Circulaires 223

Stratonique

1908-03-19

Audience pontificale. -Deux autres visites au Saint-Père. - Visites diverses. - Cause du V. P. Champagnat. - Bref de S. S. le Pape Pie X. - Jubilé sacerdotal de N. S. P. le Pape. - Consécration de l’Institut aux SS. Cœurs de Jésus et de Marie. - Avis de Rome. - Pré¬paration au centenaire de la fondation de l'Institut. - Faveurs attribuées à l'intercession du V. Champagnat. - Erection de neuf nouvelles Provinces. - Erection d'un noviciat, à Mittagong. - Emission des vœux annuels. - Visites épiscopales. - Visite du R. P. Raffin. - Nécrologie : M. l'abbé Thibaut. - Avis. - Défunts. - Décès du C. F. Climaque. - Elections de Provinciaux.

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Circ. Sup. 08.1

 V. J. M. J.

                                                                                               Grugliasco, le 19 mars 1908.

         MES TRÈS CHERS FRÈRES,

 Après avoir reçu du Chapitre général la charge de gouverner l'Institut, j'avais le devoir, et c'était aussi un besoin de mon cœur, d'aller sans retard porter au Saint-Père l'hommage de mon profond respect, de ma parfaite soumission, de mon filial attachement, et d'être auprès de sa personne sacrée l'interprète des mêmes sentiments de la part du Régime, des membres du Chapitre général et de tout l'Institut.

Je me suis donc rendu à Rome, le 13 janvier dernier, accompagné du Très Cher Frère Paulin, Assistant général.

Peu après notre arrivée, le Cher Frère Candidus, notre Procureur général près le Saint-Siège, se mit en devoir de solliciter pour nous une audience pontificale. Elle lui fut accordée de bonne grâce ; mais, à cause d'une indisposition passagère du Souverain Pontife, la date en fut fixée au 24 janvier.

Les jours qui s'écoulèrent jusque-là furent très utilement employés en visites de bienséance et d'affaires dont il vous sera parlé plus loin.

Maintenant j'arrive au récit que vous attendez et qu'il me tarde de vous donner.

AUDIENCE PONTIFICALE.

Le vendredi 24 janvier, à 10 heures ¾ du matin, nous étions au Vatican, et la faveur nous était accordée, à nous, humbles Petits Frères, d'être admis en audience privée auprès de Sa Sainteté le Pape Pie X, devant la plus haute autorité qui soit au monde !

Au signal donné, et le cœur doucement et délicieusement impressionné, le C. F. Paulin, le C. F. Candidus, et moi, nous entrons dans l'appartement où se trouve le Saint-Père assis près de son bureau de travail. A peine avons-nous le temps de faire rapidement les trois génuflexions prescrites par le cérémonial qu'il nous dit paternellement : « Sedetevi, sedetevi » (asseyez-vous), en nous montrant à chacun un des fauteuils placés près de son bureau. Son visage qui porte tous les signes d'une excellente santé, est souriant et semble nous dire : Soyez sans crainte, je suis votre Père.

J'ai commencé par lire à Sa Sainteté l'adresse suivante : 

     « TRÈS SAINT PÈRE,

« Le Frère Supérieur Général des Petits Frères de Marie des Ecoles, dont l'élection récente a été favorisée de votre paternelle Bénédiction ; le Frère Paulin, un de ses Assistants généraux, et le Frère Procureur Général, dévotement prosternés à vos pieds sont heureux d'offrir à Votre Sainteté l'hommage de leur profonde vénération et de leur filial amour, de leur parfaite obéissance et de leur religieux dévouement, avec leurs vœux les plus ardents pour la conservation et le bonheur des jours de Votre Sainteté.

« Ils se plaisent à y joindre l'expression des mêmes sentiments et des mêmes vœux qui sont dans tous les cœurs des cinq mille Frères, novices et juvénistes de leur Congrégation, et des quatre-vingt-un mille élèves de leurs écoles de toutes les parties du monde.

« Puisse ce témoignage de notre piété filiale, qu'il nous est si doux de joindre au concert de louanges et de supplications qui va s'élever vers le Ciel et vers votre trône, en cette année bénie de votre Jubilé sacerdotal, être agréable à Votre Sainteté et apporter quelque consolation à Votre Cœur de Pontife et de Père.

« Que Dieu, par la protection de Marie Immaculée et du glorieux Saint Joseph, accorde à Votre Sainteté de voir le règne de Jésus-Christ s'étendre de plus en plus par tout le monde, la Sainte Eglise triompher de tous ses ennemis, et notre malheureuse France reprendre auprès du Saint-Siège la place qui lui assura jadis ses glorieuses destinées.

« C'est à ces divines fins que tendent et que tendront sans cesse les prières et les bonnes œuvres de chaque jour dans notre Institut.

« Daigne Votre Sainteté agréer la Statistique de notre Congrégation, avec la modeste offrande dont, grâce à Dieu, nous avons la douce et filiale satisfaction de l'accompagner, et mettre le comble à notre joie en nous favorisant de la Bénédiction Apostolique, nous, tous les membres de notre Institut, leurs parents, nos Bienfaiteurs et les enfants de nos Ecoles.

« Votre Bénédiction, Très Saint-Père, sera, pour le Supérieur et pour ses Frères, un précieux encouragement au milieu des épreuves de l'heure présente.

« Que Votre Sainteté veuille bien me permettre de lui demander encore une bénédiction spéciale pour la cause de béatification du Vénérable Marcellin Champagnat, notre Fondateur.

« Tous les Membres de notre Institut ont un désir très ardent de voir leur Vénérable Père placé sur les autels. Et nous avons la douce espérance, Très Saint Père, que nous devrons bientôt cette précieuse et insigne faveur à Votre Sainteté. »

Après avoir écouté cette adresse, avec bienveillance et un visible intérêt, le Saint-Père s'est plu à parcourir la -Statistique que nous venions de lui présenter, s'arrêtant particulièrement -aux noms de certains diocèses des contrées lointaines : Pékin, Popayán, Sydney, etc., et témoignant son contentement de voir notre Institut ainsi répandu dans toutes les parties du monde.

Sur ma demande, Sa Sainteté a bien voulu alors me permettre de lui donner quelques autres détails sur notre Institut et ses œuvres : recrutement et formation des sujets, juvénats, noviciats, scolasticats, Grands Exercices de saint Ignace, second noviciat de six mois, etc.

« Oui, c'est bien, c'est très bien ! Continuez », a dit le Saint-Père.

Il a écouté ensuite, avec non moins d'intérêt, ce que je lui ai dit sur nos maisons provinciales de France, où sont encore hospitalisés et vivent en communauté nos nombreux vieillards et infirmes.

Je ne lui ai pas laissé ignorer que les maisons de recrutement, de formation et d'enseignement que l'Institut possédait en France ont été vendues par le Liquidateur, et que le produit net de ces ventes iniques sera nul ou presque nul, aussi bien pour l'Etat que pour nos pauvres vieillards.

É un fuoco che brucia tutto! (C'est un feu qui brûle tout !) Telle est la réflexion qu'a faite à ce moment le Saint-Père, en levant les mains au Ciel.

Le récit très sommaire que j'ai fait alors à Sa Sainteté de mon récent voyage autour du monde, et d'es excellentes impressions que j'en ai rapportées sur la bonne marche des œuvres catholiques dans les pays lointains, a paru lui faire un très grand plaisir.

Je n'avais plus qu'un mot à ajouter : c'était de dire combien nous avions été heureux de l'excellent esprit qui avait animé notre dernier Chapitre Général, composé de Frères de nationalités différentes et venant de toutes les parties du monde.

Le Saint-Père a bien voulu bénir tous les objets religieux que nous avions apportés avec nous, en nous disant à deux reprises différentes : «Oui, toutes les bénédictions, toutes les indulgences ».

Le cher Frère Paulin a pris alors la parole et a demandé au Saint-Père, pour plusieurs personnes et pour diverses œuvres de l'Institut qui lui sont particulièrement chères une bénédiction spéciale. Sa Sainteté l'a écouté avec sa bienveillance ordinaire et lui a répondu : «Oui, toutes les bénédictions que vous désirez, toutes, toutes ! »

L'audience touchait à sa fin ; elle avait duré près d'une demi-heure.

Sa Sainteté voulut encore nous donner deux marques de sa paternelle bienveillance.

La première fut de mettre au bas d'un de ses portraits, que nous lui présentâmes, les lignes suivantes, qu'elle écrivit d'une main ferme et alerte :

« Ai diletti figli dell' Istituto dei Piccoli Fratelli di Maria e a lutte le loro opéré religiose e di carità, col voto che il Signore largamente li retribuisea rendendo fruttuoso il loro apostolato in tutto il mondo, impartiamo con gratitudine e particolare benevolenza l'aposiolica Benedizione. »

                                                                                                     Pius P. P. X.

