Circulaires 257

Stratonique

1917-01-02

Quelques réflexions préliminaires - Préparation providentielle de l'Institut avant sa fondation - Action d'En Haut dans la fondation, la conservation et le développement de l'Institut - Création d'une nouvelle province - Faveurs attribuées au Vén. Père Champagnat. Liste des Défunts.

Lettre de Benoît XV

257

17.1

 V. J. M. J.

 Grugliasco, le 2 janvier 1917.

      Mes Très Chers Frères,

 Nous voilà enfin arrivés au centième anniversaire du jour à jamais mémorable pour les Petits Frères de Marie où, sous l'inspiration de Dieu qui dirige tous les événements à sa gloire et pour le plus grand bien de ses élus, notre Vénérable Père, avec l'assistance de la Bienheureuse Vierge Marie, notre Céleste Mère et Patronne, jeta à Lavalla les premiers fondements de notre cher Institut.

En haut nos esprits et  nos cœurs ! Livrons-nous à une grande et sainte joie : elle est 'bien légitime ! Nombreux sont les motifs, que nous avons de prendre pour nous, en ce grand jour du centenaire, l'invitation de l'apôtre Saint Paul aux Philippiens : « Réjouissez-vous sans cesse dans le Seigneur; je vous le (lis encore une fois, réjouissez-vous ! »,

En nous conformant à cette invitation du Grand Apôtre, nous entrons pleinement dans l'esprit de l'Eglise en chantant avec elle le mot si expressif, Gaudeamus, par lequel elle' commence l'introït de plusieurs de nos plus grandes fêtes catholiques.

Oh  ! oui, M. T. C. F., dans toute la dilatation de nos cœurs, disons-le, chantons-le, ce « Gaudeamus », en ce jour du 2 janvier 1917, qui nous rappelle l'autre 2 janvier d'il y a un siècle.

N'est-ce pas, en effet, pour tous les Petits Frères de Marie répandus actuellement dans toutes les parties du monde, une fête unique dans l'histoire de notre Institut, une fête exceptionnellement solennelle ?

A la sainte joie qui doit surabonder dans nos âmes, joignons la reconnaissance pour la multitude innombrable des faveurs célestes que la bonté divine a répandues sur notre chère Congrégation pendant son premier siècle, qui se termine aujourd'hui.

C'est bien en ce jour surtout que nous devons nous souvenir que notre vénérable Fondateur et modèle a excellé dans la vertu de reconnaissance, et qu'il a voulu qu'elle soit au nombre de celles qui doivent être le partage spécial de tous ses fils spirituels.

Disons et redisons de tout cœur le cantique de la reconnaissance :

Bénissons, bénissons à jamais

Le Seigneur dans ses bienfaits !

Invitons les anges et les saints à s'unir à nous pour rendre à sa bonté mille et mille louanges.

 *

*     *

 Je ne veux pas manquer, M. T. C. F., de profiter de cette exceptionnelle solennité pour vous exhorter à nous acquitter ensemble de ce que nous pouvons, à juste titre, appeler le GRAND DEVOIR.

C'est celui qui nous est prescrit par le 1ierCommandement du Décalogue : Un seul Dieu tu adoreras et aimeras parfaitement.

Dans nos temps où l'indifférence, l'irréligion, le scepticisme et même l'athéisme exercent une si funeste influence parmi les peuples, et surtout dans certaines nations, nous, Petits Frères de Marie, ayons à cœur plus que jamais, en cette fin de siècle, de rendre le culte qui est dû à Celui qui est le Roi immortel des siècles.

Oui, disons-le, proclamons-le bien haut, c'est de Dieu que nous sont venus tous les biens dont notre Institut a été comblé pendant le siècle qui s'achève aujourd'hui. Aussi nous voulons, avec toute l'intensité d'âme dont nous sommes capables, qu'il règne sur nous, sur nos esprits, sur nos cœurs, sur nos volontés. Nous voulons règne dans toutes nos Communautés, dans toutes nos Ecoles; nous voulons qu'il soit partout l'âme de notre enseignement ; nous voulons plus que jamais mettre tout notre zèle à étendre et à affermir son règne dans lemonde : « Adveniat regnum tuum ! »

Ne nous est-il pas permis, M. T. C. P., de penser qu'en parlant ainsi, nous sommes les interprètes de notre Vénérable Père Fondateur et de tous ceux des nôtres qui forment aujourd'hui la Province triomphante de l'Instit après avoir été, jusqu'à la fin, de bons combattants ans nos provinces militantes de la terre ?

Ne nous est-il pas permis de penser aussi que nos devanciers dans l'éternité bienheureuse célèbrent aujour­d’hui le joyeux centenaire dans la félicité céleste sous le regard de Marie, leur Reine et la nôtre ?

Oui ! oui ! il nous est permis de le penser et de le dire en ce beau jour.

 *

*      *

 Et maintenant, M. T. C. F., ne vous semble-t-il pas qu'il est de notre devoir de faire une sorte d'inventaire sur les cent ans qui viennent de s'écouler, et d'en tirer d'utiles conséquences pour le siècle qui commence ?

Ce sera certainement faire œuvre utile à l'Institut.

Disons tout d'abord que le Frère, Supérieur Général et les membres du Régime sont heureux de constater qu’actuellement, grâce à Dieu, le bon esprit, la piété, la régularité, le zèle, la charité fraternelle, règnent d'une manière générale dans nos diverses provinces.

C'est une grande consolation et aussi un grand réconfort pour nous, dans les temps si difficiles que nous traversons. Que Dieu en soit loué et notre bonne Mère du ciel remerciée !

Toutefois, s'il y a raison de nous réjouir et de bénir le Seigneur de la bonne marche d'ensemble de l'Institut, nous avons bien aussi à nous humilier et à gémir, et devant Dieu et devant les hommes, sur plus d'un point faible dans notre vie de religieux et d'éducateurs.

Cette humble et loyale constatation, accompagnée d'une résolution exceptionnellement forte de corriger ce qu'il y a de défectueux parmi nous, d'améliorer ce qui est bien, de marcher d'un pas plus ferme que jamais dans le sentier de la perfection, nous sera certainement très salutaire.

 Résumé historique sommaire de l'Institut

pendant son premier siècle.

 J'ai pensé qu'il y aurait intérêt et profit pour nos Frères du temps présent et pour ceux de l'avenir à insérer clans cette circulaire un résumé sommaire de l'histoire de notre Institut pendant les cent années qui viennent de s'écouler.

Et d'abord, voyons comment il fut providentiellement préparé avant la fondation.

Le Vénérable Père Champagnat, dans des circonstances critiques, disait ou écrivait à ses Frères : « Ne vous effrayez pas ! les cheveux de votre tête sont tous comptés, et pas un seul ne tombera sans la permission de votre Père Céleste. »

C'était sa ferme foi en la divine Providence dirigeant tous les événements qui le faisait parler ainsi.

Oui ! oui, comme notre Vénérable Père, soyons bien persuadés que Dieu, créateur et conservateur de toutes choses, préside à tous les événements d'ici-bas, à ceux que nous appelons les grands événements et qui semblent mener lemonde, comme aussi aux mille circonstances qui forment le tissu de notre vie. Et comme Dieu est Père, ainsi que nous le disons dans l’oraison dominicale : « Notre Père qui êtes aux cieux !» Il conduit toutes choses dans le sens du plus grand bien de ses enfants.

Les appréciations purement humaines sur la marche des événements d'ici-bas sont loin d'être d'accord, souvent me elles sont tout à fait contradictoires.

Quelle en est la cause ? C'est qu'il y a comme un brouillard plus ou moins épais formé par l'ignorance et par les passions, qui empêche de voir la vérité.

Le grand évêque de Meaux, s'élevant dans les régions sereines pleinement éclairées par les lumineux principes de la foi, nous montre admirablement le doigt de Dieu dans les événements qui se sont succédé à travers les âges jusqu'à la venue du Rédempteur promis.

A une telle école et éclairés de la même lumière, nous aussi nous devons croire et dire avec une ferme conviction que le passé, le présent et l'avenir appartiennent à Dieu.

A travers les âges et malgré les agitations et les ré­volutions provoquées par les passions humaines, Dieu poursuit son Œuvre. Son plan divin, qui a toujours pour objet le plus grand bien de ses élus, se déroulera, et s’accomplira jusqu'à la consommation des siècles. C'est alors que les élus, comme nous le lisons au chapitre IV de l'Apocalypse, béniront le Seigneur et reconnaîtront que « c 'est Lui qui créa toutes choses et que tout ici-bas fut soumis à sa divine volonté ».

C'est par César que s'accomplissent les prophéties annonçant depuis des siècles le lieu et le temps où devait naître le Messie promis.

Les routes qu'avaient construites les légions romaines serviront aux disciples de Jésus pour arriver jusqu'aux extrémités de la terre et porter la bonne nouvelle à tous les peuples, car leur voix sera entendue jusqu'aux extrémités du monde (Psaume XVIII).

« Je connais votre Institut et ses œuvres, nous disait il y a peu d'années, un éminentissime Prince de la sainte Eglise, et quand on voit une famille religieuse marcher comme marche la vôtre, on peut dire qu'il y a un saint à la base. » Nous recueillîmes alors cette parole de l'éminent Cardinal Vivès avec grande reconnaissance. N'est-elle pas un argument qui est bien de nature à nous faire considérer l'œuvre du Vénérable Père comme voulue et préparée par Dieu ?

Que chacun de nous, M. T. C. F., ait à cœur de réfléchir à cette considération en ce temps qui nous reporte par le souvenir aux tout premiers débuts de l'Institut, elle augmentera certainement en nos âmes notre confiance en Dieu, notre reconnaissance pour ses bienfaits et l'attachement à notre sainte vocation.

 *

*      *

 Au moment où naquit celui que Dieu destinait à être le fondateur de notre Institut, la France commençait à être fortement travaillée par les idées révolutionnaires, lesquelles devaient, en s'accentuant et se généralisant de plus en plus, causer tant de ruines si lamentables.

Pendant la première enfance du jeune Marcellin Champagnat, il y avait comme une conspiration contre le surnaturel, et, comme aux jours anciens du paganisme, on en vint à substituer le culte de la Raison à celui du vrai Dieu.

Ce courant pervers fit bien des victimes dans tous les rangs de la société.

Cependant la chaîne des élus ne doit pas subir d'interruption. Le Seigneur suscite des saints qui font son œuvre dans tous les temps. N'est-ce pas Lui qui sanctifia Job au milieu des nations païennes parmi lesquelles il vivait ? N'est-ce pas Lui qui justifia Abraham et le fit père des Croyants alors qu'il vivait encore parmi les infidèles ? N'est-ce pas le divin Sauveur qui, du milieu d'un peuple charnel et souvent adonné à l'idolâtrie se choisit ces fleurs d'humilité de pureté, de zèle et d'un parfait amour divin que furent ses apôtres et ses disciples ?

Au jour même où les Etats Généraux s'étaient réunis Versailles, où ils devaient opérer des transformations ni furent suivies de conséquences si désastreuses, Marcellin Champagnat venait au monde dans le modeste hameau du Rosey.

Coïncidence providentielle !

Pendant que se dérouleront les scènes révolutionnaires dont nous parle l'histoire du temps, et que la France se couvrira de ruines et d'ignorance, au sein des montagnes du Pilat, évangélisées quelque cent cinquante ans plus tôt par St François-Régis, l'apôtre du Vivarais et du Velay, grandira un des apôtres qui bientôt contribuera puissamment à la réparation des maux causés par les doctrines les actes révolutionnaires.

Ne semble-t-il pas que le bon Dieu se soit complu à mettre le remède à côté du mal ?

Disons mieux, il voulut que le remède vint des excès même du mal.

En chassant les Religieuses de leur couvent, la Révolution envoyait auprès du berceau de Marcellin l'ange qui, de concert avec la pieuse mère du jeune enfant, et complétant souvent l'action éducatrice de celle-ci, devait diriger ses premiers pas, éveiller son esprit et son cœur aux sentiments d'En Haut, et lui apprendre à balbutier pieusement les doux noms de Jésus et de Marie.

Obligée par la tourmente révolutionnaire, Sœur Thérèse vint en effet, en 1791, alors que Marcellin n'avait encore trois ans, chercher abri et refuge au Rosey, auprès de son frère Jean-Baptiste Champagnat. Fleur tout embaumée des vertus et des parfums du couvent, elle devait en enrichir abondamment l'âme de son neveu, le pré­parant ainsi à sa future destinée dans l'Eglise et auprès des âmes.

