Circulaires 347

LĂ©onida

1958-05-24

I. La retraite, science, santé et richesse de l'âme Programme général de toute retraite:
Réparer le passé. Examiner le présent. Préparer l'avenir
II. Réponse au dernier rapport quinquennal .
III. Exhortation du Souverain Pontife aux Supérieurs Généraux des Ordres et Instituts religieux .
IV. Lourdes, quelques leçons pour nous, religieux .
V. Discours de Sa Sainteté le Pape Pie XII aux membres du II° Congrès général des Etats de Perfection
VI. Election
VII. Culte du Bienheureux Fondateur
VIII. Guérison attribuée au Bienheureux Marcellin Champagnat
IX. Statistique générale de l'Institut
X. Liste des défunts

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V. J. M. J.

 Saint-Genis-Laval, le 24 mai 1958.

Fête de Notre-Dame Auxiliatrice.

                    MES BIEN CHERS FRÈRES,

 Il est trois choses au monde que les hommes recherchent avec une singulière avidité : la science, la santé et la richesse.

La science est un besoin insatiable pour leur esprit. Nos premiers parents ne se perdirent-il pas par la folle ambition de tout connaître, le bien et le mal ? Et ne voyons-nous pas à travers les âges et plus particulièrement de nos jours, e même désir se manifester par des recherches scientifiques dans tous les domaines ? Les résultats en sont vraiment merveilleux, mais loin d'assouvir la soif de connaître, ils ne font que l'excite toujours davantage.

La santé est indispensable au corps et peut favoriser le travail de l'âme. Pour la conserver l'améliorer, ou la recouvrer on a recours à toutes sortes de moyens. Qui dira le nombre de ceux qui consacrent leur fortune à consulter des spécialistes de renom, aller voir des thaumaturges et, à leur défaut, des guérisseurs, se procurer les remèdes les plus coûteux, se rendre aux stations balnéaires les plus réputées, etc. … ?

Quant à la richesse, la formule antique : auri sacra fames, (l'exécrable soif de l'or), n'a rien perdu de son actualité. Bien rares sont, en effet ceux qui se contentent de la fortune acquise, quelque importante qu'elle soit. Que de démarches longues et pénibles ils s'imposent ! A combien d'actes condamnables, parfois même criminels, n'ont-ils pas recours pour l'accroître ! Ils espèrent que la richesse leur apportera le bonheur et, bien souvent, elle ne leur procure que d'amères déceptions.

La retraite annuelle, à laquelle je vous convie, peut vous apporter les trois grands biens dont nous venons de parler quoique d'un ordre autrement estimable. Il ne dépend que de nous, avec le secours de la grâce qui ne saurait nous faire défaut, d'y puiser d'abord la science des choses divines : science de notre origine et de notre fin, ainsi que des moyens de l'atteindre. Nous nous passionnons parfois pour des questions littéraires, historiques, scientifiques, etc. … ; pourquoi ne pas nous passionner pour la seule science vraiment essentielle, celle qui aide à vivre et à mourir saintement ?

La retraite est également une source de santé pour l'âme, un temps de calme au milieu de notre vie agitée, trépidante. Nous y respirons l'air pur des hauteurs, une atmosphère divine qui nous met à l'abri des miasmes de tiédeur que, trop souvent, on respire même dans les communautés tenues pour ferventes. Qui fait bien sa retraite peut en sortir spirituellement revigoré, décidé à mieux vivre sa vie religieuse.

La retraite est encore une source de richesses spirituelles. C'est une occasion unique de réaliser des gains considérables en jetant nos misères dans le Cœur très miséricordieux de Jésus et en répondant généreusement à ses appels incessants vers un amour plus ardent et une activité apostolique plus désintéressée.

L'exemple de saint François-Xavier est des plus aptes à confirmer les considérations qui précèdent. Parvenu à la plénitude des forces physiques, Docteur et Maître en Sorbonne, héritier d'un grand nom et de grands biens, il peut se promettre un brillant avenir. Mais voilà qu'à l'école et sous la conduite de saint Ignace de Loyola, il fait une fervente retraite. La grâce, attirée par d'ardentes prières et de rudes austérités, finit par le convaincre d'une vérité que son guide lui a répétée et commentée bien souvent : « Que sert à l'homme de gagner l'univers s'il perd son âme ? » François sort de la retraite complètement retourné, transformé, si bien que le Père Brou, après avoir fait le récit de cette conversion, peut ajouter : « Dorénavant, c'est la vie d'un saint que nous écrivons ».

Nous prierons les uns pour les autres, mes bien chers Frères, afin que la retraite produise en nous tous, une transformation telle, que nous en sortions résolument décidés à nous conformer désormais à la volonté de Dieu, quoi qu'il en coûte à la nature, à laisser le secondaire, les biens du temps, pour nous attacher à l'essentiel, ceux de l'éternité. 

Programme général de toute retraite.

 Le travail de toute retraite peut se résumer en ces trois points : 1° Réparer le passé ; 2° Examiner le présent ; 3° Préparer l'avenir

1° Réparer le passé.

Tout ce que nous avons, absolument tout, vient de Dieu. Sans entrer dans de longs détails, pensons aux bienfaits naturels : l'être, le corps, merveille de Dieu, la santé, les sens, justement comparés aux cinq talents de l'Evangile, ainsi que le monde où nous vivons avec ses incalculables ressources ; l'imagination, la mémoire : l'intellectuelle et la sensible, ayant chacune la double fonction conservatrice et reproductrice ; l'intelligence, ce qu'il y a de plus élevé dans l'ordre naturel. Pensons également aux bienfaits surnaturels : le don de la foi et la vie de la grâce qui nous fait enfants de Dieu et héritiers du ciel. Elle nous est donnée et augmentée par les sacrements qui sont comme sept sources intarissables toujours à notre disposition. Ajoutons à cela la vocation religieuse et tous les biens qu'elle nous procure. Le souvenir de ces bienfaits nous oblige à reconnaître que le bon Dieu a fait pour nous bien plus que pour la plupart des mortels, exposés à de grands dangers dans le monde ou même plongés dans les ténèbres de l'idolâtrie ou en butte aux doctrines de l'erreur.

Pour nous exciter à mieux profiter de ces immenses bienfaits, demandons-nous si beaucoup de ceux qui en ont été privés n'en auraient pas fait un meilleur usage que nous. Rappelons-nous de même qu'il sera beaucoup demandé à celui qui a beaucoup reçu.

Revoyons donc par la pensée, pendant la retraite, les années déjà écoulées : notre enfance, les milieux où nous avons vécu. Remémorons-nous l'histoire émouvante de notre appel à la vie religieuse, la docilité avec laquelle nous y avons correspondu. Pensons au noviciat, au soin que nous avons apporté à le bien faire, aux passions naissantes, aux victoires, aux chutes et aux pardons divins à notre ascension lente vers la perfection religieuse, aux saints enthousiasmes que nous avons éprouvés, aux beaux projets que nous avons formés et à ceux que nous avons réalisés. Parcourons par la pensée les emplois ou les charges que nous avons occupés, le bien et le mal, les succès et les revers qui ont marqué les diverses étapes de notre vie. A force de nous borner peut-être à faire simplement ce qui était inévitable, n'avons-nous pas rabaissé notre idéal de perfection ? De concessions en concessions, d'une façon plus ou moins inconsciente, n'en sommes-nous pas arrivés à vivre une vie bourgeoise, plus sybaritique que religieuse, sans fautes graves, on peut l'espérer, mais aussi sans grande vertu ? Ne craignons pas la lumière car la vérité, serait-elle amère, nous délivrera de toute illusion sur notre degré de vertu, sur nos mérites et sur notre valeur réelle devant Dieu.

Les Exercices de saint Ignace eurent, dès le commencement, des admirateurs et des détracteurs, si bien que l'Inquisition crut devoir intervenir. Certains assuraient qu'il suffisait de faire les Exercices pour avoir des visions. On a conservé, à ce propos, cette réponse d'un novice retraitant auquel on demandait s'il avait eu des visions : « Des visions ? Oui, j'en ai eues et d'horribles : ma conscience et mes péchés. » Ce sont des visions semblables que doit provoquer en nous l'examen rétrospectif de la retraite ; mais, loin de nous causer des scrupules, il doit nous faire admirer une fois de plus la grande miséricorde de Dieu et éveiller en nous des sentiments d'humilité, de reconnaissance, d'expiation et d'amendement.

Cette expiation du passé, l'avons-nous faite par une vraie pénitence qui est le grand moyen de salut pour ceux qui ont abandonné la voie de l'innocence ? David avait sans cesse son péché devant les yeux ; à Marie-Madeleine il fut beaucoup pardonné parce qu'elle avait beaucoup aimé ; saint Pierre pleura son péché et l'expia en mourant sur la croix ; saint Louis de Gonzague se reprochait amèrement de simples imperfections… Imitons-nous ces modèles dans leur repentir et leur changement de vie ? Pour nous y déterminer, définitivement et sans plus tarder, profitons du temps de la retraite. Mieux vaut nous juger sévèrement nous-mêmes, dès maintenant, que d'attendre les jugements de Dieu.

Mais, de notre passé, nous verrons surtout le plus récent, examinant particulièrement, avec soin, le temps écoulé depuis la dernière retraite : les résolutions que nous y avons prises et la façon dont nous les avons tenues ; les efforts, les progrès, les infidélités, les joies, les peines, les regrets, les exercices de piété, les sacrements reçus, la correspondance à la grâce ou notre résistance à la libéralité divine qui nous l'accorde. Quelle a été notre fidélité à la Règle et aux vœux ? Notre comportement envers Dieu, nos confrères, nos subordonnés : Frères et élèves ? Y a-t-il eu du progrès sur les années précédentes ? Ne trouverons-nous pas quelques pages, et peut-être beau-coup, que nous ne voudrions pas avoir écrites, que nous voudrions pouvoir arracher du livre de notre vie ? La retraite nous en fournira l'occasion, ne la perdons pas. 

2° Après ce coup d’œil rapide sur le passé, nous examinerons le présent,

l'état actuel de notre âme.

 Comme les marins en haute mer, pour ne pas aller à l'aventure mais arriver au port, faisons le point. Nous sommes-nous maintenus dans la direction prise au Noviciat, à la Profession, aux Grands Exercices, au Second Noviciat, à telle ou telle retraite particulièrement fervente ? Il nous eût été peut-être difficile de prendre des résolutions plus pratiques et plus généreuses que celles que nous prîmes à ces différentes étapes de notre vie ! Nous nous étions résolument lancés sur les traces des saints. Où en sommes-nous maintenant ? Pour nous aider à le savoir, mettons en pratique quelques-uns des conseils que les Règles communes donnent au Chapitre XI de la première partie. Elles signalent les fins que nous devons nous proposer à la retraite ; or, quatre sur huit de ces fins se rapportent à l'étude de l'état présent de notre âme.

Elles nous disent en résumé : a) D'entrer en nous-mêmes pour voir devant Dieu et en face de l'éternité l'état de notre conscience. b) D'apprendre à nous connaître avec nos bonnes et nos mauvaises inclinations, notre caractère, etc. … c) De faire un examen sérieux sur la manière de remplir les obligations de notre état et de notre emploi. d) D'examiner quels fruits nous retirons des sacrements, des exercices de piété et autres moyens de salut et de perfection.

Faisons quelques réflexions sur chacun de ces points :

a) Voir l'état de notre conscience : si les jugements qu'elle porte sont justes, si elle ne souffre pas de cette myopie spirituelle qui ne voit que ce qui est grave, ou si elle est, au contraire, portée au scrupule qui tue la piété et l'esprit filial envers Dieu. La délicatesse de conscience que nous devons tâcher d'acquérir est celle que Monseigneur Gay définit : « Une sensibilité entièrement divine qui nous inspire de l'horreur pour tout péché et pour tout ce qui en a simplement l'apparence, par crainte que Dieu n'y voie une offense, notre âme une blessure et le prochain un motif de scandale. »

D'après le Bienheureux Fondateur, une conscience délicate se reconnaît aux signes suivants : volonté résolue de ne commettre aucun péché, regret éprouvé aussitôt après l'avoir commis, bonne conduite même quand on est seul, sincérité, horreur de toute dissimulation.

Par contre, commettre le péché, ne fût-il que véniel sous prétexte qu'on s'en confessera ou qu'on n'en commettra pas de plus grave, ne pas se soucier des petites observances, craindre davantage l'avertissement ou la correction d'une faute que l'offense qu'elle fait à Dieu, se servir de détours en s'accusant, se tranquilliser par la pensée qu'on n'a pas été vu, que la faute n'est pas connue, sont autant d'indices d'un manque de délicatesse de conscience.

Réfléchissons sur les marques d'une bonne conscience et bénissons Dieu si nous les reconnaissons en nous. Si, au contraire, nous y découvrons des déficiences, appliquons-nous à les corriger car une conscience délicate est un trésor qui n'a pas de prix.

b) Apprendre à nous connaître. Aucune connaissance, après celle de Dieu, n'est plus nécessaire que celle de nous-même. En effet, la raison nous dit que nous devons perfectionner ce qu'il y a de bien en nous et amender ce qui est défectueux ; mais comment le faisons-nous si nous ignorons nos qualités et nos défauts ?

