Circulaires 254

Stratonique

1916-01-02

ANNEE 1916. - Dernière année de la neuvaine d'années préparatoire au Grand Centenaire. - Quelques réflexions sur la Foi, - sur la Force, - sur la Ferveur. - Nos Constitutions. - Nos Frères soldats. - Second Noviciat. -Documents de Rome. - Liste des défunts.

254

Circ. Sup.16.1

 V. J. M. J.

                                                                                                Grugliasco, le 2 février 1916.

                                                                             Fête de la Purification de la B. V. Marie.

      Mes Très Chers Frères,

A vous tous qui avez le bonheur d'être membres de notre Institut ou qui aspirez à le devenir, salut paternel plus affectueux que jamais et paix en Notre-Seigneur.

L'année dernière, à pareille date, je vous disais, en mon, nom et au nom des Membres du Régime, combien nous avions été profondément touchés des manifestations de piété filiale qui nous étaient venues en si grand nombre de toutes les provinces, à l'occasion des fêtes de Noël et du nouvel an.

Ces religieuses manifestations de charité fraternelle étaient provoquées principalement par les épreuves terribles occasionnées par la guerre européenne, dont notre chère famille religieuse avait tant à souffrir.

Ce qui eut lieu l'année dernière s'est reproduit cette année avec un redoublement d'intensité.

L'épreuve se prolongeant et ses effets désastreux se multipliant, vous avez voulu mettre vos manifestations de piété filiale à la hauteur des douloureuses circonstances.

Que Dieu en soit béni, et vous M. T. C. F., soyez-en religieusement et cordialement remerciés !

En cette dernière année qui précède, pour notre Institut, la célébration du premier centenaire de sa fondation, il est particulièrement agréable et bien réconfortant pour nous tous de voir se réaliser à un haut degré les vœux suprêmes du Vénérable Père Fondateur relatifs au culte de l'Autorité et à la charité fraternelle entre les Frères.

Il nous est bien permis de penser que, du haut du Ciel où il jouit du bonheur des saints, il contemple avec complaisance ses enfants qui, en cette fin de siècle, sont, il est vrai, sous le coup de grandes épreuves, mais qui aussi s'appliquent de leur mieux à être bien fidèles aux suprêmes recommandations qu'il leur légua par testament spirituel avant de quitter cette vallée de larmes.

 ANNÉE 1916

 DERNIERE DE LA NEUVAINE D'ANNEES PRÉPARATOIRE

AU GRAND CENTENAIRE.

 Que ferons-nous M. T. C. F., pour que 1916 soit vraiment et selon Dieu une année préparatoire à la digne célébration du centenaire de la fondation de notre Institut ?

La réponse à cette question ne peut être douteuse.

Il faudra que nous ayons tous et partout grandement à cœur de faire des efforts exceptionnellement généreux et constants pour avancer d'un grand pas dans la voie de l'imitation vraiment effective du Vénérable Fondateur et de nos illustres aînés des premiers temps de l'Institut, les Frères François, Jean-Baptiste, Louis, Stanislas, Louis-Marie, Laurent, Bonaventure, Pascal Damien, Jean-Marie, Urbain, Léon et combien d'autres qu'il serait trop long de nommer, et qui furent de si beaux modèles des, vertus qui doivent caractériser tout bon Petit Frère de Marie.

Il serait à souhaiter que nous puissions tous être les parfaits imitateurs de toutes les vertus qui brillèrent en eux d'un si vif éclat.

Mais pour nous aider à arriver plus sûrement à un bon résultat, nous agirons sagement en faisant converger principalement nos généreux efforts sur les trois points suivants, foi, ferveur et force.

C'est sur ces trois vertus que j'ai appelé l'attention de tout le personnel de Grugliasco, le 1ierjanvier dernier à la cérémonie traditionnelle des souhaits de nouvel an.

 1° La Foi.

 On ne saurait trop répéter à tous les Petits Frères de Marie qui vivent actuellement et à ceux qui composeront notre famille religieuse dans la suite des âges que le Vénérable Père Champagnat fut un homme de Foi au degré héroïque. Les nombreux témoins l'ont affirmé soit au procès de l'Ordinaire, soit au procès Apostolique pour sa cause de Béatification, et nous avons tout lieu d'espérer que bientôt la sainte Eglise le proclamera de sa suprême autorité.

Ce que nous disons du Vénérable Fondateur sur l'héroïcité de sa foi, nous pouvons le dire aussi du vénéré Frère François. Nous serons heureux et surtout grandement édifiés quand nous en lirons bientôt les nombreuses attestations dans le procès de l'Ordinaire pour sa cause de Béatification.

Un grand nombre de nos premiers Frères formés à l'Ecole du Vénérable Père Fondateur et entraînés par ses saints exemples furent aussi à un haut degré des hommes de foi.

Ce fut là, n'en doutons pas, le principe et le fondement des solides vertus qu'ils pratiquèrent si bien, et qui contribuèrent à donner à notre chère Congrégation cette forte impulsion qui la fit prospérer d'une manière si consolante, malgré les multiples et grandes épreuves qu'elle eut à affronter pendant ce premier siècle qui s'achève.

Je crois qu'il sera utile et très profitable de donner ici des détails historiques sur la manière dont le Vénérable Père Fondateur et nos premiers Frères montrèrent qu'ils étaient à un haut degré des hommes de foi.

Mais avant d'aborder ce petit historique, laissez-moi faire quelques considérations générales sur la vertu de foi.

Pour qu'un arbre puisse vivre, se développer et porter des fruits, il importe qu'il soit bien enraciné et que ses racines s'enfoncent profondément dans une bonne terre. Alors une sève abondante monte des racines et circule dans toutes les parties de son organisme, lui donne l'accroissement et lui fait produire de riches récoltes de bons fruits. C'est ce que nous constatons dans nos vergers et nos jardins.

De même, pour qu'un religieux éducateur puisse réaliser abondamment dans l'exercice de son important ministère auprès de la jeunesse ce que Dieu et l'Eglise demandent et attendent de lui, il est nécessaire, il est indispensable que sa vie morale ait son principe et sa base dans une foi ferme, éclairée et agissante. Il faut que cette foi soit la sève qui féconde tous ses travaux, toutes ses entreprises.

Nous savons tous, M. T. C. F., qu'il est plus nécessaire que jamais, de donner à la jeunesse une solide éducation chrétienne. Les Souverains Pontifes de ces derniers temps ont tous insisté sur ce grand besoin de notre époque. Ils n'ignoraient pas que, dans presque tous les pays du monde, on voit se produire de pernicieux courants qui entraînent les peuples vers l'hostilité contre l'Eglise et les divins enseignements du saint Evangile. Et quand ces courants funestes ne vont pas jusqu'à l'hostilité, c'est vers une indifférence qui peut avoir les suites les plus regrettables pour la grande question du salut des âmes.

Un éminent religieux prêchait la retraite du Régime en juin 1894 à Saint-Genis-Laval. Il nous dit alors une parole qui nous fit une pénible impression. « Le surnaturel, affirma-t-il, a baissé beaucoup depuis cent ans, au moins dans certains pays. »

Que dirait-il aujourd'hui ? Quoi qu'il en soit, il est certain que Satan et ses suppôts ne désarment pas.

Plus grand est le mal plus il importe que le remède soit efficace.

« Je régnerai malgré mes ennemis », a déclaré Notre-Seigneur dans une révélation. Il attend de nous que nous soyons, dans la partie du monde où nous a placés la sainte obéissance, ses dignes et zélés collaborateurs pour contribuer à l'établissement et à l'affermissement de ce règne pacifique et divinement bienfaisant.

Mais c'est ici qu'il importe de nous souvenir qu'on ne donne pas ce qu'on n'a pas.

Pour travailler avec fruit à établir le règne de Jésus-Christ dans la jeunesse dont l'éducation nous est confiée, il faut tout d'abord que nous l'ayons établi solidement en nous-mêmes; et, pour cela, il faut avant tout que nous soyons, à un haut degré, des hommes de foi.

Et maintenant, M. T. C. F., ayons recours aux enseignements de nos Saints Livres pour y puiser une bonne doctrine sur la vertu de foi; c'est à cette source que se trouve certainement le meilleur enseignement.

Et tout d'abord, que pensait de cette vertu Celui qui est le Docteur des Docteurs, Notre-Seigneur Jésus-Christ, la Vérité même ?

« Si vous aviez de la Foi gros comme un grain de sénevé, vous pourriez dire aux montagnes de se déplacer et elles obéiraient.

« Voici les miracles que feront ceux qui auront la foi : ils chasseront les démons, ils guériront les malades, s'ils boivent quelque poison mortel il ne leur fera aucun. mal, etc.

A combien de malades Notre-Seigneur n'a-t-il pas dit : « Allez, mon fils, votre foi vous a sauvé ? »

« Hommes de peu de foi, pourquoi craignez-vous ? » dit-il à ses apôtres épouvantés, alors qu'ils étaient violemment battus par la tempête sur le lac de Génésareth.

A Pierre, dont la foi fléchissait après avoir fait quelques pas sur les eaux, et qui commençait de s'enfoncer : « Homme de peu de Foi, pourquoi avez-vous douté ? »

 « En vérité, en vérité, je n'ai pas trouvé tant de foi dans Israël », dit Notre-Seigneur en parlant du centenier dont il venait de guérir le fils.

« Ma fille, votre foi vous a guérie », dit Jésus à l'hémorroïsse qui venait d'être subitement guérie en touchant la frange de son vêtement.

– « Croyez-vous que je puisse vous guérir ? », dit Notre Seigneur à deux aveugles qui le suivaient en criant : « Fils de David, ayez pitié de nous ! » – « Oui, Seigneur », lui répondirent-ils. Alors; il toucha leurs yeux en disant : « Qu'il vous soit fait selon votre foi. »

A la Cananéenne, le divin Sauveur ému par son ardente et persévérante prière dit : « 0 femme, votre Foi est grande, qu'il vous soit fait comme Vous désirez. » Et sa fille fut guérie à l'heure même.

A la descente du Thabor, après la transfiguration, un homme amène à Jésus son fils possédé d'un démon qui le tourmentait d'une manière affreuse : « Guérissez-le, dit à Jésus ce malheureux père, vos disciples n'ont pu le guérir. » – « Si vous pouvez croire, lui répond le Divin Sauveur, tout est possible à celui qui croit. » Le père répond : « Je crois, Seigneur, mais augmentez ma Foi. » Et le fils fut guéri.

L'aveugle Bar Timée, qui demandait l'aumône sur le chemin de Jéricho, entendant passer la foule qui suivait -Jésus, se met à crier de toutes ses forces : « Fils de David, ayez pitié de moi !» Notre-Seigneur demande qu'on le lui amène : « Que voulez-vous de moi ?» lui dit-il. «Que je voie, répond l'aveugle. » « Allez, lui dit Jésus, votre foi vous a guéri. »

Il y a encore bien d'autres passages du Saint Evangile montrant la grande estime qu'avait Notre-Seigneur pour la vertu de foi et combien il lui attribuait de puissance tant dans l'ordre spirituel que dans l'ordre matériel.

Bornons-nous, pour le moment, à ceux que nous venons de citer. Ils sont bien de nature à exciter en notre âme un grand désir de cultiver et de faire croître en en nous cette première des trois vertus théologales.

Et le grand Apôtre Saint Paul que pensait-il de la vertu de foi ? Ecoutons-le.

Ecrivant aux Galates, il leur dit : « Sachez donc, ô Galates, que ceux qui s'appuient sur LA FOI, sont les vrais enfants d'Abraham.

« Ce sont donc ceux qui s'appuient sur la foi qui seront bénis avec le fidèle Abraham.

« Le juste vit de la foi. »

Ecoutons-le encore disant aux Hébreux les merveilles qu'il attribue à la foi. « Par la foi, dit-il, Abel offrit à Dieu une victime plus agréable que celle de Caïn, par elle il obtint le témoignage d'être juste, Dieu rendant témoignage à ses dons, et par elle il parle encore après son trépas. Par la Foi, Hénoch lut transporté pour qu'il ne vît point la mort. Par la foi, Noé averti de ce qui ne se voyait pas encore, prépara une arche pour le salut de sa famille; Par elle il condamna le monde, et lut institué héritier de la promesse qui vient de la foi. Par la foi, celui qui est appelé Abraham obéit et partit pour le lieu qu'il où devait recevoir en héritage; et il partit ignorant où il allait. Par la Foi, il demeura dans la terre promise comme dans une terre étrangère, habitant sous des tentes ainsi qu'Isaac et Jacob cohéritiers de la même promesse. Car il attendait la cité qui a des fondements éternels, dont Dieu est l'architecte et le formateur. Par la foi, Abraham offrit Isaac lorsque Dieu le mit à l'épreuve, et il offrit son fils unique qui avait reçu les promesses. Par la foi, Isaac bénit pour l'avenir Jacob et Esaü. Par la foi, Jacob mourant bénit chacun des fils de Joseph. Par la foi, Moïse devenu grand, nia qu'il fût le fils de la fille de Pharaon, aimant mieux être affligé avec le peuple de Dieu que de goûter les joies passagères du péché. Par la foi, il quitta l'Egypte sans craindre la colère du roi, car il demeura ferme comme s'il eût vu l'invisible. Par la foi, il célébra la Pâque et lit l'aspersion du sang, afin que l'ange exterminateur des premiers nés ne touchât point aux Hébreux. Par la foi, ils traversèrent la mer Rouge comme sur une terre ferme. C'est la Foi qui a fait tomber les murs de Jéricho. Et que dirai-je encore ? Car le temps me manquerait pour parler de Gédéon, de Barac, de Samson, de Jephté, de David, de Samuel et des prophètes qui, par la foi, ont vaincu les royaumes, accompli la justice, obtenu des promesses, ont fermé la gueule des lions, ont ,éteint la puissance du leu, ont été guéris de leurs langueurs, ont été forts dans la guerre, ont mis en fuite les armées étrangères. Les uns ont été tourmentés, refusant de se racheter afin de trouver une meilleure résurrection ; les autres après avoir souffert les moqueries et les verges, les chaînes et les prisons, ont été lapidés, sciés, éprouvés, tués par l'épée ; ils s'en allaient Çà et la' couverts de peaux de brebis et de chèvres, livrés au besoin, à l'angoisse, à l’affliction, ces hommes dont le monde n'était pas digne : ils étaient errants dans les déserts, dans les montagnes, dans les antres et dans les cavernes de la terre. »

Voilà en abrégé les merveilles que le grand Apôtre raconte de la foi sous l'ancienne loi.

Vous serez peut-être étonnés, M. T. C. F., de trouver dans cette Circulaire une citation si longue tirée des épîtres du grand apôtre Saint Paul. Ce n'est pas sans motif que je propose cette magnifique doctrine Sur la Foi aux méditations de tous nos Frères. J'espère, en effet, qu'elle produira en vos âmes une impression salutaire, qu'elle contribuera à augmenter votre estime pour la vertu de foi et qu'elle vous excitera à prendre les meilleurs moyens pour la faire croître en vous.

Pour aider de plus en plus à atteindre ce précieux résultat, empruntons encore aux écrits des saints Pères et des docteurs de l'Eglise quelques fragments de leur doctrine sur la vertu de foi.

La foi, dit saint Jean Chrysostome, est la lumière de l'âme, la porte de la vie, le fondement du salut éternel.

