Circulaires 253

Stratonique

1915-10-25

L'expiation par la prière, la régularité, la mortification, le zèle. - Un mot sur les Retraites annuelles. - Election de Frères Provinciaux

253

Circ. Sup.15.4

 V. J. M. J.

   Grugliasco, le 25 octobre 1915.

      Mes Très Chers Frères,

Nous savons tous que le terrible fléau de la guerre se prolonge et étend ses ravages de plus en plus, et nous en gémissons.

Chacun se demande anxieusement quand et comment finira cette épouvantable conflagration qui, comme le dit Sa Sainteté Benoît XV, menace la malheureuse Europe d'une si vaste ruine.

Les millions de victimes s'ajoutent aux millions. On frémit en pensant à ces hécatombes de vies humaines, et aussi aux ruines matérielles colossales qu'entraîne avec elle cette affreuse guerre.

Notre Congrégation, pour sa part, a déjà payé un lourd tribut au terrible fléau : 28 des nôtres sont déjà tombés victimes sur les champs de bataille en faisant leur devoir, ou sont morts des suites de leurs blessures; beaucoup sont encore parmi les blessés et quelques-uns sont prisonniers. Plus de cinq cents sont sous les drapeaux, et ce nombre paraît devoir s'accroître encore.

Pour l'édification générale, je suis heureux de faire savoir à tout l'Institut que ces Frères, momentanément enlevés à leurs Communautés et à leur vocation d'éducateurs religieux, nous donnent beaucoup de consolation par les excellents sentiments dont ils sont animés.

Nous avons la confiance qu'une fois la guerre terminée, ils nous reviendront tous fortifiés moralement par l'épreuve victorieusement supportée  comme le dit l'auteur de l' Imitation de N.-S. Jésus-Christ, et qu'ils seront animés d'un nouveau zèle pour leur belle mission apostolique auprès de la jeunesse.

En présence du spectacle si attristant de presque toute l'Europe ensanglantée par les hommes s'exterminant les uns les autres au moyen de toutes sortes d'engins de mort inventés par la science moderne, que devons-nous penser et que devons-nous faire ?

Comme je vous le disais naguère dans une précédente lettre circulaire, il faut plus que jamais regarder En Haut, c'est-à-dire considérer des yeux de la foi tous les événements qui se déroulent en ces malheureux temps. Dieu, toujours infiniment bon, juste et sage, gouverne tout avec poids et mesure. Nous devons être bien persuadés qu'il veut et qu'il peut tout faire tourner à sa gloire et au bien de ses élus.

L'Eglise, dans sa sainte liturgie, lui donne fréquemment le nom de Tout-Puissant : «Omnipotens Deus », et nous-mêmes, dans nos prières de chaque jour, nous lui donnons souvent ce titre. Faisons-y une particulière attention, en ces temps mauvais où les hommes semblent jouer un si grand rôle avec leur savante stratégie et leurs terribles et puissants engins de destruction. -Qu'est-ce que tout cela en présence de la toute-puissance divine ?

Convient-il que nous y attachions une grande importance comme le font aujourd'hui tant de personnes qui jugent des choses humainement ? Convient-il que nous nous en préoccupions de manière à nous laisser dominer par l'inquiétude ? – Non! non! Soyons, au contraire, bien convaincus que si Dieu, dans son infinie sagesse, le jugeait utile, il commanderait à la tempête qui secoue si violemment les peuples, et la ferait cesser instantanément comme le fit autrefois le divin Sauveur sur le lac de Génésareth.

Mais ne perdons pas de vue que si Dieu est tout-puissant, il est en même temps infiniment patient, comme nous le disons chaque jour à la prière du matin : Jesu patientissime, miserere nobis.

Ces considérations sont bien propres à calmer les impatiences qui se produisent naturellement en présence de la durée inattendue de la grande épreuve.

Il est aussi une autre considération que nous devons puiser dans les enseignements de la foi, c'est la doctrine de l'expiation.

Les peuples et les individus n'ont-ils pas beaucoup à expier ?

Et nous-mêmes pourrions-nous dire que nous ne méritons aucun châtiment ?

Ecoutez, M. T. -C. F., ce que m'écrit à ce sujet le T. C. Frère Diogène, dans une lettre que j'ai reçue de lui dernièrement :

« Jésus, que nous recevons tous les jours, et sa sainte Mère, que nous ne cessons d'invoquer, continuent de nous protéger et de nous garder. Matin et soir et plusieurs fois dans le jour, nous faisons le sacrifice de notre vie avec toute la résignation possible, et cela depuis bientôt onze mois. Le Seigneur a ce sacrifice pour agréable.

« Notre existence est pénible mais bien supportable et nous avons la consolation de croire qu'elle plait à Dieu et que nous expions beaucoup pour nous et un peu pour les autres. »

Voilà, M. T. C. F., une mentalité religieuse que nous admirons et qui nous édifie grandement. Ayons tous à cœur de la faire nôtre et d'agir en conséquence.