De son côté, la foi, venant à l'appui de la raison, nous dit que nous sommes des voyageurs en marche vers la véritable patrie ; il est donc indispensable que nous connaissions les moyens dont nous disposons pour surmonter les obstacles et atteindre le terme. La foi nous enseigne encore que nous devons reproduire en nous le Divin Modèle, Notre-Seigneur, ce qui exige qu'à tout instant, nous sachions en quoi nous lui ressemblons et en quoi nous en différons. Elle nous dit, enfin, que nous sommes des économes établis par Dieu et qu'Il nous demandera compte de notre administration. Comme Il peut le faire à tout instant, il faut que sans cesse nous sachions si nous méritons d'être traités en intendants fidèles.

Travaillons, par conséquent, de notre mieux pendant ces jours bénis, à bien nous connaître.

La prière, la réflexion, les instructions rendront plus facile, dans l'ambiance idéale de la retraite, ce travail d'optique interne. Il n'y a pas lieu de donner ici une liste de nos manquements les plus fréquents, mais nous ferons certainement des découvertes désagréables, même en nous bornant aux quelques points suivants : Quel usage faisons-nous des sens, surtout de la vue et de la langue ? Notre esprit, sous mille prétextes, ne s'éparpille-t-il pas sur toutes sortes de personnes et d'objets qui le dissipent ? Quelle est notre passion dominante, la combattons-nous ? Que sont habituellement nos pensées ? sont-elles toujours nobles, élevées ou vulgaires ? surnaturelles ou terre à terre ? Sommes-nous indifférents quant aux emplois, aux maisons, aux choses qui sont à notre usage ? Notre cœur est-il libre de toute affection coupable aussi bien à l'égard des personnes que des choses ? La pureté d'intention n'a-t-elle pas cédé le pas aux subtilités de l'amour-propre, de la sensualité, à l'influence du milieu, de l'opinion, du qu'en dira-t-on ? Etudions nos goûts et nos répugnances. Voyons à quoi obéissent nos joies et nos tristesses, etc. … N'y a-t-il pas en nous une crainte excessive de la fatigue et un trop grand souci de la santé ? A chacun d'ajouter à ce questionnaire s'il le juge opportun. Il s'agit là d'établir un véritable bilan de l'état de notre âme. Imitons pour ce travail le négociant avisé : il examine s'il a gagné ou perdu. S'il y a des marchandises avariées, il les remplace ; si certains articles n'ont pas de vente, il les substitue par d'autres. Débarrassons-nous, de même, de ce qui étant avarié constitue un poids mort et consume sans aucun profit nos énergies spirituelles. Débarrassons-nous surtout de ce qui constituerait une source de fautes et d'imperfections.

N'oublions pas, dans cet examen, un principe essentiel, à savoir que nous devons tâcher de nous connaître complètement et non pas à moitié, car il y aurait parfois des inconvénients aussi graves à ignorer ce qu'il y a en nous de bien qu'à ignorer ce qui est défectueux. « Se connaître pour se mépriser » n'est qu'un aspect de la connaissance de nous-mêmes ; nous devons connaître, de plus, ce qui est bien. Ce serait pharisaïque de croire qu'il y a toujours de l'orgueil à connaître ses qualités : La Très Sainte Vierge connaissait bien les siennes lorsqu'elle disait : « Le Tout-Puissant a fait en moi de grandes choses. » Ce qu'il y a de bien en nous, nous le tenons de Dieu ; dès lors, pourquoi nous en glorifier ? ou pourquoi vouloir l'ignorer au lieu d'en faire remonter toute la gloire à Celui qui nous l'a donné ?

c) La Règle nous invite encore à un examen sérieux sur la manière de remplir les obligations de notre état. Les devoirs d'état sont ceux qui nous incombent en vertu de notre vocation et de l'emploi qui nous est confié. Il doit y avoir, de notre part, pureté d'intention, promptitude à les entreprendre, attention à nous en acquitter comme si nous n'avions autre chose à faire. Quelle que soit l'importance de nos fonctions, c'est toujours la volonté de Dieu que nous les accomplissions avec toute la perfection possible, sans en négliger le moindre détail.

Qui remplit mal ses devoirs d'état se rend infidèle à la grâce, ne fait pas tout le bien qu'il pourrait faire et se prive des mérites qu'il pour-rait acquérir. De plus, il se rend à charge à ses Frères et à ses Supérieurs. Parmi les principales causes de cette négligence chez certains, il faut citer : a) la paresse, défaut bien répréhensible dans un disciple du Bienheureux Fondateur qui s'est tué à la tâche ; b) le manque de zèle pour sa sanctification et celle des âmes dont on a la charge et c) l'inconstance qui, la plupart du temps, n'est qu'une forme de paresse qui se dérobe devant la continuité de l'effort.

N'oublions jamais que parmi nos devoirs d'état il existe une hiérarchie que nous devons respecter scrupuleusement. Ainsi, la fin principale ne doit pas être subordonnée à la fin secondaire. Par conséquent, la prière, la réception des sacrements et l'étude religieuse ne peuvent être sacrifiées à des occupations moins importantes. Le devoir d'état est un moyen de sanctification, mais s'en servir de prétexte pour dérober du temps aux exercices de piété ce serait nous priver des grâces de lumière et de force, sans lesquelles tous nos efforts seraient vains et notre labeur infructueux. De même, dans le soin des élèves, sans négliger l'instruction profane, nous devons réserver la première place à la formation chrétienne. Nous devons également savoir sacrifier toujours nos goûts personnels pour suivre le règlement de la communauté et de la classe contribuant ainsi à l'union des efforts pour un meilleur rendement. Les Juifs se livraient à de grandes austérités, se couvraient de cendres, offraient des sacrifices. Dieu leur fit dire par le Prophète qu'Il avait toutes ces œuvres en abomination parce qu'ils suivaient leur volonté et non la sienne.

Nous étudierons nos devoirs spécialement dans les Constitutions et dans les Règles. Ne nous contentons pas, surtout pour les parties qui se rapportent plus directement à notre emploi, de la lecture qui se fait à table, pendant la retraite, mais relisons-les et méditons-les en notre particulier. Bien des fautes et des perplexités dans la dévotion, la pratique de la vertu, la fidélité aux vœux, la direction des classes et des maisons, l'administration des biens, etc. … proviennent de notre ignorance de ces livres où nous est tracée une ligne de conduite très sûre.

d) Enfin, pour une meilleure connaissance de l'état actuel de notre vie religieuse, la Règle nous engage à examiner quels fruits nous retirons des sacrements, des exercices de piété et autres moyens de salut. Tout notre temps appartient à Dieu puisqu'il nous le donne, mais plus particulièrement celui qui est réservé aux exercices de piété. Le lui ravir implique une injustice et une ingratitude. Renouvelons, au besoin, nos convictions sur ce point important. Pensons que les exercices de piété sont indispensables à l'âme comme le sont au corps la nourriture, la respiration, le sommeil et comme le combustible l'est au feu. Cela explique les efforts que fait le démon pour inspirer du dégoût pour la prière à ceux qu'il veut perdre et comment tout retour à une vie plus fervente commence par un plus grand soin à bien s'acquitter des exercices de piété.

Si, pour aider notre Institut à la réalisation de sa mission dans l'Eglise et dans le monde, nous lui avons fait don de notre vie, de nos forces et talents, c'est parce qu'en échange il nous fournissait les moyens d'assurer notre salut ; nous serions les ennemis de nous-mêmes si nous y renoncions ou si nous n'en profitions pas comme il convient.

N'omettons-nous pas certaines prières de communauté sans un motif suffisant ? pour une légère fatigue, pour une sortie matinale, pour un travail nullement urgent, pour rendre un service qui pourrait aussi bien se remettre à un temps libre ou à l'heure de la récréation, etc. … ? Et alors même que nous nous acquitterions de tous nos exercices de piété, y apportons-nous tout le soin voulu ? Nous efforçons-nous de prier dignement, attentivement et dévotement avec la ferme conviction que rien n'est plus utile pour nous ni plus agréable à Dieu ? Aussi bien pour la prière que pour la réception des sacrements, combattons-nous suffisamment la routine ? C'est une grande faveur pour nous de pouvoir communier tous les jours, mais cette condescendance de Notre-Seigneur peut donner lieu au danger de l'accoutumance ; tâchons de l'éviter par de bonnes dispositions chaque jour renouvelées et qui soient en rapport avec l'amour immense que nous témoigne Celui qui trouve ses délices à venir à nous, pauvres créatures.

Quant à la confession, apportons-y toujours une parfaite sincérité, un vrai repentir de nos fautes, le ferme propos de renoncer au péché et de l'expier par une sincère pénitence.

L'examen du présent qui nous est proposé serait trop incomplet si nous ne recherchions en même temps les obstacles qui s'opposent à nos progrès vers la perfection. Nous tâcherons, par conséquent, de profiter de l'ambiance idéale de la retraite pour découvrir ce qui a été un danger pour notre vertu dans le passé et qui pourrait l'être à revenir. Nous devrons admettre que, même pour un religieux, il est difficile de se mettre complètement à l'abri des mauvais exemples et des mauvaises doctrines d'une société corrompue ou, tout au moins, superficielle. Les vanités du monde tendent à nous éloigner de Dieu parce qu'elles retiennent trop notre vue, nos pensées et nos cœurs. Nous nous obstinons souvent à voir, et parfois exclusivement, leur aspect séduisant ; il est bien naturel, dès lors, que la matière attirant la matière, nous prenions pour réalité ce qui n'est que mirage trompeur. Nous ne saurions nier qu'avec de réels avantages le cinéma, la radio et la télévision qui tendent à se généraliser de plus en plus, offrent de graves inconvénients si l'usage n'en est pas contrôlé d'une façon consciencieuse. Nous avons à consulter des livres qui ne sont pas toujours orthodoxes ; les journaux et les revues accordent parfois trop de place aux scandales du monde, ce qui nous oblige à adopter généreusement les mesures de préservation qui s'imposent.

En même temps que nous prévoyons les précautions à prendre, appliquons-nous avec un plus grand soin à acquérir, par la méditation et l'étude religieuse bien faites, des idées saines qui nous rendront inaccessibles à la contagion du mal.

Après avoir réfléchi sur les différents points que nous venons de signaler et autres semblables, demandons-nous s'il nous convient de vivre comme nous l'avons fait jusqu'ici, si nous voudrions mourir dans l'état actuel de notre âme. Et pourquoi la mort ne viendrait-elle pas à l'improviste comme elle l'a fait pour tant d'autres con-frères ? Qui nous dit qu'elle tardera beaucoup ? Soyons toujours prêts et, pour cela, tout en con-servant une confiance inébranlable en la bonté de Dieu, suivons ce conseil de saint Augustin : « Mes enfants, examinez votre conscience sans flatterie et sans faiblesse. Ce que vous êtes ne doit pas vous satisfaire pleinement, sous peine de ne plus progresser. » Et le grand Docteur ajoute, ce qui est bien capable de réveiller les âmes tièdes : « Dès que vous dites : « c'est assez », tenez-vous pour perdu. »

 3° Préparer l'avenir.

 Après avoir examiné le passé et le présent il faut, à la retraite, préparer l'avenir, poser les fondements d'une vie plus vertueuse. Tout examen, aussi bien celui de la retraite que celui de chaque jour ou de la confession, doit être orienté vers l'avenir. Se borner à des regrets stériles ne pourrait porter qu'au découragement ; il faut se préoccuper avant tout de relever les ruines, de reconstruire sur des bases solides, moyennant un plan de vie susceptible d'assurer un réel progrès.

On peut appliquer à la retraite cet enseignement de Notre-Seigneur : « Quiconque entend mes paroles et les met en pratique, sera semblable à un homme sensé, qui a bâti sa maison sur le roc : la pluie est tombée, les torrents sont venus, les vents ont soufflé et se sont déchaînés contre cette maison, et elle n'a pas été renversée, car elle avait été fondée sur la pierre. Et quiconque entend ces paroles que je dis, et ne les met pas en pratique, sera semblable à un insensé qui a bâti sa maison sur le sable : la pluie est tombée, les torrents sont venus, les vents ont soufflé et ont battu cette maison, et elle est tombée, et grande a été sa chute. » (Matth. VII, 24-28.)

N'édifions donc pas sur le sable, nous bornant à de beaux projets sans de fortes résolutions, sous peine de les voir emportés par le torrent de nos occupations souvent très absorbantes et dissipantes. Nous entendrons la parole de Dieu, prenons les moyens voulus pour en pénétrer tous nos actes, pour qu'elle exerce une influence favorable sur les jours que le bon Dieu voudra bien nous accorder encore. Aux premiers siècles de l'Eglise, les chrétiens transformaient les temples païens ; parfois ils les démolissaient pour en construire d'autres ; s'ils les conservaient, ils les purifiaient avec grand soin. Transformons de même nos cœurs, non seulement en les purifiant par le sacrement de pénitence, mais encore en nous engageant résolument dans la pratique de la vertu.

