Circulaires 203

Théophane

1902-05-10

Circulaire du 10 mai 1902 : Annonce des retraites. - Esprit de prière. - Jubilé pontifical de S. S. Léon XIII. - Adresse au Saint-Père. -­ Cause de béatification du V. Champagnat. Voyage à Rome. Audience pontificale. - Faveurs obtenues par l'intercession du V. Champagnat. -- Clôture des exercices du second Noviciat. - Missions de Chine. -- Océanie, vêture à Moamoa. -- Trait de vaillance chrétienne. Brésil méridional. - Brésil central. - Mexique. Visites épiscopales à la Maison-Mère. - Une fête à N.-D. de Lacabane. - Œuvre de persévérance. - Défunts

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51.04.01.1902.1

 V. J. M. J.

Saint-Genis-Laval, le 10 mai 1902.

     Mes Très Chers Frères,

Par mon intermédiaire, Notre-Seigneur Jésus-Christ vous adresse aujourd'hui cette parole qu'il adressait à ses apôtres : « Venez à l'écart et prenez un peu de repos » ; en d'autres termes : Venez à la retraite, venez loin du monde, de ses asservissements, de ses tracas, de ses préoccupations, de ses affaires, venez passer quelques jours avec votre Sauveur, et écouter ce qu'il dira au-dedans de vous, en vue d'une union plus parfaite avec lui.

Dociles à cet appel, vous viendrez, pleins de bonne volonté, écouter ce que le Seigneur vous dira, et le prier de vous montrer la route où il lui plaît que vous marchiez. Confiants en la maternelle bonté de Marie, vous la prierez de vous aider à apporter aux saints exercices de la retraite les dispositions les plus parfaites, de manière que Jésus, son divin Fils, dilate son cœur pour que vous puissiez y entrer, vous y abriter contre les traits de vos ennemis, et y fixer à jamais votre demeure. 

Nos retraites auront lieu dans l'ordre suivant :

1° Saint-Genis-Laval, pour le Régime et l'Administration, du 17 au 24 juin ;

2° lberville (Canada), du 17 au 4 juillet;

3° San Andrés (Espagne), du 29 juillet au 5 août;

4° Alger, du 31 juillet au 7 août;

5° Dumfries (Ecosse), du 2 au 9 août;

6° Varennes (Allier), du 21 au 28 août;

7° Beaucamps, du 26 août au 2 septembre

8° Saint-Genis-Laval, du 28 août au 4 septembre;

9° Saint-Paul-Trois-Châteaux, du 4 au 11 septembre;

10° Aubenas, du 7 au 14 septembre;

11° Notre-Dame de l'Hermitage, du Il au 18 septembre ;

12° Notre-Dame de Lacabane, du 16 au 23 septembre. 

Les Grands Exercices, pour les Frères admis à la profession, auront lieu à Bourg-de-Péage (Drôme); du 20 août au 17 septembre.

Dans les Missions, les retraites auront lieu aux époques ordinaires.

Pour obtenir la grâce d'une bonne et fervente retraite, et pour nous disposer à bien célébrer la grande fête de l'Assomption, nous réciterons pendant les neuf jours qui la précèdent trois Ave Maria, après la méditation ; et, pendant l'octave, le Veni Creator Spiritus, suivi de l'oraison et d'un Ave Maria, au commencement de la prière du soir. 

ESPRIT DE PRIÈRE. 

Nous lisons dans nos Règles communes : Les Frères ne doivent rien tant désirer que l'esprit de prière et le don d'oraison.

Qu'est-ce que l'esprit de prière ? L'esprit de prière, ce n'est ni telle prière vocale, ni telle manière de faire son oraison, ni tel exercice de piété ; c'est comme une huile aromatique, composée de ce qu'il y a de plus pur, de plus ardent, de plus divin dans les rapports de l'âme avec le ciel, et qui, venant à surnager dans notre âme, y brûle perpétuellement en l'honneur de Dieu. Alors toutes nos actions, nos pensées, nos désirs, nos volontés sont imprégnés de cette huile céleste, tout dans notre être et dans notre vie devient une prière continuelle, un hymne sans fin, une immolation de tous les instants ; c'est le commencement de ce qui doit se continuer là-haut.

L'homme ne peut pas toujours réciter des prières vocales, toujours méditer, toujours être agenouillé dans les églises ; mais toujours il peut avoir en son cœur cet esprit de prière qui s'exhale de l'âme comme le parfum de la fleur, et qui embaume par une brise céleste toutes les heures de la vie.

L'essence de la prière ne consiste point en telle ou telle formule qui se promène sur les lèvres ; ce qui la constitue principalement et la rend agréable à Dieu, c'est la soumission à sa sainte volonté et le désir de lui plaire. Or, quand un chrétien, un religieux mène une vie pure, que dans le mouvement et le repos, en particulier et en public, il remplit exactement tous ses devoirs, on peut dire en toute vérité, qu'il offre à Dieu un sacrifice continuel de ses pensées, de ses désirs, de ses actions, et ordinairement ce sacrifice est plus difficile et plus méritoire que celui qui se bornerait à des paroles et à quelques formules extérieures. « Nous louons Dieu, dit saint Hilaire, moins par nos paroles que par les choses et les actes d'obéissance. »

Un pieux évêque, Mgr Landriot, dans une instruction pastorale du 29 janvier 1862, dit qu'en suivant les principes de la tradition catholique, on pourrait distinguer plusieurs espèces de prières, en dehors de l'acception usuelle donnée à ce saint exercice.

1° On prie toutes les fois qu'on s'éloigne du péché. « Celui qui observe la loi, dit l'Esprit-Saint, multiplie les oblations : c'est un sacrifice salutaire que d'être attentif à garder les commandements et de se retirer de toute iniquité. » Fuir le mal, résister à une tentation, mépriser les avantages du monde, pour ne pas violer la loi de la conscience, C'est faire une excellente prière. Le soldat qui essuie le feu de l'ennemi pour sauver l'honneur de la patrie, et qui, au milieu du sifflement des balles, demeure immobile à son poste, n'a pas besoin de proclamer à haute voix son amour du pays. De même un chrétien, un religieux qui brave la chair et le monde, et qui, au milieu des tentations les plus violentes, reste immobile sur le terrain de la vertu, et ne faiblit jamais sérieusement dans la ligne du devoir, celui-là est, devant Dieu, un brave dont la seule attitude est une magnifique prière. « Ne rien penser, ne rien vouloir de contraire à l'amour divin, dit l'Ange de l'Ecole, c'est avoir habituellement son cœur en Dieu. »

2° En second lieu, la direction générale de la vie vers Dieu est une excellente prière. «C'est, dit Fénelon, cette prière sans interruption que beaucoup de gens de piété s'imaginent être impraticable, mais dont la pratique sera très facile à quiconque saura que la meilleure de toutes les prières est d'agir avec une intention pure, en se renouvelant souvent dans le désir de faire tout selon Dieu et pour Dieu. »

Saint Augustin ajoute que chaque bonne œuvre est un instrument de musique, et que faire une bonne action, c'est chanter un cantique à Dieu. « Chrétiens, dit-il encore, le Prophète nous assure qu'il Joue Dieu tout le jour ; mais qui peut comprendre et goûter cette parole ?

Je vais vous indiquer un moyen de louer Dieu toute la journée, si vous le voulez : faites bien tout ce que vous faites… La prière n'est interrompue que lorsqu'on s'éloigne de la justice. » Sainte Thérèse comprenait à merveille cette oraison de toute la vie, cette prière des bonnes œuvres, quand elle disait à ses religieuses: « Puisqu'il est vrai que, soit par la contemplation, soit par l'oraison mentale ou vocale, en assistant les malades, et en nous employant aux autres offices de la maison, même aux plus bas et aux plus vils, nous servons toujours cet Hôte divin qui vient loger, manger et se récréer avec nous, que nous importe de le servir d'une façon plutôt que d'une autre ? »

De ce qui précède, il faut toutefois se garder de conclure qu'un religieux peut, facilement et sans préjudice, s'affranchir des exercices de piété, qui se font en communauté conformément à la Règle. Sans doute il peut laisser un exercice de piété si l'obéissance ou la charité demande qu'il vole au service du prochain, ou qu'il s'acquitte de quelque devoir d'état dont l'accomplissement ne saurait être retardé ; mais il n'en saurait être de même si, sous prétexte qu'il travaille pour Dieu, il abandonnait de son plein gré la prière commune pour suivre son goût et sa préférence pour l'action extérieure.

D'après l'enseignement des saints, l'état habituel de soi souffrance peut être une excellente prière ; il suffit de l'offrir à Dieu  de l'accepter avec résignation, de l'unir à la Passion de notre divin Sauveur, de s'étendre sur la croix et de dire au moins de cœur : Mon Père, que votre volonté se fasse et non la mienne. Cette simple acceptation amoureuse, ce regard intérieur, cette conformité de la pensée  et du désir, sont plus agréables à Dieu que l'agit, agitation d une âme qui voudrait pratiquer des exercices souvent impossibles dans son état.

Souvent les âmes affligées et comme ensevelies dans la douleur s'inquiètent, se plaignent de ne pouvoir rien dire à Dieu. Elles devraient, au lieu de ces préoccupations, stériles, se rappeler que leur tristesse et leur abattement, offerts simplement au Seigneur seraient une fervente prière, la prière qui ressemblerait le plus à celle de Jésus sur la croix.

4° Enfin saint Basile donne à la prière un sens encore plus large,quand il dit que le corps humain est comme un instrument de musique disposé d'après les règles de l'harmonie pour chanter des louanges au Seigneur. Saint François d'Assise comprenait cette vérité si belle et peut-­être si profondément méconnue, lorsqu'il allait se promener dans les rues avec l'intention de prêcher et d'édifier le peuple. Il sentait que dans le chrétien, tout peut être élevé à l'état de prière permanente de prédication angélique, et que la démarche d'un homme de bien est dans les rues, un psaume qui raconte aux passants la gloire de Dieu. Cette vérité est encore plus incontestable quand les organes ou les membres du corps exercent un acte spécial de vertu, quand la main s'étend pour faire l'aumône, quand les oreilles s'ouvrent pour recevoir la vérité divine, quand les pieds s'agitent pour prendre le chemin de l'église, ou accomplir un acte d'obéissance, quand la langue sert à enseigner les vérités de la religion, quand la main s'emploie à quelque écrit qui instruit, console, encourage et porte au bien, etc. ; alors, vraiment, le corps devient un instrument de musique qui chante un cantique toujours nouveau.

Ainsi, s'abstenir constamment du mal, faire toujours le bien, suivre toujours le mouvement combiné de la raison et de la foi, toujours et à toutes les heures accomplir fidèlement les devoirs de sa vocation, c'est mettre en pratique cette parole de Jésus-Christ : Il faut prier toujours. Et combien cela est facile au religieux, avec les moyens que lui donnent sa vocation, sa règle, la vie de communauté, les bons exemples de ses frères, etc. ! Bien différente est la situation des gens du monde : que de lacunes existent pour eux dans la vie, telle qu'on la comprend dans la pratique ! Trop souvent on traite la religion un peu comme les habits de grande fête, que l'on prend à certains jours, à certaines heures; on pense avoir beaucoup fait pour Dieu, lorsqu'on a récité ses prières du matin et du soir, assisté à la messe le dimanche, et vaqué peut-être de loin en loin à quelques exercices de piété durant la semaine ; puis, le reste du temps, on demeure à peu près étranger à toute pensée chrétienne.

La plupart des chrétiens qui vivent dans le monde, croient que la vie de prière continuelle est très difficile à pratiquer, il est aussi des religieux qui pensent de même. C'est une erreur. Demandons-le à ceux qui en ont fait l'expérience : ils nous diront qu'il suffit de se livrer à l'action de la grâce. de se mettre à la disposition de l’Esprit-Saint, de soumettre entièrement et généreusement sa volonté à celle de Dieu, de faire toutes choses dans l'intention de lui plaire. Il n'est même point nécessaire que cette intention soit toujours actuelle ; le mouvement premier du cœur, une fois donné, persévère, pourvu qu'il ne soit pas rétracté et qu'on le renouvelle de temps en temps. L'âme s'élance en Dieu le matin, comme l'enfant dont le premier battement de cœur est pour sa mère. D'un coup d’œil, elle mesure sa journée, en offre la direction à Dieu et, quand, durant le jour, une secrète aspiration la rappelle dans son sanctuaire intime, elle s'écrie avec bonheur, comme l'astre du matin : Seigneur, me voici, je pensais à vous, car j'accomplissais mon devoir ; je priais, car je faisais votre volonté en suivant la route que vous m'aviez tracée. Ainsi se dirige l'âme vers l'océan de l'éternité, comme le fleuve qui se promène au milieu de tous les accidents de la route, et continue son chemin, sans jamais s'arrêter, versant toujours autour de lui la fécondité, se proportionnant à toutes les formes des rives qu'il parcourt, mais toujours marchant vers la Mer.

Cet esprit de prière n'a rien de gênant pour les mouvements de l'âme : il ne crée point dans le cœur la contrainte et la servitude. On commence par degrés successifs, et l'on finit par vivre ainsi de Dieu, avec Dieu et en Dieu, comme on respire, aussi librement, avec autant de facilité et presque sans s'en apercevoir.

Telle est la puissance de la prière continuelle, qu'elle nous donne tous les jours la facilité de renouveler un des plus beaux prodiges de la création. Au commencement, et après avoir semé dans son œuvre les ornements plus nombreux que les fleurs de la campagne, le Seigneur songeait au roi de l'univers ; et, pour réaliser ce chef-d’œuvre, il pétrit lui-même du limon, c'est-à-dire de cette matière vile et abjecte que nous foulons tous les jours aux pieds ; mais sur cette argile grossière, il inspira un souffle de vie immortelle. Cette argile, touchée par la main de Dieu et animée de son souffle, devint une belle et radieuse créature, sur laquelle le Tout-Puissant arrêta ses regards de complaisance. Chrétiens, religieux, nous avons aussi du limon à pétrir, c'est-à-dire toutes ces actions vulgaires, tous ces détails obscurs de la vie humaine. Mais nous aussi, nous portons en nous-même un souffle de vie immortelle, puisque nous sommes les images du grand Dieu de l'éternité. Répandons-le sur notre vie tout entière, et ce limon s'agitera comme au jour de la création, et à chaque souffle de notre âme il se lèvera une statue vivante, celle de la vertu sous la forme de l'ange de la prière.

« Pour prier continuellement, dit saint Augustin, il suffit d'avoir un désir continuel, désir d'aimer Dieu toujours davantage et de s'unir à lui plus parfaitement. Quelles que soient nos occupations, si le désir persévère en nous, nous prions toujours, et ce désir soutenu est une voix qui ne cesse pas un seul instant. Cette voix de l'âmecesse quand on cesse d'aimer. L'ardeur de la charité est le cri du cœur : si la charité demeure toujours, vos désirs ne cessent pas, et si vos désirs, ne cessent pas, vous priez toujours. Le désir continuel est un gémissement continuel ; il n'arrive pas toujours aux oreilles des hommes, mais il est toujours présent aux oreilles de Dieu. » Une comparaison empruntée à la nature peut nous faire mieux comprendre ce mouvement de l'âme, que saint Augustin appelle le désir perpétuel. Il existe dans les pierres et dans tous les objets sensibles une force secrète et latente qui les attire vers leur centre, et que l'on nomme la gravitation. Cette tendance secrète des êtres matériels vers le lieu de leur repos est comme le désir perpétuel de leur existence. Dieu est aussi le centre des âmes, et dans tous les cœurs chrétiens il existe un désir secret et continuel de s'unir à lui, désir qui peut brûler lentement, lors même que nous n'avons pas la conscience actuelle de sa présence. Ce désir, qui est comme le plus pur parfum de l'esprit de prière, a son foyer dans le sein de l'âme aimante et en découle comme l'effet naturel de l'amour divin.

L'âme qui est dans cette disposition habituelle, éprouve souvent le besoin de la manifester par des actes réfléchis. De là ces aspirations secrètes du cœur, ces oraisons jaculatoires, qui s'élancent comme les étincelles d'un feu ardent; de là ces paroles enflammées qui montent vers le trône de Dieu et qui souvent ont plus de puissance que les longues oraisons. Toutes ces aspirations peuvent se produire sans que rien (ne) soit changé à notre extérieur sans que nous soyons obligés d'interrompre la moindre occupation; et même dans cet heureux état, toute chose extérieure se fait, avec plus de facilité, de charme et de mérite.

