Circulaires 250

Stratonique

1915-02-02

Remerciements et réflexions. - La divine Providence. - La Paix. - Nos Causes de Béatification. - Informations diverses. - Documents de Rome. - Le Purgatoire. - Liste des défunts.

250

Circ. Sup.15.1

 V. J. M, J.

                                                                                               Grugliasco, le 2 février 1915. 

                                                                                                         Fête de la Purification.

   Mes Très Chers Frères,

Laissez-moi tout d'abord, en commençant cette Circulaire, vous dire combien nous avons été vivement touchés et combien nous sommes religieusement reconnaissants des sentiments de piété filiale qui  nous ont été exprimés de toutes les Provinces de l'Institut, à l'occasion des épreuves si grandes et si nombreuses par lesquelles la divine Providence permet que nous passions en ce moment.

Ces manifestations de religieux et sympathique dévouement envers les premiers Supérieurs, nous venant de toutes les parties du monde, sont une marque bien consolante que le véritable esprit de famille, tant recommandé par le Vénérable Père Fondateur, est toujours bien vivant parmi nous. Bénissons-en le Seigneur et ayons tous grandement à cœur, non seulement de Ie conserver, mais de le faire croître de plus en plus, chacun en soi d'abord, puis dans l'ensemble de chacune de nos Communautés, dans chacune de nos Provinces, et enfin dans tout l'Institut en général.

Ce doit être là, plus que jamais, un des caractères distinctifs et dominants dans notre chère Congrégation, d'abord à cause des temps si calamiteux que nous traversons, et ensuite à cause du centenaire auquel nous touchons. Plus que deux ans !…

Déjà bien des fois je vous ai exhortés à redoubler d'efforts pour qu'en ce grand anniversaire, nous ayons la consolation de voir dans tout l'Institut un renouveau de l'esprit religieux mariste, qui fut 'si remarquable en notre Vénérable Père et chez nos premiers Frères de Lavalla et de l'Hermitage.

Vous ne serez pas étonnés, M. T. C. F., que je revienne sur cette exhortation avec une nouvelle insistance. Tous, je n'en doute pas, vous en comprenez l'opportunité.

Les événements extraordinaires et terribles qui se succèdent en ce moment, sont de nature malheureusement à trop absorber notre attention, et, par suite, l'empêcher de se porter, comme il conviendrait, sur ce que nous pouvons appeler la grande question du centenaire.

J'invite tous nos Frères à considérer cet appel du Supérieur comme venant de Notre-Seigneur lui-même. L'esprit de foi demande qu'il en soit ainsi.

Et alors, avec quelle religieuse docilité ne sera-t-il pas accueilli et mis en pratique dans toutes nos Communautés ?

Oh ! qu'il sera agréable à Dieu et édifiant pour les peuples, le spectacle que présentera notre Institut en 1917 si, à ce moment-là, nous sommes tous des copies bien ressemblantes de notre Vénérable Père, tant comme religieux que comme éducateurs !

Dès maintenant, demandons fervemment par Marie, notre Ressource Ordinaire, et par nos saints Protecteurs du Ciel la pleine réalisation de ce vœu.

Que ce soit là une intention fréquemment renouvelée dans nos prières et Communions.

Un des traits les plus saillants qui ont caractérisé le Vénérable Père Champagnat, c'est sa foi vive et pratique en la divine Providence.

Je pense que nous ferons œuvre très utile et très opportune en consacrant une partie de cette Circulaire à faire quelques considérations sur le dogme de la Providence et à en déduire des conséquences pratiques.

 LA DIVINE PROVIDENCE.

 Allons d'abord puiser dans la Sainte Ecriture : elle est la source par excellence et le grand réservoir de la vérité. Nous aurons à cœur de nous pénétrer fortement de ce qu'elle nous enseigne. Nous n'ignorons pas combien sont importantes, pour la bonne orientation et la bonne conduite de la vie, les fortes convictions sur les vérités saintes.

Commençons par citer la première des sept grandes Antiennes, que l'Eglise chante du 17 au 23 décembre en préparation à la fête de Noël :

O Sagesse qui êtes sortie de la bouche du Très-Haut, qui atteignez d'une extrémité jusqu'a l'autre et qui disposez toutes choses avec force et douceur, venez nous enseigner la voie de la prudence.

Oh ! combien cette doctrine est rassurante ! Elle nous apprend que c'est la sagesse du Très-Haut qui dispose de toutes choses, et, par conséquent, de tous les événements. Et cette intervention de la sagesse du Très-Haut s'exerce tout à la fois avec force et avec douceur. La force est là pour nous dire que la malice des hommes si grande soit-elle, est impuissante à entraver l'accomplissement des desseins de Dieu. C'est bien le cas de rappeler ici la grande parole de Bossuet : L'homme s'agite et Dieu le mène.

Quel solide point d'appui pour notre foi que cette parole du grand évêque de Meaux !

Que pourrions-nous craindre des terribles événements actuels si nous sommes fortement persuadés que c'est Dieu, notre Père Céleste, qui tient le gouvernail du monde, et qu'Il sait tout faire tourner à sa gloire et au bien de ses élus ?

 Je ne résiste pas à la pensée qui me porte à vous faire part d'une impression qui s'est emparée de moi bien des fois, au cours de mes nombreux voyages en mer. Ce sera une comparaison destinée à mieux fixer dans nos esprits la doctrine sur la Providence. Notre-Seigneur, lui-même, employait fréquemment les paraboles dans son enseignement. Nous sommes donc bien sûrs d'être dans la bonne voie en imitant ce divin Modèle.

Dans les grands bateaux qui transportent des passagers, dont le nombre atteint quelquefois plusieurs milliers, on voit en raccourci ce qui se passe sur une plus vaste échelle dans nos continents, dans les états et dans les cités.

Parmi ces passagers appartenant souvent à des nationalités différentes et parlant diverses langues, il y en a de tous les âges et de toutes les conditions; quelques-uns sont confortablement installés dans les premières classes et ils ont tout à souhait pour tout ce qui a rapport au bien-être matériel. D'autres jouissent à un degré moindre de ces avantages, ce sont les passagers de seconde classe. Le plus grand nombre est composé des passagers d'entrepont ou de troisième classe. Ils sont loin d'avoir le confort des passagers de seconde et de première classe.

Tout ce monde va et vient sur le bateau, on joue, on s'amuse, on cause, on discute ; parfois il y a des querelles et même des rixes, on chante, on donne des concerts, on organise des danses. D'aucuns lisent, écrivent ou se livrent à d'autres travaux, il en est qui prient, on célèbre des offices religieux, messes ou autres. Tantôt la mer est calme, tantôt elle est houleuse au en proie à la tempête.

Et le bateau continue sa marche jour et nuit. Et où va-t-il ? C'est ici qu'il y a lieu de considérer et d'admirer une image bien frappante de l'action de la divine Providence.

Il y a sur le milieu de la passerelle un homme qui joue un rôle dirigeant de tout premier ordre, c'est le pilote. Il a devant lui une roue qui commande le gouvernail. Selon qu'il tourne cette roue dans un sens ou dans un autre, il fait mouvoir le bateau dans la direction qu'il veut, et cela sans que les passagers s'en aperçoivent, de sorte qu'on peut dire en toute vérité : Les passagers s'agitent et le pilote les mène.

Evidemment ce n'est là qu'une image bien imparfaite de l'action incessante et universelle de la divine Providence; mais elle a néanmoins l'avantage de nous en donner une idée qui a sa valeur, et que nous pourrons exploiter utilement dans notre enseignement religieux auprès de nos-élèves.

Citons maintenant la belle comparaison de saint Augustin : Dieu, dit-il, tisse au-dessus de nos têtes un immense et superbe tapis sur lequel il compose un magnifique dessin.

Du point où nous sommes, si nous levons les yeux, nous ne pouvons apercevoir que le revers de l'ouvrage divin. C'est un amas confus de fils diversement colorés qui s'entrecroisent dans tous les sens et sans apparence de plan préconçu.

Mais le temps viendra où, placés auprès de Dieu, nous verrons l'autre côté de l'ouvrage divin. Oh ! alors nous contemplerons avec admiration ce qui, aujourd'hui, heurte parfois et déconcerte plus ou moins notre pauvre et courte intelligence humaine.

Continuons à nous pénétrer de plus en plus de la bonne doctrine sur la divine Providence, en glanant dans les champs de la Sainte Ecriture quelques-uns des passages les plus propres à fortifier notre foi sur cette importante vérité.

1. – Le saint homme Job.

Par une permission de Dieu, Satan détruit ses maisons et ses récoltes, fait périr ses enfants et afflige son corps d'une terrible et hideuse maladie.

Le saint homme accepte tous ces désastres par ces paroles de sainte et sublime résignation :

Dieu m'avait tout donné, Il m'a tout ôté, que son saint Nom soit béni !

Remarquons bien qu'il ne dit pas : « Satan m'a tout ôté, mais Dieu m'a tout ôté ».

C'était, en effet, avec permission de Dieu que Satan avait ainsi maltraité le saint homme dans sa personne et dans ses biens.

Quel bel exemple pour nous, lorsque, par la permission de Dieu, nous sommes victimes de l'injustice et de la malice des hommes, ou que, par suite des événements d'ici-bas, des épreuves nous atteignent dans nos biens et nos personnes !

Un fait de notre histoire de famille a bien sa place ici.

C'était peu d'années après le transfert de la Maison-Mère de l'Hermitage à Saint-Genis-Laval. Il y avait dans la nouvelle propriété une vigne d'une belle étendue et qui était en plein rapport. Une année, la récolte s'annonçait comme devant être exceptionnellement bonne. Le R. Frère Louis-Marie, alors Supérieur Général, était particulièrement heureux de ces belles espérances. L'achat de l'immeuble, la construction de la maison et l'organisation de la propriété étaient tout spécialement son œuvre. On conçoit dès lors qu'il eût une prédilection pour la nouvelle Maison-Mère et ses dépendances.

Or, voilà que le 21 juin, une grêle épouvantable s'abat, sur la région, et, en moins d'un quart d'heure, détruit d'une manière absolument complète la vigne avec la belle récolte en perspective.

Après les premières émotions et un peu de temps de réflexion accompagnée sans doute de quelque fervente prière, le R. Frère Louis-Marie réunit la Communauté et, s'élevant dans les hauteurs de l'esprit de foi, il prend occasion du désastre qui vient d'arriver pour faire une magnifique conférence sur les trois vertus théologales. Ceux qui l'entendirent ont dit qu'il n'avait peut-être jamais si bien parlé.

C'est là aussi, pour nous, un modèle qui doit nous être particulièrement cher, puisque le Frère Louis-Marie fut l'un des nôtres et qu'il a rempli un rôle considérable dans la fondation et le développement de l'Institut.

Dans nos saints Livres de l'Ancien et du Nouveau Testament, nombreux sont les textes qui nous enseignent que la divine Providence préside à tout et dirige tout. On y voit qu'elle intervient dans les plus petits événements comme dans les plus grands; on y trouve aussi que depuis le brin d'herbe jusqu'aux plus grands arbres de nos forêts, depuis l'insecte microscopique jusqu'aux plus grands quadrupèdes, depuis la feuille qui s'agite sous l'influence du moindre vent jusqu'aux astres qui se meuvent dans l'immensité des espaces célestes, etc., tout est conservé et régi par une action continue et constante de la divine Providence.

Je suis convaincu, M. T. C. F., qu'il y aura un réel profit à placer ici un certain nombre de ces textes sous les yeux de tous. Ce sera pour les esprits et pour les cœurs une alimentation du meilleur aloi. Chacun s'efforcera de se l'assimiler de son mieux.

Nous. Lisons :

1° Au livre de Judith :

Toutes vos voies sont préparées et tous vos jugements sont réglés par la Providence.

2° Au Livre des Proverbes :

Le cœur de l'homme dispose sa voie, mais l’œil du Seigneur affermit ses pas.

Le cœur du roi est dans la main du Seigneur comme un ruisseau ; il l'incline partout où il veut.

3° Au Livre de l'Ecclésiastique :

Ne dites pas : Il n'y a point de Providence, de peur que Dieu irrité contre vos paroles, ne détruise toutes les œuvres de vos mains.

4° Au Livre de la Sagesse :

Dieu a fait les grands et les petits, et Il a également soin de tous.

Vous avez réglé toutes choses, Seigneur, avec nombre, avec poids et avec mesure.

Heureux l'homme qui a sans cesse présent le regard de Dieu tourné vers lui.

C'est votre Providence, ô Père, qui gouverne tout.

Vous, notre Dieu, vous êtes doux, véritable et patient, et disposez tout avec miséricorde.

Les biens et les maux, la vie et la mort, la pauvreté et l'opulence viennent de Dieu.

Les écrits des Pères de l'Eglise et de quelques autres écrivains qui font autorité, sont une riche mine d'où nous pouvons extraire une substantielle doctrine sur le dogme de la divine Providence.

Voici ce que nous enseigne le grand docteur saint Ambroise :

C'est un fait évident, que jamais la juste miséricorde de Dieu et sa miséricordieuse justice n'ont tait défaut aux hommes, soit pour la nourriture de leurs corps, soit pour l'instruction et les besoins de leurs âmes.

Pour le serviteur de Dieu, ce n'est point une garde corporelle, mais la Providence de Dieu qui a coutume de lui servir de rempart.

Dieu laisse les méchants mal agir, afin que de leurs méfaits il opère le bien.

Le grand docteur de la grâce, saint Augustin, nous enseigne :

1° Que rien ne se fait sans la volonté du Tout-Puissant, soit qu'Il le permette, soit qu'Il le lasse lui-même.

2° Que Dieu ne s'occupe pas seulement du ciel et de la terre, de l'ange et de l'homme : les entrailles de l'animal le plus petit et le plus méprisable, la plume de l'oiseau, la fleur du gazon, la feuille de l'arbre, rien n'est abandonné de lui.

3° Qu'il faut bien se garder de croire que Dieu ait voulu que les royaumes des hommes, leurs dominations et leurs servitudes lussent en dehors des lois de sa Providence.

4° Que le seul et vrai Dieu dispose et gouverne tout comme il Lui plait, par des causes cachées mais jamais injustes.

5° Que Dieu, par une double opération de sa Providence, préside à la marche de l'univers, règle les natures afin qu'elles soient comme Il veut, et les volontés afin qu'elles ne fassent rien sans son ordre ou sa permission.

Qu'il n'y a pas une seule créature qui ne soit, bon gré, mal gré, soumise à la divine Providence : celle qui lui obéit de bon cœur , fait le bien avec elle ; celle qui lui résiste sert d'instrument à sa justice.

Que tout change, mais que le plan de la Providence ne change pas; c'est même par lui que tout change.

8° Que partout la divine Providence conserve le caractère de la bonté.

Complétons cette longue citation tirée des écrits de saint Augustin, par un mot bien expressif sur la Providence, tiré d'un sermon du grand saint Bernard :

Crois à Dieu, confie-toi en Lui, et Lui-même te nourrira.

Ajoutons-y un mot bien court mais aussi bien expressif de saint Jérôme :

La Providence de Dieu gouverne toute chose; ce que vous croyez un châtiment est un remède.

Le docteur Angélique, saint Thomas d'Aquin, n'a pas manqué de traiter la question de la Providence, et voici ce qu'il nous enseigne :

Rien ne peut exister sans avoir été créé par Dieu; clé même aussi, il n'y a rien qui ne soit soumis à sa Providence.

C'est croire à l'existence de Dieu que de croire que tous les êtres en ce monde sont gouvernés et dirigés par Dieu.