C'est ainsi que le bon Dieu montre aux hommes que ses pensées ne sont point leurs pensées, que ses volontés sont suprêmes et absolues. Elles tendent au plus grand bien, et, comme l'a dit Tertullien : Dieu croule les empires pour sauver une âme.

Mais ne croyons pas que ce soit seulement dans les grands événements qui intéressent l'humanité que nous pouvons suivre la trace divine du doigt de Dieu et voir les marques de son intervention souveraine. Si nous examinons attentivement notre propre histoire, nous y découvrons bien des circonstances où se montre visiblement l'intervention de la divine Providence.

S'il en est ainsi des choses grandes comme de celles qui le paraissent moins, combien ne sera-t-il pas intéressant et édifiant d'étudier l'action divine dans les événements qui ont préparé la fondation de notre chère Congrégation !

La pieuse et zélée religieuse ne manqua pas d'inspirer à son jeune neveu une tendre dévotion à Marie, une grande horreur pour le péché et pour les actes d'irréligion qui se commettaient en ce malheureux temps. Nous savons comment le jeune enfant manifesta son horreur pour les excès révolutionnaires en demandant si la Révolution était une bête ou un homme.

Ainsi se commençait chez cet enfant le cœur du futur Prêtre. D'autres circonstances nées des situations du jour devaient préparer et former le futur Fondateur d'un Institut de religieux éducateurs.

La mère et la tante du jeune Marcellin lui donnèrent sans doute les premières notions que l'on donne aux enfants des bonnes familles chrétiennes de la campagne; mais, ne pouvant mener bien loin ses progrès, même dans les premiers éléments, l'enfant fut envoyé à l'école du village. Les méthodes défectueuses de l'Instituteur allèrent à l'encontre du jugement sain et droit de son jeune disciple. Réfléchissant plus tard là dessus, il vit dans ces méthodes défectueuses une des causes principales de l'ignorance de l'époque et des maux qui en sont la suite. C'est ce qu'il exposera plus tard au Roi Louis-Philippe dans sa requête en demande d'autorisation légale pour sa Congrégation.

   En plus des défectuosités de la méthode dont son esprit judicieux fut choqué, il fut témoin de procédés qui blessèrent vivement ses sentiments délicats. Le respect, à l'enfant n'avait place que de nom dans le code d’éducation du jour. On n'avait pas respecté Dieu, comment allait-on respecter son image ? Des brutalités dont avait été témoin à l'école, Marcellin conserva un souvenir amer.

Aussi il verra eu elles une des causes de la mauvaise éducation du peuple et de sa déchéance générale dans respect de l'autorité, d'après ce grand principe qu'il faut respecter pour être respecté.

Ces souvenirs et ces impressions lui dicteront plus tard ces règles si empreintes de l'esprit évangélique, si en en harmonie avec les exemples du divin Sauveur ; elles formeront comme le code d'éducation qu'il donnera à ses disciples, ce qui sera certainement une des causes principales du succès presque prodigieux qu'obtiendra partout son œuvre d'éducation. Héritage précieux de bonté chrétienne et de mansuétude que ses fils doivent faire valoir et conserver précieusement.

Ainsi d'un côté, une Religieuse que la Révolution a jetée hors du cloître, de l'autre le désarroi où sont tombées les institutions du jour concourent providentiellement à déposer dans le cœur de Marcellin les sentiments sont le plus en rapport avec sa future destinée.

Une âme placée par Dieu à côté de son berceau jette dans la sienne les germes de cette sainteté qu'il poursuivra dans la suite, avec tous les élans de son cœur épris d'amour de Dieu et plein de zèle pour sa gloire ; la misère morale et l'ignorance dont il est témoin exciteront sa charité et le pousseront à la conquête des âmes par l’éducation de l'enfance. L'objectif est sublime; c'est celui des grandes âmes. Mais, quel sera le moyen pour l'atteindre ?

Là aussi va se montrer visiblement l'intervention de la divine Providence.

Comme autrefois David sur les collines de Bethléem, comme un siècle auparavant, Vincent de Paul dans les plaines des Landes, Marcellin, en vue d'être utile et d'aider aux besoins de la maison, s'occupait à la garde d'un petit troupeau. Cette vie simple de travail et de modestes économies personnelles contribuera à former en lui ce sens administratif qui, dans la suite, présidera à la création et au développement de ses œuvres. Mais ce qui fut par-dessus tout avantageux au jeune Marcellin, c'est que, grâce à ce genre de vie à la campagne, sous l'influence d'une fa­mille éminemment chrétienne, il conserva cette pureté de mœurs, cette, piété sincère, cette dévotion à Marie qui, Dieu aidant, se développeront progressivement en son âme et atteindront -jusqu'au degré héroïque qui est la sainteté.

C'est par tous ces moyens que Dieu s'était plu à préparer l'ouvrier qui était destiné à faire une grande œuvre; préparation lointaine par un travail de base qui sera le premier fondement sur lequel reposera tout l'édifice; éducation primordiale que nous pouvons comparer à la première liqueur qui est mise dans-le vase, et dont le parfum persistera toujours.

La docilité de Marcellin s'était prêtée à toutes ces circonstances, voulues et ménagées par la divine Providence.

Heureuse l'âme qui à l'exemple du jeune Samuel, sait toujours dire : « Parlez Seigneur, votre serviteur écoute ! » Parlez par tous ces événements et toutes ces circonstances qui m'entourent et qui sont pour moi le chemin par lequel je dois aller à vous.

L'heure d'une préparation plus immédiate allait sonner.

Le siège archiépiscopal de Lyon était occupé par Son Eminence le Cardinal Fesch, oncle de l'empereur Napoléon 1ier. Ce digne et vertueux prélat était désolé de voir presque vides les séminaires de son grand diocèse. En vue de les repeupler et de préparer ainsi de dignes ministres des autels, il pria Monsieur l'abbé Courbon, originaire de la région où est situé le Rosey, et qui était un de ses Vicaires Généraux, de lui trouver dans son canton natal, pays encore riche en esprit chrétien, quelques jeunes gens en qui il reconnaîtrait des marques de vocation ecclésiastique. Monsieur Courbon transmit la commission à un prêtre professeur au grand Séminaire, qui avait coutume d'aller passer ses vacances dans la région indiquée et dont il était originaire. Quelques jours après avaient lieu l'entrevue et l'entretien qui déterminèrent la vocation de Marcellin âgé alors de 15 à 16 ans.

Après avoir vu la modeste contenance du jeune homme, après l'avoir interrogé et avoir entendu ses timides réponses, le prêtre, guidé sans doute en ce moment par une inspiration d'En-Haut, lui dit sans hésitation : « Mon enfant, il faut étudier le latin et vous faire prêtre : Dieu le veut. »

C'en est fait, la grâce de Dieu intervenant, la résolution de Marcellin est prise, il sera prêtre. Et il est à remarquer qu'à partir de ce moment, il devient ferme et inébranlable pour suivre l'appel de Dieu qui vient de lui être manifesté ! Il triomphera de tous les obstacles qui s'opposeront à sa vocation.

Sa maxime sera : «  Je serai prêtre, puisque Dieu le veut ! »

Il le fut en effet, et le 22 juillet 1816, honoré du sacerdoce, il se rend à N. D. de Fourvière, où prosterné au pied de l'Autel de Marie il se consacre tout entier à son service ayant au cœur le projet de fonder, sous son vocable, une Congrégation de Frères enseignants.

Le 12 août de la même année, Marcellin, prêtre du Seigneur est envoyé dans la paroisse de La Valla pour y remplir les fonctions de vicaire. Pendant plusieurs années il s'acquitta de ces laborieuses fonctions avec un zèle tout apostolique, qui produisit les fruits les plus abondants pour le salut des âmes.

La divine Providence qui continuait à disposer toutes choses pour la préparation du futur Institut, ménagea une rencontre qui devait être, si nous pouvons nous exprimer ainsi, le dernier article du programme préparatoire.

Dans un hameau de la paroisse, un enfant d'une douzaine d'années est gravement malade; le vicaire va le visiter, l'interroge, et à son grand étonnement, il constate qu'il est dans une totale ignorance des vérités les plus essentielles de la Religion. Vite, il les lui enseigne et le confesse. Une heure après on lui annonce que l'enfant vient de mourir. Le danger qu'a couru cette âme à cause de son ignorance fait une vive impression sur le zélé vicaire et lui fait prendre la résolution de se mettre à l’œuvre sans plus de retard, pour mettre à exécution le projet d'un Institut de Frères enseignants, projet qui, depuis plusieurs années. faisait l'objet de ses pensées.

Telle avait donc été la préparation, tel l'appel de Marcellin à la vocation, à la mission particulière à laquelle Dieu le destinait pour le bien des âmes par l'éducation chrétienne de l'enfance.

Aux yeux de ceux qui se contentent de juger les choses avec les simples lumières de la raison humaine, il n'y a rien de bien extraordinaire dans la succession des faits que nous venons, de rappeler. Tout semble naturel. Oui, comme tout semble naturel, par exemple, dans Moïse sauvé des eaux par le stratagème de ses parents, recueilli par la fille de Pharaon, instruit ensuite dans les sciences de l'époque en vue des fonctions que lui confiera le roi, mis en contact avec les Hébreux ses frères dont il apprendra à connaître les maux, enfin obligé de fuir et de se cacher dans le désert dont il sondera les solitudes Pour mieux guider le peuple de Dieu quand le moment sera venu en être le conducteur à sa sortie de l'Egypte, Oui, humainement parlant, à première vue, tout semble aller selon e cours ordinaire des choses dans ces voies par lesquelles e bon Dieu conduit ses saints.

Mais combien aisément l'âme attentive, guidée par le lu­mineux flambeau de la foi, sait reconnaître et adorer l'impulsion toute puissante de Dieu dans ces causes secondes, qui, souvent aveugles en elles-mêmes, et quelquefois même opposées à ses volontés saintes, concourent cependant l'exécution des desseins de miséricorde qu'il s'était proposés.

Ainsi, la tempête révolutionnaire du XVIlI° siècle s'était déchaînée : nombre de serviteurs de Dieu qui, comme Marcellin, sont destinés à collaborer à la restauration du temple que des mains sacrilèges ont démoli et profané, se réparent par la prière, par l'étude, par une vie vertueuse leur mission providentielle, deviennent plus forts et plus virils en raison même des malheurs et des maux qui les entourent.

Bientôt les meneurs révolutionnaires, las de leurs propres excès et las d'eux-mêmes, déposeront les armes, croyant peut-être que la victoire est à eux. Mais, comme après les jours néfastes d'Israël dont nous parle le Livre des Macchabées, stupéfaits, ils se trouvent encore en face d'une légion de vaillants, d'hommes de Dieu i qui n'ont pas courbé le front devant Baal.

Et ceux-ci reprenant les mêmes instruments qui avaient servi naguère à l'iniquité : enseignement, libertés, institutions sociales… etc. …., ils les purifieront, les sanctifieront, les offriront de nouveau à Celui qui est le principe et la fin toutes choses, à qui seul appartiennent la gloire et la puissance, à Celui que nos cœurs aiment et en qui ils espèrent, au divin Roi Jésus à qui le Seigneur donna les nations etles peuples en héritage, et qui les gouverne par la miséricorde et par l'amour.

Cette ferme croyance à l'intervention continue de la divine Providence en tout ce qui arrive ici-bas, soit pont permettre soit pour ordonner, doctrine qui est si fréquemment enseignée par Notre Seigneur lui-même dans le Saint Évangile, doit être pour nous un puissant motif de réconfort et de confiance dans tous les événements de la vie, autant de notre vie particulière, que de la vie sociale. dont nous avons à subir les influences contraires ou à nous réjouir des influences heureuses. Il dépend de nous qu'elles soient toutes sanctifiantes.

Quand le flot des événements humains semble vouloir tout entraîner, quand nos âmes sont portées à l'angoisse à la vue des maux présents ou à la crainte des maux futurs qui sont à redouter, rappelons-nous que c'est Dieu, qui avec les sables du rivage arrête et brise les vagues courroucées de l'océan, que c'est Lui qui, au besoin, dessèche le fleuve ou le fait remonter vers sa source, et redisons avec l'Église : « En vous, Seigneur, j'ai mis mon espérance et je ne serai jamais confondu ».

