. Colurnban;

11° Le 3 décembre 1893, à Marseille, pour Aden, F. Cyrus;

12° Le 6 janvier 1894, au Havre, pour New York, F. Joseph-Clément, F. Edmundus ;

13° Le 3 mars 1894, à Marseille, pour Constantinople, F. Joseph-Martial;

14° Le 14 avril 1894, au Havre, pour New York-, F. Pierre-Nolasque;

15° Le 5 mai 1894, à Marseille, pour Constantinople, F. Louis-Julien;

16° Le 26 mai 1894, au Havre, pour New York, F. Zénaïs-Marie, F. Joseph-Daniel;

17° Le 14 août 1894, à Sydney, pour Shanghai, F. Frédérick, F. Célestin

18° Le 16 août 1894, à Liverpool, pour Montréal (Canada), F. Davinus, F. Marie-Sylvestre;

19° Le 16 septembre 1894, à Marseille, pour Aden, F. Nazianze;

20° Le 29 septembre 1894, à Marseille, pour Scutari (Turquie d'Asie), F. Marie-Amateur, F. Louis-Emile, F. Louis-Angelo ;

21° Le 6 octobre 1894, au Havre, pour New York, F. Pierre-Raphaël, F. Salvus, F. Joseph-Zéphiriny ;

22° Le 11 octobre 1894, à Marseille, pour la Colombie, P. Elisée, F. Estéban, F. Alvar, F. Héliodorus, F. Jonathas, F. Libérius-Joseph, F. Marie-Chanel, F. Marie-Sérapion, F. Urbain-Joseph, en compagnie du C. F. Bérillus, Assistant;

23° Le 20 octobre 1894, -à Southampton, pour l’Afrique du Sud; F. Nilus, F. Peter, F. Gerland, F. Carion.

Ces 23 départs comprennent 75 Frères.

La première fondation dans les Missions étrangères est celle du Cap de Bonne-Espérance, en 1867, sur la demande de Mgr Grimley et la recommandation du cardinal Barbanó[1]. Depuis lors, nous avons eu 98 départs pour les pays étrangers, comprenant 380 Frères.

Ces départs si nombreux me portent à vous rappeler une réflexion du R. F. Louis-Marie, à l'occasion d'autres départs pour les Missions : « Dieu, en nous appelant à cette grande oeuvre a en vue de réveiller parmi nous l'esprit de zèle de le soutenir et de l'enflammer dans toutes nos provinces et dans toutes nos maisons, en permettant à tous nos religieux d'aller même au-delà de leurs vœux, et de demander des sacrifices auxquels l'obéissance ne saurait les soumettre.

Quoi de plus propre, en effet, que l'exemple de nos Frères missionnaires, à nous confirmer tous dans la voie sublime de la perfection religieuse, à exciter notre ardeur pour notre propre sanctification et pour le salut de nos enfants !

« A ceux qui ne savent pas se détacher suffisamment du pays, des parents, des connaissances, ils offrent une leçon de séparation absolue, de détachement complet, leçon admirable, qui se commence aujourd'hui dans notre cérémonie d'adieu, qui va se consommer dans quelques jours, sur les bords de l'Océan, et qui ira se perpétuer, jusqu'à la mort, au-delà des mers. Après un tel exemple, comment oser lasser la patience des Supérieurs pour des voyages de famille si peu motivés et si souvent répétés? Comment se faire un besoin de communications continuelles, actives et passives, avec les parents et connaissances ?

« A ceux qui chancellent dans leur vocation, qui portent vers le monde des regards d'infidélité, quelle puissante leçon de constance et de généreuse persévérance! Des Frères que nous avons connus, que nous avons aimés avec lesquels nous avons vécu, jettent tout d'un coup, entre eux et les espérances mondaines, toute l'immensité de l'Océan, tous les obstacles d'un retour comme impossible.

« A ceux qui calculent avec les sacrifices que demande la Règle, que demande l'enseignement religieux, que demandent les vœux, Dieu apporte l'exemple d'un courage à toute épreuve, qui va au-devant des travaux et des privations, au-devant de tous les dangers et de toutes les difficultés pour étendre le règne de Jésus-Christ, et lui gagner des âmes. » 

FONDATIONS NOUVELLES EN 1894

 L'Institut a pu fonder dans l'année, les Établissements suivants :

 

En France : Antraigues-sur-Volane(Ardèche), Auteuil (Paris), Baulon (Allier), Cruas (Ardèche), Etagnac (Charente), Eyguières (Bouches-du-Rhône), Saint-Georges-de-Lévejac (Lozère), Lyon-Saint-Just (Rhône), Mazamet (Tarn), Vaugneray (Rhône).

L'Établissement de Loyes a été supprimé. 

A l'Etranger : Buga (Colombie), Bruxelles-Saint-Gilles (Belgique), Cawaci Levuka (Fidji), Saint-François-de-Beauce (Canada), Gerona (Colegio del Sagrado Corazon), Hussein-Dey (Alger), Londres (Leicester-Square), Palafrugell, Sabadel (Espagne), Scutari (Asie Mineure), Wanganui (Nouvelle-Zélande). 

