Circulaires 260

Stratonique

1918-05-24

Réflexions sur la nécessité et les avantages de la retraite - Fixation des retraites - Fruit principal proposé - A nos Frères soldats (conseils pour leur retraite) - Le Cher Frère Paulin -Informations et avis divers Liste des Défunts.

260

18.2

V. J. M. J.

Grugliasco, le 24 mai 1918.

Fête de N. D. Auxiliatrice,

     MES TRÈS CHERS FRÈRES,

Nous voilà de nouveau arrivés à l'époque de l'année où, d'après une tradition séculaire, le Vénérable Père Fondateur et les Supérieurs Généraux qui lui ont succédé dans le gouvernement de l'Institut invitaient tous les Frères aux saints exercices de la retraite.

A-t-on jamais eu dans notre Congrégation un besoin aussi grand de ce puissant réconfort spirituel ?

N'entendons-nous pas répéter de tous côtés et par toutes sortes de personnes que le monde passe par une crise telle qu'on n'en a jamais connu de pareille dans le passé ?

Il importe donc souverainement de nous mettre tous la hauteur des circonstances, et, pour cela, de nous armer d'une force spirituelle exceptionnelle, en prenant pour modèle notre Vénérable Père Fondateur. Nous n'ignorons pas que lui aussi eut à vivre parfois dans des circonstances bien critiques. Très nombreuses et très grandes furent les épreuves et les difficultés qu'il rencontra dans la fondation de notre chère Congrégation. Mais nous sommes heureux de savoir avec quel saint courage il les aborda, les supporta et en triompha.

Où puisa-t-il la vertu de force, qui lui fut nécessaire pour cela ? N'en doutons pas ; ce fut dans son ardente piété, dans son inébranlable confiance en Dieu et en Marie, disons-le en un mot qui résume tout, dans sa grande sainteté.

Or, M. T. C. F., les retraites annuelles bien faites sont d'une très grande efficacité pour donner aux âmes une forte trempe de cette ferveur qui a caractérisé tous les saints et en particulier notre Vénérable Père et ceux qui, parmi nous, pendant le siècle écoulé, nous ont laissé de si beaux exemples de vertu.

Nous devons donc avoir en très haute estime la grâce de la retraite. Le temps consacré à ces saints exercices est si précieux, nous dit le Directoire Général à l'art. 10-1, qu'il faut prendre les moyens les plus efficaces pour ne pas en perdre un instant.

On peut dire, en général, qu'une bonne retraite annuelle assure une bonne année aux yeux de Dieu, comme une bonne oraison chaque matin assure une bonne journée.

Notre propre expérience à chacun n'est-elle pas là d'ailleurs pour confirmer l'exactitude de cette affirmation ?

La 57ième maxime de V. Père Champagnat a bien ici sa place : « Si vous êtes fidèles à bien faire votre méditation, dit-il, je réponds de votre salut et je vous assure que tôt ou tard vous deviendrez de bons religieux ».

Il me semble qu'on pourrait appliquer cette maxime à la retraite annuelle et dire : Si vous êtes fidèle à bien faire chaque année votre retraite je réponds de votre salut, etc… .

Voici une autre considération qui est bien de nature à augmenter notre estime et notre, amour pour la retraite. Elle est une faveur de choix qui n'est accordée qu'a un petit nombre de privilégiés. Quand Notre Seigneur monta sur le Thabor pour y rendre sensibles les célestes beautés de sa divinité, il choisit seulement trois disciples privilégiés pour être témoins de cette sublime manifestation ici-bas de ce qui fait le bonheur des saints dans le Ciel. Il y a quelque chose de semblable pour les religieux qui sont appelés à jouir des précieux avantages que procurent lessaints exercices de la retraite. Ils seraient bien fondés à dire le mot de St. Pierre sur le Thabor : « Nous sommes bien ici ! … ».

Nous savons tous que le grand St. Ignace de Loyola fut destiné par Dieu pour faire un bien immense dans la Sainte Eglise. Comme moyen principal de réaliser ce bien, Dieu lui suggéra de fonder la Compagnie de Jésus qui a été et qui est encore un instrument si fécond pour procurer sa gloire et le salut des âmes.

Mais outre la fondation de l'illustre Compagnie, un autre moyen lui fut révélé par la bienheureuse Vierge Marie dans la célèbre grotte de Manrèse, c'est le livre des Exercices spirituels. Le bien qu'il a opéré dans les âmes par la doctrine qui y est exposée et par les directions spirituelles qui y sont indiquées est incalculable.

Nous le savons par expérience dans notre Institut, surtout depuis 1884, année où les Grands Exercices de quatre semaines furent inaugurés à la Côte-St André, et qui, depuis, se sont continués dans nos diverses provinces.

On a si bien reconnu les excellents résultats de ces retraites fermées, qu'on a voulu les généraliser non seulement pour les religieux, mais aussi pour les gens du monde.

De nombreuses maisons spéciales ont été établies pour cela dans beaucoup de pays ; et il y a eu des milliers et des milliers de fidèles qui sont venus y puiser un réconfort spirituel éminemment utile au salut de leurs âmes et à la fécondité religieuse de leur vie.

Ajoutons à cela, M. T. C. F., tout ce qui a été dit et écrit sur l'excellence et les avantages des retraites par le Vénérable Père Fondateur et les Supérieurs qui ont gouverné l'Institut pendant notre premier siècle, er, je n en doute pas, il en résultera pour chacun de nous un accroissement d'estime pour les saints exercices que nos Constitutions nous accordent chaque année.

Pour refaire les santés compromises, pour fortifier les santés faibles, pour apporter du soulagement à des souffrances parfois bien grandes et bien persistantes, on a organisé à grands frais des établissements d'eaux thermales, d'eaux minérales ; on a établi sur les montagnes des stations pour cures d'air, des stations pour bains de mer sur des plages agréablement situées.

Chaque année on s'y rend en grand nombre pour faire ce qu'on appelle une saison.

Les dépenses occasionnées par le voyage et par le séjour sont parfois très élevées. Ou les fait cependant parce qu'on espère y recouvrer une bonne santé ou une augmentation de bien-être physique on tout au moins une vigueur plus grande pour les travaux auxquels on doit se livrer suivant sa profession.

Tout cela c'est uniquement pour le corps et pour des intérêts purement terrestres et passagers.

Et quand il s'agit de l'âme et des intérêts éternels, ne doit-on pas avoir bien plus à cœur de faire, chaque année, une bonne saison spirituelle, c'est-à-dire une fervente retraite ?

C'est, je n'en doute pas, ce que vous comprendrez tous, M. T. C. F., et alors vous sentirez en vos âmes un vif désir de faire en cette année 1918 une retraite exceptionnellement marquante dans votre vie.

Que ce ne soit pas un désir stérile, mais qu'il soit accompagné d'une volonté très ferme qui vous fasse prendre d'avance et résolument les meilleurs moyens préparatoires qui vous sont connus. Et quand le moment sera venu de vous mettre à l’œuvre après le chant du Veni Creator d'ouverture, que votre volonté soit plus ferme encore de coopérer généreusement à la grâce d'En Haut qui ne manquera pas de tomber abondamment sur vos âmes.

Laissez-moi, M. T. C. F., terminer ces quelques considérations sur l'excellence de la retraite et sur sa prépa, ration en appelant votre attention sur un fait matériel qui se renouvelle fréquemment et dont beaucoup d'entre vous ont été certainement témoins.

On voit dans certaines stations importantes des chemins de fer des employés qui transportent sur de petits chariots des caisses métalliques de forme quadrangulaire. Ils les installent en dessous des voitures du train qui va partir.

Ces caisses ne sont autre chose que des accumulateurs électriques. On les a chargés à une tension convenable, et alors ils ont la puissance voulue pour fournir la lumière qui éclairera les voyageurs pendant toute la durée du trajet que doit parcourir le train. C'est ce qui se produit, par exemple, pour les trains faisant le parcours de Turin à Paris.

La retraite produit quelque chose d'analogue dans les âmes de ceux qui la font fervemment. Elle accumule dans les esprits des lumières abondantes pour voir bien clair dans tout ce qui intéresse les grandes questions du salut, de l'avancement dans la voie de la perfection. Elle accumule aussi de grandes provisions d'énergie spirituelle dans les volontés pour les rendre victorieuses dans les luttes contre les divers ennemis, et pour accomplir avec un saint et constant courage toutes les obligations du religieux et de l'éducateur.

Laissez-moi, M. T. C. F., ajouter encore quelques comparaisons destinées à fortifier vos convictions sur la nécessité et les avantages des retraites annuelles.

Notre Seigneur se servait souvent de paraboles dans son enseignement divin. N'est-il pas le modèle le plus autorisé que nous puissions imiter ?

Plusieurs lois sont communes à la vie corporelle et à la vie spirituelle et suffiraient à elles seules à justifier nos retraites annuelles.

1ière loi– Nous savons tous, sinon par notre expérience en agriculture, du moins pour l'avoir lu dans les livres, queles plantes améliorées par une culture intensive ou spéciale ont une tendance naturelle à retourner à leur forme primitive. Ainsi de nous. Par la culture spéciale reçue au Noviciat, continuée au Scolasticat, puis dans les postes, nous nous élevons graduellement à un certain degré d'esprit surnaturel, de vie de foi, de zèle et d'amour pour les âmes ; mais nous avons une ten­dance naturelle à dégénérer de cette vie supérieure pour redescendre à la vie humaine, à la vie des sens et des passions. La retraite vient à propos pour contrecarrer ce retour, en fortifiant, au contraire, notre tempérament surnaturel.

2ième loi. – A cette raison de faire annuellement une bonne retraite s'en ajoute une autre : la loi de l'usure, quis'applique aux âmes comme aux corps. Les impressions les plus profondément gravées dans notre esprit s'émoussent peu à peu. Les sentiments les plus chauds de notre cœur s'attiédissent. Les décisions les plus fermes de notre volonté se relâchent. Mais vienne là-dessus une bonne retraite, tout se renouvelle : dans un commerce ininterrompu et exclusif de huit jours avec Dieu, source de nos énergies, voici d'abord que dans notre esprit nous voyons notre fin surnaturelle se dessiner dans le plus grand jour, et les moyens pour l'atteindre nous apparaître clairement dans un ordre merveilleux. En même temps, notre cœur s'amollit sous l'action de l'Esprit Saint ; pénétré d'une généreuse ardeur, il s'éprend à. nouveau d'un noble idéal ; l'auréole de sainteté brille encore une fois autour de nous. Enfin, notre volonté à son tour s'ébranle ; elle élabore ou reprend un plan de vie en harmonie avec les lumières reçues dans l'esprit, et les bons mouvements produits dans le cœur. Ainsi notre vie spirituelle est complètement revenue et beaucoup améliorée.

3ième loi. – Enfin une troisième loi applicable à la fois dans l'ordre physique et dans l'ordre moral nous prouve encore la nécessité de la retraite : c'est qu'on s'épuise en donnant. C'est ainsi, pour ne prendre qu'une seule comparaison, qu'une terre serait vite épuisée si on lui faisait produire sans lui rendre, par le repos et sous forme d'engrais, ce qu'elle a cédé aux plantes qu'elle a nourries. Il n'en va pas autrement pour nos âmes dé religieux éducateurs. Un frère se donne à ses enfants, à sa classe, à son emploi, du matin au soir, pendant de longs mois. Il lui arrive souvent la même chose qu'aux apôtres, dont il est écrit qu'ils étaient tellement occupés et voyaient tant de monde qu'ils n'avaient même pas le temps de manger (Marc., 6, 31). Le Sauveur leur procura du soulagement et du réconfort en les faisant venir avec lui dans un lieu isolé et agréable, afin de goûter ensemble les douceurs du repos et de réparer ainsi leurs forces épuisées. La retraite est également pour nous ce repos réparateur. Profitons-en.

En résumé, étant des êtres finis, nous épuisons nos forces et nous nous fatiguons par la continuité du travail. On n'a encore découvert le mouvement perpétuel et constant ni dans l'ordre naturel, ni dans l'ordre surnaturel. Tous tant que nous sommes, nous sommes -faits pour nous renouveler sans cesse. Personne mieux que les saints ne sentait le besoin de cette rénovation, et celui qui ne le sentirait pas, montrerait bien qu'elle lui est absolument nécessaire.

 Fixation des retraites pour l'année 1918.

La retraite du Régime se fera, comme les années précédentes, en notre maison de Grugliasco.

Elle s'ouvrira le jeudi 4 juillet pour se terminer le suivant 11 juillet.

Prendront part à cette retraite :

1° Les Membres du Régime.

2° Le C. F. Econome Général, le C. F. Secrétaire Général et le C. F. Procureur Général près le Saint Siège.

3° Les Frères Provinciaux résidant en Europe.

4° Un certain nombre d'autres Frères qui seront convoqués nominativement.

 Conformément à l'article 102 du Directoire Général la neuvaine préparatoire à cette retraite commencera le lundi 24 juin, fête de S. Jean Baptiste et se terminera le 2 juillet fête de la Visitation de la Bienheureuse Vierge Marie.

Elle consistera dans la récitation des Litanies de la T. Ste Vierge dans lesquelles on répétera trois fois l'invocation : " Mater Boni Consilii, ora pro nobis ». On y ajoutera un « Memorare ».