Travaillons donc avec courage à notre sanctification en nous servant pour cela, des événements qui s'accomplissent autour de nous, de ces mille circonstances voulues par Dieu et qui constituent le tissu de notre vie. Et reposons-nous sur la pensée que Dieu sait tout, qu'Il peut tout et qu'Il nous aime infiniment.

 Action d'En Haut dans la fondation de l'Institut,

dans sa conservation et son développement

pendant le premier siècle de son existence.

    Vers la fin de 1816 vivait à Lavalla, dans une  famille éminemment chrétienne, un adolescent déjà riche des dons de Dieu, d'une innocence et d'une pureté tout an­géliques. Il trouve un jour sous sa main le « Pensez-y­ bien » et le lit avec avidité. Cette lecture mouille ses yeux de larmes. Il se jette à genoux et demande à Dieu 'qu'il faut faire pour le servir plus parfaitement. Il se lève avec la résolution de quitter le monde et de se faire religieux Après une démarche faite dans ce but, et qui n’eut pas le prompt succès qu'il désirait, il va, un samedi se confesser à M. Champagnat. Il lui fait part de son projet. Le confesseur l'engage à prier avec ferveur pour connaître les desseins de Dieu sur lui. Le jeune ras l'écoute avec une très grande attention. Le confesseur en est frappé; il se recueille un instant pour examiner devant Dieu ce qu'il doit lui conseiller. A ce moment, il lui semble entendre une voix intérieure qui disait : « J’ai préparé cet enfant et je te l'amène pour en faire le fondement de la Société que tu dois fonder ».

Qui ne verrait en tout cela l'action d'En Haut et sur l'âmede l'enfant et sur celle du vénérable Fondateur ? C’est évidemment le surnaturel qui intervient dans l'un et dans l'autre. Et remarquons-le, chez tous les deux, cette intervention de la grâce divine se manifeste à la suite d'une prière fervente.

Dans l'ordre des choses humaines, les causes doivent en proportion des effets qu'elles ont à produire. Il y a des lois qui régissent tout cela en physique, en mécanique et autres sciences.

Dans l'ordre surnaturel il n'en est pas ainsi. Dieu se souvent à produire de grands effets avec des causes petites en apparence. La sainte Ecriture et les vies des saints nous en fournissent de multiples exemples.

L’histoire des tout premiers temps de notre Institut, contient à ce sujet le récit d'un fait qui montre d'une manière bien frappante la divergence entre la manière humaineet la manière divine de juger les moyens de créer, de conserver et de faire prospérer les œuvres.

En effet, écoutons le dialogue mémorable qui eut lieu entre Monsieur le Curé de Marlhes et le Frère Louis.

« Ne comptez pas, disait Monsieur le Curé au Frère Louis, que votre communauté se soutienne. Pour qu'une œuvre de ce genre soit solide, il faut bâtir sur le roc, et votre Congrégation n’est édifiée que sur le sable ; il faut avoir des ressources que vous n'avez pas et que vous n'aurez jamais. Le roc qui doit servir de fondement à une Congrégation, répondit le Frère Louis avec beaucoup de calme, c'est la pauvreté et la contradiction. Or, grâce à Dieu, nous avons abondamment ces deux choses, ce qui me fait croire que nous bâtissons solidement et que Dieu nous bénira ».

" Vous faites le bien ici, lui dit Monsieur le Curé dans une autre circonstance , pourquoi vous en aller ? – Je m'en vais, Monsieur le Curé, parce que l'obéissance m'appelle. – Mais vous voyez bien que vous tuez votre école en l'abandonnant. – Je ne le pense pas, car celui qui me remplace fera mieux que moi. – Cela n'est pas possible, dit Monsieur le Curé : on vous aime ici, vous y réussissez ; restez avec nous, j'aurai soin de vous et de votre avenir. – Jamais, Monsieur le Curé. – Vous avez tort. – Il faut que je fasse mon devoir ; mon Supérieur commande, je dois obéir. – Votre Supérieur est un homme sans expérience, sans capacité, sans intelligence. L'acte qu'il fait en vous ôtant d'ici malgré nies observations en est une preuve. – Ce n'est pas l'idée que l'on a à Lavalla de Monsieur Champagnat, reprit Frère Louis, tout le monde le, regarde comme un homme sage, et nous autres Frères, nous le regardons comme un saint.

Monsieur le Curé ne répliqua pas, et le Frère Louis partit après lui avoir demandé et obtenu sa bénédiction. Dieu se plut à récompenser la conduite si fermement religieuse du Frère en permettant que son successeur obtienne un plein succès. Comme son prédécesseur il sut gagner l'affection des enfants, la confiance des parents et l'estime même de Monsieur le Curé. Ah ! combien est beau, combien est édifiant cet exemple que nous a ainsi donné celui qui fut l'aîné de notre chère famille religieuse !

Plaise à Dieu qu'en ce commencement du second siècle de l'Institut, dans toute sa durée et toujours, tous les Petits Frères de Marie soient les fidèles imitateurs de leur aîné !

Ce sera, n'en doutons pas, le meilleur moyen d'attirer les bénédictions d'Eu Haut sur leurs personnes et sur leurs œuvres

Le Vénérable Père Fondateur en disant, en redisant et en commentant une multitude de fois le verset : NisiDominus oedificaverit domum in vanum laboraverunt qui oedificant eamnous montre avec évidence combien il était convaincu que son œuvre se maintenait et se développait, non par l'action des hommes, mais par l'action d'En Haut.

Ah ! c'est qu'il était bien persuadé de la vérité de cette parole du divin Maître : Sans moi, vous ne pouvez rien ! Mais d'autre part, il était non moins convaincu de cette autre de l'apôtre St Paul : Je puis tout en Celui qui me fortifie ! Aussi en s'appuyant sur le secours céleste, il allait toujours de l'avant avec fermeté et courage pour le développement de son œuvre, et cela sans faiblir jamais malgré les multiples et grandes difficultés qu'il rencontra et qui lui vinrent de tous les côtés et de toutes sortes de personnes.

Et puis combien de fois n'a-t-il pas répété : « C'est la Très Sainte Vierge qui a tout fait chez nous. Elle est chargée de nous puisqu’elle est notre Mère, notre Patronne, notre première Supérieure. Notre Communauté est son œuvre. C'est Elle qui nous a tous conduits dans cette maison.

Peut-on affirmer d'une manière plus explicite l'action de la Très Sainte Vierge Marie sur la fondation, la con­servation et le développement de l'Institut ?

Avant de quitter ce monde pour une vie meilleure, le Vénérable Fondateur voudra redire encore sa pensée concernant l'intervention d'En Haut sur la marche de l'Institut.

Le Frère François et le Frère Louis-Marie sont auprès de lui dans cette chambre où il va bientôt mourir. S'adressant à eux, il leur dit les mémorables paroles que J'ai déjà rappelées dans une précédente circulaire, mais sur lesquelles on né saurait trop appeler l'attention de tous nos Frères en cette circonstance du centenaire : « Vous aurez beaucoup d'embarras, leur dit-il, mais ayez confiance : le bon Dieu sera avec vous, car c'est son œuvre que vous faites  ; avec, son secours, vous vaincrez tous les obstacles que l'ennemi pourra vous susciter. Puis, ne l'oubliez pas, vous avez la Sainte Vierge qui est la Ressource de la Maison ; sa protection ne vous manquera jamais. »

Citons encore le dialogue si digne d'être rappelé et qui eut lieu entre un ancien Frère de la Communauté et le Vénérable Fondateur. « Mon Père, dit le Frère au vénéré malade, que nous aurions besoin que le bon Dieu vous laissât encore quelque temps parmi nous ! Qu'allons-nous devenir, et qui est-ce qui pourra se charger de conduire la Société si vous venez à nous manquer ?»

« Mon bon Frère, lui répond le Vénérable Fondateur, ne vous mettez pas en peine de cela. Est-ce qu'il manque des hommes à Dieu pour accomplir son œuvre ? L'homme n'est qu'un instrument ou plutôt n'est rien ; c'est Dieu qui fait tout. Vous devriez comprendre cela, vous qui êtes des anciens et qui avez vu les commencements de l'Institut. La Providence n'a-t-elle pas toujours pris soin de nous ?N'est-ce pas Elle qui nous a tous réunis ? qui nous a fait triompher de tous les obstacles que nous avons rencontrés ? qui nous a fourni des ressources pour bâtir cette maison, qui a béni nosEcoles et les a fait prospérer quoique nous fussions des hommes sans talents ? N'est-ce pas la divine Providence, en un mot, qui a tout fait chez nous ? Or si elle a pris soin de cet Institut jusqu'à maintenant pourquoi n'en prendrait-elle pas soin à l'avenir ? Croyez-vous qu'elle cessera de le protéger parce qu'il y aura un homme de moins ? Détrompez-vous, je vous le répète, les hommes ne sont pour rien dans cette œuvre. Dieu la bénira non à cause des hommes qui la dirigent, mais à cause de son infinie bonté et des desseins de miséricorde qu'il a sur les enfants qui nous sont confiés. »

Le dévoué et saint Frère Stanislas se lamentait et pleurait, tant par la douleur de perdre le Vénérable Père que par la crainte du préjudice que sa mort devait causer à l’Institut. «Pauvre Frère ! lui dit un jour le vénéré malade, que vous avez peu de foi et. de confiance en Dieu ! Vous avez donc cru que, la prospérité de la Congrégation tenait à moi ? Eh bien ! je vous préviens qu'après ma mort, les choses iront mieux que maintenant et que les progrès de la Congrégation seront plus rapides qu'ils ne l'ont jamais été. Vous reconnaîtrez un jour la vérité de ce que je vous dis, et vous comprendrez alors que ce n'est pas dans les hommes qu'il faut mettre sa confiance mais en Dieu qui est tout et qui fait tout ».

Il était grand le nombre des personnes de diverses classes de la société qui, connaissant le Père Fondateur et son œuvre, étaient dans la persuasion que s'il venait à manquer c'en était fait de l'Institut.

Nous pouvons nous demander pourquoi Dieu permit cette persuasion fût presque générale, même chez personnages d'autorité et dignes de tout respect. – Ah ! sans doute c'était pour montrer d'une manière évidente que cet Institut s'était fondé, s'était conservé et allait se multiplier non par l'action des hommes, surtout par l'action d'En Haut.

Maintenant que nous sommes à trois quarts de siècle de l'époque où se manifestaient ces appréciations et ces craintes, et que, d'autre part, nous considérons l'état de pleine vitalité de l'Institut, nous sommes bien en droit de dire, à la plus grande gloire de Dieu, qu'ils étaient dans l'erreur ceux qui, pour juger l’œuvre, se mettaient à un point de vue où dominait surtout la simple et courte raison humaine.

Oh ! comme nous serons bien avisés, M. T. C. F. si, à l'exemple de notre Vénérable Père et modèle, nous savons toujours nous éclairer du lumineux flambeau, j'allais dire du phare de la foi en l'action de la divine Providence, dans la conduite des entreprises et des œuvres qui ont pour objet la gloire de Dieu et le salut des âmes.

Je ne veux pas manquer de mettre ici la définition si caractéristique et si belle aux yeux de la foi que le Frère Jean-Baptiste donne de l'Institut dans l'avant propos du livre des «Avis, Leçons, Sentences du Vénérable Père Champagnat :» elle vient si bien à l'appui du sujet que nous traitons.

« Qu'est-ce que l'Institut des Petits Frères de Marie ? », telle est la question qu'il pose.

Et voici comment il y répond :

« C'est une Congrégation née dans l'humilité, la pauvreté et à l'ombre de la Croix de Jésus ; elle a été fondée le 2 janvier 1817 ; elle a donc aujourd'hui 52 ans d'existence (c'était en 1868 qu'il publiait le livre).

« La pauvre maison qui lui a servi de berceau ressemblait à l'étable de Bethléem ; c'était le même dénuement, la même solitude, car elle était seule et écartée des autres maisons du village de Lavalla.

Le vénéré Père Champagnat, son Fondateur, était un prêtre plein de vertus et de l'esprit de Jésus Christ, mais il n'avait ni biens-fonds, ni argent ; ses disciples, nos premiers Frères, étaient tous sans fortune  ; réunis en famille, c'est par le travail de leurs mains qu'ils pourvoyaient à leur subsistance ».