Si nous étions des anges, nous pourrions nous contenter de ce genre de prière : faire la volonté de Dieu et respirer en Dieu. Les anges ne prient pas autrement ; unis à Dieu, ils le voient, l'aiment par un acte continuel et non interrompu ; ils aiment en exécutant les ordres du Très Haut, et ils les exécutent en aimant. Mais, sur cette terre d'exil et de pénitence, la misère et la faiblesse de notre nature, la corruption du péché, les incertitudes de la volonté, l'inconstance des désirs, tout nous fait une obligation, à certaines heures et dans certaines circonstances, de vaquer d'une manière plus spéciale à la prière, de faire de ce saint exercice notre affaire principale, d'y concentrer toutes les puissances de notre âme, pour nous occuper exclusivement de Dieu et de nos besoins spirituels. De là les prières qui se font dans l'Eglise ; de là ces pieux exercices, prévus et prescrits par nos Règles, et qui doivent avoir pour effet de renouveler la provision de cette huile intérieure, appelée l'esprit de prière, de nous communiquer une force progressive pour mieux accomplir tous nos devoirs, et de donner une nouvelle impulsion à ce mouvement de l'âme qui la fait tendre énergiquement à Dieu.

M. T. C. F., estimons, aimons, accomplissons fidèlement nos exercices de piété ; gardons-nous d'y apporter la routine ou la tiédeur; efforçons-nous de nous en acquitter avec les sentiments et les dispositions que peut inspirer la délicatesse de l'amour. Donnons à Dieu cette fleur du cœur qu'est la délicatesse, en retour de ses petits soins, de ses attentions, de l'à propos merveilleux de ses secours, de la perfection exquise de ses bontés, en un mot, de la délicatesse que lui-même met dans tous ses rapports avec nous.

Soignons donc tous nos actes, surtout les plus ordinaires, qui sont les plus fréquents et forment le fond commun de toute la vie humaine. Le Saint-Esprit l'a dit : « Sois excellent dans toutes tes œuvres. » Par cela seul qu'elle est une occasion de vertu, un élément de progrès qu'elle peut être une prière, et, moyennant la grâce, un principe de béatitude, chaque action qui se présente à faire est une part dans ce don exquis dont l'Ecriture nous recommande « de ne laisser point échapper une parcelle ». Agissons sous l’œil de Dieu, pour lui obéir et pour lui plaire. Que tout se fasse en son temps, avec ordre, avec ferveur de cœur et énergie de volonté ; non par entraînement, caprice ou routine, mais par raison, avec foi, avec joie, même quand nous sommes assaillis par l'ennui ou le dégoût.

Puissions-nous, M. T. C. F., comprendre et pratiquer ainsi la vie chrétienne, la vie de perfection à laquelle nous devons tendre, l'esprit de prière que nous devons désirer, et cette parole de l'Evangile : « Il faut prier toujours. » Oui, faisons en sorte que la prière ne soit pas dans notre vie un acte isolé, mais que l'esprit de prière circule dans toutes nos veines, qu'il respire dans toute notre vie, de manière que nos bons anges puissent se dire entre eux : Ces religieux sont vraiment nos frères, car leur vie, comme la nôtre, est une aspiration divine, une longue et continuelle prière. Si, par nos généreux efforts et par la grâce de Dieu, nous parvenons à établir en nous l'esprit de prière et le désir perpétuel du cœur, notre vie tout entière ne sera plus qu'un hymne à la gloire de Dieu, un hymne dont les strophes se continueront dans le ciel. 

JUBILÉ PONTIFICAL DE S. S. LE PAPE LÉON XIII 

Le 3 mars dernier, à Rome, s'est accompli un événement que je ne puis passer sous silence: je veux parler du Jubilé célébré à l'occasion du 24ième anniversaire du couronnement de Sa Sainteté Léon XIII, et de son entrée dans la 25ième année de son pontificat. C'est le 20 février 1878 que le cardinal Joachim Pecci a été élu par le Sacré-Collège, pour succéder à l'illustre Pie IX dans le souverain Pontificat. Les vertus éminentes, la science profonde et la capacité remarquable dont le nouveau Pape avait fait preuve dans les hautes fonctions qu'il avait eu à remplir jusque-là, faisaient concevoir les plus consolantes espérances ; mais on se demandait s'il en pourrait longtemps assurer la réalisation, vu son âge déjà avancé, une vie pleine d’œuvres, et surtout une constitution d'apparence frêle.

Léon XIII a réalisé tous les vœux et dépassé toutes les espérances. Après 92 ans d'existence et 24 ans de règne, il continue de défier les années et de porter le poids du gouvernement de l'Eglise avec une vaillance et une vigueur qui ne connaissent pas de défaillance. Nulle décrépitude dans cet illustre nonagénaire. Son âme conserve toute sa plénitude intellectuelle et morale sous l'apparence de corps qui lui sert d'enveloppe.

Cette conservation de ses facultés au-delà des limites ordinaires est d'autant plus étonnante que Léon XIII a tout embrassé de sa sollicitude et de sa puissante activité, et que son œuvre est immense dans son universalité. N'est-ce pas une merveille que ce Pontife qui, dans nos jours si troublés, porte dans sa tête le conseil de l'Eglise, trouve encore du temps à consacrer aux questions qui agitent les sociétés. Que de veilles représentent ces Encycliques dont la collection constitue un monument politique et théologique de premier ordre, et ces actes d'administration et de réforme, élaborés dans le recueillement des nuits et embrassant l'Eglise universelle !

Etant données les heures que Léon XIII consacre chaque jour à la prière, on est obligé de reconnaître qu'il y a en lui une puissance de travail peu commune ; ou plutôt mieux vaut dire que la prière aide le travail. Aussi, bien convaincu du pouvoir et de l'efficacité de la prière, le saint Pape se plait-il à la recommander fortement en toutes circonstances.

Ce n'est pas sans de graves desseins, sans doute, que le Ciel, après avoir mis sur la chaire de Pierre un tel Pontife, nous l'a conservé jusqu'à présent. Aussi, est-ce pour répondre aux intentions divines, que la catholicité a réuni ses vœux et ses espérances sur sa tête auguste, à l'occasion de son jubilé pontifical.

Ce fut vraiment un spectacle grandiose que celui que présentait le 3 mars, à Saint-Pierre de Rome, cette foule de plus de 40.000 personnes, avec les ambassadeurs, les envoyés extraordinaires, les représentants officiels de toutes les nations civilisées, catholiques, schismatiques, hérétiques ; puis le Souverain Pontife, porté sur la sedia gestatoria, escorté des divers dignitaires du Vatican, de 30 cardinaux en robe rouge, et de plus de 200 archevêques et évêques, et levant majestueusement sa main pour bénir toute l'assistance qui l'acclamait avec enthousiasme.

Ce magnifique spectacle était bien fait pour soutenir le courage de ceux qui seraient tentés de se laisser abattre par la violence des persécutions.

Le jubilé du Père commun des fidèles n'a pas ému seulement un pays, une nation, il a fait battre le cœur du monde entier. La fortune de l'Eglise est au-dessus des révolutions humaines et du destin des empires ; et si, sur un point ou l'autre du globe, la persécution peut l'assaillir et même paraître l'ébranler, nulle part n'est la pierre d'achoppement qui puisse la faire sombrer : Les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle. Ne cessons donc de mettre notre confiance en Dieu qui, dans ces temps où tout s'ébranle et s'écroule autour de nous, nous donne cette nouvelle preuve de cette promesse : « Voici que je suis avec vous jusqu'à la consommation des siècles. » 

ADRESSE AU SAINT-PÈRE. 

A l'occasion de ce Jubilé, l'adresse suivante a été envoyée au Saint-Père: 

Saint-Genis-Laval, le 25 février 1902.

                                             À Sa Sainteté Léon XIII. 

                   Très Saint-Père,

En mon nom et au nom de ma famille religieuse, les Petits Frères de Marie, je remplis un devoir qui m'est bien doux en déposant aux pieds de Votre Sainteté l'hommage de notre vénération profonde et de notre soumission filiale.

En union avec l'univers catholique, nous rendons grâce à Dieu pour l'entrée de notre vénéré et bien-aimé Pontife dans la vingt-cinquième année de son règne, et nous adressons au Ciel les prières les plus ardentes pour la longue continuation de son glorieux Pontificat.

De Votre Sainteté,

Le très humble et très obéissant fils et serviteur,

                Frère Théophane,

Supérieur général. » 

RÉPONSE. 

Révérend Frère Théophane, Supérieur Général des Petits Frères de Marie, à Saint-Genis-Laval.

               Révérend Frère Supérieur,

J'ai reçu en son temps l'adresse que, par mon intermédiaire, Votre Révérence a envoyée au Saint-Père à l'occasion de son Jubilé Pontifical, et n'ai pas omis de la déposer en ses augustes mains.

J'ai le plaisir de vous faire savoir que Sa Sainteté a accueilli avec joie les dévouées et filiales expressions de respectueux hommages, avec lesquelles l'Institut entier des Petits Frères de Marie a bien voulu saluer l'aurore de cet heureux Jubilé. Elle y a trouvé un nouveau témoignage de son louable attachement au Saint-Siège et l'a béni de grand cœur.

En portant cela à votre connaissance, je suis heureux de vous confirmer les sentiments de haute estime avec lesquels je suis,

De Votre Révérence,

Le très affectionné en Notre-Seigneur,

                   Card. RAMPOLLA.

Rome, le 22 avril 1902. 

CAUSE DE BÉATIFICATION DU VÉNÊR. CHAMPAGNAT

VOYAGE A ROME. – AUDIENCE PONTIFICALE. 

Selon que je vous l'ai annoncé par la Circulaire du 18 mai 1901, la Commission nommée pour les procès apostoliques dans la Cause du Vénérable Marcellin Champagnat, avait alors à s'occuper du procès continuatif sur l'héroïcité des vertus en particulier du Vénérable. L'enquête terminée, les pièces s'y rapportant m'ont été confiées, au mois de janvier dernier, par son Eminence le cardinal Coullié, pour être portées à Rome. Je me suis rendu, en effet, avec le C. F. Augustalis, Assistant, à la Ville éternelle, où j'ai eu la satisfaction de remettre le précieux dépôt à la Sacrée Congrégation des Rites.

Profitant de cette heureuse occasion, nous avons demandé et obtenu la faveur, précieuse entre toutes, d'aller déposer nos hommages et ceux de toute la Congrégation aux pieds du Souverain Pontife.

C'est le 19 janvier que nous avons eu le bonheur d'être admis en audience privée, de recevoir de notre Saint-Père le Pape l'accueil le plus tendre, le plus paternel, d'entendre de sa bouche les paroles les plus affectueuses, les plus réconfortantes, et d'être favorisés de ses riches bénédictions pour nous, pour vous, pour vos élèves, pour nos parents et nos bienfaiteurs. Oh ! le délicieux moment que celui que l'on passe auprès du Vicaire de Jésus-Christ !… Mais ce sont de ces choses qui se sentent mieux qu'elles ne se rendent.

Comme toutes les personnes qui ont l'honneur d'être admises en la présence de l'auguste vieillard nous avons pu juger et nous pouvons témoigner de la lucidité de son intelligence et de la sûreté de sa mémoire, autant que de la netteté de ses idées. 

FAVEURS OBTENUES PAR L'INTERCESSION DU

VÉNÉRABLE CHAMPAGNAT. 

On écrit de Païta (Nouvelle-Calédonie)

« Il y a trois ans, Mme veuve C…. âgée de 57 ans, de Païta, souffrait d'un énorme abcès qui, s'ajoutant à l'état maladif où elle se trouvait depuis plusieurs mois, et à l'extrême faiblesse à laquelle elle était réduite mit bientôt ses jours en danger. Tout espoir de guérison étant perdu, on lui administra les derniers sacrements. Cependant, le lendemain, un médecin de Nouméa étant venu la voir et jugeant qu'elle n'avait plus que pour quelques heures de vie, se décida à pratiquer une opération, bien qu'il n'en  espérât guère le succès.

« Après l'opération la malade resta, pendant douze heures, froide et sans pouls, les yeux vitrés et fixes, mais gardant sa connaissance. On s'attendait donc, d'un moment à l'autre à un dénouement fatal quand, le jour même de l'opération, on eut la pensée de faire pour elle une neuvaine de prières au Vénérable Marcellin Champagnat, en même temps que Mme C., portait suspendue à son cou une relique du Vénérable (un petit morceau de sa ceinture).

« A partir de ce moment la malade se sentit mieux, et au bout de neuf jours pendant lesquels il avait reçu de son confrère de Païta des bulletins de plus en plus rassurants, le docteur de Nouméa revint la voir et, à sa grande surprise, la trouva en voie de guérison et n'eut qu'à lui prescrire un régime fortifiant.

« Les forces de M- C… revinrent si bien qu'elle jouit présentement d'une bonne santé. » 

Mme veuve B… adresse les lignes  suivantes

« Mon état de santé m'obligeait à me priver de pain et à ne me nourrir que de lait, de semoule et d’œufs. Au bout de trois mois, cette nourriture me causait une répugnance que je ne pouvais vaincre.

« Alors je priai chez moi le Vénérable Père Champagnat de m'obtenir une meilleure santé. N'ayant pas été exaucée, je suis allée l'invoquer sur sa tombe à Notre-Dame de l'Hermitage ; les bons Frères du couvent et les Juvénistes de la Valla ont fait une neuvaine à mon intention, et j'ai été exaucée. Le deuxième jour j'ai pu manger du pain, j'ai continué depuis et mes forces sont revenues.

« O bon Père Champagnat, merci des millions et desmillions de fois ! Je donne gaîment une petite reconnaissance à vos petits Juvénistes. »

Ve B… 

Un Frère du Canada écrit:

«Le 19 mars, j'étais appelé par télégramme auprès de ma mère malade et administrée. A mon arrivée, le 20, accompagné de mon frère, je la trouvai n'ayant presque plus de connaissance. Le soir de ce même jour, pleins de confiance au Vénérable Père Champagnat, nous avons commencé une neuvaine pour demander par son intercession la guérison de notre chère mère.

   Aussitôt la neuvaine commencée, notre mère  se trouva mieux, et dès le soir, du premier jour, elle put manger presque comme une personne qui se porte bien, et dormir la nuit suivante, elle qui, depuis un mois, ne prenait qu'un peu de lait et ne reposait presque pas.

« Ce mieux s'est continué, sauf une petite rechute causée par un refroidissement, mais dont l'effet a été annulé par une nouvelle neuvaine au Vénérable.

« Gloire à Dieu et remerciement au Vénérable Père Champagnat. 

CLOTURE DES EXERCICES DU SECOND NOVICIAT 

Le 23 mars 1902, a eu lieu, à notre maison Sainte-Marie, la clôture des exercices du second noviciat qui avaient commencé en octobre 1901. Comme l'année précédente, ils ont été dirigés par le R. P. Petit et le C. F. Flamien. Les Frères qui y ont pris part y ont apporté toute l'ardeur et toute la bonne volonté désirables, suivant en cela l'exemple donné par leurs devanciers. De même que ceux-ci, ils ont fourni une somme de travail qui atteste l'emploi de leur temps pendant leur séjour à Sainte-Marie. Ce travail est reproduit en partie en un cahier in-quarto de 214 pages lithographiées en lignes serrées, et contenant trente-sept sujets ascétiques ou pédagogiques, traités ex-professo, et dont voici les titres:

1° Actions ordinaires. -2° Amour envers Notre-Seigneur Jésus-Christ. – 3° Avantages des vœux de religion. – 4° Chant dans nos écoles. – 5° Devoirs du Directeur relativement à l'enseignement. -6° Dévotion à Marie. – 7° Dévouement à l'Institut (2 devoirs). 8° Dieu dans ton chef tu honoreras, etc. – 9° Discipline. – 10° Douze qualités de l'Esprit sérieux. – 11° Enseignements de Noël. -12° Etude analytique sur le F. Urbain. – 13° Examen général et particulier. – 14° Formation des Frères. – 15° Formation de la conscience. -16° Formation de la volonté. – 17° Formation du cœur de l'enfant. – 18° Fruits de la charité fraternelle. è 19° Lecture spirituelle. – 20° Le Père Champagnat, grand serviteur de Marie. – 21° Méditation sur les effets de la sainte communion. – 22° Méditation sur l'humilité. 23° Moyens pratiques de bien faire le catéchisme. 24° Persévérance des élèves. – 25° Piété. – 26° Préparation à la première communion. -27° Présence de Dieu. – 28° Principales vertus à inculquer à l'enfant. 29° Qualités du parfait éducateur. – 30° Régularité. 31° Renoncement aux parents et aux choses du monde. – 32° Surveillance. – 33° Tristesse et sainte joie. 34° Trois devoirs d'un Supérieur. – 35° Vie de famille. – 36° Chronologie mariste. – 37° Liste d'ouvrages recommandés.

Le tout renferme un enseignement substantiel, lumineux et d'un caractère vraiment pratique.

Le jour de la clôture, après la rénovation des vœux, les pieux novices se sont rendus à la salle des exercices, et là, l'un d'eux, s'adressant au Révérend Frère Supérieur et aux chers Frères Assistants présents, a exprimé, au nom de tous, les sentiments qui étaient dans les cœurs. D'abord un sentiment de reconnaissance pour tant d'enseignements solides si intelligemment distribués, pour tant de lumières et de grâces reçues, pour tant de consolations et de douceurs goûtées dans cette maison bénie ; puis un sentiment de confiance inébranlable au souvenir des bénédictions divines répandues sur l'Institut dans le passé.