Mais n'oublions pas, dans cette préparation de l'avenir, que notre mission est double : travailler à notre salut et à celui des âmes dont nous avons la responsabilité. Il nous faut donc perfectionner en nous, à la fois, le religieux et l'homme d'action, l'apôtre. Non seulement imiter Notre-Seigneur mais encore le rayonner. D'ailleurs les deux choses se complètent, car on ne peut donner aux autres ce qu'on n'a pas soi-même. Toute cette doctrine est bien confirmée par le trait suivant : il y a quelques années, les Directeurs de l'Apostolat de la Prière présentèrent, comme d'habitude à Pie XI, pour la faire approuver, la liste des intentions mensuelles. Celle de janvier était ainsi conçue : « Que la sainteté se développe grandement dans l'âme des prêtres et des fidèles. » A la grande surprise de tous, le Pape supprima les derniers mots : « et des fidèles », disant qu'il suffirait de prier pour la sainteté des pasteurs et que celle de leurs paroissiens s'ensuivrait naturellement.

Notre mission est un véritable sacerdoce. Nous avons charge d'âmes dont le salut doit être notre constante préoccupation, mes bien chers Frères. C'est pourquoi Notre-Seigneur veut que nous profitions de cette retraite pour nous rendre de plus en plus aptes à coopérer avec Lui à l’œuvre de la Rédemption.

Nous mettrons cette retraite sous la protection toute spéciale de Notre-Dame de Lourdes. Combien nous devons souhaiter que le renouveau spirituel demandé par Notre Saint-Père le Pape comme fruit principal de cette année jubilaire des Apparitions, soit particulièrement effectif en nous qui avons le bonheur d'appartenir, d'une façon toute spéciale, à la Sainte Vierge. Pour mieux assurer ce résultat, nous emploierons avec plus de soin qu'à l'ordinaire, pendant les saints Exercices, les moyens qui nous ont été souvent suggérés et que je ne ferai que rappeler : recueillement, réflexion et prière.

Nous recueillir pour mieux porter toute notre attention sur Dieu et sur notre âme. Par conséquent, observer une grande modestie et un silence parfait mais, plus encore, éviter les écarts de l'imagination.

Réfléchir sur ce qui sera exposé dans les méditations, les instructions et les lectures, préparant ainsi une excellente confession et des résolutions bien adaptées à nos besoins.

Enfin, prier, condition indispensable pour une retraite fructueuse, car, sans la grâce qu'obtient infailliblement la prière, nous ne pouvons rien dans l'ordre spirituel. Nous implorerons donc instamment lumières, pardon et force, mais nous nous appliquerons à bien prier plutôt qu'à multiplier les formules ; nous le ferons en esprit de réparation pour les exercices de piété omis ou négligés et pour acquérir l'heureuse habitude de mieux prier à l'avenir.

N'oublions pas non plus de recommander au bon Dieu tous ceux qui comptent sur nos prières, ceux qui y ont droit et ceux qui en ont particulièrement besoin. Je vous recommande, tout spécialement, les trois intentions suivantes : 1° Le Chapitre Général, afin que ses élections et décisions contribuent à l'avancement spirituel de l'Institut et de chacun de ses membres. 2° La Canonisation de notre Bienheureux Fondateur et 3° nos Frères de Chine dont le calvaire se pour suit sans que rien ne permette d'en prévoir la fin..

Depuis longtemps peut-être, vous dirai-je en conclusion, mes bien chers Frères, Notre-Seigneur nous excite amoureusement à tendre sans cesse vers une plus haute perfection ; qui sait si les avis, les conseils, les grâces de cette retraite ne seront pas les derniers appels qu'il nous adresse pour gagner nos cœurs ? Correspondons aux avances de son amour infini, donnons-nous entièrement à Lui. Comme le Bienheureux Claude de la Colombière, nous dirons avec sincérité dès le commencement de la retraite : « Je veux qu'aujourd'hui, que pendant ces saints jours, le bon Dieu soit content de moi. » Mais nous dirons également au bon Maître que nous sommes faibles et que nous comptons sur son secours pour connaître ses des-seins sur nous et les réaliser.  

Réponse

au dernier rapport quinquennal

 Tous les cinq ans nous devons, comme vous le savez, envoyer au Saint-Siège, d'après un questionnaire établi par lui-même, un rapport sur la marche de l'Institut. Le dernier, a été présenté en mars 1956 et la Sacrée Congrégation des Religieux nous a fait la réponse suivante : 

De la Secrétairerie

de la Sacrée Congrégation

des Religieux.

Rome, le 10 décembre 1957.  

RÉVÉREND FRÈRE,

Cette Sacrée Congrégation a reçu en son temps la relation par laquelle, conformément au devoir de votre charge, Révérend Frère, vous rendez compte, par le rapport quinquennal, de l'état de l'Institut que vous présidez.

C'est pourquoi cette même Sacrée Congrégation, en même temps qu'elle rend volontiers témoignage à tout ce qui se fait de bien et de pieux dans ledit Institut, espère aussi qu'il persévérera dans cette bonne voie et même progressera chaque jour davantage.

Cependant, j'attire votre attention sur les points suivants :

1. Que, dans l'admission des femmes ayant à remplir quelque service domestique, soient rigoureusement observées les prescriptions du Conseil Général à ce sujet.

2. Que les prescriptions des Constitutions concernant les sorties des religieux et les visites actives et passives des personnes du dehors, soient observées par tous, aussi bien par les Supérieurs que par les inférieurs.

3. Que les Supérieurs veillent à ce que ne s'introduisent pas des habitudes contraires à la Règle et aux Constitutions et, si elles s'y sont introduites, qu'ils s'efforcent de tout leur pouvoir de les supprimer.

4. Qu'un plus grand soin soit apporté dans le choix des candidats à la vie religieuse.

 Pour que tous s'efforcent d'un cœur joyeux de poursuivre la fin de leur vocation, Notre Très Saint-Père le Pape accorde bénignement, à tous et à chacun des membres de cet Institut, la bénédiction apostolique.

Dans l'accomplissement de ma charge, j'ai dû communiquer ces choses à Votre Révérence, et je prie le Seigneur de lui accorder toutes sortes de grâces.

De Votre Révérence,

Très affectionné dans le Christ.

ARCADIO LARRAONA, Secrétaire

L'importance de cette communication ne vous échappera pas, mes bien chers Frères. D'abord, elle vient de la Sacrée Congrégation des Religieux à qui le Souverain Pontife a conféré pleine autorité sur les Etats de perfection. De plus, les avis qu'elle contient sont le fruit d'un examen sérieux des données fournies en toute sincérité par le Conseil Général sur la marche de l'Institut. Recevons, par conséquent, avec grand respect et parfaite soumission ces consignes et efforçons-nous, non seulement d'y conformer notre conduite personnelle, mais contribuons aussi, autant qu'il dépend Oc nous, à ce qu'elles soient fidèlement observées par tous nos confrères.

Je recommande spécialement à tous ceux qui sont en charge de faire leur devoir, tout leur devoir à ce sujet. J'engage instamment les Supérieurs qui présideront les prochaines retraites à insister sur ces directives du Saint-Siège : leur fidèle observance sera, n'en doutons pas, très bienfaisante pour l'Institut tout entier.

Au sujet des femmes de service le Droit canonique et les Statuts Capitulaires sont très précis. De son côté, le Conseil Général, qui se réserve d'autoriser l'emploi de femmes dans nos maisons, ne le fait qu'aux conditions suivantes :

que ces personnes soient d'âge canonique,

qu'elles ne logent pas dans la maison,

qu'elles ne servent pas au réfectoire des Frères,

qu'elles travaillent en équipe autant que possible, dans les dortoirs et autres endroits où elles ont à s'occuper de l'entretien du linge ou des soins de propreté,

qu'elles ne soient pas chargées de la propreté des appartements des Frères.

Enfin, il laisse au C. F. Provincial et au C. F. Directeur de chacune des maisons, la responsabilité de veiller à ce que ces prescriptions soient bien observées et que la présence de ces personnes dans nos maisons ne soit pas pour certains Frères une source de dangers.

 Vous aurez remarqué que la Sacrée Congrégation demande que ces prescriptions du Conseil Général soient rigoureusement observées.

On nous recommande également la fidélité aux Constitutions en ce qui concerne les sorties et les visites actives et passives. J'ai exposé ce point avec quelques détails, dans la circulaire du 8 décembre 1954. Il conviendrait de la faire relire soit aux retraites, soit dans chaque communauté. II y a lieu d'insister plus particulièrement sur l'obligation de ne pas sortir sans permission et, à moins d'un motif sérieux, sans compagnon. Ce n'est pas sans raison que la Sacrée Congrégation nous dit que ces prescriptions s'appliquent aussi bien aux Supérieurs qu'aux inférieurs.

Le troisième point sur lequel la réponse de Rome attire notre attention c'est : 1° de prévenir l'introduction d'habitudes contraires à la Règle et aux Constitutions ; et 2° de s'efforcer de supprimer celles qui se seraient introduites. C'est là une question de conscience pour tous ceux qui dans l'Institut détiennent une parcelle quelconque d'autorité et, à plus forte raison, pour les membres du prochain Chapitre Général dont les décisions peuvent avoir une si grande influence soit pour le progrès soit pour la décadence de l'Institut.

En dernier lieu, il nous est demandé d'apporter un grand soin dans le choix des candidats à la vie religieuse. Plusieurs des derniers Papes ont insisté sur ce point, notamment Sa Sainteté Pie XII qui, dans une exhortation que vous trouverez ci-après, s'exprime ainsi : « Loin de vous le souci excessif de rassembler une foule de sujets pour qui on peut craindre qu'ils soient un jour moins dignes de votre éminente vocation : ils ne seront pour l'Eglise ni un ornement ni un bienfait, mais ils lui causeront détriment et tristesse »…

Chacun de nous, mes bien chers Frères, reconnaît l'importance du bon choix des sujets, mais cette importance fût-elle jamais plus grande que de nos jours où les conditions de vie sont souvent si défavorables aussi bien à l'éclosion qu'à la persévérance des vocations ? Malgré tout le soin que l'on peut apporter à n'admettre que des candidats offrant des garanties suffisantes, les erreurs sont toujours possibles, mais elles seront moins nombreuses si, aussi bien les recruteurs que les Directeurs des maisons de formation et les Conseils d'admission aux vœux, tiennent dûment compte du désir de la Sacrée Congrégation des Religieux et de Notre Saint-Père le Pape lui-même. 

Exhortation du Souverain Pontife[1]

 Aux Supérieurs Généraux des Ordres et Instituts religieux.

 Mardi matin, 11 février, le Saint-Père a reçu, dans la Salle du Consistoire, les Supérieurs Généraux des Ordres, Congrégations et Instituts religieux, dont les Curies Généralices sont à Rome. S. Em. le Cardinal Valeri assistait à l'audience, ainsi que S. Exc. Mgr Dell'Acqua. Nous publions la traduction du discours latin de Sa Sainteté :

 C'est avec une joie réelle que Nous vous saluons dans le Seigneur, vous tous, très chers Fils ici présents, qu'un dessein (le la divine Providence a placés à la tête de sociétés tendant vers la perfection évangélique et qui êtes ainsi associés à une part non indifférente de Notre charge apostolique. Comme Nous le rappelions, en effet, en Nous adressant aux membres du 1ier Congrès des Etats de perfection, il y a quelques années, un Institut de vie religieuse « tire son existence et sa valeur de ce qu'il se rattache étroitement à la fin propre de l'Eglise, à savoir de conduire les hommes à la sainteté » (Acta Ap. Sedis, 1951, p. 28). C'est que l'Eglise, son Epouse, ne répondrait pas pleinement au vœu du Christ Seigneur et les yeux des hommes ne se lèveraient pas vers elle, pleins d'espérance, comme vers le « signe dressé pour les nations » (Is., 11, 12), si elle ne possédait pas des hommes qui, par l'exemple (le leur vie plus encore que par leur parole, reflètent avec un éclat spécial la beauté de l'Evangile.

Nous vous avons donc associés, très chers Fils, à cette partie de Notre charge, soit directement, vous déléguant par le Code de droit canon, quelque chose de Notre suprême juridiction, soit en établissant les bases, dans vos règles et constitutions par Nous approuvées, de votre pouvoir appelé « de domination ». Aussi Nous importe-t-il particulièrement que vous exerciez cette autorité qui est vôtre, selon Notre esprit et celui de l'Eglise.

Dans Notre exhortation de l'Année Sainte 1950, évoquée ci-dessus, Nous avons amplement exposé les points que vos sujets doivent avant tout garder à notre époque et ceux où il importe d'innover et (l'adapter. Nous voulons aujourd'hui en quelques mots, définir à votre intention de quelle façon précise il vous faut travailler avec Nous au but que Nous poursuivons. 

L'opinion de la masse et l'attrait des nouveautés ne sont

pas des critères de gouvernement.