Le grand saint Bernard, dans un sermon pour la fête de l'Ascension, disait à son auditoire : « Les chaînes, les prisons, l'exil, la faim, le feu, les bêtes féroces, les supplices les plus cruels, n'ont jamais vaincu les hommes de Foi. Voyez les martyrs et les saints missionnaires…. Pour la Foi, et dans le monde entier, non seulement les hommes, mais les femmes, les enfants, les jeunes vierges ont combattu jusqu'à l'effusion de leur sang. »

Voyez ce que la foi fait faire, aux apôtres, à Saint François Xavier, à Saint Vincent de Paul, aux saints de tous les siècles. Voyez les monuments élevés dans les siècles de foi… L'impiété détruit tout…, la Foi relève tout.

Qu'est-ce qui peuple les déserts, les montagnes, les cloîtres de tant d'anges terrestres ? – la foi.

Qu'est-ce qui envoie dans les hospices ces milliers de saintes filles qui renoncent à tous les avantages du monde pour consacrer leur vie à soulager et à partager les misères d'autrui ?- La Foi.

Qu'est-ce qui unit l'Eglise catholique dans tout l'univers, de manière à ce que tant de millions d'hommes de tout rang, de toute condition, de toute nation, de toute langue, ne fassent qu'un ? – la foi.

Qu'est-ce qui engendre les hérésies, les sectes, les schismes, toutes ces divisions, tout ce chaos d'opinions différentes, toutes les révolutions sanglantes et dévastatrices ? – la perte de la foi.

Qu'est-ce qui multiplie les libertins, les scandaleux, les impies, les voleurs, les assassins ? – la perte de la foi.

Qu'est-ce qui entretient dans la famille la paix, l'union le respect, la prospérité de génération en génération ? la foi.

La foi est le fondement des empires, des royaumes, des nations, des provinces, de la société, de la famille.

La foi fait le bon roi, le bon ministre, le bon législateur, le bon juge, le bon prêtre, les bons parents, les enfants dociles et pieux, les vrais fidèles.

En toutes choses, dit saint Paul aux Ephésiens, prenez le bouclier de la foi pour que vous puissiez éteindre tous les traits de l'esprit méchant.

Que la vertu de Dieu vous garde par la foi pour le salut, dit l'apôtre saint Pierre; que l'épreuve de votre Foi, beaucoup plus précieuse que l'or qu'on éprouve par le feu, soit trouvée digne de louange, de gloire et d'honneur dans la manifestation de Jésus-Christ que vous aimez sans l'avoir vu, en qui vous croyez sans le Voir, et croyant, vous vous réjouissiez d'une joie inénarrable, obtenant la fin de votre foi, le salut des âmes.

L'âme qui a la Foi, dit saint Jérôme est le vrai temple de Jésus-Christ, ornez ce temple, revêtez-le, portez-y des dons, recevez-y Jésus-Christ.

Après tous ces magnifiques témoignages puisés aux sources les plus dignes de tout respect, et de toute créance religieuse, qui d'entre nous, M. T. C. F., n'en tirerait pas la conclusion que la foi est un trésor inappréciable et que nous ne devons rien négliger pour la conserver, la fortifier en nos âmes, et à en être les apôtres zélés auprès de ceux à qui notre sainte vocation nous confie la mission de donner le grand bienfait de l'éducation chrétienne ?

 QUELQUES DÉTAILS SUR LA VERTU DE FOI

PUISÉS DANS L'HISTOIRE DE NOTRE INSTITUT.

 Frère François. – Le Frère François étant encore tout jeune (il devait avoir environ 12 ans) manifesta sa foi d'une manière admirable. Monsieur l'abbé Préher, curé de Tarentaise, l'excitait à étudier le latin pour devenir prêtre, ses instances restaient sans nul effet. auprès du jeune religieux. Il lui en témoigna sa surprise. Pourquoi ne voulez-vous pas, lui dit-il un jour, étudier le latin comme votre frère ? – Parce que je ne fais pas ma volonté, répondit Frère François, mais celle de Dieu qui m'est manifestée par mon Supérieur. A cette réponse, le bon curé, reste muet d'étonnement, et de toute la nuit, il ne peut sortir de son esprit ces paroles : « Je ne fais pas ma volonté, mais celle de Dieu ». Le lendemain matin, rencontrant Frère Louis, il lui dit : « Votre petit Frère François m'a empêché de dormir cette nuit; il a des sentiments sublimes ».

C'était la foi héroïque du Vénérable Fondateur qui avait déjà pénétré profondément dans l'âme de son jeune disciple.

 Frère Laurent. – « Je suis bien trop butor et trop mauvais sujet », avait-il répondu à l'invitation qui lui était faite d'entrer comme postulant, dans l'Institut naissant.

Il y entra néanmoins; et, en peu de temps, à l'école du Vénérable Fondateur, il devint, à un très haut degré, Un homme de foi.

Le dialogue qu'il eut avec le Vénérable Père, en montant un jeudi de Lavalla au Bessat, est vraiment sublime dans sa simplicité. Citons-le ici tout entier pour l'édification de tous.

Le Frère porte dans un sac un gros pain, du fromage et des pommes de terre pour se nourrir pendant une semaine.

La neige est abondante, le sentier est verglacé ; il fait très froid. Frère Laurent, bien que très fort et très vigoureux, sue sous son fardeau. Le Vénérable Père, qui fait route avec lui en allant visiter un malade, voyant le Frère tout suant lui dit : « Mon Frère, vous faites là un métier bien pénible. – Vous me pardonnerez, mon Père, il n'est pas pénible, mais extrêmement doux.

– Je ne vois pas ce qu'il y a de si doux à gravir ces montagnes tous les huit jours, à marcher dans ces neiges et dans ces glaces avec un lourd fardeau sur les épaules, au risque de vous jeter dans quelque précipice.

– C'est l'entière certitude que Dieu compte tous nos pas et qu'il paiera par un poids immense de gloire les peines et les fatigues que nous supportons pour son amour. – Vous êtes donc bien content d'aller faire le Catéchisme et la classe dans ces mauvais pays et de porter votre pain comme un pauvre ? – Si content, mon Père, que je ne donnerais pas mon emploi pour tous les biens du monde. – Certes, je vois que vous l'estimez beaucoup, cet emploi, mais le méritez-vous ? – Oh ! non je suis convaincu que je ne mérite pas la faveur d'aller faire le Catéchisme au Bessat, et qu'elle ne m'est accordée que par un pur effet de labonté de Dieu. – Tout ce que vous dites là est très vrai, ce qui n'empêche pas que vous soyez obligé de convenir que vous avez aujourd'hui un bien mauvais jour. – Non, mon Père, c'est un des plus beaux jours de ma vie. »

En disant cela, sa figure était riante, épanouie et de douces larmes de bonheur tombaient de ses yeux. Le Vénérable Père, touché et consolé de tant de vertu, eut de la peine à retenir les siennes.

Evidemment, M. T. C. F., vous êtes tous, et non sans raison, saisis d'admiration à la lecture de ce dialogue entre ces deux hommes desquels on peut dire, en toute assurance, qu'ils étaient vraiment des hommes de Dieu.

Prions le Seigneur de nous donner beaucoup de religieux de la trempe du Frère Laurent. Soyons bien persuadés que ce qui a été possible au commencement du premier siècle de l'Institut peut encore se produire de notre temps et pendant les siècles qui suivront.

 Frère Louis. – « Mon Frère, disait-il souvent à son collaborateur dans l'école de Marlhes : nous avons cent enfants dans nos classes, eh bien ! ce sont cent âmes dont l'innocence nous est confiée et dont le salut dépend en grande partie de nous. »

C'était la foi, et une Foi bien éclairée, qui le faisait parler ainsi.

Oh ! que de bien ferait notre Institut, dans toutes les parties du monde où travaillent nos Frères, si tous pensaient, parlaient et agissaient comme Frère Louis !

« Ne comptez pas, disait Monsieur Allirot au Frère Louis, que votre communauté se soutienne. Pour qu'une oeuvre de ce genre soit solide, il faut bâtir sur le roc, votre Congrégation n'est édifiée que sur le sable, il faut avoir des ressources que vous n'avez pas et que vous n'aurez jamais. – Le roc qui doit servir de fondement à une Congrégation, lui répondit Frère Louis avec beaucoup de calme, c'est la pauvreté et la contradiction ; or grâce à Dieu, nous avons abondamment de ces deux choses, ce qui me fait croire que nous bâtissons solidement et que Dieu nous bénira. »

Il ne se doutait probablement pas qu'en parlant ainsi le langage de la foi, il prophétisait, comme nous sommes heureux de le constater aujourd'hui.

 Frère Dorothée. – Un jour un ecclésiastique qui connaissait sa vertu, le trouvant occupé à garder les vaches, lui dit : « Que faites-vous, mon Frère ? – La volonté de Dieu, mon Père ? – Que gagnez-vous dans votre état de berger ? -Le Paradis. – Un berger, gagner le paradis, croyez-vous bien cela ? – Très fermement, puisque Jésus-Christ a dit : quiconque fait la volonté de mon Père c'est celui-là qui entrera dans le royaume des cieux. – Mais êtes-vous bien sûr de faire la volonté du Père éternel ? – Oui, puisque je fais la volonté de mon Supérieur. – A la bonne heure ! Mais, dites-moi, êtes-vous content dans votre emploi de berger ? – Plus content que si j'étais roi. – Vous ne désirez pas un autre emploi ? – Non mon Père. – Que désirez-vous donc ? – Je ne désire que d'être fidèle à l'obéissance et d'aimer Dieu de tout mon cœur. – Où puise-t-on l'amour de Dieu ? – Dans le Cœur de Jésus. – Quelle est la porte du Cœur de Jésus ? – La Foi, la confiance, la pureté et l'amour. – Savez-vous que Vous en débitez là autant qu'un docteur ? – J'ignore, mon Père, ce que c'est qu'un docteur, mais je sais que ma science est à peine celle d'un enfant qui connaît un peu son catéchisme. – Combien de temps passez-vous chaque jour dans le Cœur de Jésus ? – Le plus que je puis, toujours moins que je ne voudrais. »

Quel admirable modèle de foi vive et pratique pour nous tous ! mais plus particulièrement encore pour nos Frères employés aux travaux manuels.

 Frère Stanislas. – Un jour, il cherchait à retenir un jeune Frère qui avait décidé de se retirer de l'Institut parce qu'il venait de faire un héritage d'un de ses oncles. « Comment, mon Frère, lui dit Frère Stanislas, vous vendez votre vocation et risquez votre salut pour quelques hectares de terre que vous laisse votre oncle ! Oh le sot marché ! quelle folie de préférer la terre au Ciel Qu'il faut avoir l'âme basse pour en agir ainsi! »

C'était la foi vive que possédait en haut degré le saint Frère Stanislas qui avait pénétré son âme d'une si grande estime pour la vocation religieuse et la lui faisait préférer à tous les biens de la terre. C'est aussi la Foi du bon Frère qui avivait son zèle et lui faisait prendre tous les moyens en son pouvoir pour recruter et conserver les vocations.

Soyons ses imitateurs, M. T. C. F., et comme lui, nous contribuerons à la prospérité de notre chère famille religieuse.

Oh ! que les jeunes Frères qui seraient tentés d'abandonner leur sainte vocation par des motifs humains feront bien de méditer les substantielles réflexions du Frère Stanislas et d'en tirer Profit Pour vaincre la tentation et -s'affermir dans leur saint état !

 Frère Bonaventure. – Rien ne peut dire la Vénération que Frère Bonaventure avait pour ses supérieurs, Son grand esprit de foi lui faisait regarder comme venant du Ciel tout ce qui lui venait d'eux. Le supérieur le veut, disait-il, Dieu le veut. On l'employa à toutes sortes d'affaires, On lui commanda toute espèce de choses souvent pénibles, humiliantes; jamais on ne le surprit à témoigner la moindre peine ni à faire la moindre observation. Il avait une telle confiance en ses supérieurs, une telle foi à ce que l'obéissance lui commandait qu'il croyait tout possible dès que les supérieurs le voulaient ou le désiraient.

Le respect, la soumission et la vénération du Frère Bonaventure allaient à tous ses supérieurs quels  qu'ils lussent. Rien de plus édifiant que de le voir demander les permissions ordinaires, rendre compte de sa conduite à de jeunes Frères qu'il avait reçus, formés et élevés. Ne regardant en leur personne que, la personne même de Jésus-Christ, il leur ouvrait son cœur, demandait humblement leurs conseils et suivait leurs avis avec une docilité entière.

Jamais il ne s'est prévalu de son ancienneté, de son expérience ni de l'autorité qu'il avait eue antérieurement sur ceux qui étaient devenus ses supérieurs.

Toujours par principe de foi, il avait pour la Règle la même obéissance que pour les supérieurs.

Cette fidélité à toutes les prescriptions de la Règle était si parfaite et si constante, qu'un Frère qui était son aide au noviciat, en était confondu et presque découragé. « Plusieurs fois, a-t-il déclaré, je me suis surpris à me dire en moi-même : Il n'est donc pas un homme celui-là! »

En regardant un si beau modèle, demandons-nous M. T. C. F., si nous lui ressemblons un peu.

Dans le cas où nous constaterions que nous avons encore à faire pour atteindre à ce degré de perfection, ne nous décourageons pas. Armons-nous plutôt d'un saint courage pour travailler à devenir peu à peu des copies de plus en plus ressemblantes de ce digne et saint religieux.

Je l'ai bien connu moi-même, et je ne puis que corroborer les témoignages que d'autres ont donnés de son grand esprit de foi et des autres vertus caractéristiques du bon Petit Frère de Marie qui ont brillé en lui d'un si vif éclat.

 Frère Léon. – la foi était grande en son âme à la suite de sa retraite annuelle en 1848. C'est par l'impulsion de cette Foi qu'il écrivit dans ses notes ce qui suit -. « Je suis la propriété de Dieu; Il peut donc faire de moi tout ce qu'il voudra sans que j'aie raison de me plaindre. Il peut disposer de moi par la voie de mes supérieurs comme Il l'entendra; c'est-à-dire me mettre aux études ou à un emploi temporel, me charger d'une cuisine, d'une petite classe et m'y laisser toute ma vie, ou me donner tout autre emploi. Ma résolution est donc une sainte indifférence pour tout; mon ambition est de pouvoir dire avec vérité comme ce saint religieux dont parle la vie des Pères des déserts – Je suis la bête de somme du Couvent; le supérieur peut faire de moi tout ce qu'il voudra, partout je serai content parce que je ferai la volonté de Dieu mon Créateur. »

Et ce n'est là qu'une des nombreuses manifestations de la foi vive qui animait cet excellent religieux.

Soyons ses fidèles imitateurs.

 Frère Attale. – Il a entendu l'appel de Dieu pour la vie religieuse, et il est bien résolu d'y correspondre.

Mais il est fils unique, et ses parents, qui ont une certaine fortune, y mettent opposition. Il finit par en triompher, et il entre dans l'Institut.

Les parents guidés par des considérations humaines se décident à tenter un essai pour le ramener auprès d'eux et le faire rentrer dans la vie séculière. Ce sera pour le jeune religieux l'occasion de montrer à quel haut degré l'esprit de foi a pénétré dans son âme.