De ce compliment, où respire d'un bout à l'autre un pieux enthousiasme, nous extrayons ces lignes qui sont comme le bouquet spirituel des fervents novices :

« Nous ne devons pas nous le dissimuler : à peine sortis de ce nouveau cénacle de Sainte-Marie, comme les apôtres nous rencontrerons des contradictions et des obstacles à la pratique des maximes évangéliques qui doivent régler notre conduite. Mais, guidés par le flambeau de la foi, fortifiés par l'espérance d'une vie meilleure, soutenus par la puissante protection de notre bonne Mère, nous resterons fidèles à nos saintes résolutions. Puis, aux heures douloureuses de l'épreuve, nous nous rappellerons que, pour jouir des divins ravissements du Thabor, il faut être disposé à accepter le calice amer du Calvaire ; et quand la nature se sentira défaillir, serrant avec amour notre crucifix contre notre poitrine, nous nous souviendrons de cet appel du poète

Vous qui pleurez, venez à Dieu, car il pleure;

Vous qui souffrez, venez à lui, car il guérit ;

Vous qui tremblez, venez à lui, car il sourit;

Vous qui passez, venez à lui, car il demeure.

« Alors, réconfortés, nous nous écrierons dans une affectueuse résignation, avec le saint homme de Tours

« Pour vous, ô mon Dieu ! »

Ont pris part à ces saints exercices les chers Frères dont les noms suivent :

FF. ALAIN. DOMINICUS. EUGÉNIEN. FULBERT. GENEST. HÉLION. JOANNICE. JOB. JOSEPH-PHILIPPE. JOSEPH-OVIDE. JULES-EMILE. KÉNÉRIN. LEUFROY. LUCIANUS. MARCIEN. MARIE-AGILBERT. MARIE-DENIS. MARIE-FRANÇOIS. NÉON. PAUL-MARY. PROCHORE. RÉAL. STANISLAS. 

NOUVELLES DES MISSIONS 

CHINE. 

LETTRE DU C. F. LOUIS-JULIEN,

                                             Directeur de Nanning-Jou.

Les derniers événements qui se sont accomplis en Chine, et l'état de guerre intestine et de persécution où se trouve encore actuellement une partie de ce vaste empire, font qu'un intérêt particulier s'attache aux Etablissements qui y sont dirigés par nos Frères. C'est pourquoi nous croyons devoir donner ici place à une relation de voyage qui nous a été envoyée par le C. F. Louis-Julien, Directeur de l'établissement récemment fondé à Nanning-fou, province de Kouang-si. 

V. J., M. J.

Nanning-fou, le 5 février 1902.

     Mon Très Révérend Frère Supérieur,

Le 14 décembre, j'ai reçu, à ma grande surprise, la nouvelle que j'étais nommé Directeur à Nanning, c'est à-dire, chargé de la fondation d'un nouvel Etablissement, situé à une immense distance de Canton, le poste le plus rapproché. Quel effrayant début pour moi dans le directorat ! Fallait-il reculer ? Non : « Mes Supérieurs m'envoient, me dis-je, c'est Dieu lui-même qui m'envoie; son secours suppléera à mon impuissance et soutiendra ma faiblesse. »

Le 16 décembre, je fis mes adieux à mes élèves de l'école municipale, auprès desquels le C. F. Emile devait me remplacer. Ils me témoignèrent des sentiments dont je fus vivement touché, demandèrent à être photographiés avec leur professeur et me firent plusieurs petits cadeaux. Un d'eux voulut payer un dîner chinois à toute la communauté de Saint- François- Xavier.

Ce ne fut donc pas sans regret que je quittai ces chers enfants. Mais combien plus il m'en coûta pour me séparer de la nombreuse et bien-aimée communauté de Shanghaï, au milieu de laquelle j'avais passé de si beaux jours ! Mais Dieu le voulait.

Le 26 décembre, je laissai donc tout ce qui m'attachait à Shanghaï, et, accompagné du C. F. Pierre-Alexis qui retournait en France, du C. F. Visiteur et de quelques confrères, je me rendis au lieu d'embarquement. Là, nous trouvons le R. P. Robert, procureur des Missions Etrangères, qui, en me disant adieu et en me souhaitant bon succès, me confie quelques commissions auprès de ses confrères de Nanning. Les bons Pères Lazaristes sont là aussi. Mais ce qui me touche le plus, ce sont mes chers élèves accourus, malgré le froid, pour me souhaiter bon voyage. L'un d'eux me dit : « Pourquoi partez-vous ? Shanghaï est un bon pays. Les Chinois du Sud sont méchants, ils ne sont pas civilisés. »

Enfin un coup de sifflet nous avertit qu'il faut s'embarquer ; il est 4 heures du soir. Le C. F. Visiteur, le C. F. Eustate, le C. F. Pierre-Alexis et moi prenons place sur le Wangpoo, chaloupe des Messageries maritimes, et nous voilà partis. Nous entrons au salon, et pendant une heure et demie, le temps que l'on met pour gagner Wosung, je m'entretiens avec le C. F. Visiteur, dont les bonnes paroles me réconfortent et affermissent ma confiance.

A Wosung, nous descendons pour changer de bateau. Après plusieurs heures d'attente, le F. Pierre-Alexis et moi, nous nous séparons du C. F. Visiteur et du C. F. Eustate, qui reprennent le Wangpoo pour retourner à Shanghaï, et nous nous rembarquons sur le paquebot Yarra. 

                             De Shanghaï à Hong-Kong. 

Le 27 décembre, nous nous réveillons au sud des îles Chusan (Tchoussann) en face de Ningpo, près de la baie de Tan-Moun, que les Italiens convoitent. En seconde classe, nous sommes en compagnie de cinq autres passagers : deux dames françaises, un Français de Shanghaï, se rendant en France pour acheter des automobiles, un ex-sergent de ligne partant pour le Tonkin, et un Japonais allant à Lyon pour ses affaires. Tous, de même que le personnel du bateau, sont fort polis, de sorte que nous ne sommes nullement gênés.

Le dimanche 29, au matin, nous étions à l'entrée du port de Hong-Kong. Deux bateaux de guerre français nous saluent, et le Yarra jette l'ancre au milieu du port, où, malgré un fort vent du Nord, des barques viennent aussitôt chercher les passagers. Dans l'une d'elles, nous distinguons un rabat blanc: c'est le C. F. Paul-Chanel, venu de Canton, avec le P. Brun, aide du R. P. Martinet procureur des Missions étrangères à Hong-Kong.

Nous sommes reçus à bras ouverts à la Procure des Missions étrangères. Sans tarder, nous nous rendons à la cathédrale, pour assister à la messe, dite par un Père des Missions étrangères de Milan, Société similaire aux Missions étrangères de Paris, mais essentiellement italienne et bien moins florissante. L'assistance remplissait la cathédrale et se composait presque toute de Portugais de Macao, avec quelques Chinois et Européens.

Le soir, nous visitons les deux établissements des Missions étrangères françaises : d'abord Nazareth, maison, de travail, où est l'imprimerie des livres chinois, annamites, birmaniens, etc., à l'usage des missionnaires. C'est là qu'a été imprimée notre Méthode, pour apprendre la langue française, à l'usage des Chinois.

Près de là est Béthanie, maison de retraite et sanatorium pour les missionnaires âgés ou malades. Mgr Chatagnon, évêque de Soei-fou, s'y trouve, assez fatigué.

Le 30, nous disons adieu au F. Pierre-Alexis, qui nous quitte pour retourner en France, notre patrie terrestre, toujours chère à nos cœurs. 

DE HONG-KONG A CANTON 

Le 31 décembre, à 8 heures du matin, le beau steamer anglais, Kankow, quitte les quais nous emportant vers Canton. Il nous faut environ quatre heures pour atteindre une des branches du vaste delta du Si-Kiang ou Rivière des Perles, fleuve de Canton. Pendant ce temps, nous longions la presqu'île de How-loon, que nos voisins d'Outre-Manche ont cru devoir réclamer pour assurer la défense de Hong-Kong. Tout ce qui valait quelque chose y a passé.

   Vers midi, nous nous engageons dans la branche nord, appelée Bocca Tigris, bouche du Tigre, bordée de ro­chers de chaque côté. A mesure que nous approchons de Canton, le terrain est plus fertile et des villages ap­paraissent çà et là. A 2 heures, nous sommes à Wampoa, gros bourg, autrefois concession européenne, aujour­d'hui abandonné. A 3 heures, nous découvrons la splen­dide cathédrale de Canton, œuvre de feu Mgr Guillemin. Ses deux flèches se voient de loin et dominent tout. Un Chinois parlant anglais, me fait remarquer que c'est une belle église. En effet, je crois que c'est la plus belle de toute la Chine. Tout occupé à contempler ce magni­fique édifice, on oublie de regarder les bords du fleuve ; on n'y perd rien, car ce n'est que pauvres barques et cabanes du plus triste aspect.

Voici enfin que notre bateau stoppe. Un domestique de nos Frères de Canton est au débarcadère ; il se charge de nos bagages; deux palanquins sont mis à notre disposition deux robustes gaillards me hissent sur leurs épaules deux autres font de même pour mon confrère, et nous voilà partis. Mais quelles rues ! quel encombrement! quel tohu-bohu ! Jamais je n'avais vu rien de pareil. Cependant nos porteurs, à force de cris, réussissent à se frayer un passage, et ils courent plutôt qu'ils ne marchent.

Après trois quarts d'heure, pendant lesquels j'aurais pu me croire un grand mandarin, nous arrivons à l'école Pichon. Nous nous trouvions subitement devant une entrée magnifique, style chinois. La grande porte extérieure franchie, nous arrivons, cinquante pas plus loin, à la grande porte d'honneur, qui ne s'ouvre que pour les hommes remarquables (mandarins, et autres). Au cri de nos porteurs, deux soldats de garde accourent pour l'ouvrir, et nous entrons (entrée solennelle pour moi, non habitué à un tel cérémonial). Sur les battants de la porte sont sculptés et se présentent à l'admiration des visiteurs, deux beaux types de Chinois ventrus, deux lettrés au moins, car en Chine on mesure et on apprécie l'esprit à la proéminence du ventre. Près de là, se voient aussi les loges des vingt soldats qui gardent l'école et la propriété. Après avoir franchi une troisième porte et suivi une allée bordée d'arbres énormes, nous arrivons enfin à l'habitation des Frères, sur laquelle flotte le drapeau français. Soudain une détonation retentit : on nous reçoit à la mode chinoise. Le C. F. Marie-Julien, directeur, accourt au-devant de nous, puis viennent les Chers Frères Louis-Théodat, Joseph-Stanislas et Nicet (ces deux derniers sont mes futurs collaborateurs). Après le Laudetur, on s'embrasse, on se félicite, on se livre tout à la joie de se revoir. Sans tarder, on va faire une visite à la chapelle, au vrai et divin Maître de la maison, puis au R. P. Pie, le sympathique aumônier.

1ierjanvier 1902. – Après la sainte messe, on se souhaite la bonne année bien bonnement, bien cordialement, en vrais Maristes. Le déjeuner fini, les élèves viennent par groupes offrir leurs souhaits, précédés la veille par de nombreux cadeaux. Bon nombre d'entre eux ont de 15 à 40 ans, et tous témoignent aux Frères de l'estime et de l'affection. Un petit salut accompagné de « Bonne année, Monsieur », voilà leurs souhaits.

Comme c'était l'heure de notre visite à Mgr l'Evêque, le C. F. Directeur congédia les élèves ; mais une trentaine d'entre eux, tous païens, voulurent nous suivre, ce à quoi nous ne fîmes aucune opposition. Mgr Mérel, le nouvel évêque de Canton, nous reçut avec beaucoup de bonté et de simplicité ; il fit aussi très bon accueil aux trente élèves qui nous accompagnaient, et c'était charmant autant qu'amusant de les voir défiler devant Sa Grandeur en balbutiant : « Bonne année, Monsieur ». Ils se sont retirés en demandant la permission de visiter la cathédrale.

Dans l'après-midi, nous allons offrir nos vœux à M. Hardouin, le vaillant et distingué Consul de France. Nous faisons ensuite une visite aux commandants des trois petits bâtiments de guerre français qui se trouvent dans le port. Les trois officiers sont heureux de féliciter le F. Marie-Julien du succès de l'école Pichon qu'il dirige.

Le 2 janvier, nous retournons chez M. le Consul pour nous mettre en règle au point de vue du service militaire. Il nous parle de Nanning, nous promet son appui, le concours du gouvernement français, il nous remet trois fusils Mauser pour nous défendre si nous sommes attaqués. 

              De Canton à Ou-tcheou. 

Le 8 janvier, à 8 heures du matin, après avoir assisté à la messe, fait la sainte communion et récité les prières de l'itinéraire, mes deux collaborateurs et moi sommes au port, où nous ont accompagnés nos chers confrères. C'est l'heure fixée pour notre départ. Nous les embrassons, le cœur ému et plein de reconnaissance pour les marques de charité qu'ils nous ont prodiguées pendant ces huit jours, et nous prenons place sur le Nanning, joli steamer anglais qui fait le service sur le Si- Kiang et va nous transporter à Ou-tcheou.

La région que nous allons parcourir n'est pas à l'abri, parait-il, des méfaits des pirates ; aussi deux policiers indiens sont-ils constamment en sentinelle sur le bateau. Il est à souhaiter toutefois qu'ils ne viennent pas nous attaquer, car les trois revolvers et les quatre fusils que nous avons dans le bateau ne constituent pas des moyens de défense très redoutables.

La journée se passe sans incident. Nous remarquons seulement que nous sommes dans un bateau où l'on mange énormément, comme si l'on n'avait pas autre chose à faire. A 9 heures, au moment où nous nous couchons, nous arrivons à la ville de Sarn-choui, ouverte au commerce européen. Notre navire jette l'ancre et repart à 10 heures. Nous pouvons ensuite dormir tranquillement. Le 9, nous nous réveillons au milieu d'un épais brouillard. La sirène se fait entendre à chaque minute et nous avançons lentement. A la ville de Taksing, nous faisons une halte de trois heures ; ensuite, le brouillard s'étant dissipé, nous continuons notre navigation à travers les rochers qui émergent çà et là. Enfin, nous arrivons à Ou-tcheou, préfecture de la province du Kouangsi. Au débarcadère, nous trouvons le R. P. Pélamourgue qui nous attend et nous donne la plus charitable hospitalité. Nous trouvons à sa résidence deux jeunes Chinois venus pour nous servir pendant la partie du voyage qui nous reste à faire, la dernière et la plus longue.

Après cinq jours passés en préparatifs, et à la suite de démarches faites par le P. Pélamourgue, une barque spéciale est mise à notre disposition, et le batelier se charge de nous conduire à destination en vingt-cinq jours.

Pour un voyage de cette importance, il faut prendre des précautions. Le Père avertit le Préfet d'Ou-tcheou ; il nous fait faire à chacun deux espèces de cartes: une grande et des petites. La grande est écrite à la main et renferme nos titres, le but de notre voyage et nos beaux noms chinois. Elle sert pour toutes les occasions, car elle est toujours renvoyée à celui qui la présente. Les petites sont faites avec des cachets et portent seulement nos noms chinois. Le nom du F. Stanislas signifie Chasteté éternelle ; celui du F. Nicet, Lettré qui gouverne bien les hommes; le mien, Qui pratique le bien sans se montrer.

Nous envoyons donc nos cartes au Préfet et au Sous-Préfet, qui nous envoient les leurs. Une heure après, nous recevons la visite d'un mandarin militaire chrétien, envoyé par le Préfet pour nous dire qu'une canonnière chinoise va nous escorter jusqu'à Nanning. Pour peu que la Providence s'en mêle, nous ne pouvons pas manquer d'arriver à bon port ; et elle s'en mêle et s'en mêlera, car n'est-ce pas au soin qu'elle prend des Petits Frères missionnaires que nous devons cette sollicitude dont nous sommes en ce moment l'objet ?

En dernier lieu, le bon Père Pélamourgue s'offre à nous accompagner jusqu'à Sin-tcheou, ce que nous acceptons avec joie et reconnaissance. 

                De Ou-tcheou à Nanning. 

Le mardi, 14 janvier, nous nous rendons à bord de notre barque mandarinale. Elle est toute neuve, a environ 30 mètres de long, 4 mètres de large à l'intérieur et est surmontée du drapeau français ; elle est réellement splendide et offre tout le confortable désirable. Nous aurons à pourvoir à notre nourriture et nos deux jeunes Chinois seront nos cuisiniers.

Au moment où nous nous embarquons, le mandarin militaire chrétien vient nous saluer et donner le signal du départ. A l'instant trois coups de canon retentissent pour annoncer que des grands hommes quittent le port. A ce moment nous avons été témoins d'une cérémonie accomplie par notre batelier, sa famille et les hommes de l'équipage, tous Chinois et païens.