Chacun des Frères appelés à prendre part à la retraite du Régime fera ces prières en son particulier et autant que possible, dans une visite au T. St. Sacrement.

La pénitence unie à la prière étant un excellent moyen de la rendre efficace, on fera bien, pendant la durée de la neuvaine, de pratiquer quelques mortifications volontaires en vue d'obtenir pour soi et pour les confrères la grâce d'une très bonne retraite. Il va sans dire qu'on offrira aussi à la même intention tous les exercices religieux de règle et tous les actes de vertu que l'on pratiquera pendant ces neuf jours consacrés à ce que nous pouvons appeler la préparation prochaine.

La retraite du Régime ayant une importance exceptionnelle pour tout I'Institut il importe que partout dans la Congrégation, on y prenne un grand intérêt. C'est pour cela que j'invite les juvénistes, les postulants, les novices et tous les Frères de nos diverses provinces à s'unir d'intention pendant la neuvaine préparatoire et aussi pendant les 8 jours de la retraite.

Et afin qu'on ne soit pas exposé à l'oublier, on mettra, dès la réception de cette circulaire, une indication ad hoc dans le Calendrier religieux au 24 juin et au 4 juillet.

Dans les diverses provinces les retraites annuelles et les Grands Exercices de St. Ignace prescrits par l'art. 38 des Constitutions auront lieu aux dates et dans les Maisons indiquées par les Frères Provinciaux, lesquels détermineront aussi et feront connaître en temps voulu à toutes les maisons de leur province en quoi devra consister la neuvaine préparatoire, et la date où elle devra commencer.

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FRUIT PRINCIPAL PROPOSÉ POUR NOS RETRAITES DE L'ANNÉE 1918

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Fortifier en chacun de nous le règne de Dieu et travailler avec un accroissement de zèle à l'étendre autour de nous.

Le Maître des maîtres, le Docteur des docteurs, Notre Seigneur Jésus Christ nous a donné sur ce point le plus inappréciable des enseignements. Y a-t-il en effet une doctrine comparable à celle qui est tombée de sa bouche divine ? N'est-il pas la vérité même ?

Enseignez-nous à prier, lui demandèrent un jour les Apôtres.

Nous savons ce qu'il répondit : Dites au Père Céleste : Notre Père qui êtes aux Cieux, que votre nom soit sanctifié, que voire règne arrive, que votre volonté soit faite sur la terre comme au Ciel.

Depuis 19 siècles des multitudes innombrables de chrétiens dans tous les pays du monde ont répété cette prière sublime. On la répète encore tous les jours des millions et des millions de fois sur notre terre d'exil. La réalisation complète et universelle de ces trois demandes constituerait le règne parfait de Dieu sur la terre.

Or remarquons-le bien, M. T. C. F., Notre Seigneur nous fait voir très clairement l'importance qu'il y attache en les plaçant en tête des autres demandes de l'Oraison dominicale.

Le fruit principal tel que je vous le propose pour nos retraites de cette année, répond donc parfaitement aux désirs de Notre Seigneur.

Et pour un chrétien, et, à plus forte raison, pour un religieux, les désirs du Seigneur ne doivent-ils pas être considérés comme des ordres ? Après l'autorité de Notre Seigneur, il en est une qui est la première parmi toutes celles de la terre, c'est celle de Notre Saint Père le Pape.

Or les trois illustres Pontifes qui ont gouverné l'Eglise depuis un demi-siècle ont adressé chacun un pressant appel aux nations et aux peuples à l'effet de promouvoir le règne de Dieu dans les gouvernements, dans les familles et dans les individus.

Quelle ne serait pas sur les âmes l'efficacité de cette invitation si souvent réitérée des chefs suprêmes de la sainte Eglise si on était bien pénétré de la parole de Notre Seigneur à St Pierre et, en sa personne, à tous les Papes qui devaient se succéder dans la suite des âges : « Qui vous écoute m'écoute ? »

Les évêques du monde entier n'ont pas manqué de faire écho aux enseignements et aux exhortations des souverains Pontifes. Non seulement les évêques, mais aussi les pasteurs des paroisses, les prédicateurs dans la chaire de vérité, les éducateurs religieux dans leurs écoles et un grand nombre de pieux et zélés laïques ont agi et agissent encore dans le même sens par la parole et par la plume.

Il y a quelques mois dans une circonstance solennelle, Son Eminence le Cardinal doyen du Sacré Collège dans une adresse à Sa Sainteté Benoît XV insistait principalement sur l'idée du règne de Dieu parmi les peuples comme moyen de ramener la concorde fraternelle entre les nations et leur procurer un avenir prospère.

Dans la magistrale réponse que fit le souverain Pontife voici ce qu'il importe surtout de vous faire remarquer :

« Nous ne nous bornons pas, dit le saint Père, à reconnaître l'importance du retour à Dieu qui vientd'être affirmée Mais par le vœu le plus ardent de notre Cœur Nous appelons l'heure de ce retour salutaire de la société contemporaine à l'école de l'Evangile. Quand les aveugles d'aujourd'hui auront vu et que les sourds auront entendit, quand toute déviation sera redressée et toute aspérité aplanie, quand, en un mot, l'homme et la société seront retournés à Dieu, alors et seulement alors, toute chair verra le salut de Dieu. Et au pauvre et à l'affligé sera annoncée la bonne nouvelle de la paix. »

Comme conclusion de son discours, Sa Sainteté ajouta : « À notre tour Nous offrons cordialement l'expression de nos meilleurs vœux à cet auguste sénat comme à la plus chère des Assemblées et comme à l'organisme le plus élevé de la puissance Pontificale dans le gouvernement de l'Eglise. Et ces souhaits qui tirent leur prix de la Bénédiction pontificale Nous les présentons aussi aux évêques, prélats, prêtres et laïques qui ne font pas seulement Notre couronne, mais qui, comme Nous l'espérons, participent en ce moment au vœu que le monde retourne bientôt à Dieu afin que Dieu, ayant vu sa justice satisfaite rende à la terre le don ineffable de la paix ».

Vous savez certainement aussi bien que nous, M. T. C. F., qu'en ces derniers temps, sous l'initiative et l'impulsion d'un prêtre plein d'un saint zèle, avec l'approbation et la, bénédiction du souverain Pontife et d'un grand nombre, d'évêques, on a réalisé et on réalise encore dans beaucoup de pays un des désirs exprimés par Notre Seigneur en l'établissant le roi spirituel des familles.

C'est par milliers et peut-être par millions que l'on ut compter aujourd'hui dans le monde entier les faites qui ont voulu établir ostensiblement et solennellement sur elles le règne du divin Cœur de Jésus.

Non seulement les familles, mais des paroisses, des. villages, de grandes villes, des associations, des congrégations, des collèges, des usines, des maisons de com­merce, des maisons de banque et même des nations entières ont vouluaussi se placer sous l'étendard du Sacré Cœur en le choisissant pour leur roi spirituel.

Mon but, en vous donnant ces détails, est d'augmenter, en vos âmes l'estime pour le fruit proposé.

Vous serez d'autant plus disposés à faire de généreux, et constants efforts pour le réaliser en vous et autour de vous que vous l'estimerez davantage.

Il y a quelque vingt ans, j'écrivais à nos Frères du Canada pour leur proposer comme fruit principal de leur retraite le même que celui que je propose cette année à tout l'Institut. Il me semble qu'il est bien applicable aujourd'hui à toutes nos provinces.

Pour faciliter la bonne utilisation des efforts qui devaient être faits en vue d'atteindre aussi pleinement et aussi parfaitement que possible le but proposé, voici le programme que je leur conseillais de suivre. Je le conseille et le recommande encore aujourd'hui à tous les membres de notre Chère Congrégation.

PROGRAMME.

Travailler avec un saint courage et une constance soutenue à faire régner Notre Seigneur :

1° Dans notre esprit.

2° Dans notre cœur.

3° Dans notre volonté.

4° Dans l'ensemble de notre extérieur.

1° RÈGNE DE N. S. DANS NOTRE ESPRIT.

Nous arriverons à faire régner Notre Seigneur dans notre esprit en travaillant assidûment, méthodiquement, et persévéramment à l'étude de la sainte doctrine.

Nous attacherons donc plus que jamais une capitale importance à l'article de nos saintes Règles qui nous prescrit, une heure d'étude religieuse chaque jour.

Cette heure-là devra être considérée par tous coin me une des plus précieuses de la journée. Chacun aura grandement à cœur de n'en pas perdre une parcelle. Les Frères Directeurs et tous ceux qui sont investis d'une portion d'autorité devront faire tout ce qui dépendra d'eux pour assurer la stricte et intégrale observance de cet article fondamental. Dans la circulaire du 2 février 1913, j'ai beaucoup insisté sur l'importance de cet article. On fera bien de relire les 11 pages de cette circulaire qui traitent de ce devoir de Règle.

Et parmi les études religieuses, on placera au 1ier rang celles qui ont pour objet direct la connaissance de Notre Seigneur, de sa vie, de sa passion, de sa mort, de sa doctrine. Le C. Frère Provincial et les chers Frères Directeurs se feront un devoir de guider les Frères dans cet important travail. Les bibliothèques des Etablissements devront être largement fournies des livres religieux et ascétiques contenant la doctrine à étudier.

Les ouvrages dont je recommande particulièrement l'étude sont :

1° Les saints Evangiles ;

2° La Vie de Notre Seigneur ;

3° Les souffrances de Notre Seigneur ;

L'Imitation de N. S. J. C. (chaque Frère doit avoir ce livre à son usage) ;

5° Les Epîtres de Saint Paul, de Saint Pierre, de Saint Jean ;

6° Les Actes des Apôtres ;

7° Connaissance et amour de Notre Seigneur par St. Jure ;

8° Les méditations sur l'Incarnation, sur la Passion et sur l'Eucharistie de Frère Jean Baptiste ;

9° Les neuf premières sections du deuxième Chapitre de la seconde partie de nos principes de perfection ;

10° Les biographies du F. Louis et du F. Pascal.

Mais pour arriver à se pénétrer profondément de la doctrine, et de l'esprit de Notre Seigneur, il ne suffit pas étudier dans les livres, il faut y appliquer son esprit dansla méditation. De là, nécessité pour tous de très bien faire, coûte que coûte la demi-heure d'oraison quotidienne que nous prescrivent nos saintes Règles.

Ah ! si nous étions tous, à un haut degré, des hommes d'oraison, Notre Seigneur ne tarderait pas à régner en souverain Maître sur nos esprits, c'est à dire que nous penserions comme Lui sur les hommes, les choses, les, événements, sur le prix des âmes, sur l'excellence de la pauvreté, de l'humilité, de l'obéissance, de la chasteté, de la mortification, sur les avantages de la persécution, du mépris des hommes, etc.

N'en doutons pas, c'est par de solides études ascétiques et par la pratique assidue et constante de l'oraison que le Vénérable Fondateur, le Frère François, le Frère Louis-Marie, le Frère Jean Baptiste et tant d'autres sont arrivés à faire régner d'une manière si parfaite Notre Seigneur dans leur esprit.

Il est un point de Règle qui a une importance exceptionnelle pour contribuer à une bonne oraison quotidienne c'est la parfaite ponctualité au lever. Jamais un retardataire au lever ne sera un homme d'oraison. S'il en était parmi nous, M. T. C. F., qui aient eu- dans le passé des reproches à se faire sur ce point important ils prendront à la retraite une résolution forte et ferme d'être dorénavant, à ce sujet, de fidèles imitateurs du Vénérable Père Champagnat. Chacun sait combien il fut un modèle parfait de ponctualité au lever lors même que ce fût excessivement pénible pour lui.

Il est un autre ennemi que je dois vous signaler comme pouvant nuire beaucoup au règne de Notre Seigneur dans vos esprits ce sont les lectures frivoles. Que tous et particulièrement les jeunes se tiennent bien en garde contre cet ennemi-là. Les ouvrages de pure imagination auxquels on donne le nom de romans doivent être absolument et rigoureusement prohibés ; les livres historiques d'allure romanesque (et il en existe) sont aussi à laisser de côté ; ils sont toujours plus ou moins débilitants pour les âmes religieuses. Il importe de se tenir en garde aussi contre la lecture des journaux autres que les publications pédagogiques autorisées par les Supérieurs. Le temps qu'on passerait à les lire serait un temps perdu au point de vue de l'intérêt personnel du lecteur qu'au point de vue de l'intérêt général. Et ce ne serait pas le seul mal, tant s'en faut.

Du solide, du sérieux, voilà ce qu'il faut à nos Frères, voilà ce qui a fait du jeune Jean Baptiste Furet, entré à 14 ans et demi au noviciat de Lavalla, l'immortel Frère Jean-Baptiste pour notre Institut. En voilà un qui avait fait régner Notre Seigneur dans son esprit !

Oh ! qu'ils seront bien avisés ceux qui sauront prendre les moyens que prit le Frère Jean Baptiste pour se donner trempe d'esprit qui a été en lui si caractéristique !

Les mêmes causes produisent les mêmes effets. C'est un prin­cipe bien connu.

A ce propos je ne saurais trop vous recommander la lecture attentive des 70 premières pages de la Circulaire du 8 avril 1872.