Le père vient le trouver à La Côte-Saint-André où il est employé comme aide à la cuisine. Après l'avoir flatté, caressé, grondé, menacé même, il lui promet de lui céder tout de suite son domaine estimé environ trente mille francs s'il veut quitter sa soutane et le suivre. Frère Attale, saintement indigné de voir mettre à prix sa vocation, se lève et prenant de ses deux mains le tablier de cuisine qu'il portait, il dit à son père avec respect, mais avec une liberté toute religieuse : « Mon père, vous m'affligez profondément en mettant à prix ma sainte vocation, sachez donc que je l'estime plus que tous les biens du monde, et que vous m'apporteriez vingt-quatre domaines comme le vôtre que je ne vous donnerais pas ce tablier de cuisine. Je vous en conjure, ne me parlez plus d'abandonner mon saint état dans lequel je suis heureux et où je sais que Dieu m'appelle. » Le père, frappé d'une réponse aussi ferme, resta muet et se retira plein d'admiration pour la vertu de son fils.

Et nous aussi, M. T. C. F., n'est-il pas vrai, nous sommes pleins d'admiration pour le grand esprit de foi qui animait le Frère Attale. Il en donna deux magnifiques preuves, la première en persistant à suivre l'appel de Dieu malgré l'opposition de ses parents, la seconde en persévérant dans sa sainte vocation malgré les instances réitérées et alléchantes de son père pour la lui faire abandonner.

Sans doute que le Vénérable Père Fondateur avait contribué pour une bonne part à développer dans cet excellent Frère l'esprit de foi si remarquable dont il était doué.

Heureux sont ceux qui ont le bonheur d'avoir un saint pour formateur et qui sont dociles à ses leçons !

Et vous, mes Frères, qui seriez quelquefois tentés par Satan ou tout autre ennemi d'abandonner votre sainte vocation pour vous procurer des avantages humains de quelque nature qu'ils soient, imitez le Frère Attale, soyez fermes comme lui, laissez-vous, comme lui, guider par des considérations puisées à la source vivifiante et fortifiante de l'esprit de foi, et, comme lui vous triompherez et vous persévèrerez.

 Vénérable Père Champagnat. – « Je ne demanderai jamais à être placé dans tel ou tel poste », dit un jour l'Abbé Champagnat à quelques-uns de ses condisciples du Grand Séminaire qui lui faisaient part de leur projet de demander d'être placés dans un poste à leur convenance. « Je préfère, leur dit-il, m'abandonner à la Providence en me laissant conduire par l'obéissance ; alors je serai content parce que je serai sûr d'être où Dieu me veut et que je pourrai toujours lui dire: C'est vous, Seigneur, qui m'avez donné cette place ; j'attends de vous les secours et les grâces qui me sont nécessaires pour y faire le bien. »

Voilà, M. T. C. F., un langage vraiment inspiré par une grande foi. C'est notre Père et notre Modèle de prédilection qui a parlé ainsi.

Sommes-nous vraiment ses imitateurs ? Dieu veuille que tous nos Frères puissent faire à cette question une réponse affirmative dans toute la sincérité de leur âme et dans toute la générosité de leur cœur !

Vers 1820, M. l'Abbé Champagnat prend dans sa maison des enfants abandonnés ou orphelins, les fait instruire, les nourrit, les habille, les place ensuite dans des maisons de confiance, continuant toujours à veiller sur leur conduite, à les diriger et à leur servir de père.

On le blâme de surcharger ainsi sa maison. Il répond

« Il y a longtemps que j'ai entendu dire que l'aumône n'appauvrit pas et que la messe ne retarde pas, nous allons en faire l'expérience. »  Puis il ajoute avec un grand sentiment de foi : « Dieu, qui nous envoie ces enfants et qui nous fait la grâce de les accueillir nous enverra de quoi les nourrir. »

Quelle belle manifestation de foi héroïque constituent ces, paroles et ces actes de notre Vénérable Père !

Admirons d'abord, car il y a sûrement bien matière à admiration; puis imitons, si des circonstances ménagées par la divine Providence nous fournissent l'occasion d'imiter, en cela, le Vénérable Fondateur, tout en nous conformant toujours, bien entendu, à nos Constitutions et à la direction de nos Supérieurs.

Un autre trait de la foi héroïque du Vénérable Fondateur :

C'était en 1822, le noviciat de Lavalla était complètement vide. Pas un seul novice ! Pas un seul postulant ! C'était l'extinction en perspective de l'Institut naissant.

Que fera le Vénérable en présence de cette stérilité ? – Sa foi héroïque lui fera prendre le moyen des moyens pour conjurer le péril. Ne comptant sur aucun moyen humain, il met toute sa confiance en la bonté divine, il adresse au Ciel de ferventes prières pour demander des sujets. Il ne manque pas de s'adresser à Marie avec une entière confiance; il célèbre la sainte messe; il fait un grand nombre de neuvaines.

La réponse du Ciel à ces ardentes supplications ne se fit pas attendre. En effet, c'est à partir de cette époque que la Congrégation qui avait déjà cinq ans d'existence, mais qui paraissait frappée de stérilité, prit un accroissement qui tient du prodige.

Je suis bien convaincu, M. T. C. F., que le rappel de cet épisode de notre histoire de famille ne manquera pas d'exciter le zèle de tous pour l’œuvre si vitale du recrutement des vocations. Cet exemple du Vénérable Père devra même avoir, il me semble, une efficacité particulière dans les provinces qui sont jusqu'à présent considérées comme étant plus ou moins stériles en vocations religieuses.

 Les événements de 1830. – Habitué à juger TOUJOURS (remarquons le mot toujours ) des choses par l'esprit de foi, le V. Père Champagnat ne fut point effrayé ni moins encore découragé par les événements révolutionnaires de cette époque. Pendant que tout le monde tremble et se livre à de sinistres pressentiments, il reste calme, plein de confiance et de sécurité. « Soyez sans inquiétude, écrivait-il à ses Frères : c'est Dieu qui permet et qui règle tous les événements et qui sait les faire tourner à sa gloire et au bien de ses élus. Les meilleures précautions que vous devez prendre c'est de redoubler de zèle pour votre perfection et pour l'instruction chrétienne des enfants, et enfin de mettre toute votre confiance en Dieu. Votre habit religieux est pour vous une sauvegarde et non un danger; laissez les livrées du monde : elles ne peuvent pas plus vous préserver d'accidents qu'une toile d'araignée. »

Quel beau et saint langage ! M. T. C. F., vous penserez comme je pense moi-même qu'il est tout à fait opportun de le faire nôtre pendant cette affreuse guerre qui secoue si violemment et si désastreusement la malheureuse Europe.

J'insiste particulièrement sur la recommandation du Vénérable Père concernant le port de l'habit religieux. Tenons-y fortement partout et toujours, en voyage, à la maison, quand il fait chaud comme quand il fait froid, portons-le toujours dignement; que tous les éléments qui le composent, soutane, manteau, chapeau, cordon, croix, chaussure soient toujours irréprochables de propreté et en bon état quel que soit leur temps de service. Soyons bien assurés que ce sera de bonne édification pour les confrères, pour les enfants de nos écoles et pour les peuples au milieu desquels nous avons à exercer notre mission d'éducateurs.

 QUESTION DE L'AUTORISATION LÉGALE DE L'INSTITUT.

A ce propos, le Vénérable Fondateur disait à ses Frères avec cet esprit de confiance en Dieu qui le caractérisait : « Je suis sûr (remarquons bien cette expression) que la bonté divine nous exaucera et qu'elle viendra à notre secours. Si elle ne nous accorde pas l'autorisation que nous sollicitons, elle nous fournira quelque moyen pour conserver nos sujets. »

Nous savons que sa confiance ne fut pas vaine et qu'il fut très avantageux pour l’Institut qu'elle fût donnée près de vingt ans plus tard.

 Un mot prophétique du v. p. fondateur au frère stanislas. – Le Frère Stanislas avait de sérieuses craintes pour l'avenir de l'Institut après la mort du Vénérable Père Champagnat, et il se lamentait : « Qu'allons-nous devenir, mon Père, si vous venez à nous manquer ? » « Pauvre Frère !, lui répond le Père que vous avez peu de foi et de confiance en Dieu ! Vous avez donc cru que la prospérité de l'Institut tenait à moi ? Eh bien ! je vous préviens qu'après ma mort, les choses iront mieux que maintenant et que les progrès de la Congrégation feront plus rapides qu'ils ne l'ont jamais été. Vous reconnaîtrez un jour la vérité de ce que je vous dis et vous comprendrez alors que ce n'est pas dans les hommes qu'il faut mettre sa confiance, mais en Dieu qui est tout et qui fait tout. »

La prophétie se réalisa amplement, car treize ans après, à la mort du Frère Stanislas, l'Institut avait plus que quintuplé.

Que cette constatation, M. T. C. F., soit pour nous tous un grand encouragement et une excitation à faire croître en nos âmes la vertu de foi et le culte intérieur pour notre Vénérable Père.

LE SECOND ET LE TROISIÈME CHAPITRE

DE LA VIE DU VÉNÉRABLE FONDATEUR (2e PARTIE).

Quel précieux trésor pour les Petits Frères de Marie que ces deux chapitres ! Il faudrait les transcrire ici tout entiers tellement tout leur contenu nous montre d'une manière saisissante la foi héroïque de notre Vénérable Fondateur. Mais ce serait trop allonger cette Circulaire. Lisons-les, relisons-les, M. T. C. F., méditons-les, savourons-les, et surtout tirons-en des conclusions pratiques : C'est par-là surtout qu'ils produiront des fruits de salut dans nos âmes.

En cette fin de siècle, proposons-nous fortement d'être plus que jamais les admirateurs et surtout les imitateurs de l'héroïque foi du Vénérable Père.

Quelle est la cause qui faisait palpiter le cœur du Vénérable Père Champagnat à la vue d'un clocher catholique ? Evidemment c'était sa grande et vive foi qui lui montrait au-dessous du clocher le tabernacle où réside constamment par amour pour nous Jésus-Hostie.

C'est aussi un principe de foi vive et agissante qui le portait à nettoyer lui-même avec soin l'église de Lavalla , la chapelle de la Vierge, etc. C'est encore par le même motif qu'il se procurait, dans la mesure du possible, de beaux et même de riches ornements pour les diverses cérémonies du culte divin. C'est aussi à cause de sa grande foi qu'il fut si péniblement impressionné au point d'en être malade en voyant l'état de malpropreté d'une église de campagne où il eut l'occasion de célébrer la sainte messe pendant un voyage.

 Prions le Seigneur, M. T. C. F., de mettre dans les âmes de tous les enfants spirituels du Vénérable Père Fondateur les sentiments de foi vive dont il était animé lui-même.

Grand et édifiant sera le spectacle que présentera l'Institut aux yeux de Dieu et aux yeux des hommes en cette fin de siècle si tous nos religieux des différentes parties du monde sont, comme leur Vénérable Père, à un très haut degré, des hommes de foi.

 2°[1]LA FERVEUR.

 Qu'est-ce que la ferveur ? L'auteur de l'Imitation de N. S. J. C. dit : « J'aime mieux sentir la componction que de savoir comment on la définit ». Je pense que nous ferons bien de dire de même au sujet de la ferveur;

D'ailleurs chacun de nous sait très bien ce que c'est qu'un religieux fervent, un novice fervent, un juvéniste fervent, une communauté fervente.

 Toutefois une comparaison ne sera pas ici, hors de propos.

 Selon que le vent souffle Plus ou moins fort dans les voiles d'un navire en marche sur l'océan, il s'achemine d'une manière plus ou moins aisée, Plus ou moins rapide vers le port où il doit arriver.

La ferveur, c'est, au point de vue religieux, le vent moral qui facilite, accélère la marche en avant dans le chemin de la perfection.

Qu'arrive-t-il à un voilier en pleine mer si le vent vient à se ralentir ou même à faire complètement défaut ? C'est la marche plus pénible et plus lente ; c'est même l'arrêt complet.

L'histoire nous apprend que des religieux, des communautés entières ont vu malheureusement la ferveur décroître parmi eux et même disparaître complètement. Il leur est arrivé, hélas! le même sort qu'au navire privé de vent en haute mer.

Il a fallu alors qu'un réformateur ou une réformatrice vienne faire souffler de nouveau le bon vent, et alors ils ont repris leur marche en avant dans la voie de la perfection et de la sainteté.

L'auteur de l'Imitation nous dit au Livre I :

« Chaque jour, nous devons renouveler nos résolutions et nous exciter à la ferveur. »

« Un homme fervent et zélé est disposé à toutes choses. »

« Heureuse l'âme qui devient chaque jour de plus en plus fervente ! »

Nous pouvons bien appliquer à la ferveur la onzième maxime du Vénérable P. Champagnat et dire: « Les Frères fervents sont des hommes précieux qu'on ne saurait assez estimer; ils sont les colonnes de l'Institut, plus nous en aurons, plus l'Institut sera florissant, plus il sera béni de Dieu. »

En présence de cette maxime du Vénérable, qui d'entre nous, M. T. C. F., ne sentirait pas croître -en son âme l'estime pour la ferveur, et ne désirerait pas ardemment d'être classé parmi les religieux très fervents ?

Laissez-moi mettre encore ici sous vos yeux et recommander à votre religieuse attention le début d'un cantique qui se chante de temps en temps dans nos chapelles et dans nos classes :

Goûtez, âmes ferventes,

Goûtez votre bonheur;

Mais demeurez constantes

Dans votre sainte ardeur.

Heureux le cœur fidèle Où règne la ferveur !

On possède avec elle

Tous les dons du Seigneur.

 DEUX SORTES DE FERVEUR.

 Le Frère Jean-Baptiste, dans les Avis, Leçons, Sentences, nous enseigne qu'il y a plusieurs sortes de piété.

Nous pouvons dire aussi qu'il y a au moins deux sortes de ferveur.

La première est une ferveur où domine le sentiment, on l'appelle la dévotion sensible. C'est celle qu'éprouvent nos jeunes novices qui viennent de prendre l'habit religieux quand ils répondent au célébrant qui leur demande s'ils sont contents d'être morts au monde : « Nous en sommes ravis de joie et nos cœurs en sont dans la plus vive allégresse ! » C'était aussi la ferveur sensible qui faisait dire à saint  François  Xavier et à d'autres saints : « Assez, assez de consolations, Seigneur ! »

Notre Frère Louis avait aussi en partage cette ferveur-là. Il disait en effet, peu de temps avant de mourir, à un Frère pour lequel il n'avait rien de caché : « O mon Frère, que l'amour est doux ! que l'amour est fort ! si vous saviez quels assauts il me livre ! Dans la méditation, à la sainte Messe et surtout après la Communion je sens mon cœur tellement embrasé et si plein de délices ineffables, que j'en suis tout transporté. »

Mais cette dévotion sensible est une faveur qui n'est pas donnée à tous. On peut même dire qu'elle n'est le partage que d'un petit nombre. De plus, pour ceux qui ont le bonheur de la posséder, elle ne dure pas toujours.

La seconde sorte de ferveur est celle qui réside principalement dans la volonté, dans cette faculté de l'âme où chacun est maître. Nous pouvons donc tous avoir et avoir toujours cette ferveur; il suffit de le vouloir. Le Frère Jean-Baptiste l'appelle la dévotion du coude; elle consiste à bien agir, à être homme de travail, à se dévouer entièrement à son emploi, à agir par devoir, et cela, bien entendu avec pureté d'intention.