Les justes sont, par la divine Providence, gouvernés d'une manière plus excellente que les pécheurs.

À la divine Providence sont soumis les biens et les maux mais diversement : elle pourvoit aux biens en les ayant en vue directement; elle permet seulement les maux en tant qu'ils peuvent être tournés à quelque bien.

Il y a même des philosophes païens qui ont parlé et bien parlé de la Providence.

Aristote disait : Rien n'existe qui ne procède de Dieu; il crée tout, dirige tout ce qu'il a créé et conserve tout ce qui subsiste.

C'est une antique croyance, héritage de tous les hommes, que tout a été établi de Dieu et par Dieu; il n'est pas un être qui se suffise à soi-même sans le concours salutaire de l'aide de Dieu.

Dieu, rien n'est plus certain, est le conservateur de toutes choses, et l'auteur de tout ce qui se réalise en ce monde.

Ajoutons à cela un seul mot de Cicéron :

Il est nécessaire que le monde soit régi par Dieu.

Mais ce que nous devons considérer et estimer par dessus tout, c'est la doctrine du Docteur des docteurs, de Celui qui a dit de lui-même : « Je suis la Vérité ».

Or voici ce que nous lisons au chapitre VI de l'Evangile selon saint Matthieu : Ne vous inquiétez point pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps de quoi vous le vêtirez. La vie n'est-elle pas plus que la nourriture et le corps plus que le vêtement ?

Regardez les oiseaux du ciel, ils né sèment ni ne moissonnent, ni n'amassent dans les greniers, et votre Père Céleste les nourrit. N'êtes-vous pas beaucoup plus qu'eux ? Et pour le vêtement, de quoi vous inquiétez-vous ? Considérez les lis des champs comme ils croissent: ils ne travaillent ni ne filent. Cependant je vous le dis, Salomon lui-même dans toute sa gloire, n'était pas vêtu comme l'un d'eux. Si donc Dieu revêt ainsi l'herbe des champs qui est aujourd'hui et qui demain sera jetée dans le four, combien plus aura-t-il soin de vous vêtir, hommes de peu de foi ?

 Ne vous inquiétez donc point, disant : que mange­rons-nous ? que boirons-nous ? ou de quoi nous vêtirons­-nous ? Car ce sont les gentils qui se préoccupent de toutes ces choses. Mais votre Père Céleste sait que vous avez be­soin de tout cela. Cherchez donc premièrement le royaume de Dieu et sa justice et tout le reste vous sera donné par surcroît !

Ainsi, ne vous inquiétez point pour le lendemain, car le jour de demain s'inquiètera pour lui-même : à chaque jour suffit sa peine.

Bien des fois nous avons lu ou entendu lire cette doctrine du divin Maître; nous l'avons méditée, nous l'avons entendu prêcher; nous en avons lu des commentaires dans les livres. Et cependant j'ai cru utile de la citer ici en entier, et d'y appeler spécialement l'attention de tous. Et ce n'est pas sans motif.

Les événements qui se déroulent actuellement dans le monde, et particulièrement en Europe, agissent fortement sur les esprits : on se lamente, on s'épouvante, on s'inquiète ! Qu'est-ce que l'avenir nous réserve ? se demande-t-on un peu partout avec anxiété.

Il importe donc de chercher un point d'appui solide où l'on puisse jouir d'une forme assurance.

Où peut-on le trouver ailleurs, aussi bien que dans cette divine et réconfortante doctrine du Saint Evangile ?

« Hommes de peu de foi ! » disait Notre-Seigneur aux Apôtres sur le lac de Génésareth soulevé par la tempête.

Lui, présent, ils s'étaient abandonnés à une vive crainte d'être naufragés.

Ne méritons jamais qu'un pareil reproche puisse nous être adressé.

La parole du divin Sauveur est engagée, et elle l'est sous cette seule condition que nous chercherons premièrement et avant tout le royaume de Dieu et sa justice, que nous ferons de cette recherche notre grande, notre principale, notre unique affaire, c'est-à-dire que nous y rapporterons toutes les autres affaires, les faisant toutes concourir à son succès.

A ce prix, il nous décharge de toute autre sollicitude, il prend sur lui tous nos besoins, tous les besoins de ceux qui nous appartiennent ou auxquels il nous faut pourvoir, et il satisfera avec des soins d'autant plus attentifs, que nous lui témoignerons plus de confiance, plus d'abandon, que nous nous attacherons plus étroitement à son saint service par la pratique généreuse des conseils évangéliques, qui ne sont autres que nos vœux de religion.

A ceux qui marchent fidèlement dans cette voie, ce n'est pas seulement le nécessaire qui leur est promis, pour ce qui constitue les besoins matériels de la vie, mais c'est le centuple en ce monde qui leur est assuré et, ce qui est bien plus précieux encore, la vie éternelle en l'autre.

Que d'exemples de confiance en la divine Providence on trouve dans l'histoire de l'Eglise, dans celle des Ordres religieux, dans la vie des saints !

On pourrait en remplir des volumes et des volumes.

Ce serait pournous un précieux avantage s 'il nous était donné de les considérer tous dans leur ensemble et d'un même coup d’œil.

Nous savons en effet que si les paroles émeuvent, les exemples ont une toute autre efficacité pratique : ils entraînent.

Nous ferons donc œuvre utile en mettant ici sous vos yeux quelques-uns de ces exemples relativement récents.

 *     *

*

 Le bienheureux Vianney, curé d'Ars, est un des saints du siècle dernier, que l'on peut proposer comme un illustre modèle de la foi et de la confiance en la divine Providence. Plus d'une fois elle est même intervenue d'une manière miraculeuse dans des besoins pressants.

Evidemment c'était une récompense de la grande foi et de l'entière confiance du saint prêtre en la divine Providence.

 Oh ! qu'il serait à souhaiter, M. T. C. F., que nous soyons tous, et dans la mesure qui nous convient, des imitateurs de cet éminent serviteur de Dieu dans la pratique de cette vertu !

 *    *

*

 Parmi les « œuvres » merveilleuses de charité qui font l'honneur de la ville de Turin, on ne pourrait passer sous silence celle que fonda le Vénérable Cottolengo (1786-1842) connue sous le nom de « Piccola Casa della divina Provvidenza». On peut bien dire que l'existence de ce grand hôpital est un miracle permanent de la divine Providence. Cette « œuvre », qui commença par une maison de petite dimension, occupe aujourd'hui une superficie de 20 hectares. L'ensemble de ses bâtiments donne l'aspect d'un village ayant sa vaste et magnifique église construite sur le modèle de celle de Saint-Ambroise de Milan. A l'ombre de ce Sanctuaire, trente-cinq communautés religieuses ou séculières, dont vingt-trois fondées par le Vénérable Cottolengo, ont pris naissante pour le soulagement des infirmes qui n'ont d'autre recommandation que leur indigence.

Il est à remarquer que chacune de ces communautés a sa chapelle particulière, son dortoir, son réfectoire, ses salles de travail ou de repos, ses cours et son jardin. Le nombre total des religieux ou religieuses y exerçant leur fonction toute de charité est de 1.300. Quant au nombre des malades, on l'évalue à 7.000. Ce sont de pauvres gens de tout âge et qui sont soignés chaque jour par une quarantaine de médecins faisant le service gratuitement.

Pour le maintien de tout ce personnel, il faut de dix à douze mille francs par jour. Or, il n'y a pas un sou de capital et on ne tient aucune comptabilité. On n'y vit que d'aumônes et cependant les dépenses se payent.

Jamais un fournisseur de la « Piccola Casa » n'a perdu un centime. Lorsque pour s'édifier on visite cet Hôpital, on n'oublie pas de traverser la cuisine afin d'admirer le fonctionnement des quatre grands fourneaux ayant chacun leur grue. La sœur qui préside dans cet endroit si important de la maison, vous donne des détails convaincants sur les besoins immenses que réclame la nourriture de tous les hospitalisés. Qu'on en juge par ces deux nombres seulement : on y dépense 150 Kg. de sel par jour et 30 hectolitres de lait.

Mais où prend-on les ressources que nécessitent de pareilles dépenses ? C'est là le miracle de la divine Providence et qui déconcerte les calculs de la pauvre raison humaine.

Le Vénérable Cottolengo qui fut l'instrument choisi de Dieu pour faire éclore cette « œuvre» unique dans le monde entier, eut en partage toutes les vertus qui font les saints. Toutefois nous pouvons dire que l'abandon en la divine Providence fut la vertu caractéristique de sa vie.

Il disait souvent : « C'est Dieu qui fait tout dans la Piccola Casa et c'est Lui qui maintiendra toute la maison ». Sa confiance ne fut jamais déçue et cela malgré les contradictions et les épreuves de toutes sortes.

La vie de ce nouveau saint Vincent de Paul est toute émaillée de faits où l'action de la divine Providence se montre d'une façon tangible. Il disait d'un air convaincu

« Si la Providence permet que nous manquions de quelque chose, ce n'est pas sa faute mais la nôtre. Nous mettons obstacle à ses bontés. » Souvent aussi il disait qu'il ne fallait pas songer au lendemain : « Si vous, y songez, la Providence n'y songera pas. Ne gâtez donc pas son œuvre et laissez-la faire. » Ses meilleurs amis, au nombre desquels il faut placer le roi Charles-Albert, craignaient que son œuvre ne croulât sous son poids. Lui, riait devant ces appréhensions; un jour il dit même ces paroles : « Dans 500 ans d'ici, on parlera encore de la Piccola Casa ». Aujourd'hui, 70 ans après la mort du Vénérable, la Piccola Casa vit au milieu des mêmes prodiges qui illustrèrent son berceau. Elle continue à prospérer malgré la création de nouveaux établissements et malgré même les lourds impôts qui pèsent sur elle. Chaque année, elle débourse 18.000 francs pour la seule imposition sur la farine. Celui qui veut savoir la raison du maintien extraordinaire de cette œuvre n'a qu'à se rappeler les paroles du divin Maître : « Cherchez avant tout le royaume de Dieu et sa justice; le reste vous sera donné par surcroît ».

 *     *

*

 Mais le modèle qui, à bien des titres, doit nous être plus cher que tous les autres, c'est notre Vénérable Père Fondateur. Oui, nous pouvons l'affirmer en toute assurance, il a pratiqué la vertu de foi et de confiance en Dieu au degré héroïque. Dans une de ses instructions aux Frères, il s'exprimait ainsi :

« Dieu nous dit comme aux Israélites : Ayez confiance en moi et je serai votre protecteur, votre. ami, votre père, je bénirai tous vos pas ; je vous donnerai les biens, de la nature autant qu'ils vous seront nécessaires ; en un mot, ayez confiance en moi et puisez dans le sein de ma miséricorde. »

Quelle belle manifestation de cette confiance qui animait le Vénérable Père, dans la réponse qu'il fit à un Frère Directeur qui se lamentait de ce que la mort lui avait ravi son premier et Principal bienfaiteur ! Non, mon Frère, ce que vous dites là n'est pas exact : le premier de vos bienfaiteurs, c'est Dieu qui ne meurt jamais, mettez en lui votre confiance et il ne vous laissera manquer de rien.

Nous ne saurions trop admirer comment le Vénérable Père exprima sa peine aux Frères, à la suite de sa maladie de 1825, quand il apprit qu'ils avaient manqué de confiance en la Providence. « Mes chers Frères, leur dit-il, quand aurons-nous des sentiments dignes de Dieu ? Ne nous a-t-il pas donné assez de preuves de sa bonté pour nous apprendre à compter sur sa Providence et à nous abandonner à Lui ? N'est-ce pas Lui qui a fondé cet Institut, qui nous a donné pour construire cette maison, qui nous a multipliés, qui a béni nos Écoles ? Nous a-t-il laissés manquer de quelque chose depuis qu'il nous a retirés du monde ? Quelqu'un de vous peut-il se présenter et dire que Dieu a manqué de le secourir et de l'assister depuis qu'il s'est donné à Lui ? Si personne n'a à se plaindre de sa bonté, pourquoi lui manquer de confiance quand il nous éprouve ? Pourquoi craindre pour notre avenir ? Dieu a toujours pourvu à nos besoins, son secours ne s'est jamais lait attendre. »

Il est bien opportun, et il sera certainement bien profitable pour nous de rappeler ici les exhortations que le Vénérable Père fit aux Frères à l'époque des commotions politiques de 1830.

« C'est Dieu qui permet tous les événements et qui les fait tous tourner à sa gloire et au bien de ses élus; si noue avons confiance en lui il ne nous arrivera aucun mal. Personne au monde ne peut nous nuire ni faire tomber un seul cheveu de nos têtes si Dieu ne le permet. Dieu a dit aux méchants : Vous viendrez jusque-là, mais pas plus loin. Il est donc certain que rien ne nous arrivera sans sa permission, et que tout le mal que la malice des hommes peut nous faire, doit tourner à notre avantage. »

A ceux qui demandaient à prendre des précautions humaines en cas d'événements fâcheux, il disait : « La grande Précaution que vous devez prendre c'est de vous confier à la Providence. Efforcez-vous de mériter sa protection par une plus grande fidélité à votre Règle et par la pratique de toutes les vertus de votre état. Cette précaution vous suffit, et toute autre sans elle vous serait inutile pour vous rassurer et vous préserver des dangers que vous redoutez. »

Comme nous le savons tous, notre Vénérable Père fut en butte aux contradictions et aux blâmes dans presque toutes ses entreprises. Et ces épreuves lui venaient d'un peu partout, même de ses amis.

Comment les accueillait-il ? Il se contentait de dire avec calme à ses Frères : « Je suis convaincu que nous n'avons rien à attendre des hommes et que Dieu veut tout taire chez nous; redoublons donc de confiance en sa bonté abandonnons-nous à sa Providence : il est de sa gloire de nous assister et de nous procurer les secours que les hommes nous refusent. Quand tous les hommes seraient contre nous, nous n'avons rien à craindre si Dieu est pour nous. »

Sur son lit de mort, le Vénérable Fondateur eut à cœur  de faire connaître aux Frères ses suprêmes pensées comme ses suprêmes désirs. Et voici quelle fut une de ses dernières recommandations

« Mettez votre confiance en Dieu et comptez sur Lui sa Providence vous soutiendra, vous aidera, vous bénira et pourvoira a tous vos besoins. »

Voilà 75 ans que cette assurance, de caractère prophétique, fut donnée par le Vénérable Père. Ne pouvons-nous pas affirmer aujourd'hui qu'elle s'est pleinement réalisée, et cela parfois dans des circonstances bien critiques ?

Et cela ne nous donne-t-il pas la ferme espérance qu'il en sera de même dans les temps présents et à l'avenir si nous sommes vraiment les dignes fils du Vénérable Père ? Si nous remontons aux tout premiers temps de l'Institut, alors qu'on était encore à Lavalla, nous trouvons une manifestation de la confiance en la Providence bien digne d'être citée et proposée à notre imitation en l'appliquant à l’œuvre capitale du recrutement des vocations.

C'était en 1823 ; le Vénérable Père écrivait à un de ses Frères ce qui suit. Après avoir donné des nouvelles des divers Etablissements (ils étaient bien pou nombreux à cette date) il ajoutait : « Quant à Lavalla, il paraît que, cette année, nous aurons beaucoup de pauvres; nous ferons ce que nous pourrons pour les nourrir. La Providence, qui nous les envoie, sait que nous n'avons rien. Je compte donc qu'elle nous donnera et pour eux et pour nous. Il se présente aussi beaucoup de postulants mais presque tous sans ressources et bien jeunes. Cependant trois ont l'âge de raison ; car ils ont passé 30 ans ; l'un est homme d'affaires, un autre est cordonnier et le troisième, homme de rien. Mais c'est avec rien que Dieu fait de grandes choses !!! ».