2° RÈGNE DE NOTRE SEIGNEUR DANS NOS CŒURS

Pour faire régner Jésus-Christ dans un cœur, il faut faire pénétrer à un haut degré les deux sentiments qui ont existé à un degré infini dans le Cœur du divin Sauveur : la haine et l'amour.

Quels étaient et quels sont encore les objets de la haine du Cœur de Jésus ? Personne parmi nous ne l'ignore ; c'est le péché mortel ; c'est le péché véniel ; c'est le scandale. Il a maudit les scandaleux : Malheur à celui qui scandalise ! il vaudrait mieux pour lui qu'une meule de moulin soit attachée à son cou et qu'on le précipitât dans mer.

Le Cœur de Jésus hait aussi le monde avec l'ensemble de ses maximes de perdition : « Malheur au monde, dit-il, à cause de ses scandales ! Je ne prie pas pour le monde».

Que hait-il encore le Cœur du divin Maître ? Il hait la stérilité spirituelle. Souvenons-nous du figuier stérile, du serviteur qui n'avait pas fait fructifier le talent qui lui avait été confié !

Pendant l'année qui va suivre la retraite, nous culti­verons, nous ferons croître en nos cœurs les mêmes haines : c'est là le fondement nécessaire de toute vie vraiment religieuse : Si vous parvenez, dit St Jean Chry­sostome, à faire pénétrer dans le cœur d'un jeune homme, une grande haine pour le péché, vous l'avez sauvé. – La crainte du Seigneur,  dit le Roi Prophète, est le commen­cement de la sagesse.

Quels moyens prendrons-nous pour établir solidement et faire grandir en nos cœurs la haine pour le péché ? Je vous en proposerai deux. 1° la demander instamment et persévéramment au bon Dieu. Pour cela, avoir habituellement cette intention dans nos prières et nos Communions ; 2° choisir dans ce but nos lectures spirituelles, nos études ascétiques et nos sujets de méditation.

C'est ce qui se pratiquait à Lavalla et à l'Hermitage au temps du Vénérable Fondateur. Aussi quelle admirable génération de saints religieux se formèrent alors sous cette salutaire influence. La tradition et les livres du Frère Jean Baptiste nous ont heureusement transmis le souvenir de leurs héroïques vertus.

Quels hommes ! quels religieux que les Frères Louis, Jérôme, Stanislas, Laurent, Dorothée, Damien, Chrysostome, Cassien, Arsène, etc. ! Gardons-nous d'omettre dans cette énumération les Frères François, Louis-Marie et Jean-Baptiste. Ils y tiennent de beaucoup la première place.

En voilà des Petits Frères de Marie qui avaient su faire régner Notre Seigneur Jésus-Christ dans leur cœur ! lis sont nos modèles ; nous pouvons et nous devons marcher sur leurs traces.

Il y a eu et il y aura toujours dans le Cœur de Jésus un amour immense, infini : 1° pour Dieu, son Père ; 2° pour Marie, sa Mère ; 3° pour les âmes ; 4° pour la vertu (pauvreté, chasteté, humilité, douceur, mortification, etc.).

Les actes et les prédications du divin Maître sont des manifestations admirables de cet amour immense. Le cadre de cette circulaire ne permet pas d'entrer dans les détails de ces manifestations ; mais je vous exhorte tous, M. T. C. F., à en faire un des principaux objets de vos études religieuses.

Je ne veux cependant pas finir sur ce point sans rappeler le mot adressé par Notre Seigneur à la bienheureuse Marguerite Marie, maintenant canonisée : Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes !

Ajoutons-y cet autre mot du divin Sauveur. Il l'adresse à chacun de nous : Mon fils, donne-moi ton cœur !

Qui d'entre nous voudrait refuser de travailler à faire naître le plus possible dans son cœur ; 1° l'amour de Dieu ; 2° l'amour de Marie ; 3° l'amour des âmes : 4° l'amour des solides vertus ?

Il y a un cinquième amour que je vous recommande instamment : c'est celui de Jésus au Très Saint Sacrement, de la fréquente et fervente communion. Visitons souvent et fervemment Jésus constamment présent au Saint Tabernacle.

Oh ! combien cette haine et cet amour dont je viens de vous parler étaient à un haut degré dans le cœur du Vénérable Père Champagnat. Ils se révèlent d'une manière admirable dans ces mots : Voir offenser Dieu et les âmes se perdre sont pour moi deux choses insupportables qui me font saigner le cœur !

3° RÈGNE DE NOTRE SEIGNEUR DANS NOTRE VOLONTÉ.

De toutes nos facultés celle qui tient le premier rang,  elle qui contribue le plus à notre sanctification, celle par conséquent que nous devons cultiver avec le plus de soin, c'est la volonté.

Il importe souverainement d'établir sur elle le règne absolu de Notre Seigneur. Pour cela il faut s'attacher à vouloir toujours ce que Dieu veut, à le vouloir fortement, à le vouloir malgré tous les obstacles. Savoir absolument et catégoriquement dire un oui ferme et sincère pour tout ce que demande le devoir, et un NON tout aussi ferme et catégorique pour ce qui est opposé au devoir, voilà ce qui constitue véritablement le règne de Notre Seigneur sur la volonté d'un Petit Frère de Marie.

Quel admirable modèle nous avons sur ce point dans notre Vénérable Fondateur ! Nous connaissons tous l'héroïque parole qu'il a prononcée bien des fois et que je suis heureux de citer quand l'occasion s'en présente. Elle révélait, n'en doutons pas, la disposition habituelle de sa volonté : Toute la terre serait contre moi que je ne reculerais pas quand mon devoir commande !

Quelle puissance pour le bien ne serait pas la nôtre, si tous nous avions une volonté fortement et saintement trempée comme celle de notre Vénérable Père !

Nous travaillerons d'une manière spéciale à fortifier en nos âmes cette faculté. Si nous sommes tenaces dans cet important travail, nous arriverons sûrement peu à peu à ressembler au Modèle.

En quoi consiste le devoir que Dieu demande et attend du Petit Frère de Marie ? Ici la réponse est simple et claire. La Règle, la Règle toujours, la Règle partout et pas autre chose que la Règle, mais la Règle dans soir entier, les petites choses aussi bien que les grandes. C'est bien le cas de redire ici le mot que nous lisons dans l'instruction qui est au commencement du « Directoire Général» : Celui qui vit selon la Règle, vit selon Dieu.

 Il est un chapitre dans la 2ième partie du « Directoire Général », dont la pratique sérieuse ne peut manquer de rendre peu à peu la volonté très forte ; c'est le chapitre VII : De l'esprit de pénitence et de mortification. Je vous le recommande tout spécialement. Il est à souhaiter qu'il soit un de nos chapitres de prédilection.

4° RÈGNE DE NOTRE SEIGNEUR DANS L’ENSEMBLE DE NOTRE EXTÉRIEUR. ­

Pour des éducateurs religieux, ce point a une importance tout à fait exceptionnelle. Il est bien avéré que l'éducation de l'enfant se fait beaucoup plus par ce qu'il voit que par ce qu'il entend. La voie des préceptes et-des instructions verbales a certainement une grande importance et il faudrait bien se garder de la négliger ; mais il est bien certain aussi que la voie des bons exemples a une très grande efficacité. Nous connaissons tous le proverbe : Les paroles émeuvent, mais les exemples entraînent !

On a dit de St François de Sales qu'en le voyant on croyait voir Notre Seigneur.

Quel immense avantage pour le succès de l'apostolat qui nous est confié si les enfants que nous élevons et les populations qui nous voient, pouvaient dire avec vérité de chacun de nous : « Oh ! comme ce Frère ressemble à Notre Seigneur Jésus-Christ ! ».

Ceux d'entre nous qui ont connu le vénéré Frère François, savent combien il était remarquable au point de vue qui nous occupe.

Je voudrais en citer ici un bon nombre d'autres que j'ai connus pendant mes 60 ans de vie religieuse et dont la seule vue était comme une prédication muette de sainteté ; mais je dois me borner. D'ailleurs chacun de vous, M. T. C. F., y suppléera dans sa pensée en se rappelant tels et tels Supérieurs, tels et tels confrères qui lui apparaissaient comme étant des copies plus ou moins parfaites de Notre Seigneur.

Et si dans tous les temps il a été nécessaire que les éducateurs de la jeunesse soient extérieurement la bonne Odeur de Jésus-Christ, selon l'expression de l'Apôtre, ne peut-on pas dire que c'est plus nécessaire aujourd'hui que jamais à cause des entraînements contraires qui exercent si malheureusement et si pernicieusement leur funeste influence dans la société mondaine ?

J'appelle donc d'une manière toute spéciale votre attention sur la dignité extérieure. Il est bien entendu que cette dignité doit être toute religieuse. Dignité dans la tenue, dignité dans la démarche, dignité dans les paroles entre confrères et avec les séculiers, et surtout avec les élèves ; dignité dans le port du costume religieux ; chapeau, soutane, croix, cordon, bas, souliers ; que tout cela soit toujours propre et en parfaite conformité à nos Constitutions.

Que tous, sans exception, nous ayons à cœur d'être, sous ce rapport, de parfaits Petits Frères de Marie depuis les pieds jusqu'à la tête.

Que cette tenue irréprochable ait lieu partout, mais particulièrement en classe, dans les rues, dans les voitures, dans les bateaux et surtout à l'église.

Un Frère qui, dans le lieu saint, est digne comme il doit l'être, ne se permet jamais de tourner et surtout d'arrêter ses regards sur les fidèles ; on ne le voit jamais se laisser surprendre par le sommeil ; ses génuflexions sont toujours profondes ; quand il se présente à la sainte Communion, sa tenue et sa démarche révèlent la foi vive dont il est animé ; il a une manière toujours très convenable de tenir son livre ; il fait toujours le signe de la Croix très gravement et dans toute son ampleur.

Un Frère qui se permettrait de tutoyer les enfants, de leur dire des paroles blessantes, de les frapper, ou qui aurait des familiarités avec eux, manquerait à la dignité qui doit toujours caractériser un éducateur religieux.

Notre « Directoire Général » contient un chapitre que nous pouvons considérer comme le Code de la dignité pour un Petit Frère de Marie, c'est le chapitre IX de la seconde Partie. Il a pour titre : De la Modestie. Les Frères Directeurs voudront bien le lire et le commenter quelquefois en Communauté.

Un Frère qui cultiverait sa chevelure d'une manière plus ou moins mondaine, pourrait-il se rendre le témoignage qu'il se conforme au chapitre De la Modestie ? Je ne le pense pas.

Terminons ces quelques considérations sur la dignité en rappelant ce que fut sur ce point le Vénérable Père Champagnat. Le Frère Jean Baptiste nous dit qu'il était d'une taille haute, droite et majestueuse, qu'il avait un air grave, modeste, sérieux et qui inspirait le respect, qu'il possédait le plus heureux caractère, qu'il avait l'esprit droit, le jugement sûr et profond, le cœur bon et sensible, les sentiments nobles et élevés. Son caractère -était gai, ouvert, franc, ferme, courageux, ardent, constant et toujours uniforme.

Quel admirable modèle de dignité pour les Petits Frères de Marie de tous les temps et de tous les lieux !

Ayons grandement à cœur, M. T. C. F., d'être le mieux possible ses fidèles imitateurs.

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RÈGNE DE N. S. J. C.

1° au Juvénat ; 2° au Noviciat ; 3° au Scolasticat ; 4° dans les Communautés des postes ;

 5° dans les classes.

1° AU JUVÉNAT.

La vie du juvéniste se partage en trois principaux genres d'occupations : exercices de piété, études, travaux manuels. Il faut ajouter à cela les repas, les récréations, le sommeil.

Qu'on prenne des moyens vraiment efficaces pour que tout cela s'accomplisse sous l'impression vive de la sainte Présence de Dieu. Nous savons tous que ce fut le grand moyen employé par le Vénérable Fondateur pour élever l'édifice de sa propre perfection et pour obtenir qu'il en fût de même pour les Frères.

Il eut grand soin d'introduire dans les Règles communes, ainsi que dans les Coutumiers des maisons clé Lavalla et de l'Hermitage, un ensemble de dispositions destinées à faire pratiquer comme nécessairement le saint exercice de la Présence de Dieu par tous les membres de la Communauté.

Que l'on ait à cœur dans les trente Juvénats qui existent actuellement dans l'Institut d'agir comme on le faisait au temps du Vénérable ; la prière de l'heure bien faite, les oraisons jaculatoires fréquentes, les communions spirituelles et les visites au Saint Sacrement nombreuses, les communions sacramentelles bien préparées.

Qu'il y ait parmi les juvénistes une sainte émulation à qui pratiquera le p lus d'actes de vertu pour plaire à Notre Seigneur. Qu'il y ait une grande ardeur pour toutes les branches d'études religieuses : Catéchisme, Histoire Sainte, Evangile, etc… .

En un mot, ne rien négliger pour arriver à ce que les juvénistes se meuvent constamment dans une atmosphère morale tout imprégnée de vraie piété et de bon entrain religieux. Cela demande de la part des Maîtres un zèle ardent, industrieux et persévérant et de la part des juvénistes une parfaite docilité.

Les Juvénats, nous le savons, sont l'avenir de l'Institut ; on ne saurait donc apporter trop de zèle pour y établir solidement le règne de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Il m'a été donné de visiter dans nos diverses provinces des Juvénats qui m'ont donné beaucoup de satisfaction sous ce rapport.