« Rien par goût, tout par devoir ! » tel est le mot d'ordre d'un célèbre prédicateur à la clôture d'une retraite il y a quelque quarante ans.

Cette seconde sorte de ferveur consiste encore d'une manière spéciale à apporter une très grande application à tout ce qui est extérieur dans tous les actes religieux.

Il y a une manière fervente et aussi une manière non fervente ou peu fervente de faire le signe de la croix, de prendre de l'eau bénite, de faire la génuflexion, de s'incliner au Gloria Patri, etc. Il y a aussi une manière fervente et une manière non fervente de se tenir pendant les prières de communauté, de tenir son livre pendant la récitation de l'office, etc. Il y a un ton de voix et une articulation des mots qui indiquent la ferveur dans celui qui récite la prière et dans ceux qui répondent. Il y a une manière fervente de se tenir dans les églises, dans nos chapelles, d'y prier, d'y chanter, etc. ; il y a parfois malheureusement une manière peu fervente de faire tout cela.

Il m'a été donné d'être témoin, dans notre Institut et dans d'autres Congrégations, d'exemples admirables de cette ferveur dans les actes de religion. Je voudrais pouvoir donner des détails à ce sujet ; les limites de cette Circulaire ne le permettent pas. Qu'il me suffise de dire que les exercices de piété faits en communauté, avec une grande dignité religieuse firent toujours sur moi une très forte et très salutaire impression d'édification.

Disons ici, que le R. Frère Louis-Marie, de vénérée mémoire, a donné à ce sujet des détails magnifiques dans sa Circulaire du 6 juin 1874. Combien il est à souhaiter qu'elle soit lue en communauté et en particulier, et qu'on en tire des conséquences bien pratiques pour l'accomplissement très fervent des exercices religieux dans toutes nos Communautés !

Quel service précieux nous nous rendrions les uns aux autres si tous et partout, nous avions grandement à cœur de donner constamment le bon exemple de la ferveur de volonté comprise comme nous venons de l'expliquer.

On créerait ainsi une atmosphère de piété éminemment salutaire à tous nos Religieux.

 QUELQUES DÉTAILS SUR LA FERVEUR DANS L'INSTITUT

PENDANT LE 1ier SIÈCLE ET NOTAMMENT DANS LES PREMIERS TEMPS.

 – Vers l'an 1820 la ferveur était grande à Lavalla et dans les établissements. Un des novices de cette époque en dressa plus tard le tableau. Il est vraiment si beau et si édifiant, qu'il sera utile à tous de le placer ici dans son entier.

« La Communauté, quoique composée de gens simples et peu instruits, retraça bientôt les vertus de son chef.

« L'amour de la prière, le recueillement et la ferveur étaient admirables. On trouvait le temps des exercices de piété trop court ; on demandait à continuer ses entretiens avec Dieu, on regardait comme une faveur insigne de les prolonger, de faire une visite au Saint Sacrement, de réciter un chapelet, ou de faire quelque autre exercice semblable pendant les récréations, ou le soir après qu'on avait lu le sujet de méditation. Pendant tout le temps que j'ai eu le bonheur de passer au noviciat, je ne sache pas qu'aucun novice ait manqué de se lever à l'heure et de faire sa méditation avec la Communauté. S'il arrivait à quelqu'un de faire une faute, de manquer à un point de Règle, il n'attendait pas d'être repris; mais il demandait lui-même une pénitence à genoux devant la Communauté. La charité, l'union, la paix étaient admirables. Jamais aucune dispute, jamais aucune parole propre à offenser ou à blesser quelqu'un n'a été entendue parmi nous; nous nous aimions tous comme des frères; point d'amitiés particulières, point d'antipathies, point de singularités; nous n'avions tous qu'un cœur et qu'une âme. Quelqu'un était-il dans le besoin ? tous les autres rivalisaient de zèle et de dévouement pour le secourir et pour le soulager. Le temps des récréations se passait à chanter des cantiques ou dans des entretiens toujours édifiants. Les plaintes, l'ennui, le découragement étaient inconnus. Une douce gaîté, une sainte joie, une grande modestie étaient les dispositions habituelles de chacun et se faisaient remarquer sur tous les visages. L'amour le plus tendre et le respect le plus profond pour notre bon Père et pour les Frères qui  nous dirigeaient et qui nous instruisaient, l'obéissance et la soumission la plus parfaite à leurs volontés, la simplicité et l'humilité: telles étaient les principales vertus qui brillaient dans la conduite de tous les Novices. Oh ! heureux temps, où êtes-vous ! je ne puis m'en rappeler le souvenir uns que les larmes M'en viennent aux yeux. »

La ferveur régnait aussi à un haut degré dans les établissements.

Il y a 96 ans que nos aînés dans l'Institut pratiquaient ainsi la ferveur. Que les postulants et jeunes Frères de tous nos noviciats, que les Frères des établissements aient sérieusement à cœur de leur ressembler. Avec l'aide de Dieu et de la bonne volonté, nous pouvons être aujourd'hui ce qu'ils étaient alors.

 FERVEUR DES FRÈRES PENDANT LA CONSTRUCTION DE L'HERMITAGE.

  – Soutenus et animés par les instructions du Vénérable Fondateur et par ses exemples, les Frères furent admirables de piété, de modestie, de dévouement et d'activité tout le temps que dura la construction de la maison. Les ouvriers ne pouvaient assez admirer l'esprit de mortification, d'humilité et de charité qui régnait parmi les Frères ; ils en furent si frappés, qu'ils en témoignèrent hautement leur admiration. Les bons exemples des Frères ne furent pas perdus; les ouvriers, après les avoir admirés, finirent par les imiter autant qu'il était en eux, de sorte que bientôt ils devinrent silencieux, modestes, retenus dans leurs paroles et pleins d'égards et de charité les uns pour les autres.

1 Quel bel exemple pour nous tous, M. T. C. F., et surtout pour nos Frères employés aux travaux manuels! La règle du silence est-elle toujours bien observée parmi eux ?

 PIETE DU FRÈRE STANISLAS VERS LA FIN DE SA VIE.

 – La piété du Frère Stanislas se soutint jusqu'à la fin et ne fit que croître avec ses infirmités. Pendant sa dernière maladie, alors qu'il n'en pouvait plus, qu'il avait peine à faire quelques pas, il se rendait encore à tous les exercices de communauté ; il y allait en se traînant le long des murs ou en s'appuyant sur le bras d'un confrère. A la fin quand il ne lui fut plus possible d'articuler lui-même ses prières, il demanda avec instance qu'on les fît à côté de son lit, et il les suivait et s'y unissait avec une ferveur admirable.

Nos Frères malades et nos Frères infirmes ont là un modèle bien digne de fixer leur attention. Je les invite à s'efforcer de marcher sur ses traces.

 UN MOT DE FRÈRE LÉON SUR LA FERVEUR.

 – Un jour il reprenait les Frères de sa communauté parce qu'ils avaient manqué au silence pendant un moment de temps libre. Un d'entre eux se permit de lui dire qu'il était trop sévère et qu'on pouvait être un bon religieux: sans s'assujettir à toutes ces petites règles pourvu qu'on soit fidèle aux vœux et aux règles essentielles. « Vous vous trompez, mon Frère, lui dit-il; sachez qu'il n'y a ni véritable piété, ai ferveur, ni solide vertu sans une constante fidélité aux petites règles. »

Belle parole !

Qu'elle soit pour nous, M. T. C. F., comme un mot d'ordre qui nous guide toujours dans la voie indiquée par Frère Léon pour être vraiment fervents.

 FRÈRE ÉLISÉE MODÈLE DE VRAIE FERVEUR

 POUR NOS FRÈRES CHARGÉS DU TEMPOREL.

  – Frère Léon qui l'avait eu pour cuisinier aux Vans disait de lui : « Frère Elisée mérite d'être admis à la profession; car il est un Frère des plus pieux que j'ai connus. Sa piété a des qualités bien rares : elle est aimable et lui donne une douce gaîté que rien ne peut altérer; elle est soutenue : tous les jours de l'année ce bon Frère est le même, toujours fervent, toujours exact à tous ses exercices. Malgré ses grandes occupations, il ne manque jamais de temps pour prier et Pour faire ses lectures spirituelles. Comme je lui proposais un jour de le dispenser de son office parce qu'il était malade, il me répondit : je vous en supplie, laissez-moi dire mon office, la prière me guérit, et je ne sens point de mal pendant que je prie. Voulant une autre fois le dispenser d'un exercice de piété parce qu'il était surchargé d'occupations: la prière, me dit-il, me donne des forces pour faire mon travail, et sans elle je vous l'avoue bien franchement, je ne suffirais pas à ma tâche. »

Une autre qualité de la ferveur du Frère Elisée, c'est qu'elle était éclairée. En effet, ce bon Frère n'était pas de ces personnes à tête faible qui négligent leur emploi

sous prétexte de se livrer à la prière; personne dans la maison ne faisait autant de travail que lui et personne ne priait davantage.

 UNE NOTE DE RETRAITE DU FRÈRE NICETAS.

 – Je dois avoir une grande dévotion à l'Eucharistie à cause de ma qualité de Religieux. Nul n'est plus obligé d'aimer et de visiter Jésus-Christ au Saint Sacrement que les Religieux, car c'est particulièrement pour eux que Jésus-Christ a institué cet auguste Sacrement; c'est aux Religieux que le divin Sauveur se communique familièrement; c'est à eux que le Saint-Esprit fait cette recommandation : « Que le leu ne cesse jamais de brûler sur mes autels ». Ces autels sont les cœurs des Religieux qui doivent se consumer d'amour pour Jésus au Saint Sacrement.

Sommes-nous, M. T. C. F., de fidèles imitateurs du Frère Nicétas en visitant fréquemment et surtout fervemment Notre-Seigneur au Saint Sacrement, principalement dans les Maisons où nous avons le bonheur d'avoir une chapelle. Grâce à Dieu, un grand nombre de nos maisons possèdent aujourd'hui cet inestimable avantage. Il est bien à souhaiter que partout où la chose est possible on fasse les démarches voulues pour se le procurer.

 Frère Ribier. – Quand on lit sa belle biographie, on a la persuasion qu'il a été pendant toute sa vie et en tout un religieux éminemment fervent. Lisons-la, M. C. F., et surtout imitons la ferveur de ce saint Religieux. 0 mon Dieu, faites qu'il y ait toujours beaucoup de Frères Ribier dans notre Institut, et plus particulièrement en cette époque du centenaire !

 Frère Pascal. – Pendant près de sept années consécutives j'ai eu l'avantage d'avoir le Frère Pascal pour Assistant.

Je dirai seulement un mot pour le caractériser tout à la fois sommairement et complètement.

Il était la ferveur incarnée. Je suis bien convaincu que tous ceux qui ont été sous sa direction et qui sont encore vivants souscriraient à ce témoignage.

On ne lira jamais trop sa magnifique biographie.

Il est bien à souhaiter qu'on en ait, le plus tôt possible, de bonnes traductions dans les langues diverses qui sont parlées dans l'Institut.

 LE VÉNÉRABLE PÈRE FONDATEUR MODÈLE DE FERVEUR.

– Pour terminer cet article sur la ferveur, portons nos regards sur le Vénérable Père Fondateur.

 C’est bien de lui que nous pouvons dire avec encore plus de vérité que du Frère Pascal, il était la ferveur incarnée.

En effet, toute sa vie, qui fut si active, n'est qu'un tissu d'actes vivifiés par une très grande ferveur. Nous savons tous combien ferme était sa volonté ; nous savons aussi qu'elle était constamment orientée vers le bien, vers la gloire de Dieu, vers le salut des âmes, et avant tout, vers sa propre perfection. Et c'est bien là ce qui constitue la vraie ferveur, comme nous l'avons expliqué.

Dieu veuille qu'en cette fin de siècle nous soyons plus que jamais ses fidèles imitateurs

 3° LA FORCE.

 Nous n'ignorons pas, M. T. C. F., que la force ou plutôt les forces matérielles jouent un rôle très important dans la terrible guerre qui ensanglante et conduit à la ruine la plupart des nations d'Europe. On se sert de toutes les découvertes de la science moderne pour devenir plus fort que l'adversaire et essayer de le réduire à l'impuissance.

Quelle valeur aux yeux de Dieu ont tous ces déploiements de forces desquelles on dit souvent qu'elles sont merveilleuses ?

Hélas ! il faut répondre que bien petite est leur valeur puisqu'elles ne servent qu'à des intérêts passagers lesquels ne sont que des bagatelles en comparaison des intérêts éternels qui devraient faire l'objet principal des préoccupations et de l'activité des peuples et des individus.

Il est des batailles bien différentes de celles qui se livrent aujourd'hui d'une manière si effrayante sur terre, sur mer et dans les airs. Ce sont celles dont nous parlent nos saints Livres : La vie de l'homme sur la terre est un combat continuel. Nous avons à lutter contre trois ennemis qui ne désarment jamais : 1° Satan qui rôde sans cesse autour de nous comme un lion rugissant pour chercher à nous dévorer; 2° le monde qui aujourd'hui peut-être plus que jamais multiplie ses moyens d'attaque et de séduction semant parmi les peuples des germes de dépravation et d'incrédulité ; 3° notre mauvaise nature inclinée au mal qui fait partie de nous-mêmes et que nous sommes condamnés à porter toujours avec nous.

Que faire pour être toujours victorieux dans cette terrible lutte contre ce triple ennemi, lutte qui dure avec plus ou moins d'intensité pendant toute la vie de l'homme ?

Il faut être vigilant et fort. Où puiserons-nous cette force qui a été le partage des saints ?

L'apôtre saint Paul qui eut à soutenir de si rudes combats contre le triple ennemi nous a indiqué les sources où il puisa la force qui le rendit toujours victorieux. La première est la pratique de la mortification : « Je châtie rudement mon corps et je le réduis en servitude » ; la deuxième est l'union avec Jésus-Christ qui est le Pain des Forts : « Je puis tout en Celui qui me fortifie ».

Dieu veuille qu'en cette fin de siècle notre Institut soit composé de religieux ayant à un haut degré le précieux don de force qui nous fera triompher de tous les obstacles que nous pourrons rencontrer dans l’œuvre de notre sanctification personnelle et, dans celle si importante de l'éducation chrétienne de la jeunesse !

Nous demanderons les uns pour les autres à la Très Sainte Vierge Marie cette seconde des vertus cardinales en récitant avec une grande ferveur le verset que nous redisons plusieurs fois par jour en communauté.

Dignare me, laudare te, Virgo sacrata. Da mihi virtulem contra hostes tuos.

Rendez-moi digne de vous louer, ô Vierge sacrée. Donnez-moi la force contre vos ennemis.

Nous ferons de même pour la fin de la prière: ô Jésus vivant en Marie, que nous disons chaque jour à la prière du matin.

Faites, ô Jésus, que, malgré toute puissance ennemie, votre règne s'établisse pleinement sur nous.

LE VÉNÉRABLE PÈRE CHAMPAGNAT

MODÈLE REMARQUABLE DE FORCE SPIRITUELLE.

– Un des caractères les plus saillants du Vénérable Père Champagnat a été la force d'âme, la virilité spirituelle. Les témoignages qu'il en a donnés pendant sa vie et surtout pendant les 23 années qu'il a employées à fonder notre Institut, sont très nombreux.