Après cet exposé où nous voyons bien clairement que les moyens humains pour lancer l’œuvre entreprise et la faire prospérer paraissent faire totalement défaut, le Frère Jean-Baptiste ajoute aussitôt :

« Mais c'est une Congrégation riche de prospérités et de bénédictions divines. La preuve de cette affirmation, ajoute-t-il, c'est qu'elle est aujourd'hui répandue dans les principales provinces de France, en Belgique, en Angleterre, dans l'Afrique du sud et en Océanie. Elle a fondé dans ces divers pays plus de quatre cents maisons d'Ecoles, où deux mille Frères donnent l'éducation chrétienne à plus de soixante mille enfants. En outre plus de six cents de nos Frères sont décédés dans les dispositions les plus édifiantes. Bénie et approuvée par l'Église le 9 janvier 1863, notre Congrégation continue à se développer et à grandir à l'ombre de la Croix et sous la protection de Marie ».

Ne remarquez-vous pas, M. T. C. F., la disproportion entre ces résultats qu'on peut appeler merveilleux et les moyens dont on avait disposé pour les obtenir ? – Ce serait évidemment incompréhensible si on ne les envisageait et si on ne voulait les expliquer qu'à l'aide de la simple raison humaine.

Mais tout s'explique sans peine si on attribue le tout à l'action d'En Haut, à l'intervention de la divine Providence qui sait obtenir de grands résultats avec des moyens petits et faibles en apparence.

Si à l'exemple du Frère Jean-Baptiste et à cinquante ans d'intervalle, nous jetons un coup d’œil sur ce qui s'est accompli dans l'Institut depuis l'époque où le vénéré Frère écrivait ce que nous venons de relater, quelle ne sera pas notre admiration et combien n'aurons-nous pas à être reconnaissants pour l'assistance d'En pendant ce demi-siècle, ! Nous le savons, Dieu a conservé et fait prospérer notre Institut pendant cette période malgré les multiples et grandes difficultés qui auraient été de nature, non seulement à empêcher sa marche- progressive, mais même à causer sa ruine. Il y aurait de nombreuses et édifiantes pages à écrire sur ce sujet. Diverses causes m'empêchent de le faire présentement, mais, s'il plait à Dieu, nous pourrons le faire dans une autre circulaire.

Toutefois je crois que Notre Seigneur aura pour agréable que je mette ici sous les yeux de tous nos Frères des diverses parties du monde et d'une manière un peu détaillée, le récit d'un fait qui s'est passé en 1883 et qui n'a peut-être pas été assez remarqué.

Dans la circulaire du mois de mai 1875, le Frère Louis Marie annonçait à tout l'Institut qu'après mûr examen il avait été reconnu que c'était une nécessité absolue, pour le plus grand bien de notre œuvre, de concentrer toutes nos ressources et tous nos moyens dans nos provinces d'Europe. Il ajoutait comme conséquence : « De longtemps et peut-être jamais l'Institut ne pourra songer à s'implanter soit en Asie, soit en Amérique quoiqu'il nous en vienne des demandes très considérables ».

Et pendant près de dix ans on se conforma fidèlement à cette décision.

Or, M. T. C. F., nous n'ignorons pas qu'à cette époque, dans plus d'un pays d'Europe, des hommes impies et sectaires ourdissaient des complots contre l'Église et plus particulièrement contre les Congrégations religieuses enseignantes.

Parmi ces hommes desquels on peut bien dire qu'ils étaient les suppôts de l'ennemi de tout bien, quelques-uns occupaient des postes plus ou moins élevés dans l'échelle sociale, d'autres siégeaient dans les Parlements, plusieurs enfin, pour ne pas dire beaucoup, étaient affiliés aux sectes tant de fois stigmatisées par les souverains pontifes.

Tout cela était bien de nature à inspirer les craintes les plus sérieuses pour l'avenir de notre Institut en France. Mais la divine Providence veillait sur l’œuvre du Vénérable Père Champagnat. Sur ces entrefaites, le Chapitre Général se réunit à St Genis-Laval. C'était en avril 1883. Après avoir procédé à l'élection du R. Frère Théophane comme Supérieur Général et de huit Frères Assistants Généraux, il eut à s'occuper de diverses questions intéressant la bonne marche de l'Institut.

Un des capitulants, inspiré d'En Haut sans aucun doute, avait préparé un excellent rapport sur l'utilité, les grands avantages et l'opportunité d'une consécration solennelle de l'Institut au Sacré-Cœur de Jésus avant la clôture du Chapitre Général et le retour des capitulants dans leurs provinces. Tout n'alla pas sans quelques difficultés. Mais le zélé promoteur de la Consécration ne se laissa pas décourager ; il chercha et trouva un capitulant qui se chargea de l'aider à surmonter les difficultés.

En séance générale, lecture fut faite du rapport. Tous les capitulants l'écoutèrent avec grande attention et un vif intérêt. Après quelques instants de silence, le R. Frère .Supérieur Général s'adressant à l'assemblée : « Que vous en semble, mes chers Frères ? », dit-il, « que décidons-nous ? ». – Immédiatement et par acclamation tous les capitulants répondirent de la voix ou du geste : « Oui ! Oui  ! il faut nous consacrer et consacrer l'Institut au Sacré-Cœur ».

Et le soir, au salut du jour de la clôture du Chapitre, tous les capitulants, réunis en groupe dans le Sanctuaire de la chapelle, et à genoux devant le Très Saint Sacrement exposé, le Révérend Frère Supérieur Général prononça la Consécration au divin Cœur de Jésus de tous les membres de l'Institut présents et futurs ainsi que toutes leurs œuvres En même temps avait été sus­pendue aux voûtes gothiques si belles et si élevées de la chapelle une banderole portant l'inscription significative.

 L'Institut au Sacré-Cœur.

 Ce fut un grand acte qui eut de grandes conséquences pour l'Institut, comme nous allons le voir.

Les ennemis de l’Eglise continuaient à préparer leurs iniques projets. Leur plan bien arrêté était de faire disparaître de France les Congrégations qui se dévouent à l'éducation chrétienne de la jeunesse.

A cause de ces projets destructeurs, dont nous avons vu depuis la triste réalisation, il était de première importance pour la conservation et le développement de notre famille religieuse qu'elle allât au plus tôt s'implanter là où elle trouverait la sécurité.

Quel coup terrible et désastreux ç'eût été, en effet, pour notre Institut, s'il avait continué de concentrer tous ses moyens et toutes ses ressources uniquement en France, comme cela avait été décidé par le Régime en 1875 !

Mais, comme je l'ai déjà dit, une puissance d'En Haut veillait.

Notre Seigneur n'avait-il pas promis à la bienheureuse Marguerite Marie qu'Il bénirait d'une manière spéciale les familles où régnerait la dévotion à son divin Cœur ?

Or les Petits Frères de Marie, par l'organe de leur Chapitre Général, venaient de se consacrer solennellement à Lui pour le présent et pour l'avenir !

 *

*      *

 Au mois d'octobre 1884, un saint prélat, Monseigneur Mouard, évêque des Seychelles vient à la Maison-Mère pour demander des Frères auxquels il veut confier l'éducation des garçons dans son diocèse.

En présence de tous les membres du Régime réunis autour de lui, il emploie les arguments les plus solides accompagnés de paroles pleines d'onction pour appuyer sa requête. Il se flatte d'avoir fait passer ses convictions dans les cœurs du Frère Supérieur Général et de ses huit assistants. Il compte que ses efforts vont être couronnés par une complète victoire. Le Frère Supérieur Général lui-dit avec respect : « Eh ! bien, Monseigneur, nous allons nous retirer pour délibérer sur votre proposition ».

La délibération ne dura pas moins d'une heure pendant laquelle Monseigneur et son compagnon, le R. Père de Sixte, capucin, définiteur de la province de Savoie, attendaient anxieusement.

Le saint évêque, en rendant compte de cette démarche à Son Eminence le Cardinal Simeoni, Préfet de la Sacrée Congrégation de la Propagande, lui disait : « Enfin arrivent le frère Supérieur Général et deux de ses assistants qui, la tristesse dans les yeux, me disent : « Monseigneur, nous serions trop heureux de vous venir en aide ; mais, après avoir tout examiné, nous avons décidé à l'unanimité que nous ne pouvons pas vous donner des Frères».

C'était le maintien de la décision de 1875.

Toutefois le dernier mot n'était pas dit. Le bon évêque, en proie à une douleur navrante, ne se laisse néanmoins pas dominer par le découragement : il reprend ses arguments, il conjure le Supérieur de ne pas le renvoyer sans une promesse. Tout est inutile, la décision de 1875 est toujours là comme une barrière infranchissable.

Mais ce qui ne semble pas possible au premier abord va le devenir par le moyen tout puissant de la prière. Le saint évêque demande à être laissé seul pour réciter son office. Pendant ce temps, le Père de Sixte fait valoir un nouvel argument. C'était Josué combattant dans la plaine pendant que Moïse priait sur la montagne. Une première brèche allait heureusement s'ouvrir au rempart administratif dressé par la décision de 1875. En effet, dans une nouvelle séance du Conseil, il fut décidé que des Frères seraient envoyés aux Seychelles, selon la demande de Monseigneur.

A quelle intervention supérieure faut-il attribue changement si inespéré et si brusque dans les dispositions des membres du Conseil ? – Il nous est bien permis de penser et de dire que ce fut grâce à l'intervention du Sacré-Cœur, selon la promesse faite par Notre Seigneur à la bienheureuse Marguerite Marie ; car il y allait, redisons-le, d'un intérêt vital de premier ordre pour l'Institut, et, par conséquent, pour la part que Dieu lui destine dans l’œuvre si importante et si nécessaire de l'éducation chrétienne de la jeunesse.

Grande fut la joie du bon et saint évêque en apprenant la décision si conforme à ses vœux qui venait d'être prise. « En récitant mon office avec une ferveur inaccoutumée, nous dit-il, une inspiration d'En Haut me disait que ma cause était gagnée »,

Il prit congé de nous le cœur plein d'allégresse, et il alla le lendemain matin célébrer la sainte Messe dans le Sanctuaire de N. D. de Fourvière en actions de grâces du succès de ses démarches.

Cette première brèche ouvrit heureusement à l'Institut la porte pour franchir les limites qui lui avaient été tracées. Quelques semaines plus tard, cinq Frères de la province de St Paul-3-Châteaux faisaient voile pour les Seychelles. Leur zèle et leur dévouement ont été bénis de Dieu. Leur œuvre est allée en prospérant d'une manière continue à la grande satisfaction de Monseigneur Mouard et des évêques qui lui ont succédé.

Une seconde brèche ne tarda pas à suivre la première.

En effet, en l'année 1885, et non sans quelques difficultés, le Conseil du Régime donna son adhésion pour une fondation au Canada à la demande du saint évêque de St Hyacinthe, Monseigneur Moreau., Le 15 du mois d'août 1885, fête patronale de l'Institut, six Petits Frères dé Marie, sous la direction de cher Frère Césidius, s'embarquaientau Havre pour faire voile vers New York et de là se rendre au Canada. C'était l'entrée de l'Institut dans cette Amérique où l'on avait pensé et dit qu'on n'irait peut-être jamais. L’œuvre y a prospéré depuis et y prospère encore.

L'année suivante, l'Institut franchit les Pyrénées pour aller commencer, dans des conditions où la main de Dieu se montra d'une manière visible, la fondation de nos œuvres d'Espagne, qui sont aujourd'hui si florissantes.

Puis vinrent successivement la Colombie e, la Chine, les Etats-Unis, Constantinople, la Syrie, le Brésil Central, le Brésil Méridional, le Mexique, Cuba, le Brésil Septen­trional, l'Argentine, le Pérou, le Congo, Madagascar, Ceylan, le Chili.

La grande tempête qui se préparait depuis plusieurs années éclata en 1903. Elle jeta hors de France les Petits Frères de Marie et les autres religieux enseignants. Ce fut une grande et terrible épreuve. Mais, comme nous l'avons déjà dit, il y a au Ciel une puissance qui prend soin de ses élus et sait tirer le bien du mal.

Tout était prêt pour recevoir dans les provinces lointaines récemment fondées ceux qui voulurent mettre leur vocation en sûreté, et elles furent nombreuses les phalanges de jeunes et d'anciens 'qui allèrent continuer leur formation ou exercer leur mission d'éducateurs dans les pays où ils trouvaient la liberté.

Et ce fut un immense avantage non seulement pour l'Institut, mais encore pour la grande cause de l'éducation chrétienne de la jeunesse !