Voilà, M. T. C. F., comment pensent, parlent et agissent les saints. Que pouvons-nous faire de mieux que de marcher sur leurs traces en pensant, parlant et agissant comme eux ?

«Je ne comprends pas, disait au Vénérable Père Champagnat un de ses amis, ce que vous prétendez faire en remplissant votre maison d'enfants indigents et en recevant tant de postulants qui ne vous donnent rien. A moins que vous n'ayez un permis de puiser dans le Trésor de l'Etat vous ne pouvez manquer de faire banqueroute. – J'ai plus que cela, répondit le Vénérable Père en riant, j'ai le trésor de la Providence qui fournit à tout le monde sans s'épuiser. »

« Il faut que vous ayez une bourse bien garnie pour vous charger de tant de misères, lui disait un jour quelqu'un. – Ma bourse, répondit le Père, n'a pas de fond : c'est celle de la Providence; plus on y prend plus il y a. »

« Mon Père, cette année nous ne joindrons jamais les deux bouts, lui dit un jour un des Frères, membre de son Conseil. » « C'est vrai, lui répliqua Ie Père, si vous raisonnez d'après les ressources que nous avons; mais la Providence, la comptez-vous pour rien ? Il faudra bien qu'elle nous aide puisqu'elle nous envoie elle-même ces jeunes gens. »

 « Que Dieu vous bénisse, mon cher Monsieur, dit un jour avec effusion le Vénérable Père à un  bienfaiteur qui lui apporta spontanément trois mille francs, c'est sa Providence qui vous envoie; j'étais dans un pressant besoin et vous me rendez un service que je n'oublierai jamais. »

Remarquons bien que toujours, dans les cas analogues, le Vénérable Père attribue à l'intervention de la divine Providence les secours matériels qui lui arrivent.

Nous ne pouvons mieux terminer ces citations ex-traites de la vie du Vénérable Fondateur, qu'en relatant ici la promesse prophétique qu'il fit au Frère Stanislas peu de jours avant sa mort. L'excellent Frère se lamentait et pleurait à la pensée qu'il allait bientôt perdre celui pour lequel il avait un si grand amour et une si profonde vénération. Ce qui l'affectait aussi extrêmement c'était la crainte du grand préjudice que la mort du Vénérable Père allait causer à l'Institut.

« Pauvre Frère, lui dit le bon Père, que vous avez peu de loi et de confiance en Dieu ! Vous avez donc cru que la prospérité de la maison tenait à moi ? Eh bien ! je vous préviens qu'après ma mort, les choses iront mieux que maintenant et que les progrès de la Congrégation seront plus rapides qu'ils ne l'ont jamais été. Vous reconnaîtrez un jour la vérité de ce que je vous dis, et vous comprendrez alors que ce n'est pas dans les hommes qu'il faut mettre sa confiance mais en Dieu qui est tout et qui fait tout.

C'était une prophétie qui se réalisa surabondamment. Treize ans après, en effet, au moment où le Frère Stanislas arrivait lui-même à la fin de sa vie, l'Institut avait prodigieusement progressé : le nombre des établissements avait plus que quintuplé !

 Ce que nous venons de dire du Vénérable Père Cham­pagnat peut, dans une certaine mesure, s'appliquer au vénéré Frère François et à un bon nombre des nôtres qui nous ont précédés dans les diverses œuvres de l'Institut pendant son premier siècle qui s'achève. Beaucoup d'entre eux, à l'exemple du Vénérable Père, ont eu à un haut degré la foi et la confiance en la divine Provi­dence.

Imitons saint Augustin en nous disant : « Pourquoi ne ferais-je pas ce que tels et tels ont fait ? Pourquoi, dans les temps calamiteux où nous sommes, n'aurais-je pas, à un haut degré, la conviction que la divine Providence conduit tous les événements et saura les faire tourner à sa gloire et à notre plus grand bien ?

Je n'en doute pas, M. T. C. F., tous vous comprendrez et accueillerez avec une religieuse docilité cette invitation de votre Supérieur et Père; vous aurez à cœur  d'en faire votre profit. C'est ce que je demande à Dieu par Marie, notre bonne Mère et par nos saints Protecteurs du Ciel.

 LA PAIX.

 Comme vous le savez tous, M. T. C. F., on parle beaucoup, on écrit beaucoup sur la guerre : c'est la grande question du moment. Dans tous les pays, qu'ils soient neutres ou belligérants, on se préoccupe ou on s'occupe de la guerre. Quand, et comment finira-t-elle ? Quels en seront  les résultats ? Voilà ce qu'on se demande partout avec plus ou moins d'anxiété !

Avec cela, de tous les côtés, on enrôle de nouveaux soldats pour augmenter le nombre des combattants; on forge de nouvelles armes, on construit de nouveaux engins de destruction destinés à exercer leurs ravages sur terre, sur mer et dans les airs. Oh ! quelle terrible chose que la guerre ! Que de victimes ne fait-elle pas ? Que de ruines de toutes sortes n'accumule-t-elle pas ?

Oh ! que Notre Saint-Père le Pape a donc bien raison de mettre en prières tous les fidèles de l'univers pour obtenir du Ciel la cessation du terrible fléau ! Nous ne manquerons pas, M. T. C. F., d'entrer partout et de notre mieux dans les intentions de Sa Sainteté.

Au milieu de tous les bruits de guerre et des discordes qui règnent entre les peuples, je me sens porté, M. T. C. F., à vous parler de la paix. Elle est un bien si précieux, que nous ne saurions trop désirer de voir son règne s'établir partout. L'Eglise, dans la liturgie sacrée, nous dit qu'elle est un des éléments qui font le bonheur des élus dans le ciel. Donnez-leur, dit-elle, en priant pour les défunts, donnez-leur le lieu du rafraîchissement, de la lumière et de la paix.

Le bien de la paix, nous dit saint Augustin, est si grand, que même dans les choses terrestres et mortelles, on ne peut rien entendre de plus agréable, rien ambitionner de plus désirable, rien trouver enfin de meilleur. Il dit encore : « Interrogez tous les hommes et demandez-leur : Voulez-vous la paix ? Tout le genre humain vous répond d'une voix unanime : je la souhaite, je la désire, je l'aime». – Le même saint docteur ajoute: « O paix ! sans toi les rois ne gouvernent pas, les royaumes ne subsistent pas, et sans toi les autres choses ne servent de rien ». Notre-Seigneur avant de quitter la terre voulut laisser à ses apôtres et à toute l'humanité un héritage. Il ne songea nullement à leur laisser des maisons, des domaines ou de l'argent, comme le font les pères de famille à l'égard de leurs enfants.

« Je vous laisse ma paix, je vous donne ma paix, dit-il, je ne vous la donne pas comme le monde la donne. », Voilà un legs que nous ne saurions assez estimer puisque c'est un legs divin, un legs fait par Notre-Seigneur dans sa bonté de père. Combien de fois d'ailleurs, en apparaissant au milieu de ses apôtres réunis, ses premières paroles ne furent-elles pas un souhait de paix ? Pax vobis ! disait-il en les abordant.

Evidemment, M. T. C. F., de cette substantielle doctrine sur la paix, vous conclurez comme moi que nous ne saurions faire trop d'efforts et, au besoin, trop de sacrifices pour la faire régner à un haut degré:

1° En chacun de nous;

2° Dans toutes nos Communautés;

3° Dans le monde en général.

 *    *

*

 Comment la ferons-nous régner en chacun de nous ? Je crois ne pouvoir mieux répondre à cette question qu'en disant : La paix sera notre partage dans la proportion où nous ferons régner l'ordre en nous. Il y a en chacun de nous deux hommes, comme dit l'apôtre saint Paul, l'homme d'en haut et l'homme d'en bas. Le bon ordre, qui est générateur de la paix, veut que ce soit l'homme d'en haut qui commande et que -l'homme d'en bas obéisse. C'est là tout un programme, un programme de guerre car la partie inférieure de notre être tend toujours à avoir la victoire sur la partie supérieure.

Et quels sont les détails de ce programme de guerre ?

Ce sont tous nos devoirs de chrétien et de religieux, c'est-à-dire l'exacte observance des commandements de Dieu et de l'Eglise, la fidélité parfaite à nos Constitutions, à nos Règles et à nos vœux. Oh! comme l'expérience confirme bien ici la doctrine !

Quel est celui d'entre nous qui ne pourrait apporter à ce sujet son propre témoignage ? Quand avons-nous joui le plus abondamment du grand bien de la paix si ce n'est quand nous avons été le plus fidèles à tous nos devoirs ? Combien grande n'est pas la paix dont jouissent nos jeunes Frères qui viennent de se revêtir pour la première fois du saint habit religieux quand ils répondent à la question qui leur est adressée par le Célébrant ! Vous voilà morts au monde, mes chers enfants, en êtes-vous contents ? – Nous en sommes ravis de joie et notre cœur  en est dans la plus vive allégresse, disent-ils avec un saint enthousiasme. Bien des fois, j'ai eu le bonheur d'assister à ce délicieux spectacle, et chaque fois, j'en ai été vivement impressionné. On sent très bien, en les voyant et ne les entendant, que c'est vraiment leur cœur  qui parle.

Et pourquoi  jouissent-ils alors à un si haut degré de la sainte paix des enfants de Dieu ? – Ah ! c'est qu'en eux à ce moment l'ordre existe dans sa plénitude ; l'homme d'en haut est à son rang et commande en maître. De quels moyens pratiques pourrons-nous faire usage pour faire croître en nous ce bel ordre qui produit la paix ?

Nos saints Livres nous en indiquent un sur lequel j'appelle tout spécialement votre attention. Nous disons deux fois par jour dans notre office de la Sainte Vierge, le matin à Tierce et le soir à Vêpres : « Fiat pax in virtute tua ». Que la paix règne dans ta force. Pour jouir de la paix, il faut donc employer la force. Et plus on possèdera la force chrétienne, plus aussi on jouira abondamment de la paix.

Saint François de Sales, qui était parvenu à si bien dompter en lui l'homme d'en bas, jouissait d'une paix tellement grande, qu'il était la douceur même, la bonté et l'aménité personnifiées. Comment et par quels moyens parvint-il à ce degré héroïque de vertu ? Ce fut, n'en doutons pas, en travaillant assidûment et constamment à se maîtriser ; c'était la pratique de la vertu de force.

Le Vénérable Père Champagnat fut un homme fort par excellence. Il possédait à un très haut degré la virilité spirituelle. C'est même un des traits les plus saillants de sa vie. Que d'exemples nous pourrions citer. qui nous montreraient, en nous édifiant, comment sa vie a été une suite ininterrompue de victoires remportées sur lui-même.

Soyons ses fidèles imitateurs en faisant tout ce qui dépendra de nous pour faire croître en nos âmes la force spirituelle. Nous la demanderons à Notre-Seigneur en disant avec une exceptionnelle ferveur les invocations

Jesu, Deus fortis, miserere nobis.

Jesu, fortitudo martyrum, miserere nobis.

Nous ferons aussi une attention particulière à la partie de la prière: Ô Jésus, vivant en Marie,* par laquelle nous demandons la force : Communiquez-nous votre esprit de sainteté avec la plénitude de votre force.

Nous la demanderons aussi à Marie avec confiance dans le verset que nous répétons plusieurs fois chaque jour: « Dignare me laudare te, Virgo sacrata, Da mihi virtutem contra hostes tuos ! » Rendez-moi digne de vous louer, ô Vierge sacrée, et donnez-moi la force contre vos ennemis.

Mais n'oublions pas que c'est en pratiquant des actes multipliés de force que l'on devient fort. Attachons-nous donc, M. T. C. F., à multiplier dans le détail de notre vie les actes de virilité spirituelle. Avec l'aide de Dieu nous le pouvons. Ce sera, n'en doutons pas, un excellent moyen de faire régner la paix en nous.

 *      *

*

 Comment arriverons-nous à obtenir que nos Communautés soient vraiment partout des asiles où habite la sainte paix des enfants de Dieu ?

 Une comparaison nous aidera à résoudre cette question. Les puissants mécanismes qui donnent le mouvement dans les usines, dans lés manufactures et surtout dans les navires qui sillonnent les mm, les lacs et les grands fleuves, se composent de beaucoup d'organes différents et par la matière et par la forme et par les dimensions. On est arrivé aujourd'hui à une si grande perfection dans la construction et l'arrangement de tous ces organes, que leur fonctionnement s'exécute avec une telle aisance, on pourrait dire avec une telle paix, qu'on ne peut s'empêcher d'éprouver un sentiment d'admiration en l'observant.

A quoi cela tient-il ?

1° A ce que chacun de ces organes remplit exactement et constamment sa fonction.

2° A ce que les frottements nécessaires sont adoucis par un liquide onctueux qui se renouvelle sans cesse.

N'est-il pas vrai, M. T. C. F., que la religieuse concorde et la sainte paix des enfants de Dieu sont le délicieux partage et la caractéristique de nos établissements où chaque Frère, quels que soient son âge, sa capacité, ses aptitudes, son rang dans la maison, s'acquitte exactement, consciencieusement et constamment de l'emploi que lui a confié l'obéissance, et où, en outre, le support mutuel, la vraie charité fraternelle, la cordialité, l'amabilité et le bon esprit de famille sont là pour adoucir les frottements continuels qui se produisent nécessairement dans la vie de communauté.

Il m'a été donné, M. T. C. F., de voir de ces établissements dans les diverses provinces de l'Institut. On peut dire que ce sont comme des paradis sur terre. Plaise à Dieu que de toutes nos maisons, sans exception, on puisse rendre le même témoignage.

 *      *

*

 Que pouvons-nous et que devons-nous faire pour le rétablissement de la paix entre les peuples ?

Notre Saint-Père le Pape, et à son exemple, les évêques sont intervenus et interviendront sans doute encore en faveur de la paix. Les hauts personnages, les ambassadeurs et autres hommes influents de diverses nations se préoccupent et s'occupent des moyens à prendre pour faire cesser la terrible guerre. On cherche par quel joint on pourrait arriver à ce résultat si désirable. Hélas ! on est malheureusement obligé de constater que l'on est peut-être encore loin du jour où l'on pourra signer les traités de paix !

Chacun sait que, sur l'initiative et par les libéralités d'un richissime Américain, on a fait construire un magnifique monument auquel on a donné le nom de temple de la Paix. La pensée de Dieu, arbitre suprême des souverains et des peuples, a-t-elle eu suffisamment sa place dans l'idée initiatrice de cet édifice et dans les délibérations qui s'y sont tenues ?

On peut bien croire que cette grande idée n'y a pas eu une part prépondérante. Calculs humains, considérations humaines, voilà sans doute ce qui y a joué le principal rôle. Ah ! qu'il est bien à propos de rappeler ici la parole tant de fois citée et commentée par notre Vénérable Père Fondateur: « Nisi Dominus oediticaverit domum in vanum laboraverunt qui oedificant eam ! » C'est en vain que l'homme fait des projets et travaille à les exécuter si Dieu avec sa loi sainte n'entre pas dans les conseils et ne joue pas le premier et principal rôle dans l'exécution.