Nous savons en effet qu'il a été constamment aux prises avec des difficultés multiples et qui lui vinrent de toutes sortes de personnes. Toute sa vie, dit le Frère Jean-Baptiste au chapitre xi de sa vie, 2ième partie, le Père Champagnat fut contrarié, blâmé, persécuté d'une manière ou de l'autre. Et nous savons que grâce à sa grande force d’âme et avec l'aide de Dieu, il ne se laissa jamais aller au moindre découragement.

C'est bien le cas de redire ici une fois de plus la parole si remarquable qu'on lui a entendu prononcer plusieurs fois : « Toute la terre serait contre moi que je ne reculerais pas. Il me suffit que Dieu veuille la chose et que mes supérieurs l'approuvent; peu m'importent après cela les contradictions des hommes et les difficultés, je n'y fais aucune attention; s'il fallait s'arrêter quand quelques difficultés viennent barrer le chemin, on ne ferait jamais rien. »

Quelle parole admirable ! Plus on la considère, plus on en est profondément impressionné.

O mon Dieu ! faites qu'en cette année préparatoire

au centenaire, tous nos Frères aient à cœur plus que jamais de faire croître en eux cette vertu de force qu'a pratiquée si héroïquement celui que vous nous avez donné pour Père et pour modèle !

 NOS CONSTITUTIONS.

 Onze mois encore, et la grande année du Centenaire de notre Institut aura commencé son cours. Après un siècle, l'âme du Vénérable Fondateur est-elle encore vivante parmi nous ? son esprit et sa doctrine sont-ils encore le code de notre vie ? Nous avons pour répondre à toutes ces questions un instrument d'évaluation bien simple et très sûr: c'est le thermomètre de notre fidélité à nos Constitutions. Ces Constitutions sont en effet comme le développement normal, l'achèvement progressif des premiers règlements établis par le Vénérable Fondateur, puis par ses successeurs animés de son esprit, tel le chêne d'aujourd'hui contenu en puissance dans le gland jeté en terre il y a cent ans.

Nous avons fait l'historique de cette évolution dans notre Circulaire du 2 février 1909. En 1910, par des considérations plus générales, nous présentâmes les Constitutions comme l'ossature, la charpente d'un Corps religieux ; les années suivantes, à la même date du 2 février, quelques articles particuliers furent successivement analysés et commentés, v. g. l'art. 144 qui fait un très grave devoir au Supérieur Général d'user de son autorité pour exiger de tous l'observance des Constitutions; l'art. 67 sur la question capitale des Etudes religieuses; l'art. 71 sur le silence : « Nécessaire dans « une communauté pour y maintenir le recueillement, « la piété, la régularité, la paix, la charité et l'amour du travail » ; et enfin les art. 206 et 207 qui mettent en garde contre certaines causes de décadence et même de ruine pour l'Institut ou indiquent les meilleurs moyens de travailler efficacement à sa conservation et à son accroissement.

Aujourd'hui, M. T. C. F., ayant toujours pour objectif le retour à l'esprit du Vénérable Fondateur à l'occasion du Centenaire, nous étudierons l'art. 58 ainsi conçu: « Pour rendre leur obéissance plus méritoire et plus « facile, ils s'accoutumeront à ne voir dans leurs Supérieurs. quels qu'ils soient, que la personne de Jésus« Christ, et ils leur obéiront comme à Dieu même. »

Cet article est-il l'écho de la doctrine du Vénérable Père Champagnat ? Reportons-nous à l'heure de sa mort. Rappelons-nous aussi ces fortes paroles de Job que nous lisons à la VIIIe Leçon de l'office des Morts : « Oh !  qui me donnera que mes paroles soient écrites ! qui me donnera qu'elles soient consignées dans un livre !  Je voudrais qu'avec un burin de fer et du plomb  elles fussent pour toujours gravées dans le roc. » Même ardeur enflamme notre Vénérable Père. Pour léguer à ses enfants le témoignage authentique de ses volontés dernières, il les dicte au Frère Louis-Marie sous la forme solennelle de Testament spirituel. Ecoutons-le, prosternés en esprit dans un coin de sa chambre, derrière le Vénéré Frère François et les autres témoins de cette inoubliable scène de famille : « Au nom du Père  et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il… Je désire  qu'une entière et parfaite obéissance règne toujours, parmi les Frères de Marie ; que les inférieurs envisageant dans les supérieurs la personne de Jésus-Christ, leur obéissent de cœur et d'esprit, renonçant toujours s'il est besoin, à leur volonté et à leur jugement propres. Qu'ils se souviennent que le religieux obéissant remportera des victoires, et que c'est l'obéissance principalement qui est la base et le soutien d'une communauté. Dans cet esprit, les Petits Frères de Marie se soumettront, non seulement aux premiers Supérieurs mais encore à tous ceux qui seront préposés pour les diriger et les conduire. Ils se pénétreront bien de cette vérité de foi, que le Supérieur représente Jésus-Christ, et qu'il doit être obéi quand il commande,  comme si c'était Jésus-Christ lui-même qui commandât.»

Eh bien ! M. T. C. F., le rapprochement des deux textes n'est-il pas suggestif ? Testament et Constitutions n'accusent-ils pas une commune origine ? n'est-ce pas la même doctrine ? Ne nous en étonnons pas ; c'est la doctrine de l'Eglise elle-même, car suivant l'expression très frappante et très juste du Vénérable Père, c'est une vérité de loi. Cette vérité nous l'avons tous étudiée depuis longtemps, car elle se trouve exposée dans nos Principes de perfection chrétienne, 2e Partie, Chapitre VI, Ire section, sous ce titre : Qu'est-ce que croire au supérieur ? La réponse forme ce que nous pourrions appeler les six articles du Credo du Religieux obéissant. Nous allons les analyser et les développer successivement, car ils nous paraissent le meilleur commentaire .de l'article 58 de nos Constitutions.

 1ierARTICLE.

 « Je crois  que  le Supérieur tient la place de Dieu et  qu'il  nous  représente Jésus-Christ. »

Cette formule n'est point nouvelle. Dès le noviciat on la récite; je dis qu'on la récite, car inattentifs à l'action de la Providence dans le monde ne le sommes-nous pas aussi à la présence de Dieu dans les supérieurs, et au gouvernement que, par eux, il exerce sur nos âmes ! Notre foi au supérieur est-elle dans nos intelligences  et nos cœurs en même temps que sur nos lèvres ? Notre foi au Supérieur est-elle fortement éclairée, solidement basée sur la Sainte Ecriture ? Quel ressort seraient pour notre obéissance une claire lumière et un vif sentiment de cette doctrine ! Comme notre tempérament moral serait mieux immunisé contre ces principes pernicieux flottant partout dans l'air : tendances à l'égalité, au nivellement ; prétentions à la liberté sans contrôle ; attaques réitérées et sans mesure contre quiconque détient une part de l'autorité sociale; en un mot, esprit révolutionnaire venu directement de l'ange révolté qui cria jadis devant le Souverain Maître du Ciel : « Je ne servirai pas ». Le mal est si grand que Notre Saint-Père le Pape Benoît XV, dans sa première Encyclique sur la Paix, recherchant les causes de l'ébranlement des sociétés et les maladies dont elles meurent, et les ayant réduites à quatre chefs principaux, place au second rang le mépris de l'autorité : « La seconde cause de la perturbation générale, dit-il, c'est qu'on ne respecte plus l'autorité de ceux qui ont en main le pouvoir. Dès le jour, en effet, qu'il a plu aux gouvernements humains de faire dériver l'origine du pouvoir, non plus de Dieu Créateur et Dominateur, mais de la libre volonté des hommes, les liens qui devaient unir dans le devoir les dirigeants et leurs sujets se sont tellement affaiblis qu'ils semblent avoir presque complètement disparu. Un goût immodéré d'indépendance uni à l'esprit de révolte s'est peu à peu infiltré partout. Chose plus triste encore à déplorer, cet esprit a pénétré jusque dans le sanctuaire. De là naît le mépris des lois ; de là les révolutions des foules ; de là cette pétulance qui trouve à reprendre à tout  ce qui est commandé ; de là ces mille voies ouvertes à  l'énervement de la discipline… En face de cette dépravation des idées et des mœurs qui corrompt la constitution de la société humaine il ne Nous est pas permis de nous taire, Nous à qui Dieu a commis le magistère de la vérité ; Nous devons avertir les peuples de cette doctrine que la fantaisie d'aucun homme ne peut changer : Il n'est de pouvoir que de Dieu, et ceux qui existent C'est par Dieu qu'ils ont été institués[2].

« Toute autorité qui s'exerce parmi les hommes,  – continue le Saint-Père, – que ce soit celle du prince ou du subalterne, a Dieu pour origine. C'est pourquoi ce n'est pas une obéissance quelconque mais une obéissance religieuse, c'est-à-dire inspirée par le devoir de la conscience, que saint Paul demande aux ordres de ceux qui commandent en vertu de leur pouvoir sauf le cas où ils ordonnent quelque chose de contraire aux lois divines. Il est donc nécessaire d'être soumis non seulement par la crainte du châtiment mais aussi par motif de conscience[3]. »

Cette citation est un peu longue, M. T. C. F., mais où trouver un résumé plus excellent de l'enseignement traditionnel de l’Eglise sur l'origine divine de tout pouvoir ici-bas ? Notre Saint-Père le Pape ajoute qu'il ne peut se taire sur cette question parce qu'en ses mains est le magistère suprême de la Vérité. Et moi, puis-je me taire, moi pour qui c'est un grave devoir comme Supérieur Général de veiller à l'observation des Constitutions. et par conséquent de maintenir les principes surnaturels qui en sont le point d'appui ? Qu'il s'agisse de chrétiens ou de religieux c'est toujours le dogme de l'origine divine du-pouvoir qui éclaire cette vaste région morale dont l'obéissance est la reine; mais si dans leur fond essentiel ces doctrines sacrées sont les mêmes pour tous, notre obéissance à nous, rehaussée par notre vœu, nous assure des avantages Lien plus remarquables qu'aux simples chrétiens, si nous lui donnons pour fondement une foi robuste en la présence de Dieu dans le Supérieur.

Pour ranimer cette foi dans nos âmes, écoutons cette belle page de Mgr Gay, coadjuteur de Mgr Pie, et voyons quels magnifiques horizons elle ouvre devant nous. « Le jour où, selon la forme prescrite par vos Constitutions, un Supérieur quelconque a été régulièrement établi dans sa charge, au nom de Dieu, source de tout pouvoir, au nom du Souverain Pontife, vicaire du Christ en terre, principe de toute juridiction et Supérieur premier de tous les religieux, il s'est passé, dans votre communauté, quelque chose d'analogue à ce qui se produit sur l'autel au moment de la consécration. Je veux dire que, comme à l'instant où le prêtre qui tient le pain achève la formule sacrée, Jésus-Christ, Homme-Dieu, prend la place de ce pain et se rend substantiellement présent sous les espèces sacramentelles ; de même dès que toutes les conditions canoniques de l’élection ou de la nomination se sont trouvées remplies, Dieu s'est rendu réellement présent d'une présence toute particulière dans la personne du Supérieur choisi. Ici et là, ç'a été pour le sens humain un pur mystère de foi; mais ici comme là ç'a été en soi-même une réalité toute divine…

Dans le Supérieur devenu ainsi une sorte de sacrement humain, les apparences, il est vrai comme celles de l'Eucharistie, restent petites, fragiles et misérables ; mais comme celles du pain consacré, elles contiennent réellement Dieu pour le transmettre aux hommes. Dieu est dans l'eau du baptême pour régénérer l'âme et lui communiquer la vie surnaturelle ; il est dans le saint chrême pour faire croître cette belle âme et la rendre divinement virile ; il est dans la sentence du prêtre pour remettre les péchés; il est substantiellement sous les espèces du pain pour entretenir la vie de la grâce. Vous broyez tout cela sur la parole du Christ : croyez donc cette même parole, que par la même vertu à laquelle rien n'est impossible, Dieu est présent dans cette créature investie du pouvoir; et que la fin de cette présence est de vous façonner à la sainteté et de vous conduire à la perfection où vous engage l'état que vous avez embrassé. »

Nous admettons bien cette doctrine, en théorie, M. T. C. F., mais dans la pratique, notre foi au Supérieur est-elle vivante ? Lorsque Notre-Seigneur manifestait sa puissance par des miracles ou qu'il resplendissait d'une lumière surnaturelle sur le Thabor, il trouvait des disciples prosternés dans l'adoration ; lorsqu'il était le jouet des soldats et s'affaissait tout pantelant sur le Calvaire, les disciples scandalisés avaient disparu. Leur foi dormait : ils ne voyaient plus Dieu dans leur maître. N'est-ce pas l'histoire de plusieurs parmi nous ? Que leur Supérieur soit doué de qualités brillantes, ils s'inclinent pleins de respect; mais le trouvent-ils trop dépourvu à leur gré de talents naturels, ils lui comptent parcimonieusement leurs marques de déférence et leurs actes de soumission. Le C. Frère Pascal, Assistant, nous donne sur ce point l'exemple d'une conduite bien différente. Professeur au pensionnat de Beaucamps, il eut pour Directeur un Frère qui ne fut que peu de temps en charge, assez toutefois pour exercer la vertu de sa communauté par des commandements ridicules ou donnés d'une manière peu sensée. A l'exemple de Jésus., dont l'obéissance à ses bourreaux fut, en un sens, plus méritoire que celle qu'il rendait à Marie et à Joseph, Frère Pascal, voyant Dieu dans son Supérieur, en dépit des apparences, porta l'obéissance à un degré héroïque. C'est le témoignage que rendait de lui le Père prédicateur de la retraite. S'il n'est pas facile de s'élever à une telle hauteur, tenons du moins devant nos yeux un idéal élevé. Pour nous y aider écoutons encore ces quelques exemples ou comparaisons.

Saint Pierre n'était qu'un vulgaire preneur de poissons mais il plut à Jésus d'en faire son représentant sur terre, de lui confier les clefs du royaume des Cieux ; et tout ce que ce pauvre pêcheur de Galilée lia sur terre fut lié au Ciel.

Un enfant fait ses études au Séminaire, arrive à la prêtrise. Le jour de son ordination, il s'assoit au tribunal de la Pénitence. Un vieillard s'agenouille à ses pieds et lui dit : « Mon Père, bénissez-moi parce que j'ai péché », et il lui fait la confession de toute sa vie; le jeune Prêtre tenant la place de Jésus-Christ, lui dit: « Je  t'absous  au  nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit ». Mais il contient mal son émotion, car dans ce vieillard il a reconnu son propre père qui vient de faire un acte de foi sublime.