2° AU NOVICIAT.

Ce que je viens de dire du Juvénat s'applique de tout point au Noviciat. Mais ici tout doit devenir plus solide, plus généreux, plus convaincu. Il importe surtout qu'on y acquière à un haut degré le véritable esprit de l'Institut, qu'on s'y attache très fortement à sa sainte vocation, qu'on s'y exerce résolument à la pratique sérieuse des vertus qui ont le plus brillé dans le Vénérable Fondateur et nos premiers Frères de Lavalla et de l'Hermitage : piété, crainte de Dieu, mortification, humilité, obéissance, amour du travail, dévouement à l'intérêt général, dévotion à Marie, etc… . , etc… .

De ce que je viens de dire du Juvénat et du Noviciat, chacun conclura évidemment combien les diverses fonctions de direction, d'enseignement, de surveillance et de soins temporels y sont importantes.

Les Frères qui sont vraiment sérieux et dévoués, s'estimeront donc toujours très heureux et se considéreront comme très honorés d'être placés dans ces maisons de formation. Ils sentiront qu'il y a là pour eux une place de choix qui leur permettra de travailler très fructueusement à l'extension et à l'affermissement du règne de Notre Seigneur dans notre Institut, et, par voie de conséquence, dans les divers pays où auront à exercer leur mission apostolique d'éducateurs religieux les Frères à la formation desquels ils se seront dévoués.

3° AU SCOLASTICAT.

Etant obligé d'être plus bref que je ne voudrais sur ce sujet où il y aurait pourtant beaucoup à dire, je me contenterai de faire une simple réflexion. On voudra bien la considérer comme ayant une très grande importance.

Pour que nos Scolasticats répondent véritablement aux desseins de Notre Seigneur et contribuent avec une réelle efficacité à la consolidation et à l'extension de son règne, il faut que la sainteté y ait toujours et de beaucoup le pas sur la science, c'est-à-dire que dans les idées, dans lés paroles, dans les actes, tout ce qui se rapporte à la pratique de la vertu et à l'enseignement religieux soit toujoursmis au premier rang.

En un mot, s'il importe de sortir du Scolasticat beaucoup plus instruit qu'on y est entré, il est autrement plus important d'en sortir beaucoup plus vertueux.

4° DANS LES COMMUNAUTÉS DES POSTES.

Je me contenterai d'appeler l'attention de tous nos Frères sur deux points, le Silence et la Ponctualité, et d'en recommander instamment la pratique.

L'expérience nous enseigne que dans nos Communautés des postes où l'on garde fidèlement la règle du silence, les religieux qui en font partie vivent dans le recueillement, prient bien, étudient sérieusement. Il y a alors dans la maison une atmosphère éminemment favorable au règne de Notre Seigneur dans les âmes, et, par conséquent, à la bonne formation religieuse de tous les Frères qui ont le bonheur d'y être placés.

Dieu veuille qu'il en soit ainsi de tous nos postes sans exception !

N'avons-nous pas des reproches à nous faire sous ce rapport ? Que chacun profite de la retraite pour se poser la question suivante : Suis-je un exact observateur de l'article 71 des Constitutions et du chapitre VIII de la seconde Partie du « Directoire Général » qui nous indiquent nos devoirs concernant le silence ?

Cette question est pour tous. Mais il en est une autre qui est plus spécialement pour les dépositaires de l'Au­torité : Provinciaux, Directeurs, Sous-Directeurs, etc. Ils doivent se demander : « Est-ce que je remplis sérieuse­ment et constamment le devoir qui m'incombe d'exiger que le silence soit toujours gardé par mes subordonnés au temps où la Règle le prescrit ? ».               

Ceux qui ont des reproches à se faire le reconnaîtront humblement devant Dieu et prendront une de ces résolutions viriles qui sont toujours suivies d'effet.

On fera bien de choisir de temps en temps comme sujet d'examen l'article 71 des Constitutions et le chapitre VIII du Directoire Général, 2ième partie.

L'exacte Ponctualité à tous les exercices de Communauté est un point sur lequel on ne saurait trop appuyer. Une Communauté où l'on traîne pour se rendre aux exercices de Règle, pour les commencer à la minute voulue, ne peut prétendre que notre Seigneur règne souverainement sur elle.

Le R. Frère Louis-Marie a doté l'Institut sur ce point d'une circulaire admirable ; elle est du 8 décembre 1863.

Oh ! qu'il est à souhaiter qu'elle soit bien comprise, et bien pratiquée partout !

Les Frères Directeurs sont invités à la faire prendre pour lecture spirituelle de règle une fois par trimestre au cours de l'année qui suivra la prochaine retraite.

5° DANS LES CLASSES.

Que de considérations tout à fait sérieuses il y aurait à faire sur ce point ! Mais je dois me borner pour n'être pas trop long.

Vous avez tous, je suppose, à votre disposition les deux ouvrages L'Educateur apôtre et l'Ame de tout apostolat. Lisez et relisez ces ouvrages ; approfondissez la magnifique doctrine qu'ils contiennent, et tirez-en beaucoup de conclusions pratiques pour l'accomplissement de votre importante mission auprès des enfants.

Si vous suivez bien ce conseil, il suppléera, j'en suis convaincu, à ce que j'aurais voulu vous dire pour vous aider à faire régner Notre Seigneur dans nos classes.

Que les Frères Directeurs veuillent bien procurer à leur maison un nombre suffisant d'exemplaires de ces livres pour que l'étude en soit facilitée à tous les membres de la Communauté.

Je tiens toutefois à ne pas passer sous silence le matériel du culte extérieur dans les classes : Crucifix, statues, images du Sacré Cœur, de la T. Ste Vierge, de St. Louis de Gonzague, de l'Ange Gardien, bénitiers, emblèmes religieux de toute espèce. Que tout cela soit bien choisi et constamment tenu en parfait état, de manière à produire sur les enfants une salutaire impression. N'oublions jamais que l'éducation religieuse de l'enfant se fait autant si ce n'est davantage, par les yeux que par les oreilles. Sur ce point, le Vénérable Père Champagnat nous a donné des exemples qui vous sont bien connus. Nous devons tous avoir grandement à cœur de les imiter.

Les différentes associations en l'honneur du Sacré Cœur de Jésus, de l'Apostolat de la Prière, de Jésus au Saint Sacrement sont des moyens bien efficaces d'établir le règne de Notre Seigneur sur les enfants dont l'éducation nous est confiée. Je ne saurais trop vous exhorter à faire tout ce qui dépendra de vous pour les établir dans nos écoles.

Les Sociétés amicales d'anciens élèves de nos écoles peuvent être aussi un très bon moyen de sauvegarder et de consolider parmi eux le règne de Notre Seigneur, surtout si on a soin de leur imprimer une orientation franchement et ostensiblement chrétienne, et si parmi les articles des statuts, on en met un relatif à la fréquentation des sacrements. C’est ce qui existe dans Plusieurs des associations établies par nos Frères dans diverses parties du monde. J'ai pu constater par moi-même qu'elles ont produit les plus heureux résultats.

*

*       *

Les ennemis du Règne de Notre Seigneur.

Dans chaque maison de l'Institut et chaque matin, tous les membres qui composent la Communauté s'adressant à Notre Seigneur, lui disent : Faites que, malgré toute puissance ennemie, votre règne s'établisse pleinement sur nous. Une explication un peu détaillée de ces quelques paroles aura bien icisa place.

Je la recommande tout particulièrement à la religieuse attention de tous.

Les puissances ennemies du salut de l'homme sont nombreuses. Les unes sont au dedans de lui-même ; d'autres lui sont extérieures. Il en est qui sont de tous les temps ; d'autres sont particulières à certains milieux ou à certaines époques. Je pense faire œuvre utile, M. T. C. F., en vous dénonçant ici les principales de ces puissances. Bien connaître l'ennemi, ses forces, ses mouvements, deviner ses plans d'attaque est un point de stratégie que met singulièrement en relief la terrible guerre actuelle et qui donne une importance exceptionnelle au rôle de l'aviation. Elevons-nous bien haut dans la sphère du surnaturel pour mieux connaître les ennemis du règne de N. S. Ces ennemis ont varié au cours des siècles. Il était réservé à ces derniers temps de les voir plus audacieux et plus agressifs. La négation et l'incrédulité, parties de Luther et du protestantisme, ont entrepris une guerre sans merci contre N. S. et son Eglise. Cependant il y a un peu plus d'un siècle notre divin Maître régnait encore sur les sociétés ; elles étaient, pour ainsi dire, pétries de Christianisme. « Oui, il y a un siècle, la France et le monde civilisé, a dit un grand évêque[1], offraient encore, malgré certaines déviations déjà trop sensibles,  le plus grand spectacle qu'il ait été donné à l'homme de contempler ici-bas. Le Christ, Fils du Dieu vivant, régnait sur- les- nations prosternées devant le trône de sa souveraineté. Sa doctrine était leur doctrine, et sa vie était leur vie. De même que le monde physique est comme imprégné des rayons du soleil, ainsi la lumière de l'Evangile enveloppait et pénétrait le monde social dans toutes ses parties. Les rois tenaient à honneur de se dire les lieutenants du Christ ; et dans sa Croix qui surmontait, leurs couronnes ils voyaient la sauvegarde de leur autorité et le mémorial de leurs devoirs. Lois et institutions, tout ce qui règle la vie publique portait l'empreinte de la religion, s'inspirait de son esprit, appliquait ses maximes. Le Christianisme formait la base de l'enseignement ; et, depuis l'école de hameau, où  l'enfant du peuple apprenait à gouverner sa vie, jusqu'à l'université, où les sciences -enaient se réunir en un faisceau harmonieux, le Verbe précepteur de l'humanité parlait par toutes les bouches et arrivait à tous les cœurs… La religion était le lien de toutes les associations, la splendeur de toutes les fêtes, la force de tous les serments, la majesté de tous les pouvoirs : elle était l'âme du corps social… Bref, cette société-là était née, elle avait vécu, elle avait grandi à l'ombre de la Croix, et de l'orient à l'occident, du septentrion au midi, tous les échos du monde pouvaient se renvoyer ces mots que la foi victorieuse avait gravés sur l'obélisque du Vatican : Christus vincit, Christus regnat, Christus imperat. Le Christ a vaincu, il règne, il gouverne ».

J'ai voulu vous donner toute cette citation, M. C. F., à cause de son rapport si parfait avec notre sujet. Elle peint si bien l'influence heureuse de notre bon Maître sur la société qui nous a précédés. Hélas ! il vint un temps où l'on parut se lasser de tant d'honneur et de tant de gloire. C'était le temps où notre V. Fondateur, encore enfant, demandait avec stupeur : « Ma tante, qu'est-ce que la Révolution ? est-ce un homme ou une bête ? »

Depuis, le Rationalisme, le Sensualisme, l'Athéisme ont envahi plus ou moins les nations modernes.

Le Rationalisme, ou l'émancipation de la raison de toute autorité divine en matière de croyance, s'est présenté comme une libération. Religion révélée, dogme, morale, tout a été rejeté. On a mis sur le même pied le vrai et le faux, et on leur a donné les mêmes droits. Aux yeux d'un grand nombre, toutes les religions sont également vraies, également bonnes. On a repoussé le magistère de l'Eglise ; et en son lieu et place, la multitude prend pour oracles les hommes, les livres, les journaux indifférents ou impies.

Le Sensualisme, ou l'émancipation de la chair de toute autorité divine en matière de mœurs, ne marche-t-il pas de pair avec le Rationalisme ? Sous ce rapport le monde actuel court à toutes jambes aux antipodes du Christianisme. Le Concile de Trente définit la vie chrétienne une pénitence continuelle. Notre époque, par contre, qu'entend-elle par « vivre sa vie » sinon en faire une jouissance continuelle, la plus large possible et par tous les moyens possibles ? Les Chrétiens eux-mêmes songent-ils assez à se défendre des dangers de la vie molle et exempte de contrainte ? ne voit-on pas, par exemple, diminuer sans cesse le nombre de ceux qui se soumettent aux lois du jeûne et de l'abstinence ? L'abstinence les incommoderait ! Comment jeûner avec le train de vie qu'on mène auJourd'hui ? dit-on. Et comme on n'a pas l'idée ou le courage de remplacer par d'autres pénitences celles que prescrit l'Eglise, il en résulte que sans s'en apercevoir et insensiblement on arrive à n'être plus chrétien que de nom, dit le grave auteur[2], à qui nous empruntons cette pensée, que de fois n'a-t-on pas entendu cette naïve excuse sortir de la bouche de ceux mêmes qui se font honneur de leur titre de catholiques : qu'ils ne font pas pénitence, qu'ils ne jeûnent pas parce que l'abstinence et le jeûne les gêneraient, les fatigueraient ! Comme si l'abstinence et le jeûne avaient un autre but que d'imposer un joug pénible à ce corps de péché ! (Rom., VI, 6).