                      II 24 gennaio 1908. 

TRADUCTION

A nos bien-aimés fils de l'Institut des Petits Frères de Marie et à toutes leurs œuvres de religion et de charité, avec le vœu que le Seigneur les récompense largement en rendant fructueux leur apostolat dans tout le monde, nous donnons avec gratitude et particulière bienveillance, la Bénédiction Apostolique.

                                                                                                      PIE X, Pape.

               Le 24 janvier 1908. 

La deuxième, qui nous fut particulièrement précieuse, avait trait à la béatification du Vénérable Père Champagnat.

« Où en est la cause de votre Fondateur ?» nous demanda-t-il. – En quelques mots, le cher Frère Candidus, Procureur Général, répondit à sa question.

« Mi godo di lare molti santi, perchè spero che mi aiuteranno dal cielo. » (Il m'est agréable de faire beaucoup de saints parce que j'espère qu'ils m'aideront du haut du Ciel), dit le Saint-Père en ajoutant qu'il était tout heureux de savoir que la cause était si avancée.

Ensuite, s'étant levé, et nous étant nous-mêmes prosternés à ses pieds, il nous a solennellement et affectueusement bénis, et avec nous tout l'Institut, toutes nos œuvres, toutes les personnes qui nous sont chères, en ajoutant : « Répandez-vous de plus en plus par tout le monde, croissez et multipliez-vous. »

Nous nous sommes retirés le cœur débordant de joie et de bonheur, ravis d'une si ineffable bonté et d'une si aimable condescendance, unies à une si haute majesté dans le Vicaire de Jésus-Christ.

Laissez-moi, M. T. C. F., vous faire part de deux réflexions qui me sont suggérées par ce que nous avons vu et entendu à l'occasion de cette audience du Saint-Père.

Quand on entre au Vatican et qu'on en parcourt les différentes parties, on est immédiatement saisi d'un sentiment d'admiration mêlée de respect, tant tout est grandiose, digne, parfaitement ordonné dans cet immense palais, œuvre des papes qui s'y sont succédé depuis des siècles.

Mais, ce que l'on ne tarde pas à éprouver en se mettant en contact avec les différents personnages du palais, c'est le plaisir de rencontrer chez tous, soldats suisses, gardes-nobles, camériers, introducteurs, secrétaires, prélats de divers ordres, une politesse, une affabilité qui ne se voit nulle part ailleurs au même degré. Et on sent très bien que ce n'est pas seulement de l'étiquette, mais, qu'il y a là un grand fond de charité chrétienne.

Il est à remarquer de plus que ces manières dignes, cette urbanité, ces procédés affables, obligeants, se retrouvent dans tout ce qui, de près ou de loin, touche au Vatican – palais des cardinaux, résidences des divers dignitaires ecclésiastiques, bureaux des chancelleries, etc. –

Concevons de là, M. T. C. F., un redoublement d'estime pour ces vertus sociales et chrétiennes qui s'appellent le respect, l'aménité, l'affabilité, la complaisance, etc. … ; faisons en sorte qu'elles se traduisent constamment en actes dans notre conduite et dans tous nos rapports, soit avec nos Frères, soit avec nos élèves. Jointes à d'autres qu'on nomme les petites vertus, elles rendent en notre personne la religion aimable ; et, comme religieux instituteurs, nous devons, dans la mission éducatrice que l'Eglise nous confie, nous efforcer de faire aimer la religion. C'est ce que notre Vénérable Fondateur nous a enseigné, à la fois par ses paroles et par ses exemples.

La seconde réflexion m'a été suggérée par l'insistance qu'a mise le Saint-Père à nous répéter, et verbalement et par écrit, l'invitation à multiplier nos écoles DANS TOUT LE MONDE.

Venant de la suprême autorité de l'Eglise, cette invitation me parut ajouter une nouvelle importance à ces lignes qu'écrivait le Vénérable Père Champagnat à l'évêque de Grenoble, en 1837, et que j'aime à rappeler comme écrites dans une sorte de vision prophétique : « TOUS LES DIOCÈSES DU MONDE ENTRENT DANS NOS VUES et quand Nosseigneurs les évêques nous appelleront, nous nous empresserons de voler à leur aide, et de nous considérer comme leurs très humbles et très dévoués serviteurs. »

On eût dit que le Souverain Pontife, en insistant pour la multiplication de nos écoles dans tout le monde, voulait consacrer de sa haute Autorité et sanctionner ce, qu'écrivait le Vénérable Fondateur à l'évêque d e Grenoble, il y a soixante-dix ans.

Que ce soit là pour nous un nouveau motif de dévotion et de confiance envers notre Vénérable Père Champagnat. 

DEUX AUTRES VISITES AU SAINT-PERE. 

Outre l'audience privée qui nous fut accordée, deux autres occasions nous furent données de voir et d'entendre le Souverain Pontife.

D'abord, grâce au crédit et aux privilèges dont jouit à Rome notre C. F. Procureur Général, nous obtînmes la faveur d'assister, dans la salle du consistoire privé, à la réunion solennelle où fut proclamé, en présence de Sa Sainteté et de plusieurs cardinaux, le Décret de tuto, déclarant que l'on peut procéder à la béatification de la Vénérable Mère Barat, fondatrice de la Congrégation des Dames du Sacré-Cœur.

Grande fut notre joie d'assister à une cérémonie si imposante, si édifiante, et qui avait pour nous un côté particulièrement intéressant. Il s'agissait, en effet, de la glorification de la fondatrice d'un Institut enseignant qui a commencé en France à peu près en même temps que le nôtre, et qui, aussi comme le nôtre, s'est répandu rapidement dans toutes les parties du monde.

Aussi, en voyant ce qui se passait sous nos yeux, et en entendant le Saint-Père féliciter les nombreuses religieuses du Sacré-Cœur présentes à la cérémonie de l'exaltation de leur bienheureuse Mère et Fondatrice, nous pensions à une autre glorification que tous nous appelons de tous nos vœux, et nous nous disions : Quand donc aurons-nous, comme les religieuses du Sacré-Cœur, la joie de voir, pour notre Vénérable Père Champagnat, une cérémonie comme celle dont nous sommes les témoins privilégiés ?… Cet heureux jour, que nous désirons tous si ardemment, prions avec ferveur, prions sans cesse l'auguste et immaculée Vierge Marie d'en hâter l'arrivée.

La cérémonie se termina par la Bénédiction Apostolique, qui fut donnée solennellement par le Saint-Père.

Le 2 février, fête de la Chandeleur, fut encore pour nous une heureuse circonstance qui nous valut la faveur de baiser la main de Sa Sainteté, de lui dire quelques mots et de recevoir de nouveau sa bénédiction.

Il est d'usage, à Rome, ce jour-là, que les représentants des Ordres et Congrégations religieuses d'hommes offrent au nom de leur Institut, un cierge au Saint-Père. C'est un beau spectacle que de voir cette nombreuse et imposante réunion de religieux aux costumes variés, symboles de la vie de renoncement et de séparation du monde, s'avançant deux à deux vers le trône où les accueille successivement le Souverain Pontife, avec son visage souriant et sa paternelle bienveillance. J'étais en compagnie du Cher Frère Paulin. «Ah ! i cari figli di Maria ! » dit le Saint-Père, en nous donnant son anneau à baiser. J'eus le temps de lui dire encore deux mots de l'Institut, et de lui demander une bénédiction spéciale pour la cause de béatification du Vénérable Père Champagnat. « Oui, je la bénis, et tout votre Institut, et toutes vos œuvres. »

Quand le long défilé qui avait duré près de deux heures fut terminé, le Saint-Père donna à toute l'assemblée, la Bénédiction solennelle.

Et nous nous retirâmes grandement édifiés, le cœur délicieusement ému, et bénissant Dieu des consolations dont il Se montrait si libéral envers nous. 

*      *

AUTRES VISITES. 

Comme je l'ai dit précédemment, en allant à Rome, nous avions non seulement à offrir à Notre Saint-Père le Pape nos très humbles et très respectueux devoirs, mais encore à traiter diverses affaires intéressant l'Institut. A cette fin, nous avons fait des visites et nous avons en des rapports avec des cardinaux, des prélats et divers dignitaires et personnages des Congrégations romaines. Je suis heureux de vous dire que partout et chez tous, nous avons trouvé l'accueil le plus bienveillant, je pourrais même dire le plus sympathique.

Très grande a été notre satisfaction, en apprenant de la bouche même de Son Eminence le Cardinal Ferrata, qui est en même temps et notre Protecteur et le Préfet de la Sacrée Congrégation des Evêques et Réguliers et le Ponent de la Cause de béatification de notre Vénérable Père Fondateur, que tous les témoignages donnés sur notre Institut, des diverses parties du monde, et de lui connus, sont des plus favorables.