Nos Frères des provinces d'Orient nous parlent parfois des différents rites qu'ils ont sous les yeux dans ces pays : rite latin, rite grec, rite maronite. Une des différences qu'ils se plaisent à signaler c'est que l'Eglise latine consacre l'Eucharistie avec du pain azyme, tandis que l'Eglise grecque la consacre avec du pain levé. Le pain levé est moins blanc que l'autre, il est aussi plus rude au toucher. Mais. qu'importent ces apparences diverses ? Après la Consécration Jésus est sur l'autel grec comme sur l'autel latin: l'Orient et l'Occident lui rendent les mêmes devoirs. Croyons de même à la présence de Dieu dans le Supérieur dur et pénible comme dans celui qui est doux et sympathique. C'est exactement la pensée de saint Pierre appliquée à tous les fidèles. « Soyez respectueusement soumis à vos maîtres, dit-il; non seulement à ceux qui sont bons et doux, mais encore à ceux qui sont fâcheux et difficiles[4]. »

Si un homme disait : « je salue respectueusement les croix du chemin lorsqu'elles sont l’œuvre d'un artiste mais non pas lorsqu'elles sont le travail grossier d'un ouvrier vulgaire », nous trouverions que c'est un singulier chrétien. Si un Frère nous disait: « Je baiserais ma croix de profession chaque matin suivant notre bel usage mariste, si elle était d'or ou de quelque autre matière précieuse; mais comme elle n'est que de cuivre incrusté d'ébène, je laisse cette dévotion à d'autres», nous croirions qu'il plaisante.

Sommes-nous plus sérieux quand nous ne regardons dans le Supérieur que l'enveloppe, les apparences, en un mot ce qu'en laisse voir le sens humain ?

Revenons donc aux grands principes théologiques, à la théorie chrétienne du pouvoir, à la seule vraie par conséquent, à cette doctrine rappelée par Notre Saint-Père le Pape Benoît XV et énoncée jadis par saint Paul quand, sous le souffle de l'Esprit-Saint, il formulait pour tous les chrétiens le devoir de l'obéissance :

« Que toute âme, disait-il, soit soumise aux puissances supérieures; car il n'est pas de puissance qui ne vienne de Dieu; et toutes celles qui existent c'est Dieu qui les ordonne[5]. »

Commentant ces paroles, un grand écrivain ascétique, évêque et théologien[6], écrivait naguère: « Quel qu'il soit donc, et quoi qu'il fasse, le pouvoir, comme tel, est divin. Ce n'est pas quelque chose qui monte d'en bas et, par exemple, d'une volonté humaine quelconque, ni d'un fait, ni d'un pacte, ni d'un prétendu droit populaire, ni du suffrage des foules. Même quand ces sortes de causes contribuent extérieurement, comme il est souvent arrivé, à la naissance historique et à la constitution du pouvoir, elles ne sauraient lui donner ce qui en fait la vie, la vérité, la sainteté, la solidité, ce qui fonde dans l'homme le droit de commander aux autres, et légitime les actes de son gouvernement. Ce n'est donc pas, encore un coup, quelque chose qui monte d'en bas : comme la lumière, comme la grâce, comme tout ce que la terre reçoit du ciel et ne peut recevoir que de lui, c'est quelque chose qui vient d'En-Haut. »

 2ièmeARTICLE.

 Je crois que Dieu nous parle ou nous commande par la bouche du Supérieur, suivant ces paroles du divin Sauveur : « Celui qui vous écoute, m'écoute. » (S. Luc, x, 16.)

Sous l'ancienne loi, Dieu parlait par les prophètes; c'étaient ses intermédiaires officiels. Aux chrétiens, il parle par le Souverain Pontife, les évêques et les pasteurs légitimes. Aux religieux il transmet ses volontés par les Supérieurs. Voilà ceux à qui s'applique la parole du divin Maître : « Celui qui vous écoute, m'écoute ». –  Donnons quelques détails sur les différentes manières dont Dieu nous parle dans notre Congrégation par l'organe des Supérieurs.

 1. C'est tout d'abord la voix du V. Fondateur.

Ses Avis, Leçons, Sentences sont un Recueil précieux  que plus d'une Congrégation nous envie. Ses Maximes sont de vraies paillettes d'or. Dans quelques-unes de nos maisons de formation, on lit, soir et matin, une de ces maximes pour servir de bouquet spirituel mariste. Cet usage contribue à donner à nos jeunes sujets l'esprit particulier que le bon Dieu a inspiré à son Serviteur de nous inculquer. Nous l'approuvons volontiers.

 2. Vient ensuite la riche Collection de nos Circulaires.

Dieu, par la bouche des Supérieurs, y donne une direction et des enseignements appropriés aux différentes époques, aux difficultés des temps, aux situations nouvelles que les gouvernements, les hommes, les événements font à notre Congrégation, tant au point de vue religieux qu'au point de vue de l'enseignement. De là l'importance des Circulaires pour l'unité des principes et la concordance des efforts dans toutes les parties de l'Institut. Après les Encycliques des Souverains Pontifes, disait dernièrement un Père Rédemptoriste, rien de plus digne de l'attention des Religieux que les Circulaires de leur Supérieur Général. Le Père Bouhours, dans sa Vie de saint François Xavier, nous dit que ce pieux Missionnaire ne lisait qu'à genoux les lettres de Bon Père Ignace de Loyola. Beaucoup de nos Frères soldats, avides du pain de «chez nous», comme ils disent, réclament avec un empressement filial toutes les publications émanant de la Maison-Mère.

On attache, dans les Armées, une grande importance aux « rapports et communiqués » des chefs de corps et surtout du généralissime. On sait qu'ils soutiennent le moral des troupes, enflamment les courages et provoquent les héroïsmes. Les fluctuations de la fortune, les chances de victoire, les alternatives de succès et de revers y sont commentées ; les cœurs des officiers et de leurs hommes y vibrent à l'unisson.

Un soldat qui dédaignerait ces ordres du jour montrerait qu'il n'a ni le respect des chefs, ni le sens de la discipline, ni l'étoffe d'un héros, ni un ardent amour de son pays. D'autre part, quel blâme n'infligerait-on pas au chef de détachement qui par insouciance ne communiquerait pas régulièrement à ses troupes les ordres du jour ! Inutile, M. T. C. F., de détailler ici les conclusions pratiques qui se dégagent de cette double comparaison. Les Frères, pour eux-mêmes, et les Frères Directeurs, en ce qui concerne leur Communauté, trouvent dans leur esprit de foi et leur dévouement à l'Institut, nous le savons, des préservatifs contre toute négligence importante sur le point qui nous occupe.

 3. L'entrevue pour le compte de conduite.

Renouvelons tous ici notre esprit de foi. Dans nos voyages, il nous est arrivé de loger dans des Communautés de prêtres qui ont dans leur Institut un usage bien édifiant et que nous avons vu observer. Matin et soir, chaque religieux vient se mettre à genoux devant le Supérieur et reçoit sa bénédiction afin de se souvenir tout le jour que ce Supérieur tient pour lui la place de Dieu. Prenons, M. T. C. F., l'esprit de cet usage, surtout quand nous allons, conformément à nos Règles, chercher près de nos Supérieurs lumière et encouragements.

Combien seraient fructueuses nos entrevues avec les Supérieurs majeurs à l'époque des retraites et à l'occasion de leurs visites, ou avec le Frère Directeur le samedi, si elles étaient accompagnées de ces dispositions ! Voici deux âmes qui viennent successivement trouver leur Supérieur : pourquoi l'une s'en va-t-elle éclairée, apaisée, contente ? Pourquoi a-t-elle compris et goûté soit le commandement, soit le conseil ? Pourquoi, avec la lumière, a-t-elle emporté de là l'onction, la grâce et le courage; tandis que l'autre s'en retourne vide, déconcertée, troublée, aigrie peut-être ? La seule raison est que l'une est venue pleine de foi pour interroger Dieu  tandis que l'autre est venue tout humainement entretenir une créature humaine. « Si vous allez à vos Supérieurs comme à Dieu, disait la bienheureuse Madeleine de Saint-Joseph, vous recevrez d'eux comme de Dieu, quelque imparfaits qu'ils soient ; si vous recherchez en eux la créature, vous ne recevrez d'eux, que comme d'une créature, quelque saints qu'ils puissent être. » C'est en conformité de cette doctrine que l'article 29 du Directoire Général prescrit aux Frères de « rendre compte de leur conduite avec un grand esprit de foi, se persuadant que c'est à Dieu même qu'ils parlent en la personne du Supérieur et que c'est Dieu aussi qui leur parle, les instruit et les corrige ».

 3ièmeARTICLE.

 Je crois que quand nous respectons, quand nous honorons le Supérieur et que nous lui obéissons, c'est Jésus-Christ même que nous honorons et respectons, et que c'est à lui que nous obéissons.

Si nous avions vécu au temps de Notre-Seigneur et >qu'il nous eût pris pour disciples, eh ! comme nous aurions été, semble-t-il, dociles, empressés au moindre de ses désirs! Voir ce divin Maître dans le Supérieur, voilà donc le moyen de faciliter notre obéissance et de lui donner les qualités humaines et le cachet surnaturel qui la rendront parfaite.

Notre-Seigneur, un jour, fit entendre ce reproche : « Jérusalem, Jérusalem, combien de fois n'ai-je pas voulu rassembler tes fils comme la poule réunit ses poussins sous ses ailes et tu n'as pas voulu[7]. » N’y a-t-il pas des Supérieurs qui pourraient pousser la même plainte vis-à-vis de leur Communauté ? Si jamais l'un de vous, M. T. C. F., était témoin de ce spectacle, qu'il aille trouver le Supérieur délaissé et qu'il imite saint Pierre. Un jour que la foule trouvait trop dur le langage du Sauveur, qui annonçait cependant un miracle d'amour, elle s'éloigna en murmurant. Mais le généreux Pierre protesta publiquement de sa fidélité : « A qui irions-nous, Seigneur, vous avez les paroles de la Vie éternelle. » Voilà tout tracés le rôle spécial, la position très nette et le ton catégorique qu'ont à prendre les Frères sous-directeurs et les Frères anciens. Quant aux plus jeunes, tenus à plus de réserve, saint Jean est leur modèle, par son affectueux dévouement, sa douce et tendre intimité, sa touchante fidélité. Frère Stanislas est aussi dans notre Congrégation un admirable modèle pour tous. Il fut spécialement l'enfant dévoué du Vénérable Père, lui rendant pendant vingt ans les services les plus précieux. Pendant la maladie de ce dernier, il le soigna avec tant d'affection et d'intelligence que l'Institut lui doit la prolongation de la vie de son Fondateur. Il l'aida dans ses difficultés financières, maintint nombre de découragés dans leur vocation, et prit toujours son parti devant les murmurateurs et les désobéissants. On peut dire que, comme saint Pierre, il proclamait hautement sa fidélité et incitait les autres à la soumission; et que comme saint Jean il versait, dans l'intimité, penché sur le cœur de son bien-aimé Père, le baume consolateur de sa respectueuse sympathie, de son filial attachement et de sa Parole réconfortante.

 4ièmeARTICLE.

 Je crois que c'est à Jésus-Christ même que nous manquons toutes les fois que nous manquons à notre Supérieur puisqu'il est écrit : « Celui qui vous méprise me méprise ».

La Sainte Ecriture nous raconte comment Dathan, Coré et Abiron qui avaient murmuré et fomenté une rébellion contre Moïse furent engloutis par la terre qui s'ouvrit sous eux; et le texte sacré ajoute que des flammes, s'échappant de ce gouffre, dévorèrent en un instant ceux du peuple qui avaient pris leur parti[8]. Le châtiment n'est pas toujours aussi terrible et ne – frappe pas toujours les corps en même temps que les âmes. Il y a toutefois plus d'un exemple dans l'histoire des Ordres religieux de ces orgueilleux désobéissants prenant visiblement le chemin de la perdition. D'importants services rendus à l'Eglise ou à leur Institut, même une certaine régularité accompagnée de tout l'extérieur de la piété ne les garantissent pas toujours d'une chute retentissante. On est étonné de ces catastrophes subites, et vainement on en cherche la cause. Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même a daigné la révéler à la Bienheureuse Marguerite-Marie : « Ecoute bien, lui dit-il, ces paroles de la bouche de la Vérité : Tous les religieux désunis et séparés de leurs Supérieurs, doivent se regarder comme des vases de réprobation, dans lesquels toutes les bonnes liqueurs sont changées en corruption.

« Ils sont tellement rejetés de mon cœur, que, plus ils tâchent d'en approcher par le moyen des sacrements, oraisons et autres exercices, plus je m'éloigne  d'eux par l'horreur que j'en ai. Ils iront d'un enfer à un autre, car c'est cette désunion qui en a tant perdu et qui en perdra toujours davantage, puisque tout Supérieur tient ma place, qu'il soit bon ou mauvais ; c'est pourquoi l'inférieur pensant le heurter se fait autant de blessures mortelles en l'âme[9]. »

Evidemment, M. T. C. F., il ne s'agit ici que de résistances graves à l'obéissance et de désunions complètes de cœur et de volonté avec les Supérieurs, ce qui grâce à Dieu est rare dans les Instituts religieux. Ce qui pourrait plus aisément se rencontrer ce sont des sujets qui sans mauvaise intention formelle, presque à leur insu, deviennent cependant peu à peu de véritables ennemis de l'obéissance et par suite, de leur communauté et de leur Congrégation. Pour mieux les caractériser, on pourrait les appeler les mauvaises langues et les mauvaises plumes.

Ils parlent contre les Supérieurs, critiquent leurs actes, leurs procédés et leurs intentions. Parfois même, trempant leur plume dans leur cœur blessé, ou aigri, ou mal disposé, ils écrivent à d'autres confrères leurs griefs ou leur animosité. Ces Frères peuvent allier cette conduite avec un grand savoir-faire professionnel, un dévoue ment généreux à leur classe, un grand zèle pour les âmes, et même à un excellent fonds de vertu. Mais l'estime, le prestige et la considération dont ils jouissent, voilà précisément ce qui donne plus de poids à leurs paroles et à leurs écrits et augmente le scandale.

Quelle est l'origine de ces critique' ? Très souvent un fonds d'orgueil mal réprimé; parfois une poussée de jalousie qui pourrait se traduire ainsi, si on osait parle, suivant sa pensée : «C'est moi qu'il faudrait à la place, de ce Supérieur, oh! alors comme les choses marcheraient mieux ! » Quant aux suites des critiques, des plaintes et des murmures, en bien des cas, elles sont lamentables : leur effet le plus commun est de diminuer le respect et la confiance dus aux Supérieurs; de nuire au bien général; de jeter le trouble, les soupçons et la désunion dans les communautés; de scandaliser les Frères, surtout les jeunes; et, parfois, de compromettre ou perdre tout à fait de belles vocations Quelle responsabilité pour les auteurs de tant de maux Quel malheur pour les Maisons ou l'Institut dont ils font partie ! « Les maisons religieuses périront, dit saint François d'Assise, si on y laisse entrer ce méchant vice de la détraction et de la critique. » « Savez-vous, disait le Frère Jean-Baptiste, de quelle race sont ceux qui parlent mal de leurs Supérieurs ? – De la race de Cham, troisième fils de Noé, qui au lieu de couvrir la nudité de son père s'en moquait; et comme lui, ajoutait-il, ils sont maudits de Dieu. »

Les Supérieurs sont des hommes et non des anges. Couvrons donc, M. T. C. F., du manteau d'une respectueuse charité leurs faiblesses, leurs défauts et leurs maladresses vraies ou supposées. Laissons-leur le soin de diriger ; mettons notre application à obéir : la paix, l'union, le bonheur sont à ce prix.

 5ièmeARTICLE.

 Je crois que tout ce qui vient de l'obéissance est ce qu'il y a de plus avantageux et de plus parfait pour nous.