   L'Athéisme pratique, sous les noms de libre-pensée, de tolérance, de neutralité, de laïcisme, a envahi à son tour les sociétés modernes. Quel est le résultat au point de vue du règne de N. S. ? Hélas ! pour ne parler que des enfants, c'est par milliers qu'il faut compter ceux de nos grandes villes qui n'ont aucune croyance, aucune religion. Autrefois, à quinze, à vingt ans, on pouvait abandonner quelques pratiques religieuses ; mais on gardait la foi. Le vice pouvait souiller un instant le cœur et même profondément ; mais la foi en Dieu y subsistait et la confiance en Jésus-Christ, et la prière, et des restes d'amour divin que le moindre souffle pouvait rallumer. Aujourd'hui toutes les digues rompent à la fois, toutes les ancres cassent. Ce n'est pas seulement la foi catholique qui disparaît, toute foi s'en va, toute religion s'éteint. Plus de prières, plus d'autels, plus de Christ, hélas ! plus de Dieu à quinze ans ! Ah ! que dirait, que penserait notre Vénérable Fondateur à la vue de cette multitude de jeunes gens qui ne connaissent rien de notre divine religion, rien de l'amour infini de N. S. pour leurs âmes ?

En présence du mal contemporain, faut-il nous décourager, M. T. C. F. ? A Dieu ne plaise ! Ranimons, au contraire, nos énergies pour lui résister. Une armée d'âmes vertueuses aime N. S. et se sacrifie pour étendre son règne. Continuons de joindre nos efforts aux leurs. Pour le faire plus méthodiquement je vais vous signaler ici quelques ennemis particuliers du règne de N. S. dans notre esprit, dans notre cœur, dans notre volonté.

1. – Ennemis du Règne de N. S. dans notre Esprit.

Il s'agit spécialement des doctrines funestes qui ont cours dans notre société paganisée. Question importante pour la conservation de notre esprit religieux, de notre vocation, de notre foi. Voici un navire exposé aux efforts de la tempête. Si son gouvernail se brise, malheur aux passagers. Ainsi de notre âme. Aussi longtemps que l'esprit reste sain on peut espérer qu'il la conduira dans la voie droite ; mais s'il se fausse ou se pervertit, toute l'âme est dans les ténèbres, elle se heurte aux écueils et court aux précipices. Ne nous étonnons donc pas si l'Eglise a toujours été plus prompte à proscrire l'erreur qu'à stigmatiser la corruption.

Oh ! quel bonheur est le nôtre, M. T. C. F., d'avoir été élevés dans les principes de la foi et d'être, par notre vie préservés des mille dangers que court la foi des personnes du monde. Ne nous croyons pas cependant à l'abri de toute contagion et exempts de toutes précautions, car les doctrines pernicieuses sont répandues dans l'air et s'infiltrent jusque dans les milieux les plus fermés.

Voici quelques points qui méritent notre attention et pourraient être un obstacle au règne de N. S. dans notre esprit.

L'ignorance religieuse est une honte chez un religieux et un scandale chez un religieux-éducateur, car, suivant la forte expression de St. Jean Chrysostome ; c'est une chose monstrueuse dans l'univers que d'y voir privés de lumière les astres qui doivent l'éclairer. Dans notre mission d'éducateurs, le principal objet de nos efforts doit être de graver la foi en traits ineffaçables dans l’âme des enfants et, pour cela, il faut les instruire. Soyons donc savants nous-mêmes, savants dans la connaissance de Jésus-Christ. St. Paul, le modèle des apôtres n'a-t-il pas dit : « Je n'ai pas jugé bon de savoir autre chose que Jésus et Jésus crucifié ».

Donc étudions notre religion pour nous d'abord : une idée vague ne suffit pas aujourd'hui ; elle se dissiperait devant les assauts du doute. Etudions pour instruire fortement nos enfants ; c'est le seul moyen de les garantir eux aussi contre les grands périls qui menaceront leur foi au sortir de nos écoles.

Le mauvais exemple qui, en plaçant sous nos regards tant de défaillances de la foi est un péril pour notre, esprit. Bien des âmes faibles y succombent aujourd'hui. Il en est ainsi du troupeau humain : il va sans réflexion où la masse l'entraîne, fût-ce même aux abîmes.

Les doctrines pernicieuses peuvent s'introduire dans notre organisme spirituel à la façon de gaz asphyxiants. Telle conversation, telle lecture, ne nous a produit sur le moment aucune impression fâcheuse. Cependant les germes morbides qu'elle contenait se sont déposés en notre mémoire. Vienne l'occasion propice, ces germes produiront leurs fruits naturels, à savoir le doute, ou la tentation contre la foi, contre l'Eglise, contre notre vocation.

La curiosité qui vient de l'orgueil est un autre danger pour le règne de N. S. dans notre esprit. Elle pousse aux témérités, lance dans les systèmes et les aventures. Elle est un danger pour notre foi et pour nos mœurs. Il y a telles études qui ne sont pas faites pour nous, tel dictionnaire, tel manuel d'histoire, tel auteur pédagogique, telle œuvre littéraire, tel cours de philosophie qui ne doivent pas figurer dans nos bibliothèques.

C'est le cas de rappeler ici l'art 152 du Directoire Général : « Les frères se garderont bien de lire des ouvrages dangereux. S'il leur en tombe entre les mains, ils les brûleront ou les remettront à M. le Curé sans se permettre de les examiner. Ils s'interdiront aussi toute lecture de livres qui, quoique bons en eux-mêmes, ne leur conviendraient pas ».

Il. – Ennemis du règne de N. S. dans notre Cœur.

Le cœur est le moteur qui nous entraîne. L'homme va où le mène son cœur. St. Augustin l'a dit : « Mon amour est le poids qui m'entraîne ; partout où je vais, c'est le cœur qui me guide ». N. S. le sait ; c'est pourquoi voulant régner sur tout notre être il se contente de dire : « Mon enfant, donne-moi ton cœur ». 0 Jésus ! prenez-le ce cœur ! il est à vous tout entier ! – Voilà notre premier cri, notre­ premier mouvement. Mais que de fois hélas ! nous revenons sur ce premier mouvement, séduits que nous sommes par l'égoïsme, l'affection trop naturelle pour nos parents, nos élèves,etc. …

– L'égoïsme qui lésine avec le devoir, calcule avec le dévouement, est avare de son temps, ménage jalousement sa santé, craint la fatigue, évite la peine, manque de générosité, d'élan pour les saintes causes est l'opposé de l'amour et du règne de Notre Seigneur dont on a dit avec raison : « qu'il ne s'établit que sur les ruines de l'égoïsme ». Notre Seigneur en effet a beau frapper à la porte de l'égoïste ; ce soldat n'est point de ceux dont on fait les héros, les apôtres, les missionnaires, les martyrs ou simplement les fervents religieux.

– L'attachement trop naturel aux parents est, au dire du V. Fondateur, «un des pièges les plus dangereux du démon. Il porte à s'occuper de leurs affaires temporelles ou par une fausse, compassion à s'exagérer leurs besoins, et à se croire obligé de les aider par des moyens que la Religion n'approuve pas. L'ennemi du salut va jusqu'à faire croire à quelques-uns qu'il est permis d'abandonner leur vocation pour les assister ». Que de religieux n'avons-nous pas vus, M. T. C. F., qui eussent fait d'excellents missionnaires, sans cette attache trop naturelle pour leur famille et leur pays ! Combien d'autres y ont perdu leur ferveur par les distractions, les soucis, les tracas qu'elle leur a causés ! Un religieux qui en est là, disait sainte Thérèse, a l'âme, bien malade.

« Celui qui aime son père on sa mère plus que moi, disait Notre Seigneur, n'est pas digne de moi ». Il y a donc là un ennemi du règne de notre divin Sauveur sur nos âmes, ennemi contre lequel il faut nous tenir en garde.

– Les amitiés humaines désordonnées sont chez le religieux une sorte de trahison vis-à-vis de celui à qui nous avons donné tout notre cœur au jour de notre profession. C'est une rapine dans l'holocauste, une reprise en détail de ce que nous avons offert en bloc. Ces déviations du cœur, soit parce qu'elles ont l'attrait du fruit défendu, soit parce qu'elles entraînent à des luttes où tout l'être s'exalte, produisent unie sorte de malaise fiévreux.

L'imagination est obsédée à la prière, à la méditation, tandis qu'elle se peuple, pendant la nuit, de rêves fantastiques. Adieu les études, le zèle pour la classe, l'union à Dieu, la ferveur, la sainte joie. Qui de nous s'il a été en contact avec les élèves des pensionnats n'en a parfois rencontrés minés par ce mal et dès lors incapables de prier ou d'étudier.

La vertu d'ailleurs y fait presque infailliblement naufrage. Personne n'a mieux décrit que Saint Augustin les degrés de cette chute du cœur. Cet amour, dit-il, est d'abord tout spirituel, si bien que les entretiens ne résonnent que de paroles saintes. Mais bientôt il devient plus affectueux et commence à s'exprimer en termes plus tendres. Il en arrive ensuite aux démonstrations obséquieuses, aux multiples petits dons qui s'échangent, comme des chaînes réciproques. De là naissent les familiarités, d'apparence innocentes, mais de jour en jour plus intimes. Finalement on aboutit aux pires libertés et c'est la chair qui triomphe des défaites du cœur[3].

Ce tableau pris sur le vif est la triste histoire des plus lamentables chutes. Nos « Avis, Leçons, Sentences » nous disent les suites lamentables de cette sorte de scandale. Quant au règne de Notre Seigneur dans un cœur si désordonné on voit ce qu'il devient.

III. – Ennemis du règne de N. S. dans notre Volonté.

Nous en signalerons deux : le respect humain et la lâcheté habituelle.

– Le respect humain, dit le P. Faber, est un mal dont les personnes spirituelles ont comparativement beaucoup plus à souffrir que les autres. Le christianisme n'aurait pas mis tant de soins à fortifier l'individu contre les influences de son pays, de sa famille, de ses amis, s'il n'avait pas discerné quel danger ces influences peuvent avoir sur sa personnalité morale. « Vous avez été rachetés à un grand prix, disait saint Paul, ne vous faites pas les serviteurs des hommes » et ailleurs « si je cherchais à plaire aux hommes, je ne serais plus serviteur de Jésus-Christ ». C'est qu'il est difficile de s'imaginer tous les échecs infligés à la volonté par ce terrible respect humain.

Il l'avait bien expérimenté, le profond auteur de l'Imitation de N. S. J. Ch. qui disait : « Je ne suis jamais allé chez les hommes que je n'en sois revenu moins homme ». Ainsi, M. C. F., si nous voulons sauvegarder en nos volontés le règne effectif de Jésus-Christ entrons généreusement en lutte contre le respect humain.

– La lâcheté habituelle qui résulte d'une suite de petites concessions au caprice, au laisser-aller, à la paresse, à la mollesse, au sans-gêne, etc. n'est pas moins à craindre. Elle est le fait de celui dont parle l'Ecriture : « Il veut et ne veut pas ». Il veut à l'oraison ; il veut à la suite d'un sermon, il veut à l'examen du soir, mais il ne veut plus quand arrive l'occasion d'agir, de se vaincre, quand l'heure du devoir, du sacrifice, du dévouement, du renoncement a sonné. La gravité de cette lâcheté habituelle c'est qu'elle affaiblit ce qui, en nous, avec la grâce de Dieu, est la condition de tout bien, la volonté. La volonté, comme les organes du corps, se fortifie par l'exercice modéré, se débilite, s'atrophie par la paresse prolongée. Ce qui fait que la capitulation d'aujourd'hui rend plus facile celle du lendemain ; un penchant naturel ou un vice qu'on satisfait devient plus impérieux dans ses exigences. L'exemple du dormeur, le matin, est caractéristique. Cent fois il a promis de se lever au 1ier  appel. Mais hélas ! le cher défaut, fortifié par chaque faiblesse de la volonté, devient toujours plus maître chaque matin. Le pauvre dormeur est plein de bonnes intentions ; il s'est représenté souvent le tort qu'il fait à son âme, à son emploi, à sa réputation, à son influence. Mais ce matin il a la tête lourde; il a mal dormi la nuit. Après tout, s'il reste au lit une fois de plus, ce n'est pas bien grave. C'est d'ailleurs peut-être jour de congé ; il n'a donc pas de classe à préparer. Enfin ce, sera la dernière fois. Et quand il sera levé… dans une heure, il prendra plus énergiquement que jamais la résolution de ne plus recommencer…

Il recommencera, et après chaque rechute, il sera plus faible, plus désarmé. A chaque fois sa force de résistance diminuera, à moins qu'un motif d'ordre supérieur ne lui fasse prendre une de ces résolutions énergiques qui équivalent à une conversion.

Jeunes Frères, prenez de bonnes habitudes. Evitez soigneusement les petites concessions, les petites lâchetés de détail, les petites satisfactions données à la nature contrairement à la règle, si vous ne voulez pas vous forger des chaînes pour tout le reste de votre vie, si vous voulez acquérir une volonté forte, si vous ne voulez pas être de ceux qui le matin à l'oraison ou à la sainte communion disent à Notre Seigneur : Régnez sur moi, je vous donne mon cœur ; et qui passent ensuite la journée à se démentir.

Concluons, M. T. C. F. Nous voulons tous que N. S. règne sur nous : disons donc du fond du cœur chaque matin : O Jésus, vivant en Marie… faites que malgré toute puissance ennemie votre règne s'établisse pleinement sur nous…

Puis, coopérant à la grâce qui nous sera donnée, déclarons généreusement la guerre aux ennemis de ce règne dans notre esprit, dans notre cœur, dans notre volonté.