 Nous vous disions alors qu'à ceux qui suivent les Etats de perfection, aucune concession ne doit être accordée, au détriment de la Vérité éternelle, pour les tendances appelées existentialisme » (1. c., p. 32). C'est à qui tient la première place, en effet, qu'il appartient de conduire aussi sûrement que possible, ses sujets jusqu'au terme de la vie éternelle, avec un esprit éclairé, par les sûrs chemins de la vérité, sans s'écarter à droite ni à gauche, par une direction ferme et au besoin énergique. Comme a dit le Patriarche de ceux qui, en Occident, tendent vers la perfection évangélique : « L'Abbé ne doit rien enseigner, instituer ou ordonner qui soit en dehors des préceptes du Seigneur ; mais que, aux yeux de ses disciples, son gouvernement et son enseignement apparaissent un reflet de la justice divine » (Règle de saint Benoît, ch. II). Que les Supérieurs des Etats de perfection puisent sans cesse les principes qui les inspirent, non pas dans ce que dit le plus grand nombre, ou dans ce qui se répand – rejetant les commentaires plus anciens des Pères – comme devant seul maintenant, parce que plus récent, être enseigné et commandé, ou dans ce qui plaît davantage à ceux qui vivent dans le siècle, mais bien à la pure source de la vérité révélée et à la discipline du magistère ecclésiastique. Avec un réel courage, il faut aller à l'encontre des préférences de plusieurs ; si le Supérieur n'accepte pas de paraître parfois passé de mode pour certains, comment conservera-t-il intacte la vérité du Christ, toujours nouvelle certes, mais en même temps toujours ancienne ? Dans les principes qui règlent la doctrine de l'ascèse et le genre de vie des états de perfection (comme Nous en donnions l'avertissement sur un sujet plus grave dans la Lettre Encyclique Humani Generis), on rencontre aujourd'hui des esprits qui « s'attachant plus qu'il ne faut aux nouveautés…, s'efforcent de se soustraire à la direction du Magistère et se trouvent, à cause de cela, en danger de s'éloigner insensiblement des vérités révélées et d'entraîner aussi les autres dans l'erreur » (Acta Ap. Sedis, 1950, p. 564). Il est moins grave, certes, d'errer dans la discipline des mœurs qu'en matière de foi ; mais chacune de ces deux erreurs nous conduit par ses voies propres jusqu'à la ruine de la nature et sans aucun doute nous retarde et nous empêche de trouver comme il se doit le Bien suprême.

Que les Supérieurs s'attachent solidement, en outre, à la doctrine ascétique solide et équilibrée telle qu'elle leur fut donnée par les premiers Fondateurs et longuement approuvée par l'usage de l'Eglise, et qu'ils ne s'en éloignent pas par quelques nouveautés. La raison d'adhérer à la vérité ne vient pas, en effet, du fait qu'elle emporte avec elle l'adhésion générale des hommes, mais de ce qu'elle est la vérité, placée par Dieu dans la nature ou révélée par lui avec bonté aux hommes. Que certains la dénigrent : est-ce assez pour qu'elle cesse d'être la vérité et le chemin qui mène à Dieu ? Celui qui veut être un Supérieur prudent sera sage de chercher et d'écouter volontiers de nombreux conseils ; il méditera et pèsera avec son propre avis l'opinion des hommes prudents et des maîtres ; jamais il ne se fiera à lui-même, comme si le péril de se tromper ne menaçait pas tout homme ici-bas. Mais qu'ensuite, après avoir entendu d'abord ceux que la Règle elle-même lui a donnés pour conseillers nés, invoqué longuement l'Esprit de Conseil, et mûrement pesé toutes choses, il prenne une décision précise et déterminée ; et qu'il l'impose, comme il se doit, avec une paternelle et humble fermeté à ceux qui lui sont soumis, et oriente d'après elle leurs actes et leur vie : « De même que les disciples doivent obéir au maître, ainsi sied-il à ce dernier de disposer toutes choses avec droiture et prévoyance » (Règle de saint Benoît, ch. III).

Quoi que puissent prétendre certains, auxquels le joug de l'obéissance religieuse semble trop lourd pour être imposé aux hommes de ce temps, vous ne devez jamais perdre de vue que la charge de Supérieur consiste à diriger, avec, certes, toute l'humilité et la charité du Christ, mais avec fermeté, ceux qui lui sont soumis, et que le Divin Juge demandera compte des âmes non pas seulement à chacun personnellement, mais à ceux également à qui il les a confiées. « Le nombre de Frères dont le Supérieur sait avoir la responsabilité, qu'il ait pour certain de devoir, au jour du jugement. rendre compte au Seigneur de toutes leurs âmes » (Règle de saint Benoît, ch. II). 

La perfection évangélique exige la séparation du monde.

 Avec l'évolution des temps et l'apparition de nouvelles exigences de la part des âmes, l'Eglise a vu naître, sous la conduite – il est permis de l'espérer – du Saint-Esprit, d'autres formes de vie pour tendre à la perfection. Chacune demande des choses différentes à ses membres : les exigences ne sont pas identiques pour les moines et pour les clercs réguliers ; pour les religieux et pour les membres des Instituts séculiers récemment fondés. Une chose est cependant commune à tous et le demeurera : quiconque tend vers la perfection évangélique doit nécessairement se retirer et se séparer du monde, chacun selon ce que demande sa propre vocation qu'il a reçue de Dieu, mais sans réserve. Nous disons «de ce monde» à propos duquel Notre-Seigneur et Maître donnait à ses disciples cet avertissement : « Vous n'êtes pas du monde » (Jo., XV, 19) ; et le Disciple bien-aimé : « Le monde entier est plongé dans le mal » (Jo., V, 19) ; et aussi l'Apôtre des Gentils : « le monde est crucifié pour moi. comme je le suis pour le monde » (Gal., VI, 14).

Il importe que celui qui veut vivre pour le Seigneur et le servir parfaitement soit, dans ses affections, totalement étranger au monde. Le Seigneur est celui qu'on ne peut servir parfaitement, si ce n'est pas Lui seul que l'on sert. Quel bien créé, en effet, pourrait être de quelque façon comparé – Nous ne disons pas égalé – à la perfection divine ? Comment celui qui n'a pas purifié son esprit et ne le garde pas vide de l'orgueil du monde et de ses concupiscences multiples, peut-il monter vers Dieu, comme par les ailes d'un libre amour, et vivre uni à Lui ? Uni, en vérité, non seulement par le lien vital de la grâce sanctifiante, mais aussi par cet amour ardent, propre à celui qui tend vers la perfection ?

A moins d'être du nombre des parfaits prévenus par une grâce non commune, quel homme, moralement affaibli par les suites du péché originel, pourra se libérer complètement de toute attache aux choses terrestres, s'il ne se sépare pas réellement de celles-ci jusqu'à un certain point, ayant même le courage de s'en abstenir tout à fait ? Hormis le cas d'une charge assumée dans l'Eglise par obéissance, personne ne peut jouir de toutes les commodités dont ce siècle abonde, s'accorder les divertissements et les joies sensibles, si largement offerts de nos jours à nos contemporains, sans perdre quelque chose de son esprit de foi, de son amour pour Dieu. Bien plus, celui qui aura plus longtemps toléré du relâchement dans sa vie, abandonnera peu à peu ses efforts vers la sainteté et s'exposera au danger de voir la ferveur de sa charité et la lumière même de sa foi baisser au point qu'il déchoira lamentablement de l'état élevé vers lequel il tendait. 

Esprit de l'Evangile et sagesse humaine.

 Il faut que, tant pour les points de doctrine et les opinions, que pour les actes à accomplir, vos normes de jugement soient différentes de celles du monde ; différente votre règle de conduite ; différent aussi le principe par lequel vous vous efforcerez d'avoir une influence sur les autres hommes. Que vos normes de jugement et d'appréciation soient tirées de l'Evangile du Seigneur et de la doctrine de son Eglise ; « il a plu à Dieu de sauver les croyants par la folie de la prédication » (I Cor., I, 21) ; « en effet, la sagesse de ce monde est folie auprès de Dieu » (I Cor., III, 19) ; et vraiment « nous, nous prêchons un Christ crucifié » (I Cor., I, 23). Si l'on n'a pas soin, au lieu d'empoisonner son esprit par une fréquentation habituelle des affaires du siècle, de le nourrir assidûment par la lecture et la méditation des choses de Dieu et par la familiarité avec les écrits des auteurs anciens et récents qui ont brillé par la solidité de leur foi et de leur piété, comment donc pourra-t-on goûter ce qui est bien (cfr. collecte de la Messe du Saint-Esprit) ?

Mais ce sont ces mêmes règles d'action que doivent suivre ceux qui vous sont soumis. Ils n'ont pas à désirer ce qui plaît, ce qui est agréable, ce qui est commode, mais Dieu seul ; et ils ne le trouveront qu'en refrénant sans cesse leurs sens et leur volonté : leur volonté, par l'humilité et par une obéissance soumise ; leurs sens, par l'austérité de vie et la mortification de leur corps librement acceptée. Sans ces moyens, recommandés par l'Ancien et le Nouveau Testament et par toute la tradition de l'Eglise, c'est presque en vain qu'une âme chrétienne se flatte de parvenir à l'amour de Dieu et à celui du prochain par amour pour Dieu.

Est-ce que, de plus, les voies par lesquelles vous pouvez entraîner les hommes vers Dieu, leur fin dernière, ne sont pas différentes de celles que l'intelligence laissée à elle-même aura jugées devoir être efficaces ? L'apostolat dont Nous parlons repose de toute façon sur la nécessité de la grâce prévenante, qui ouvre le cœur et les oreilles de ceux qui entendent ; de la grâce adjuvante, sans laquelle personne ne peut faire œuvre bonne conduisant au salut et personne ne peut persévérer dans le bien. Les voies du Seigneur ne sont pas nos voies ; ce n'est pas toujours dans le « langage persuasif de la sagesse humaine » (1 Cor., II, 4) que se trouve la force capable d'entraîner les esprits vers la foi et les œuvres de salut, mais dans la « manifestation de l'Esprit et de la puissance » (ibid.), dans cette manifestation pleine de mystère, par où, (le la simple sincérité, de la charité, de la force du croyant surgit une merveilleuse possibilité pour persuader les esprits et les mener à Dieu ; ce n'est pas par ces idées toutes nouvelles que l'esprit humain produit sans cesse que les hommes sont entraînés vers le bien, mais par la force invisible de la grâce et des sacrements, surtout la Pénitence et l'Eucharistie. Et à moins, encore une fois, de se séparer du monde pour un temps, et surtout de se recueillir presque chaque jour dans un certain calme, pour méditer en paix ces vérités dans un cœur à cœur avec l'Esprit de Sagesse, ne tombera-t-on pas dans cette fièvre inquiète et souvent stérile de l' « action », plus brillante qu'efficace ? 

Nécessité de l'observation de la Règle.

 Pour que vos fils puissent vivre dans cette paix et tranquillité de l'âme qui porte si bien à une juste appréciation des choses divines, vos Fondateurs leur ont donné, d'après l'antique tradition de l'Eglise, née chez les Pères du désert selon la vraie sagesse de l'Evangile, ce qu'on appelle une règle ou une constitution. Quoique celle-ci diffère dans les divers Instituts, selon leurs buts variés, elle est cependant obligatoire chez tous. Sa nécessité pour le but que vous vous proposez, naît de la faiblesse de la nature humaine blessée par le péché originel ; son efficacité pour la perfection de la vie chrétienne est affirmée par une longue expérience, ancienne et actuelle ; sa sainteté est toujours visible dans l'Eglise, tant dans ses paroles que dans ses actes.

La nature humaine attirée par la facilité a toujours trouvé désagréable la discipline que comporte la vie dans les Etats de perfection, du fait de la règle ; et elle apparaît naturelle-ment encore plus désagréable aux hommes de notre temps, habitués qu'ils sont à une vie plus libre avant d'embrasser un Etat de perfection. Même si, sur des points ne touchant pas l'essentiel, vous avez à bon droit. adapté la règle et l'adaptez aux possibilités de ceux qui viennent à vous, on ne saurait cependant admettre que vous l'abaissiez et encore moins que vous l'abandonniez. La parole des Proverbes vaut aujourd'hui comme jadis : « Sois fidèle à la discipline, ne l'abandonne pas ; garde-la car elle est la vie » (Prov., IV, 13). Ce que l'auteur divinement inspiré affirme au sujet de la discipline que chacun s'impose de bon gré, ne peut-on pas le dire aussi à juste titre de cette discipline particulière, à laquelle, par la profession d'une vie plus parfaite, on s'oblige soi-même et que l'on promet d'observer ? s Ceux que presse l'amour qui les fait marcher vers la vie éternelle, pour ce motif même s'engagent d'emblée dans la voie étroite ;… ne se guidant plus selon leur jugement propre, et n'obéissant pas à leurs convoitises et voluptés, mais allant de l'avant selon le jugement et le commandement d'autrui, tandis qu'ils se trouvent au monastère, ils désirent que l'Abbé les gouverne » (Règle de saint Benoît, ch. V).