C'est d'abord ce qu'il y a de plus avantageux. Un Supérieur peut se tromper et même pécher en commandant. L'inférieur en obéissant est à couvert de tout reproche. Il a même la satisfaction de faire ce qui est le plus agréable à Dieu. Dans ce poste et cet emploi, qu'il a acceptés de la main du Supérieur, les grâces d'état vont tomber abondamment sur lui, et il trouvera la paix de l'âme que d'autres chercheront vainement dans des changements de communauté ou de fonctions. C'est l'auteur de l'Imitation qui nous en avertit : « Courez de côté ou d'autre, dit-il, vous ne trouverez le repos que dans une humble soumission au gouvernement d'un Supérieur. Plusieurs, s'imaginant toujours qu'ils seraient mieux ailleurs, ont été trompés par les résultats de tous leurs changements. » Le Vénérable Père Champagnat a également sur ce sujet une belle page dont je ne puis citer ici que la comparaison qui la termine : «Si le soldat qui est envoyé dans une garnison suit la voie qui lui est marquée sur sa feuille de route, à chaque étape, et partout où il passe, il trouve protection, logement, nourriture et tout ce qui lui est nécessaire. Mais s'il prend une autre voie, il n'a droit à aucun de ces secours, il est abandonné à lui-même, il est obligé de voyager à ses propres frais, au péril d'être pris et enfermé comme déserteur. Ainsi en est-il pour le religieux tant qu'il reste dans la voie de l'obéissance, Dieu le comble de ses grâces et le couvre de sa protection ; rien ne lui manque, il est béni dans tout ce qu'il fait. Mais s'il sort de cette voie pour marcher dans celle de sa propre volonté, il n'a plus droit au secours de Dieu, il est abandonné à sa faiblesse, il fait autant de chutes que de pas, il est malheureux et rend malheureux ceux qui l'entourent[10]. »

En second lieu, l'obéissance est pour le religieux ce qu'il y a de plus partait. Le Vénérable Père disait qu'une journée passée dans l'exercice de l'obéissance est plus méritoire qu'un mois de pénitence que l'on s'impose par sa volonté propre. Comme un Frère serait riche, comme il aurait les mains pleines de mérites s'il faisait son métier d'obéir ! Nous ne pouvons rien faire de mieux pour Dieu, dit saint Thomas, que de lui immoler notre volonté. Ainsi, un Frère âgé, brisé par l'âge, accablé d'infirmités, qui ne peut ni faire la classe, ni remplir un emploi manuel, qui peut à peine lire et prier, mais qui demeure un modèle d'obéissance, sert Dieu parfaitement; il atteint la fin de son existence, et convertit plus d'âmes que des professeurs excellents et zélés catéchistes, mais qui seraient orgueilleux et désobéissants.

Un auteur ne va-t-il pas jusqu'à dire que saint François Xavier, écrivant à genoux ses lettres à saint Ignace, édifie autant par cette marque de respect pour son Supérieur que par toutes les merveilles de son apostolat.

Quoi qu'il en soit, retenons cette parole si consolante du Vénérable Fondateur : « Pour un religieux, l'obéissance est le grand chemin du Paradis ; s'il ne quitte pas cette voie, il y arrivera infailliblement ».

 6ièmeARTICLE.

 Je crois que c'est la divine Providence qui nous éprouve pour notre bien, quand le Supérieur nous commande, ou nous tait, ou nous dit quelque chose qui ne nous plaît pas ou qui nous mortifie.

Le Vénérable Père Champagnat ne négligeait aucune -Occasion de former ses Frères aux vertus solides et les engageant à viser au solide, dans chaque vertu, il les exerçait à en pratiquer généreusement les actes les plus pénibles à la nature. Souvent, par des épreuves qu'il savait habilement leur ménager, il venait en aide à leur bonne volonté. Son biographe a eu la bonne pensée de réunir en un chapitre spécial de sa vie, le XVIième, plusieurs exemples qui nous montrent comment le Vénérable Père s'y prenait pour corriger ses Frères de leurs défauts et les former à la vertu. Ce chapitre très intéressant renferme notamment, au sujet de l'obéissance, plusieurs traits extrêmement édifiants. Le suivant convient tout spécialement à notre sujet : Un Frère Directeur fut soumis à une  épreuve qui demandait une obéissance héroïque. Il la subit de manière à donner un témoignage éclatant de sa vertu. Deux jours après, autre épreuve : au lieu de le laisser retourner dans son poste à la tête de sa communauté pour y prendre un repos bien mérité à la suite des travaux de l'année scolaire, on le charge de la cuisine de la Maison-Mère pour les deux mois de vacances. Le Frère va-t-il murmurer ? Ecoutons son admirable réponse au Vénérable Père qui lui demande ce qu'il pense depuis qu'il est devenu cuisinier ? – « Hélas, mon Père! je suis tellement occupé que je n'ai guère le temps de penser à autre chose qu'à mon emploi; du reste, je sais que j'accomplis la volonté du bon Dieu en faisant la vôtre, cela me suffit et je n'ai nul besoin de réfléchir. » – Voilà, M. T. C. F., l'esprit de foi pris sur le vif. Mais ce n'est pas tout, voici une troisième épreuve. Sachant que ce Frère Directeur était très estimé des parents et des autorités dans la paroisse où il était, le Vénérable Fondateur fit semblant de le changer et le nomma à un autre poste où tout était à créer. Il le laissa cependant quelque temps encore à la cuisine, et le fit observer pour s'assurer s'il ne lui échapperait aucune plainte. Après quelques jours, le temps du départ étant arrivé, le Frère demanda l'autorisation de se rendre à son nouveau poste pour y préparer la rentrée. – « Ne regrettez-vous pas, lui demanda le Vénérable Père, l'établissement que vous quittez et où vous étiez si bien ? » Ecoutons encore pour notre instruction la réponse de ce véritable enfant d'obéissance: « Mon père ! je ne vous cacherai pas que j'aime le poste d'où vous me sortez; mais, avant tout, je désire vous obéir et faire ainsi la volonté de Dieu. » – Le Vénérable Fondateur, satisfait du résultat de cette triple épreuve, lui dit : « Allons c'est très bien ; préparez-vous à retourner dans votre ancien établissement, car j'ai changé de disposition à votre égard. »

Quel trésor, M. T. C. F., sont, pour un Institut, des religieux de cette trempe ! Quelle somme de mérites ils amassent pour le ciel en acceptant, de la main de la divine Providence, tous les ordres pénibles à la nature, et qui constituent pour eux des épreuves, soit que les Supérieurs aient voulu ou non leur donner ce caractère ! Ici, je ne puis m'empêcher de faire une réflexion. Où en sommes-nous aujourd'hui quant à l'acceptation de ces épreuves ? Sommes-nous sans reproche à ce sujet ? Les Supérieurs peuvent-ils sans crainte nous donner des ordres qu'ils savent devoir nous être pénibles ?

Ne sont-ils pas obligés d'agir avec de grands ménagements, de prendre des précautions pour ménager notre amour-propre ? Si nous reconnaissons que notre vertu d'obéissance est bien au-dessous de celle de nos anciens, humilions-nous et travaillons à monter à leur niveau.

Lorsque le Vénérable Père Colin fut nommé Supérieur Général des Pères Maristes, il prit toutes sortes de précautions pour insinuer au Vénérable Père Champagnat, qu'en sa qualité de membre de la Société de Marie, il avait à recevoir, de l'autorité nouvellement établie, une obédience en forme pour conserver son emploi et ses fonctions auprès des Frères. Le Vénérable Fondateur comprit, remit aussitôt sa démission, mais il ne put s'empêcher de manifester sa peine de ce que l'on avait pris tant de ménagements pour lui demander un acte d'obéissance. On sait que le Vénérable Père Colin, cette formalité remplie, s’empressa de lui rendre, au nom de l'obéissance religieuse, la charge de Supérieur des Petits Frères de Marie ! mais quel grand exemple venait d'être donné ! Profitons-en, M. T. C. F. Donnons pleine autorité sur nous, à tous nos Supérieurs, quels qu'ils soient, c'est-à-dire non seulement aux Supérieurs majeurs, mais à tous ceux qui sont régulièrement élus ou nommés pour nous commander, à quelque degré de la hiérarchie qu'ils soient placés. Donnons-leur autorité, non seulement pour nous conduire mais encore pour nous former et nous corriger; et, comme le dit l'article 255 du Directoire Général, « prions-les quelquefois en particulier de nous rendre ce bon office ». Que cette conduite nous sera avantageuse, M. T. C. F. ! Car, par exemple, que manque-t-il à tel Frère, doué de talents magnifiques, pour être un religieux et un éducateur modèle ?

Une chose !… de s'être laissé former !. s'il eût été plus docile, ses Supérieurs n'auraient pas manqué de lui faire constater telle lacune dans sa formation, tel travers de caractère, telle-habitude fâcheuse, etc. Mais le reprendre ou l'avertir c'était le rendre triste, abattu et Bans ressort pour plusieurs jours. On allait au moindre mal; on se taisait; mais ses défauts ont vieilli avec lui et se sont enracinés. N'est-ce pas profondément regrettable ? car « si le sel lui-même s'affadit, avec quoi le salera-t-on »[11] ?

  CONCLUSION.

 Sans doute, M. T. C. F., l'esprit religieux qui vous anime depuis votre Noviciat, a constamment rendu témoignage à toutes ces vérités. Mais, groupées ainsi dans un même cadre, et fortement établies sur la doctrine de notre Vénérable Père et de la Sainte Eglise, elles apparaissent si bienfaisantes pour notre bien-aimée Congrégation, comme pour chacun de nous, qu'elles ont dû s'imprimer plus profondément encore dans votre esprit et votre cœur. A l'occasion du Centenaire, tous vous voudrez faire revivre l'esprit du Vénérable Fondateur et de nos premiers Frères sur ce point de l'obéissance religieuse, vous accoutumant, comme le dit l'article 58 que nous avons commenté, à ne voir que la personne de Jésus-Christ, dans les Supérieurs quels qu'ils soient. J'insiste encore en terminant sur ces mots : quels qu'ils soient. Qu'ils soient en haut de la hiérarchie, ou au milieu ou en bas; qu'ils soient âgés ou non, anciens en religion ou non, doués de talents remarquables ou non; je dis plus, qu'ils soient très vertueux ou non, dès qu'ils sont élus ou nommés à leur charge conformément aux Constitutions, ils représentent Jésus-Christ pour l'inférieur qui doit donc leur obéir comme à Dieu même. Il faut leur obéir, faire fréquemment des actes de dépendance à leur égard, s'établir dans l'habitude d'une religieuse soumission. Avoir des principes sûrs en effet, ne suffit pas; l'important est d'y conformer sa conduite. D'ailleurs, un religieux désobéissant aurait bientôt perdu la notion juste de l'obéissance. A force de raisonner son cas, il finirait, afin de justifier sa conduite, par déposer les principes les mieux établis jadis dans son esprit. Pendant quelque temps, on peut continuer de penser bien en vivant mal. Mais un certain besoin de cohérence, d'unification et d'accord intérieur fait fléchir peu à peu les convictions pour les mettre au niveau de ses actions. En un mot « il faut vivre comme on pense, sinon on finit, tôt ou tard, par penser comme on a vécu ». Cette pensée d'un écrivain catholique, explique bien des énigmes, bien des évolutions, bien des volte-face, M. T. C. F. Au reste, elle n'est pas nouvelle, le Vénérable Père Champagnat dans sa grande expérience des hommes, l'a formulée il y a longtemps, dans une maxime remarquable, bien propre à nous exciter à mettre, en tout et partout, notre conduite à la hauteur des principes élevés dont nous faisons profession :

« Celui qui ne vit pas en religieux, dit-il, ne mourra pas en religion. » 

Nos FRÈRES SOLDATS.

 Voilà que, par une permission de la divine Providence, un grand nombre de nos jeunes Frères appartenant à la classe de 1917 avec quelques autres d'un âge plus avancé, viennent, au nombre d'une cinquantaine, de répondre à l'appel des autorités militaires pour aller prêter leur concours à la défense de la patrie.

En les ajoutant à ceux qui étaient déjà sous les drapeaux, cela porte le nombre de nos Frères soldats à plus de six cents.

Vous n'avez pas de peine à comprendre, M. T. C. F., dans quelle gêne cela nous met pour le maintien et la bonne marche de nos œuvres.

Que faire en présence de cette grande épreuve ? Rien de mieux que d'imiter tout d'abord le saint homme Job en disant : Vous nous les aviez donnés, Seigneur, vous avez permis qu'ils nous soient momentanément ôtés, que votre saint nom soit béni !

Que ferons-nous encore pour atténuer l'épreuve ? Nous redoublerons partout de zèle pour le recrutement des vocations.

Le Bulletin de l'Institut vous a donné d'intéressants et très édifiants détails sur nos bons Frères soldats. On aurait pu les multiplier, mais on a dû se restreindre.

Je suis bien aise de dire dans cette Circulaire combien consolante pour nous est la grande abondance des témoignages qui nous viennent à leur sujet et qui nous donnent, l'assurance que ces bons Frères momentanément revêtus de l'habit militaire restent toujours fortement attachés à leur vocation religieuse et qu'ils en pratiquent les devoirs autant que cela leur est possible. Nous sommes heureux aussi de savoir que tout en étant bons religieux, ils ont grandement à cœur d'être des soldats irréprochables.

Un ambassadeur rendait d'eux tout dernièrement ce magnifique témoignage : « Puissiez-vous n'avoir plus de pertes à déplorer ! Les Frères Maristes se sont distingués sur les champs de bataille comme ils l'avaient fait dans l'enseignement; il ne leur manque plus aucune gloire et leur autorité s'en trouvera bien agrandie à l'avenir par la belle conduite des leurs sur un terrain où ils étaient novices et où pourtant ils ne se sont montrés inférieurs à personne; si cela a été une surprise pour quelques-uns ce n'est pas pour moi certes, et je me réjouis du lustre qui en rejaillit sur eux tous. »

Un tel témoignage venant de la part d'un si haut personnage est bien de nature à nous réjouir et à augmenter le courage de tous dans les diverses missions qui nous sont confiées.

Toutefois ne manquons pas d'ajouter le grand mot de saint Ignace : « Ad majorem Dei gloriam ! »

Laissez-moi, mes chers Frères soldats, vous rappeler l'invitation de Notre-Seigneur à ses apôtres : « Soyez le sel de la terre et la lumière du monde. » Nous savons que vous exercez l'excellent apostolat qui est indiqué par ces paroles du divin Sauveur : c'est une mission qui est tout à fait en rapport avec votre vocation d'éducateurs chrétiens. Continuez à l'exercer avec un zèle persévérant et toujours croissant : 1° par le bon exemple constamment donné en tout et partout à ceux qui sont autour de vous; 2° par de bons conseils donnés à propos; 3° par de bonnes industries pour amener le plus de soldats possible à la pratique de leurs devoirs de chrétiens. Il y a eu de merveilleux résultats obtenus par ce dernier moyen.

Soyez bien persuadés que, de notre côté, nous ne restons pas simples spectateurs en face de la terrible conflagration qui fait tant de victimes et qui accumule tant de ruines. Nous prions d'autant plus pour vous et pour tous ceux qui sont en guerre, que les périls de toutes sortes sont plus nombreux et plus grands.