Nous, M. T. C. F., nous serons mieux avisés. Nous nous souviendrons que nous avons tous, qui que nous soyons, à notre disposition, deux moyens pour obtenir la paix. Ils sont d'une efficacité supérieure à tous les moyens humains. C'est la prière, c'est. la pénitence.

Que d'exemples dans l'ancien et le Nouveau Testament nous montrent l'efficacité de la prière unie à la pénitence pour empêcher ou pour faire cesser les fléaux!

N'oublions pas qu'une des conditions de la prière pour être exaucée c'est la persévérance. Nous nous ferons donc un devoir de continuer en toute humilité, en toute confiance et avec une ferveur soutenue les prières spéciales prescrites ou conseillées dans les petites circulaires que je vous ai adressées en août dernier et en septembre.

Les Frères Provinciaux voudront bien exhorter partout nos juvénistes, nos postulants, nos novices, nos scolastiques à entrer résolument dans cette croisade de prières. On fera de même, dans la mesure du possible, pour les élèves de nos écoles. Nous n'ignorons pas que la prière des enfants, quand elle est bien faite, a une efficacité particulière. J'engage aussi tous nos Frères à profiter de leurs correspondances avec leurs parents ou autres pour mettre dans leurs lettres une invitation à s'unir aux prières qui se font dans l'Institut pour la paix. Enfin j'exhorte chacun à s'industrier pour augmenter la somme de supplications qui monteront vers le Ciel pour obtenir la prompte cessation de la terrible guerre. Comme nous sommes sur le point d'entrer dans la sainte quarantaine, l'occasion sera très propice pour ajouter la pénitence à la prière.

Vu la gravité des circonstances, ne vous semble-t-il pas, M. T. C. F., que nous devons avoir à cœur  plus que jamais de suivre d'aussi près que possible les exemples que nous ont laissés le Vénérable Père Fondateur et nos premiers Frères. Il sera bien à propos de relire en communauté pendant le carême ce qui a rapport à la mortification dans nos livres : Constitutions, Directoire Général, Vie du Vénérable, Avis, Leçons, Sentences, Biographies, Circulaires, etc.

Soyons bien persuadés qu'en agissant ainsi, nous aurons contribué très efficacement à obtenir la fin de la terrible guerre et pour qu'ensuite une bonne et durable paix règne entre les peuples.

 NOS CAUSES DE BÉATIFICATION.

 Sur la demande que je lui en ai faite, voici ce que vient de m'écrire le T. C. Frère Candidus, notre Procureur Général près le Saint-Siège au sujet de la marche des deux causes de béatification qui nous sont si chères à tous : celle du Vénérable Père Fondateur et celle du vénéré Frère François.

                                       Rome, 27 janvier 1915.

Mon Très Révérend Frère Supérieur Général,

De concert avec notre excellent avocat, Monseigneur Salotti et sous son habile direction, j'ai continué à faire des recherches pour éclaircir certains points historiques de la vie de notre Vénérable Père Champagnat. Mon travail n'a pas été sans fruit, grâce à Dieu.

C'est une preuve de plus que le Seigneur Jésus qu'il a tant aimé tient à le glorifier même ici-bas.

Aujourd'hui même ce 27 janvier, j'ai remis à Mgr Salotti toutes les notes que j'ai pu recueillir. Il est entendu qu'il fera son travail de défense, je veux dire, les réponses aux dernières animadversions, de manière que tout soit prêt pour une des deux Congrégations générales qui doivent avoir lieu cette année devant le Saint-Père.

Notre chère Cause a fait une grande perte par la mort de son Eminence le Cardinal Ferrata. Le bon et vénéré Cardinal n'était pas seulement le Protecteur de notre Institut, mais il était encore, comme on dit ici à Rome, le Ponent de la Cause de notre Vénérable Père Fondateur. A ce titre, il en était comme le défenseur-né au soin des réunions de la sacrée Congrégation des Rites; et il s'acquittait de cette charge avec un dévouement et un savoir hors ligne. Je me souviendrai toujours de la dernière Congrégation, celle qui porte le nom de Préparatoire. Dans cette Congrégation deux ou trois Consulteurs élevèrent quelques difficultés; c'est rare qu'il n'en soit pas ainsi; les voix discordantes font mieux ressortir la valeur du sujet. Le sagace et zélé Cardinal ne fut pas pris au dépourvu. Il répondit sans réplique à toutes les difficultés et il le fit avec une ardeur digne de la cause qu'il défendait.

C'est ce que me rapportèrent tout émerveillés des témoins oculaires. C'est d'ailleurs ce que révélaient encore au sortir de la séance l'expression de son visage et sa conversation plus animée que de coutume.

Quel accueil favorable ne lui aura pas fait le Vénérable Père Champagnat là-haut au séjour des bienheureux ? Combien notre Institut doit être reconnaissant au bien-aimé et illustre Cardinal Ferrata pour ce signalé service ajouté à tant d'autres !

Un autre défunt que nous ne pouvons pas passer sous silence quand nous parlons de nos chères Causes de béatification, c'est le vénéré Frère Marie-Junien, Vice-postulateur dans la Cause du Serviteur de Dieu, Frère François, premier Supérieur Général de l’Institut.

Si le procès de l'Ordinaire à Lyon s'est fait si rapidement et si parfaitement c'est à lui et à lui seul que -nous le devons. C'est lui qui, par son dévouement à toute épreuve et sa volonté de fer, a pu trouver presque une centaine de témoins et les a amenés à déposer devant le Tribunal ecclésiastique siégeant deux fois par ,semaine à l'archevêché. Il connaissait tout le monde dans les régions de l'Hermitage et il était avantageusement connu de tous. Il jouissait, et j'ai pu le constater plusieurs fois par moi-même, de la réputation d'un sage et d'un saint. Les Juges du Tribunal ecclésiastique l'avaient en très grande vénération ; l'un d'eux me le disait encore ces jours-ci. Aussi ai-je répété souvent et j'aime à le redire encore : Le T. C. Frère Marie-Junien a été l'homme de la Providence pour mener à bonne fin le procès de l'Ordinaire pour la Cause de béatification de notre vénéré Frère François.

A quel point se trouve maintenant cette Cause ?

Voici en deux mots la réponse à cette question.

Au mois d'octobre dernier, la copie publique du procès de l'Ordinaire étant achevée, elle a été remise de suite à l'Avocat, Mgr Salotti. Celui-ci s'occupe maintenant de faire le sommaire, c'est-à-dire un résumé des dépositions des témoins et de classer ces dépositions vertu par vertu. De cette manière, il est prouvé que le Serviteur de Dieu a pratiqué les vertus chrétiennes à un degré au-dessus de l'ordinaire. J'espère que ce dernier travail sera bientôt terminé.

Le C. Frère Petrus, qui s'occupe avec beaucoup de zèle et une grande diligence de la copie des écrits, notes et instructions du R. Frère François, m'annonçait tout dernièrement que son travail est à peu près achevé.

De sorte que peu à peu le dossier de la Cause se complète et nous pouvons prévoir que sous peu, nous pourrons arriver à l'introduction dé la Cause, premier pas important en ces sortes d'affaires.

Et maintenant, il me semble, mon T. R. Frère, qu'il n'y a rien de mieux à faire qu'à recommander d'une manière spéciale ces chères Causes au zèle dévoué et aux prières ferventes de tous nos chers Frères, car ici plus que jamais et plus qu'en toute autre affaire il est bon de se rappeler le passage de nos Saints Livres que répétait si souvent notre Vénérable Père « Nisi Dominus ædificaverit domum, etc. »

Veuillez agréer, mon T. R. Frère Supérieur Général, la nouvelle assurance des sentiments de profond respect et d'entière soumission avec lesquels je suis heureux de me dire

Votre très humble et très obéissant serviteur en J. M. J.

                         Fr. Candidus, Proc. Gén.

 Je n'ajouterai que peu de mots à cette lettre qui est assez explicite sur la marche de nos deux Causes.

Je vous invite tous, M. T. C~ F., à redoubler de ferveur et de confiance dans l'offrande que nous faisons chaque matin au divin Cœur  de Jésus parle Cœur  immaculé de Marie de nos prières, de nos œuvres et de nos souffrances, pour recommander nos causes de béatification. Il ne faut pas nous lasser de prendre tous les moyens en notre pouvoir pour obtenir les miracles nécessaires à la bonne issue de ces chères Causes. Je tiens à la disposition de ceux qui m'en feront la demande des images du Vénérable Père Champagnat avec relique. Depuis la circulaire du 2 février 1914 diverses faveurs obtenues par le moyen de cette image m'ont été annoncées. Je rue propose d'on publier les relations dans une circulaire ultérieure.

Il nous reste en dépôt à l'Economat Général, 7.500 exemplaires de la notice : Faveurs attribuées au Vénérable Père Champagnat et 2.500 exemplaires de la petite Vie illustrée (édition française).

Je recommande aux chers Frères Provinciaux de s'intéresser à la diffusion aussi étendue et aussi prompte que possible de ces deux brochures. Ce sera un bon moyen de mieux faire connaître le Vénérable, et par conséquent de le faire prier. Je l'ai déjà dit et je le répète : les miracles qui ont servi aux béatifications et canonisations de nos derniers temps, ont été souvent obtenus par des religieuses. Cette remarque nous a été faite à Rome. C'est une indication dont on peut tirer bon profit pour la diffusion des images et brochures dont nous venons de parler.

Je suis heureux, M. T. C. F., de pouvoir mettre ici sous vos yeux un petit extrait de la circulaire que le T. R. Père Raffin, Supérieur Général de la Société de Marie, vient d'adresser à ses religieux à la suite du Chapitre Général tenu en août dernier.

Après avoir parlé du retard que subit momentanément la cause de Canonisation du Bienheureux Chanel, il ajoute :

« La cause de notre Vénérable Père Champagnat, Fondateur des Petits Frères de Marie subit, elle aussi, un arrêt momentané. La question importante de l'héroïcité des vertus examinée déjà dans une Congrégation antépréparatoire, n'a pas encore reçu une solution définitive, mais tout porte à croire qu'avec un supplément d'informations et de réponses aux objections, elle sera favorablement résolue. Dans cette intention, nous unirons, comme nous Pavons lait jusqu'à présent, nos prières à celles de tout l'Institut des Petits Frères de Marie puisqu'il s'agit d'une Cause qui – nous est commune et également chère. »

Le T. R. Père Général parle ensuite de la Cause du Vénérable Père Colin qui est en bonne voie.

Il donne aussi des détails sur la marche de la cause du Père Ducharne qui fut pendant un bon nombre d'années aumônier de notre pensionnat de Charlieu et qui termina ensuite saintement sa vie dans la solitude de La Neylière.

Il parle aussi de la cause du Frère Coadjuteur Blaise Marmoiton qui fut martyrisé en Nouvelle-Calédonie.

Nous nous ferons un devoir, M. T. C. F., d'unir nos prières à celles des Pères Maristes pour obtenir la bonne issue de toutes ces causes auxquelles nous avons bien des motifs de nous intéresser.

Le Bulletin de l'Institut, numéro de janvier 1915, vous a déjà informés que l'on s'occupe à Pékin de la cause de béatification des martyrs de la persécution de 1900. Quatre des nôtres sont de ce nombre. On peut espérer qu'un jour ils figureront dans la liste de ceux que l'Eglise honore comme martyrs.

Quel saint honneur ce sera pour notre Institut

Il nous est bien permis de le désirer.

Nous comprendrons cette intention dans les prières que nous adressons au Sacré Cœur  de Jésus pour nos diverses causes de béatification.

 INFORMATIONS DIVERSES

 PROROGATION DE QUELQUES PROVINCIAUX DANS

LEUR CHARGE.

 A la fin du mois d'octobre dernier, à cause de l'absence forcée de plusieurs membres du Conseil Général et pour d'autres motifs de bonne administration, je fis demander au Saint-Siège par le C. Frère Procureur Général s'il ne serait pas possible, eu égard aux circonstances, d'attendre des temps moins difficiles pour pourvoir à la réélection ou au remplacement de quelques Provinciaux arrivés au terme de leur mandat.

La réponse ayant été affirmative et tous les membres présents du Conseil Général se trouvant unanimement d'avis, les CC. FF. Amphiloque, Elie-Marie et Bassianus, Provinciaux respectifs de Syrie, de Saint-Genis-Laval et d'Aubenas, furent prorogés dans leurs fonctions jusqu'à nouvel ordre.

 PROVINCE DE BEAUCAMPS.

 Bien qu'il soit encore difficile d'avoir des communications directes avec nos établissements de Belgique, les échos assez nombreux qui nous en arrivent concourent en général de plus en plus à nous rassurer à leur sujet. La disette de personnel y est grande, à cause du nombre considérable de Frères que la guerre, à des titres divers, a mis dans l'impossibilité de remplir auprès des enfants leur mission accoutumée; mais on s'est industrié pour y suppléer au moins mal, et généralement on y est parvenu; non parfois, il est vrai, sans beaucoup de gêne et de méritoires sacrifices.

En dehors de nos maisons de formation qui, dès le début de la guerre, se virent dans la cruelle obligation de rendre momentanément à leurs familles la plupart des juvénistes, postulants, novices et scolastiques si bien disposés et si pleins d'espérances qui les remplissaient, rares sont, Dieu merci, les établissements qui n'ont pas pu se rouvrir, et quelques-uns sont dans des conditions relativement favorables. Le C. Frère Marie-Agathon, Visiteur, sur le sort duquel nous eûmes un moment des inquiétudes, est en liberté et peut les visiter.

Depuis le commencement de septembre, il nous a été impossible d'avoir des nouvelles directes du C. Frère Diogène, Assistant Général; mais nous nous croyons, bien fondés à croire qu'il est à Beaucamps au milieu de nos bons Anciens et qu'il ne lui est rien arrivé jusqu'ici de particulièrement fâcheux. La maison de Peruwelz est transformée en ambulance. Celle d'Arlon, où demeurent encore sans être inquiétés une soixantaine de Frères qui formaient, il y a quelques mois la nombreuse communauté, est en partie occupée par des soldats. Un bon nombre des Frères allemands qui par suite de la guerre, ont dû quitter la Belgique, ont pu trouver un asile soit au Juvénat de Recklinghausen, devenu ambulance, soit dans deux autres maisons, situées respectivement à Dortmund, en Westphalie, et à Furth, près de Munich, en Bavière, que la Providence a mises à leur disposition.

 *      *

*

 En France, nos bons Frères anciens, grâce à Dieu, vivent toujours tranquilles à Saint-Genis-Laval, à Notre-Dame de l'Hermitage, à Saint-Paul-Trois-Châteaux, à Ruoms et à Varennes. Plusieurs de ces maisons ont eu des réfugiés, des malades ou des soldats. Actuellement il n'y a plus guère que celle de Saint-Genis qui soit en partie occupée. Elle a environ 200 soldats malades.

 PROVINCE DE CONSTANTINOPLE.

 Après des craintes très sérieuses pour la personne de nos Frères qui pouvaient être envoyés dans l'intérieur de l'Asie, et gardés comme otages, la bonne Providence a voulu qu'ils fussent expulsés, sinon aimablement, du moins sans trop de brutalité. Le 25 novembre, le plus grand nombre d'entre eux purent partir en passant à travers quelques difficultés de passeport, grâce à l'énergique protection de l'Ambassadeur des Etats-Unis, et .arrivèrent à Marseille sains et saufs le 5 décembre.

Restaient ceux de Samsoun en mer Noire, dont nous n'avions pas de nouvelles. Parce qu'il n'y avait pas de bateau pour Constantinople, ils ont dû voyager 11 jours en voiture à travers l'Asie jusqu'à Angora; de là ils sont venus en chemin de fer jusqu'à Constantinople ; enfin par voie de terre ou par bateau ils ont pu arriver jusqu'à Athènes et Marseille, après 33 jours d'un voyage très pénible.