C'est pour nous, M. T. C. F., un puissant encouragement, dont nous devons bénir le bon Dieu et la Très Sainte Vierge ; mais c'est en même temps pour nous un motif de plus de redoubler d'attention, d'ardeur et d'application dans l'accomplissement de nos devoirs, et, comme religieux et comme instituteurs de manière à nous assurer en tout et toujours le bon témoignage de notre conscience et celui de Dieu lui-même. 

CAUSE DE BÉATIFICATION 

DU VÉNÉRABLE PÈRE CHAMPAGNAT. 

En allant à Rome, j'avais aussi un autre but et ce n'était pas le moindre : je devais m'occuper de l'importante affaire qui nous intéresse tous à un si haut degré, de la cause de béatification du Vénérable Père Champagnat.

Je suis heureux de vous dire, M. T. C. F., que nous avons rencontré partout des encouragements, et que tout ce qui nous a été dit nous a fait concevoir de bonnes espérances.

Son Eminence le Cardinal Ferrata, qui s'intéresse grandement à cette cause, comme à tout ce qui touche notre Institut, a bien voulu nous dire que nous pouvons espérer la béatification dans peu d'années. « Mais, a-t-il ajouté, il faut lui faire faire des miracles, à votre Vénérable, et des miracles qui comptent. Cela dépend de vous, de la ferveur et de la confiance avec lesquelles ces miracles seront demandés. »

« Quand je vois un Institut comme le vôtre, qui a été si visiblement béni du bon Dieu, et qui fait tant de bien dans l'Eglise, je me dis : Il y a sûrement un saint à la base. » Telles sont les belles et encourageantes paroles que nous dit Son Eminence le Cardinal Vives y Tuto, dans l'audience qu'il voulut bien nous accorder. Et, de même que S. E. le Cardinal Ferrata, il nous fit, cette question « Y a-t-il des miracles ? » et après avoir écouté avec intérêt le récit de quelques-uns, du moins considérés par nous comme tels : « Très bien, très bien, priez et faites prier pour en obtenir d'autres, vous les obtiendrez. »

« Très belle, très belle cause, celle de votre Fondateur, nous dit Son Eminence le Cardinal Cretoni, Préfet de la Sacrée Congrégation dés Rites. Je m'y intéresse beaucoup. » Il nous a également fait espérer la béatification dans peu d'année. Mais lui aussi demande des miracles. « C'est le moyen, dit-il, d'accélérer et de faire aboutir promptement la cause. »

Leurs Eminences le Cardinal Gotti, Préfet de la Propagande, le Cardinal Merry del Val, Secrétaire d'Etat, et le Cardinal Mathieu, qui ont bien voulu nous recevoir en audience, nous ont promis leur concours pour hâter l'heureuse issue de la cause.

Il m'est agréable d'ajouter que Sa Grandeur Monseigneur Bégin, archevêque de Québec, présent à Rome, et avec qui nous avons eu l'honneur et le plaisir de nous entretenir plusieurs fois, a bien voulu nous promettre d'associer, dans ses instances auprès du Saint-Père, la cause du V. Père Champagnat à plusieurs autres causes canadiennes qui lui sont particulièrement chères.

Enfin, M. T. C. F., vous apprendrez avec plaisir que Mgr Verde, Promoteur de la Foi, et Mgr Mariani, Sous-Promoteur, vont s'occuper activement, cette année, nous avons tout lieu de l'espérer, de mettre la dernière main au procès de l'héroïcité des vertus, en ce qui concerne les animadversions, de manière qu'on puisse tenir prochainement la Congrégation antépréparatoire dont il vous a été parlé dans la dernière circulaire.

Le R. Père Copéré, de la Société de Marie, postulateur de la Cause, Mgr Panici, Secrétaire Général de la Sacrée Congrégation des Rites, et d'autres Secrétaires de la même Congrégation nous ont aussi fait entrevoir comme assez prochaine la béatification que nous appelons de nos vœux. Mais tous reviennent sur l'importance des miracles à obtenir. Des miracles ! des miracles ! disent-ils.

Des, miracles, nous en demanderons donc, M. T. C. F., nous en solliciterons sans nous lasser, c'est entendu.

Inutile d'insister davantage. Peut-être même trouverez-vous, M. T. C. F., que je vous ai entretenus bien longuement de la cause de béatification. Mais c'est une question d'un si grand intérêt pour nous et pour l'œuvre de l'éducation chrétienne en général, qu'on ne saurait trop y revenir.

Dans les temps où nous vivons, la question de l'éducation de la jeunesse prime plus que jamais toutes les autres. Les ennemis de l'Eglise le savent bien : aussi travaillent-ils partout, avec acharnement, à soustraire l'enfant et le jeune homme à toute influence chrétienne.

D'après ces considérations, les honneurs rendus par l'Eglise au fondateur d'un Institut enseignant, à un bienfaiteur de l'enfance, ne sauraient manquer d'inspirer un plus grand intérêt pour les enfants, et un accroissement de zèle et de dévouement pour l'éducation chrétienne de la jeunesse. 

BREF 

DE NOTRE SAINT-PÈRE LE PAPE PIE X,
RECOMMANDANT NOS ŒUVRES DE RECRUTEMENT.

Sur ma demande, et grâce à la bienveillante recommandation de Son Eminence le Cardinal Merry del Val, Secrétaire d'Etat, le Saint-Père a daigné nous adresser le Bref ci-après, qui sera pour nous un précieux trésor. Soyons-en profondément reconnaissants, et regardons-le comme un gage des miséricordieux desseins de Dieu sur notre Institut, et du haut et bienveillant intérêt que Sa Sainteté porte aux Petits Frères de Marie et à leurs œuvres. 

PIUS PP. X. 

Ad perpetuam rei memoriam. Pium ac frugiferum Institutum Parvorum Fratrum Mariae ab bac Sancta Sede recogniturn, brevi in universum terrarurn orbem, Deo favente diffusum, nunc fratrum et tyronum frequenti numero auctum, quamplurimos infantes christianae fidei ru dimenta edocet. Hune ad fine ni, et in Gallia, et in Britannia, et in Belgio, et in Hispania, et in Italia, et in Asia, et utraque America, et in Africa, et in longinquis etiain Australasiae plagis societates, sive pia tyrocinfi opera, vulgari nomine Des Juvénats ab ipsius congregationis Mariae Fratribus fundata sunt, ad comparandos adolescentiurn animos, qui vocante Domino religiosain vitam ingredi studeant. Ipsa tyrocinii opera per similes Apostolicas Literas die XXIV Decembris mensis MDCCCLXXX nec non die XXI mensis Maii anno MDCCCLXXXVI, piscatoris annulo obsignatas fel. rec. Leo PP. XIII Decessor Noster peculiaribus gratiis ditavit. Nunc autem cura dilectus filius Stratonicus Superior Generalis Instituti Parvorum Fratrum Mariae, Nos enixis precibus flagitaverit. ut ipsas gratias in perpetuum confirmare velimus; Nos quibus nihil antiquius est, quam ut opus optime de re christiana meritum, uberiora in dies incrementa capiat, votis hisce piis annuendum libenti quident animo existimavimus. Et sane hoc potissimurn tain gravi Ecclesiae tempore, quo Catholici nominis osores tain multiplices moliuntur contra adolescentes insidias, ut illos a virtutis semita deterreant, placet Nobis institutura illud provehere ac sospitare, cujus ope inter juvenes fidei mysteria servantur. Precamur propterea bonorum omnium auctorem Deum, ut Fratrum Maristarum coeptis propitius adsit, atque eadem tyrocinii opera propitius fortunet, eaque VV. FF. N,N. Archiepiscopis et Episcopis totius orbis summopere commendantes, clerum et religiosas familias hortamur, ut instituendor, in Ecclesiae spem juvenes ipsis Fratribus committant. Quae cum ita sint, omnes et singulas a Decessore Nostro concessas indulgentias plenissime confirmantes, de Omnipotentis Dei misericordia ac Beatorum Petri et Pauli Apostolorum ejus auctoritate confisi, omnibus et singulis nunc et in posterum existentibus benefactoribus pii operis tyrocinii vulgo des Juvénats nuncup. cura Instituti Parvorum Fratrum Mariae canonice erecti Lugduni primum, et postea in plures Catholici orbis dioeceses diffusi, in cujuslibet eorum mortis articulo, si vere poenitentes et confessi ac Sacra Communione refecti, vel quatenus id facere nequiverint saltem contriti nomen Jesu ore si potuerint, sin minus corde devote invocaverint et mortem tainquam peccati stipendium de manu Domini patienti animo susceperint, plenariam omnium peccatorum suorum indulgentîam et remissionem misericorditer in Domino concedimus. Insuper omnibus et singulis fidelibus ex utroque sexu, corde saltem contritis, quoties vel precibus, vel stipe corrogata, vel quovis alio pio modo, id opus adjuvent, toties in forma Ecclesiae solita de numero poenalium dierum trecentos expungimus. Porro largimur, excepta plenaria in mortis articulo lucranda indulgentia, fidelibus ipsis, si malint, liceat partialibus dictis indulgentiis functorum vita labes poenasque expiare. Tandem universae Maristarum Fratrum familiae et juvenibus ipsum in tyrocinii opus ad lectis, et illius praepositis et benefactoribus quos memoravimus, coelestium munerum auspicem Nostraeque voluntatis pignus Apostolicam benedictionem peramanter impertimus. Contrariis non obstantibus quibuscunique. Praeoentibus perpetuis futuris temporibus valituris. Volumus autem ut praesentium Literarum transumptis seu exemplis etiam irnpressÎs, manu alicujus notarii publici subscriptis, et sigillo personae in ecclesiastica dignitate constitutae munitis, eadem prorsus fides adhibeatur quae adhiberetur ipsis praesentibus si forent exhibitae sivel ostensae.