Gloire, amour et reconnaissance au divin Cœur de Jésus, qui, par cette série de fondations providentielles, dans les pays lointains, répondit si heureusement et si opportunément à la Consécration qui lui fut solennellement faite de l'Institut par le Chapitre Général, il y a trente-trois ans.

Que ce soit un motif pour nous tous, M. T. C. F., de redoubler d'efforts afin de faire croître en, nos âmes la dévotion au divin Cœur de Jésus, et de zèle pour la répandre, dans la plus large mesure possible autour de nous, chacun dans sa sphère d'action, les Frères Provinciaux dans leur province, les Frères Directeurs dans leur maison, les Maîtres des novices dans leur noviciat, les Frères Directeurs des Juvénats parmi leurs juvénistes, les Frères enseignants de toutes nos écoles parmi leurs élèves.

Aujourd'hui même le Frère Supérieur Général, en son nom, au nom des membres du Régime et au nom de tous ceux qui composent actuellement notre chère famille religieuse dans toutes les parties du monde, prononce au pied des autels une consécration solennelle de l'Institut au divin Cœur de Jésus pour le siècle qui commence et, pour les siècles qui suivront.

Nous pouvons espérer avec une ferme confiance que ce divin Cœur continuera à nous protéger dans l'avenir comme Il l'a si bien fait dans le passé. Mais n'oublions pas que cette bénédiction sera d'autant plus abondante et efficace, que nous serons plus fervents, plus réguliers et plus zélés dans J'accomplissement de nos devoirs de religieux et d'éducateurs.

 *

*     *

 Il entrait dans ma pensée, M. T. C. F., de relater dans cette circulaire un grand nombre d'autres faits puisés dans l'histoire du premier siècle de notre Institut et où l'intervention d'En Haut s'est manifestée d'une manière visible.

Sachant que la divine Providence se sert d'instruments pour l'accomplissement de ses desseins, mon intention était de montrer l'action des hommes dans la fondation, la conservation et le développement de l'Institut pendant le siècle écoulé. Parmi ces hommes, les uns furent membres de l'Institut, lés autres n'en firent pas partie, les uns furent favorables, les autres exercèrent une action contraire.

Je m'étais proposé aussi, M. T. C. F., de vous parler de l'influence qu'exercèrent les événements du siècle sur la marche de l'Institut. En les étudiant attentivement à la lumière de la foi, on y voit comment la divine Providence les a fait servir à notre plus grand bien.

Je voulais en outre vous entretenir de bien d'autres détails édifiants et intéressants puisés dans l'histoire de notre famille religieuse pendant le premier siècle.

Mais, comme je l'ai déjà dit, un surcroît exceptionnel d'occupations et diverses autres causes ne m'ont pas permis de mener à bien, en temps utile, cet important travail.

S'il plait à Dieu, nous y reviendrons dans une circulaire ultérieure.

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 Création d'une nouvelle province.

 Grâce à la particulière bénédiction du Seigneur, nos œuvres d'Océanie ont pris, au cours de ces quarante dernières années, sous le bienfaisant patronage du Sacré-Cœur de Jésus, de la Très Sainte Vierge et de saint Joseph, une extension des plus consolantes.

 Commencées péniblement en 1872, elles ont grandi et se sont multipliées peu à peu, malgré les grandes difficultés qu'il leur a fallu vaincre, de manière à compter présentement 43 maisons, où 220 Frères travaillent à l'éducation chrétienne de près de 4.000 enfants ; ce dont nous avons à rendre à Dieu de bien vives actions de grâces

Mais, par suite de cette extension et de la distance souvent très considérable qui sépare les diverses maisons les unes des autres, il était devenu, d'une part difficile à un seul Provincial, quelle que fût son activité, d’exercer sur l'ensemble et sur les détails l'action personnelle que réclamait le bien général comme celui des particuliers et d'autre part, le caractère assez différent de l'enseignement qui se donne dans les établissements d'Au­stralie et ceux des îles semblait demander, pour chaque groupe, une formation pédagogique correspondante.

Pour ces motifs et divers autres, une division, depuis longtemps déjà, paraissait désirable ; et l'on avait commencé à entrer dans cette voie, il y a une vingtaine d'années, en séparant les maisons de la Nouvelle-Calédonie pour en faire d'abord un district distinct rattaché à la province d'Aubenas, puis une vice-province autonome relevant directement du Supérieur Général et de son Conseil.

Un autre pas important vient d'y 'être fait. Sur la demande motivée du Conseil provincial d'Australie, écho du sentiment général des Frères de la province, le Conseil Général, dans sa séance du 3 novembre dernier, décida (sauf l'approbation du Saint-Siège) de créer en Océanie une province nouvelle désignée sous le nom de PROVINCE DE NOUVELLE ZÉLANDE ; et la S. Congrégation des Religieux, le 29 du même mois, daigna autoriser cette création, qui par conséquent est présentement un fait accompli.

La province ainsi constituée de la Nouvelle-Zélande, comprend tous nos. établissements situés dans l'archipel de ce nom, plus ceux des îles Fidji et des îles Samoa, en tout dix-sept ou dix-huit, avec le personnel correspondant ; et la province d'Australie, qui conservera son nom, se composera, dans les mêmes conditions, de tous nos établissements situés sur le continent australien.

Restait à choisir un Frère Provincial pour gouverner, conformément aux Constitutions, la nouvelle province ; et c'est à quoi le Conseil Général pourvut aussi, dans sa séance du 8 décembre passé, par l'élection du Cher Frère Denis, ci-devant premier conseiller provincial d'Australie.

J'aime à espérer, M. T. C. F., que ces diverses mesures qui nous ont paruconformes aux desseins de Dieu, tourneront, selon notre plus grand désir, au bien des deux groupes d’œuvres qu'elles concernent, et je vous demande une intention spéciale dans vos prières, pendant les neuf premiers jours qui suivront la réception de cette circulaire, pour que ces espérances deviennent une heureuse réalité.

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 Faveurs attribuées au Vén. père Champagnat

et témoignages de confiance en son crédit auprès de Dieu.

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 Guérison attribuée au V. Père Champagnat.

 Un dimanche de mai 1908, le Père Dupoux, supérieur des Jésuites de Homs, en Syrie, se trouva mal pendant qu'il célébrait le St Sacrifice de la Messe.

On ne crut d'abord qu'à une fatigue qu'un peu de repos ferait disparaître. Mais le lendemain il n'allait pas mieux ; au contraire, le mal s'aggrava d'un érésipèle qui atteignit peu à peu toute la tète, malgré des soins intelligents et dévoués. Le Père souffrait beaucoup. Dans les premiers jours de juin, il tomba dans un coma fort inquiétant. Les pulsations du Cœur devinrent si faibles que plusieurs fois par jour le docteur de la maison pratiquait des injections sous-cutanées pour stimuler la circulation du sang. Il en fit tellement qu'il dit lui-même quelque temps après qu'il n'y avait peut-être pas un endroit du corps qui n'eût été piqué.

Tous ces soins et ce dévouement prolongeaient l'existence du patient sans amener d'amélioration.

Le 7 juin, fête de la Pentecôte, on lui administra le sacrement d'Extrême-Onction. Ce même jour, eut lieu une consultation de trois médecins qui déclarèrent l'état du malade comme grave. Cette conclusion n' était point rassurante. Tout ému, le P. Cordier qui soignait le P. Supérieur, me raconte la chose. – Et si nous faisions, lui dis-je, une neuvaine à notre V. P. Champagnat, nous y mettrions aussi les élèves qui seront très heureux de prier pour obtenir la guérison de celui qui s'est tant sacrifié pour leurs parents et pour eux. Demain, si vous le voulez, je leur en parlerai.

– C'est ça, me répondit-il ; tenez, je vais voir de suite ce que le P. Supérieur en pense.

En effet, immédiatement, il soumet l'idée au vénéré malade, qui accepte volontiers. Je lui fais porter une image de notre V. Fondateur, qu'on fixe dans sa chambre.

Le soir même, nous commençons la neuvaine en communauté et le lendemain les élèves, très affectionnés au P. Supérieur, la commençaient également de tout Cœur .

A partir de ce moment, le mal s'arrêta. Bientôt un mieux se fit remarquer et progressa si vite qu'avant la fin de la neuvaine le Père pouvait se lever. Aussi, la première fois depuis sa maladie que je le vis debout sur le seuil de sa chambre, remarquant mon étonnement, il me dit aussitôt : « Le Père Champagnat est un saint bien puissant, il fait rapidement les affaires ».

Le 16 juin, fête de SI François Régis, le Père supérieur disait sa messe à l'église. Et la semaine suivante il faisait, seul, une course très pénible en allant. visiter à Saïdé, une de leurs maisons, dépendante de celle de Homs. Il était donc bien guéri.

          F. LOUIS-XAVIER.

 Mais nous ne sommes point destinés à rester éternellement sur la terre. Le P. Dupoux, après avoir exercé pendant deux années encore sa difficile et pénible mission parmi ses paroissiens, ses protégés, fut appelé tout de bon cette fois, à une vie meilleure. – (29 août 1916)

 Autre guérison.

     Mon très Révérend Frère Supérieur Général,

Sachant que vous aimez à connaître les faveurs attribuées à Notre Vénérable Père Champagnat, je me permets de vous adresser ce qui suit.

Le premier octobre 1915, après avoir fait mon premier jour de classe,-je partais à l'église pour assister au Rosaire et à la bénédiction du 1ier vendredi. Arrivé an milieu de la cour, je sentis subitement une douleur au pied gauche, sans connaître de quoi il s'agissait. Je m'arrêtai, puis me dis : Cela passera comme c'est venu. Je me rendis péniblement à l'église où le temps me durait à cause des souffrances que j'éprouvais. La nuit fut terrible. ainsi que tout le restant du mois d'octobre. Le docteur Nacaire ne connut d'abord pas ce dont j'étais atteint. Ce ne fut qu'après la pourriture des doigts du pied qu'il dit à Monsieur le Curé, chez Monsieur Vacher qu'il était nécessaire de me faire une opération.

Le dernier jour d'octobre je me rendis en automobile à l'Hermitage : le lendemain, le docteur Lorcin dit que j'avais eu une embolie, qu'il fallait me faire transporter dans un hôpital pour pouvoir y subir une opération. Le jeudi on me conduisit à Lyon, à l'hôpital SI Joseph. Le lundi suivant 8 novembre l'on me coupa tout le pied, m'avoir insensibilisé tout le bas du corps. De la sorte, je pus suivre presque toute l'opération. Je dis cependant au docteur Chevalier qui s'était placé à ma droite de me boucher les yeux parce que je ne voulais voir travailler le Major : ce qu'il fit en m'enfonçant mon bonnet sur les yeux. Arrivé à un point Monsieur le docteur Rafin dit : Patience, ce sera bientôt termine. tendis à ce moment la scie trancher les os et mon pied tomber à terre. Le Major dit alors : « C'est presque fini  ; et moi de lui répondre : Je comprends, docteur, maintenant que je n'ai plus qu'un pied : docteurs, internes et religieuses rirent de ma repartie. Je les vis tous, car on avait aussitôt relevé mon bonnet. Je vis aussi saigner ma jambe, la laver et coudre la plaie. Je fus porté dans mon lit et la guérison suivit son cours. Ce ni m'étonna beaucoup et étonna encore davantage qui me soignaient et me visitaient, c'est que j'avais toujours ma gaieté. Aux demandes que l'on me faisait : « Souffrez-vous beaucoup, avez-vous beaucoup souffert ? » je crois avoir toujours répondu : « Mais non, je ne souffre pas, je n'ai pas souffert. Le Père Champagnat que l'on prie pour moi à l'Hermitage et à St Sauveur me protège et m'a protégé d'une manière bien visible. Il va sans dire que je l'invoquais souvent de mon côté : et lui disais même : « Vénérable Père, rappelez-vous que c'est à St Sauveur que vous-même avez souffert pour apprendre à lire et à vous préparer à votre première communion, protégez-moi, obtenez-moi ma guérison, afin que je re­tourne donner mes soins aux nombreux enfants qui m'y attendent. »      

Le 5 janvier 1916, je rentrais à l'Hermitage et le 21, accompagné du cher Frère Provincial, je me rendais de nouveau à StSauveur et le lendemain à la surprise de tout le monde, à 8 heures, je traversais la cour marchant avec un pilon, pour mon pied gauche perdu. Les enfants m'entourent et me suivent pendant que je me rends dans ma classe. Les petits seuls m'y suivent. Ceux que j'avais déjà eus, plus hardis que les nouveaux, me demandaient si j'avais bien souffert et comment il se faisait que je pouvais marcher et me tenir, ne me voyant pas de pied, qu’une jambe en l'air. Depuis ce jour, je ne cessai de faire ma classe jusqu'aux vacances.