Nos immeubles sont occupés soit par des soldats turcs soit par leurs écoles, qui ont ainsi des locaux exceptionnellement bien aménagés et confortables. Nos œuvres sont ruinées en Turquie, du moins temporairement, car nous espérons bien qu'une fois le calme rétabli par la paix, nous pourrons reprendre nos œuvres en Orient, pour la plus grande gloire de Dieu et le bien de la Sainte Eglise.

Il reste heureusement à cette Province : Athènes où le Lycée Léonin est plus florissant que jamais; Héraclée, maison de campagne du Lycée qui est affectée actuellement à un scolasticat ; Roustchouk en Bulgarie qui réunit un très grand nombre d'élèves; Monastir rouvert dernièrement et Orsova, en Hongrie, que la Bonne Mère a gardé jusque-là d'une manière spéciale, surtout pendant les bombardements, et où les Juvénistes supportent vaillamment les privations que leur impose la guerre.

 PROVINCE DE SYRIE.

 Malgré les nombreux départs pour la guerre, dès le début des hostilités, les écoles de Syrie, quoique avec un personnel réduit et un très grand nombre d'élèves, fonctionnaient normalement, lorsque le 14 décembre ordre est donné, par les Turcs, de les fermer sur-le-champ.

Quelques jours après, les Frères sont officiellement avisés qu'il leur est interdit de sortir du pays qu'ils habitent, et que, sous peu ils seront conduits à l'intérieur et gardés comme otages.

Grâce à la sollicitude et à l'intervention paternelles de Sa Sainteté, les Religieux et Religieuses obtiennent de s'embarquer pour l'Europe. Après mille vexations, ordres et contre-ordres de la part des Turcs, les Frères de Syrie, en divers groupes, prennent enfin la mer, et arrivent en Italie. Le groupe du 26 décembre, où se trouve le Frère Provincial, compte 46 Frères Maristes, voyageant par une mer affreuse sur un mauvais bateau, avec 276 autres Religieux et Religieuses de tous ordres.

Il n'est resté en Syrie que huit Frères : Frère André-Zacharie, malade, à Amchit, Frère Nicolas, Frère Marie-Athanase, Frère Louis-Béatrix et quatre excellents jeunes Frères indigènes. Depuis l'exode du 26 décembre, nous sommes sans nouvelles à leur sujet. Les trois Frères qui, le 8 décembre, avaient été emmenés à Orfa ont pu, eux aussi, nous revenir quelques jours après (16 janvier 1915).

Nos belles et florissantes œuvres de Syrie sont donc anéanties pour le moment. Notre-Dame du Liban, nous en avons tous le ferme espoir, les ressuscitera et, pour la plus grande gloire de Dieu, leur rendra leur prospérité passée. Pas un Frère de Syrie, soldat ou autre, qui n'ait à cœur  ce relèvement, et qui ne soit disposé, le moment du bon Dieu venu, à se dévouer à cette œuvre apostolique. Que nos prières et notre irréprochable conduite hâtent l'heure de cet heureux relèvement !

Les Frères venus de Syrie sont occupés les uns en Italie ou en France et les autres se préparent au Grand Noviciat qui s'ouvrira le 20 février.

 SECOND NOVICIAT.

 La première période du Second Noviciat pour l'année 1915 s'ouvrira le 20 février courant.

Il est rappelé une fois de plus qu'il y a une très grande importance à ce que tous les Frères désignés pour y prendre part, soient arrivés au plus tard à Grugliasco la veille de l'ouverture, c'est-à-dire le 19 février.

Ceux qui ont à donner des ordres et à fixer des itinéraires du voyage voudront bien prendre cet avis en très sérieuse considération. Il y va des meilleurs intérêts de ces Frères et par conséquent, de l'Institut dont ils sont des membres.

 AVIS, LEÇONS, SENTENCES DU VÉNÉRABLE CHAMPAGNAT.

 La nouvelle édition de cet ouvrage est terminée. Elle est en dépôt à l'Economat Général, à Grugliasco. Il importe que tous nos établissements soient pourvus de ce livre, et à un nombre d'exemplaires en rapport avec, l'importance de la communauté.

On ne saurait trop recommander l'étude de cet excellent ouvrage.

——————————————— 

DOCUMENTS DE ROME 

I. – RÉPONSE DE N. S. P. LE PAPE AUX FILIALES FÉLICITATIONS

QUE NOUS LUI AVIONS ADRESSÉES A L'OCCASION

DE SON ÉLECTION AU SOUVERAIN PONTIFICAT.

 segretaria di stato

     di sua santita.                                                       Dal Vaticano, le 23 octobre 1914. 

Très Honoré Supérieur Général,

Notre Saint-Père, le Pape Benoît XV, a agréé avec bienveillance l'hommage des sentiments et des vœux que vous avez eu la filiale pensée de Lui adresser à l'occasion de Son élection au Souverain Pontificat.

En vous remerciant de ce témoignage de vénération, de dévouement et d'obéissance, ainsi que de la promesse de vos prières et de celles de votre communauté à Ses intentions, Sa Sainteté vous accorde de cœur  pour vous, pour les membres de votre Conseil, pour l'Institut, ses écoles et ses œuvres, la Bénédiction Apostolique implorée.

Je saisis avec empressement cette occasion pour vous exprimer, Très Honoré Supérieur Général, mes sentiments dévoués en Notre-Seigneur.

           P. Card. Gasparri. 

Il. – RÉPONSE DU SAINT-PÈRE AUX VŒUX

QUE NOUS LUI AVIONS EXPRIMÉS A L'OCCASION

DES FÊTES DE NOEL ET DU NOUVEL AN. 

segretaria di stato

    di sua santita.                                                          Dal Vaticano, 20 Gennaio 1915.

       N. 3016. 

Très Honoré Supérieur Général,

Le Saint-Père, Benoît XV, a été très sensible aux sentiments et aux vœux de piété filiale que vous avez eu à cœur  de lui offrir, en votre nom, au nom de votre Conseil et de tout votre Institut, à l'occasion des fêtes de Noël et de la nouvelle année.

L'Auguste Pontife vous remercie de ce témoignage réitéré de dévouement, de soumission, et de l'assurance de vos prières à Ses intentions, ainsi que de la part que vous prenez à Ses éprouves et à Ses angoisses dans les douloureuses circonstances présentes.

Comme gage de Sa paternelle bienveillance et des faveurs célestes, Sa Sainteté vous accorde bien volontiers pour vous, votre Conseil, votre Institut, vos enfants et en particulier pour les religieux et les œuvres qui ont le plus à souffrir des événements actuels, la Bénédiction apostolique.

Je vous remercie cordialement, pour ma part, des souhaits que vous avez bien voulu m'adresser avec la promesse de vos prières à mes intentions.

Avec mes vœux pour vous et pour votre cher Institut, veuillez agréer, Très Honoré Supérieur Général, l'expression de mes sentiments dévoués en Notre-Seigneur.

       P. Card. GASPARRI. 

III. – DÉCRET DE LA S. CONGRÉGATION DES RELIGIEUX

SUR LA MANIÈRE DE COMPTER L'ANNÉE DE NOVICIAT

ET SUR L'OBLIGATION DE LA RECOMMENCER OU DE LA COMPLÉTER. 

decreto. – Cum propositae sint quaestiones sive circa tempus seu momentum, quo annus novitiatus ,compleri dicendus sit, sive circa modum, praosertim si novitius extra domum de licentia Superiorum per aliquot tempus moratus fuerit, quo interruptus haberi possit, S. Congregatio Religiosis Sodalibus praeposita, ad anxietates praecavendas, praecipue quoad profes­sionis validitatem, statuit et decrevit ut sequitur :

1. Annus integer novitiatus, qui solus ad validi­tatem professionis requiritur, in posterum non stricte de hora ad horam, sed de die in diem intelligi debet. Idem dicendum de tribus integris annis votorum simpli­cium, quae emissionem votorum solemnium praecedere debent.

2. Novitiatus interrumpitur ita ut denuo incipiendus et perficiendus sit : a) si novitius a Superiore dimissus exierit ; b) si absque Suferioris licentia domum deserue­-rit ; c) si ultra triginta dies, etiam cum licentia Supe­rioris, extra novitiatus septa permanserit.

3. Si novitius infra triginta dies, etiam non continuos, cum Superiorum licentia, extra domus septa perman­serit, licet sub Superioris obedientia, requiritur ad va­liditatem, et satis est, dies hoc modo transactos sup­plere : at Superiores hanc licentiam nisi iusta et gravi de causa ne impertiant.

Quibus omnibus sanctissimo Domino nostro Pio Pa­pae X relatis ab infrascripto Congregationis Secre­tario, Sanctitas Sua ea rata habere et confirmare dignata est, contrariis quibuscumque non obstantibus.

Datum Romae ex Secretaria Sacrae Congregationis de Reli­giosis, die 3 maii 1914.

          O. Card. Cagiano de Azevedo, Præfectus.

           Donatus, Archiep. Ephesinus, Secretarius.

 TRADUCTION.

 Décret. – Des questions lui ayant été posées soit sur le temps ou le moment auquel l'année de noviciat peut être regardée comme complète, soit sur la manière dont cette année peut avoir été interrompue, particulièrement dans le cas où le novice, avec la permission des Supérieurs, serait resté un certain temps en dehors de l'enceinte de la maison, la Sacrée Congrégation pré­posée aux affaires des Religieux, pour prévenir les in­quiétudes, surtout en ce qui regarde la validité de la -profession, a statué et décrété ce qui suit.

1. L'année entière de noviciat, qui est seule requise pour la validité de la profession, doit être entendue do­rénavant non pas strictement d'heure à heure, mais de jour à jour. Il faut en dire autant des trois années entières de vœux simples qui doivent précéder l'émis­sion des vœux solennels.

2. Le noviciat est interrompu, de manière qu'il doit être recommencé et entièrement refait : a) si le novice a été renvoyé par le Supérieur; b) s'il a quitté la maison sans la permission des Supérieurs; c) si, même avec la permission des Supérieurs, il est resté plus de trente jours en dehors de l'enceinte de la maison.

3. Si le novice, avec la permission des Supérieurs, est demeuré trente jours ou moins en dehors de l'enceinte de la maison, quand même ces jours ne seraient pas consécutifs et qu'il serait resté sous l'obéissance du Su­périeur, il faut et il suffit, pour la validité de la pro­fession, que les jours ainsi passés en dehors soient sup­pléés; mais le Supérieur ne doit donner une pareille permission que pour de justes et graves motifs.

Toutes ces choses ayant été soumises à N S. P. le Pape Pie X par le Secrétaire soussigné de la Sacrée Congrégation, Sa Sainteté a daigné les ratifier et confir­mer, nonobstant toutes choses contraires.

Donné à Rome, à la Secrétairerie de la Sacrée Congrégation des Religieux, le 3 mai 1914.

         O. Card. Cagiano de Azevedo, Préfet.

          Donat, Archev. d'Ephèse, Secrétaire.

 IV. – DÉCISION DE LA S. CONGRÉGATION DES RELI­GIEUX

SUR L'INTERRUPTION DU NOVICIAT PAR L'EFFET DU SERVICE MILITAIRE.

 Paris. – Procurator Generalis Congregationis Sacer­dotum Missionis harum quaestionum solutionem a S. Congregatione de Religiosis expostulavit, nempe :

1. Ultrum novitiatus illorum qui coguntur e domo probationis exire causa militiae aut ad eamdem mili­tiam denuo vocati, censendus sit interruptus, ita ut ab initio sit repetendus, nulla  ratione habita temporis novitiatus iam expleti ; an vero sit aestimandus tantum modo suspensus, ita ut debeat solum com­pleri.

2. Utrum computari possit veluti tempus novitiatus servitium militare quod expletur in loco ubi exstat do­mus probationis, si novitii maneant sub disciplina et vigilantia moderatorum et horis subsecivis consistant in eadem, probationis domo, eaque omnia peragant quae cum militia concilientur.

Emi. et Revmi. Patres Cardinales sacrae huius Congre­gationis de Religiosis, omnibus mature perpehsis, res­pondendum censuerunt :

Ad 1umAffirmative ad primam partem, negative ad secunda *ni, si novitius ultra triginta dies completos ser­vitio militari reapse addictus fuerit. Si infra triginta dies, hi supplendi erunt. Et in quocumque casu ad pro­fessionem votorum admitti nequit nisi saltem per tri­ginta dies probetur.

Ad 2umNegative.

Has autem responsiones relatas sanctissimo Domino nostro Pio X ab infrascripto S. Congregationis Secretario, Sanctitas sua approbare et confirmare dignata est. Contrariis quibuscumque non obstantibus.

Datum Romae ex Secretaria sacrae Congregationis de Reli­giosis, die 3 maii 1914.

                            O. Card. Cagiano de Azevedo, Praefectus.

                   Donatus, Archiep. Ephesinus, Secrelarius.

 TRADUCTION.

 Paris. – Le Procureur Général de la Congrégation des Prêtres de la Mission a demandé à la S. Congréga­tion des Religieux la solution des questions sui­vantes :

I. Le noviciat de ceux qui sont contraints de quit­ter la maison de probation pour faire leur service mi­litaire, ou qui sont de nouveau appelés sous les armes doit-il être considéré comme interrompu, de telle sorte qu'il doive être recommencé et poursuivi jusqu'à la fin sans tenir compte de la partie déjà faite, ou faut-il le regarder comme suspendu, de manière qu'il doive être seulement complété ?

II. Peut-on compter comme temps de noviciat le service militaire qui se fait dans la localité où est si­tuée la maison de probation, si les novices demeurent sous la discipline et la surveillance des Supérieurs et si leurs heures disponibles se passent dans la maison même de probation, où ils s'acquittent de tous les exer­cices compatibles avec le service militaire ?

Les Eminentissimes et RmesCardinaux de cette S. Congrégation des Religieux, tout bien pesé et consi­déré, ont jugé qu'il fallait répondre :

A la première question, affirmativement pour la pre­mière partie et négativement pour la seconde, si le no­vice a été effectivement pris pendant plus de trente jours par le service militaire. S'il a été pris pendant trente jours ou moins, ces jours devront être suppléés. Et dans aucun cas le sujet ne pourra être admis à la profession des vœux avant trente jours au moins de probation.

A la seconde question, négativement. Ces réponses ayant été soumises à N. S. P. le Pape Pie X par le sous­signé Secrétaire de la S. Congrégation, Sa Sainteté a daigné les approuver et les confirmer.

Donné à Rome, à la Secrétairerie de la Sacrée Congrégation des Religieux, le 3 mai 1914.

      O. Card. Cagiano de Azevedo, Préfet.

         Donat Archev. d’Ephèse, Secrétaire.

 V. – INDULT NOUS CONCÉDANT QUE L'ANNÉE DE VŒUX ANNUELS

SE COMPTE D'UNE RETRAITE A, CELLE DE L'ANNÉE SUIVANTE.

 Très Saint Père,

Le Supérieur Général de l'Institut des Petits Frères de Marie expose que, étant très difficile, pour ne pas dire impossible de faire émettre les vœux annuels de nos Frères à une époque toujours régulièrement fixée, l'époque la plus commode et la plus favorable étant celle des exercices spirituels qui se font chaque année pendant les, vacances, le Frère Supérieur Général de­mande que l'année des vœux annuels ne soit pas comptée de 365 jours exactement, mais soit une année qui aille d'une retraite annuelle à une autre, laquelle se fait à l'époque des vacances, et que, par conséquent, les vœux annuels soient faits, du consentement des reli­gieux eux-mêmes, d'une retraite à l'autre.