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A NOS FRERES-SOLDATS.

 Ces lignes sont exclusivement pour vous, nos chers Frères Soldats. Je vous les adresse à propos de votre Retraite, qu'il faudra vous industrier pour faire ; et pour faire le mieux possible ; car le bien n'est plus le bien, si, par notre faute, il n'est pas bien fait, selon l'expression de Saint Jean Damascène.

Il y a deux ans, si vous vous en souvenez, je vous avais proposé, pour faire ce Saint Exercice, les actes de Foi, d'Espérance et de Charité, vous indiquant comment vous deviez vous en servir. L'au dernier, je vous donnai, comme Prédicateur, le Crucifix, dont les leçons, tout à la fois, si frappantes et si utiles, sont à la portée de tous. Cette année, si vous le voulez bien, je vous inviterai à vous servir du Pater. Cette prière, la plus belle de toutes, doit nous être particulièrement chère, parce qu'elle a Jésus-Christ lui-même pour Auteur, qu'elle est l'abrégé de l'Evangile, selon que le dit Tertullien, et qu'elle contient tout ce qu'un chrétien doit désirer et demander dans la divine économie du salut.

Pieusement méditée, elle suffirait amplement à nourrir notre âme, la faire 'arriver à un haut degré d'oraison et à une grande perfection, comme on le vit chez un humble berger, selon, que le rapporte la chanoine Bouloumoy, dans son Catéchisme, de Valence expliqué page 594. – Vu le peu de temps que, généralement, vous avez à consacrer à cette Retraite, je ne présenterai à vos méditations que les trois premières demandes du Pater ; en vous recommandant d'y revenir plus d'une fois. C'est le moyen de se bien pénétrer des choses.

De concert, s'il se peut, avec un Prêtre et quelques Confrères, vous déterminerez l'époque de cette Retraite.

Le moment veau, après vous être mis en la présence de Dieu, et avoir imploré les lumières du S. Esprit par le Veni, Creator, et le secours de Marie par trois Ave suivis de : Sancte Joseph, ora pro nobis, vous réciterez trois fois très attentivement le Pater.

Il faudra répéter cette préparation avant chaque méditation. Car, ne l'oubliez jamais, c'est surtout la Prière qui vous aidera à faire une bonne Retraite.

PREMIÈRE MÉDITATION.

A qui vais-je parler ? – A Dieu, à mon Créateur, à mon souverain Seigneur et Maître, à mon Juge… Il se présente à moi comme un Père, me faisant dire : Notre père… Père, il l'est en effet ; et s'il veut que je le nomme ainsi, c'est pour m'exciter à la confiance, et gagner mon amour… Où en suis-je relativement à cette Confiance et à cet Amour dus là Dieu ?

Comment est-ce que je les lui témoigne ? – Où est-il Dieu ? mon Père ? Partout, sans doute ; mais au Ciel, où il manifeste plus particulièrement sa gloire, et récompense ses enfants fidèles, en les comblant, pour l'éternité, d'ineffables délices ! En vivant comme je le fais, puis-je espérer d'y avoir une place ? … Et si je n'ai pas une place au Ciel, où en aurai-je une ? Question sérieuse entre toutes, et de la plus haute importance : Il s'agit de l'éternité ! ! !

Et Dieu, mon Père, que me fait-il demander dans le Pater ?

Il me fait demander : 1°Que son Nom soit sanctifié ; c'est à dire honore, glorifié, par nous, ses créatures raisonnables, qu'il a comblées de biens, et qu'il a destinées à un bonheur éternel.

Il l'est, honoré et glorifié, par ceux qui sont fidèles à leurs devoirs de Religion Pt d'état ; – qui respectent leurs engagements sacrés ; – qui ne rougissent ni de Jésus-Christ, ni de sa Croix ; — qui s'interdisent tout blasphème contre la Providence, quels que soient les événements ; – qui évitent toute lâcheté, toute négligence dans son service.

Puis-je, devant Dieu qui sait tout, me rendre ce témoignage que, par nies sentiments et par ma conduite, j'honore et glorifie son saint Nom ? … C'est, cependant, pour moi, une obligation rigoureuse, dont rien absolument ne peut me dispenser, et d'où dépend, je ne saurais trop me le répéter, mon bonheur ou mon malheur éternel.

N.B. Ici, devant Dieu et la divine Mère qui s'intéresse tant à vous ; en face de la mort qui peut vous frapper à tout Instant ; de l'éternité où vous pouvez être jetés ; de l'enfer où vous pouvez être précipités pour toujours ; du ciel que vous pouvez perdre à jamais, ne craignez pas de faire un long et sérieux examen, suivi d'une prière fervente et confiante, où tour à tour, vous exprimerez à Dieu votre regret, votre amour, votre reconnaissance pour sa longue patience à votre égard, et votre résolution de mieux honorer et glorifier son saint Nom à l'avenir ; vous terminerez par le Souvenez-vous et le Sub tuum.

DEUXIÈME MÉDITATION

Que me fait encore demander dans le Pater, Dieu, mon Père, qui est au ciel ? Il me fait demander que son règne arrive ; c'est à dire que, par sa grâce et son amour, il soit le Maître absolu et sans rival de nos cœurs, qu'il y règne en souverain ; qu'il en dirige tous les sentiments et en règle toutes les affections ; qu'il soit le Maître de notre volonté, mais de telle sorte que, pour notre plus grand avantage, jamais elle ne s'attache à rien qui puisse la séparer de Dieu, de la vérité, du bien, et reste toujours soumise à son bon plaisir.

Il me fait demander qu'il règne dans le monde par la connaissance et l'amour de son nom ; par la propagation de la vraie Foi, et par la pratique constante et généreuse de la Religion, pour la plus grande gloire de Dieu, et le plus grand bien de l'humanité.

Enfin, il me fait demander aussi, qu'il nous fasse régner un jour dans sa gloire. Car il nous a faits rois, et, si nous sommes fidèles, nous règnerons (Apoc., V.).

Faire ainsi régner Dieu dans mon cœur est-ce ma première et plus sérieuse application, comme c'est mon devoir et mon intérêt, suivant ce mot de Jésus-Christ : Cherchez premièrement et avant tout le royaume de Dieu et sa justice ? …

Ai-je du péché mortel, qui ruinerait le règne de Dieu en moi, et me ferait encourir l'éternelle damnation, l'horreur que je dois en avoir ?

Dans les tentations si ordinaires et si dangereuses auxquelles ma situation actuelle m'expose plus particulièrement, ai-je soin de crier vers Marie, et de l'appeler à mon aide comme on me l'a recommandé si souvent ? Est-ce que je ne m'expose pas témérairement au péché, (dont je devrais fuir avec tant de soin l'occasion), en fréquentant le monde si facilement, et plus que je ne suis obligé de le faire ? En ne veillant pas suffisamment sur moi dans mes voyages de famille, souvent si dangereux et peut-être trop fréquents. Au cours de cette guerre, plusieurs ont trouvé dans ces voyages, des pierres d'achoppement… Ne m'y suis-je pas exposé encore, en ne choisissant pas assez bien mes amis ? … En manquant de prudence pour mes lectures, livres et journaux ? … En ne priant pas assez ? En ne fréquentant pas assez les Sacrements, par ma faute peut-être ? En ne respectant pas assez mes Vœux ! … Enfin, en négligeant la Dévotion à la Sainte Vierge ? …

Au lieu d'appeler par mes prières, par ma vigilance, par ma bonne conduite, par mon attachement à ma vocation, par ma fidélité à mes vœux, par ma filiale dévotion à Marie, le règne heureux de Dieu en moi, n'ai-je pas dit avec les Juifs, sacrilégement, sottement : Je ne veux pas que Dieu règne sur moi.

Oh ! mon Dieu, si jamais j'ai poussé la démence jusqu'à parler, ou à m'exposer à parler ainsi, je me rétracte, et je jure que je n'ai pas d'autre Roi que Jésus !

Marie, venez à mon aide, pour qu'il en soit ainsi Jusqu'à la fin !

Quant au règne de Dieu dans le monde, qu'ai-je fait pour l'y établir ! Les œuvres de ma vocation, après ma sanctification personnelle, n'ont pas d'autre but. Est-ce que je m'y applique avec soin ? Actuellement, je ne puis le faire que par la prière, le bon exemple, l'acceptation chrétienne de mes peines et de mes souffrances, et, dans l'occasion, par quelques bons conseils donnés à propos. Est-ce que j'y pense ? Pas assez, peut-être, ô mon Dieu ! Mais la Retraite est faite pour me rappeler mon devoir : je m'y mets, et tout de suite ! Je prierai : je donnerai bon exemple, je souffrirai pour que votre règne arrive et que les âmes se sauvent. Souvent, je répéterai : Cœur sacré de Jésus, que votre règne arrive ! (300 J. d'ind. chaque fois).

N.B. Pour affermir en vous, le règne de Dieu, ou pour l'y rétablir s'il en était besoin, préparez avec soin votre confession ; et excitez-vous à la contrition par amour.

Demandez à la Ste Vierge la persévérance dans l'amour de Dieu ; et, ainsi, après l'avoir fait régner dans votre cœur, ici-bas, vous mériterez d'aller régner avec Lui, dans le ciel, et pour l'éternité !

TROISIÈME MEDITATION.

La troisième chose, que Dieu, mon Père, me fait demander dans le Pater, c'est que sa volonté soit faite sur la terre comme au ciel.

La volonté de Dieu est toujours adorable, sainte, juste, louable. C'est celle du Maître souverain, absolu, unique, indépendant et du Père infiniment bon à qui, sans conteste, appartient, de droitet. en toute plénitude l'autorité ; autorité, à laquelle toute autre, soit religieuse, soit paternelle, soit civile, soit militaire, est essentiellement subordonnée, et n'a de droits qu'autant que Dieu veut bien lui en donner. Que nous le voulions ou non, Dieu est notre Maître et conserve l’imprescriptibilité de ses droits sur ses créatures. Il nous manifeste miséricordieusement ses volontés, et pourrait nous contraindre à lui obéir. Il préfère ne pas violenter notre liberté, pour nous laisser tout le mérite de notre obéissance, qu'il veut filiale et non forcée. Il se, contente de montrer la récompense et le châtiment réservés dans l'autre vie à qui aura filialement respecté sa volonté sainte et paternelle, ou l'aura méprisée.

Où en suis-je, ô mon Dieu, par rapport à la soumission qui vous est due à tant de titres ? … Quel cas ai-je fait de votre volonté sainte et toujours adorable, de cette volonté que, pour votre gloire et notre plus grand bien, vous désirez voir faire sur la terre comme au ciel ? L'ai-j e respectée comme je le dois

En obéissant à vos Commandements et à ceux de l'Eglise ?

En gardant fidèlement mes vœux ?

En restant fidèle à ma vocation et filialement uni à mes supérieurs, dont, de par Vous, je dois suivre la direction ?

En me soumettant à mes chefs militaires, et à la discipline, en esprit de foi ?

En supportant sans murmurer et chrétiennement, les peines, les fatigues du moment, si grandes soient-elles ?

En adorant vos desseins dans les événements actuels si troublants, si déconcertants, si épouvantables ?

En résistant au mal, et en me conservant sage au milieu des périls qui m'entourent.

Enfin, en n'ayant à cœur qu'un désir : réintégrer au plus tôt, selon votre volonté, pour votre plus grande gloire, pour mon salut et celui des enfants, ma place dans la Congrégation, afin de reprendre ses œuvres qui malheureusement ont déjà souffert et souffrent encore de la guerre et de la proscription.

Au lieu dé me soumettre amoureusement et filialement à votre volonté, ô mon Dieu, comme -la raison, la justice et mes plus chers intérêts le demandent, ne me suis-je pas trop soustrait à mes devoirs de Chrétien, de Religieux, de Soldat ?

N'ai-je jamais murmuré intérieurement. contre la pesanteur, du joug, dont, dans votre miséricorde, vous avez chargé mes épaules, et que je ne trouve lourd que parce que, peut-être, je le porte mal ; c'est à dire, sans esprit de foi, sans amour, sans générosité ?

Est-ce que je n'oublie pas trop de faire de mon salut ainsi que vous me le commandez, ma première, ma capitale, mon unique affaire ; faisant converger vers lui, en les surnaturalisant, toutes mes actions, toutes mes peines, toutes mes souffrances.

L'homme a beau se dire et vouloir être indépendant, il est toujours obligé et contraint d'obéir à quelqu'un. S'il ne veut pas de la volonté de Dieu, qui est toujours celle du Père le plus aimant, s'il dit, comme le grand révolté, au ciel : Je n'obéirai pas, il se ment à lui-même. Par cette ingrate et criminelle insoumission, il devient l'esclave vil et malheureux de satan, qui sans cesse, lui fera sentir son cruel et tyrannique empire, en le poussant, pour son plus grand malheur, à la honteuse satisfaction de ses passions.

Si, mettant en oubli que mon premier devoir est de faire votre volonté, ô mon Dieu, je néglige ce que vous me commandez, et cours a ce que vous me défendez, me déconseillez, où aboutirai-je finalement, sinon à, ma perte éternelle ? N'avez-vous pas dit qu'il n'y a que ceux qui font votre volonté qui entrent au royaume des cieux ? Aussi, je veux, quoi qu'il m'en coûte, faire de votre volonté, en toute circonstance, l'unique règle de ma conduite ; espérant avoir ainsi la joie et le bonheur de vous voir au ciel.