RENSEIGNEMENTS CONCERNANT LE SERVICE MILITAIRE.

 Les Frères de nationalité française qui ont passé la conscription et qui sont de la classe de 1888 ou d'une classe postérieure, voudront bien nous fournir sans retard  les renseignements indiqués dans le tableau suivant. Ils copieront très exactement ce tableau, et, après l'avoir garni, l'enverront, sous enveloppe fermée, au Frère Secrétaire général, à Saint-Genis-Laval. 

Classe,                                                             Province d

Frère

Nom de famille et prénoms

Lieu de naissance,

Département,

Date de naissance,

Canton du tirage ait sort,                                  Département,

Numéro,.

Bureau de recrutement,

Décision du Conseil de révision,

Affecté au régiment du

Désignationdu bataillon,                     de la compagnie,

Désignation de la garnison,

Date de l'entrée au service,

Date de la libération du service actif,

Mutations :       

OBSERVATIONS. – (Indiquer ici le motif de l'exemption, de l'ajournement ou du renvoi anticipé). 

AVIS DIVERS.

 Nos Frères Directeurs sont priés de ne donner aucun renseignement à MM. les Receveurs de l'Enregistrement sur le droit dit d'accroissement ; ils doivent les inviter à s'adresser à la Maison-Mère et nous transmettre les pièces officielles qui leur seraient remises.

Nous rappelons à nos Frères Directeurs l'obligation où ils sont de s'approvisionner exclusivement à la Procure Provinciale pour les classiques et les prix.

Les communications concernant les assurances et les livres de la collection F. T. D. doivent être envoyées au Cher Frère Procureur Général. 

NOUVEAUX OUVRAGES.

 COURS ÉLÉMENTAIRE DE PHILOSOPHIE, adapté aux programmes du baccalauréat de l'enseignement secondaire, classique et moderne, par M. l'abbé Manuel, professeur de philosophie. In-12, 638 pages.

HISTOIRE de FRANCE à, l'usage des candidats aux différents brevets de capacité et aux divers baccalauréats, cours supérieur. In-12, 748 pages.

PREMIÈRES NOTIONS DE SCIENCES PHYSIQUES ET NATURELLES, à l'usage des candidats au certificat d'études primaires. In-12, 250 pages, nombreuses gravures, 2e édition.

Dorénavant le DICTIONNAIRE ALPHABÉTIQUE ET ANALOGIQUE DE LA LANGUE FRANÇAISE, par Elie Blanc, sera toujours livré aux Frères, avec les 800 proverbes, au prix de 2 francs.

On pourra le demander aussi avec 1.700 locutions proverbiales, au prix de 2 fr. 20.

LE GUIDE DE L'ENFANCE est en réimpression et sera enrichi de près de cent gravures.

PRINCIPES DE PLAIN-CHANT, théorie et pratique, suivant les traditions grégoriennes, 3ième édition, revue et augmentée. In-12, 144 pages.

ATLAS-GÉOGRAPHIE: Cours supérieur, destiné: 10 aux aspirants au certificat d'études supérieur, aux brevets de capacité ; 20 aux, élèves des classes moyennes de l'enseignement secondaire moderne, nouvelle édition.

Cours spécial, correspondant aux programmes des baccalauréats de l'enseignement secondaire classique et de l'enseignement secondaire moderne. 

Pour paraître en août 1895

 HISTOIRE GÉNÉRALE, comprenant :

1° Des notions d'histoire ancienne;

2° Un abrégé d'histoire du moyen âge, servant de complément à l'histoire de France;

3° Des études complètes sur les temps modernes et l'époque contemporaine.

ALGÈBRE, cours moyen, correspondant aux programmes du brevet supérieur et de la 1" partie du baccalauréat de l'enseignement secondaire moderne. In-12, 250 pages environ. 

NOS DÉFUNTS.

 F. DACIEN,Profès, décédé à Notre-Dame de l'Hermitage (Loire), le 27 mai 1894.

F. ALOYSIO, Novice, décédé à Notre-Dame de l'Hermitage (Loire), le 29 mai 1894.

F. JACOBUS, Obéissant, décédé dans sa famille, à Bort (Corrèze), le 4 juin 1894.

F. MAMILLIEN, Obéissant, décédé à Aubenas (Ardèche), le 4 juin 1894.

F. MARIE-DAmiEN, Novice, décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 6 juin 1894.

F. ISAAC, Profès, décédé à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), le 9 juin 1894.

F. MARIE-CHÉRUBIN, Novice, décédé à Aubenas (Ardèche), le 23 juin 1894.

F. EDGAR, Obéissant, décédé à Aubenas (Ardèche), le 25 juin 1894.                         

F. MARIE-LiGUORI, Profès, décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 26 juin 1894

    Joseph OGIER, Postulant, décédé dans sa famille, à Clelles (Isère), le 1ier juillet 1894.