Et maintenant qu'avons-nous à faire ? Nous connaissons l'excellent proverbe : Bien penser et bien dire ne sont rien sans bien faire.

En quatre mots, voici ce que je demande instamment de tous nos religieux : prière, régularité, mortification, zèle.

 1° PRIÈRE. – Notre Saint-Père le Pape, s'adressant à toute la catholicité, insiste pour demander des prières ; les évêques dans leurs diocèses, les pasteurs dans les paroisses, agissant d'après les indications de Sa Sainteté et aussi d'après leur propre initiative, excitent les fidèles à la prière ; les périodiques chrétiens (Messager du SacréCœur et combien d'autres) font de même à l'égard de leurs lecteurs ; des associations chrétiennes diverses organisent des croisades de prières. Il y a aussi des gouvernants qui invitent leurs peuples à des prières publiques et qui se font un devoir d'y prendre part.

Entrons, M. T. C. F., dans ce mouvement général de prière, entrons-y de toute notre âme. Les religieux ne doivent-ils pas être au tout premier rang dans l'armée des priants ?

Ce sera d'ailleurs un excellent moyen de mettre en pratique le fruit principal proposé pour nos retraites de cette année.

Faisons aussi entrer nos élèves dans cette croisade de prières ; mettons partout en honneur l’œuvre excellente de l'Apostolat de la Prière.

Faisons tout ce qui dépendra de nous pour obtenir que les décrets du Souverain Pontife Pie X, de sainte mémoire, reçoivent leur pleine application dans nos pensionnats, nos orphelinats et toutes nos écoles.

Nous n'ignorons pas que la prière des enfants a une efficacité, toute particulière.

 2° RÉGULARITÉ. – La fidélité constante et généreuse à toutes les prescriptions de nos Constitutions et de nos Règles, quelque minimes qu'elles puissent paraître, est une sorte de martyre qui a sûrement une grande valeur expiatrice aux yeux de Dieu.

Nous aurons donc grandement à cœur dans tout l'Institut d'être parfaitement réguliers, apportant même une attention spéciale à ce que l'on appelle communément les petites choses, nous souvenant d'ailleurs que l'Esprit-Saint nous assure que celui qui est fidèle dans les petites choses le sera aussi dans les grandes.

Un institut religieux dont tous les membres sont parfaitement réguliers ne peut manquer d'attirer sur les peuples les miséricordes du Seigneur.

Après la réception de cette lettre circulaire, on prendra pour lecture spirituelle de communauté, la circulaire du 27 décembre 1860 sur la Régularité et celle du 8 décembre 1863 sur la Ponctualité.

Je recommande instamment à tous nos Frères d'apporter une très grande attention à la lecture de ces admirables circulaires, et surtout de s'armer d'un saint courage pour y conformer en tout et partout leur conduite. En même temps qu'ils attireront ainsi les miséricordes du Seigneur sur les peuples, ils feront ample provision de mérites pour le Ciel.

 3° MORTIFICATION. – L'Ancien et le Nouveau Testament nous fournissent une multitude d'exemples qui nous montrent que la pénitence a été le grand moyen employé pour apaiser la justice de Dieu, dans les grandes calamités qui ont affligé l'humanité : guerres, pestes, famines, inondations, etc.

Tirons-en la conclusion que, pour hâter la cessation de la terrible guerre qui désole si fort l'Europe et même, par répercussion, le monde entier, nous avons à nous adonner généreusement à la pénitence.

Qu'il n'y ait d'exceptions parmi nous ni pour les jeunes ni pour les anciens ; tous peuvent prendre part à ce moyen d'expiation : il y a tant de manières de pratiquer la pénitence ! Rappelons-nous l'exemple des Ninivites.

Il y a aussi des exemples de mortification qui doivent nous être particulièrement chers, ce sont ceux qui nous ont été donnés par le Vénérable Père Fondateur et par un grand nombre de nos aînés dans l'Institut.

Que chacun de nous ait vraiment et grandement à cœur d'imiter le mieux possible ces saints exemples

Nous contribuerons ainsi, n'en doutons pas, à attirer les miséricordes du Seigneur sur les malheureuses nations où sévit si terriblement le fléau de la guerre.

 4° ZÈLE. – La quatrième qualité que doit posséder un bon Frère, c'est le zèle. Nos Principes de Perfection nous disent même que, pour un Frère Educateur, c'est la plus nécessaire. Remarquons ce superlatif ; c'est pour cela que je le souligne.

Si cette qualité est si nécessaire à nos Frères dans tous les temps, à plus forte raison l'est-elle à notre époque si troublée, si agitée, où l'ignorance religieuse et les préjugés sont si répandus. Il est donc nécessaire plus que jamais de donner à la jeunesse une forte dose d'instruction religieuse et une solide formation chrétienne. Cela demande évidemment que nous soyons à un haut degré des hommes de zèle. Le Vénérable Fondateur, sur ce point comme sur tous les autres, est un modèle que nous ne saurions trop étudier et trop imiter.