 2ièmeOpération.

 A l'époque de ma première opération, mes comptes spirituels avaient été réglés avec Messieurs les Aumôniers de l'Hermitage et de l'hôpital St Joseph ; mais, à cause de la terrible guerre, il n'en avait pas été ainsi encore de certaines affaires temporelles. Voilà pourquoi, après m'être entendu avec le cher Frère Provincial, je me rendis durant les vacances dans ma famille, pour essayer d'y régler ce qui me concernait. Là, après quelques heureux jours, j'éprouvai des souffrances dans la jambe du pied amputé ; mais après quelques frictions, toute douleur disparut, de façon que le dimanche 17 septembre je pus aller au canton assister à la messe et y terminer certaines affaires avec le notaire de la famille, et le soir à 9 heures prendre le chemin de fer pour nie rendre à l'Hermitage, où j'arrivai sans fatigues. Je suivis tous les exercices du premier jour de la retraite et tout semblait bien aller ; niais la nuit qui suivit fut terrible, malgré tous les bons soins du frère Infirmier, que l'on fit lever.

Le lendemain, le docteur Laurençon vint me voir et ordonna qu'on mît ma jambe dans une masse de coton, afin de faire localiser le mal, et de rester ainsi au lit sans me lever durant 15 jours. Dès que le pansement fut fait, toute douleur cessa. Le mal resta d'abord sta­tionnaire ; mais après ces 15 jours, le docteur ne pouvant revenir soit à cause de ses trop grandes occupations, soit parce que Monsieur Lorcin fit une absence, j'étais et l'on était avec moi, bien inquiet, ne sachant quoi me faire. Ma jambe tombait en putréfaction. Le docteur revint enfin le 9 octobre à 7 heures. Il ordonna mon transport immédiat dans un hôpital, afin d'y subir encore une opé­ration et cette fois-ci au-dessus du genou. Ayant vu moi-même le triste état de ma jambe, j'appréhendais cette seconde opération et pensais que je n'en reviendrais pas, surtout à cause de mes 70 ans. Bien des Confrères en me voyant partir dans le triste état dans lequel j'étais, se disaient : « Nous ne le verrons pas revenir ; néanmoins ils avaient déjà commencé une neuvaine à notre Véné­rable Père Champagnat pour lui demander encore une fois ma guérison et ils redoublèrent d'instances à la vue de la compassion que je leur causais en me voyant hisser dans la voiture. Le bon Frère Directeur qui avait, durant la consultation du docteur, vu, ma triste situation qui l’épouvanta, était parti aussitôt après, trouver le maire de StMartin, afin d'obtenir par son intermédiaire mon admission à l'hôpital. de StChamond. J'y arrivai le soir même vers les 3 heures et demie.

Le lendemain, transporté à la salle des pansements, le docteur Lorcin se mit à couper toutes les chairs mortes avec des ciseaux. Je les regardais tomber dans un récipient et je ne ressentais aucune douleur, tant elles étaient pourries. Durant ce temps, plusieurs religieuses et une Dame de la Croix-Rouge pleuraient de compassion en voyant mon triste état.

Le lendemain 11, après qu'on eut lavé et rasé le haut de la jambe on m'endormit. Le célèbre chirurgien Laurençon amputa alors ma jambe au-dessus du genou. Je fus transporté au lit ; le tout s'était passé sans que je n'en susse rien ni ressentisse aucune souffrance. Une heure après avoir été mis au lit, il parait que je vomis beaucoup et ne me réveillai qu'à la suite des derniers efforts, trouvant près de moi sœur Rose qui me demanda : « Souffrez-vous beaucoup ? – Non ma sœur, mais je ne me sens point de force.

Le lundi 16 on refit mon pansement. Monsieur Laurençon, après avoir admiré et fait admirer l'état de mon moignon à ceux qui étaient présents, enleva quelques fils. Il en fut de même le mercredi, le pansement s'étant défait de lui-même. Le samedi le docteur qui m'avait opéré s'écria : « Il est guéri, c'est étonnant une guérison si prompte ! Jamais je n'avais vu encore cela ». Je lui repartis aussitôt : « Monsieur le docteur, vous pourriez dire comme le célèbre docteur Récamier : Je l'ai pansé et Dieu l'a guéri. Oui, répliqua-t-il, Dieu vous a bien guéri. Il finit de sortir les fils et me permit de me lever. Ce qui me fit un grand plaisir, car je me sentais moi-même, depuis quelques jours, complètement remis.

Cette persuasion de ma complète guérison m'était venue durant la nuit du 17 au 18. Bien que je ne dormis pas de cette nuit-là, ce fut ma meilleure. A un moment, donné, il me sembla voir le Vénérable Père Champagnat tout rayonnant, le Frère François à son côté disant au Vénérable : Il est guéri. Le Frère Isaïe, présent aussi, s'écria : « C'est mon successeur dans la Congrégation, je le rencontrai dans mon village ».

Au matin de cette nuit, quand sœur Marie-Joseph vint me demander comment j'avais passé la nuit, je lui dis : Sœur, je suis guéri, dites un Magnificat en action de grâces pour moi. Dans la journée qui suivit, je parlai à plusieurs en leur disant : Je suis guéri. Je n'eus pas de peine àconvaincre mon cher Frère Ludovic que Notre Vénérable Père Champagnat m'avait guéri complètement. Je le priai de bien recommander aux bons Frères de l'Hermitage après qu'il les aurait convaincus de ma guérison, qu'ils en remercient Dieu et Notre Vénérable pour moi.

Le Vénérable Père Champagnat avait bien fait son œuvre et écouté les prières qui lui avaient été adressées pour moi. De mon côté, je lui disais souvent : « Vénérable Père Champagnat, vous qui avez tant pâti à StSauveur pour y apprendre à lire et vous y préparer à votre première communion priez Dieu pour moi. Seigneur, glorifiez votre serviteur en m'accordant, par son intercession, ma prompte guérison ».

Le 30 en passant dans la salle, le docteur me dit : « Vous voilà bien guéri, il vous faut remonter là-haut, vous y serez mieux qu'ici ; mais prenez des béquilles et commencez a marcher ».

Bien que transporté de joie à cette nouvelle inattendue, je me disais : Tu apprendras difficilement à marcher avec des béquilles. Sœur Rose, presque aussi contente que moi, prépara bientôt les instruments en me disant de n'essayer de marcher qu'avec l'aide de l'infirmier. Ce dernier ne se fit pas attendre. Je pris donc les béquilles et me mis à marcher à ma grande surprise, ainsi qu'à celle de l'infirmier qui me laissa bientôt aller seul, voyant que pour la première fois je marchais déjà bien, ce qui étonna aussi les malades présents, dont plusieurs ayant fait usage de béquilles pour des cas moins graves que le mien, avaient bien plus pâti pour s'en servir. Plusieurs me dirent : c'est extraordinaire que vous marchiez déjà si bien et que vous ayez été si vite guéri. Et moi d'ajouter à ceux que je croyais avoir un reste de foi « C'est le Père Champagnat qui a obtenu ma guérison ».

Le 31, après nouvelle constatation de ma guérison et le pansement sommaire pour mon départ, le Major dit : « J'ai trois ou quatre amputés de bras ou de jambes, mais la guérison ne va pas comme l'a été celle-ci ». Ce soir même, je montais en voiture, me réjouissant de pouvoir aller célébrer la fête de la Toussaint en compagnie des Frères de l'Hermitage.

La joie qu'éprouvèrent ces bons Confrères et surtout ceux qui s'étaient dit à mon départ pour l'hôpital : « Nous ne le verrons pas revenir », je ne saurais vous la dépeindre pas plus que la mienne.

Je me suis permis de rédiger cette relation des deux opérations que j'ai dû subir pour vous montrer, mon Très Révérend Frère Supérieur, que notre Vénérable Fondateur n'oublie pas d'obtenir patience, résignation et même ôter toute souffrance au milieu des plus grandes épreuves à ceux que l'invoquent avec confiance, ainsi qu'à ceux pour lesquels on le prie.

Cette relation, que je crois devoir vous adresser, je puis vous la certifier de la plus grande véracité, même dans ses moindres détails. Je crois pouvoir vous dire que les docteurs qui m'ont soigné durant cette dernière opération, ainsi que les religieuses et les confrères qui ont connu, vu le triste état de ma jambe et qui sont venus me voir, approuveraient de leur signature la vérité de tout ce que je raconte.

Je suis avec un profond respect et une entière soumission, mon Très Rév. Frère Supérieur, votre très humble et très obéissant serviteur

   MARTIN LANGLAIS AGÈRICUS.

     Notre Dame de l'Hermitage, le 5 novembre 191 6.

 J'ai pratiqué en effet l'amputation de la cuisse gauche chez ce malade, atteint de gangrène de la jambe. La guérison a été très rapide et le résultat excellent.

           Dr LAURENCON.

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 Nous avons été très heureuses de soigner le T. C. Frère Agéricus. Il nous a édifiées par sa docilité et surtout par sa piété pour le V. P. Champagnat, en qui il avait -mis toute sa confiance et de qui il attendait sa guérison. .Nous avons pu voir que sa foi n'avait pas été déçue et .qu'il a été promptement- guéri.

Mre Chantal, Prieure.   Sr Marie-Rose. Sr Marie-Joseph.

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 Nous soussignés, qui avons été témoins de la maladie et de la prompte guérison relatée ci-dessus, certifions exacts tous les détails mentionnés.

Frère Joseph Philippe, Frère François-Marie. Frère Ludovic. Frère Marie Edmond.

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             St Sauveur en Rue, le 6 nov. 1916.

 Cher Monsieur,

Deux mots à la hâte. Mr Peyrard sort de là et m'a donné de vos nouvelles. Elles sont excellentes, comme n'aurait pas cru pouvoir s'y attendre. Grâce à notre P. Champagnat, tout s'est bien passé. Et il est évident que c'est à lui que vous devez le succès de cette opération, et bientôt votre entière guérison. Deo gratias !

Mais il est non moins évident que ce n'est pas pour vous laisser à l'Hermitage qu'il vous a guéri ; c’est pour venir continuer à St. Sauveur votre œuvre de zèle et de dévouement auprès des petits enfants amis de Jésus, que nous n'aurions pas voulu livrer à la gueule du loup. Vos Supérieurs comprendront cela. D'ailleurs c'est ce que vous avez demandé au V. P. Champagnat et ce que vous désirez vivement. Vous êtes admirable ! Votre présence ici, dans l'état où vous êtes, sera une prédication, une édification, une bénédiction pour l'école. J'ai l'intime confiance que votre rétablissement complet se poursuivra très bien au milieu de nous.

Dès le commencement de cette affaire, alors que nous ne pouvions espérer, humainement parlant, vous avoir, au moins de cette année, et que nous ne pouvions espérer trouver aucun jeune homme, et très difficilement peut-être, une jeune personne, j'ai dit au bon Dieu : « Je vais agir, et me donner de la peine, comme si tout le succès dépendait de mes efforts : mais, en même temps, je Vous demande et supplie de faire échouer toutes mes démarches, si ce n'est pas votre volonté.

Et c'est ce qui est arrivé. Nous avons frappé à je ne sais combien de portes. Toutes venaient de se fermer : quelques-unes nous exprimaient le regret de ne l'avoir pas su quelques jours plus tôt.

Donc, la volonté de Dieu est que vous nous reveniez le plus tôt possible.

Je prierai M. Jarrosson de vous envoyer chercher en auto : vous n'aurez pas de peine.

Oh ! qu'il me sera doux de vous revoir et de vous embrasser ! Quelle reconnaissance nous aurons à Dieu et au Vénérable Champagnat. Oh ! que la protection du Bon Dieu sur cette chère paroisse de S. Sauveur est visible !

Dans l'attente d'une bonne réponse, je vous prie, cher Monsieur Langlais, d'agréer l'expression de mes sentiments les plus affectueux et les plus dévoués.

           Ch. Ferriol, Curé.

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               Alicante, 25 septembre 1916.