Et que Dieu, etc.

 Vigore specialium facultatum à SSmo Dno. Rro. concessarum, S. Congregatio Emorum et Rmorum. S. R. E. Cardinalium, negotiis et consultationibus Episcoporum et Rogularium praeposita, attentis expositis, benigne facultatem tribuit f. Superiori Gli. enunciati Instituti Oratori super praemissis providendi iuxta preces ad decennium. Contrariis quibuscumque non obstantibus,

Romae, 28 januarii 1908.

                    D. Card. Ferrata, Praef.

                     O. Giorgi, Subseer.

 TRADUCTION.

 En vertu des pouvoirs spéciaux à elle accordés par le Saint Père, la Sacrée Congrégation des Emmeset RévmesCardinaux de la Sainte E. R., préposée aux affaires et consultations des Evêques et Réguliers, attendu les faits exposés, a bénignement accordé au Supérieur Général impétrant dudit Institut, pour une période de dix ans, la faculté de faire comme il a dit ci-dessus. Nonobstant toute chose contraire.

Rome, le 28 janvier 1908.

        D. Card. FERRATA, Préf.

   O. GIORGI, Soussecrét.

 VI. – RESCRIT CONCERNANT LES CÉRÉMONIES DE LA SEMAINE SAINTE.

 Beatissime Pater,

Moderator Generalis Instituti Parvulorum. Fratmm Mariae ad pedes S. V. humillime provolutus implora facultatem, qua in omnibus Ecclesüs seu Oratoriis Instituti benedictio Candelarum in festo Purificationis B. M. V., et Cinerum die prima Quadragesimae, neènon sacrae functiones Dominicae Palmarum et Maioris Hebdomadae peragi queant iuxta Memoriale Rituum Benedicti Papae XIII.

Et Deus, etc.

               Lugdunen., secrét.                                                                                  Instituti Parvulorum Fratrum Mariae.

 Sacra Rituum Congregatio, utendo facultatibus sibi specialiter a Sanctissimo Domino Nostro Benedicto Papa XV tributis, precés remisit prudenti arbitrio Rmi Ordinarii Archid. Lugdunen. ; ut, nomine et auctori­tate Sanctae Sedis, permittat ad proximun quinquen­nium sacras suprascriptas Functiones in Ecclesiis et, Oratoriis Instituti, peragi iuxta Memoriale Rituurn sa. me. Benedicti Papae XIII iussu editum anno 1725 pro Ecclesiis minoribus; dummodo tamen certo cons­tet in dictis locis decori ac reverentiae sacrorum Myste­riorum satis esse consultum. Contrariis non obstantibus, quibuscuinque.

Die 22 januarii 1915.

          Scipio, Card. Tecchi, ProPraefectus.     

         †  Petrus la Fontaine, 

                                                                                                                                                                                             

 TRADUCTION.

 Très Saint Père,

Le Supérieur Général de l'Institut des Petits Frères. de Marie, très humblement prosterné aux pieds de votre Sainteté implore la faculté en vertu de laquelle, dans, toutes les églises ou oratoires de l'Institut, là bénédic­tion des Cierges le jour de la Purification de la B. V. M., et dos Cendres le 1ierjour de Carême, de même que les cérémonies sacrées du Dimanche des Rameaux et de la Semaine Sainte, puissent se faire selon le Memoriale Rituum du Pape Benoît XIII.

Et que Dieu, etc.

 La Sacrée Congrégation des Rites, en vertu des fa­cultés spéciales qui lui ont été données par N. S. P. le Pape Benoît XV, s'en remet au prudent jugement du RmeOrdinaire de l'Archidiocèse de Lyon pour permettre au nom et par l'autorité du Saint-Siège, pour une pé­riode de cinq ans à partir de ce jour, que les cérémonies sacrées mentionnées ci-dessus puissent être faites dans les églises et oratoires de l'Institut, selon le Memoriale Rituum édité par ordre du Pape Benoît XIII de sainte mémoire en l'année 1725, pour les petites églises; pourvu cependant qu'il soit avéré, que, dans ces églises et chapelles, tout est suffisamment en rapport avec l'honneur et le respect dus aux sacrés Mystères. Nonobs­tant toutes choses contraires.

Le 22 janvier 1915.

              Card. Scipio Tecchi, pro-préfet.

      Pierre la Fontaine, Ep. Charystien., Secrét.

 Vil. – RESCRIT NOUS CONCÉDANT LA FACULTÉ

DE CON­SERVER LE T. S. SACREMENT DANS NOS CHAPELLES

MOYENNANT L'AUTORISATION DES ORDINAIRES LOCAUX.

 Beatissime Pater,

Procurator Generalis Instituti vulgo « des Petits Frères- de Marie » a S. V. humillime implorat faculta­tem vi"cuius in sacello uniuscuiusque, domus Instituti asservari possit Sanctissimum Eucharistiae Sacramen­tum.

Et Deus, etc.

 Vigore specialium facultatum a SS-0 Domino Nostro concessarum, Sacra Congregatio Negotiis Religiosorum 5odalium praeposita Ordinariis locorum in quibus exs­tant praefatae domus Instituti benigne facultatem tribuit petitum indultum concedenti ad decennium, dummodo ibi sex viri religiosi saltem commorentur, in sacello habeatur Tabernaculum decenter ornatum, lam­pas semper accensa diu noctuque colluceat, Missa inibi saltem semel in hebdomada celebretur, et clavis Taber­naculi diligenter custodiatur, salvis iuribus parochia­libus.

Romae, 20 decembris 1909.

              Pr. F. C. Card. Vives, Praef.

           D. Janssens, 0. S. B. Secret.

 TRADUCTION.

Très Saint Père,

Le Procureur Général de l'Institut des Petits Frères de Marie, implore humblement de Votre Sainteté la faculté en vertu de laquelle le Très Saint Sacrement de l'Eucharistie puisse être conservé dans la chapelle de chacune des Maisons de l'Institut.

Et que Dieu, etc.

 En vertu des pouvoirs spéciaux à elle accordés par le Saint-Père, la S. Congrégation des Religieux a bé­nignement accordé pour 10 ans aux Ordinaires des lieux où sont établies les maisons dont il est parlé. ci-dessus la faculté de donner l'autorisation demandée, pourvu que dans la maison il y ait au moins six religieux, que le Tabernacle soit décemment orné, que la lampe y demeure allumée jour et nuit, et que la Messe y soit célébrée au moins une fois par semaine et que la clef du Tabernacle ;soit gardée avec soin, sans préjudice des droits paroissiaux.

Rome, 20 décembre 1909.

         Card. F. C. Vivès, Préfet.

        D. Janssens O. S. B., Secrétaire.  

LE PURGATOIRE

 LES PEINES – LEÇONS QU'IL FAUT EN TIRER –

NOS SUFFRAGES.

Depuis quelque temps déjà je me sentais pressé de vous entretenir d'un sujet important, qui fut particu­lièrement cher à notre Vénérable Père Fondateur et à ses disciples : le Purgatoire et la dévotion aux âmes qui s'y trouvent détenues. Ce sujet prend aujourd'hui une actualité toute particulière, en raison du grand nombre d'âmes que les graves événements jettent à tout instant dans leur éternité.

Puisse cette dévotion, pour le plus grand bien de tous et de l'Institut, se fortifier dans nos maisons ; pour cela, que chacun de nos Frères, avec un zèle éclairé, s'en fasse l'apôtre auprès des enfants qui lui sont confiés ! En agissant ainsi, n'en doutons pas, nous entrons dans l'esprit de l’Eglise notre Mère, qui bénit cette dévotion ,et l'encourage par de nombreuses et précieuses indul­gences ; dans l'esprit même de Dieu, qui a voulu la com­munion des saints, pour exercer la miséricorde et la charité les uns à l'égard des autres, et particulièrement pour venir en aide dans leurs peines et leurs souffrances aux membres affligés de son Eglise.

 *    *

*

 En quittant cette vie mortelle l'âme se présente devant Dieu pour être jugée et fixée sur son sort éternel : le ciel ou l'enfer. Et ce qu'il y a de plus redoutable dans cette perspective, c'est qu'une seule de ces deux demeures – celle que chacun aura volontairement et librement choisie, – immuable, éternelle, sera le partage de tous les hommes ! ou l'enfer éternel, si l'on meurt sans la contrition en état de péché mortel ; ou le ciel, si l'on meurt dans la grâce sanctifiante.

Mais, vu la fragilité humaine, bien peu d'âmes, au sortir de ce monde, se présentent devant Dieu dans un état de pureté qui leur permette d'être admises immédiatement au ciel; le plus grand nombre d'entre elles, au contraire, sont redevables à la justice divine d'une peine à subir ou d'une dette à payer, pour des péchés commis et pardonnés quant à la coulpe, mais dont la satisfaction n'a pas été suffisante ici-bas.

Or, saint Jean nous dit dans l'Apocalypse que rien de souillé n'entrera dans le ciel[1]; d'où il suit que ces âmes seraient éternellement privées de ce bonheur; car, sans une disposition toute miséricordieuse de la divine Providence, telle une âme sort de ce monde, telle elle devrait rester éternellement, ne pouvant plus dans l'autre vie ni mériter, ni démériter.

Dans sa charité infinie Dieu y a pourvu, en établissant, pour le temps nécessaire seulement, ce miracle de l'amour divin, ce lieu intermédiaire d'expiation appelé le Purgatoire.

C'est là, nous enseigne la sainte Eglise, que vont achever leur purification les âmes de ceux qui meurent en état de grâce, mais encore redevables à la justice divine pour les restes de leurs péchés. Le nombre de ces âmes est si considérable qu'un grand théologien du siècle dernier assure « qu'il n'est pas improbable « que l'Eglise souffrante du purgatoire l'emporte de beaucoup par le nombre sur l'Eglise militante »[2].

Dans la sainte Ecriture les passages relatifs à l'existence du purgatoire sont moins nombreux que ceux qui se rapportent à l'enfer ; cependant cette vérité y est suffisamment confirmée. Ainsi, dans son dernier voyage en Galilée, Notre-Seigneur l'enseigne lui-même sous un langage figuré : Quand vous allez, dit-il, devant le juge avec votre adversaire, efforcez-vous en chemin de vous débarrasser de lui, de peur qu'il ne vous entraîne devant le juge, que le juge ne vous livre au chef de la justice, et que celui-ci ne vous envoie en prison. Je vous le dis, vous ne sortirez pas de là que vous n'ayez payé jusqu'à la dernière obole [3].

Nous voilà donc bien avertis par la Vérité même d'être sur nos gardes, nous efforçant de nous délivrer du juge dans le parcours du chemin, c'est-à-dire, durant notre vie. Mais pourquoi cette insistance ? C'est que le Sauveur, qui mesure toute la rigueur des peines du purgatoire, dans sa charité infinie veut convaincre ses enfants de la nécessité de les éviter.

Or, y penser seulement ne suffit pas. D'ailleurs la forme impérative de l'Evangile indique combien il importe d'y joindre la réflexion et la méditation, et de faire à l'avance ce travail sérieux : pendant le chemin. Attendre plus longtemps serait une souveraine imprudence ; car dans sa sagesse Dieu a voulu nous laisser ignorer la longueur du chemin à parcourir. Deux termes, seulement nous en sont connus : la naissance et la mort. Du premier nous sommes déjà bien loin; l'autre sera pour demain.

Dans cet avertissement, Notre-Seigneur considère l'homme sur la terre, en route avec son adversaire. Arrivé au seuil de l'éternité, le voyage s'arrête brusquement et l'âme se trouve tout à coup devant son juge, désigné sous le nom d'adversaire; adversaire tout puissant, inexorable, qui scrute les reins et les cœurs, dont la miséricorde à ce moment terrible cède ses droits à la justice, et celle-ci exige d'être pleinement satisfaite, jusqu'à la dernière obole.

Et pour qu'on ne s'y méprenne pas, pour qu'on donne à sa parole toute l'attention qu'elle comporte, il y joint à dessein cette expression confirmative, qu'il emploie seulement dans quelques passages plus saillants de l'Evangile : Je vous le dis.

Revenant encore sur cette pensée, il dit dans un autre endroit : Si quelqu'un pèche contre le Saint-Esprit, son péché ne lui sera remis ni dans ce monde, ni dans l'autre [4]. Sans entrer ici dans une interprétation approfondie du sens à donner à ces paroles, retenons seulement avec saint Augustin, que si ce péché n'est pas remis dans le monde à venir, il y en a d'autres qui doivent être remis, ce qui ne peut s'entendre que du purgatoire ; car, d'une part rien ne sort de ce qui va en enfer d'autre part, rien de souillé n'entre au ciel.

L'objet de ces réflexions n'est pas simplement de rappeler à notre esprit une vérité que nous croyons avec l'Eglise, mais bien de donner à notre piété une idée plus précise et plus nette, et d'exciter dans nos cœur s une charité plus ardente à l'égard des saintes âmes, surtout envers celles qui nous doivent être doublement chères, parce qu'elles ont appartenu à notre famille religieuse, ou à notre famille selon le monde.

 *      *

*

 Les peines du purgatoire. – C'est donc une vérité de foi qu'il y a un purgatoire. Mais où est-il et quelle est la nature des peines qu'on y endure ? L'Eglise ne s'est jamais définitivement prononcée là-dessus.

Deux opinions se partagent cette question, lesquelles ne diffèrent que dans la manière de la considérer; le résultat est le même.

I. – Dans la première, un grand nombre de théologiens, de docteurs et de saints, appuyés sur de nombreuses révélations et apparitions d'une incontestable notoriété, enseignent que le purgatoire est un lieu voisin de l'enfer, avant mêmes horreurs, mêmes flammes vengeresses allumées par la justice divine, mêmes ténèbres, privation de la vue de Dieu, plus terrible que tout le reste. Il y a cependant cette différence : ceux qui tombent dans l'enfer y sont pour toute l'éternité, sans amour de Dieu, sans espérance, sans aucune consolation ni résignation à la volonté de Dieu et à sa justice ; tandis que les âmes du purgatoire souffrent, à la vérité, des tourments inexprimables; mais elles y aiment Dieu, et sont pleinement résignées à la peine imposée par la justice divine.

Comme consolation, elles ont la ferme espérance d'aller jouir de Dieu éternellement dans le ciel, après leur temps accompli, et d'être soulagées dans leurs tourments par les suffrages des saints, et surtout par lof; prières et les satisfactions des pieux fidèles de la terre.

Leurs tourments sont d'autant plus cruels que le feu est dans l'âme et l'âme dans le feu, et qu'il agit sur elle par une vertu surnaturelle, qui lui est communiquée par la justice divine ; aussi, ajoute saint Augustin : « Il  est plus horrible et cause plus de douleur que tout ce « que l'homme peut souffrir en cette vie » [5]. Et le pape Saint Grégoire, qui a beaucoup écrit sur le purgatoire, dit à son tour : « Je crois que ce feu passager « est plus intolérable que toutes les adversités et les « misères de ce monde »[6].

 Il. – La seconde opinion admet les mêmes peines, mais les considère autrement, suivant en cela la doctrine exposée par sainte Catherine de Gênes dans son Traité sur le Purgatoire[7].