Nous ne nous lasserons pas de faire une sainte violente au Ciel pour obtenir la prompte cessation de l'épouvantable fléau qui sévit depuis bientôt deux ans.

Jesu, Deus pacis, miserere nobis !

 Regina pacis, ora pro nobis !

 SECOND NOVICIAT.

 Nous avons décidé que, malgré la difficulté des temps, la première période du second noviciat pour l'année 1916 s'ouvrira le 20 février courant.

Nous invitons ceux qui y ont été appelés à être très exacts à se rendre à Grugliasco au plus tard le 19.

Nous rappelons qu'il y a une grande importance à être présent à l'ouverture.

Nous unirons nos prières, M. T. C. F., pour recommander ce second noviciat à Notre-Dame du Bon Conseil afin d'obtenir qu'il soit aussi fécond en fruits de salut que celui qui s'est terminé le 1ierjanvier dernier. 

DOCUMENTS DE ROME.

 segreteria di stato

di sua santita                                                                  Dal Vaticano, 21 gennaio 1916. 

Très Honoré Supérieur Général,

Vous n'avez pas voulu laisser passer l'heureuse occasion des Solennités de Noël et du nouvel an, sans offrir au Saint-Père, en votre nom et en celui de votre Institut l'hommage de vos sentiments de piété filiale.

Le Souverain Pontife a eu pour agréable ce témoignage réitéré de votre dévouement et de votre fidélité, accompagnés de l'assurance de vos prières à ses intentions.

En retour, comme gage des faveurs célestes, Sa Sainteté, vous accorde bien volontiers à vous, aux membres de votre Conseil, à vos enfants, et en particulier à vos Frères soldats, la Bénédiction Apostolique implorée.

Je vous remercie des souhaits que vous avez bien voulu m’adresser, et je saisis avec empressement cette occasion pour vous exprimer, Très Honoré Supérieur Général, mes sentiments dévoués en Notre-Seigneur.

                      P. Card. Gasparri. 

segretaria di stato

di sua santita                                                                  Dal Vaticano, 25 gennaio 1916. 

La SANTITA di NOSTRO SIGNORE si è benignamente degnata di nominare l'Emmoe RevmoSignor Cardinale

FILIPPO GIUSTINI

Protettore dell'Istituto dei Piccoli Fratelli di Maria.

Tanto si partecipa al Superiore Generale del medesimo Istituto, per opportuna sua intelligenza e norma.

                     P. Card. GASPARRI. 

TRADUCTION

secrétairerie d'état

de sa sainteté                                                                      Du Vatican, 25 janvier 1916.

Sa Sainteté N. S. P. le PAPE, dans sa bienveillance, a daigné nommer l'Excellentissime et Révérendissime Seigneur Cardinal

FILIPPO GIUSTINI

Protecteur de l'institut des Petits Frères de Marie; ce dont il est fait part au Supérieur Général du même institut pour que, le sachant, il puisse agir en conséquence en temps opportun.

                      P. Card. Gasparri.

 

Nos DEFUNTS.

 

F. DIDACE, Profès perp., décédé sur le champ de bataille, le 8 avril 1915.

F. ZENON, Profès perp., décédé à Roma (Basutoland), le 27 avril 1915.

F. ADRIEN-CAMILLE, Profès temp. décédé aux Dardanelles, le 28 avril 1915.

F. JOSEPh-NEOPHYTE, Profès perp., décédé sur le champ de bataille, le 9 mai 1915.

F. LOUIS-MARCELLIN, Profès temp., décédé à Tunis, le 17 mai 1915.

F. PIERRE-RAPHAEL, Stable, décédé à Poughkeepsie, (E.-U.), le 19 mai 1915.

F. ARCONCE, Profès perp., décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 23 mai 1915.

F. CONSTANTINO, Profès perp., décédé à Las Avellanas (Espagne), le 24 mai 1915.

F. ETIENNE-HENRI, Profès perp., décédé à Notre-Dame de l'Hermitage (Loire), le 28 mai 1915.

F. NAMASE, Stable, décédé à Manchester (E. U.), le 31 mai 1915.

F. LOUIS-KOSTKA, Profès perp., décédé sur le champ de bataille, le 6 juin 1915.

F. VIT, Profès perp., décédé sur le champ de bataille, le 14 juin 1915.

F. FIDEL, Profès perp., décédé sur le champ de bataille, le 14 juin 1915.

F. DANIEL-JOSEPh, Profès temp., décédé à Aix-les-Noulettes, le 16 juin 1915.

F. ROMBAUD, Stable, décédé à Varennes (Allier), le 18 juin 1915.

        GRENIER Henri, Postulant, décédé à Turin (Piémont), le 19 juin 1915.

F. GENNARO, Profès temp., décédé à Andonno, le 20 juin 1915.

F. MARIE-AUGUSTALIS, Stable, décédé à Metzeral, le 24 juin 1915.

F. JULES-FRANÇOIS, Profès perp., décédé à Pékin (Chine), le 10 juillet 1915.

F. EMILE-LOUIS, Profès temp., décédé à Iberville (Canada), le 16 juillet 1915.

F. PIUS, Profès perp., décédé à Ruoms (Ardèche), 17 juillet 1915.

F. REGIS-CHANEL, Profès temp., décédé à Belem, (Para), le 16 juillet 1915.

F. JULEs-LOUIS, Profès temp., décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 4 août 1915.

F. GELASIN, Profès perp., décédé aux Dardanelles, le 7 août 1915.

F. CÉSAIRE, Novice, décédé à Apipucos, le 17 août 1915.

F. CASIANO, Profès temp., décédé à Las Avellanas (Espagne), le 1ierseptembre 1915.

F. NECTAIRE, Stable, décédé à Uitenhage, le 6 septembre 1915.

F. HENRI-FERDINAND, Profès temp., décédé à Lublin, le 8 septembre 1915.

F. SALVATOR, Stable, décédé à Pontos (Espagne), le Il septembre 1915.

F. OSTIANUS, Stable, décédé à La Plata, le Il septembre 1915.

F. MARIE-VICTOIRE, Profès perp., décédé à Païta, le 23 septembre 1915.

F. ARTÉMIDORE, Profès perp., décédé à Souchez, le 25 septembre 1915.

F. MARIE-GERMAIN, Profès perp., décédé sur le champ de bataille, le 25 septembre 1915.

F. PAUL-GABRIEL, Profès temp., décédé sur le champ de bataille, le 26 septembre 1915.

F. MARIE-ATTALE, Profès temp., décédé sur le champ de bataille, le 3 octobre 1915.

F. BRUNONE, Profès temp., décédé sur le front italien, le 6 octobre 1915.

F. ANDRé-CHANEL, Profès temp., décédé à Souchez, le 15 octobre 1915.

F. LUCIO-GIUSEPPE, Profès temp., décédé à Bairo (Piémont), le 18 octobre 1915.

F. RUPERT, Profès perp., décédé sur le champ de bataille, le 25 octobre 1915.

F. AUGUSTE-DESIRE, Profès temp., décédé à Namur, le 27 octobre 1915.

F. ONIAS, Stable, décédé à Ruoms (Ardèche), le 27 octobre 1915.

F. EMILIEN, Profès perp., décédé à Grugliasco (Piémont), le 30 octobre 1915.

F. GENTIUS, Profès perp., décédé à Toulon, le 3 novembre 1915.

F. JOSEPH-ALEXANDRE, Profès perp., décédé le 10 novembre 1915.

F. JULES-ERNEST, Profès temp., décédé sur le champ de bataille, le 14 novembre 1915.

F. PIERRE -STANISLAS, Profès perp., décédé à Pékin (Chine), le 18 novembre 1915.

F. KENELM,Profès temp., décédé à Dumfries (Ecosse), le 29 novembre 1915.

F. RIGOMER, Profès perp., décédé à La Clayette (Saône-et-Loire), le 20 novembre 1915.

F. MARIE-XAVERIUS, Stable, décédé à Notre-Dame de l'Hermitage (Loire), le 25 novembre 1915.

     GUTIERREZ Miguel, Postulant, décédé dans sa famille, le 29 novembre 1915.

F. LANFRANUS, Profès perp., décédé à Pontos (Espagne), le 29 novembre 1915.

F. MARIE-HONORAT, Profès perp., décédé à Montpezat, le 7 décembre 1915.

F. HONESTE, Profès perp., décédé sur le champ de bataille, le 10 décembre 1915.

F. ENRIQUE, Profès temp., décédé à Mendes (Brésil), le 10 décembre 1915.

F. ADAUCTUS, Stable, décédé à Notre-Dame de l’Hermitage (Loire), le Il décembre 1915.

F. LAURENCE, Profès perp., décédé à Ruoms (Ardèche), le 14 décembre 1915.

F. ARSÈNE, Profès perp., décédé à Ferrières (Allier), le 16 décembre 1915.

F. MARCELLIANUS, Profès perp., décédé sur le champ de bataille.

F. JULES-XAVIER, Profès temp., décédé sur le champ de bataille.

F. GUILLAUME-ANTOINE, Profès temp. décédé sur le champ de bataille.

F. LAURENTIUS, Profès temp., décédé sur le champ de bataille.

F. JOSEPH-MAURITIUS, Profès temp., décédé sur le champ de bataille.

F. APPOLLINAR-LUIS, Profès temp., décédé sur le champ de bataille.

F. MARIUS-LÉoN, Profès temp., décédé sur le champ de bataille.

F. DAMIANO, Profès perp., décédé à Pontos (Espagne), le 6 janvier 1916.

F. GoNZALEZ, Profès perp., décédé à Béziers, le Il janvier 1916.

F. MARiE-ROBERT, Profès perp., décédé à Ruoms (Ardèche), le 24 janvier 1916.

        Sylvain BROSSIER, Postulant, décédé à Valprivas (Hte-Loire), le 28 janvier 1916.

F. TREOGENE, Profès perp., décédé à Saint-Ambroix, le 29 janvier 1916.

F. MARIUS-ANTOINE, Profès perp., décédé à Notre-Dame de l’Hermitage, le 29 janvier 1916.

F. CÉRANUS, Profès perp., décédé à Ruoms (Ardèche), le 3 février 1916.

F. BÉRILLO,,Profès temp., décédé à Vintimille(Italie), le 5 février 1916.

 

« Mon vœu le plus ardent, nous a dit le Vénérable Père Fondateur dans son Testament spirituel, est que vous vous aimiez les uns les autres. »

Cet amour ne doit pas se borner à ceux de nos Frères qui sont, comme nous, dans l'Eglise militante.

Nous sommes bien fondés à penser qu'en ces temps de guerre où la mort jette tant d'hommes, et si soudaine ment dans leur éternité, qu'un bon nombre ont à expier en purgatoire avant leur admission au paradis.

Comment leur témoigner notre amour tant recommandé par le Vénérable Père Champagnat ? En faisant tout ce qui dépendra de nous pour alléger et abréger leurs souffrances.

Pour cela, nous nous efforcerons de gagner beaucoup d'indulgences qui leur soient applicables.

Notre Calendrier religieux nous indique chaque jour les pratiques auxquelles sont attachées des indulgences.

Mais il en est une que je me sens porté à vous recommander tout spécialement, c'est la récitation fervente et fréquente des six Pater, six Ave et six Gloria du scapulaire bleu.

Cette excellente pratique enrichie de très nombreuses indulgences, est partout à la portée de tous, à la maison, en voyage, dans les visites au Saint Sacrement, etc., et pour nos Frères soldats, dans les tranchées, quand ils montent la garde, etc. …

La charité chrétienne pour le prochain en général demande que dans nos suffrages nous ayons une intention pour tous les défunts.

Néanmoins, je pense que la charité fraternelle nous fait un devoir de penser par­ticulièrement à ceux qui furent nos confrères[12]dans l'Institut et surtout aux quarante-deux qui ont été victimes de la terrible guerre depuis dix-neuf mois qu'elle dure.

La présente circulaire sera lue en communauté à l'heure ordinaire de la lecture spirituelle.

Recevez, M. T. C. F., la nouvelle assurance du paternel et religieux attachement avec lequel je suis,

Votre tout dévoué et tout affectionné en Notre-Seigneur,

                          Frère Stratonique,

                       Supérieur général.

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JUVENATS DE L'INSTITUT

en 1916

 

Andora (Italie). – Anzuola (Espagne). – Apipucos (Brésil Septentrional).- Arceniega (Espagne),- Bailieboro (Irlande), – Bairo (Italie), -Bussolino (Italie), – Bom Principio (Brésil Méridional), – Carrion (Espagne), -Chala-eul (Chine), – Dumfries

(Ecosse), – Fürth (Allemagne), – Grugliasco (Italie), – Hunter's Hill (Australie), – Iberville (Canada), -Lévis (Canada), Lujàn (Rép. Argentine), – Mendes (Brésil Central), – Pontés (Espagne), – Popayán (Colombie), – Poughkeepsie (Etats-Unis), -San Antonio (Etats-Unis), – Sangano (Italie), -San Maurizio (Italie), – Saint-Gingolph (Suisse), – Tuy (Espagne), – Vich (Espagne), – Les Juvénats d'Amchit (Syrie), d'Orsova (Hongrie) sont provisoirement suspendus,

 

NOVICIATS DE L'INSTITUT

en 1916 

Anzuola (Espagne), – Apipucos (Brésil Septentrional), Arlon (suspendu), – Bailieboro (Irlande), – Bairo (Italie), Bom Principio (Brésil Méridional), – Saint-Gingolph (Suisse),Fürth (Allemagne), – Las Avellanas (Espagne), -Lujàn (rép., Argentine), – Mondes (Brésil Central), – Mittagong (Australie), -Pommerœul (Belgique), – Pontés (Espagne), – Popayán (Colombie), – Poughkeepsie (Etats-Unis), – Saint-Hyacinthe (Canada), – San Antonio (Etats-Unis), – San Maurizio (Italie), San Mauro (Italie), Vintimiglia (Italie),

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S.I.N. 

STATISTIQUE DE L'INSTITUT

 1916 

 Frères Stables                                                                                                                652

 Frères Profès perpétuels                                                                                            2.686

 Frères Profès temporaires                                                                                         1.169

 Frères Novices                                                                                                                334

 Postulants                                                                                                                        224

 Juvénistes                                                                                                                     1.022

                 TOTAL Général                                                                                            6.087

 

 Provinces                                                                                                                           22

 Vice-Province                                                                                                                      1

 Noviciats                                                                                                                            22

 Juvénats                                                                                                                             26

 Etablissements                                                                                                               591

 Élèves  (1)                                                                                                                  92.359

 

(1) Ne sont pas compris dans ce nombre les élèves de nos écoles provisoirement suspendues de Turquie, de Syrie et du Mexique.

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[1] : Le 1° est à la page 1. NDLR.

[2] : Rom. XIII,1.

[3] : Ibid. 5.

[4] : I Pierre, II, 18.

[5] : Rom. XIII.1.

[6] : Mgr Gay.

[7] : Matth. XI, 28.

[8] : Nombres, XVI, 32.

[9] : Vie par les Contempl. P. 58.

[10] : Vie du V. P. Champagnat p. 391.

[11] : Matth., V, 15.

[12] : Dans la Circulaire 14.1, du 2 février 1914, on parle de la fondation de Recklinghausen, reconnue par une lettre du 3 octobre 1913. Les Frères allemands sont-ils compris dans « ceux qui furent nos confrères »  ? NDLR.

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