Après avoir placé à l'avant de la barque un beau poulet rôti, ils l'ont offert en sacrifice au génie du fleuve, avec accompagnement de tam-tam, de tambourins et de pétards ; ensuite ils l'ont mangé. Nous autres Petits Frères, nous nous recommandons à la bonne Mère et à nos saints Anges.

La canonnière qui nous escorte est une barque un peu plus grande qu'une barque ordinaire. A l'avant est une petite pièce de canon, à l'arrière la cabine du capitaine ; elle porte six soldats armés de fusils européens. La navigation est pénible et difficile, à cause des rochers que l'on rencontre çà et là. La barque avance lentement, tantôt à force de rames, tantôt poussée par le vent soufflant dans la voile, tantôt tirée au moyen d'une corde. Ah! ça ne file pas comme les gracieuses mouches que l'on voit sur la Saône à Lyon.

Nous avons un temps superbe et une température de 15° à l'ombre.

La nuit venue, les hommes sont fatigués, on jette l'ancre et un coup de canon avertit que l'on peut dormir en paix, d'autant mieux qu'un soldat fait toujours sentinelle.

Pendant le jour, nous nous occupons à prier, à lire, à écrire, à jouer et aussi à manger. Nos deux boys chinois nous font bonne cuisine. Ils vont, quand c'est possible acheter de la viande fraîche, des légumes, des fruits, etc.

Le 16 janvier, en passant devant T'eng-Yunn, nous détachons un courrier pour porter nos cartes au sous-préfet.

De son côté, non content de nous envoyer la sienne, il dépêche un de ses hommes pour nous saluer et nous souhaiter boit voyage. Quelles touchantes prévenances !

Le 18, à la nuit tombante, nous nous arrêtons à Pingnan et nous passons la nuit dans le port. En réponse à nos cartes, le sous-préfet nous envoie un veilleur et nous promet une seconde barque d'escorte, montée par trois soldats.

Le 19, vers 3 heures après midi, nous arrivons à Tai-coong'Kong, gros marché en communication régulière par de petits vapeurs, avec Ou-tcheou. Le soir, à bord, musique comme d'habitude : tam-tam, cymbales et autres couvercles de marmite à bruit retentissant. C'est la dernière soirée que nous passons avec le bon Père Pélamourgue, à qui nous sommes redevables de tant de bons services.

Tous les soirs on allume des bâtonnets d'encens dans notre barque pour éloigner tout mauvais esprit et se rendre favorable le génie du fleuve. Le vent commence-t-il à souffler, aussitôt nos hommes se mettent à siffler pour le stimuler. Nous autres, diables d'étrangers, ainsi qu'on nous appelle, on nous prend pour des sorciers. Un bachelier rencontrant un Père missionnaire, lui dit : « Est-il vrai que vous, Européens, vous voyez à vingt pieds sous terre ? – C'est très vrai (inutile de nier, car alors, pour un Chinois, c'est le comble de l'affirmation). – Est-ce vrai aussi que vous n'y voyez pas dans l'eau ? – C'est encore très vrai. Ainsi (ils étaient en barque sur une rivière très limpide), voyez-vous au fond de l'eau ces deux cailloux, l'un gris, l'autre noir ? – Oui, je les vois. – Eh bien, moi, je ne les vois pas. – Et notre lettré était au comble de l'ébahissement.

Le 20 janvier de bon matin nous apercevons la tour de Sin-tcheou (chaque grande cité a ainsi une tour dite tour de bonheur. Cette ville est un chef-lieu de préfecture au confluent du Si- Kiang et de la rivière rouge ou Hongchoui.

A 8 heures, la barque militaire annonce notre arrivée par trois coups de canon. Aussitôt débarqués, nous nous rendons chez le R. Père Héraud, des Missions étrangères, que nous avions vu à Ou-tcheou, où il avait été chercher de l'argent pour payer une maison qu'il avait achetée. Ce bon Père nous reçoit très bien. Nous rencontrons chez lui le R. P. Crocq, qui se rend à la nouvelle résidence de Ping-Nan. Il est porteur d'un livre sur lequel le P. Héraud a enregistré trois à quatre cents familles catéchumènes que le P. Crocq va instruire et régénérer.

Le P. Héraud, vendéen, est, parmi les missionnaires, un véritable héros. Il sait se faire craindre et à la fois s'attirer l'amitié et l'appui des mandarins dont il parle parfaitement la langue. Un jour qu'il était poursuivi dans les montagnes, il rencontra un paysan qui lui fit cette question : « Savez-vous si on a tué ce diable d'étranger qui est dans ce pays ? – Je crois que non, répond le Père, ces diables-là sont difficiles à prendre. – Le connaissez-vous ? – Si je le connais ! c'est moi-même. – Oh ! vous ne me le ferez pas croire. »

Jusqu'à présent, ce bon Père vivait loin dans l'intérieur et se nourrissait comme les Chinois. Pour nous recevoir il a fait maintes emplettes et nous a traités comme des princes, il fait du pain excellent et va nous en fournir pour plusieurs jours.

Nous envoyons nos cartes au préfet et au sous-préfet, et nous recevons les leurs, avec la promesse qu'il nous sera donné une escorte pour remplacer celle qui va nous quitter.

Le 21, nous disons adieu aux Pères, qui ont été si bons pour nous, et nous nous rembarquons, escortés par deux nouvelles barques, dont l'une est en tout semblable à celle qui nous a accompagnés de Outcheou à Sin-tcheou et l'autre porte cinq satellites, La première doit nous suivre jusqu'à Nanning ; la seconde, seulement jusqu'à Koui-Sin.

Le 23, à midi, nous débarquons à Koui-sin et nous nous rendons à la résidence des Pères, où nous attendait le R. P. Poulat, frère du C. F. Edibertus. Avec lui se trouvait, par extraordinaire, un autre Père, car il est ordinairement seul. Tous deux font leur possible pour nous faire passer agréablement les deux jours auprès d'eux.

Le P. Poulat est extrêmement occupé chaque jour du matin au soir. Il a toutes sortes d'affaires à traiter, à débrouiller avec les chrétiens, avec les catéchumènes, avec les païens, avec les mandarins. Il faut voir comme ceux-ci, d'habitude si orgueilleux, savent se faire petits et rampants lorsqu'ils sont poussés par la crainte ou par l'intérêt.

On nous dit que le fleuve, d'ici à Nanning, est infesté de pirates : aussi le Père n'est-il pas loin de nous conseiller d'attendre à Koui-Sin. Malgré les actes de brigandage qu'on nous raconte, notre départ est cependant décidé pour le 25 janvier. Le sous-préfet ajoute à notre barque militaire une barque portant sept soldats armés de fusils à répétition. Nous emportons avec nous, pour plusieurs jours, du pain, des légumes et d'autres provisions; puis sept malles que nous a confiées un sous-préfet dont le fils doit venir prochainement étudier à notre école de Nanning.

Après nous être mis spécialement sous la protection de la Sainte Vierge, nous quittions Kouin-Sin pour entreprendre la dernière partie de notre voyage, la plus longue, la plus difficile et peut-être la plus périlleuse. Il faudra traverser le grand rapide, qui se précipite au milieu d'énormes rochers, avec une vitesse d'environ 15 kilomètres à l'heure. Nous y arrivons le 27 janvier, à 10 heures du matin. On entend un bruit sourd occasionné par les eaux qui se précipitent sur les rochers. Quand les eaux sont hautes, elles couvrent la plus grande partie des rochers, et alors malheur à la barque qui perd le bon chemin ! Le grand rapide a une longueur d'environ un kilomètre et présente six ou sept passages très difficiles. Pour les franchir, il faut faire usage du cabestan. Nos gens prennent mille précautions et emploient force bâtons d'encens et jettent force morceaux de papier pour conjurer les mauvais génies. Enfin, à 4 heures du soir, nous sommes en haut. Quel soulagement ! Nous arrivons près d'une belle pagode. Tous les bateliers, le chef en tête, en grande tenue, s'y rendent pour y offrir sans doute un sacrifice d'actions de grâces, car ils portent deux poulets bouillis, et deux gros quartiers de porc qu'ils mangeront ce soir. Ils ont aussi quelques présents pour le bonze, gardien de la pagode. De notre côté, nous n'oublions pas de remercier le Seigneur notre Dieu et la bonne Mère de la protection dont nous avons été l'objet jusque-là.

La cérémonie de nos Chinois terminée, nous nous remettons en route et avançons entre des montagnes dénudées et noires comme des matières volcaniques.

Le 28, à 4 heures du soir, nous arrivons à l'importante ville de Keng-tcheou, non loin du golfe du Tonkin. Nous envoyons nos cartes au mandarin, qui expédie aussitôt quatre satellites et deux soldats armés pour nous accompagner. A 5 heures, nous repartons, et vers 6 h. ½, nous nous arrêtons pour passer la nuit à l'entrée d'un défilé, entre de sombres montagnes.

Le 29 et le 30, nous franchissons un grand nombre de petits rapides. Lorsque nous arrivons à Nan-shien, les six soldats de Ken-tcheou nous quittent et sont remplacés par une nouvelle escorte fournie par un mandarin.

Le 31, au soir, nous arrivons à Yung-Chounn, dernière sous-préfecture avant Nanning. Nous envoyons nos cartes au sous-préfet qui nous envoie la sienne et nous avertit que le fleuve est couvert de voleurs et que les soldats sont peu nombreux. Il fait de son mieux et nous fournit, avec une barque, six satellites armés de vieux fusils. A 6 h. ¼, nous nous arrêtons pour passer la nuit.

Par malheur, ou peut-être par bonheur, le vent du nord s'élève pendant la nuit, et le lendemain il est impossible de se mettre en route. Ce n'est que vers cinq heures du soir, que, le vent s'étant un peu calmé, nous pouvons avancer d'un kilomètre environ. Le 2 février, fête de la Purification, le vent nous oblige, comme la veille, à stationner. Pendant que nous arpentons notre étroit salon pour nous réchauffer, nous pensons aux confrères qui font la fête de notre céleste Mère, aux novices qui prennent l'habit, tous heureux et tranquilles. Nous faisons nos prières de notre mieux, et en cela consiste pour nous la fête.

Nos provisions sont presque épuisées : aussi nous tarde-t-il d'arriver. Mais peut-être la Providence permet-elle ce mauvais temps pour éloigner les pirates.

Le 4 février, le vent s'étant calmé, nous pouvons enfin nous remettre en route. Le pays n'est pas attrayant : à droite et à gauche on ne voit que des rochers et des montagnes stériles. Vers le soir on nous annonce que nous approchons du quartier général des pirates. D'après l'avis des soldats, il est décidé que nous passerons la nuit dans un village appelé Kientang, qui se trouve à proximité. Vers 6 heures, les soldats, dans le but d'écarter les brigands sonnent de la trompette et tirent douze coups de canon.

Le 4, nous quittons ce village, escortés par cinq ou six barques, transportant des soldats. Un bon vent nous poussant, nous avons à midi, franchi tous les mauvais passages, sans avoir été inquiétés. Vers le soir, nous atteignons un village où tous nos soldats nous quittent, même la barque militaire de Sin-tcheou ; mais celle-ci est remplacée par une autre barque militaire venue de Nanning.

La nuit nous surprend au milieu d'un rapide. Impossible d'en sortir ce soir. Il faut donc rester là et dormir, s'il est possible, au bruit des vagues qui viennent se briser contre les rochers, et rappellent les nuits passées sur les bords de la mer en temps de tempête. Nos soldats se dévouent et viennent veiller près de nous.

Le 5, au matin, nous sortons du rapide, et le vent s'étant élevé vers 8 heures, nous avançons assez vite. A 9 heures, nous apercevons la tour de bonheur de la ville de Nanning. Toute la journée nous n'avons rencontré que des barques militaires, chargées de faire la police ; ce n'est pas sans besoin, car les pillards et les voleurs abondent ici, surtout à l'approche du jour de l'an (8 février), où tout Chinois qui n'a pas d'argent tâche de s'en procurer par tous les moyens possibles.

Il est nuit noire (7 heures) quand nous abordons à Nanning. Douze coups de canon annoncent notre arrivée.

Aussitôt débarqués, nous nous rendons à la résidence des Pères Missionnaires. Le R. P. Thomas, qui s'y trouve seul nous accueille on ne peut plus paternellement et se charge de prendre soin de nous jusqu'à ce que nous soyons installés.

Il ne nous reste donc qu'à rendre grâce à Dieu et à la bonne Mère pour l'excellent voyage que nous avons fait.

Laudetur Jesus Christus

Et Maria, Mater ejus.

Remerciements à ceux de nos chers Frères qui nous ont accordé le secours de leurs prières. 

V. J. M. J.

Nanning-fou, le 8 février 1902.

     Mon, Très Révérend Frère Supérieur,

Vous avez sans doute déjà reçu ma relation de voyage et ma lettre vous annonçant notre heureuse arrivée à Nanning. Aujourd'hui je suis heureux de pouvoir vous donner un aperçu de notre position.

Nanning est une ville très importante, un immense entrepôt de marchandises. Le gouvernement de l'Indochine a compris les avantages qu'on pourrait en tirer pour le commerce: aussi s'occupe-t-il de la construction d'un chemin fer qui permettra d'y créer un courant d'affaires.

La fondation de notre école a été décidée à la suite d'une indemnité payée pour le massacre d'un missionnaire – le Père Bertholet – en 1898 ; de là le nom qu'elle porte Ecole Bertholet.

Deux maisons chinoises ont été achetées pour être affectées à l'école et à notre logement personnel; mais elles ont grand besoin de réparations et de transformations pour répondre à leur destination. En attendant, nous aurons à subir maintes incommodités; mais souffrir au début, c'est un présage de bénédiction.

Entre autres choses, ce qu'il y a ici de particulier, c'est que, s'ils ne veulent pas s'attirer le mépris et perdre toute considération, les Frères doivent, en présence de leurs élèves, de leurs parents ou de tous autres Chinois éviter de se livrer à un travail manuel quelconque. De là, pour nous, la nécessité d'avoir plusieurs domestiques : je dis plusieurs, car ici il faut quatre ou cinq Chinois pour faire ce que ferait un seul Français. Nous devrons d'autant plus nous astreindre à cette nécessité que nous aurons des enfants appartenant à des classes élevées de la société. Fort heureusement les gages des domestiques sont minimes et les vivres ne sont pas chers. Nous espérons donc nous tirer d'affaire malgré cette charge…

Nous nous mettrons à l’œuvre le plus tôt possible et nous viserons à l'utile, au solide, nous efforçant de bien suivre notre Règle et d'implanter l'esprit du Vénérable Champagnat.

Daignez, Très Révérend Frère Supérieur, bénir la petite communauté de Nanning et agréer l'expression de ses respectueux et affectueux sentiments.

Je suis avec un profond respect et une entière soumission, etc.

         Fr. Louis-Julien. 

OCÉANIE. 

                                               une prise d'habit à Moamoa. 

Le C. F. Philippe, directeur, nous écrit :

Le 1ierjanvier 1902, date de la clôture de notre retraite, s'est accomplie dans notre modeste chapelle une cérémonie qui a été pour nos indigènes l'occasion d'une grande fête. Un des leurs, un postulant qui, pendant deux ans, nous avait donné de beaux exemples de piété, de régularité et de ferveur, a reçu l'habit religieux des mains de Mgr Broyer, le Vicaire apostolique si sympathique, si bon, si aimé, de Samoa. Sa Grandeur, accompagnée de dix-huit Pères Maristes, a bien voulu présider cette vêture, de même que l'émission et la rénovation des vœux qui l'ont suivie.

Une foule nombreuse, composée des enfants des écoles des Frères et des Sœurs, de catéchistes, de gens venus des villages environnants, assistait recueillie à la pieuse cérémonie et prenait part au bonheur et à la joie de l'heureux postulant. Notre chapelle était malheureusement trop petite pour contenir l'assistance.

Monseigneur, dans son allocution, sut trouver des accents qui remuèrent tous les cœurs et firent verser des larmes. Les questions et les réponses relatives à la vêture, traduites en samoan, impressionnèrent aussi vivement l'assistance.

Le nom de Jean-Baptiste, donné au nouveau Frère fut pour Monseigneur l'occasion de l'exhorter à imiter son glorieux patron, et à être attaché et fidèle à sa vocation comme le Frère Assistant qui porta le même nom, et dont la mémoire est chère à son Institut.

Après la vêture, le C. F. Marcellin, autre Frère indigène, émit le vœu d'obéissance et les autres Frères renouvelèrent leurs vœux.

La cérémonie terminée, la famille du nouveau Frère, ses amis et connaissances s'empressèrent de le féliciter et de lui témoigner leur joie et leur affection.