Or, d'après la sainte, l'âme voit clairement d'un seul coup d’œil, au moment où elle se présente devant Dieu, toute sa vie, toutes ses fautes, tant mortelles que vénielles, et ce qu'elle doit encore de satisfaction temporelle à la justice divine pour ces mêmes fautes : « Les âmes, dit-elle, en passant de cette vie à l'autre, embrassent d'un seul coup d’œil la cause du purgatoire, mais  une seule fois pour toutes ».

Ce coup d’œil évanoui ne revient pas, elles ne se ressouviennent plus de ces fautes. Mais à ce moment même elles conçoivent un vif regret, quoique non méritoire, de tous leurs péchés, surtout des péchés véniels pour lesquels elles n'ont pas ressenti assez de contrition durant leur vie : « Car, dit le P. Faber, il est strictement vrai qu'aucun péché n'est pardonné avant que le  pécheur en ait exprimé sa douleur par un acte  formel » [8].

A ce moment aussi les âmes reconnaissent ce qui leur ferme la porte du ciel et les rend indignes de jouir de la sainte présence de Dieu; car elles se voient couvertes, comme d'un manteau d'ignominie, de cette horrible souillure que sainte Catherine appelle la rouille du péché, rouille qui doit être effacée par le feu; et cette vue leur inspire la plus extrême confusion.

Par lui-même le péché est quelque chose dé si hideux, que l'âme coupable, séparée de son corps, se fait horreur à elle-même. Notre-Seigneur y fait allusion quand il dépeint le désespoir des damnés au jour du jugement, criant aux collines et aux montagnes : Ecrasez-nous et cachez-nous à la colère de l'Agneau.

Sous ce manteau d'affreuse rouille, l'âme est donc si confuse, si humiliée, que si la porte du ciel lui était ouverte elle n'y entrerait pas. Sainte Gertrude vit une âme en cet état en venir jusqu'à fuir les caresses de Notre-Seigneur. « Je sais, dit sainte Catherine, que l'âme qui « aperçoit en elle la plus légère imperfection, aimerait « mieux tomber mille fois dans l'enfer, que de se présenter devant Dieu avec un tel défaut. »

Cependant, dévorée de cette soif ardente, inextinguible, de voir le divin Sauveur, qu'elle n'a fait qu'entrevoir un instant; de contempler Dieu, le Bien suprême, la Beauté infinie, la Félicité éternelle; Dieu, qui est son centre, sa fin, sa vie, et s'en voyant empêchée par l'horrible rouille du péché, elle n'hésite pas à se plonger dans les flammes ardentes du purgatoire, si cruelles soient-elles. Bien plus, pour se débarrasser plus vite de l'insurmontable obstacle à son bonheur éternel, si elle avait à sa disposition un purgatoire plus cruel encore que celui qui la torture, elle s'y précipiterait librement; car toutes les autres souffrances ne sont rien en comparaison de celle qui naît de son grand désir de la vision béatifique. « Quand vous me proposeriez mille enfers, vous ne diriez rien qui approche de la perte de la gloire[9]. »

 Fruits a tirer de ces reflexions. – Quels fruits pratiques devons-nous tirer de ces considérations ? Deux principaux :

1° Nécessité de notre propre conversion

2° Zèle pour le soulagement des âmes du purgatoire.

I. – La pensée des peines incompréhensibles du purgatoire doit nous persuader qu'il est temps d'amender dans notre vie ce qui, à l'heure de paraître devant Dieu, nous attirerait de si cruels tourments.

Religieux, par devoir d'état nous sommes obligés de tendre à la perfection et de travailler aux intérêts de Dieu et à sa gloire, et dans ce but nous avons reçu, chacun, plus de grâces que n'en ont reçu des nations entières, qui ne possèdent pas encore le bienfait de la foi. Ne pensons-nous pas qu'en retour Dieu est justement en droit de nous demander un compte plus sévère de ses dons, des talents qu'il nous a si libéralement confiés ? Oui, il exigera beaucoup de celui à qui il a beaucoup donné[10], et nous sommes de ce nombre. C'est là une faveur sans prix ; avec foi et courage prenons-en les précieux avantages comme les responsabilités; car : « Heureux et sage est celui qui s'efforce d'être tel dans la vie, qu'il souhaite d'être trouvé à la mort[11]. »

Bien convaincus qu'il ne saurait y avoir perfection en dehors des intérêts et de la gloire de Dieu, voyons à la pensée salutaire du purgatoire où nous en sommes de ce travail nécessaire, indispensable pour tout religieux: « Apprends maintenant, dit l'Imitation, à tout mépriser afin qu'à la mort tu puisses aller librement à Jésus-Christ… Dirige tous les jours vers le ciel des prières et des gémissements mêlés de larmes, afin que ton âme, après la mort, mérite de passer heureusement au Seigneur[12]. » La route qui mène au ciel passe par le purgatoire, c'est certain ; et combien peu franchissent ce lieu redoutable sans s'y arrêter ! Ceux qui ont reçu beaucoup ne sont-ils pas exposés à y séjourner plus longtemps ? Nous devons le craindre pour nous-mêmes.

La sœur Françoise de Pamplona, Carmélite toute dévouée aux âmes du purgatoire, cite nombre de ferventes religieuses, dont plusieurs avaient fait des miracles pendant leur vie, et qui, cependant, eurent à subir vingt, trente, soixante ans et plus de purgatoire. « Ah ! lui disait une de ces âmes, les hommes songent bien peu dans ce monde à tout ce qu'ils auront à payer ici pour les fautes qu'ils remarquent si peu là-bas ! » Et sainte Catherine de Gênes, qui a vécu dans une si grande intimité avec ces saintes âmes, qui a reçu de Dieu tant et de si vives lumières sur le purgatoire, s'écrie : « Oh ! que ne puis-je faire entendre ma voix assez haut, pour effrayer tous ceux qui habitent sur la terre et pour leur dire : O malheureux pécheurs ! pourquoi vous laissez-vous tellement aveugler par ce monde, que vous négligiez de pourvoir aux besoins que vous éprouverez à l'heure de la mort! Vous chercherez un refuge dans l'espoir de la miséricorde de Dieu, mais ne voyez-vous pas que cette bonté même portera témoignage contre vous ? »

De grâce, M. T. C. F., soyons plus attentifs à nos propres intérêts, et surtout aux intérêts de la gloire de Dieu, et gardons-nous de l'indifférence et de la maudite tiédeur! Dès ce moment, entrons avec plus de courage dans la voie de la piété, d'une parfaite régularité, de la pénitence. Notre-Seigneur nous y invite lui-même dans ce sévère avertissement donné à ses chers Apôtres: Si vous ne faites pénitence, vous périrez tous[13]!

Qu'on ne dise pas pour s'en dispenser : « Je me suis confessé de ces fautes, de ces péchés, je puis être tranquille. Sans aucun doute le sacrement de pénitence, reçu avec les dispositions requises, remet la coulpe des fautes; mais Dieu sait quelle proportion de la peine temporelle est remise par l'absolution; et le Concile de Trente porte anathème contre ceux qui soutiendraient que pour les fautes commises, toute peine est remise par le sacrement de pénitence.

A ces graves réflexions laissez-moi ajouter encore, M. T. C. F., un avertissement qui doit nous être cher; il est tout, pour nous.

C'est l'exhortation que le R. F. Louis-Marie, de sainte mémoire, adressait à l'Institut le 8 décembre 1863, dans sa remarquable Circulaire sur la Ponctualité. Ecoutons-le avec vénération : « Si la ponctualité, dit-il, ne domine pas dans la vie religieuse, la routine, la tiédeur, la nonchalance, la volonté propre, l'humeur dominent en nous, et nos exercices se font sans attention, sans motifs surnaturels, sans dévotion; de bons qu'ils sont par eux-mêmes, ils deviennent, par le vice de nos dispositions, indifférents, terrestres, tout humains; ils se trouvent entachés de fautes et de péchés. Oh que de pertes pour le ciel ! Que d'affaiblissements pour nos âmes ! Que de matières pour le feu du purgatoire ! C'est l'édifice de foin et de paille dont nous parle saint Paul, qui doit être consumé par le feu, et dont il faudra que le religieux irrégulier souffre la perte. C'est à ce religieux lâche et négligent qu'on peut appliquer ce que l'Apôtre ajoute, que s'il ne laisse pas néanmoins d'être sauvé, il ne pourra l'être, qu'en passant par le feu [14].

 *      *

*

 Il. – Le second fruit pratique à tirer de ces réflexions c'est la charité agissante ou le zèle pour venir en aide aux saintes âmes, par les moyens que l'Eglise a mis à notre disposition. L'état d'inexprimables souffrances de ces âmes au milieu des flammes et leur impuissance absolue à s'entre soulager elles-mêmes, doivent d'autant plus exciter notre compassion et notre charité, que Dieu semble avoir mis leur sort entre nos mains. Aussi entendons-les implorer notre assistance dans le ton humble et suppliant avec lequel on s'adresse à Dieu : Ayez pitié, ayez pitié de nous, vous du moins, qui êtes nos amis ; car la main de Dieu nous a touchées [15]!

Mais pas de compassion stérile : N'aimons pas seulement de bouche, mais aimons en vérité [16]! De quoi servirait-il, en effet, à elles et à nous, de s'apitoyer sur leur malheureux sort, si on ne faisait rien pour les soulager ? Comment excuserions-nous notre indifférence ? Saint Liguori, si attentif à leur gagner des intercesseurs parmi les fidèles, va jusqu'à dire : « Je ne sais comment on peut excuser de péché, celui qui néglige de leur porter quelque secours, au moins par ses prières »[17]. Et saint Thomas, voulant montrer l'excellence de la prière pour ces âmes, dit : « Prier pour les morts est plus agréable à Dieu que de prier pour les vivants »[18].

Or, par leurs anges gardiens les âmes du purgatoire savent ce qui se passe ici-bas à leur égard, surtout chez ceux qui furent leurs amis et qui leur sont toujours chers à tant de titres. Ne serait-ce donc pas une monstrueuse ingratitude de les abandonner, maintenant qu'elles sont dans la plus extrême misère ? Mettons en pratique cet avis de la Sainte Ecriture: Etends ta libéralité jusque sur les morts[19]. Si nous les délaissons, à notre tour nous serons délaissés : Car, dit l'Evangile, on se servira envers vous de la même mesure dont vous vous serez servis envers les autres; on vous la donnera pleine, pressée, débordante[20].

N'est-ce pas surtout de ces suffrages pour les âmes du purgatoire qu'il faut entendre la parole de Notre-Seigneur : En vérité je vous le dis, ce que vous avez fait au moindre de mes frères, vous l'avez fait à moi-même [21]. Si pour une simple aumône matérielle faite en son nom, sa reconnaissance est si élevée qu'il se substitue lui-même au moindre des pauvres, de quel œil  d'amour et de divine satisfaction ne doit-il pas regarder ce que nous faisons pour ses chères âmes, les âmes du purgatoire ? Eh, quelle facilité n'avons-nous pas chaque jour de lui procurer cette satisfaction ! Il suffit de le vouloir et de diriger notre intention.

A certains religieux moins fervents, la tiédeur peut suggérer cette étrange pensée : Mais puisque Notre-Seigneur est si désireux de la félicité de ces âmes, ne semble-t-il pas qu'il pourrait leur pardonner sans attendre nos suffrages ? Dieu n'a pas établi les choses ainsi ; car il y a incompatibilité absolue entre sa nature divine et la tache du péché; d'ailleurs, dans sa toute-puissance il ne saurait tolérer que la moindre souillure entre au ciel. Il faut donc que ces âmes soient soumises à la purification ; et nous avons le devoir de pratiquer à leur égard le précepte de la Communion des saints.

Membres de la même Eglise, nous devons cette œuvre de charité et de miséricorde à toutes les âmes détenues dans cette prison ténébreuse ; toutes sont les âmes de nos frères rachetées par le sang de Jésus-Christ; toutes sont déjà assurées d'aller au ciel glorifier Dieu éternellement : C'est une sainte et salutaire pensée de prier pour les morts, afin qu'ils soient délivrés de leurs péchés[22].

Si nous sommes tenus d'exercer notre charité à l'égard de toutes les âmes du purgatoire, combien plus ne le devons-nous pas à l'égard des âmes de nos parents, de nos confrères, de nos bienfaiteurs et de nos enfants ! Pour ces dernières, comme facilement, hélas, elles tombent dans l'immense catégorie des âmes abandonnées, ,sous prétexte qu'il s'agit d'enfants ! Mais croit-on que ces enfants n'étaient pas capables de faire des fautes ? Un regard jeté sur une classe suffit pour nous convaincre du contraire. Portons toujours devant Dieu le souvenir de nos enfants morts pendant leur scolarité, et de nos anciens élèves; les liens que nous avons contractés avec eux nous en font un devoir ; enfin, n'oublions pas que Notre-Seigneur récompense par des grâces spéciales ce que nous faisons pour les âmes délaissées ou les plus à plaindre, parce que personne ne pense à elles.

Je crois, M. T. C. F., faire œuvre utile pour tous sur le sujet qui nous occupe, et entrer dans les intentions de notre Vénérable Père, en insistant ici sur ses dernières volontés, au moment où lui-même se préparait à paraître devant Dieu. C'était le 18 mai 1840. Dans un recueillement solennel toute la Communauté de l'Hermitage était réunie autour de son lit de souffrance, pour recevoir les adieux et écouter le testament spirituel du vénéré mourant.

Or, après un regard plein d'humilité sur lui-même et sur l'obéissance due au Supérieur de la Société, comme Notre-Seigneur avant de quitter la terre, il exprime le grand désir de son cœur . Et pour mieux traduire sa pensée, il emploie la forme de la prière et de la supplication : « Je vous prie aussi, M. B. C. F., de toute l'affection de « mon âme et par toute celle que vous avez pour moi,  de faire en sorte que la sainte charité se maintienne  toujours parmi vous. Aimez-vous les uns les autres « comme Jésus-Christ vous a aimés »

Pensons-nous que la charité dont il parle n'est que pour les membres de l'Institut- qui sont sur la terre ? Non, certainement. Il prend pour comparaison la charité divine; or, Notre-Seigneur aime ses fidèles de la terre; mais il aime plus miséricordieusement encore les âmes du purgatoire. Ainsi en est-il de la charité que nous souhaitait notre Vénérable Père, et qu'il désirait voir toujours régner parmi ses enfants. La charité, dit saint Thomas, n'est pas complète si elle ne s'étend aux défunts.

Depuis sa mort, près de trois mille de ses religieux l'ont suivi dans la tombe; qui oserait assurer que déjà ils sont tous arrivés à l'éternel bonheur ? La justice divine est si rigoureuse et la sainteté requise pour le ciel si parfaite, que peut-être bon nombre d'entre eux sont encore dans le lieu d'expiation, d'où ils nous supplient d'avoir pitié d'eux.

Du ciel notre Vénérable Père, nos vénérés Supérieurs et nos Frères déjà couronnés nous couvrent de leur amour, centuplé au contact de la divine Charité ; mais de quel amour spécial, de quelle tendre commisération n'environnent-ils pas les âmes de leurs Frères détenus en purgatoire ! Comme ils prient et intercèdent pour elles ! Comme ils sont heureux de voir que nous-mêmes pratiquons la charité, en usant à l'égard de ces âmes si chères, du pouvoir particulièrement efficace que Dieu a mis en nos mains, par nos prières et nos satisfactions!