Datum Romae apud S. Petrum sub Annulo Piscatoris vii Februarii MDCCCCVIII.

Pontificatus Nostri anno quinto.

                                     R. Cardin. MERRY DEL VAL 

                                               Secret. Status. 

TRADUCTION 

                                Pour en perpétuer la mémoire.  

Le pieux et fécond Institut des Petits Frères de Marie, approuvé par ce Saint-Siège, en peu de temps répandu dans le monde entier, maintenant augmenté d'un grand nombre de Frères et de jeunes aspirants, enseigne les éléments de la foi chrétienne à un très grand nombre d'enfants.

A cette fin, en France, en Angleterre, en Belgique, en Espagne, en Italie, en Asie, en l'une et l'autre Amérique, en Afrique, et jusque sur les plages lointaines de l'Australie, ont été fondées par les Frères de cette même Congrégation de Marie des Associations ou pieuses œuvres d'éducation, vulgairement connues sous le nom de « Juvénats », pour former l'esprit des jeunes gens qui, sous l'inspiration de Dieu, désirent entrer dans la vie religieuse. Notre prédécesseur le Pape Léon XIII a enrichi de faveurs spéciales ces œuvres de juvénats par

lettres apostoliques du 24 décembre 1880 et du 21 mai 1886 scellées de l'anneau du Pêcheur. Maintenant notre cher fils Stratonique, Supérieur Général des Petits Frères de Marie, nous a instamment demandé de vouloir bien confirmer ces faveurs pour toujours ; et nous, qui n'avons -rien de plus à cœur que de voir prendre tous les jours de plus abondants développements à une œuvre qui a si bien mérité de la religion, nous avons pensé qu'il nous fallait accéder de grand cœur à ces pieux désirs. Et en vérité, particulièrement en ces temps si terribles pour l'Eglise, où les ennemis du nom catholique dressent de si multiples embûches contre les jeunes gens pour les détourner du sentier de la vertu, il nous plait de protéger et de promouvoir cet Institut, par les soins duquel sont conservés dans les jeunes gens les mystères de la foi. Voilà pourquoi, nous demandons à Dieu, l'auteur de tout bien, de vouloir bien se montrer favorable aux œuvres des Frères Maristes et de faire prospérer ces susdits juvénats; nous les recommandons instamment à la sollicitude de nos VV. Frères les Archevêques et Evêques du monde entier, et nous exhortons le clergé et les familles chrétiennes à confier à ces Frères des jeunes gens qu'ils élèveront pour l'espérance de l'Eglise.

Les choses étant ainsi, Nous confirmons très pleinement toutes les indulgences accordées par notre prédécesseur ; confiant dans la miséricorde du Dieu Tout Puissant et l'autorité des Saints Apôtres Pierre et Paul, à tous les bienfaiteurs présents et futurs de l'Œuvre des Juvénats de l'Institut des Petits Frères de Marie, d'abord canoniquement érigée à Lyon, ensuite répandue dans beaucoup de diocèses du monde catholique, nous accordons miséricordieusement dans le Seigneur, à l'article de la mort, l'indulgence plénière et la rémission de tous leurs péchés, si, vraiment repentants, confessés et, nourris de la sainte Communion, ou s'ils ne peuvent remplir ces conditions, du moins contrits, ils invoquent dévotement le nom de Jésus de bouche, s'ils le peuvent, sinon de cœur, et acceptent avec résignation la mort de la main du Seigneur, comme le salaire du péché.

De plus, à tous les fidèles de l'un et de l'autre sexe, qui seront au moins contrits, nous effaçons en la forme ordinaire de l’Eglise trois cents jours de peines, chaque fois que de leurs prières, ou de leurs aumônes, ou de quelque autre pieuse manière que ce soit, ils aideront cette œuvre des Juvénats. Nous permettons aux fidèles d'appliquer, s'ils le veulent, ces indulgences partielles aux défunts, mais non l'indulgence plénière à l'article de la mort. Enfin, à toute la famille des Frères Maristes, aux enfants, Supérieurs et bienfaiteurs des Juvénats, nous accordons avec grande affection la bénédiction apostolique, gage des faveurs célestes et témoignage de notre bienveillance.

Nonobstant toute disposition contraire. Les présentes sont valables pour toujours. Nous voulons qu'aux exemplaires même imprimés de ces présentes souscrits de la main de quelque notaire public et munis du sceau de quelque personne constituée en dignité ecclésiastique, on accorde absolument la même foi qu'aux présentes, si elles étaient montrées. 

Donné à Rome, près Saint-Pierre, sous l'anneau du Pêcheur, le 7 février 1908. 

De notre Pontificat la cinquième année. 

            Card. MERRY DEL VAL,

                 Secrétaire d'Etat. 

JUBILÉ SACERDOTAL DE S. S. PIE X. 

Le 18 septembre prochain, ainsi que je vous le disais dans la dernière circulaire, l'Eglise universelle célèbrera avec un saint et filial enthousiasme les nozze d'oro eucaristiche de son auguste Chef N. S. P. le Pape Pie X ; c'est-à-dire le cinquantième anniversaire du jour béni entre tous où fut promu à la dignité sacerdotale le lévite prédestiné qui, dans les desseins de la Providence, devait moins d'un demi-siècle plus tard, pour notre bonheur à tous, s'asseoir sur la chaire de saint Pierre, avec les titres de Vicaire de Jésus-Christ, de Pasteur souverain des âmes et de Père commun de la chrétienté.

Comme membres de la grande famille catholique et comme fils spirituels du Vénérable Champagnat qui se distingua toute sa vie par un dévouement absolu au Saint-Siège, un attachement sans réserve à la personne sacrée du Souverain Pontife et une constante docilité aux moindres directions des Pasteurs de l'Eglise, nous aurons naturellement à cœur de nous associer, dans toute la mesure de notre possible, à cette grande manifestation religieuse, et d'y faire participer avec nous tous les enfants dont l'éducation nous est confiée.

Certes, M. T. C. F., s'il est un temps où tous les véritables enfants de l'Eglise doivent sentir le besoin de se presser étroitement autour de leur Père commun, pour lui protester de leur filial amour et de leur inviolable fidélité, c'est sans doute aujourd'hui où tant de fils ingrats, ne craignent pas de faire cause commune avec l'impiété pour abreuver son cœur d'amertume ; et si, dans la grande famille chrétienne, un groupe devait particulièrement éprouver ce besoin, ne seraient-ce pas les Petits Frères de Marie, qui ont toujours été, de la part des Pontifes romains et particulièrement de Pie X, glorieusement régnant, l'objet d'attentions si paternelles ? Vous avez pu vous en convaincre par l'exposé que je viens de vous faire de mon voyage à Rome, et nous en trouvons une preuve plus touchante encore, si possible, dans le bref accordé en faveur de nos Juvénats reproduit plus haut.

Nous tâcherons donc, tout d'abord, mes très chers Frères, de prier beaucoup et avec le plus de ferveur que nous pourrons, pour N. S. P. le Pape, dont le cœur accablé de soucis et de tristesses, dans sa prison du Vatican, a si grand besoin que l'amour de ses fils répandus dans toutes les parties du monde implore pour lui les grâces et les consolations du ciel. Imitons les chrétiens de la primitive Eglise, pendant que Saint Pierre gémissait dans les prisons de Jérusalem. « Tandis que Pierre était dans les fers, disent les Actes des Apôtres, l'Eglise faisait monter pour lui vers le ciel des supplications continuelles… et voici que l'ange du Seigneur apparut, le cachot resplendit d'une éclatante lumière et les chaînes lui tombèrent des mains. Qui sait si, aujourd'hui comme autrefois, ce n'est pas en faveur des prières persévérantes des fidèles, que Dieu a résolu de devancer l'heure de la paix de l'Eglise et, de la délivrance de son auguste Chef ?