QUATRIÈME MÉDITATION.

La plus haute importance est attachée à cette méditation.

Il serait infiniment regrettable qu'on ne la fît pas ; ou, du moins, qu'on ne la lût pas très attentivement.

Dans les 3 courtes Méditations que je viens de faire sur les. trois premières demandes du Pater, peut-être ai-je pu constater avec douleur, que, loin d'avoir toujours glorifié le Nom de Dieu, d'avoir fait régner le divin Maître dans mon cœur et fait sa volonté ; j'ai plutôt déshonoré ce saint Nom, banni Jésus-Christ de mon cœur, et substitué ma volonté dépravée à celle de Dieu… .

Ce triste malheur m'est peut-être arrivé biendes fois ! et je ne saurais trop le regretter. M'exposer encore à cet affreux malheur, serait évidemment mettre mon salut éternel en très grand danger. Il faut donc, de toute nécessité, que je me mette en état de ne plus me laisser aller à ce grave désordre : c'est à dire, qu'il faut que je me convertisse, et si bien que, désormais, mon unique application soit de faire régner Dieu dans mon cœur, de glorifier son saint Nom, et de faire, en tout, son adorable volonté.

Mais, pour me mettre en cet heureux état et m'y maintenir quand l'orage gronde, quand les passions se soulèvent, quand le démon, le monde et la chair m'attaquent également et me livrent assaut, puis-je compter sur moi ? Hélas ! nullement : mon expérience m'a trop appris que de moi-même, je ne puis rien. Et alors, faut-il se décourager ? Oh ! jamais, le découragement étant la pire des tentations.

Dieu, qui nous aime au-delà de toute expression, nous fournit, dans son infinie miséricorde, un moyen aussi doux que sûr, de nous établir et de nous conserver dans cet état d’âme qui met notre salut en assurance, en garantissant notre persévérance. C'est la Dévotion à la Sainte Vierge ; Dévotion chère à tout chrétien, et surtout à tout vrai Petit-Frère-de-Marie, qui l'a reçue en héritage du Vén. Fondateur, le Père Champagnat, qui a voulu en faire, avec l'humilité, la modestie et la simplicité, le caractère distinctif de la Congrégation. Avec cette Dévotion, qui n'exclut ni la vigilance, ni la prière, je suis moralement sûr et de ma conservation, et de mon salut ; parce qu'elle m'assure la protection de Celle qui est, contre le démon, terrible comme une armée rangée en bataille, que nulle puissance de l'enfer ne peut vaincre. Par cette Dévotion, bien comprise et bien pratiquée, je triompherai de mes tentations, du démon, du monde et de moi-même ; je vaincrai mes répugnances, je surmonterai mes dégoûts ; j'accepterai généreusement les sacrifices ; je supporterai courageusement les épreuves et saurai souffrir avec patience et en esprit de foi, pour l'amour de Dieu et en union avec Jésus-Christ. Avec cette Dévotion, j'arriverai heureusement au port. Et alors que tout m'abandonnera, et que mes Frères (et peut-être quelques rares amis) m'entoureront pour, dans leur charité, me suggérer quelques bonnes, saintes et encourageantes pensées, recueillir mon dernier soupir, et, ce dernier soupir exhalé, réciter, pour moi, la première prière, Marie, ma Mère sera là, me consolant, m'encourageant, me fortifiant. Elle recueillera mon âme ; se fera mon introductrice auprès du souverain Juge ; et, au besoin, plaidera ma cause, contre le démon, devant Jésus-Christ.

Défendu par une telle Avocate, qu'aurai-je à craindre ?

Ah ! si je parvenais à me bien pénétrer de la nécessité et de la douceur de la dévotion à Marie ; si je voulais me convaincre profondément que, sans cette dévotion, ni je ne persévèrerai, ni je ne me sauverai, Dieu l'ayant voulu ainsi, dit St. Bernard, combien serais-je empressé de l'embrasser et soucieux d'y faire d'incessants progrès !

Mais voilà : parce que le démon sait qu'il ne peut rien contre les vrais serviteurs de Marie, et qu'ils sont perdus pour lui, il ne néglige rien pour m'empêcher d'avancer dans cette dévotion ; pour m'en faire abandonner les salutaires et faciles pratiques ; pour me faire oublier de l'invoquer à l'heure du danger, au moment de la tentation, aux approches de la mort.

Me laisserai-je duper plus longtemps par mon ennemi ? Non, Marie : aussi, je vais travailler à vous devenir plus dévot que jamais ; et à l'être selon les Constitutions. Ainsi, je veux, dès ce moment, et pour toujours, vous regarder et vous aimer comme ma Mère ; car, vous l'êtes, et de par la volonté de Jésus-Christ sur la Croix, souvenez-vous-en ; et par le choix heureux que j'en ai fait au jour béni de ma vêture : choix auquel vous avez daigné bénignement acquiescer, en permettant que je fusse inscrit sur les Registres de votre Famille, et sous le nom qui, comme votre enfant, me fut donné. Aussi, m'aimez-vous, ô Marie, je le crois ! infiniment plus et mieux que ne m'aima jamais ma mère selon la nature.

Toujours salon les Constitutions, je vous regarderai comme ma Patronne, et me confierai pleinement à vous, sûr que, conduite et dirigée par un tel Pilote, ma barque ne saurait sombrer, ni faire naufrage.

Comme mon Modèle, et m'appliquerai à vous imiter le plus parfaitement possible ; à prendre votre esprit, à devenir humble, simple, modeste, comme vous l'avez toujours été  comme ma Première Supérieure, et vous rendrai très filialement, tout l'honneur, tout le respect, tous les hommages et toute l'obéissance qui vous sont dus ; n'omettant jamais par négligence, aucun des Exercices de piété prescrits pour vous honorer, et compatibles avec ma situation actuelle. Surtout, je ne prendrai jamais mon repos, sans avoir récité le chapelet que je porterai toujours sur moi, ainsi que la Médaille miraculeuse et celle des Scapulaires.

Enfin, je me souviendrai que, par état, je suis spécialement obligé de répandre votre culte, ô Marie, et d'inspirer votre dévotion aux enfants. En attendant que les circonstances me permettent de reprendre cet apostolat dans les classes, je l'exercerai autour de moi par la prière, le bon exemple et, au besoin, par quelques bons conseils.

Fort de cette dévotion, je puis aller de l'avant avec courage et confiance. Tant que je la conserverai, je serai comme invulnérable aux traits de l'ennemi ; je. ferai régner Dieu dans mon cœur, glorifierai son saint Nom, accomplirai sa volonté et, sûrement et avec joie, je marcherai à la conquête du ciel !

Ainsi soit-il !

Communion. Rénovation des Vœux. Consécration à la S. Vierge.

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LE CHER FRÈRE PAULIN.

Comme vous l'a appris la lettre de faire part, le bon Frère Paulin, 2ième Assistant Général, a quitté cette terre d'exil pour un monde meilleur le 25 février dernier.

Bien que la crucifiante maladie qui le retenait à Saint-Genis-Laval depuis plus de trois ans nous eùt préparés comme de longue main à cette épreuve et qu'il ne nous restât plus guère, humainement, aucune espérance de le revoir au sein du Régime où pendant des années il avait occupé si dignement une des premières places, ce n'est pas sans une émotion bien douloureuse que nous nous sommes résignés à cette nouvelle disparition, qui venait à si peu d'intervalle s'ajouter à celle du bon et saint« Frère Damien. Mais il semble que la divine Providence, qui sait notre propension à oublier que nous ne sommes ici-bas qu'en passant, ait à cœur de nous le rappeler sans cesse en multipliant les deuils autour de nous. Fiat !

Que du moins le souvenir de ces chers disparus reste fidèlement attaché à notre mémoire et nous soit une occasion de les recommander à Dieu dans nos prières et de nous édifier de leurs exemples, afin qu'en persévérant comme eux dans la pratique assidue de tous les devoirs de notre vie religieuse, nous méritions d'avoir une mort sainte comme la leur. C'est dans cette double pensée qu'en attendant, s'il plaît à Dieu, une biographie plus complète, je me sens porté à vous retracer ici quelques-uns des traits les plus saillants de la physionomie religieuse du regretté Frère Paulin.

Né à Serrières (Ardèche) en 1848, il eut l'inestimable avantage d'avoir une mère à laquelle on aurait pu appliquer sans trop d'exagération tous les éloges que les Livres Saints font de la Femme forte, et il en reçut une ferme éducation religieuse, dont il garda toute sa vie la salutaire empreinte. Il n'est pas téméraire de penser que c'est à la pieuse influence de cette chrétienne exemplaire qu'il dut, après Dieu, le bienfait de sa vocation religieuse. Il en était lui-même persuadé ; aussi avait-il pour elle un véritable culte.

Il n'entre pas dans mon dessein de le suivre au noviciat, où il vint tout jeune, non plus que dans les premiers postes où, selon l'usage de l’Institut, il fut appelé par l'obéissance à exercer l'humble, mais si méritoire apostolat de l'éducation chrétienne parmi les petits. Je ne m'arrêterai pas davantage, si intéressant que ce pût être, à faire ressortir l’œuvre considérable et féconde, quoique discrète et sans éclat, qu'il a accomplie dans les trois provinces de Saint-Genis-Laval, de Constantinople et de Chine, pendant les trente-deux ou trois ans qu'il en eut la charge comme Provincial ou comme Assistant Général. Il en a reçu de Dieu l'éternelle récompense, la seule qu'il ambitionnât. Ce sur quoi je voudrais arrêter un moment votre attention, c'est sur ce qui en fut le principe inspirateur et qui entra sans doute pour une grande part -dans son efficacité : je veux dire son esprit de foi, sa grande dévotion au Sacré-Cœur de Jésus et l'amour religieux et dévoué qu'il portait à ses Frères.

1° Il suffisait de se trouver, ne fût-ce que peu de temps, en contact avec le Frère Paulin pour constater avec édification quel rôle prépondérant tenait la foi dans sa vie. Comme principe ou comme mobile, on l'y voyait intervenir à tout propos et c'était par elle que tout s'expliquait à ses yeux ; de même c'était à son point de vue qu'il aimait à se placer pour juger de toutes choses. Intimement convaincu, par exemple, que le bon gouvernement des âmes est avant tout un don de l'Esprit Saint, c'est sur l'assistance de ce divin Esprit de sagesse, de conseil et de force qu'il comptait en premier lieu pour y réussir, sauf à ne rien négliger pour sa part de ce qu'il pouvait faire. Et quand ses efforts demeuraient impuissants à ramener au bien certaines âmes malades, au lieu de les condamner, il s'en prenait humblement à lui-même de son peu de succès ; puis, mettant en pratique le conseil donné par le Vénérable Fondateur, il priait pour elles jusqu'à ce qu'il les eût ramenées à de meilleures dispositions. Il se consolait des événements malheureux comme il se réjouissait des événements heureux dans la pensée que les uns comme les autres viennent de la main de la divine Providence, par qui tout arrive ici-bas. De là cet optimisme confiant qui ne l'abandonnait pas même au milieu des circonstances les plus critiques, et aussi sans doute cette propension, que d'aucuns étaient tentés de regarder comme un peu puérile, à ajouter foi aux prophètes, de bonheur.

2° Une autre forme concrète qu'aimait à prendre son esprit de foi, était une dévotion tendre et de bon. aloi envers le Cœur adorable de Notre Seigneur Jésus-Christ, et un grand zèle pour propager parmi les Frères et les enfants de nos écoles la pratique salutaire de l'Apostolat de la Prière. L'amour et les bienfaits de ce divin Cœur étaient le thème favori de ses instructions ; et il n'en commençait pas une sans la faire précéder de l'offrande quotidienne des actions de la journée en usage parmi les Associés de l'Apostolat de la Prière. Le ton pieux et pénétré avec lequel il en récitait la formule était déjà une prédication, et sa parole, parfois un peu aride et embarrassée quand il parlait sur d’autres matières, devenait onctueuse et intarissable quand il traitait de celle-ci. Que n'a-t-il pas fait pour mettre cette précieuse dévotion en honneur dans les noviciats, les juvénats, les scolasticats qui relevaient de sa juridiction, aussi bien que parmi les enfants de nos écoles, au cours des visites qu'il y faisait ! Les belles statues du Sacré-Cœur, qu'il a procurées à nombre de maisons, sont encore un pieux témoignage de son zèle à cet égard et copieux ont été les fruits de grâce qui en sont résultés, Combien de ces Communautés ont éprouvé dans une mesure vraiment étonnante l'effet de la promesse faite par Notre Seigneur à la bienheureuse Marguerite Marie. « Je bénirai les maisons où l'image de mon Sacré-Cœur sera exposée et honorée ! ».