Il entre dans les devoirs de votre charge – agissant en cela avec une fermeté paternelle en exhortant, avertissant, réprimandant et même, s'il faut en arriver là, en punissant – d'aider vos inférieurs à fouler le droit sentier et à les y maintenir selon les Règles de votre Institut propre. Et qu'un sujet soit négligent ou fautif, nul Supérieur n'a le droit de dégager sa responsabilité en disant ; « Il a l'âge, c'est son affaire ». Ce n'est pas de la sorte que le Seigneur en juger a, quand il vous demandera compte des âmes commises à vos soins : « Voici, je viens aux pasteurs, je redemanderai les brebis de leurs mains » (Ezéch., XXXIV, 10) ; celui qui par connivence aura délaissé ses brebis comme errantes et privées de conseils et ne les aura pas, d'une houlette ferme, tenu éloignées des sentiers détournés, le Seigneur lui redemandera le sang des brebis ! L'amour vrai d'un père se témoigne non seulement par les caresses, mais aussi par le commandement et les corrections. Que jamais cette fermeté ne soit dure, jamais empreinte de colère ou manquant de circonspection ; qu'elle soit toujours droite et sereine ; qu'elle soit douce et miséricordieuse, prompte à pardonner et à tendre une main de père à un fils qui s'efforce de rejeter l'erreur ou de renoncer à la faute ; que le Supérieur toutefois persiste à veiller et ne se lasse jamais. Et il faut que chez vous le gouvernement et la vigilance s'étendent non seulement à la vie que l'on a coutume d'appeler « régulière », laquelle se passe dans l'enclos du couvent, mais à toutes les activités des vôtres dans la vigne du père de famille. Selon les normes qui vous ont été fixées par la Hiérarchie ecclésiastique compétente en la matière, il vous revient de surveiller l'activité de vos inférieurs, pour qu'ils n'admettent rien qui tourne au détriment de leur âme ou causerait à l'Eglise et aux âmes déshonneur ou dommage, mais bien plutôt pour qu'ils rivalisent de zèle à promouvoir leur bien propre et celui du prochain. 

L'union entre les Instituts.

 Votre union même des Supérieurs Généraux qui se constitua naguère de son propre mouvement et qui spontanément encore continue à tenir ses assises, a été approuvée par le Siège Apostolique comme institution permanente et reconnue comme personne morale ; cette union postule de vous la volonté bien arrêtée de contribuer à tout ce pour quoi l'Eglise désire votre concours. En fait vous avez parfaitement compris que vous formez tous une seule armée dans laquelle, les uns comme fantassins, d'autres comme cavaliers ou archers, tous en fin de compte livrent le même bon combat. Alors que l'ennemi du nom du Christ rassemble chaque jour davantage ses forces en un faisceau qu'il espère invincible, vous avez compris combien il est opportun, combien même nécessaire, pour vous et pour tous ceux qui servent Dieu, d'unir vos forces, chacun à son rang et par ses propres armes, en vue de la même victoire. Cette unité, à laquelle s'oppose la diversité des nationalités des esprits, des coutumes ou d'autres comportements humains, fleurira pourtant merveilleusement, si vos âmes sont profondément imprégnées par la vraie charité du Christ, que l'Esprit-Saint répand sur cette unité même. Que cette charité surnaturelle et infuse nous trouve prompts à répondre à son action, et elle-même déliera sans peine tous les nœuds d'une trop étroite prédilection justifiée mais trop étroite pour son propre Institut, qui s'insinue peu à peu du fait de la faiblesse humaine. Certes chacun a le devoir d'aimer l'Institut auquel l'a appelé la divine Providence, de modeler son esprit et sa conduite selon les normes de cet Institut, de choisir et d'accomplir jusqu'à un certain point le ministère apostolique selon les lois propres de ce dernier : mais il faut que tous et toujours ordonnent toutes choses au service unique de la même Eglise, Epouse du même Seigneur et Dieu Sauveur. 

L'obéissance au Vicaire du Christ.

 Il s'ensuit que la déférence zélée envers la Chaire de Pierre et le Vicaire du Christ – commune à tous les fidèles – doit être cultivée à un titre tout particulier par vous qui tendez à la perfection. Ce Siège Apostolique sait que vous lui serez plus que les autres dociles ; il compte sur vous, hérauts très fidèles de la doctrine de vérité enseignée par cette Chaire ; il espère fermement que, plus que quiconque, vous serez les modèles et les défenseurs de la discipline ecclésiastique. Et si parfois – telle est la condition. du Règne de Dieu sur terre où les bons sont mêlés aux méchants, le froment à l'ivraie -, si parfois certaines choses viennent à vaciller en quelque endroit, à s'ébranler, à errer, à se séparer, vous du moins, Fils très chers, étroitement unis à Nous-même, propagez d'une volonté inébranlable le « Règne de justice, d'amour et de paix » (Préface de la messe du Christ-Roi). Vous pourrez proclamer cela, non point avec la con-fiance démesurée de soi sous l'action de laquelle jadis Pierre, non encore affermi par l'Esprit-Saint, s'écriait : « Quand bien même tous…, pas moi, du moins » (Marc, XIV, 29), mais avec le même amour, avec une humble confiance et forts de la grâce de votre vocation à l'état de perfection. Et s'il arrive que d'autres, oublieux de l'esprit des vrais fils, causent des soucis à ce Siège Apostolique, nous du moins, Dieu aidant, nous nous souviendrons très fidèlement de ces paroles du Seigneur : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise » ; « toi… affermis tes frères » (Matth., XVI, 18 ; Luc, XXII, 32). 

Sévérité dans l'admission des postulants.

 Pour que vos Instituts répondent toujours à ces vœux du Vicaire du Christ, faites en sorte de n'enrôler dans vos rangs que des jeunes gens tout à fait aptes, c'est-à-dire choisis pour leur vertu et, dans la mesure requise, pour leurs dispositions intellectuelles et autres qualités. Loin de vous le souci excessif de rassembler une foule de sujets pour qui l'on peut craindre qu'ils soient un jour moins dignes de votre éminente vocation : ils ne seront pour l'Eglise ni un ornement, ni un bienfait, mais ils lui causeront détriment et tristesse. Si, par contre, fidèles aux normes proposées continuellement par l'Eglise, vous n'accueillez en vos rangs que ceux qui sont vraiment dignes, Dieu prendra soin de susciter des vocations de cette qualité, et l'estime où les hommes tiendront votre état préparera en un grand nombre d'âmes les voies de la grâce divine. Fiez-vous à Dieu : si vous le servez très dignement, lui-même prendra soin de vous ainsi que de vos Instituts qu'il gardera et fera prospérer.

Fasse Dieu que la lumière et l'ardeur de l'Esprit-Saint descendent en abondance sur cette troupe choisie de ses serviteurs, les plus chers au Seigneur et à Nous-même parmi les autres soldats de la même armée. Et au moment où nous commémorons avec reconnaissance les douces et miraculeuses visions de la Bienheureuse Marie Vierge Immaculée en la grotte de Lourdes, Nous demandons que l'intercession de la Mère de la divine grâce vous obtienne ce don éminent, à vous, ses dévots serviteurs. En gage de cette bienveillance divine et en témoignage de notre amour, à vous, chers Fils, à vos aides dans le gouvernement de vos Instituts, à tous vos sujets qui militent dans le monde entier, à ceux surtout qui sont tourmentés par les ennemis du Nom divin, Nous accordons très affectueusement la Bénédiction Apostolique. 

Lourdes : Quelques leçons pour nous, religieux.

 Il pourrait sembler superflu de parler du Centenaire des apparitions de la Très Sainte Vierge à Lourdes quand tant de voix particulièrement autorisées se sont fait entendre à son sujet. En effet, Notre Saint-Père le Pape nous a donné une Encyclique très instructive, nombreux sont les évêques qui ont publié des mandements, une multitude de journaux et de revues consacrent, depuis plusieurs mois, des articles aux apparitions, à l'histoire du pèlerinage, aux miracles les plus remarquables obtenus aux pieds de la Vierge de Massabielle.

D'autre part, on parle de millions de pèlerins venant de toutes les parties du monde en train, en bateau, en avion et même certains, en esprit de pénitence, à pied et de très loin. Que nous soyons ou non du nombre des privilégiés qui, en cette année jubilaire, seront témoins des fêtes sans précédent qui se célèbrent à Lourdes, nous ne saurions rester indifférents au triomphe de la Vierge Immaculée, nous devons y contribuer de notre mieux.

Je n'ai pas l'intention de tracer un programme à ce sujet, je laisse aux Frères Provinciaux et aux Frères Directeurs le soin d'organiser ce qu'ils jugeront opportun. Les revues de famille ont, pour la plupart, consacré de très beaux articles à ce Jubilé et plusieurs ont fait connaître comment il serait célébré surtout dans les maisons de formation. Heureux de voir ainsi que partout vous donnez libre cours à vos sentiments d'amour filial envers notre Mère du Ciel, je me bornerai à transcrire ici, un long extrait d'un article paru dans la Revue des Communautés religieuses (janvier-février 1958). Il est écrit spécialement pour les religieux, leur indiquant les principaux enseignements que contient l'Encyclique du Saint-Père sur Lourdes. La retraite sera une excellente occasion de les étudier et de se résoudre à les mettre en pratique.

Invitation particulière.

Parlant du renouveau spirituel que l'Eglise attend de l'année jubilaire, le Pape, après avoir assigné aux prêtres leur tâche, indique tous ceux qui doivent collaborer avec eux : « Notre pensée se tourne d'abord vers la multitude des âmes consacrées qui se dévouent dans l'Eglise à d'innombrables œuvres de bien. Leurs vœux de religion les appliquent plus que d'autres à lutter victorieusement, sous l'égide de Marie, contre le déferlement sur le monde des appétits immodérés d'indépendance, de richesse et de jouissance ; aussi, à l'appel de l'Immaculée, voudront-elles s'opposer à l'assaut du mal par les armes de la prière et de la pénitence et par les victoires de la charité. »

Sous l'égide de l'Immaculée.

Lorsque le peuple chrétien et ses pasteurs recueillirent des lèvres de Bernadette l'étonnante nouvelle, qui posait comme un sceau mystérieux sur les apparitions de Lourdes : « Je suis l'Immaculée Conception », quatre années seulement s'étaient écoulées depuis que le Pape Pie IX, par la bulle Ineffabilis Deus, du 8 décembre 1854, avait proclamé le dogme de l'Immaculée Conception de la Vierge Marie :

« Nous déclarons, prononçons et définissons que la doctrine suivant laquelle, par une grâce et un privilège spécial de Dieu tout-puissant, et en vertu des mérites de Jésus-Christ, Sauveur du genre humain, la bienheureuse Vierge Marie a été préservée de toute tache du péché originel au premier instant de sa conception, est révélée de Dieu et doit, par conséquent, être crue fermement et constamment par tous les fidèles. »

Ce dogme est à lui seul une source de joie spirituelle toujours vive et toujours actuelle. Il doit être aussi pour les âmes religieuses, destinées par grâce à vivre plus intimement des mystères divins, un appel incessant au progrès dans la charité.

Comprenons bien que la préservation de toute tache originelle, la plénitude de grâce dont a bénéficié la Vierge Marie en vue de l'Incarnation est, en soi, une indicible gloire pour Dieu. Mais comprenons aussi que cette préservation initiale a, par voie de conséquence, exempté la Vierge très pure de toute complicité secrète avec le péché, de toute servitude aux emprises du démon et aux lois de la concupiscence. Marie, de par un effet admirable de l'amitié divine, est radicalement indépendante de tout mal, souverainement libre à Dieu. « Marie Immaculée est le modèle de ceux qui tendent à la perfection chrétienne. »

Un renouveau d'esprit évangélique.

Pour mieux saisir la tâche principale des religieux au cours de l'année jubilaire, entendons S. S. Pie XII dénoncer une fois de plus la redoutable tentation du matérialisme contemporain.

« Ce matérialisme, il n'est pas seulement dans la philosophie condamnée qui préside à la politique et à l'économie d'une portion de l'humanité ; il sévit aussi dans l'amour de l'argent, dont les ravages s'amplifient à la mesure des entreprises modernes, et qui commande, hélas ! tant de déterminations pesant sur la vie des peuples. Il se traduit par le culte du corps, la recherche excessive du confort et la fuite de toute austérité de vie… Il est dans la poursuite effrénée du plaisir… Il est dans l'insouciance de son frère, dans l'égoïsme qui l'écrase, dans l'injustice qui le prive de ses droits. En un mot, dans cette conception de la vie qui règle tout en vue de la seule prospérité matérielle et des satisfactions terrestres. »

L'esprit des conseils évangéliques est le contre-pied de ce matérialisme.

Il suffit de contempler Sœur Marie-Bernard Soubirous, dans l'obscurité et la fidélité de sa vie religieuse à Nevers, pour voir par quelle route la Vierge a fait de sa confidente de Lourdes une sainte au rayonnement mondial.

Par les armes de la prière.

Avant tout, à Lourdes, l'Immaculée est venue nous apprendre à prier. Ses leçons directes à Bernadette se sont prolongées en cette prière ardente, confiante et résignée à la fois, qui constitue peut-être bien la note la plus caractéristique de Lourdes depuis un siècle.