A mon tour, M. T. C. F., je viens vous redire avec toute l'affection de mon âme : Montrons-nous les enfants compatissants du Dieu de toute charité ; les fils pieux et dociles du Vénérable Père Champagnat et prions avec ferveur et persévérance pour tant d'âmes qui gémissent dans les plus cruels tourments. Aimons-nous les uns les autres en cette vie ; aimons et aidons chaque jour et en toute charité nos Frères détenus en purgatoire.

Pour exciter notre ferveur et notre zèle à secourir les saintes âmes, laissez-moi vous rappeler par un exemple quelle sainteté Dieu demande de ses serviteurs pour entrer au ciel.

Le Père Barelle, de la Compagnie de Jésus, que l’on désigne comme un des grands religieux du dix-neuvième siècle, était à Montpellier chez les Dames du Sacré-Cœur, au mois de mai 1855. Il avait promis une conférence à la Communauté; mais le matin du jour où elle devait avoir lieu, il fit dire qu'il ne pouvait tenir sa promesse. Cependant, il ne refusait jamais une instruction.

A toutes les objections il se montra inflexible. La sérénité habituelle de ses traits était altérée; il portait sur son visage la préoccupation et une grande tristesse. On crut à une grave indisposition, et pour se débarrasser des importunités charitables dont on l'entourait il se décida à un aveu.

Il avoua donc confidemment à l'une des religieuses que son âme souffrait en effet beaucoup. Le Père Maillard, son ami, lui était apparu, portant sur sa figure l'expression d'une extrême souffrance : « Quoi, mon père, vous ici ! on m'avait annoncé votre mort ! » « Oui, c'est moi, je viens vous demander des prières. » Il ajouta qu'il avait à expier de légères imperfections, qu'il dé signa, mais que les témoins ont oubliées. Il demanda neuf messes, et neuf jours plus tard, il vint annoncer sa délivrance[23].

 *     *

*

 III.-Nos suffrages pour les ames du purgatoire.

Par quels moyens pouvons-nous venir en aide aux âmes du purgatoire ? Pour le religieux ces moyens sont de deux sortes :

1° Les uns sont prescrits ;

2° Les autres dépendent de la piété de chacun. Les uns et les autres tirent leur valeur devant Dieu de la pureté d'intention qui les anime.

1. – Les moyens prescrits sont déterminés par les Règles, quant au nombre, au mode et au temps. Ceux; qui sont en charge dans les diverses communautés ont -l'obligation, en conscience, de veiller à leur parfait accomplissement. Si c'est un devoir grave pour tout religieux en charge de veiller à l'exacte observance des Règles, comme devant en répondre à Dieu, quel soin ne doit-il pas apporter à l'accomplissement fidèle de ce qui concerne les âmes du purgatoire ! Quelle responsabilité n'encourrait-il pas si, sur ce point important, il tolérait des retards volontaires ou des négligences ! Ce serait peut-être prolonger ainsi les cruels tourments des âmes et retarder d'autant leur bonheur éternel. Qui voudrait assumer une telle charge sur sa tête ?

On raconte dans les chroniques d'un Ordre monastique que celui qui devait faire accomplir les œuvres charitables pour les religieux défunts négligea de le faire par indifférence coupable. Il en fut sévèrement puni. Un jour comme il traversait le chœur il vit à leurs places respectives tous les religieux morts depuisses négligences. Ils les lui reprochèrent d'un ton courroucé, disant qu'il était la cause qu'ils étaient encore en purgatoire. « En punition, ajoutèrent-ils, dans trois jours vous serez mis à notre place. » En effet, il mourut trois jours après et eut à subir un long purgatoire.

2. – moyens qui dépendent de notre piété.- 

Nous l'avons déjà dit, la dévotion aux âmes du purgatoire a son principe dans le précepte de la communion des saints, et nous devons l'activer par la pensée consolante que travailler à la délivrance-de ces âmes c'est faire l’œuvre la plus agréable au Cœur de Notre-Seigneur.

Pour l'accomplir -nous avons à notre disposition des moyens faciles et efficaces il suffit d'en user : les prières nombreuses de communauté, particulièrement la messe entendue pieusement et la sainte communion faite à cette intention. Et comme un des principaux fruits de la messe est la rémission de la peine temporelle due au péché, de quel secours n'est-elle pas pour les âmes s du purgatoire, justement retenues dans les tourments à cause de cette peine temporelle ! Joignons à la sainte messe et à la communion les satisfactions journalières résultant de nos pénitences et sacrifices volontaires, si petits qu'ils soient.

Enfin, les indulgences applicables aux âmes du purgatoire. Par ces indulgences quel trésor immense l'Eglise ne met-elle pas à notre disposition, si nous savons en user, et si nous avons au cœur  la charité et le zèle pour la gloire de Dieu !

Une excellente pratique pour mieux utiliser notre petit trésor de bonnes œuvres quotidiennes c'est, dès le matin, de remettre le tout entre les mains de la Sainte Vierge pour qu'elle en dispose comme il lui plaira. Ensuite, sans crainte de nous appauvrir nous-mêmes, par l'Acte héroïque, faisons-lui la cession de toutes nos tonnes œuvres, des indulgences que nous pouvons gagner pendant notre vie, et même des suffrages qui nous seront appliqués après notre mort ; l'acte héroïque comprend tout cela. Cette cession faite de nos œuvres, il nous reste toujours deux choses tout à fait personnelles, qui ne peuvent être cédées : le mérite et l'impétration, qui nous permettent, même après cession, d'obtenir d'autres grâces pour nous.

Parmi les plus riches sources d'indulgences à notre disposition nous avons le chapelet rosarié avec lequel nous pouvons gagner 2025 jours d'indulgences par grain, et le chemin de la Croix plus riche encore. J'ajoute ce moyen court et facile pour accumuler un grand nombre d'années d'indulgences

Parcourons notre chapelet en entier, disant sur chacun des gros grains :

Jésus, Marie, Joseph, je vous donne mon cœur , mon esprit et ma vie. – Jésus, Marie, Joseph, assistez-moi dans ma dernière agonie. – Jésus, Marie, Joseph, faites qu'en paix, j'expire en votre compagnie.

Et sur chacun des autres grains, l'invocation :

Jésus, Marie, Joseph.

Trois à quatre minutes suffisent pour s'acquitter convenablement de cette pratique, et sur chaque grain on gagne une indulgence de 7 ans et 7 quarantaines.

Je termine avec le désir que ces réflexions excitent en chacun de nous plus de zèle et de charité pour les âmes du purgatoire ! C'est là le plus beau champ où Dieu nous invite à travailler à sa gloire. Nous y dévouer c'est contribuer de tout notre pauvre pouvoir à l’œuvre de prédilection du Cœur  de Jésus, qui aime ces âmes d'un amour infini comme Créateur et Père – « Je ne puis m'empêcher d'aimer ce que j'ai créé », disait-il à sainte Catherine de Gênes. Ecoutons sur ce sujet les accents d'un saint religieux, grand ascète et profond théologien. En terminant sa méditation sur l'amour de Dieu pour les saintes âmes il s'écrie : « Nous avons vu l'Amour, et  il était penché sur le purgatoire, sur le filet qui paraissait prêt à se rompre, tant était merveilleusement  abondante la pêche d'âmes infortunées qu'il avait prises. Marie était émue sur son trône ; les saints remplissaient le ciel de leurs intercessions; les anges montaient et descendaient sans relâche; sur la terre les cloches annonçaient partout la sainte messe; des chapelets se récitaient de toute part ; des milliers de communions étaient le prix d'innombrables indulgences; les aumônes coulaient dans la main du pauvre des pénitences et des pèlerinages étaient accomplis car l'Amour divin pressait vivement les anges, les saints, les hommes de lui faire violence, tandis que Jésus prodiguait les mérites de son adorable sacrifice de chaque jour et les abondants trésors de son précieux Sang. Notre dernier regard sur l'Amour nous l'a fait voir abrégeant avec impatience le temps de souffrances marqué pour les âmes coupables. Et le ciel et la terre étaient dans la stupeur, comme à l'approche  de quelque grande catastrophe, parce que Dieu lui-même semblait vouloir, par des miséricordes plus promptes, mettre fin à cette dernière, grande et parfaite invention de son amour de Créateur : les peines de ce feu purifiant que les âmes supportent avec calme et résignation, et où elles retrouvent leur beauté perdue[24]. »

 

Nos DÉFUNTS.

 F. VIBIEN, Stable, décédé à Popayán (Colombie), le 28 mars 1914.

F. JOSEPH-ISAIE, Profès temp., décédé à Dompnac. (Ardèche), le 10 avril 1914.

F. PONS, Profès perp., décédé à Ruoms (Ardèche), le 28 mai 1914.

F. BÉNIGNUS, Profès perp., décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 24 juin 1914.

F. JOSEPH-ERNEST, Profès perp., décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 30 juin 1914.

F. ULFUS, Profès perp., décédé à Iberville (Canada), le 1ierjuillet 1914.

F. FRÉDÉRIC, Stable, décédé à Gueugnon (Saône-et-Loire), le 4 juillet 1914.

F. HUGO, Profès perp. décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 12 juillet 1914.

F. FIRMIEN, Profès perp., décédé à Ménetou-Salon (Cher), le 15 juillet 1914.

       Michel JALIL, Juvéniste, décédé à Gébail (Liban), le18 juillet 1914.

F. NICANDRE, Profès perp., décédé à Bourg-de-Péage (Drôme), le 21 juillet 1914.

F. CAPISTRAN, Stable, décédé à Varennes (Allier), le 26 juillet 1914.

F. EXPÉDIT, Profès perp., décédé à Varennes (Allier), le 4 août 1914.

F. ROGEL, Profès perp., décédé à La Teppe (Drôme), le 14 août 1914.

F. OCTAVE, Profès perp., décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 16 août 1914.

F. ADELAIDO, Profès temp., décédé sur le champ de bataille, le 20 août 1914.

F. BÉRILLE, Profès perp., décédé à Ruoms (Ardèche), le 1ierseptembre 1914.

F. CHÉRUBIN, Profès perp., décédé à Ruoms (Ardèche), le 2 septembre 1914.

F. LOUIS-PHILÉMON, Stable, décédé à Varennes (AIlier), le 8 septembre 1914.

F. JEAN-MARCEL, Profès perp., décédé à Port-Saïd (Egypte), le 9 septembre 1914.

F. ARISTEUS, Profès perp., décédé à Johannesburg (Afrique du Sud), le 10 septembre 1914.

F. ALZÉAR, Profès perp., décédé à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), le 12 septembre 1914.

F. AGILUS, Stable, décédé à Varennes (Allier), le 19 septembre 1914.

F. DIOSCORE-ANTOINE, Profès perp., décédé à Belfort (Territoire de Belfort), le 30 septembre 1914.

F. HELAIN, Profès perp., décédé à Lyon (Rhône), le 4 octobre 1914.

F. JOAO FLAVIO, Profès temp., décédé à Apipucos (Brésil), le 4 octobre 1914.

F. DOMINIC, Profès perp., décédé à Mittagong (Australie), le 6 octobre 1914.

F. ANGE-EMILE, Profès perp., décédé sur le champ de bataille, le 15 octobre 1914 .

F. PIERRE-SÉNATEUR, Profès perp., décédé à Fez (Maroc), le 23 octobre 1914.

F. AZARIE, Stable, décédé à Varennes (Allier), le 24 octobre 1914.

F. CASSIODORE, Profès perp., décédé à Villers-Cotterets (Aisne), le 4 novembre 1914.

F. ALLYRE, Profès perp., décédé à Barcelone (Espagne), le 16 novembre 1914.

F. JOSEPH-ALBERT, Profès perp., décédé à Raon-l'Etape (Vosges), le 16 novembre 1914.

F. VALERIAN, Profès perp., décédé à Uitenhage (Afrique du Sud), le 25 novembre 1914.

F. BLANDINE, Profès perp., décédé à Ruoms (Ardèche), le 26 novembre 1914.

F. RUTILE, Profès perp., décédé à Boën-sur-Lignon (Loire), le 26 novembre 1914.

F. MARIE-THÉOTISTE, Profès perp., décédé à Fay (Somme), le 8 décembre 1914.

F. MARIE-AUGUSTE, Profès perp., décédé à St-Paul-3-Châteaux (Drôme), le 10 décembre 1914.

F. ISACE, Profès perp., décédé à San Maurizio Canavese (Piémont), le 13 décembre 1914.

F. TOUSSAINT, Profès perp., décédé à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), le 17 décembre 1914.

F. JOSEPH-CASIMIR, Profès temp., décédé à Saint-Ingbert (Palatinat), le 18 décembre 1914.

F. MARIE-JUNIEN, Stable, décédé à Notre-Dame de l'Hermitage (Loire), le 26 décembre 1914.

F.  JUSTINIEN, Profès perp., décédé à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), le 1ierjanvier 1915.

F. SURAN, Profès perp., décédé à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), le 1ierjanvier 1915.

F. ARÉGIUS, Profès perp., décédé à Notre-Dame de l'Hermitage (Loire), le 4 janvier 1915.

F. PROTASIO, Profès perp., décédé à Maynal (Jura), le 6 janvier 1915.

F. ARMAND, Stable, décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 23 janvier 1915.

F. EUGÉNIEN, Stable, décédé à Chagny (Saône-et-Loire), le 28 janvier 1915.

F. RÉNOVAT, Profès perp., décédé- à Coursan (Hérault), le 30 janvier 1915.

F. LOUIS, Profès perp., décédé à Seillon (Ain), le 4 février 1915.

F. MARIE-GÉMINIEN, Profès perp., décédé à Ruoms (Ardèche), le 4 février 1915.

 

La présente circulaire se lira en Communauté à l'heure ordinaire de la lecture spirituelle.

Recevez, M. T. C. F., la nouvelle assurance de la religieuse affection et de l'entier dévouement avec lesquels je suis plus que jamais,

Tout à vous en Notre-Seigneur.

                             Frère Stratonique,

                              Supérieur Général.

 P. S. – Au dernier moment, nous apprenons la mort du Frère André-Zacharie, profès des vœux perpétuels.

Il est décédé à Amchit (Syrie), le 5 janvier 1915.

Nous le comprendrons dans nos suffrages avec ceux de la liste des défunts de cette circulaire.

———————————————


[1] : Apoc., XXI, 27.

[2] : R. P. Faber, Tout pour Jésus, page 355.

[3] : Luc, XII, 58, 59.

[4] : Matth., XII, 32.

[5] : Commentaire sur le Ps. XXXVII.

[6] : Commentaire sur le Ps. III de la pénitence.

[7] : Approuvé par la Sorbonne en 1666, et dans le procès de Canonisation de la Sainte.

[8] : P. FABER, Tout pour Jésus, page 360.

[9] : S. Chrysostome.

[10] :  Luc, XII, 48.

[11] : Imit., Livre I, ch. XXIII, 20.

[12] : Imit., Livre 1, ch. XXIII, 33-46.

[13] : Luc, XIII, 5.

[14] : 1 Cor., III, 12 à 15.

[15] : Job, XIX, 21.

[16] : I S. Jean, III, 18.

[17] : R. P. Dosda, Union à Dieu, T. II, page 541.

[18] : P. Faber, Tout pour Jésus, page 328.

[19] : Ecclésiastique, VII, 37.

[20] : Luc, VI, 38.

[21] :  Luc, XXV, 19.

[22] : Il Mach., XII, 46.

[23] : Vie du P. Barelle, T. 11, page 207.

[24] : R. P. Faber, Le Créateur et la Créature, pp. 284-285.

 

RETOUR

Circulaires 249...

SUIVANT

Circulaires 251...