3° C'est dans ce Cœur adorable, comme à un foyer divin, que le cher Frère Assistant puisait le grand amour qui l'animait envers la Congrégation et envers ses Frères, surtout envers ceux que la divine Providence, par l'intermédiaire des Supérieurs, avait spécialement confiés à sa sollicitude : et cet amour n'en était que plus vif et plus pur. Filial envers l'Institut et ses Supérieurs, il se nuançait à l'égard des sujets et des œuvres placés sous sa responsabilité d'une sorte de fierté paternelle. Du Révérend Frère Théophane, il ne parlait qu'avec une admiration respectueuse ; pour le C. Frère Adon, qu'il avait secondé avec dévouement pendant dix ans et dont il avait pu connaître intimement le grand cœur et les vues généreuses, il avait une estime qui allait jusqu'à la vénération ; et, quoiqu'il fût toujours disposé à rendre hommage à tout ce qu'il voyait de louable et de bien dans toute l'étendue de la Congrégation, on sentait facilement à l'entendre parler de Saint-Genis, de Saint-Maurice, de Fribourg, de la Chine, de Constantinople, etc., que toutes ces œuvres et leur personnel avaient dans son cœur un sanctuaire réservé, où son affection concentrait des trésors spéciaux pour elles. Les photographies qui lui en venaient étaient exposées en place d'honneur dans sa chambre, et c'est avec la satisfaction d'un père qui montre les portraits des fils éloignés qu'il en faisait les honneurs à ceux qui venaient le voir. « Une bonne mère, dit quelque part le Frère Jean-Baptiste, aime à voir ses enfants : elle se plaît en leur compagnie, leurs manières, leurs gestes, leurs yeux, tout lui est agréable : c'est l'image de ce que doit être un bon Supérieur à l'égard de ses inférieurs ». C'est aussi remarquablement l'image de ce que fut le C. Frère Paulin à l'égard des Frères placés sous sa juridiction et en particulier à l'égard de la jeunesse qui s'élevait dans les juvénats, les noviciats et les scolasticats de sa dépendance.

A ces traits caractéristiques de la physionomie religieuse du cher Frère Assistant défunt bien d'autres seraient à ajouter, comme, par exemple, sa dévotion au SI Sacrement, à la Très Sainte Vierge, aux saintes âmes du Purgatoire ; mais je suis obligé de me restreindre. Je ne veux pas cependant terminer ces quelques lignes à sa mémoire sans dire un mot de l'édifiant exemple qu'il donna à la Communauté de Saint Genis, pendant les trois ans et demi que l'y retint la maladie qui nous l'a enlevé.

« Sa résignation au milieu de ses longues et pénibles souffrances, dit un des Frères qui l'ont vu de plus près ne se démentit pas un moment ». – « Quel saint homme ce bon Frère Assistant », se sont écriées bien des fois les bonnes Sœurs de Saint Joseph, infirmières à l'ambulance, en présence de la piété, du courage et de la patience dont elles le voyaient animé. Bien qu'il fût très fatigué et que la montée d'un escalier, à cause de sa maladie de cœur, lui fût extrêmement pénible, il n'a manqué un seul jour ni la sainte Messe, ni la Communion. Pendant les dernières semaines, lorsqu'il lui fut devenu absolument impossible d'y aller de lui-même, il s'y faisait porter par ses garde-malades. Il était de même d'une rigoureuse exactitude aux exercices réguliers qui se faisaient à l'infirmerie et lorsqu'il fut dans la complète incapacité de s'y rendre seul, il voulait encore qu'on l'y portât comme à la chapelle. Cela ne l'empêchait pas de faire en son particulier beaucoup de prières supplémentaires, surtout de réciter chaque jour de nombreux chapelets, cet exercice étant moins incompatible avec la difficulté qu'il avait à lire ; et lorsque le progrès de la maladie l'en eut rendu moins capable, il priait son infirmier de le dire à côté de lui afin de pouvoir s'y associer dans la mesure de ses forces.

Enfin, vers la mi-janvier, sentant ses forces diminuer de plus en plus, bien qu'il eût encore toute sa lucidité d'esprit, il demanda de lui-même à recevoir les derniers sacrements ; et la cérémonie, qui eut lieu à la salle des exercices de l'infirmerie dans des circonstances qui rappelaient de près celle qui eut lieu à l'Hermitage pour le V. Fondateur le 11 mai 1840, fut extrêmement touchante en même temps qu'édifiante par la piété et l'esprit de foi que le cher malade -y fit paraître, et par les quelques paroles d'édification qu'il adressa à la communauté. « Que je suis content ! que je suis heureux ! ne cessait-il de répéter ensuite. Oh ! mon Dieu, que vous êtes bon ! Que vous êtes bon ! Merci, merci, mon Dieu ! ».

Combien de telles fins sont consolantes, M. T. C. F. ! Aussi, tout en vous invitant à prier encore pour le cher défunt et pour les autres que le bon Dieu a rappelés à Lui au cours de ces derniers mois dans des circonstances plus ou moins analogues, je ne puis me défendre de la persuasion qu'ils jouissent déjà de la récompense éternelle, et je pense involontairement aux paroles du Vénérable Fondateur : « Qu'il est doux de mourir dans la Société de Marie ! ».

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INFORMATIONS ET AVIS DIVERS

1. – ELECTIONS.

La mort récente de deux Frères Assistants a fait un grand vide au Régime, étant donné surtout que deux autres Frères Assistants généraux, le T. C. F. Diogène et le T. C. F. Columbanus sont absents forcément, le premier depuis pi-ès de quatre ans, le second depuis près de deux ans.

Vu la situation anormale qui nous est créée par la terrible guerre, le Conseil Général ne juge pas à propos, pour le moment, de procéder à l'élection de deux nouveaux Frères Assistants en remplacement des deux défunts.

Nous espérons toutefois que le retardement de ces deux élections ne sera pas de trop longue durée.

Nous avons quelques bonnes raisons de compter sur un assez prompt retour à Grugliasco du T. C. F. Diogène qui réside depuis quelque temps en Belgique et du T. C. F. Columbanus qui est encore en Angleterre.

ELECTION D'UN FRÈRE PROVINCIAL.

   En raison des circonstances présentes, le Conseil Gé­néral, dans sa séance. du 4 mai dernier, a maintenu pour quelque temps dans sa charge, en vertu de l'art. 157 (311) des Constitutions et d'une consultation près le Saint­ Siège, le C. FRÈRE MARIE-CHARLES Provincial de St-Paul-3-Châteaux, qui était parvenu au terme de sa seconde période constitutionnelle.

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VISITES DE DÉLEGATION.

En conformité de l'article 142 des Constitutions :

1° le Cher Frère Joseph-Célestin a reçu mission d'aller, en qualité de Délégué du Frère Supérieur Général, faire la visite de nos établissements du Pérou, du Chili, de la République Argentine et de la Colombie.

2° le Cher Frère Camarinus a reçu de même la mission d'aller visiter nos établissements de la province du Brésil Central.

Je recommande les voyages de ces deux délégués ainsi que l'accomplissement de leur importante mission aux prières de tous nos Frères.

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Brochure intitulée « Mon Avenir », traitant de la question du recrutement des vocations.

Cet opuscule de 39 pages contient une fort bonne doctrine sur la vocation. On peut en tirer très bon profit pour favoriser le recrutement de nos juvénats et de nos noviciats.

Elle est en dépôt à N. D. de l'Hermitage par Izieux (Loire). C'est là qu'on peut s'adresser pour se la procurer.

Nous pensons qu'il pourra être utile de la faire traduire dans les diverses langues des pays où nos Frères exercent leur mission d'éducateurs.

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RAPPEL D'UN AVIS DONNÉ DANS LA PRÉCÉDENTE  CIRCULAIRE

DU 2 FÉVRIER DERNIER.

Dans cet avis, j'invitais tous les membres de l'Institut à viser plus que jamais à une sage économie, et j'en expliquais sommairement les motifs.

Aujourd'hui les raisons qui m'avaient porté à donner cet avis continuent non seulement d'exister, mais deviennent de plus en plus impérieuses par suite de l'augmentation toujours croissante de tous les éléments nécessaires à la vie matérielle.

Il est donc du devoir de tous d'être plus soigneux que jamais pour éviter toutes les dépenses non nécessaires, et de viser à augmenter le plus possible les ressources dont nous avons besoin pour le modeste entretien du personnel de nos maisons.

On voudra bien relire à la page 158 de la circulaire du 2 février dernier l'article intitulé : « Questions d'ordre économique ».

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CIRCULAIRES RÉIMPRIMÉES.

Les difficultés actuelles des transports ainsi que leur prix élevé, ne permettent pas d'expédier à la plupart de nos Procures provinciales un nombre suffisant de collections des circulaires réimprimées pour en fournir à tous les établissements de la province. Nous avons fait brocher avec couverture imprimée une certaine quantité de ces collections. On pourra les expédier par la poste ou par colis postaux.

Les Chers Frères Économes provinciaux pourront donc s'en procurer en s'adressant pour cela au C. Frère Econome Général à Grugliasco.

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PORTRAIT DU VÉNÉRABLE PÈRE CHAMPAGNAT.

Le portrait du Vénérable Fondateur en chromolithographie est à la disposition des Economats provinciaux, ou des maisons particulières qui en feront la demande après entente avec le C. Frère Econome provincial.

Les demandes seront adressées au C. Frère Econome Général à Grugliasco.

Il est à souhaiter que ce portrait figure au plus tôt et en bonne place dans toutes les classes de nos écoles.

On peut en expédier par la poste une vingtaine dans chaque paquet.

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RAPPEL D'AVIS ANTÉRIEURS.

 J'insiste de nouveau pour demander qu'on répande le plus possible : 1° la petite Vie illustrée du Vénérable Fondateur ; 2° le petit volume intitulé : Notice biographique sur le Vénérable Marcellin Champagnat et relations de faveurs obtenues par son intercession ; 3° l'image du Vénérable avec relique ; 4° l'image ayant au verso la prière pour demander la béatification ; 5° l'image où le Vénérable est représenté catéchisant ; 6° le Bref de Sa Sainteté Pie X sur le recrutement ; 7° la Lettre de Sa Sainteté Benoît XV adressée au Frère Supérieur à l'occasion du Centenaire.

Cette. diffusion a pour objet de faire connaître le Vénérable Fondateur et d'augmenter la confiance en son intercession, et aussi de faire connaître l'Institut pour lui attirer des vocations.

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 Frères dont nous avons appris la mort depuis la Circulaire

du 2 février 1918.

 

DES DÉFUNTS                                     LIEUX DES DÉCÈS                          Date des décès­

 

F. Joseph-Arsène                      Profès perp.    Dumfries (Ecosse)                              15 avril 1917

F. Marie-Kostka                          Profès temp.   Champ de bat. (Chemin-des-D. )      5 mai

F. José-Leôn                              Profès perp.    Las Avellanas (Espagne)                   21 décembre

F. Paul-Ignatius                          Profès temp.   Mittagong (Australie)                           5 janvier 1918

F. Donat-Benoît                                »               St Hyacinthe (Canada)                       5 février »

Léopold de los Rios Tej.           Juvéniste         Palacios del Alcar (Palencia)            7          »

F. Alfred-Marie                           Profès temp,   St Hyacinthe (Canada)                       10 »

Y, Pierre-Gabriel                        Profès perp.     ? (BeIgique)                                        12 3

F. Ariston                                                »          Biskra (Algérie)                                   18 »

F. Paulin                                     Assistant G.    St Genis-Laval (Rhône)                      25 »

F. José-Clemente                      Novice             Las Avellanas (Espagne)                   28

F. Chrysophore                          Profès perp.    Le Cheylard (Ardèche)                       1 mars

F. Publius                                                »          Varennes-/-Allier (Allier)                     7          »

F. Réné                                       Novice             Bairo C. (Piémont)                              9          »

F. Luis-Bonaventure                  Profès temp.   Turin (Piémont)                                    11        »

F. Artémius                                 Profès perp.    Largentière (Ardèche)                        16        »

F. François-Isidore                                »          Poughkeepsie (E. -Unis)                    16        »

F. Aimé-Joseph                                     »          Verviers (Belgique)                             17        »

F. Marie Bertrand                                   »          Lille (Nord)                                           ? »

F. André-Camille                       Profès temp.   A la guerre                                           ? avril

F. Chrystotèle                             Stable              St Hyacinthe (Canada)                       7          »

F. Arbon-Joseph                        Profès perp.    Arlon (Luxembourg)                             9          »

Eugène Borjaud                         Juvéniste         N. D. de l'Hermitage (Loire)              15        »

F. Joseph-Aloys                         Profès perp.    Constantinople (Turquie)                    15        »

F. Sylvio                                                 »          S- Paul-3-Châteaux (Drôme)            18        »

F. Joseph-Lambert                    Profès temp.   A la guerre                                           ?          "

F. Louis-Martin                                                    Fürth                                                 3          mai

F. Pierre-Candide                                              Gresolles (Loire)                                  6          »

Joseph-Alph. Mercier                Juvéniste         Bassolino (Piémont)                           10        »

Joseph Chabanel                      Juvéniste         S* Régis-du-Coin (Loire)                    11        »

F. Libentius                                Prof. Perp.      Viviers (Ardèche)                                19        »

 

La présente circulaire se lira en Communauté à l'heure ordinaire de la lecture spirituelle.

Recevez M. T. C. F., la nouvelle assurance de mes meilleurs sentiments d'affectueux dévouement en N. S.

    Fr. STRATONIQUE, Sup. Gal.

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[1] : Mgr Freppel

[2] : Dom. Guéranger, Année liturgique

[3] : Cité par Guibert : Retraite spirituelle, p. 251.

 

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