Puis, à la prière quotidienne nous nous ferons un devoir de joindre l'obole qui, ajoutée à des milliers d'autres, permettra d'offrir à notre Père bien-aimé son cadeau de fête. Je vous ai déjà dit que, dans l'audience où j'ai eu le bonheur d'être admis aux pieds de Sa Sainteté, je lui ai présenté, au nom de vous tous, la modeste offrande de la Congrégation, qu'il a daigné agréer avec reconnaissance. Mais il nous reste à faire quelque chose de plus : c'est d'associer nos élèves de tous les pays à cet hommage spontané de notre amour filial envers le Saint Père ; et je connais assez vos dispositions à cet égard pour être dans la certitude que vous vous y emploierez avec tout l'empressement et tout le zèle dont vous êtes capables.

Le comité central d'organisation, établi à Rome, a déterminé d'offrir à l'auguste Jubilaire deux cadeaux principaux ;

1° Les honoraires de la Messe jubilaire, qui se composeront des cotisations offertes par les fidèles du monde entier, et dont la récollection est confiée spécialement au zèle des pasteurs des paroisses, sous la direction de leurs évêques respectifs ;

2° Un calice d'or artistique avec lequel Sa Sainteté célèbrera là Messe jubilaire, et qui lui sera présenté par un Congrès de la Jeunesse catholique de toutes les nations. C'est à l'acquisition de ce calice précieux que tous nos élèves sont invités à contribuer, de concert avec, tous les autres enfants et jeunes gens de l'univers chrétien.

Cette invitation, M. T. C. F., vous la leur transmettrez, chacun pour votre part, en l'accompagnant de tous les commentaires que vous jugerez propres à leur en bien faire sentir la convenance et l'opportunité ; puis vous vous ferez les collecteurs de leurs offrandes, après leur avoir donné le temps nécessaire pour se les procurer ; toutes seront bien accueillies aussi bien les plus minimes que les plus considérables, et celle de chacun sera inscrite en face de son nom sur les feuilles de souscription que vous trouverez ci-jointes[1]. Les feuilles de chaque établissement, une fois garnies, seront adressées avec la somme correspondante, au Frère Provincial[2], qui nous fera parvenir au plus tôt les unes et les autres. Il serait à désirer, lorsque ce sera possible, que le volume ou fascicule correspondant à chaque province ou vice-province fût enfermé dans une couverture un peu ornementée dans le goût du pays.

Ces divers volumes, parvenus ici, seront ensuite unifiés et portés à Rome pour être présentés au Saint-Père, avec ceux des autres Sociétés en même temps que le calice. 

CONSÉCRATION DE LINSTITUT AUX SS. CŒURS DE JÉSUS
ET DE MARIE. 

Dans le compte rendu des travaux, décisions et œuvres du Chapitre général, inséré dans la dernière circulaire, il a été commis un oubli important que je tiens à. réparer ici.

L'Assemblée Capitulaire, avant de clore ses séances, avait exprimé le vœu unanime que la Congrégation fût de nouveau consacrée, en sa personne, au Sacré Cœur de Jésus, par l'entremise du Cœur Immaculé de Marie. C'est ce qui eut lieu, en effet, très solennellement, le jour de la clôture. Le soir, au Salut du Saint-Sacrement, le R. F. Supérieur, entouré des membres de son Conseil, et de tous les Capitulants, prononça à haute voix la Consécration suivante :

« Très doux Jésus, Rédempteur du monde, en ce jour qui clôt l'importante mission que vient d'accomplir le Chapitre général, dont les membres sont en ce moment prosternés à vos pieds, pleins de reconnaissance pour tous vos bienfaits répandus sur nous et sur notre Congrégation tout entière, je viens, nous venons tous, nous consacrer à votre Sacré Cœur. Nous vous prenons et nous vous reconnaissons, ô divin et très aimable Cœur pour l'unique objet de notre amour, le protecteur de notre vie, l'assurance de notre salut, le remède de notre fragilité et de notre inconstance, le réparateur de tout le mal que nous avons commis et que nous déplorons.

« Nous vous consacrons nos personnes et notre vie, nos actions, nos peines et nos souffrances, renonçant de tout notre cœur à tout ce qui pourrait vous déplaire et ne voulant nous servir de tout notre être que pour vous honorer, aimer et glorifier.

« O Cœur tout aimant, nous vous consacrons aussi, de toute la force de nos désirs et dans la mesure qui nous appartient, tous nos Frères répandus dans toutes les parties du monde, notre Institut tout entier, avec ses œuvres de foi, de charité et d'apostolat ; et pleins de confiance en vous, et espérant tout de votre bonté, nous vous prions de bénir toutes nos maisons, avec tous ceux qui les habitent et de faire que, par la puissance de votre grâce, votre pur amour s'imprime si avant dans tous nos, cœurs, que jamais nous ne puissions vous oublier, ni être séparés de vous.

« Nous vous conjurons, ô Cœur tout puissant, par toutes vos bontés, de faire que tous nos noms soient écrits en vous, et que tout notre bonheur à tous soit de procurer votre gloire, de travailler à l'extension de votre règne, de vivre, de mourir pour vous, d'être tout à vous, dans le temps et dans l'éternité.

« O Cœur de Marie, le plus aimable et le plus aimant de tous les cœurs après celui de Jésus, daignez présenter et faire agréer, au Cœur de votre divin Fils notre consécration, nos supplications et nos résolutions.

« Vous êtes notre Mère, nous sommes vos enfants ; c'est par vous qu'à l'exemple de notre Vénérable Père, nous aimons à aller à Jésus. Comme lui, nous vous reconnaissons pour notre première Supérieure et Notre Ressource ordinaire.

« Nous nous plaisons donc à proclamer bien haut que nous sommes tout à vous. Nous voulons cependant J'affirmer aujourd'hui solennellement, en consacrant avec une ardeur toute nouvelle, à votre Cœur immaculé et maternel, nos personnes, toutes nos facultés, nos travaux, notre Institut qui est tout vôtre, avec tous ses membres et tout ce qui en dépend. Bénissez tout, gardez tout, gouvernez tout, prenez tout sous votre maternelle protection, et faites que, selon notre désir le plus ardent, tout en nous et dans notre Institut, tourne à votre honneur et à la plus grande gloire de Dieu.

« Et maintenant, ô bonne et tendre Mère, permettez-moi de vous demander une bénédiction spéciale, pour m'aider à remplir la charge redoutable qui vient de m'être confiée, conformément aux desseins de Dieu, et selon que doit le faire un digne enfant de Marie. »

Et il sembla que la bénédiction de Jésus-Hostie, qui suivit presque immédiatement, fût la réponse sensible à cet acte de dévouement, de supplication et d'action dg grâces que la Congrégation venait de lui adresser par l'organe de ses représentants. 

AVIS DE ROME. 

Au commencement de l'année dernière, conformément à l'article 9 des Constitutions, nous avons présenté au Saint-Siège, une relation détaillée sur l'état de la discipline, du personnel, du matériel, et de la situation économique de l'institut pendant la période 1903-1906 ; et la S. Congrégation des Evêques et Réguliers a daigné y faire la réponse suivante, que je tiens à vous transmettre fidèlement, soit à cause du motif d'encouragement qui en découle, soit surtout à cause du devoir que nous avons de prendre en sérieuse considération les deux observations qui la terminent :

« La S. Congrégation a reçu votre relation sur l'état de la Société des Petits Frères de Marie pendant la période 1903-1906. Elle se plaît à louer beaucoup de choses qui ont été bien et pieusement faites dans ledit Institut. Elle vous félicite particulièrement de persévérer dans le bien et de tendre toujours à une plus haute perfection, malgré les persécutions des méchants. Cependant elle croit de son devoir de vous faire les observations suivantes:

« 1° Les Supérieurs doivent veiller à ce que, dans chaque maison, la règle du silence soit religieusement observée.

« 2° Ils doivent veiller aussi, selon les règles de la prudence à ce que personne ne se relâche de l'observation régulière de la pauvreté. »

Nous regarderons comme nous venant de, Dieu même, M. T. C. F., ces paternelles recommandations qui nous sont faites là par les plus hautes autorités de la Sainte Eglise, et nous nous appliquerons à nous y conformer avec une persévérante exactitude dans tous les détails de notre conduite, nous souvenant d'ailleurs qu'elles ne sont que la reproduction de ce que nous prescrivent nos Règles, et que, pour les religieux, les Règles sont, en toute circonstance, la fidèle expression de la volonté de Dieu. 

LE CENTENAIRE DE LA FONDATION DE L'INSTITUT. 