L'année jubilaire sera une année d'intense prière. Le Souverain Pontife a précisé ses intentions retour rapide et pleinement libre des dissidents à l'unité de la vérité chrétienne ; conversion des pécheurs ; progrès des bons jusqu'à atteindre une sainteté plus parfaite ; concorde et paix universelle entre les peuples ; liberté de l'Eglise afin qu'elle puisse pourvoir plus efficacement au salut éternel des hommes et travailler à la prospérité de tous.

La piété envers la Mère de Dieu, notait déjà saint Pie X, fit fleurir à Lourdes une remarquable et ardente piété envers le Christ Notre-Seigneur ». Et Pie XII de poursuivre :

« Pouvait-il d'ailleurs en être autrement ? Tout en Marie nous porte vers son Fils, unique Sauveur, en prévision des mérites duquel elle fut immaculée et pleine de grâces ; tout en Marie nous élève à la louange de l'adorable Trinité, et bienheureuse fut Bernadette, égrenant son chapelet devant la grotte, qui apprit des lèvres et du regard de la Vierge Sainte à rendre gloire au Père, au Fils et à l'Esprit-Saint

Aussi sommes-Nous heureux, en ce centenaire, de nous associer à cet hommage rendu par saint Pie X : « La gloire e unique du sanctuaire de Lourdes réside en ce fait que les « peuples y sont de partout attirés par Marie à l'adoration » du Christ Jésus dans l'Auguste Sacrement, en sorte que ce « sanctuaire, à la fois centre du culte marial et trône du mystère eucharistique, surpasse, semble-t-il, en gloire tous les autres dans le monde catholique. »

Dans la Constitution du 1ier novembre, le Pape revient sur cette union de la ferveur eucharistique et de la piété mariale. L'Eucharistie est le centre de la vie chrétienne ; d'elle découlent surabondamment dans les âmes les forces surnaturelles nécessaires pour lutter contre le mal. L'amour infini du Christ, qui semble avoir épuisé sa miséricorde dans l'Eucharistie, appelle notre amour, agissant et effectif. « Et d'ailleurs, nous ne pouvons être plus agréables à Marie, notre très douce Mère, pendant cette année centenaire, qu'en nous unissant chaque jour plus étroitement, par la participation à ces trésors de la divine Rédemption, à son Fils unique qui seul est pour tous les mortels « la voie, la vérité et la vie » (Jean, XIV, 6).

Par les armes de la pénitence.

La Vierge y a invité explicitement Bernadette.

« Avec une compassion maternelle, elle parcourt du regard ce monde racheté par le sang de son Fils, où hélas, le péché fait chaque jour tant de ravages, et, par trois fois, elle lance son pressant appel : Pénitence, pénitence, pénitence ! Des gestes expressifs sont même demandés : Allez baiser la terre en pénitence pour les pécheurs. Et au geste il faut joindre la supplication : Vous prierez Dieu pour les pécheurs. »

Le Pape souligne l'actualité des mêmes exigences :

« C'est pourquoi Nous désirons que pour l'expiation de leurs propres péchés et de ceux des autres, pendant cette année du centenaire, tous les chrétiens non seulement s'efforcent de refréner et de dominer leurs désirs déréglés, mais aussi – dans la mesure du possible – supportent quelque chose des duretés et amertumes de la vie. »

Il conviendra de le faire, non pas uniquement en les acceptant avec résignation, mais en les offrant volontairement comme des hosties d'un sacrifice mystique.

Par les victoires de la charité.

Le Pape note la force conquérante de l'union des cœurs dans la prière et la charité :

« Nulle part peut-être autant qu'à Lourdes on ne se sent porté à la fois à la prière, à l'oubli de soi et à la charité. A voir le dévouement des brancardiers et la paix sereine des malades, à constater la fraternité qui rassemble dans une même invocation des fidèles de toute origine, à observer la spontanéité de l'entraide et la ferveur sans affectation des pèlerins agenouillés devant la grotte, les meilleurs sont saisis par l'attrait d'une vie plus totalement donnée au service de Dieu et de leurs frères, les moins fervents prennent conscience de leur tiédeur et retrouvent le chemin de la prière, les pécheurs plus endurcis et les incrédules eux-mêmes sont souvent touchés par la grâce ou du moins, s'ils sont loyaux, ils ne restent pas insensibles au témoignage de cette « multitude de croyants n'ayant qu'un cœur et qu'une âme » (Act., Iv, 32).

Sans cesse à l’œuvre à Lourdes, cette attraction de la charité est celle qu'exercera le plus aisément « la multitude des âmes consacrées qui se dévouent dans l'Eglise à d'innombrables œuvres de bien ».  

Discours de Sa Sainteté le Pape Pie XII

 Aux membres du II° Congrès Général

des Etats de Perfection le 9 décembre 1957.

 Sous la maternelle protection de Marie Immaculée, la plus sublime de toutes les créatures et le modèle de ceux qui tendent à la perfection de la vie chrétienne, vous avez voulu, chers fils et chères filles, vous réunir à Rome pour étudier les problèmes actuels des états de perfection, en même temps que vous célébriez le cinquantième anniversaire de l'ordination sacerdotale du très digne et zélé Cardinal Préfet de la S. Congrégation des Religieux.

En plus de vingt-cinq nations de tous les continents, existent aujourd'hui des associations de Supérieurs majeurs, religieux et religieuses qui, en liaison étroite avec le Saint-Siège et la Hiérarchie ecclésiastique de leur pays, s'attachent à mener en commun les tâches d'organisation et d'adaptation que requièrent l'ampleur et la complexité de l'apostolat actuel. Nous savons que de nombreuses initiatives ont vu le jour ces dernières années sous l'impulsion éclairée de vos associations ; qu'il suffise de mentionner les congrès nationaux ou régionaux des états de perfection, des sessions de prière et d'étude, et surtout la création d'instituts de formation et de culture religieuse supérieure destinés aux membres des états de perfection.

Le présent Congrès, qui répond tout entier au désir de réaliser une insertion toujours plus complète des états de perfection dans l'Eglise, Corps Mystique du Christ, se propose de faire le bilan des progrès enregistrés partout dans l'organisation des états de perfection et dans leur travail d'adaptation aux exigences de l'Eglise ; puis d'exposer clairement les fins à poursuivre, les limites à respecter et les principes à observer dans l'action des conférences, unions et comités de Supérieurs majeurs ; enfin, d'élaborer un programme d'activités et d'initiatives, qui assurera l'efficacité du mouvement de rénovation, en resserrant les liens des organisations entre elles et avec le Saint-Siège.

L'ensemble des rapports et des exposés de ce Congrès vise à commenter les trois Constitutions Apostoliques : Provida Mater, Sponsa Christi et Sedes Sapientiae, ainsi que le décret de la S. Congrégation des Religieux Salutaris atque, où sont énoncées les normes qui doivent guider l'effort d'adaptation et de rénovation. Nous n'avons pas l'intention d'aborder ici les questions particulières, que vous comptez traiter dans vos sessions ; mais plutôt de souligner certains points de caractère général concernant le problème de la perfection et celui de la rénovation et de l'adaptation des moyens, par lesquels y tendent les individus et les communautés. Nous parlerons d'abord de la perfection de la vie chrétienne en général, ensuite de sa réalisation dans les groupements qu'on appelle « états de perfection », en considérant d'abord les relations qu'ils ont avec leurs membres, puis celles qu'ils ont entre eux et avec le Saint-Siège.

1. – La perfection de la vie chrétienne.

Il importe d'abord de rappeler que le concept de « perfection » au sens strict ne s'identifie pas avec celui d' « état de perfection » et qu'il le déborde même largement. On peut en effet rencontrer la perfection chrétienne héroïque, celle de l'Evangile et de la Croix du Christ, en dehors de tout « état de perfection ».

Nous entendons donc la tendance à la perfection comme une disposition habituelle de l'âme chrétienne, par laquelle, non contente de remplir les devoirs qui lui incombent sous peine de péché, elle se livre tout entière à Dieu pour l'aimer, le servir, et se consacre dans ce même but au service du prochain.

La perfection de toute activité humaine libre, comme celle de toute créature raisonnable, consiste dans l'adhésion volontaire à Dieu. Pour une part, qui découle de la condition même de la créature, cette perfection est obligatoire ; il faut y tendre sous peine de manquer sa fin dernière. Nous n'avons pas à en préciser ici les éléments. Nous entendons uniquement parler de la tendance habituelle et permanente qui, dépassant tout ce qui tombe sous le coup de l'obligation, prend l'homme tout entier pour le consacrer sans réserve au service de Dieu. Cette perfection consiste par excellence dans l'union à Dieu, laquelle s'effectue par la charité ; elle s'accomplit par conséquent dans la charité. On l'appelle aussi un holocauste perpétuel et universel de soi-même, poursuivi pour l'amour de Dieu et afin de lui manifester délibérément cet amour.

L'idéal de la perfection chrétienne s'attache aux enseignements du Christ, en particulier aux conseils évangéliques, à sa vie, sa passion et sa mort, sources inépuisables, où s'alimente l'héroïsme de toutes les générations chrétiennes. Il embrasse aussi l’œuvre du Christ, c'est-à-dire le service de l'Eglise accompli par amour du Seigneur, à la place et selon la fonction qui reviennent à chacun dans l'ensemble du Corps Mystique.

Cet idéal, chaque chrétien est invité à y tendre de toutes ses forces, mais il se réalise d'une manière complète et plus sûre dans les trois états de perfection selon le mode décrit par le Droit Canon et les Constitutions Apostoliques déjà citées. En particulier, la Constitution Provida Mater, du 2 février 1947, sur les « Instituts séculiers » ouvre l'accès des états de perfection au plus grand nombre possible des âmes qui aujourd'hui aspirent ardemment à une vie plus parfaite. Sans doute cette Constitution affirme que les associations ne satisfaisant pas aux normes prescrites, ne constituent pas des « états de perfection», mais elle ne prétend nullement qu'en dehors de ceux-ci il n'existe pas de tendance véritable à la perfection.

Nous pensons en ce moment à tant d'hommes et de femmes de toutes conditions qui assument dans le monde moderne les professions et les charges les plus variées et qui, pour amour de Dieu et pour Le servir dans le prochain, lui consacrent leur personne et toute leur activité. Ils s'engagent à la pratique des conseils évangéliques par des vœux privés et secrets, connus de Dieu seul, et se font guider, pour ce qui regarde la soumission de l'obéissance et la pauvreté, par des personnes que l'Eglise a jugées aptes à cette fin, et à qui elle a confié la charge de diriger les autres dans l'exercice de la perfection. Aucun des éléments constitutifs de la perfection chrétienne et d'une tendance effective à son acquisition ne fait défaut chez ces hommes et ces femmes : ils y participent donc vraiment, bien qu'ils ne soient engagés dans aucun état juridique ou canonique de perfection.

Il est clair que la perfection chrétienne dans les éléments essentiels de sa définition et de sa réalisation ne prête à aucune rénovation ou adaptation. Mais, puisque les conditions de la vie moderne subissent de profonds changements, la manière de s'y appliquer demandera de son côté des modifications. Celles-ci affecteront ceux qui vivent dans les états de perfection et ceux qui n'en font point partie ; mais plus encore ceux-ci, surtout s'ils occupent un rang social élevé et de plus hautes charges. Ne sont-ils pas contraints alors de s'entourer d'un certain appareil d'aisance, de participer à des fêtes officielles, d'utiliser des moyens de transport coûteux : toutes choses qui paraissent difficilement conciliables avec le souci constant de mortification de quiconque désire suivre et imiter le Christ pauvre et humble ? Et pourtant, au milieu des biens matériels, ils ne s'écartent en rien de l'entière consécration d'eux-mêmes à Dieu et ne cessent d'offrir au Seigneur un holocauste sans réserves. Telle est l’œuvre de la grâce qui opère dans l'homme selon la parole du Christ : « Ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu » (Luc, XVIII, 27).

 – II. – Les états de perfection.

Les problèmes d'adaptation et de rénovation à l'intérieur des états de perfection retiendront davantage Notre attention, et Nous considérerons d'abord les personnes qui en font partie, puis les communautés elles-mêmes, dans leur tendance à la perfection.

1. Les membres des états de perfection.

Au sujet des personnes individuelles, Nous ne soulignerons qu'un seul point : ce que Nous avons dit, dans la première partie de Notre discours, sur la perfection de la vie chrétienne en général, s'applique aux membres de tous les états de perfection et forme leur devoir premier et essentiel, qu'ils soient inférieurs ou Supérieurs ; ils doivent s'unir à Dieu par la charité et s'offrir à lui en holocauste, imiter et suivre le Christ, sa doctrine, sa vie et sa Croix, se consacrer au service de l’œuvre du Christ, l'Eglise, comme des membres choisis et actifs du Corps Mystique. Mais une fois bien établie cette obligation essentielle, il ne leur est pas interdit de penser à la rénovation et à l'adaptation des moyens de s'en acquitter, sans manquer toutefois au respect dû à la tradition, et sans déroger aux prescriptions que les Constitutions considèrent comme inviolables ; les inférieurs observeront en outre la discipline religieuse, qui leur interdit de s'arroger ce qui relève de la compétence des Supérieurs et d'entreprendre de leur propre initiative, des réformes, qu'ils ne peuvent tenter sans leur autorisation.