Ensuite eurent lieu les réjouissances qui, chez nos indigènes, accompagnent toujours les fêtes religieuses. D'abord la distribution des vivres consistant en cochons rôtis, poules, tonneaux de viande de bœuf, taros, bananes, dons en argent, etc. Chaque école, chaque village eut sa part.

Ensuite vint le banquet, banquet gigantesque et par le nombre des convives, et par l'abondance des victuailles. Avec Monseigneur se trouvaient à la table d'honneur, 26 Pères et Frères. La table des autres convives n'était autre que celle des convives du miracle de la multiplication des pains. C'était un spectacle qui ne manquait pas de charme, quelque chose qui rappelait les scènes familiales de la primitive Eglise.

Conformément à l'usage, le repas fut suivi de danses où l'on pouvait admirer les garçons réunis en groupes prenant leurs joyeux ébats, sautant en cadence, se tournant, se retournant avec une aisance, une précision remarquable. Les chants faisaient aussi partie du programme. Mais rien dans les danses, ni dans les chants ne s'écartait de l'honnêteté et de la décence.

Le soir venu, tout cessa, la foule se dispersa, chacun s'en retourna au logis, emportant l'impression et le souvenir d'une de ces journées qui font aimer la religion et contribuent à resserrer les liens sociaux entre ces populations, heureuses d'ignorer beaucoup des exigences et des recherches d'une civilisation raffinée. 

VAILLANCE CHRÉTIENNE ET APOSTOLAT DE JEUNES

CONVERTIS 

Extrait d'une lettre du C. F. Hervé, Directeur de l'Etablissement de Cawaci (Océanie), du 14 mars 1902. 

Je suis heureux de vous rapporter ici deux traits qui vous montreront que notre travail n'est pas infructueux.

Il y a présentement quatre de nos anciens élèves catholiques qui sont admis, avec d'autres jeunes gens appartenant à la secte wesleyenne, comme étudiants à l'hôpital du gouvernement. Tous y suivent des cours pratiques de médecine pendant cinq années, après lesquelles ils sont autorisés à exercer comme médecins chez les naturels. Ceux d'entre eux qui sont catholiques sont généralement bien notés et, à leur sortie, peuvent rendre de bons services aux Pères missionnaires.

Or, il arriva qu'un jour, un des étudiants wesleyens prit fantaisie de vouloir qu'un de nos quatre anciens élèves, un wesleyen converti il y a peu d'années, quittât une médaille de la Sainte Vierge qu'il portait sur lui, menaçant de la lui enlever de force. « Viens donc me l'enlever si tu l'oses », lui répondit le catholique. Sur ce, une lutte s'engage dans laquelle celui-ci a le dessus et donne à son adversaire un black-eye, terme anglais qui signifie oeil poché. Alors d'autres wesleyens viennent au secours de leur camarade ; le catholique leur tient tête vaillamment et voit venir à son aide un de ses camarades catholiques. Enfin, on vient séparer les combattants ; une enquête s'ensuit, deux élèves wesleyens sont renvoyés, et on donne raison au catholique, qui n'a qu'à se féliciter d'avoir défendu bravement sa foi et sa médaille.

L'autre trait concerne un jeune élève converti tout récemment. C'était aux dernières vacances. Etant chez ses parents, il dit à son père « Vous savez que je suis très heureux d'être catholique mais ce n'est pas assez : il faut que vous le deveniez aussi pour partager mon bonheur ; car la religion des Wesleyens n'est pas la bonne.»

Deux jours avant Noël, le même enfant dit à ses parents : « Dans deux jours ce sera la Noël, une grande fête. J'irai à Natovi, si vous le permettez; combien même je serais content si vous y veniez aussi ! – Comment, dit le père, j'ai fait tuer les cochons, j'ai tout préparé pour que tu fasses la fête avec nous, et tu parles de nous quitter ! »

L'enfant insiste, part avec son petit paquet et, après deux jours de marche, arrive à la station du Père missionnaire ; il y accomplit ses devoirs de dévotion, y reste deux jours et revient chez ses parents, plein de joie d'avoir fait quelque chose pour le bon Dieu. 

BRÉSIL MÉRIDIONAL. 

                           Extrait d'une lettre du C. F. Weibert, en date du 5 décembre 1901. 

Grâce à Dieu, vos petits missionnaires de Bom Principio sont bien acclimatés dans leur nouvelle patrie… Cette première année passée au Brésil, a été, d'une part, bien laborieuse, et de l'autre bien consolante par les résultats obtenus.

Nous avons rouvert nos classes (à Bom Principio) en janvier 1901, avec 60 élèves suivant les cours d'allemand : nous avons en même temps commencé à enseigner la langue portugaise…

A notre arrivée ici, il y avait beaucoup à faire pour tout organiser : nous y sommes parvenus. Il fallait aussi nous procurer des ressources et pourvoir aux besoins de la vie ; car les bons Pères avaient épuisé pour notre installation tout l'argent qu'ils avaient à leur disposition, et notre école était d'un bien faible revenu. Ici encore la Providence nous est venue en aide bien à propos, non toutefois sans que nous eussions connu la gêne et les privations de la pauvreté. Voici comment le secours nous est arrivé.

Il était question de nous confier la direction de l'école officielle ; mais il fallait trouver une position convenable pour le brave jeune homme qui en était le titulaire. Une circonstance favorable se présenta et permit de le placer d'une manière satisfaisante. Je fus alors appelé à lui succéder, sur la seule présentation de mes titres français et sans être astreint à un examen préalable. C'est un traitement de deux mille francs assuré.

Non seulement j'ai été dispensé de l'examen, mais j'ai été invité par M. l'Inspecteur des écoles, à prêter mon concours à un examen de candidats, ce que j'ai accepté. A la suite de ces premiers rapports avec plusieurs représentants de l'enseignement officiel, on m'a offert la direction d'une école régionale secondaire moderne, avec un traitement de 9.000 francs, et la faculté de m'adjoindre des religieux ou des laïques. Je n'ai pas cru que ce fût le cas d'accepter… Je dois ajouter que j'ai encore été demandé pour les examens de cinq écoles officielles. Je m'y suis prêté volontiers.

Nos examens de fin d'année (allemand et portugais) ont donné, paraît-il, satisfaction à tout le monde. Dieu en soit béni ! …

Vous apprendrez encore avec plaisir, mon Très Révérend Frère Supérieur, que notre école normale projetée va se construire très prochainement. Nos braves colons livrent le bois, font les charrois sans rien demander, et travailleront gratuitement ou pour une faible rémunération. J'espère donc que l'année prochaine, nous pourrons recevoir des internes ; déjà nous avons un certain nombre de demandes.

A ces consolantes nouvelles, je me plais à ajouter que les chers FF. Paolo, Thomas de Villeneuve, Marie-Druon et Emygdius, qui se sont embarqués le 8 janvier dernier, à destination de Rio Grande do Sul, ont fait un heureux voyage. De leur longue et intéressante relation de voyage, je crois qu'on lira avec plaisir et édification, ce qui suit

Vendredi 31 janvier. – C'est le jour des noces. Oh qu'il a été désiré, rêvé, ce jour qui, enfin, parait ! Nous arrivons à Macéio, province d'Alagoas. Chacun de nous fait sa toilette de fête, c'est qu'il s'agit de quelque chose de grand. Parmi les barques qui se font concurrence, nous en louons une pour 6.000 reis (7 fr. 40), aller et retour. La ville, peuplée de blancs, de métis, de mulâtres et de noirs bronzés, nous paraît paisible. Tous ces gens nous regardent avec curiosité, et si tous ne nous saluent pas, du moins personne ne nous insulte, et nous les trouvons généralement disposés à nous rendre service. Comme il fait très chaud ici, les habitants ne font pas grands frais d'habillement ; ils sont néanmoins, vêtus autant que la décence le demande. L'ardeur du soleil, la chaleur que nous renvoyaient le sable et les pierres des rues, ne contribuait pas peu à nous faire apprécier l'ombre délicieuse que nous rencontrions tous les vingt pas.

Mais ce que nous voulions, ce n'était ni de voir, ni de nous donner en spectacle ; ce que nous cherchions, c'était une église. Nous arrivons enfin à la cathédrale, nous en franchissons les vingt marches, nous y entrons, nous adorons Notre-Seigneur, sans nous occuper des yeux qui nous regardent et des nouveautés qui nous entourent ; puis nous demandons à nous confesser en français, ou en italien, ou en allemand. On nous dit que Mgr l'Evêque connaît l'italien et un peu le français ; on nous conduit à son gracieux palais, où il venait de terminer sa messe ; il nous accueille avec beaucoup de bonté, nous parle familièrement et veut bien nous recevoir en confession. Ensuite il nous fait accompagner par un séminariste, à une jolie église voisine, où nous avons le bonheur de faire la sainte communion. Après notre action de grâces, nous sommes retournés à l'évêché pour déjeuner, selon l'invitation pressante de Monseigneur.

Pendant le repas, l'aimable prélat nous a entretenus de deux voyages qu'il a faits à Rome, de son dessein d'en faire bientôt un troisième, de son désir d'avoir des Frères de notre Institut, etc. Il nous a demandé l'adresse de nos Supérieurs et les conditions de nos écoles dans le Brésil méridional. Nous l'avons satisfait de notre mieux ; puis nous lui avons exprime notre respectueuse gratitude, et après avoir reçu sa bénédiction, nous sommes allés rejoindre notre bateau.

10 février. – Nous arrivons au port de Rio-Grande… Dans une barque qui avance vers nous, et porte plusieurs personnes, nous apercevons un prêtre qui nous salue et nous sourit comme une ancienne connaissance (ce premier salut et ce premier sourire venant du Brésil nous dilatent le cœur). C'est un Jésuite le R. P. Guilherme, ministre de leur maison de Rio-Grande, à qui on avait télégraphié.

Après avoir donné 20 francs de pourboire (d'après le conseil du Père, disant que ce ne pouvait être moins), au diligent valet de chambre qui nous avait si ponctuellement servis et si brillamment cirés pendant la traversée, nous prenons congé du capitaine qui s'est toujours montré si aimable.

Ensuite nous passons à la douane avec nos bagages. Tout est visité… Nous demandons combien nous devons payer, et on nous répond : « Rien ». Le P. Jésuite nous a certainement rendu service en cette circonstance.

… Il n'est pas besoin de dire que nous avons été bien reçus chez les bons Pères Jésuites.

Le 13, à 8 heures du matin, nous nous embarquons à bord du Victoria pour Porto Alegre. Le 14, à 2 heures après midi, nous y arrivons et nous y trouvons le C. F. Weibert qui, après deux jours de repos, nous conduit (le F. Paolo et le F. M.-Druon), à San Leopoldo, où nous sommes tous les deux employés, soit au dessin de tous les cours, soit à la petite classe du Grand-Collège des Pères, tandis que le F. Thomas et le F. Emygdius sont restés à Porto Alegre, l'un pour l'école portugaise, J'autre pour l'école allemande… 

BRÉSIL CENTRAL. 

EXTRAITS DE QUELQUES LETTRES 

1° Du C. F. Adorator, Visiteur,. 

São Paulo, 15 décembre 1901.

Notre retraite vient de finir : elle a été très édifiante, très pieuse. Les nouveaux Profès ont émis leurs vœux et nous les avons renouvelés dans la chapelle privée des Pères Jésuites. Nous y avons eu messe, communion, vœux, salut, sermon et chants. Les bons Pères Jésuites avaient mis la chapelle en grand jour de fête. C'était superbe. Tous les Frères en ont été enchantés. Et tous en conserveront le délicieux et réconfortant souvenir. 

Rio De Janeiro, 29 décembre 1901.

Je vous écris du collège S. José, où Monseigneur l'Archevêque a le plus grand désir de nous voir bientôt installés.

Je suis dans la chambre de Sa Grandeur. J'ai devant moi la ville de Rio, noyée dans la verdure ; derrière c'est notre montagne, le splendide « Corcovado ». Elle commence à cent mètres du collège et permet des promenades solitaires et impressionnantes à travers les bois, véritables forêts vierges, par les lianes de toute espèce qui les rendent impénétrables.

Tout près de moi, c'est notre chapelle. Elle dresse dans l'espace son dôme majestueux. Cette fois-ci, j'ai trouvé mieux que Saint-P. Le bon Dieu me gâte.

Si vous voyiez l'entrée du collège !… Une avenue de 400 mètres, bordée de palmiers majestueux, hauts de 40 mètres. Quelle belle colonnade !… Mais, assez de poésie, n'est-ce pas ?

Monseigneur l'Archevêque veut que nous commencions le 4 février. Avec la grâce de Dieu, la protection de la bonne Mère et du grand saint Joseph, patron spécial de cette maison, nous nous y mettrons avec tout notre courage et tout notre dévouement.

Le collège est « équiparé ». L' « équiparation », au Brésil, est une question capitale. C'est un droit qu'a le collège qui en est pourvu de délivrer à ses propres élèves les diplômes universitaires au même titre que les collèges de l'Etat. Les professeurs eux-mêmes, sous la surveillance d'un agent, nommé « fiscal », attaché à la maison et nommé par l'Etat, questionnent les élèves. Sans l'équiparation un collège est mal classé. 

Rio-Comprido, 24 février 1902. 

Me voici de nouveau à Rio. Comme je suis heureux de me retrouver avec nos Frères ! Ils me supplient de venir souvent les voir. Le bon Dieu le veut aussi. Ecoutez cette histoire :

Hier, j'ai vu Monseigneur l'Archevêque. Il était content de la marche de la maison. On lui en a fait des compliments de tous les côtés. Je lui ai exprimé le désir d'avoir un permis de circulation gratuite sur les lignes de l'Etat (comme je l'ai obtenu sur toutes les lignes de la Compagnie Mogyana: la ligne de Franca, d'Uberaba, des Indiens, etc.). Sur cela, Monseigneur me dit : « Attendez un peu, je vais vous faire une lettre pour M. le ministre des Travaux publics. » Il me remet une jolie lettre et me dit : « Allez au ministre, il parle très bien le français et c'est un brave homme. »

Le lendemain, je prends F. A. avec moi, et nous voilà partis, « Place du Quinze Novembre », tout à côté du rivage où, il y a quatre mois, je mettais pied à terre bien timidement, en quittant la « Provence ». Je pouvais mesurer le chemin que la bonne Providence nous a fait parcourir depuis.

Au ministère, on nous reçoit des premiers en nous faisant passer par des couloirs privés. Le ministre vient à nous avec beaucoup de bonté et de distinction. Je demande à Son Excellence la permission de m'exprimer en français. Il me répond avec un accent français très pur.

Je lui expose ma demande de circulation. Il ajoute, en allant donner l'ordre : « Et à votre secrétaire ? » Et voilà comme quoi maintenant je suis autorisé à voyager gratuitement sur toutes les lignes de l'Etat, avec mon « secrétaire ». Au point de vue économique, c'est une grande question. Et c'est aussi un grand bienfait du bon Dieu : bienfait qui me permettra de visiter plus souvent nos Frères et de les encourager dans leur rude et laborieuse tâche… 

Sâo-Paulo, 30 mars 1902. 

Aujourd'hui, je vous donnerai un mot sur les distances de nos postes.

Rio est à 14 heures de Congonhas et aussi de Sâo Paulo.

Sâo Paulo est à 3 heures de Santos, à 28 heures de Congonhas.

Franca est à 16 heures au-delà de S. Paulo.

Franca est donc à 44 heures de Congonhas, à 30 heures de Rio.

Ce sont des heures de chemin de fer. Elles coûtent en moyenne 2 fr. 50. Et la distance moyenne parcourue à l'heure est de 40 kilomètres.

Voici l'effectif actuel de nos élèves

Rio, 140 élèves dont 80 internes.

Sâo Paulo (Carmo), 150 élèves.

Sâo Paulo (Cambucy), 30 élèves.

Congonhas, 80 élèves dont 55 internes.

Franca, une centaine d'élèves.

Vous voyez, mon cher Frère Assistant, que la moisson devient grande, mais les ouvriers sont insuffisants.

Laissez-vous donc toucher et envoyez-nous de bons ouvriers. 

                            2° Du C. F. Frumentius, Directeur de Franca. 

Franca, 10 mars 1902.

Depuis un mois, nous voici installés à Franca. Nous y sommes bien contents et nous espérons, avec la grâce de Dieu, pouvoir y faire un peu de bien. Nous avons 96 élèves présents, et nous croyons que nous en aurons plus de cent, quand vous recevrez la présente ; et malgré votre bon cœur, vous n'aurez personne à nous envoyer ! … Votre dernière lettre ne nous annonçait que trois Frères lorsqu'il nous en faudrait au moins dix fois trois ! …

Pensez donc que, parmi ces 96 élèves, nous n'en avons pas trouvé quatre connaissant à peu près les trois principaux mystères de la foi. Ce n'est pas faute de bonne volonté pour les apprendre, car je voudrais que vous les vissiez, ces enfants , quand nous leur parlons de religion. Comme ils sont attentifs ! – Leur ignorance s'explique quand on considère qu'il n'y a que trois prêtres pour une paroisse de 20.000 âmes, et d'une étendue telle que, pour la traverser, le train met près de 5 heures à 40 kilomètre… à l'heure.