Le 2 janvier 1917 marquera le centième anniversaire du jour où le Vénérable Père Champagnat jeta, dans la pauvre maison de Lavalla, les premiers fondements de notre Institut. C'est donc dans neuf ans que sera accompli ce premier Centenaire.

A cette occasion, un de nos Frères les plus anciens et les plus pieux me suggérait naguère une pensée que je crois à propos de vous communiquer, et à laquelle vous ferez bon accueil, j'en ai la confiance. Ce serait de nous préparer à la célébration d'un événement si mémorable pour nous, par une neuvaine d'années, pendant laquelle nous demanderions spécialement à Dieu la glorification de notre Vénérable Père et le rétablissement de nos œuvres en France.

Mais que faire pour cela ? Oh ! il n'est pas question de nous imposer un surcroît de prières ou d'observances régulières; il nous suffira de nous en tenir à nos exercices religieux de chaque jour, mais en ayant soin d'y apporter toute l'attention et toute la ferveur dont nous sommes capables. Aux intentions ordinaires, nous ajouterons celles de la neuvaine au Pater et à l'Ave que nous récitons à la fin de la prière du soir, et nous appliquerons ces mêmes intentions à la première communion de chaque mois. Il sera laissé à chacun, dans les limites de l'obéissance, la liberté d'ajouter ce que sa piété lui inspirera.

N'oublions pas que la meilleure préparation pour nous et le plus sûr moyen d'obtenir de Dieu ce que nous devons .demander pendant cette neuvaine, c'est de nous appliquer avec une ardeur constante à maintenir et à augmenter en nous l'esprit de piété, de régularité, de ferveur, de pauvreté, d'humilité, de zèle, de charité et de sainte union qui régnait parmi nos premiers Frères, de sorte que, du haut du ciel, notre vénérable Père, mis au rang des Bienheureux ou des Saints, ait la joie de voir, en 1917, son œuvre telle qu'il l'a fondée, avec cette seule différence qu'elle a pris des développements dont nous ne saurions être trop reconnaissants envers la divine Providence. 

FAVEURS OBTENUES PAR L'INTERCESSION
DU VÉNÉRABLE PÈRE CHAMPAGNAT. 

I. – Extrait d'une lettre écrite en décembre 1907, par un de nos vieillards hospitalisés à Varennes-sur-Allier, le F. V…., âgé de 78 ans.

Au mois d'août 1905, je commençai à ressentir des douleurs intestinales occasionnées par un abcès. Bientôt, ne pouvant plus prendre pour aliment qu'un peu de lait, à peine un verre par jour, je fus réduit à une extrême faiblesse, à laquelle contribuaient encore les nombreux lavements que je devais prendre chaque jour.

Dès le début de ma maladie, je fus administré, et pendant six mois, je ne pus recevoir la sainte communion qu'en viatique deux fois la semaine.

Fréquemment, j'avais à endurer des crises d'entrailles qui m'étouffaient, m'occasionnaient une sueur froide et me mettaient dans un état tel que je crus maintes fois ma dernière heure arrivée.

Une opération eût pu être tentée si j'avais eu vingt ans de moins ; mais, d'après le médecin, vu mon âge, il n'y fallait pas songer, mais attendre de Dieu seul ma guérison.

Au mois de janvier 1906, je bus de l'eau miraculeuse de la Louvesc qu'un Frère me donna ; en même temps je fis avec la communauté une neuvaine à saint Jean-François Régis. Dès lors, les crises devinrent plus rares et moins fortes ; cependant j'étais toujours obligé de garder le lit et dans l'impuissance de me lever sans éprouver des douleurs atroces.

A Pâques de cette même année, le C. F. Directeur me remit une image du Vénérable Père Champagnat, et l'on fit en communauté une neuvaine au saint Fondateur à la suite de laquelle je pus me lever et sortir un peu dans le jardin, en même temps que mes crises disparurent.

J'attribue ce changement à l'intercession du Vénérable Père Champagnat. Depuis lors, je l'invoque tous les jours. Maintenant je vais aussi bien que possible. 

II. – Extrait d'une lettre d'un Frère d'Australie, en date dit 18 novembre 1907.

Il y a environ quatre ans, lorsque j'étais à Bendigo, un de nos élèves, John Semmens, enfant très sage et vraiment exemplaire, souffrait beaucoup d'un mal qu'il avait à une jambe (un eczéma, je crois). Malgré ses grandes souffrances, le pauvre enfant se traînait à l'école comme il pouvait et, par son courage et sa patience, il faisait l'admiration de ses condisciples.

Voyant que les remèdes naturels et les moyens humains avaient été vainement essayés et que le mal empirait, je donnai à John Semmens une relique de notre Vénérable Fondateur, en lui conseillant de dire tous les jours trois Ave Maria pour obtenir sa guérison et la glorification du Vénérable Père Champagnat.

L'enfant accepta cette relique avec empressement et reconnaissance, la plaça sous le bandage qui entourait sa jambe et récita fidèlement chaque jour les trois Ave Maria promis. Sa confiance fut récompensée, ainsi qu'il me l'a annoncé par une lettre en date du 17 octobre 1907, ainsi conçue

« La raison qui me fait vous écrire est pour vous faire connaître la merveilleuse – je pourrais dire miraculeuse – guérison de ma maladie par la relique du Vénérable Fondateur des Frères Maristes, le R. P. Champagnat.

« Je n'en ai pas souffert depuis le mois d'octobre 1904. Je pense que ce temps suffît amplement pour, prouver la complète guérison.

«Il me reste maintenant à vous exprimer ma profonde reconnaissance et celle de mes parents pour m'avoir procuré cette relique. De plus, j'espère que cette guérison aidera les Frères Maristes à obtenir la canonisation de leur bon et saint Fondateur.

« Je continue à réciter les trois Ave Maria ; j'ai fait, dire une messe d'action de grâces, et je me propose d'en faire dire une autre plus tard.

« Ci-joint vous trouverez, comme un petit témoignage de ma gratitude, un mandat de 10 shillings que vous emploierez comme vous le jugerez à propos. Je regrette seulement de ne pouvoir vous offrir davantage. » 

ERECTION DE NEUF NOUVELLES PROVINCES. 

Sur la supplique présentée par le Frère Supérieur Général et les Frères Assistants composant le Régime, le Saint-Siège, par un Rescrit en date du 10 mars 1908, a autorisé l'érection en autant de Provinces des neuf Districts ou Vice-Provinces que compte notre Institut dans les pays dont les noms suivent :

1° L'Afrique du Sud 2° la Chine ; 3° la Colombie ; 4° Constantinople ; 5° le Brésil central ; 6° le Brésil méridional ; 7° le Mexique ; 8° la Syrie ; 9° le Brésil septentrional.

Les nouvelles Provinces tireront leurs noms de ces divers pays. 

ERECTION D'UN NOVICIAT A MITTAGONG. 

Par Rescrit en date du 10 mars 1908, le Saint-Siège autorisé l'érection canonique d'un Noviciat sous le Vocable de Our Lady of the Hermitage (Notre-Dame de l'Hermitage), à Mittagong, diocèse de Sydney (Province d'Australie). 

EMISSIONS DES VŒUX ANNUELS. 

Pour des motifs reconnus fondés, un Rescrit du 28 janvier 1908 permet, au besoin, de compter l'année de profession temporaire (art. 38 des Constitutions), non absolument de 365 jours pleins, mais du temps écoulé d'une retraite annuelle à une autre retraite de l'année suivante et, par conséquent, autorise les Frères à profiter d'une de ces retraites pour renouveler leur profession annuelle. 

VISITES ÉPISCOPALES 

I. -MGR L'ÉVÊQUE DE GÉRONE EN NOTRE MAISON
DE PONTOS (ESPAGNE). 

                    Extrait d'une lettre du C. F. Richard. 

     Mon Très Révérend Frère Supérieur,

 Le 18 décembre 1907 a été, pour notre communauté de Pontos, un jour de fête dont elle gardera un religieux et agréable souvenir; elle a été honorée et favorisée en ce jour, de la visite de Sa Grandeur Mgr l'Evêque de Gérone, qui, étant en tournée pastorale, a eu la bonté de modifier son itinéraire pour répondre à l'invitation de M. le Curé et des Frères de Pontos.