F. JOSEPH-ACYNDINUS, Obéissant, décédé à N.-D. de l'Hermitage (Loire), le 6 juillet 1894,

F. PIERRE-ALPHONSE, Profès, décédé à Beaucamps (Nord), le 13 juillet 1894.

F. MARIE-THEODONIC., Novice, décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 26 juillet 1894.

F. BÉRIER, Obéissant;, décédé à Saint-Paul-trois-Châteaux (Drôme), le 27 juillet 1894.

   Jean-Marie PROTAT, Postulant, décédé à Varennes-sur-Allier (Allier), le 30 juillet 1894.

F. EVERGISTE, Obéissant, décédé à Berga, prov. de Barcelone (Espagne), le 30 juillet 1894.

F. ANSOVIN, Novice, décédé dans sa famille, à Beauregard (Drôme), le let août 1894.

F. CLEMENTE, Novice, décédé dans sa famille, à San Ibanez (Espagne), le 4 août 1894.

F. COLOMBAN, Profès, décédé à Lawrence (Etats-Unis), le 4 août 1894.

F. RÉOLE, Profès, décédé à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), le 19 août 1894.

F. TERTULLIEN, Profès, décédé au Mont-Dore (Puy-de-Dôme), le 20 août 1894.

F. THÉODORE, Profès, décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 4 septembre 1894.

F. URBANUS, Profès, décédé à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), le 4 septembre 1894.

F. IGNATIUS, Profès, décédé à Hunter’S Hill (Australie), le 8 octobre 1894.

F. AURELE, Novice, décédé à Varennes-sur-Allier (Allier), le 6 novembre 1894.

F. DUBRICE, Novice, décédé à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), le 7 novembre 1894.

   Philibert GRAPELOUP, Juvéniste, décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 8 novembre 1894.

F. JOSEPH-AUSTREMOINE, Novice, décédé dans sa famille, à Marsac (Puy-de-Dôme), le 10 novembre 1894.

F. STEPHANUS, Profès, décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 11 novembre 1894.

F. LIBORIUS, Profès, décédé à Aubenas (Ardèche), le 12 novembre 1894.

F. ALESIUS, Obéissant, décédé à Lacabane (Corrèze), le 13 novembre 1894.

F. JEAN-CLAUDE, Profès, décédé à Saint-Genis-Laval (]Rhône), le 18 novembre 1894.

F. BRIEUX, Profès, décédé à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), le 20 novembre 1894.

F. MARIE-PRISCILLIEN, Profès, décédé à N.-D. de l'Hermitage (Loire), le 22 novembre 1894.

F. MATERNE, Stable, décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 23 novembre 1894.

F. ONESIPHORE, Stable, décédé à Canet-de-Mar (Espagne), le 28 novembre 1894.

F. MARIE-AUDIFAX, Profès, décédé à Lacabane (Corrèze), le 30 novembre 1894.

F. ZOZIME, Profès, décédé à Pélussin (Loire), le 3 décembre 1894.

F. JOSEPH-AMBROISE, Profès, décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 4 décembre 1894.

   Louis LORDET, Juvéniste, décédé à Varennes-sur-Allier (Allier), le 4 décembre 1894.

  Hippolyte GILLY, Juvéniste, décédé à La Bégude (Ardèche), le 18 décembre 1894.

F. DONATUS, Profès, décédé à Beaucamps (Nord), le 20 décembre 1894.

F. LAURENTIUS, Profès, décédé à Fontvieille (Bouches-du-Rhône), le 22 décembre 1894.

F. ANTONINUS, Profès, décédé à Notre-Dame de l'Hernitage (Loire), le 26 décembre 1894.

F. JOACHIM, Profès, décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 28 décembre 1894.

 

En offrant, selon la Règle, nos prières et nos suffrages pour ces nouveaux défunts, n'oublions pas de nous pré parer nous-mêmes à la mort et de demander continuellement au bon Dieu qu'elle soit, pour chacun de nous, précieuse devant ses yeux.

Mettons à profit cette puissante exhortation du Prince des Apôtres : Efforcez-vousde plus en plus, mes frères, d'affermir votre vocation et votre élection par les bonnes oeuvres ; car, ajoute-t-il, en agissant de la sorte, vous ne pécherez jamais ; et par ce moyen, Dieu vous fera entrer avec une riche abondance de mérites, dans le royaume éternel de Jésus-Christ, notre Seigneur et notre Sauveur (S. Pierre, 1, 10, 11.) 

La présente circulaire sera lue en communauté à l'heure ordinaire de la lecture spirituelle ; et de plus, au réfectoire, dans les maisons de Noviciat.

Je vous renouvelle l'assurance du tendre et religieux attachement avec lequel je suis, en J. M. J.,

Mes Très Chers Frères,

Votre très humble et très dévoué serviteur,­

       F. THÉOPHANE.

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[1] : Il doit s’agir du Cardinal Barnabó.

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