2. Les communautés elles-mêmes.

Un premier point s'offre à l'examen : celui des relations mutuelles entre la communauté comme tout, et les individus, Supérieurs ou inférieurs, qui la constituent. Deux éléments importants demandent ici considération : d'abord l'esprit caractéristique, par lequel s'expriment les relations mutuelles des communautés avec leurs membres ; puis, les obstacles qu'engendrent certains préjugés contre l'obéissance religieuse, de laquelle dépend essentiellement la rénovation de l'esprit propre à la communauté.

Une société organisée constitue un tout et possède une physionomie typique, que chacun des membres contribue pour sa part à déterminer. Tout effort d'adaptation, entrepris à l'intérieur de ce groupement, entraîne nécessairement certaines modifications de son esprit propre ; c'est dire qu'on touche en quelque sorte à ses fibres les plus intimes. Or chaque société tient à conserver cet esprit intact, comme c'est son droit et son devoir ; elle désire en voir ses membres imprégnés et préoccupés d'en pénétrer leur vie. L'Eglise de son côté et les Souverains Pontifes, en approuvant un genre de vie déterminé, entendent qu'il se conserve dans toute sa pureté et y veillent avec soin.

Si l'on tombe d'accord pour reconnaître aux Supérieurs majeurs le droit de dire aux inférieurs quel est l'esprit de leur communauté, une question reste posée pour tous : où trouver l'expression objective de cet esprit ? Les Supérieurs majeurs ne peuvent en décider selon leur goût ou leur impression, même en toute bonne foi et sincérité. Si le Supérieur majeur est aussi le fondateur, et s'il a reçu de l'Eglise l'approbation de ses idées personnelles comme norme d'un état de perfection, il lui est toujours loisible d'en appeler à ses intentions propres. Mais dans le cas contraire, il doit revenir à l'idée du fondateur, telle qu'elle est exprimée dans les Constitutions approuvées par l'Eglise. Il ne lui suffit donc pas d'une conviction subjective, même étayée par tel ou tel passage des Constitutions. Lorsque le Supérieur propose aux membres de sa communauté l'esprit véritable du fondateur, il exerce son droit et les inférieurs doivent, en conscience, lui obéir. Les droits des Supérieurs et les devoirs des inférieurs sont en cela corrélatifs. L'Eglise et les Souverains Pontifes entendent toujours défendre les droits et urger les devoirs, mais sans sortir des justes limites. Pour éviter d'exaspérer les uns et les autres et conserver la paix, il suffit que chacun reconnaisse et pratique cette norme, qui fut depuis des siècles celle de l'Eglise et des Papes, et reste toujours en vigueur.

Pour en venir aux difficultés actuelles de l'obéissance religieuse, on remarque que le mouvement d'adaptation a provoqué en ce domaine une certaine tension ; non que fasse défaut un désir sincère de tendre à la perfection au moyen de l'obéissance, mais parce qu'on en accentue aujourd'hui certains traits, que même des religieux sérieux et de conscience délicate voudraient voir disparaître. On l'accuse en particulier de mettre en péril la dignité humaine du religieux, d'entraver la maturation de sa personnalité, de fausser son orientation vers Dieu seul. Ces objections, semble-t-il, s'appuient sur certaines désillusions éprouvées personnellement ou remarquées chez d'autres et font appel aussi à diverses considérations juridiques.

Afin de dissiper un sentiment de tristesse, issu d'une interprétation erronée des principes qui gouvernent la vie religieuse ou d'erreurs pratiques dans leur application, qu'on se rappelle d'abord la parole du Seigneur : « Venez à moi, vous qui peinez et ployez sous le fardeau, et je vous soulagerai… Devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos de vos âmes » (Matth., XI, 29). Si le Seigneur exhorte ainsi les hommes à se charger de son joug, c'est pour leur enseigner qu'au-delà de l'observance légale, facilement onéreuse et dure à porter, ils ont à découvrir le sens de la vraie soumission et de l'humilité chrétienne. Bien loin d'offenser la dignité de celui qui s'y soumet, elles le libèrent intérieurement, lui représentent l'acceptation de son état de sujétion non comme une contrainte imposée du dehors, mais comme une remise de soi entre les mains de Dieu dont la volonté s'exprime à travers l'autorité visible de ceux qui ont mission de commander. Le Supérieur de son côté exercera ses pouvoirs dans le même esprit évangélique : « Que le plus grand parmi vous, se comporte comme le plus jeune et celui qui commande comme le serviteur » (Luc, XXII, 26). La fermeté nécessaire s'accompagnera donc toujours chez lui du respect profond et de la délicatesse d'un cœur paternel.

L'état religieux fait-il obstacle à l'évolution harmonieuse de la personnalité humaine ? La contraint-il à rester dans un certain « infantilisme », comme d'aucuns le prétendent ?

Qu'on observe donc sans préjugé le comportement des hommes et des femmes, qui appartiennent aux états de perfection ! Personne n'oserait certes affirmer que la plupart d'entre eux souffrent d'infantilisme dans leur vie intellectuelle et affective ou dans leur action. Mais, poussant plus loin l'objection, on ne pourrait pas non plus prétendre que, du moins, les communautés et les Supérieurs les contraignent. au fil du temps, à adopter des manières de penser et d'agir qui prêteraient à ce reproche. Ceux qui s'en plaignent doivent se souvenir que saint Paul, fixant aux fidèles le but d'une vie ordonnée selon la foi, les invite à croître dans « l'édification au Corps du Christ », jusqu'à constituer « l'homme parfait dans la force de l'âge, qui réalise la plénitude du Christ. « Ainsi, continue-t-il, nous ne serons plus des enfants hésitants » (Ephes., v, 12-13). L'Apôtre ne permet donc pas aux fidèles de céder à l'infantilisme, mais il exige qu'ils deviennent des « hommes parfaits ». D'ailleurs, dans la première Epître aux Corinthiens, il rejetait de la façon la plus explicite chez les chrétiens adultes les modes de penser et de sentir, qui caractérisent l'enfance. « Quand j'étais enfant, je parlais en enfant, je pensais en enfant, je raisonnais en enfant. Mais devenu homme, j'ai fait dis-paraître ce qui était de l'enfant » (I Cor., XIII, 11).

Ce texte, Nous le citions déjà dans Notre allocution du 18 avril 1952 sur l'éducation de la conscience chrétienne, pour rappeler que le rôle d'une saine éducation est d'apprendre à l'homme à user judicieusement de sa liberté et à se passer de l'éducateur. Que chaque membre des états de perfection, Supérieur ou inférieur, s'applique les paroles de l'Apôtre ; alors tout danger d'infantilisme s'évanouira, sans pour autant mettre en cause le respect de l'autorité légitime ni la soumission sincère à ses décisions.

Nous ne revenons pas non plus sur ce que Nous avons dit dans Notre allocution du 8 décembre 1950 au premier Congrès des Etats de perfection, en réponse aux objections avancées contre une prétendue diminution de la valeur personnelle et sociale du religieux ; si ses droits subissent une certaine limitation, l'état auquel il appartient, l'offrande qu'il fait de lui-même par l'obéissance, lui confèrent une dignité qui compense largement le sacrifice consenti.

L'on tire encore argument contre l'obéissance du fait que la dépendance de l'homme à l'égard du Supérieur s'opposerait au domaine suprême et direct de Dieu sur les consciences. Prétendre que l'homme dépende d'un autre jusque dans sa vie personnelle et son activité, n'est-ce pas conférer au Supérieur des prérogatives réservées à Dieu seul ?

En fait, l'Eglise n'a jamais défendu ni approuvé pareille thèse. Elle regarde l'obéissance comme un moyen pour mener l'homme à Dieu. Parce que le motif qui l'inspire est celui

de l'union à Dieu et qu'elle est ordonnée finalement à l'accroissement de la charité, le Supérieur ne constitue nullement un obstacle interposé entre Dieu et l'inférieur et détournant à son profit l'hommage adressé à Dieu seul. Le Supérieur ne peut commander qu'au nom du Seigneur et en vertu des pouvoirs de sa charge, et l'inférieur ne doit obéir que par amour du Christ, et non pour des motifs humains d'utilité et de convenance ; encore moins par pure contrainte. De la sorte, il conservera, dans la soumission la plus complète, l'empressement joyeux de qui ratifie, par l'engagement concret de chaque jour, la donation totale de soi-même au Maître unique.

Le programme de votre second Congrès Général montre qu'il doit traiter abondamment des relations des communautés entre elles, dans la ligne du mouvement de rénovation et d'adaptation que vous poursuivez. Aussi n'est-ce pas Notre dessein d'entrer ici dans les détails. Nous sommes certains d'ailleurs que l'on observera fidèlement les règles fixées par la S. Congrégation des Religieux. Il Nous suffira de rappeler que, tout en conservant les distinctions qui existent, et doivent exister, entre les communautés, il faut tendre avec sincérité et bienveillance à l'union et à la collaboration. Il existe en effet une sorte de « bien commun » des communautés, lequel suppose que chacune est prête à tenir compte des autres, à s'adapter aux exigences d'une coordination qui comporte nécessairement aussi quelque renoncement en vue du bien général.

De vos communautés, unies par la grâce divine dans le Corps de l'Eglise, vaut par analogie ce que saint Paul expose dans le passage bien connu de la première Epître aux Corinthiens (XII, 12-27), sur les rapports des membres entre eux ; chacun de ceux qui appartiennent au Corps mérite à ce titre le secours de la collaboration de tous, en vue de l'unique bien commun, celui de la Sainte Eglise. Il est aisé d'en déduire les sentiments d'estime, de bienveillance, d'obligeance, le désir de collaborer, la sainte émulation, le désintéressement magnanime, qui présideront aux rapports des communautés entre elles. Chaque membre doit assurément tenir à sa nature et à sa fonction propre dans le corps, mais il doit aussi comprendre et respecter la fonction des autres et savoir composer avec eux en vue du plus grand bien commun.

Ce qui concerne les rapports des états de perfection avec le Vicaire du Christ et le Saint-Siège, n'a guère besoin d'être rappelé : les prérogatives du Siège Apostolique, fondées sur l'institution du Christ lui-même, et que l'Eglise au cours des siècles n'a fait qu'élucider et préciser, doivent demeurer inébranlables et sacrées. Si tout fidèle les respecte et s'y conforme, ceux qui sont dans un état de perfection sauront sur ce point donner l'exemple à tous. Il importe donc de chercher et de maintenir le contact avec lui. Dans l'Encyclique Humani generis, Nous avons souligné que la volonté d'éviter le contact et de se tenir à distance fut une raison importante des erreurs et des déviations qui s'y trouvent signalées ; et cette attitude regrettable fut le fait en particulier de certains membres des états de perfection. Ce contact, pour être efficace, sera plein de confiance, de sincérité, de docilité.

Le Siège Apostolique désire recevoir de vous des informations non seulement véridiques, mais encore franches, qui permettent de connaître le véritable état de chaque communauté en ce qui concerne la doctrine et la vie, la formation ascétique et l'observance, la discipline religieuse et l'administration temporelle, et ainsi du reste. C'est alors seulement qu'il est possible de promouvoir le bien et de corriger à temps le niai, car dans les dispositions d'esprit favorables dont Nous parlons, les réponses, règles et instructions du Saint-Siège portent leurs fruits.

Il est encore une chose sur laquelle Nous ne voulons pas manquer l'occasion de dire un mot, c'est la volonté de centralisation », que beaucoup prêtent au Saint-Siège et lui reprochent. Le mot « centralisation » peut désigner un système de gouvernement, qui prétend tout appeler à soi, tout décider, tout diriger, réduisant les subalternes au simple rôle d'instruments. Cette centralisation est absolument étrangère à l'esprit des Pontifes Romains et du Siège Apostolique. Mais le Saint-Siège ne peut renoncer à sa qualité de centre directeur de l'Eglise. Tout en laissant aux Supérieurs constitués les initiatives prévues par les Constitutions, il doit réserver son droit et exercer sa fonction de vigilance.

Ce qu'il conviendrait de dire au sujet de la rénovation et de l'adaptation des rapports des communautés entre elles et avec le Saint-Siège se trouve suffisamment indiqué, Nous semble-t-il, dans votre programme. Les principes, que Nous avons rappelés, vous offrent une direction et Nous ne doutons pas que vous saurez les approfondir avec fruit.

*

*     *

Le domaine de la perfection, dans lequel Nous avons fait avec vous quelques pas, est fort vaste et fort beau, mais il y reste encore des zones à explorer. Nous avons attiré votre attention sur la perfection en général et sur la perfection dans l'état de perfection. Nombreux sont aujourd'hui non seulement les clercs et les religieux, mais aussi les laïcs qui s'intéressent à ces questions ; en les confrontant avec certaines idées et principes modernes, ils y entrevoient des problèmes sérieux et complexes, dont la solution leur échappe cependant, malgré le vif désir qu'ils ont de la trouver. C'est pourquoi Noirs avons voulu leur apporter quelque lumière, en rappelant les principes qui permettent d'y répondre.