Arrivé le 17, Monseigneur fut reçu solennellement par le clergé, les autorités, les Frères et la population de la paroisse. Le lendemain, il a eu l'aimable condescendance de se rendre à notre maison et de donner la Confirmation, dans notre chapelle, à seize de nos novices ou postulants. A cette occasion, il a prononcé une touchante allocution dans laquelle il a fait ressortir la grandeur et les effets du sacrement de Confirmation, et qu'il a terminée à peu près en ces termes :

« Mes chers Frères, on vous a chassés de votre patrie parce que vous êtes religieux ; mais Jésus-Christ a dit : « Bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la justice, parce que le royaume des cieux leur appartient ». Persécutés, vous avez avec vous l'Esprit Consolateur, l'Esprit de force ; et puis la catholique Espagne vous accorde une généreuse hospitalité et vous confie l'éducation de ses enfants…

« Pour vous rendre dignes de cette confiance et de la belle mission que vous avez à remplir, deux choses vous sont indispensables : la science et la vertu. Par l'étude, vous arriverez à la première ; par le renoncement, vous acquerrez la seconde…

« Ne perdez jamais de vue, mes enfants, que la perfection à laquelle vous voulez vouer votre vie, demande que vous vous conserviez dans l'esprit de sacrifice et dans la ferveur dont vous êtes présentement animés… »

Et le vénéré Prélat termina son allocution en invitant tous les membres de la Communauté, Français et Espagnols, à unir leurs prières pour recommander au bon Dieu leur patrie respective.

Peu après la cérémonie de la Confirmation, Monseigneur s'est rendu à la salle où la communauté était réunie. Là encore, répondant au compliment qui lui fut adressé, il fit entendre de ces paroles qui, sorties du cœur, vont au cœur.

« Quand Dieu aime une Congrégation religieuse, dit-il en commençant, il lui envoie de nombreux et bons sujets qui y entretiennent la vie et sont l'espérance de l'avenir. Dieu vous aime, mes Frères, j'en ai pour preuve ces jeunes gens que j'ai maintenant sous les yeux; et ce n'est qu'un petit rameau de l'arbre vigoureux dont les branches s'étendent dans l'univers entier !…

« Mes chers Frères, mes chers enfants, vous vous consacrez au service de Dieu pour devenir des saints, vous êtes dans mon diocèse pour y faire le bien. Pour atteindre ce double but, il faut, vous le savez, avoir l'esprit de sacrifice. Tout acte de vertu, toute œuvre de bien exige des sacrifices… »

Se servant de comparaisons prises dans l'ordre matériel, Sa Grandeur montre que les choses précieuses, utiles, nécessaires, telles que l'or, la lumière, le verre, le pain, etc., ne s'obtiennent qu'au prix de travaux pénibles, de fatigues, de sueurs et de sacrifices. De même c'est en sacrifiant leur liberté, leurs travaux, leurs forces, leur santé, leur repos, que les Frères répandront la lumière au milieu des enfants, qu'ils leur distribueront le pain de l'intelligence, qu'ils les guideront dans les sentiers du bien, etc.

En terminant, l'honoré Prélat, se réjouissant de posséder des Frères Maristes dans son diocèse, exprime le vœu de les voir s'y multiplier et y faire beaucoup de bien ; et il donne de grand cœur sa bénédiction à la communauté, qui la reçoit avec bonheur et reconnaissance. 

II. – MGR BÉGIN A GRUGLIASCO. 

Le 3 janvier dernier, Sa Grandeur Mgr Bégin, Archevêque de Québec (Canada), se rendant à Rome, a bien voulu honorer de sa visite notre communauté de Grugliasco. Ce fut pour tous une joie, un bonheur, une fête – Monseigneur Bégin est si bon, et il aime tant les Frères Maristes ! Et puis, pour des persécutés et des exilés, il est si doux, si consolant de se sentir auprès d'un cœur sensible, noble, dévoué; d'entendre une parole amie, sympathique, réconfortante ; de recevoir une bénédiction épiscopale, paternelle, puisée dans le Cœur adorable de Jésus !

Le 6 du même mois, fête de l'Epiphanie, il a été donné à la communauté de Santa Maria (San Mauro) de jouir, à son tour, de la présence au milieu d'elle de l'éminent et aimable prélat. Là aussi il a paru comme un père au sein de sa famille, charmant tous les membres de la communauté par son affabilité et ses entretiens familiers et pleins d'une douce gaîté.

Les Frères, les novices, les postulants et les juvénistes conserveront le plus agréable souvenir de cette double visite, et regarderont comme un jour béni celui où il leur sera donné de la voir renouveler.

Il est à noter de plus que ce n'était pas là le premier témoignage de bienveillance donné aux Frères Maristes par Mgr l'Archevêque de Québec. Sans parler de nos Frères du Canada, ceux qui, le 8 mars 1902, habitaient la maison-mère de Saint-Genis-Laval, et, le 1ier mai 1904, celle de Grugliasco, peuvent se rappeler qu'à ces deux dates, Sa Grandeur avait daigné déjà les favoriser de sa bienveillante visite. 

Visite du Très Révérend Père RAFFIN. 

Le 6 mars 1908, notre maison de Grugliasco a été favorisée de la visite du Très Révérend Père Raffin, Supérieur Général de la Société de Marie. Ce fut pour la communauté un véritable sujet de joie de le voir, et d'entendre de sa bouche quelques mots d'édification dans lesquels il laissa parler son cœur, et se plut à nous dire qu'il était doublement mariste : d'abord, dès son enfance, comme élève des Frères Maristes ; ensuite, comme -prêtre de la Société de Marie. Puis, rappelant d'une manière délicate que la Société des Pères et celle des Frères étaient nées d'une même pensée, aux pieds de Notre-Dame de Fourvière, il dit qu'elles étaient comme deux sœurs jumelles faites pour rester unies.

Le vénéré Supérieur, par sa bonne visite, par ses paroles affectueuses, et par l'expression cordiale de ses vœux pour la prospérité de nos œuvres, et pour la béatification de notre Vénérable Fondateur, nous donna une nouvelle et touchante preuve de sa bienveillance et de sa sympathie, déjà tant de fois manifestées envers notre Institut. 

NÉCROLOGIE 
M. L'ABBÉ TRIBAUT, AUMONIER.

Le 10 mars, nous avons reçu à Grugliasco, la douloureuse nouvelle de la mort de M. l'abbé Thibaut, aumônier de notre maison de Pommerœul, décédé le samedi, 7 du même mois.

Depuis quelque temps, la forte santé de M. Thibaut était minée lentement par le diabète ; ruais, grâce à un régime sévère, il combattait le mal avec assez de succès pour pouvoir vaquer comme d'habitude à ses fonctions. Malheureusement son état se trouva aggravé par une attaque d'apoplexie dont il fut frappé au mois de janvier dernier, il s'en était cependant relevé, non parfaitement, mais assez pour qu'il se sentit la, force de reprendre ses occupations ordinaires.

On ne S'attendait donc pas à voir de sitôt sa fin arriver, lorsque le 7 mars, une seconde attaque, survenue la veille, vint mettre un terme à ses jours et plonger dans le deuil la communauté de Pommerœul, et, avec elle, tous les Frères de la province du Nord[3]. C'est pour eux une perte des plus sensibles et vraiment digne d'être pleurée.

M. l'abbé Thibaut était âgé de 64 ans et en avait passé 34 comme aumônier des Frères Maristes, tant à la maison de Beaucamps qu'en celle de Pommerœul : trente-quatre ans d'un labeur incessant, infatigable, prodigieux ; trente-quatre ans d'un dévouement inébranlable, d'une conduite toujours digne, d'une vie constamment exemplaire et édifiante ! En un mot, c'était pour nos Frères du Nord un vrai trésor, un de ces prêtres qui sont l'honneur du sacerdoce. Aussi la plume serait-elle impuissante à dire tout le bien qu'il a fait à la maison provinciale de Beaucamps, puis à celle de Pommerœul, après la dispersion.

La somme de travail qu'il a fournie paraîtrait incroyable à qui n'aurait pas été témoin de la tâche journalière qu'il s'était imposée et qu'il a accomplie invariablement et avec une ponctualité mathématique. Pour s'en faire une idée, il suffit de savoir que le personnel de la maison provinciale de Beaucamps se composait de pensionnaires, de juvénistes, postulants, novices, Frères professeurs ou chargés de divers emplois, malades et domestiques ; en tout 450 à 460 personnes ; et le zélé aumônier était seul et voulait être seul pour subvenir aux besoins spirituels de tous ; et il y pourvoyait de manière que rien n'était en souffrance. Catéchismes aux pensionnaires, préparation à la première communion, instructions aux juvénistes et aux novices, méditation au noviciat le dimanche matin, instruction à la communauté le dimanche soir, basant habituellement ses conférences et son enseignement sur nos Principes de Perfection religieuse, sans jamais cesser intéresser et d'instruire ; enfin, confessions par centaines chaque semaine et visites des malades: il suffisait à tout et tout se faisait avec une exactitude et une régularité parfaites. Et, ce qui est étonnant, il trouvait encore du temps pour rendre service aux curés du voisinage qui tous l'avaient en singulière estime. Dans certaines circonstances, il allait dans leurs paroisses confesser, annoncer la parole de Dieu, parole toujours écoutée avec empressement et toujours goûtée.