Ces enfants ne savent rien; mais à les voir prier, les mains jointes, les yeux baissés, vous en seriez ravi. Dimanche dernier, je leur ai donné un chapelet à chacun ; ils en étaient contents et ils en ont bien profité, je vous assure. Ils n'avaient pas de respect humain ; ils montraient ce chapelet à tout le monde. Les élèves des Sœurs en étaient jalouses au point d'aller supplier, importuner les Sœurs pour en avoir aussi.

Nos élèves sont des meilleures familles de Franca; ils sont blancs, à l'exception de deux qui sont mulâtres. Ils nous contentent bien et se font à la discipline.

Sous le rapport religieux, nous sommes peut-être dans la meilleure partie de la province de Sâo Paulo… Les Sœurs de Saint-Joseph de Chambéry, qui ont ici un pensionnat, ont plus de 25 -religieuses de la paroisse et des meilleures familles. 

MEXIQUE. 

Zamora, le 15 avril 1902. 

                Très Révérend Frère Supérieur Général,

Grâce à Dieu et à la protection de la Bonne Mère, l’œuvre de vos Petits Frères, au Mexique, semble produire quelques fruits et aller se développant.

Avec quelques petites contrariétés et les misères inhérentes à la nature humaine, on trouve ici bien des sujets de consolation. La sympathie presque générale que l'on rencontre dans les populations, la perspective du grand bien qu'il y a à faire et l'intérêt que témoignent à notre cher Institut les Évêques de notre connaissance, sont bien propres à encourager et à faire presque oublier qu'on est loin de la patrie.

Mgr de Mexico, comme vous le savez, a donné un grand témoignage de bienveillance en cédant à nos Frères son ancienne demeure épiscopale ; Mgr le nouvel archevêque de Guadalajara, en plusieurs circonstances, a manifesté sa sympathie et son désir de nous confier diverses écoles ; Mgr le Coadjuteur de Zamora est tout dévoué à nos œuvres et les favorise sans cesse ; Nosseigneurs de Cuernavaca et de Mérida, sont aussi pleins de sollicitude pour nos Frères et fondent de grandes espérances sur leurs écoles. Plusieurs autres prélats, comme ceux de Léon, de San Juan Bautista et dernièrement celui de Tulancingo, ont exprimé le désir d'avoir au plus tôt des Frères dans leurs diocèses.

Tout cela semble nous dire que si nous répondons aux desseins de la divine Providence et à l'attente de nos vénérés Supérieurs, par le fidèle accomplissement de notre Règle, la terre mexicaine nous sera favorable et donnera une abondante moisson.

Pour obtenir ces résultats, je le sens parfaitement, nous avons besoin de nous montrer partout vraiment religieux, éducateurs zélés et exemplaires, et aussi, de nous multiplier. Si chacun de nous faisait refleurir les vertus de notre Vénérable Fondateur, assurément notre district ne tarderait pas à être prospère et fécond ; nous sommes loin encore de ce modèle ; mais avec la grâce de Dieu et le secours de vos bonnes prières, nous travaillerons sans relâche à nous en rapprocher.

Le jour de Pâques, après une retraite de trois jours, les deux Novices qui vous avaient écrit en janvier, ont revêtu le saint habit des Petits Frères de Marie. Nous leur avons donné les noms de Frères José et Marcelino, en souvenir des prénoms du Vén. Père Champagnat. Puissent-ils être les prémices de nombreuses et excellentes vocations dans ce pays, où le besoin d'éducateurs apôtres se fait chaque jour sentir davantage.

Monseigneur, quoique très occupé à cause de la fête et d'une retraite qu'il clôturait, a tenu à présider la cérémonie, toute de famille : l'assistance ne comprenait que la communauté, quatre ou cinq prêtres, les parents d'un novice et quelques élèves. M. le chanoine Mendoza, fondateur de l'établissement et sincère ami de la Congrégation, a fait une petite allocution sur le bonheur de la vie religieuse, souhaitant que de nouvelles vêtures se succèdent nombreuses. Quand pourrons-nous faire la prochaine ? C'est le secret du bon Dieu. Pour le moment, il n'y a qu'un postulant et 5 juvénistes ; c'est le grain de sénevé qui se développera, espérons-nous, avec le temps et la rosée du Ciel, mais qui demanderait à être fortifié de quelques rejetons de la mère-patrie, pour mieux s'imprégner de la sève primitive ; nous avons la douce confiance que la sollicitude infatigable de notre cher Frère Assistant pour les missions ajoutera encore cette bonté à tant d'autres.

A l'occasion de cette première prise d'habit en Nouvelle Espagne, de ce premier tribut du peuple mexicain à notre chère Congrégation, si vous me le permettez, Très Révérend Frère Supérieur, j'ajouterai un aperçu général des établissements du district sur lesquels vous n'avez peut-être reçu encore que des renseignements particuliers.

                                                  Guadalajara. 

Guadalajara est le premier en date. C'est en août 1898 que fut fondé cet établissement par les trois premiers Frères Maristes qui ont foulé le sol du Mexique. Ils étaient appelés par un Comité que soutenaient de nombreux pères de famille désireux de confier l'éducation de leurs enfants à une Congrégation enseignante.

Guadalajara, la seconde ville de la République, est peuplée d'environ 110.000 habitants. Malgré les bouleversements des révolutions et les efforts de certains politiques, la foi s'y est bien conservée. La masse du peuple est chrétienne dans l'âme, profondément attachée à la religion et à ses ministres, bien qu'assez ignorante. C'est un spectacle édifiant, quand on assiste à la sainte Messe un jour de dimanche, ou même un jour de semaine, dans certaines églises, de voir les foules pieuses qui entourent les autels. Bourgeois et Indiens s'agenouillent ensemble sur le pavé et restent généralement dans cette attitude tout le temps du saint Sacrifice. A l'élévation, beaucoup prient les bras en croix, et un moment après s'approchent avec ferveur de la sainte Table.

Les Français venus avec Maximilien y ont laissé un assez bon souvenir ; quelques anciens se rappellent encore leur allure martiale et leur cœur généreux. C'est dans la maison où logea le général Bazaine et son état-major que nos Frères ont tenu d'abord leur école. Toute la province, qui se nomme Jalisco, s'est toujours montrée une des plus attachées à la cause du malheureux empereur.

Située à 1.500 mètres d'altitude, la ville n'a pas un climat excessivement chaud ; les nuits y sont généralement fraîches. Deux saisons bien tranchées, celle des pluies et celle de la sécheresse, se partagent l'année ; la première commence généralement en juin et dure de trois à quatre mois ; pendant la seconde, il est rare que le ciel laisse tomber une seule goutte de pluie, bien qu'il se couvre de temps à autre. Grâce au déboisement en règle pratiqué par les Américains (habitants des Etats-Unis), l'aspect de la campagne, dans cette région et dans une grande partie du Mexique, est passablement monotone. Si on excepte les parages favorisés d'un cours d'eau et les environs des villes, les grands arbres sont clairsemés. La plupart du temps, ce sont d'immenses champs de maïs, de pois chiches et de blé; dans certaines zones, on récolte aussi en abondance la canne à sucre, le riz, le café, la patate et des fruits variés, et dans les terrains en friche, le nopal traditionnel se trouve à l'aise.

Par suite surtout du manque d'esprit d'initiative et d'économie des naturels du pays, le sol, ainsi que la richesse, est peu divisé; le même propriétaire possède parfois d'immenses fermes, appelées haciendas, contenant jusqu'à des milliers d'hectares et où sont occupés des centaines et même des milliers d'Indiens faisant partie intégrante du domaine.

Mais voilà bien des détails, et je crains fort de vous faire perdre votre temps, mon Révérend Frère, et de vous ennuyer, si je continue sur ce pied. Revenons donc à notre collège ; ici, on donne ce nom à toute école payante.

Dès les premiers mois, les élèves se présentèrent assez nombreux et une augmentation de personne! devint nécessaire. Marie bénissant ses Petits Frères, la prospérité a continué, malgré les attaques de quelques ennemis de notre œuvre, jusqu'à cette année, où un arrêt semble se remarquer.

Actuellement le collège Compte 12 Frères et plus de 200 élèves répartis en 8 classes, où se donnent l'enseignement Primaire et l'enseignement commercial.

Les enfants, généralement assez dociles, affectueux, attachés à leurs maîtres et portés à la piété, mais peut-être moins ardents à l'étude que dans les pensionnats de France, donnent bien des consolations.

Depuis le mois de septembre, le local est assez spacieux ; situé dans un bon quartier, aménagé convenablement, il permettrait de recevoir près de 300 élèves, avec quelques modifications faciles à faire. Dieu veuille qu'elles deviennent nécessaires !

A un petit quart d'heure du collège, se trouve l'école semi-gratuite fondée en novembre dernier. Elle occupe, depuis quelques semaines, le local de l'Institut Saint-Ignace, que Monseigneur vient de mettre à notre disposition.

Saint-Ignace était un collège dirigé parun prêtre assez florissant il y a trois ou quatre ans, il pouvait peine se soutenir en dernier lieu ; la maison est assez vaste pour recevoir de 250 à 300 externes.

On reçoit là les enfants qui ne peuvent payer qu'une faible mensualité de 1 à 2 pesos. Comme le point est assez central, nous espérons que les élèves ne manqueront pas, surtout si des aides dévoués nous arrivent bientôt pour assurer la bonne marche des classes ; ils sont aujourd'hui 65, pour deux Frères qui se détachent de l'autre communauté.

Avec cela, il nous faudrait une école entièrement gratuite afin de recevoir aussi tes chers petits Indiens si négligés et cependant si intéressants et, en général, si pleins de vénération pour la religion. Cette école, mot, Très Révérend Frère, nous pourrons l'avoir dès que les ouvriers seront assez nombreux ; car Monseigneur le nouvel Archevêque, qui nous a témoigné sa sympathie en plusieurs circonstances, tient beaucoup à la bonne éducation et désire nous confier au plus tôt quelques-unes de ses écoles paroissiales.

La moisson est donc grande et toute prête à Guadalajara; il ne manque que des missionnaires zélés pour en assurer la récolte. Laissés à nos seules ressources, une grande partie ne pourrait être recueillie, 'nais nous comptons encore sur l'assistance du Père de famille qui tant de fois déjà nous a prouve son affection et son dévouement pour le Mexique. 

                                                 Zamora. 

L'établissement le plus rapproché de Guadalajara est Zamora. Il en est à 170 kilomètres. Pour franchir cette distance, on met de six à sept heures, quand l'unique train de la journée est muni d'une bonne locomotive, et qu'on n'est pas obligé de stationner une grosse demi-journée à l'embranchement de Yurécuaro.

   Avec ses 15.000 âmes, Zamora est la seconde ville de l'État de Michoacán et  le siège d'un évêché ; Morélia, la capitale, possède un archevêché. Sous le rapport reli­gieux, c'est la meilleure province du Mexique ; elle s'est conservée au milieu des bouleversements politiques, et l'administration centrale s'y montre fort tolérante. Les traditions patriarcales sont en honneur dans nombre de familles et la religion y fait sentir sa douce influence; quand on sort, on ne prend guère le grand manteau sur la soutane que pour la forme. C'est dans cette région, je crois, que le Noviciat sera le mieux placé, soit pour le recrutement des vocations, soit pour la tranquillité.

Aucun autre diocèse n'a un séminaire aussi bien monté, il compte au moins 250 élèves ; et comme le clergé, à l'exemple du Pasteur, se montre fort sympathique, les Petits Frères de Marie pourraient aussi glaner quelques sujets.

L'établissement de Zamora, fondé en novembre 1900, par M. le chanoine Mendoza, prêtre recommandable à tous les titres et très estimé dans le pays, comprend trois parties, et même quatre, avec le Noviciat qui occupe encore fort peu de place: le collège, qui reçoit des pensionnaires et des externes payants; l'école gratuite et les talleres, on ateliers.

Dans la partie affectée au collège, assez spacieuse pour le personnel actuel, se trouve une chapelle suffisamment grande et commode, où les enfants entendent la sainte messe tous les jours. On est bien partagé pour le service religieux : M. le chanoine a son confessionnal où il vient à peu près chaque soir, et M. l'Aumônier est toujours à la disposition de la communauté. Il y a actuellement 115 élèves, dont une trentaine d'internes ; ils sont divisés en quatre classes, et suivent le programme de l'enseignement primaire et commercial.

L'école gratuite compte 150 enfants et plus, dans une seule classe, l'exiguïté du local et la pénurie du personnel ne permettant pas d'en augmenter le nombre. Heureusement ce petit monde est docile et facile à conduire.

Trois ateliers dirigés par de bons patrons séculiers : la menuiserie, la cordonnerie et la taillerie, composent les talleres. L'organisation n'est pas encore complète, car il faudrait au moins un Frère constamment occupé de la surveillance et de la direction générale. Espérons que la bonne Providence, secondée de nos vénérés Supérieurs, nous l'enverra bientôt, afin que les jeunes apprentis, au nombre d'une trentaine, en apprenant un métier, se forment aussi plus sûrement à la vertu.

Plusieurs autres localités du diocèse, presque aussi importantes que Zamora, demandent à leur tour des Frères ; Sahuayo et Cotija, en particulier, ont fait les préparatifs pour les recevoir, et le désir exprimé de Monseigneur est d'en mettre dans les principales paroisses.

En attendant que ce désir apostolique puisse se réaliser, il faut maintenant aller jusqu'à Mexico pour rencontrer d'autres Petits Frères de Marie. C'est un voyage d'un jour et une nuit, à cause de l'arrêt prolongé qu'il faut subir au premier embranchement. 

                                                     Mexico. 

Mexico est une ville tout à fait européenne aujourd'hui, quant à l'aspect: les Américains qui l'envahissent l'ont transformée en quelques années. Ses rues régulières, bien pavées et assez mouvementées ; ses maisons à plusieurs étages et construites en pierre; ses grands magasins, tenus la plupart par des étrangers;son service de tramways parfaitement organisé, la mettent en dehors des autres cités de la République. Avec quelques petites villes avoisinantes, elle forme le district fédéral, régi par une administration particulière. Grâce à la paix que sait maintenir, depuis plus de vingt-cinq ans, le président Porfirio Diaz, les commerçants européens y sont venus nombreux ; la colonie française est une des plus importantes. Mais si la soif de l'or rend entreprenant, le zèle des âmes ne reste pas inactif ; aussi, depuis quelques années, malgré l'hostilité des lois, divers ordres apostoliques et enseignants y ont envoyé des représentants, et les communautés de Sœurs, au risque de se faire expulser de loin en loin, s'y multiplient chaque jour.

Les études sont passablement estimées, et en dehors des écoles officielles, plusieurs collèges jouissent d'une certaine prospérité, notamment l'Institut scientifique, dirigé par les Pères Jésuites, le Collège Anglais et le Lycée Français ; l'évêché entretient une école dans la plupart des paroisses.

Située à 2.260 mètres d'altitude, Mexico jouit d'un climat tempéré ; cette année, le thermomètre est descendu à 6° au-dessous de zéro, en janvier ; mais c'est quelque peu exceptionnel.

Notre établissement, fondé au commencement de 1901, a eu des débuts assez modestes ; le local peu favorable et diverses autres circonstances ont fait qu'il n'a pu réunir plus de 35 élèves dans toute l'année. Mais, grâce à la bienveillance de Monseigneur l'Archevêque, la maison occupée maintenant est assez spacieuse, plus commode pour les élèves et pour les Frères, qui sont bien chez eux. C'est l'ancienne habitation épiscopale, que Monseigneur a quittée, parce qu'on lui en a offert une autre plus rapprochée de la cathédrale. Autrefois, elle faisait partie de l'immense couvent des Dominicains, où était établie l'Inquisition ; le reste est occupé par l'école de médecine. Il y a une chapelle avec de nombreuses reliques et les ornements nécessaires pour le culte, et, de plus, Sa Grandeur veut bien fournir un prêtre pour la messe quotidienne. En même temps que les conditions matérielles s'amélioraient, le nombre d'élèves allait augmentant ; l'école en compte aujourd'hui 70 de forces très inégales et divisés en quatre classes ; avec l'enseignement commercial, ils désirent surtout l'anglais, qui joue ici un rôle prépondérant.

Comme paysage et végétation, les environs de la capitale n'offrent rien de bien remarquable ; à part quelques sites ombragés où l'on peut voir de beaux arbres séculaires, c'est plutôt nu et monotone. Il y a cependant un lieu cher à tout cœur mexicain qui mérite une mention spéciale : je veux parler du sanctuaire de Santa-Sierra de Guadalupe.