 Mon Très Rev. Frère Supérieur Général,

La sœur d'un Chanoine très ami du Collège est aveugle depuis l'âge de 14 ans. Nous avons pensé que nous fe­rions bien de demander, sa guérison, par l'intercession du Vénérable Père Champagnat, puisque nous célébrons le centenaire et que Rome demande des miracles de 1ierordre. Nous avons l'espoir d'y réussir au moyen d'une fervente neuvaine, et à cet effet nous vous demandons une belle image-relique du Vénérable Fondateur, afin de nous porter plus efficacement à la foi et à la confiance.

Daigne le bon Dieu nous accorder, par la médiation du Vénérable, un bon miracle qui puisse faire avancer l'heure de sa canonisation si désirée, et vous, mon Révérend Frère, pardonnez-moi de vous déranger. En attendant la belle image-relique que vous allez nous envoyer, je suis votre très humble et tout dévoué frère et serviteur.

         Frère Adriano-José.

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              Gensac la Pallue, le 5 octobre 1916.

 Très Révérend Frère Général

Tout près de quitter la formation dont je fais partie depuis le début de la mobilisation pour rentrer à mon dépôt du 8° génie et de là partir sur le front, je viens vous prier de vouloir bien réaliser un désir qui m'est très cher. ne voudrais pas partir sans être muni d'une relique du vénérable Champagnat, qui sera pour moi une sauvegarde milieu des combats.

Je suis père de 2 enfants, le Bon Dieu nous réjouit encore par l'annonce d'une 3ième maternité. Il faut que je rentre à la maison pour élever ma famille. Il me faut protecteur spécial qui m'obtienne de Dieu et de la Vierge courage et force avec la grâce du retour.

Ce protecteur sera votre St Fondateur, que j'aime et prie depuis le décret d'introduction de sa cause.

Je vous prie donc de vouloir bien m'envoyer une parcelle des vêtements du Vénérable pouvant être fractionnée en 6 ou 8 petites reliques. J'en ferai part à quelques bons chrétiens qui sont avec moi.

Je vous envoie ci inclus une petite offrande pour aider à la cause de béatification, l'offrande du soldat.

Croyez, Mon Très Révérend Frère Général, à l'expression de mon dévouement respectueux

            Jean Resséjac Gensac la Pallue (Charente). sapeur 8° génie.

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 Communauté des P. Clarisses de Grugliasco

                                                         27 janvier 1916.

Très Révérend Frère,

Tout pour Jésus par Marie.

J'ose aujourd'hui venir solliciter votre pieux et bienveillant concours pour obtenir un miracle de votre Vénérable Fondateur le P. Champagnat'. Il s'agit de notre chère petite Sœur Marie Madeleine de Jésus qui a eu la consolation de recevoir Vendredi dernier la bénédiction spéciale de Son Eminence le Cardinal Bégin.

Dans la nuit de Samedi à Dimanche son état s'est subitement aggravé à tel point qu'elle a désiré les derniers Sacrements qui lui ont été, aussitôt administrés par le bon Monsieur le Chanoine.

Le docteur a reconnu qu'elle était atteinte de tuberculose arthritique et que son état était désespéré. En effet depuis ce jour le mal empire et bien que notre chère malade soit dans d'admirables dispositions d'abandon au bon plaisir divin, c'est avec une profonde douleur que nous voyons s'éteindre cette jeune sœur de 26 ans que nous affectionnons et qui était l'espoir de la Communauté.

   La pensée nous est venue soudain de demander un miracle par l'intercession du Vénérable P. Champagnat et pour hâter sa glorification, et ce miracle serait de pre­mier ordre, car notre chère Sœur Marie Madeleine est dans un état qui parait précurseur d'un dénouement plus ou moins prochain. Nous avions quelques images avec re­lique que vous nous aviez données, mon Révérend Frère, les premiers temps de notre séjour ici ; nous avons com­mencé une Neuvaine ce matin. Le bon Père récite après sa Messe les Litanies de la Très Ste Vierge et en Communauté nous disons 3 Ave Maria et 3 Gloria.

Nous vous serions vivement reconnaissantes, Très Révérend Frère, de vouloir bien vous unir à nous ainsi que votre sainte Communauté et votre fervent Noviciat afin que Notre Seigneur glorifie son Serviteur en nous exauçant.

Dans le Cœur de ce bon Maître, veuillez agréer l'hommage de l'humble et religieux respect avec lequel je me dis

Très Révérend Frère

La servante inutile des Epouses de Jésus et la vôtre

Sr Marie St Louis de Gonzague ind. abbesse.

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Frères dont nous avons appris la mort depuis la Circulaire du 24 mai 1916.

 

Noms des Défunts                Lieux des décès             Date des décès

 

F. Jean de la Croix       Profès perp.     St Félicien (Ardèche)                25 janv.

F. Villebrod                                             Uitenhage (Afrique du Sud)   15 mars 1916

F. Louis-Benoit                                       Hôpital mil. à Orléans (Loiret)     ?.       

F. Hervieux                     Stable              Suva (Océanie)                       12 avril

F. Jean -Victor               Profès temp. Shanghai (Chine)                      9 mai

F. Chrvsanthien             Profès Perp.   Champ de bataille à Douaumont 24

F. Ozias                                                 St Genis-Laval (Rhône)          27        ‘’

F. Rodrigo                      Profès temp.   Las Avellanas (Espagne)       29        ‘’

F. Marie-Fidèle             Profès perp.     Belfort

F. Paul-Georges           Profès temp.   Sur le, champ de bataille

F. Marie-Saturnin          Profès perp.    N. D. de l'Hermitage (Loire)   6 juin

F. Anobert                      Profès temp.   Tuy (Espagne)                         8          D

F. Prudentius                 Profès perp.    Auchel (Pas-de-Calais)          15        »

F. Gerhard                     Profès temp.   Sur le champ de bataille        21        »

F. Edgar–Frédéric                    ‘’           Sur le champ de bataille        27        »

F. Etienne-Marius         Profès perp.    Ypres (Belgique)                     2 juillet

F. Théodoric                               ‘’           Anzuola (Espagne)     3          *

F. Lévi                            Stable             N. D. de l'Hermitage (Loire)   9          »

F. Classique                                           St Symphorien-/Coise (Rhône)    5   »

F. Camillus                     Profès perp.    N. D. de l'Hermitage (Loire)   6 »

F. Stabilis                                                Vichy (Allier)                            7 »

F. Théophile                   Profès temp.   Sur le champ de bataille        8 »

F. Félix-Henri                                          Pontos (Espagne)                   13

F. Marie-Lucien               Profès perp.    St Genis-Laval (Rhône)            15

F. Pantalémon,                                       Retournac (Haute-Loire)        16 »

F. Évariste                     Profès temp.   Pampelune (Espagne)           16 à

F. Julian-Marcelino       Novice             Las Avellanas (Espagne)       23 »

F. Marie-Thomas          Profès perp.    Champ de bataille à Verdun  1 août

F. Dominique- Joseph Profès temp.   Sur le champ de bataille        4 0

F. Joseph-Libérien       Profès perp.    Lévis (Canada)                       6 »

F. Ingène                        Stable           Mittagong (Australie)              11 »

F. Marie-Vindicien       Profès perp.    Varennes (Allier)                     11 »

   Evangéliste Hébert     Juvéniste         Lévis (Canada)                       17 –

F. Ambroise-Emile       Profès temp.   N. D. de l'Hermitage (Loire)    21 »

F. Mary -Stanislaus       Stable        Perth (Australie)                            21 »    

F. Julitte                        Profès perp.    Ruoms (Ardèche)                    29 »    

F. Florencio                                à        Marcia (Espagne)                   31 »            

F. Enrique-Luis                          à        Beizama (Espagne)               7 sept.

F. Louis-Béatrix                             »     Amchit (Syrie)                          7 sept.

F. Marie Albert              Stable              La Louvesc (Ardèche)            12 »

F. Marie-Adelphe          Profès perp.    Chasselay (Isère)                    14 b

F. Mébétius                    Stable          Varennes (Allier)                                  16 »

F. André-Dotti                Profès perp.    N. D. de l'Hermitage (Loire)   16

Marie-Honoré                Stable            Varennes (Allier)                                  30 sept. 1916

F. Joseph-Julien                                     Pékin (Chine)                                       1 octobre »

F. Théodose                  Profès perp.    Poughkeepsie (E. U.)                         3

 Losada Edmundo        Postulant         Pontôs (Espagne)                   3

F Asensio                      Profès temp.   Anzuola (Espagne)                 6

F. Matthew                     Stable,            Mittagong (Australie)              16

F. Lambertus                 Profès perp.    Aigre (Charente)                     19

F. Epagathe                               D          Champ de bataille à Douaumont       ?

F. Fuscien                      Stable              St Genis-Laval (Rhône)          29

F. Vigilius                                     »        Lagny (S. et _M.)                     2 novemb.

F. Pablo-José                Profès temp.   Beauvais (Oise)                      2          »

F. Christianus                Profès perp.    N. D. de l'Hermitage (Loire)   8          »

F. Joseph- Patrice        Profès temp.   Sur le champ de bataille        13        »

F. Amandus                   StableChamp de bataille à Douaumont       20        »

F.Calliste                        Profès Pei-P.  Mayet de Montagne (Allier)    21       

F. Marie Théophile                            Varennes (Allier)                     24        »         

F. Avellinus                                       St Genis-Laval. (Rhône)         29        »

F. Marie-Salvius                                     Varennes (Allier)                     8 décem.

F. Thyrse                                                 Anzuola (Espagne)                 9          »

F. Policarpo-Luis          Profès temp.   Madrid (Espagne)                   13        »

F. Grogonius                  Profès perp.    Ruoms (Ardèche)                   14        »

F. Louis-Etienne            Profès temp.,   Mendès (Brésil)                     15        »

F. Gerbaud                    Stable              Varennes (Allier)                     17        »

F. Hilarius                       Profès perp.    Lille (Nord)

F. Pierre-Maurice          Profès temp.   Sur le champ de bataille        date inconnue

F. Joseph-Ernest                                   sur le champ de bataille

F. Marie-Abel                Profès perp.    Sur le champ de bataille

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Le terrible fléau de la guerre n'a pas épargné notre Institut. A l'heure présente, c'est à soixante-dix que s’élève le chiffre des Frères, inscrits sur cette liste et les précédentes qui sont morts sur les champs de bataille, des suites de leurs blessures. – On peut témoigner leur vertu a été à la hauteur des fonctions imprévues des épreuves diverses par où il a plu à la Providence de les faire passer. Il est, en effet, bien peu de ces pauvres victimes de la guerre pour lesquelles ne nous soient arrivés des témoignages de l'estime qu'ils avaient su ter, aussi bien de leurs chefs que de leurs camas. Et ainsi, on peut songer avec quelque consolation, devantles vides causés dans nos rangs par leur mort, qu'ils ontdu moins augmenté, à leur façon, le patrimoine d'édification et d'héroïsme que le premier siècle de l'Institut lègue à ses successeurs.

Mais je crois nécessaire de recommander d'une façon spéciale cette catégorie de défunts à vos prières. Malgré le soin qu'on a mis à leur appliquer les pieux suffrages prescrits par les constitutions, je crains que plusieurs d'entre eux n'en aient été privés en partie peut-être notable, par suite des circonstances, ou du moins qu'ils ne leur aient été appliqués que bien tard.

D'autre part, ces chers soldats sont morts loin de leur communauté, privés des secours qu'ils auraient reçus du prêtre et de leurs confrères s'ils eussent été dans nos maisons, et tous, dans le triste milieu où ils vivaient, étaient exposés à tant de mauvaises occasions !

C'est pourquoi je recommande instamment leurs âmes à tous nos Frères et j'invite chacun à vouloir bien offrir à Dieu, pendant trois jours, tous les exercices de piété de la journée, spécialement la messe et la communion, aux intentions de tous nos soldats morts sur le champ de bataille depuis le début de la guerre. Ce sera un excellent moyen de réparer les omissions involontaires dont ils auraient eu à subir les conséquences.