En lisant ces lignes, on se demandera comment il pouvait suffire seul à une besogne aussi lourde, aussi compliquée. Ah ! c'est qu'il possédait le secret de bien employer le temps, de n'en pas perdre une minute à partir de son lever (4 heures du matin), jusqu'à son coucher dont l'heure était également réglée.

Ce qui est encore à remarquer, c'est qu'au milieu de tant d'occupations absorbantes, le pieux aumônier n'avait jamais l'air affairé ; c'est qu'il restait toujours en pleine possession de lui-même, toujours calme, toujours accueillant, le visage serein et souriant pour tous ceux qui l'abordaient ; enfin réunissant en sa personne tout ce qui peut rendre la religion aimable.

Homme d'action, il se donnait tout entier et sans compter ; mais en tout et partout, on voyait toujours en lui le prêtre, l'homme de Dieu, l'homme intérieur qui, dans son ministère, mettait au premier rang le surnaturel, le divin, et qui, par une vie éminemment vertueuse et constamment édifiante, harmonisait sa conduite avec ses enseignements. Aussi, quel bien il a opéré dans les âmes confiées à sa sollicitude ! Combien sa mémoire est en bénédiction, surtout parmi les Frères de la province du Nord ! Oui, tous se souviendront de lui comme d'un saint qui, en leur enseignant le chemin de la perfection, y marchait le premier et leur donnait l'exemple de toutes les vertus ; et ce souvenir les rendra forts et généreux dans les saints combats de la vie religieuse, et de plus en plus attachés à l'état qu'ils ont embrassé, et qu'il leur a appris à estimer et à aimer.

Nous tous, M. T. C. F., souvenons-nous du dévoué et cher aumônier ; recommandons, s'il en était besoin, son âme à Dieu ; conservons son souvenir comme celui d'un ami fidèle, d'un bienfaiteur insigne de notre Institut, qui a voulu être et rester nôtre jusqu'à la fin de sa vie' faisant le sacrifice des avantages temporels qu'il eût pu trouver dans le service paroissial; et, dans notre deuil, consolons-nous à la douce pensée qu'il continuera d'être tout nôtre dans le ciel, où il ne manquera pas de se faire l'un de nos protecteurs.

Ayons aussi un souvenir dans nos prières pour les membres de la famille du bien-aimé et regretté défunt, et en particulier de son digne frère, M. le Doyen de Cassel. Puissent nos affectueux sentiments et nos sympathiques condoléances être pour eux une consolation et un adoucissement à leurs justes regrets. 

AVIS 

I. – Dans ma précédente circulaire, j'ai demandé à chacun, comme marque de reconnaissance et d'attachement pour le vénéré Frère Théophane, et comme preuve de zèle et de dévouement pour le bien général de l'Institut :

1° La copie des lettres qu'on aurait conservées de lui

2° Un résumé de ses avis et instructions;

3° Les faits et, circonstances propres à faire connaître la piété, la vertu, l'esprit de foi, de régularité, de mortification du vénéré défunt qui s'offre particulièrement à nous comme le modèle du parfait religieux. Que chacun donc se fasse un bonheur et un devoir, autant qu'il le peut, d'ajouter au tableau de sa biographie tous les traits qui peuvent l'embellir et nous le rendre plus précieux et plus utile.

Nous faisons un nouveau, pressant et confiant appel à tous pour avoir le plus de notes et de documents possible pour cette biographie qui nous intéresse tous à un si haut point.

Ce ne sont pas des généralités que nous vous demandons, mais des détails, des faits précis, des particularités énoncées en deux mots, des paroles surtout, parce que ce sont les paroles qui expriment l'âme. Et comme dans la vie des saints personnages, le but essentiel est de peindre leur âme, il faut recueillir avec le plus grand soin les moindres traits qui la révèlent. C'est le motif de ma seconde et très pressante demande de documents et de notes pour cette biographie.

 Il. – Je crois à propos de rappeler aussi l'avis déjà donné concernant la Vie du R. F. Louis-Marie (Circulaire du 31 décembre 1907). Ce livre doit avoir sa place, comme mémorial de famille, dans les bibliothèques de toutes nos maisons. Il peut aussi être donné en prix, et lu avec profit tant par les élèves que par leurs parents. 

Nos DEFUNTS.

 F. GERMAN, Profès temp., décédé à Moamoa (Samoa), le 16 décembre 1907.

F. JEAN-ARSÈNE, Profès perp., décédé à Mendes (Brésil), le 24 décembre 1907.

F. FLORUS, Profès perp., décédé à Bourg-de-Thizy (Rhône), le 16 janvier 1908.

F. DENIS, Profès perp., décédé à Manresa (Espagne), le 22 janvier 1908.

F. CASTE Profès perp., décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 25 janvier 1908.

F. THÉODORUS, Stable, décédé à Ruoms (Ardèche), le 27 janvier 1908.

F. THOMAS, Profès perp., décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 3 février 1908.

F. ANTIGONE Profès perp., décédé à Auriol (Bouches-du-Rhône), le 15 février 1908.

F. MELCHIADE, Stable, décédé à Ruoms (Ardèche), le 18 février 1908.

F. ROGAT, Profès perp., décédé à San Mauro (Piémont), le 20 février 1908.

F. ULFRID, Stable, décédé à Laprugne (Allier), le 15 février 1908.

F. DUNSTAN, Profès perp., décédé à Ruoms (Ardèche), le 22 février 1908.

F. FÉLIN, Profès perp., décédé à Saint- Just-en-Chevalet (Loire), le 26 février 1908.

F. COLOMBAN, décédé à Saint-Quentin (Aisne), le 26 février 1908.

F. MARIE-VITALIQUE, Profès perp., décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 28 février 1908.

F. MARIE-ERNEST, Stable, décédé à S. Andrès de Palomar, le 10 mars 1908.

F. XAVIER-BRUNO, Profès perp., décédé à Peruwelz (Belgique), le 10 mars 1908.

F. ALLEAUME, Profès perp., décédé à Ruoms (Ardèche), le 10 mars 1908.

Par cette liste, bien longue si l'on considère le peu de temps écoulé depuis le 31 décembre, vous remarquerez, M. T. C. F., que la mort est venue bien souvent frapper dans nos rangs et nous réitérer ses avertissements. N'y restons pas sourds, tenons-nous toujours prêts, et n'oublions par, de prier pour nos chers défunts.

La présente Circulaire sera lue en communauté à l'heure ordinaire de la lecture spirituelle. Dans les maisons de noviciat et dans celles qui ont un personnel nombreux, il en sera donné une seconde lecture au réfectoire.

Recevez l'assurance de la religieuse affection avec laquelle je suis,

Mes Très Chers Frères, en Jésus, Marie, Joseph, Votre tout dévoué frère et serviteur.

                           F. STRATONIQUE.

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POST-SCRIPTUM 

 

Le 27 mars, au moment où se terminait l'impression de la présente circulaire, le Cher Frère CLIMAQUE, Assistant Général depuis le 19 avril 1893, est pieusement décédé à Grugliasco, après cinq jours de maladie, dans la 61ième  année de son âge et la 46ième de vie religieuse. 

R. I. P. 

ELECTIONS DE PROVINCIAUX. 

Par suite de l'érection en Provinces der, Vice-Provinces dont il est fait mention à la page 298, le Conseil Général, dans sa séance du 30 mars 1908, a nommé conformément aux Constitutions, en qualité de Provinciaux :

1° Le C. F. Frédéricus, pour la Province de l'Afrique du Sud ;

2° Le C. F. Louis-Michel, pour celle de Chine

3° Le C. F. Théodore-Joseph, pour celle de Colombie;

4° Le C. F. Adorator, pour celle du Brésil central ;

5° Le C. F. Acyndinus, pour celle de Constantinople;

6° Le C. F. Géraud, pour celle du Brésil méridional

7° Le C. F. Michaélis, pour celle du Mexique;

8° Le C. F. Rodriguez, pour celle de Syrie ;

9° Le C. F. Damien, pour celle du Brésil septentrional.

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[1] : Dans le cas où les feuilles envoyées ne seraient pas suffisantes pour recevoir les noms de tous les souscripteurs, il n'y aurait qu'à en ajouter d'autres du même format. Il en serait de même si quelqu'une de celles-ci venait à être gâtée.

[2] : Chaque feuille devra porter, au-dessus du titre, le nom de l'établissement d'où elle provient.

[3] : Le samedi de la semaine précédente, la bonne et vertueuse sœur de M. Thibaut, qui, depuis trente-quatre ans, demeurait avec lui, avait elle-même succombé à une attaque d'apoplexie; et lorsqu’il est tombé à son tour, il venait d'accompagner sa dépouille mortelle à Locre, son pays natal, où lui aussi est allé dormir son dernier sommeil.

 

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