Avec une route passable, ce serait un petit pèlerinage à faire à pied, le trajet n'étant que de 4 à 5 kilomètres ; mais comme les bons chemins sont encore à construire dans ces pays, même aux abords des villes, autant vaut-il prendre le tram électrique pour éviter la poussière ou la boue, et gagner du temps. En moins d'une demi-heure, on atteint un pays de 5.000 âmes, où les églises semblent tout absorber : c'est Guadalupe-Hidalgo, c'est l'endroit que la Vierge Marie daigna consacrer par cinq apparitions successives à un pauvre Indien du nom de Juan Diego. Le prodige s'accomplissait en 1531, presque au lendemain de la conquête du Mexique par les Espagnols, et depuis lors, les foules n'ont pas cessé d'accourir sur ce coin de terre privilégié, aux pieds de l'image bénie que la Reine du ciel laissa gravée sur le modeste manteau de l'heureux voyant ; cette-image dont on ne compte plus les miracles, est vénérée dans une magnifique collégiale, administrée par un prêtre ayant le titre d'abbé mitré ; et on en voit des copies non seulement dans toutes les églises, mais dans la plupart des familles.

Voilà bien une digression; est-elle hors de propos ? je ne le pense pas. Un Petit Frère sort-il de son sujet, quand il parle de Marie ? Si le V. P. Champagnat croyait devoir dire : « c'est Marie qui a tout fait chez nous », les Frères du Mexique n'ont pas moins de raisons d'attribuer à sa maternelle protection, et le développement du district, et la sympathie qu'on leur témoigne. C'est bien la Bonne Mère qui a préparé et développé nos établissements actuels, et qui en présente chaque jour de nouveaux pour faire suite à Cuernavaca, fondé dernièrement. 

                                                    Cuernavaca. 

Cuernavaca est une ville de 10.000 habitants environ, capitale d'un petit Etat du nom de Morelos, et siège d'un évêché depuis quelques années. Pour franchir une distance de moins de 100 kilomètres qui la sépare de Mexico, le chemin de fer met près de 4 heures et s'élève à une altitude de 3.000 mètres pour redescendre à 1.500. Son climat est assez chaud et le sol fertile ; c'est un des centres de production de la canne à sucre, et divers fruits des tropiques s'y joignent aux oranges, bananes, mangos, etc. Au point de vue religieux, la population ne vaut pas celle du Michoacan ou de Jalisco; il y a plus d'indifférence.

Mgr Plancarte, chargé de demander des Frères pour Mérida, lors de son voyage à Rome, avait gardé le meilleur souvenir de Saint-Genis ; aussi, peu de temps après son transfert de Campêche à Cuernavaca, il pensa aux Frères Maristes pour diriger l'école qu'il se proposait d'établir dans sa ville épiscopale ; et en janvier dernier, les classes s'ouvraient, bien que le local ne fût pas complètement aménagé.

Une fois terminée, la maison sera commode et assez spacieuse ; un mur la divise en deux parties symétriques, dont l'une est affectée à l'école payante, et l'autre, à l'école gratuite ; derrière se trouve un assez beau jardin à l'arrosage, contenant caféiers et divers arbres fruitiers. Comme dans les autres établissements, la communauté a le bonheur de posséder une chapelle où Notre-Seigneur daigne résider et s'offrir en sacrifice chaque matin.

Après trois mois, le collège compte 60 élèves, et l'école gratuite 120. Les 4 Frères commencent donc à avoir de quoi s'occuper ; ils recevraient même volontiers un auxiliaire. Monseigneur leur témoigne un intérêt tout paternel ; souvent il va voir si les travaux se font bien, si les enfants augmentent, ce qui manque encore ; son grand désir, maintenant, serait qu'on acceptât bientôt les internes qui se présentent des environs ; volontiers, il fera pour cela les agrandissements jugés nécessaires.

Si vous le voulez bien, pour cette fois, nous ne nous attarderons pas dans ce poste naissant, et, disant adieu à ce qu'on appelle le centre du Mexique, nous irons à Mérida, par delà le golfe, faire une visite à la vaillante colonie qui se dévoue, sous des ardeurs tropicales, pour l'amour de Notre-Seigneur et l'honneur de la Congrégation, et dont deux membres sont déjà allés recevoir la récompense du serviteur généreux et fidèle.

L'un d'eux, F. Doroteo, avait dit à M. D. Ignacio Péon, notre bienfaiteur, en débarquantà Progreso : « Venimos aquí para servir à Dios como el quiera, en vida o en muerte ; sabemos muy bien que estamos expuestos a perder la vida ; pero eso no nos arredra, porque al pisar esta tierra, hemos hecho el sacrificio de la nuestra !» « Nous venons ici pour servir Dieu comme il lui plaira, dans la vie ou dans la mort ; nous savons très bien que nous sommes exposés à perdre la vie ; mais cela ne saurait nous faire reculer, parce qu'en foulant cette terre de Yucatan, nous avons fait le sacrifice de notre vie. »

M. D. Ignacio Péon, en me rapportant ces paroles était plein d'admiration pour une Congrégation qui forme ainsi ses sujets. 

                                                       Mérida. 

L'établissement principal de Mérida est le Telar. Il est situé au bord de la ville et se compose d'un vaste rectangle, entouré de murs élevés qui enserrent trois corps de bâtiments, des cours spacieuses, un jardin assez étendu, planté d'orangers et donnant des légumes à peu près en toute saison ; on s'y trouve à l'aise et bien chez soi. Une grande salle aménagée avec goût vient d'être bénite solennellement et servira désormais de demeure au Divin Maître. Quelle consolation pour nos Frères, de pouvoir le visiter à volonté pour se réconforter et lui offrir leurs sueurs ! quelle satisfaction de n'avoir plus à sortir en civil chaque matin, pour aller à la messe!

Grâce aux libéralités de M. de Régil, le Procureur des Frères, et d'autres bienfaiteurs, cette chapelle ne tardera pas à posséder tous les ornements nécessaires au culte divin.

L'établissement comprend l'école gratuite, les ateliers et l'école de nuit commencée sur la fin de 1899. L'école gratuite compte aujourd'hui 200 élèves répartis en 4 classes. Il n'existe encore qu'un atelier, celui de menuiserie, où se forment une quinzaine de petits apprentis internes ; les autres viendront avec le temps et le personnel. L'école de nuit se fait de 7 à 8 h. ½ ; elle est fréquentée par quelque 80 enfants ou jeunes gens, parmi lesquels on espère trouver un bon noyau pour former une œuvre de persévérance.

Cette fondation est due à M.. Rafaël de Régil, qui laissa en mourant une large partie de sa fortune pour les bonnes œuvres. Les membres du Comité administrateur, ayant à leur tête M. Péon, ont toujours témoigné aux Frères une sympathie et un dévouement dignes d'éloges et de reconnaissance.

En septembre dernier, MM. de Régil, frères, ont encore établi l'école du Sacré-Cœur, dans un autre quartier de la ville. Pourvu d'un local parfaitement restauré et bien disposé, quoique formé de différentes habitations, elle contient aujourd'hui 80 élèves. La générosité des Fondateurs, pourvoit à tout et ajoutera un quatrième Frère, dès qu'on le jugera nécessaire. Que le bon Dieu leur rende au centuple et leurs libéralités et le cordial attachement qu'ils montrent à la Congrégation !

A la même époque, sur la demande du R. P. Méjia, recteur du séminaire, 5 Frères allaient prendre la direction de l'enseignement primaire dans cet établissement. On ouvrit d'abord quatre classes ; mais les élèves augmentant toujours et les salles étant restreintes, une cinquième fut bientôt indispensable. D'abord assez difficiles, les enfants, aujourd'hui au nombre de 200 et plus, donnent bien des consolations à leurs maîtres.

De plus, à Mérida, les Frères vont le dimanche faire le catéchisme dans deux paroisses, où 300 enfants les écoutent avidement parler de Notre-Seigneur et de la Vierge Marie ; c'est un excellent moyen de faire du bien à nombre de petites âmes qui ne reçoivent aucune instruction religieuse à l'école ni dans la famille. Quand le personnel sera plus nombreux, peut-être pourrait-on aussi envoyer de temps en temps des catéchistes dans les haciendas environnantes, où les petits Indiens sont passablement abandonnés, faute de prêtres.

Je n'ajouterai pas, car vous le savez déjà, Très Révérend Frère Supérieur, que Monseigneur, plein de zèle pour l'éducation chrétienne de la jeunesse, compte sur trois nouvelles fondations pour la fin de l'année, dans le Yucatan ; plusieurs familles riches, à l'exemple de MM. de Régil et Péon, se montrent disposées à le seconder pour cette œuvre capitale. Là, comme dans le reste du Mexique, le champ s'ouvre donc vaste au zèle de vos Petits Frères. Puissent-ils le défricher toujours avec ardeur et avec fruit !

C'est par-là, Révérend Frère Supérieur, que je termine ces lignes peut-être un peu trop longues. Veuillez m'excuser si j'ai abusé de votre temps: mon seul désir était de vous être agréable et de vous donner un témoignage de notre filial attachement. Heureux seront vos enfants du Mexique si vous daignez l'agréer et leur accorder en échange, avec votre paternelle bénédiction un souvenir dans vos prières.

Je suis, avec un profond respect, etc.,

          Fr. Michaélis, Visiteur. 

VISITES ÉPISCOPALES 

4 janvier 1902. – Par sa visite à la Maison-Mère, Mgr Pellet (des Missions africaines), Vicaire apostolique du Bénin, a voulu donner un témoignage de l'intérêt bienveillant qu'il porte à notre Congrégation, à laquelle l'attachent des liens formés dès son enfance, alors qu'il était élève de nos Frères à Champier en Dauphiné.

Monseigneur, dans cette visite, avait encore pour but de nous donner des nouvelles de nos Frères du Mexique, où il venait de passer dix mois en courses apostoliques. Ayant joui chez eux d'une large et généreuse hospitalité, il les avait vus à l’œuvre et, d'après son témoignage, il avait pu s'édifier de leur régularité, de leur dévouement, de l'union qui régnait entre eux, apprécier le bien qu'ils faisaient, juger de l'estime et de la confiance dont ils jouissaient, et entendre plusieurs évêques et prêtres exprimer le désir de les voir se multiplier dans le Mexique.

8 mars 1902. – Visite à la Maison-Mère de Mgr Bégin, archevêque de Québec (Canada), très dévoué à notre Institut, qui doit à sa bienveillance de posséder plusieurs établissements dans son ancien diocèse (Chicoutimi), et dans celui de Québec, notamment le Juvénat de Lévis.

Le vénérable Prélat, félicité de la liberté dont jouit l'Episcopat au Canada, a répondu qu'en effet les catholiques et le clergé canadiens pouvaient faire le bien sans entrave, et qu'il souhaitait le même avantage aux catholiques et au clergé français. 

UNE FÊTE A N. D. DE LACABANE 

Des échos nous sont arrivés de la belle fête de Lacabane ; les voici :

Le mardi de Pâques, il y avait au noviciat double cérémonie de confirmation et de vêture coïncidant avec le 23ième anniversaire du sacre de Mgr notre Evêque. La veille, jour de l'arrivée de Sa Grandeur, il y avait eu en son honneur illumination du couvent : c'était le prélude de la fête.

Beaucoup de prêtres des environs, invités par le Frère Directeur, assistaient à cette fête de famille et formaient, avec les Religieux, une belle couronne autour de notre Evêque bien-aimé. Dans un discours fort goûté de tous les assistants, M. l'Aumônier de Lacabane s'est fait leur interprète et a rappelé très heureusement, avec le sacre qui avait eu lieu à Tours, vingt-trois ans plus tôt, la noble attitude et les œuvres multiples de Sa Grandeur pendant les vingt-trois années de son épiscopat. M. l'abbé Mons, en terminant, a insisté sur la sollicitude vraiment paternelle de Monseigneur pour les Congrégations religieuses en général, et pour celles du diocèse en particulier ; et, avec ses vœux, il a exprimé la confiance que, malgré les menaces du temps, les Petits Frères de Marie ne quitteraient pas la chère maison où s'abrite leur œuvre si utile à l'Eglise et à la patrie.

En termes délicats et charmants, notre Evêque a répondu au discours de M. l'Aumônier et a remercié tous ceux qui avaient préparé cette fête et l'avaient rendue si belle. Et de fait, il n'y a eu parmi les heureux témoins de cette douce journée qu'un regret, à savoir de ne pouvoir garder plus longtemps au milieux d'eux celui qu'on avait voulu honorer et remercier de toutes ses bontés (Semaine Religieuse de Tulle). 

ŒUVRE DE PERSÉVÉRANCE 

RAPPORT SUR LA CONFÉRENCE SAINT-JEAN DU

PENSIONNAT DE PARIS-PLAISANCE. 

« Il y a des gens, dit l'auteur de l'Educateur apôtre, que le seul mot d’œuvres trouble comme un cauchemar. Amies de la tranquillité, ces âmes ne souffrent pas qu'on leur parle de mouvement et de sacrifice : elles ont en horreur tout ce qui dérange le cours réglé de leurs habitudes. D'autres, au contraire, ne se plaisent que dans l'agitation; pourvu qu'elles fassent du bruit, ces personnes croient faire beaucoup de bien. Il faut éviter ces deux excès avec un soin égal : il faut sortir du sommeil qui engourdit, et se défier des illusions de la fièvre.

« Votre œuvre principale, c'est votre classe : vous ne devez la sacrifier pour aucune autre… mais les parents sont d'une telle insouciance, l'atmosphère est devenue si païenne, il y a tant de pièges tendus au dehors à l'innocence de vos enfants, que vous perdrez tout le fruit de vos labeurs, si vous n'employez mille stratagèmes pour les protéger…

« Ne craignez pas de former des œuvres personnelles… Cependant si vous êtes en communauté, vous ne devez rien faire qui soit contre vos règles, vous ne devez pas empiéter sur les droits de vos supérieurs ; suivant le conseil de l'Evangile, avant de bâtir prenez du temps et supputez vos ressources : le but est-il excellent ? les moyens sont-ils exempts de tout reproche ? vous sentez-vous de taille à porter le poids de cette affaire ?… Les lois de la sagesse une fois observées, soyez homme de résolution . La croix pèsera sur vos épaules, croix physique, croix morale ; elle viendra d'un faux zèle, elle viendra du monde, elle viendra surtout de la légèreté et de l'ingratitude de ceux mêmes que votre amour veut embrasser. Mais qu'importe !… Vous laisserez dire ceux qui vous dénigrent ; vous souffrirez la solitude à laquelle on vous condamnera. Le maître est avec vous, cela suffit[1]. »

Ce sont ces lignes qui furent la semence féconde d'où devait sortir l'humble arbuste de la Conférence de notre Pensionnat, et nous devions cette marque de connaissance à celui qui nous a fait aimer davantage le dur labeur de l'éducation, et nous a appris à rendre plus fertile notre champ d'apostolat. Enfin, la présente notice ne servirait-elle qu'à découvrir à quelques-uns le précieux trésor qu'est l'Éducateur apôtre, et à inspirer à quelques autres le désir d'aller y renouveler la provision de zèle qu'ils y ont déjà puisée, que nous ne regretterions pas notre peine.

On a dit que la louange est aux œuvres ce que le vent est aux arbres : qu'il en fait tomber les fruits. Ne va-t-on pas, en conséquence, taxer de témérité le dessein de nous faire l'apologiste de notre œuvre ?… Nous pensons que ce serait mal juger, d'abord parce que nous n'écrivons que pour répondre à un désir de nos Supérieurs, et ensuite parce que personne ici ne peut revendiquer l’œuvre pour lui seul.

Depuis longtemps nous étudions les moyens de rendre nos grands élèves plus pieux, plus retenus dans leurs conversations, plus respectueux de l'autorité ; et nous avons pensé que le remède se trouvait dans l'établissement d'une Conférence, qui grouperait les bons élèves, les remplirait de l'esprit apostolique et deviendrait ainsi une force au service du bien.

La grande difficulté, disons-le en toute sincérité, était et sera toujours et partout, de trouver un homme de volonté, déterminé à user de toute son influence sur les jeunes gens, de sa science ou du don de la parole. Le Frère Préfet des études nous paraissait peu propre à remplir ce rôle ; ses fonctions le mettent trop au-dessus des élèves pour vivre de leur vie, se mêler doucement à eux ; il doit plutôt commander qu'insinuer ; en un mot, il représente moins le conseil et la persuasion que l'autorité et la justice. Le Frère Surveillant, à cause même de sa tâche ingrate, est aussi écarté. Si l'on prend, au contraire, un professeur, on n'a que l'embarras du choix ; et à son départ, il laisse plusieurs confrères qui l'ont vu agir, et parmi lesquels il sera possible de trouver un remplaçant, qui continuera sans transition trop pénible la marche en avant…

Voilà ce que nous nous disions. Un professeur fut désigné. Plus que d'autres peut-être, il avait poussé l'idée. Maintenant qu'il devait la diriger, il prit peur ; ses confrères, d'ailleurs, à qui il demandait conseil, lui firent loyalement entrevoir les difficultés qu'il aurait à vaincre. Mais enfin, il fallut céder à l'action de la Providence, et, comptant sur son secours, se mettre à l’œuvre.