Mais il est une oeuvre de zèle qui est plus particulièrement nécessaire en ces temps où la mort sur les champs de bataille et les obligations militaires nous ont pris et nous prennent encore un grand nombre des nôtres qui travaillaient à l'éducation chrétienne de la jeunesse c'est l’œuvre du recrutement des vocations.

Le Frère Pascal, de sainte mémoire, dont on a dit à juste titre qu'il était dévoré de zèle, écrivait à un Frère :

« La mort vient de me prendre deux bons Frères; pour me dédommager, je demande à Dieu douze bons postulants. Prions, faisons prier pour les obtenir : la prière est toute-puissante

Et moi, M. T. C. F., combien plus n'ai-je pas raison de vous adresser à tous un pressant appel ?

Ce ne sont pas seulement deux bons Frères qui ont dû, en ces temps de guerre, abandonner nos rangs, mais à peu près six cents. Oh ! quel grand vide cela fait parmi nous et pour le maintien de nos oeuvres! C'est bien désolant !

Il faudrait le combler au plus tôt, et avantageusement.

Pour cela, il importe évidemment que tous nos Frères des diverses provinces aient un zèle plus ardent que jamais pour travailler à l’œuvre des oeuvres qu'est le recrutement des bonnes vocations.

A l'exemple du Vénérable Père Fondateur, prions et agissons, faisons prier et faisons agir pour obtenir beaucoup de bonnes vocations pour nos juvénats et nos noviciats de toutes les provinces.

Je crois faire oeuvre très utile au bien général de l'Institut en demandant que, là où ce sera possible, on recrute quelques sujets bien choisis pour le Juvénat Saint François-Xavier.

Chacun comprend évidemment quel grand avantage ce serait pour la Congrégation si ce juvénat, fondé par décision du Chapitre Général de 1907, était tout à la fois nombreux et composé de sujets d'élite.

Dieu aidant, il est possible d'obtenir ce double résultat.

 UN MOT SUR NOS RETRAITES ANNUELLES.

 Au milieu des grandes tristesses causées par la terrible guerre, des nouvelles bien consolantes et bien réconfortantes nous sont venues des différentes provinces de l'Institut. Les Frères Provinciaux et autres Frères qui ont présidé les retraites, nous ont annoncé qu'elles se sont faites partout avec une application et une ferveur exceptionnelles. Il m'a été donné d'être témoin moi-même de cette application et de cette ferveur dans les retraites auxquelles j'ai pu assister en Italie, en France et en Espagne.

Comme il est d'expérience qu'une bonne retraite est généralement suivie d'une bonne année au point de vue spirituel, il y a bien lieu de nous réjouir et de bénir le Seigneur. C'est ce qu'ont fait avec moi les Membres du Régime, à qui j'ai fait part de ces excellentes nouvelles.

Un important projet qui intéresse notre Collège de l'Immaculée-Conception, Calle Lauria, 38, à Barcelone, a nécessité une visite que j'ai faite en compagnie du C . F. Michaélis, Assistant Général, et du C. Frère Econome Général.

Nous avons profité de cette circonstance pour visiter un certain nombre de nos maisons d'Espagne.

Grâce à Dieu, nous avons pu constater que la Très Sainte Vierge Marie, si vénérée dans ce pays sous les vocables de Notre-Dame du Pilar, de Notre-Dame de Monserrat, de Notre-Dame de Begoña, etc., a répandu abondamment ses faveurs maternelles sur nos diverses oeuvres. Tout y est prospère : externats, pensionnats, juvénats, noviciats, scolasticats, etc. – Les Frères y sont animés du véritable esprit de famille, ils ont un zèle digne d'éloge pour la prospérité des oeuvres qui leur sont confiées; il y a parmi eux, à un haut degré, le culte religieux de l'autorité. Je me plais à leur rendre ce témoignage dans cette petite circulaire, étant bien persuadé qu'ils sauront, comme le grand saint Ignace de Loyola, dire dans toute la sincérité de leur cœur : Ad majorem Dei gloriam !

 ELECTIONS DE PROVINCIAUX.

 Les C. Frères Provinciaux de Notre-Dame de l'Hermitage, du Brésil Nord et du Mexique étant arrivés au terme de la période triennale pour laquelle ils avaient été élus, le Conseil Général avait à procéder, pour ces, provinces, à des élections nouvelles. C'est ce qu'il a fait dans sa séance du 10 octobre dernier, et le résultat a été comme il suit :

a) Frère Joseph-Philippe a été élu Provincial de Notre-Dame de l'Hermitage.

b) Frère Conon a été élu de même Provincial du Brésil Nord.

c) Frère Euphrosin, à cause des circonstances particulièrement difficiles où se trouve la province, a été prorogé pour quelque temps, en vertu de l'art. 157 (311) des Constitutions, dans sa charge de Provincial du Mexique.

Recevez, M. T. C. F., la nouvelle assurance de mes meilleurs sentiments de religieuse affection et d'entier dévouement.

   Frère Stratonique.

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