En priant d'une façon toute spéciale pour les 67 bons Frères ou aspirants de la longue liste ci-dessus, qui depuis six mois nous ont quittés pour entrer, selon la parole de nos Saints Livres, dans la demeure de leur éternité, je vous invite aussi, M. T. C. F., à avoir une intention générale pour les 3.201 qui sont décédés depuis la fondation de l'Institut. Nous avons sans doute le doux espoir que tous jouissent déjà auprès de Jésus, de la Bonne Mère et du Vénérable Fondateur, de la récompense éternelle ; mais il faut être si pur pour être admis en la compagnie du Saint des Saints ! Que notre confiance, toute justifiée qu'elle est, en la miséricorde divine prenne donc garde de ne pas dégénérer en présomption et ne nous serve pas de prétexte à oublier dans les feux du purgatoire ceux de nos défunts qui pourraient encore y être détenus. Pensons à tous, afin qu'aucun de ceux qui pourraient en avoir besoin ne demeure en dehors de nos charitables suffrages. Il nous sera fait un jour comme nous aurons fait.

La présente Circulaire se lira en Communauté à l'heure ordinaire de la lecture spirituelle.

Recevez, M. T. C. F., la nouvelle assurance de mes sentiments de religieuse affection et d'entier dévouement en Notre Seigneur.

De tout Cœur, au commencement du nouveau siècle, j'envoie à tous nos Frères, nos novices, nos postulants, nos juvénistes et à tous les élèves de nos écoles une paternelle bénédiction. J'y ajoute aussi et de grand Cœur l'expression de mes meilleurs souhaits de bonne et sainte année.

 Frère Stratonique  sup. Général.

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  V. J. M. J.

 Grugliasco, le 15 janvier 1917.

 Mes très Chers Frères,

Nous avions espéré pouvoir mettre en tête de la récente circulaire du 2 janvier la Lettre qu'avait bien voulu nous promettre notre saint Père le Pape Benoît XV dans l'audience que Sa Sainteté daigna nous accorder le 16 juin dernier.

Diverses circonstances imprévues n'ont pas permis qu'elle nous arrive en temps voulu.

Aujourd'hui j'ai la grande satisfaction de vous donner communication de cet important document pontifical, qui sera conservé dans notre Institut comme un précieux trésor.

Vous l'accueillerez, M. T. C. P., je n'en doute pas, avec le plus religieux respect et la plus parfaite docilité, vous souvenant de la parole qu'adressa le divin Maître à l'apôtre St Pierre, et en sa personne à tous ceux qui devaient lui succéder dans le gouvernement suprême de la sainte Eglise : « QUI VOUS ÉCOUTE, M'ÉCOUTE ! ».

Vous l'accueillerez aussi avec un vif sentiment de reconnaissance envers le souverain Pontife qui, par cette admirable Lettre, témoigne à notre modeste Institut un si grand intérêt et une si paternelle affection.

Un des moyens que nous emploierons pour nous acquitter du devoir de la reconnaissance sera de cultiver avec zèle parmi nous et parmi nos élèves la dévotion à la sainte Eglise et à son auguste Chef.

En agissant ainsi, nous aurons la satisfaction de marcher sur les traces de notre Vénérable Père Fondateur, qui, en cela comme en tout le reste, a été pour nous un si excellent modèle. 

 

DILECTO FILIO FRATRI STRATONIÇO,

 PARVORUM FRATRUM MARIAE PRAEPOSITO GENERALI,

 BENEDICTUS PP. XV

 Ditecte Fili

 Salutem et apostélicam benedictionein.

 Mentes animosque pueroruin instituendo formare, eiusmodi sane est opus, ut nullum videatur quod societatis humanae plus possit interesse. Habet enim aetas puerilis causani et seinen posteri temporis; neque, ex iis quibus hodie praeceptis institutisque utitur, difficile est colligere qualis cras privatint et publice fuluri sint mores. Hoc probe intelligentes qui participes vel affines stint eius factionis, cui . aelernum est cum Ecclesia belluin, quum in omnes quasi nervos et artus reipublicae invaserint, tum maxime administrationeni curanique sibi servant ac retinent studiorum publicorum : rati nimirum, si semel adolescentiam a Christo abalienaverint, se prono itinere ad delendani civitatis christianam formain, progressuros. Verum laudanda et praedicanda est divina benignitas, quae, ut semper alias, ita liac iii re opportune christiano populo affuit, hominesque suo consilio illustratos suaque virtute praeditos excitavit qui conatus improborum reprimerent, scholisque scholas in salutein adolescentiuniopponerejit.

In hoc numero, in quo clarissima sunt nomina Jo­sephi Calasanctii et Joannis Baptistae De la Salle, haud postremum locum obtinet Venerabilis Dei Fa­mulus Marcellinus Champagnat, auctor et parens Parvorum Fratruni Mariae quibus, dilecte Fili, tu praees, cuius quidem Instituti centesimum natalem mox, ut nobis significasti, celebrabitis. Profecto qui consideret quo statu esset abhinc centum annis, non solum in Gallia sed late in Europa, institutio iuven­tutis, dabit mis erentis Dei beneficio hunc extitisse qui christianae sapientiae principia, post maximani illam rerum conversionem fére obliterala, ad hanc disciplinam stabiliendam revocaret. Itein si respi­ciatur saeculi jam confecti spatium, apparebit di­vinam opem, praesentissimo Mariae patrocinio con­ciliatam, venerabili viro eiusque alumnis mirifice usque ad hunc diem suppeditasse, adeo ut huius Instituti, per multiplices magnasque difficultates pro­gredientis, incrementa longe hominum expectationem vicerint. Satis igitur est causae cur omnes, quicunique Ecclesiae sunt patriaeque studiosi, et Deo vobiscum gratias agendo, et vobis vehementer gratulando, vestra ista sollemnia laetitiasque participent. Quod Nos, uti par est, primi omnium facimus et quidem perlibenter : atque etiam quo maiorem liceat huius laetitiae fructum capere, hoc pro apostolica potestate concedimus, – ut ubicumque apu  vos eo fausto die sollemne sacrum aut alia supplicatiofiet, quisquis ei vel sacro vel supplicationi i.ntererit, plenariani peccatorum veniam statutis conditionibus lucrelur. Vos vero pergite de Ecclesia et de civili societate, ut in­stituistis optime mereri, ac salutarem operam vestrain sub oculis Domini iis praesertim probare virtutibus, quibus potissima, quam accepistis a legiféro Patre, hereditas continetur : demissione animi, s'implicitate et modestia. Quo virtutum ornatu cum Virgini Dei­parae, in qua conditor istius sodalitatis perpetuum praesidium suisconstituit, semper peculiarem in modum cari acceptique eritis, tuin filios tali dignos Patre vosmetipsos praestabitis. Illum autein utînam Nobis brevi contingat ut in beatorum coelituin nu­merum, adscribamus : quae res profecto ad pronio­vendum Institutuni non parum est collatui-a. Interea divinoruin muneruin auspicein et paternae benevo­lentiae Nostrae testem, tibi, dilecte Fili, et Parvis Fratribus Mariae universis et singulis apostolicain benedictioneni amantissime impertimus.

Datum Romae, apud S. Petruin in Natali Jesu Domini anno MDCCCCXVI, Pontificalis Nostri tertio

BENEDICTUS PP. XV.

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A NOTRE BIEN AIME FILS

FRÈRE STRATONIQUE

SUPÉRIEUR GÉNÉRAL DES PETITS FRÈRES DE MARIE

Benoît XV Pape.

 Bien Aimé Fils,

Salut et Bénédiction apostolique.

 Forer l'esprit et le cœur des enfants au moyen de l'enseignement est une œuvre telle qu'aucune autre ne Nous paraît intéresser davantage la Société humaine.

En effet,, l'enfance renferme en soi la cause et le principe des temps futurs, et il n'est pas difficile d'inférer de la manière dont elle est instruite et éduquée aujourd'hui ce que seront demain les mœurs publiques et privées.

Ils le comprennent bien, ceux qui appartiennent ou adhèrent à la secte qui ne cesse de lutter contre l'Eglise; c'est pourquoi s'étant insinués dans toutes les artères de l'Etat, ils se réservent et s'arrogent d'une manière spéciale l'administration et le soin de l'enseignement publie, sachant bien que s'ils réussissent à éloigner la jeunesse du Christ Rédempteur, ils arriveront facilement à faire disparaître de la société toute idée chrétienne.

Mais louons et bénissons la divine Providence, qui, dans le cas présent, comme tant d'autres fois dans le passé, est toujours venue au secours du peuple chrétien, en suscitant des hommes, qui, guidés par ses conseils et doués de sa vertu, se sont mis en travers des efforts des méchants, en opposant écoles à écoles pour le salut de la jeunesse.

Parmi ces hommes illustres, au nombre desquels brillent d'un si vit éclatles noms de Joseph Calazance et de Jean-Baptiste de la Salle, il faut citer aussi, et non pas au dernier rang, le Vénérable Serviteur de Dieu, Marcellin Champagnat, fondateur et père de l'Institut des Petits Frères de Marie, dont vous êtes, Bien Aimé Fils, le premier Supérieur, et de la fondation duquel vous allez bientôt, comme vous Nous l'avez fait savoir, célébrer le centenaire.

Certes, si l'on se rappelle dans quel état se trouvait, il y a cent ans, l'éducation de la jeunesse, non seulement en France, mais dans toute l'Europe, on ne pourra qu'attribuer à la toute miséricordieuse bonté de Dieu, d'avoir suscité un tel homme, qui sut rétablir cette œuvre en lui donnant pour base les principes de la sagesse chrétienne, mis presque totalement en oubli, après la grande Révolution française.

De même, si nous jetons un regard sur le siècle écoulé, nous verrons clairement que l'assistance divine obtenue par le tout puissant patronage de Marie n'a jamais fait défaut, chose merveilleuse, ni au Vénérable Fondateur, ni à ses disciples; de sorte que la prospérité de l'Institut, malgré de nombreuses et graves difficultés, a surpassé de beaucoup les prévisions des hommes.

C'est donc à juste titre que tous ceux qui veulent le bien de l'Eglise et de la Société civile, prennent part à votre joie et aux fêtes que vous allez célébrer, tout en remerciant Dieu avec vous et vous comblant de félicitations bien méritées; ce que Nous faisons Nous même, avant tout autre, comme il convient, et de tout cœur; et, afin qu'on puisse retirer plus de fruit d'une si grande réjouissance, usant de notre pouvoir apostolique, Nous accordons une indulgence plénière, aux conditions ordinaires, à tous ceux qui assisteront partout où vous êtes établis, à la Messe solennelle ou à toute autre cérémonie religieuse, le jour de cette heureuse solennité.

A vous maintenant, de continuer, comme par le passé, à bien mériter de l'Eglise et de la Société civile, et de raffermir devant Dieu votre œuvre de salut, spécialement par le moyen des vertus d'humilité, de simplicité et de modestie, qui constituent l'héritage principal que vous avez reçu de votre fondateur.

Ornés de ces vertus, vous serez toujours et d'une manière particulière chers et agréables à la Vierge Marie, Mère de Dieu, qui fut établie par votre Vénérable Père, votre Ressource ordinaire. Et ainsi vous vous montrerez les dignes fils d'un tel Père.

Plaise à Dieu que sous peu il Nous soit donné de l'inscrire au nombre des Bienheureux ! Ce qui contribuera largement, sans nul doute, à la prospérité de son œuvre de prédilection.

En attendant, à vous, Bien Aimé Fils, ainsi qu'à tous et à chacun des Petits Frères de Marie, Nous accordons très affectueusement, la bénédiction apostolique, comme gage des dons célestes et en témoignage de Notre paternelle bienveillance.

Donné à Rome, près Saint Pierre, en la fête de la Nativité de Notre-Seigneur, l'an 1916, le troisième de Notre Pontificat.

BENOIT XV PAPE.

 N. B. – La lettre du Saint-Père étant arrivée trop tard, l'indulgence plénière dont il est question ci-dessus, n'a pu être gagnée le 2 Janvier; mais S. E. le Cardinal Giustini, notre protecteur, a expliqué à notre C. Frère Procureur Général près le Saint-Siège, que les personnes qui, dans les lieux où nous sommes établis, ont assisté à la Grand Messe ou à quelque autre cérémonie religieuse célébrée à l'occasion du centenaire, ont accompli la condition spéciale de l'indulgence; il leur suffira main tenant, pour la gagner, de remplir les conditions ordinaires : confession, communion, prière aux intentions du Souverain Pontife. Quant aux endroits où les solennités auront lieu après la réception de cette circulaire, c'est le jour même de ces solennités qu'on pourra gagner l'indulgence.

 Recevez, M. T. F., la nouvelle assurance de mes meilleurs sentiments de religieuse affection et d'entier dévouement en N. S.

      F. STRATONIQUE.

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