Le premier pas à faire était de déterminer les statuts de la Conférence. Qu'on no-us permette de les présenter ici en détail. Chaque article de cet exposé sera comme un jalon laissé après nous, pour guider ceux qui voudraient suivre un chemin déjà battu, dans la conduite de la jeunesse vers notre Divin Sauveur, qui est au terme de la carrière. Puissions-nous ainsi éviter, ne fût-ce qu'à un seul confrère, les tâtonnements, les hésitations, les difficultés que nous avons nous-mêmes connus, et qui ont toujours pour effet de retarder la marche quand ils ne découragent pas les meilleures volontés. 

II 

La Conférence Saint-Jean, établie dans le pensionnat en 1889 et abandonnée en 1897, a été reconstituée le 25 novembre 1899, avec quelques modifications dans son but et son fonctionnement.

I. – Elle a pour but :

1° De former un groupe d'élite, dont les membres maintiennent l'esprit de la maison selon sa belle devise : « Par le travail et la foi ».                 

2° De développer l'initiative individuelle au profit de l'action catholique. (Pour cela, les membres prennent la parole à tour de rôle alternativement avec le Directeur de la Conférence, afin de s'habituer à parler et à discuter en public).

3° D'exercer la charité chrétienne selon l'esprit des Conférences de Saint-Vincent-de-Paul, dont elle est une section agrégée. Par ce troisième objet elle est intimement unie à la Conférence Saint-Joseph[2], qu'elle doit recruter, et à l'occasion aider de sa caisse. C'est d'ailleurs, pour le moment du moins, par les soins de cette Conférence sœur, qu'elle fait parvenir ses aumônes aux familles qu'elle assiste.

Il. – Elle est dirigée :

1° Par M. l'Aumônier comme président d'honneur, par le Frère Préfet, le Frère Surveillant et un professeur. Ce dernier est le Directeur de la Conférence ; il est chargé de l’œuvre dans tous ses détails, et a la direction effective des réunions.

2° Par un Bureau composé de cinq élèves : un président, un secrétaire, un trésorier et deux conseillers.

III. – Le nombre des membres est illimité.

IV. – Peuvent être élus membres de la Conférence, les élèves de la Ire division qui ont donné des preuves suffisantes de piété, de bon esprit et d'amour de l'étude (les notes sont le principal élément d'appréciation).

V. – Aucun élève n'est admis avant un séjour de trois mois dans la maison.

VI. – Le Bureau fixe et répartit les fonds à distribuer[3], choisit les nouveaux membres, et arrête, de concert avec le Directeur, toutes les mesures utiles au bon fonctionnement de la Conférence. Il se réunit aussi souvent que l'exigent les intérêts de l’œuvre.

VII. – Les réunions plénières ont lieu une fois par semaine, au jour et à l'heure désignés par le Directeur[4]. Le Président occupe la place d'honneur ; il fait la prière (Veni Sancte et Ave Maria) et lit les lettres adressées à la Conférence depuis la précédente réunion, puis le Secrétaire soumet son dernier compte rendu à l'approbation du Bureau, et le Trésorier fait connaître l'état de la caisse. Ensuite le Directeur donne la parole aux membres qui auraient à faire des communications intéressant le but de l’œuvre. Après discussion, s'il y a lieu, il répond au nom du Président, et prend lui-même la parole, ou la donne à un élève sur un sujet édifiant et de circonstance, ou sur une question morale, religieuse ou sociale, et laisse le Président terminer l'exercice par la prière (Pater, Ave, invocations à saint Vincent de Paul et à saint Jean).

VIII. – La caisse est alimentée par la quête qui suit chaque réunion, par une cotisation annuelle de un franc, et par les autres mesures jugées possibles et approuvées par l'Administration de la maison (quêtes à la chapelle, questure, etc.).

Les dons de toute nature sont acceptés.

N.-B. – La générosité n'est pas la seule vertu particulière à la Conférence ; la loyauté et l'honneur en sont également les caractères essentiels. Tout membre qui viendrait à manquer de l'une ou de l'autre serait exclu.

L'exclusion serait prononcée par le Bureau. 

Propositions successivement adoptées, et regardées comme articles additionnels au règlement. 

I. – Les nouveaux membres sont reçus, à des époques déterminées, de la façon suivante :

1° Les membres de la Conférence les proposent à l'élection, par un billet remis au Directeur ;

2° Le Directeur et le Bureau les nomment après avoir consulté les maîtres des intéressés;

3° L'Administration de la maison, enfin, est appelée à donner son approbation.

II. – Les membres de la Conférence portent une décoration les dimanches et fêtes qui ne sont pas jours de sortie. Les membres du Bureau ont une décoration spéciale.

III. – Une amende de dix centimes est due par tout membre qui n'a pas sa décoration les jours fixés. Le port de la décoration est obligatoire à la messe, et facultative le reste de la journée.

IV. – Une amende de dix centimes est due par 'quiconque arrive en retard aux réunions.

V. – Dans chaque division est établie une questure. (Armoire où sont mis les livres, vêtements, etc., qui traînent dans les classes, les études, les cours, les réfectoires). Les différents objets sont remis à leurs propriétaires moyennant cinq centimes s'ils sont numérotés, et dix centimes dans le cas contraire[5].

Les cahiers finis sont ramassés dans toutes les classes, par les soins des questeurs, et vendus au profit de la Conférence. Chaque semaine le trésorier ramasse les fonds des différentes questures.

VI. – Une carte-certificat est donnée à tout membre au moment de son admission.

VII. – Un tableau d'honneur contenant les noms des membres de la Conférence est placé dans la salle des réunions. Le nom des anciens présidents figure sur ce tableau.

VIII. – De bonnes brochures, telles que celles de Mgr de Ségur, l'Evangile, le Pèlerin, les Contemporains, etc., sont distribuées aux pauvres : l'aumône spirituelle n'étant pas moins le but de l’œuvre que l'aumône corporelle.

IX. – Chaque année la Conférence fait une promenade particulière.

X. – Pendant le mois de mai, plusieurs des quêtes qui suivent les réunions sont affectées à l'achat de fleurs ou d'ornements pour l'autel de la Sainte Vierge.

Pour donner une idée du résultat de l’œuvre, qu'on nous permette de placer ici un extrait du tableau statistique annuel, et des renseignements que notre Secrétaire a fournis en janvier au bureau central des conférences de Saint-Vincent de Paul. 

Comptes de l'année 1901, du 1ierjanvier au 31 décembre 

 

RECETTES

Fr.

c.

Quêtes de séances ordinaires

120

80

Souscriptions et dons

241

60

Chapelle : tronc des pauvres

72

65

      ‘’        Quêtes

112

25

Questures

74

40

Reliquat  de l’année précédente

403

20

TOTAL DES RECETTES

1.024

90

DEPENSES

 

 

Pain

54

50

Viande

108

50

Comestible

59

70

Vêtements chaussure : Ecole gratuite

100

00

                              : pauvres visités

81

00

Secours en argent

79

00

Fourneau économique

85

00

Œuvre des juvénats

40

00

Œuvres diverses, lectures, brochures,

33

50

TOTAL DES DEPENSES

741

20

ACTIF NET

283

70

SOMME EGALE

1.024

90

 

 « Nous concluons, ajoute le Secrétaire de la Conférence, en disant que Dieu a visiblement béni notre œuvre cette année encore, au grand profit des pauvrescomme en témoigne le chiffre de nos dépenses élevé de 147 francs l'année dernière, à 741 fr. 20 pendant l'année présente. Mais elle a profité bien plus encore à la moralité, à la discipline, au bon esprit et à la piété des élèves de la 1ière division du pensionnat, qui, à tous ces points de vue, ne sont presque plus reconnaissables.

« La Conférence forme, en effet, un corps d'élite dont les membres se sont donné pour mission de braver hardiment le respect humain, de seconder en tout l'action des Maîtres et de se montrer partout de véritables apôtres. Sans doute, elle n'a point réalisé encore tout le bien auquel elle tend. Mais viser toujours au mieux, n'est-ce pas la condition du progrès ? De plus, dans nos réunions, chacun prend la parole à son tour, afin de s'habituer à parler et à discuter en publie, au grand avantage, du moins nous J'espérons, de l'action catholique. Nous pensons que maintenir le bon esprit dans une maison d'éducation, former pour l'avenir des défenseurs pour la bonne cause et travailler pratiquement par la charité à la solution de la question sociale, sont un triple but vraiment magnifique. Et nous ne doutons pas de la -consolation intime que doivent éprouver nos Maîtres religieux, en voyant un groupe de jeunes gens consacrer leur ardeur à la réalisation de ce triple idéal. »

Nous terminons ce trop long rapport par quelques mots empruntés à J'allocution de M. le Président des Conférences de Saint-Vincent-de-Paul, en l'assemblée générale du 16 février 1902, à l'église de Saint-Germain-l'Auxerrois, sous la présidence de Son Eminence le cardinal Richard.

 « Une des branches de nos œuvres, dit-il, est beaucoup moins florissante que les autres, elle a cessé de s'étendre. Il semble que le mouvement de la sève se ralentisse. C'est des conférences établies dans les maisons d'éducation et dans les catéchismes de persévérance que nous voulons parler.

« Nous soumettons respectueusement nos réflexions à MM. les Directeurs des maisons d'éducation chrétienne de Paris. Tous certainement reconnaissent quelles garanties de persévérance assurerait à leurs élèves, entrant dans le monde, l'exercice habituel de la charité; mais peu se conforment à nos règles ; il faudrait modifier un peu certaines coutumes de l'école, changer l'heure d'une récréation, d'une étude, d'un cours, peut-être même d'un office…

« Est-ce que l'intérêt en jeu ne mériterait pas cet effort ? Ne faut-il pas savoir sacrifier une convenance secondaire à un avantage de premier ordre ?…

« Pourquoi ce qui est possible au petit séminaire de Notre-Dame des Champs, à l'école Bossuet, au Pensionnat des Frères Maristes de Plaisance et chez les Frères de Saint-Viateur, pourquoi ce qui vient d'être inauguré à la maîtrise de la Cathédrale, serait-il impossible dans d'autres établissements d'enseignement ?

« La province est beaucoup plus avancée que Paris au point de vue des Conférences de collèges ; la plupart des institutions en sont pourvues… Disons-le, d'ailleurs, cette question du développement des petites conférences comme moyen de formation morale et sociale de la jeunesse, commence à préoccuper sérieusement les graves esprits, et certes les encouragements et la protection des autorités diocésaines ne nous ont point fait défaut…

« Voyez combien il nous reste à faire ! Que d'âmes qui pourraient venir à nous et s'abstiennent ! Travaillons à défricher et à planter la vigne du Seigneur. Si nous ,sommes des serviteurs inutiles, ne soyons pas des serviteurs oisifs. »

C'est ainsi que parle un pieux laïc, suppliant les Maîtres religieux de ne pas négliger plus longtemps les œuvres. Qui oserait dire que ses pressantes exhortations ne répondent pas à un besoin du temps ?

Nous élevons la moitié de la jeunesse française. Or, que deviennent nos élèves après nous avoir quittés ? Hélas ! combien abandonnent les pratiques de la religion et oublient pour toujours leurs anciens maîtres, si même ils ne sont pas embrigadés parmi leurs persécuteurs ! Qui dira quelle est en cela notre part de responsabilité ? N'avons-nous pas manqué de zèle ? N'avons-nous pas pensé bien plus à préparer de nombreux candidats aux examens, qu'à former de bons soldats pour la cause du Christ ? Hâtons-nous donc de réparer nos fautes. Habituons nos jeunes gens à se grouper pour le bien, apprenons-leur pratiquement le fonctionnement d'une association. Si nous les lançons dans le monde, les sociétés secrètes les feront tomber dans leurs filets habilement tendus, ou même les enrôleront dans leurs troupes savamment organisées. En un mot, à côté de l'armée de Satan, il nous faut constituer l'armée du Christ. Là est le salut: les honnêtes gens sont le nombre ; mais désunis, ils courent de défaite en défaite ; formons-les en bataillons, et ils connaîtront de nouveau la victoire.

                              F. M. O. 

Nos DEFUNTS.

 F. EVARISTUS, Profès, décédé à Saint-Hyacinthe (Canada), le 9 décembre 1901.

F. EMILE-NESTOR, Obéissant, décédé à Arlon (Luxembourg belge), le 15 décembre 1901.

F. POLYME, Profès, décédé à Popayán (Colombie), le 15 décembre 1901.

F. SERVILIANUS, Profès, décédé à Privas (Ardèche), le 19 décembre 1901

F. FULBRADE, Obéissant, décédé à Montfort-l'Amaury (Seine-et-Oise), le 21 décembre 1901.

F. IMBERTUS, Obéissant, décédé, à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), le 8 janvier 1902.

F. WERNEBERT, Profès, décédé à Beaucamps (Nord), le 17 janvier 1902.

F. MARIE- HÉLIODORE, Profès, décédé aux Charpennes (Rhône), le 17 janvier 1902.

F. MARIE-FLORIAN, Obéissant, décédé à Saint-Hyacinthe (Canada), le 17 janvier 1902.

F. LOUIS-ERNEST, Obéissant, décédé à, Bougé-Chambalud (Isère), le 22 janvier 1902.

F. AMBROISE-LÉoN, Novice, décédé à Aubenas (Ardèche), le 24 janvier 1902.

F. ISRAEL, Profès, décédé à Varennes (Allier), le 27 janvier 1902.

F. FLORENS Profès, décédé à Beaucamps (Nord), le 30 janvier 1902.

F. ABDIAS, Profès, décédé à Aubenas (Ardèche), le 1ierfévrier 1902.

F. MARIE-FERDINAND, Stable, décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 17 février 1902.

F. BARNARD, Profès, décédé à Marseille, rue Ste-Victoire (Bouches-du-Rhône), le 26 février 1902.

F. POLICARPO, Novice, décédé à Saint-Priest (Ardèche), le 2 mars 1902.

F. THEONAS, Profès, décédé à Neuville-sur-Saône (Rhône), le 3 mars 1902.

F. ZACHÉE, Profès, décédé à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), le 17 mars 1902.

F. GUIMERE, Profès, décédé à Uitenhage (Afrique du sud), le 23 mars 1902.

F. SABAS, Profès, décédé à Beaucamps (Nord), le 24 mars 1902.

F. ADRIANO-JOSÉ, Obéissant, décédé à San-Andrès-de-Palomar (Espagne), le 10 avril 1902.

F. JOSEPH-CANTIEN, Obéissant, décédé à Soucieux (Rhône), le 20 avril 1902.

F. JOSEPH-LUCIOLE, Obéissant, décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 21 avril 1902.

F. MATATHIAS, Profès, décédé à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), le 23 avril 1902.

F. BÉRONICUS, Stable, décédé à Aubenas (Ardèche), le I- mai 1902.

F. ERNEST-ALEXIS, Obéissant, décédé à Beaucamps (Nord), le 2 mai 1902.

F. HENRi-DAMASCÈNE, Profès, décédé à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), le 3 mai 1902.

F. MARIE-LEONARD, Profès, décédé à Tramayes (Saône-et-Loire), le 6 mai 1902.

 

N'oublions pas, M. T. C. F., les suffrages messes et offices – que la Règle accorde à nos chers défunts et dont elle nous fait un devoir. C'est une dette sacrée que nous devons avoir à cœur d'acquitter avec toute l'exactitude possible.

Je recommande tout particulièrement à vos prières M. le Docteur Castella, ancien curé archiprêtre de Mataró, décédé le 7 de ce mois. Ce vertueux ecclésiastique se montra toujours plein de bienveillance et de bonté pour les Petits Frères de Marie, qu'il avait appelés dans sa paroisse, en 1887.

La présente Circulaire sera lue en communauté, à l'heure ordinaire de la lecture spirituelle. Dans les maisons de noviciat et dans celles qui ont une communauté nombreuse, cette lecture se fera d'abord au réfectoire, puis à l'heure de la lecture spirituelle.

Recevez la nouvelle assurance du religieux attachement avec lequel je suis, en Jésus, Marie, Joseph,

Mes Très chers Frères,

Votre très dévoué frère et serviteur,

     F. Théophane.

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[1] : L'Éducateur apôtre (no 327), par M. Guibert, directeur au Séminaire d'Issy, librairie Poussielgue, rue Cassette, 15, Paris..

[2] : Conférence Saint-Vincent de Paul des anciens élèves, se réu­nissant à la maison tous les quinze jours et visitant les pauvres du quartier.

[3] : La Conférence entière est appelée à donner son avis quand il s'agit de dépenses importantes.

[4] : Les conseillers préparent la salle dix minutes avant l'ouverture.

[5] : Grâce à l'établissement de ces questures rien ne traîne dans la maison, et la Conférence a retiré de ce fait pendant l'année 1901, la somme assez importante de 74 fr. 40.

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