En terminant ce discours. Nous vous laisserons encore une pensée de saint Paul dans son Epître aux Colossiens (III 14) : « Par-dessus tout, ayez la charité, en laquelle se noue la perfection. » Au-delà des problèmes et des discussions, cherchez surtout l'union à Dieu, et vous approcherez sans cesse davantage de la perfection. Telle est la grâce que Nous vous souhaitons et que Nous implorons sur vous du Très-Haut, en vous accordant du fond du cœur Notre paternelle Bénédiction Apostolique.

                  De L'Osservatore Romano.  

Election

Dans la séance du 10 janvier 1958, le Conseil Général a élu le C. F. JUAN MARIA, Provincial de Norte (Espagne) comme successeur du C. F. CIPRIANO, décédé.  

Culte du Bienheureux Fondateur

 Supplique.

                TRÈS SAINT-PÈRE,

Le Frère Alessandro, Procureur Général de l'Institut des Petits Frères de Marie, humblement prosterné aux pieds de Votre Sainteté, implore ardemment que la solennité extérieure du Bienheureux Marcellin-Joseph-Benoît Champagnat, Confesseur, Fondateur dudit Institut, puisse être célébrée le 6 juin, même si c'est un dimanche, ou bien le dimanche qui précède ou celui qui suit, dans les maisons de l'Institut, ainsi que dans les églises paroissiales des endroits où se trouvent ces mêmes maisons, afin que, soit les Frères, soit leurs élèves qui en seraient empêchés par leurs occupations scolaires, puissent célébrer convenablement la mémoire du Bienheureux Père.

Réponse.

 SACRÉE CONGRÉGATION

DES RITES

Prot.N.J. 8/958

Rome, 20 février 1958.

 La Sacrée Congrégation des Rites, en vertu des pouvoirs à elle accordés par Notre Saint-Père le Pape Pie XII, après avoir examiné la demande et les motifs particuliers exposés, accorde favorablement, pour une période de dix ans, la célébration d'une seule Messe propre solennelle ou chantée et d'une Messe basse, pourvu que ce jour-là ne soit pas une fête double de première classe. Si c'était une fête double de deuxième classe, seule est autorisée une Messe propre solennelle ou chantée, moyennant le consentement préalable du curé de l'église paroissiale où la solennité doit être célébrée. Toutes les autres rubriques étant observées, et nonobstant toutes choses contraires.

A. CARINCI,

Archevêque de Séleucie,

  Secrétaire de la Sacrée Congrégation des Rites.

Henri DANTE, Substitut.

 *

*    *

 Le 15 mai, fête de saint Jean-Baptiste de La Salle, le calendrier religieux nous invite à : « nous unir aux Frères des Ecoles Chrétiennes pour demander, par l'intercession de leur saint Fondateur, de zélés et nombreux éducateurs ». Ces dignes religieux, auxquels nous unissent tant de liens fraternels, viennent à leur tour, de demander à la Sacrée Congrégation des Rites, qui le leur a accordé, l'autorisation de faire célébrer la messe du Bienheureux Marcellin Champagnat, dans leurs églises et chapelles le jour de sa fête.

Nous sommes très sensibles à cette démarche qui doit contribuer à rendre partout plus étroite l'union de nos deux familles religieuses dans la poursuite d'un idéal commun : « gagner le monde au Christ ».  

Guérison attribuée au Bienheureux Marcellin Champagnat

 à Iberville (Canada)

 (d'une lettre du 9 mars 1958).

 « Votre enfant ne marchera jamais, ne parlera jamais, et il sera toujours nourri par gavage il deviendra comme un animal. Priez donc le bon Dieu qu'Il vienne le chercher, et que ce ne soit pas long ! » Ce sont les paroles mêmes du docteur Claude Gauthier, neurologue de l'hôpital Notre-Dame, à la maman du petit Daniel Lavoie, 9 ans, élève de l'école Chabanel d'Iberville.

Après 20 jours de traitements contre le diabète[2], aux hôpitaux de Saint-Jean et Maisonneuve (Montréal), le petit Daniel faisait deux chutes consécutives en bas de son lit ; les médecins pratiquèrent quatre trépanations, puis diagnostiquèrent : encéphalite virale, traumatisme crânien, phlébite à la jambe gauche ; une broncho-pneumonie s'ajouta à ces complications, au sujet desquelles le diabétologue F. Joncas déclarait :

Un adulte fort n'aurait pu tenir le coup plus de 48 heures. » La paralysie – complète durant 18 jours – s'étant mise de la partie, l'enfant fut nourri par les narines pendant 52 jours ; on dut lui administrer treize ponctions lombaires et soixante-six anesthésies ; pendant 22 jours, la fièvre se maintint à 105 degrés ; elle atteignit même 106,3.

Ce n’est que le 8 décembre au matin que Daniel commença à donner quelque espoir de survie, en répondant par un signe de tête à une question de sa maman ; quelques jours plus tard, il pouvait se lever et marcher au grand étonnement de ses médecins qui avouèrent : « Madame, si Daniel va bien, ce n'est pas à cause de nos pilules. » En effet, les laboratoires les mieux réputés n'ont pas encore trouvé l'antibiotique de l'encéphalite virale dont souffrait notre petit malade. La Sœur Lesieur déclarait à Mme Lavoie que le même cas ne s'était vu qu'une fois en vingt et un ans, et c'est celui d'une petite fille guérie miraculeusement par la Sainte Vierge après une visite spéciale du cardinal Léger.

Quoi qu'il en soit, Daniel aujourd'hui est en pleine santé, et aussitôt qu'il aura réussi à se défaire d'une certaine difficulté d'articulation, il retournera à l'école.

Le Bienheureux Champagnat avait donc écouté ses camarades de classe, auxquels s'étaient joints les élèves de l'école Saint-Georges, qui lui avaient demandé la guérison de leur petit compagnon pour le jour de l'Immaculée-Conception. Qui dira la puissance de la prière des enfants ? N'ont-ils pas le secret de la «louange parfaite » ? Et cette relique, qui n'a jamais quitté le lit de Daniel n'était-elle pas encore la meilleure panacée ?

Force nous fut donc de commencer une seconde neuvaine, celle-là… en action de grâces.

F. VICTOR-LUCIEN, principal ;

F. JOSEPH-AZARIAS, vice-postulateur  

STATISTIQUE GÉNÉRALE de l'INSTITUT

au 1ier janvier 1958 

PERSONNEL ET ELEVES

ADMINISTRATION GÉNÉRALE.

PROVINCES ET DISTRICTS

 

 

Administr. générale et SFX10     13     16     30     75     14        11     100   139   4

Afrique du Sud                      19     53     25     97     26     9           4        39     136   9       3 683

Allemagne                             29     67     52     148   85     7           5        97     245   7       1 378

Argentine                               53     169   85     307   147   11        12     170   477   20     7 567

Beaucamps                           32     66     41     139   80     1           11     92     231   10     3.074

Belgique et Congo               69     203   113   385   157   20        20     197   582   44     20.034

Betica                                     96     253   69     418   216   28        23     267   685   25     11.384

Brésil Central                        89     255   88     132   233   19        18     270   702   18     9.922

Brésil Méridional                   82     219   68     369   357   30        21     408   777   31     12.939

Brésil Septentrional              44     153   64     261   240   13        19     272   533   17     7.754

Chili                                        39     73     45     157   104   –            10     114   271   13     5.318

Chine                                      6       102   48     156   27     –            –         27     183   13     7.208

Colombie                               66     88     101   255   201   23        12     236   491   23     8.685

Cuba-Amérique Centrale .  58     143   83     284   268   18        19     305   589   21     8.771

Etats-Unis                              144   262   80     486   137   38        29     2 04  690   25     13.311

Grande-Bretagne et Irlande 43     106   42     191   86     31        32     149   340   27     10.330

Iberville                                   94     207   84     385   421   20        26     467   852   34     14.983

Italie                                        42     73     62     177   158   10        9        177   354   9       2.715

Léon                                       98     198   60'    356   168   30        16     214   570   18     7.774

levante                                    78     218   57     353   148   10        15     173   526   23     9.329

Lévis                                       104   212   79     395   352   14        27     393   788   40     12.128

Melbourne                              47     90     30     167   64     11        11     86     253   25     7.434

Mexique                                 117   177   105   399   251   27        25     303   702   33     18.050

Norte                                      92     215   77     384   157   20        25     202   586   27     9.832

N.D. de l'Hermitage et N.-Cal.23     120   69     212   98     4           12     114   326   28     5.167

Nouvelle-Zélande                  44     109   45     198   100   18        14     112   330   27     8.531

Pérou                                     26     45     41     112   73     –            2        75     187   12     4 412

Saint-Genis-Laval                 52     187   96     335   113   8           11     132   467   39     5 472

Santa Catarina                      27     170   36     233   256   27        28     311   544   24     8 896

Sud-Est                                  19     72     67     158   53     3           2        58     216   17     3 070

Sud Ouest                              17     59     28     104   41     10        1        52     156   8       1 876

Sydney                                   82     178   48     308   88     28        27     143   451   39     12 550

Varennes-Orient                   44     110   122   276   175   15        7        197   473   29     9 749

Ceylan                                    9       12     12     33     16     –           4        20     53     6       2 882

Uruguay                                  18     20     20     58     41     3           1        45     103   7       1581

 

    TOTAUX                            1912 4697 2158 8767 5212 520  509  6241 15008 758  277798

 

 

LISTE DES FRÈRES

dont nous avons appris le décès depuis la circulaire du 9 décembre 1957

 

 Nom et âge des Défunts                              Lieux de Décès                           Dates des Décès

 

F. Paul-Bernardine         43     Stable           Glenelg (Australie)                                22 nov. 1957

F. Euthyme                      69     »                    Blancotte (France)                                27 » »

F. Fidel Antolino             20     Novice          Madrid (Espagne)                                30 » »

F. Cipriano                      65     Stable           Oronoz (Espagne)                                4 déc. »

F. Crispule                       81     Profès perp.Beaucamps (France)                           7 »   »

F. Méandre                      88     Stable           Varennes (France)                               7 »   »

F. Yves-Marie                  58     »                    Pipriac (France)                                    11 » »

F. Joannès-Léon            77     »                    Ganges (France)                                  16 » »

F. Victor-Louis                67     Profès perp.Tuy (Espagne)                                       18 » »

F. Henri-Victor                40     »                    Montréal (Canada)                               18 »  »

F. Eolde                           84     Stable           Tlalpan (Mexique)                                 24 »  »

F. Gerardo                       73     »                    Castilleja (Espagne)                             26 »  »

F. Severiano                   65     »                    Tlalpan (Mexique)                                 1ierjanv. 1958

F. Emile-Conrad             73     »                    Lajeado (Brésil)                                    3 »   »

F. Joseph Edward          66     »                    New-York (Etats-Unis)                          5 »   »

F. Job                               87     »                    La Cisterna (Chili)                                10 » »

F. Marie-Philadelphe     73     »                    Saint-Hyacinthe (Canada)                   11 »  »

F. León Pablo                 43     Profès perp.Murcia (Espagne)                                 18 »  »

F. Paul-Benjamin            83     »                    Auckland (Nouvelle-Zélande)              29 » »

F. Maria Estanislau        56     »                    Aracati (Brésil)                                      2 fév. »

F. Rodrigo                       32     »                    Barcelona (Espagne)                           4 »   »

F. Donan                          89     Stable           St-Paul-Trois-Châteaux (France)     7 »   »

E. Ricard                         90     »                    Athlone (Irlande)                                    8 »   »

F. Joseph-Michael          93     »                    Amchit (Liban)                                       13 » »

F. Adalbeaud-Marie       71     Profès perp.  Durban (Afrique du Sud)                      20 » »

F. Simón Miguel             60     »                    Avellanas (Espagne)                            24 » »

F. Aldérad                       80     Stable           Bonfim (Brésil)                                      24 » »

F. Emilio Serafín             45     »                    La Cisterna (Chili)                                26 » »

F. Antoine-Amédée        73     Profès perp.  Iberville (Canada)                                 27 » »

F. Paul-Dominique         74     Stable           Apipucos (Brésil)                                  2 mars »

F. Titien                            77     Profès perp.N.-D. de l'Hermitage (France)             7 »   »         

F. Jean-Philibert             70     Stable           Lagny (France)                                      8 »   »

F. Amabilis                      81     »                    St-Paul-Trois-Châteaux (France)         8 »   »

F. Onésime                     74     »                    Vaugneray (France)                             9 »   »

F. Joseph-Exupère         75     »                    Mendes (Brésil)                                    9 »   »

F. José Estanislao         67     Profès perp.   Mendes (Brésil)                                    12 » »

F. Ellas Victoriano          72     Stable           Luján (Argentine)                                  13 » »

F. Paulin-Antoine            50     Profès perp.  Saint-Genis-Laval (France)                 25 » »         

F. Calépode                    74     Stable           Saint-Genis-Laval (France)                 31 » »

F. Louis-Eugène             63     Profès perp.Bruxelles (Belgique)                             3 avr. »

F. Julio Paulino               61     Stable           Valladolid (Espagne)                           14 » »

F. Joseph-Antonio          74     »                    N.-D. de Lacabane (France)               15 » »

 

La présente circulaire sera lue en communauté à l'heure ordinaire de la lecture spirituelle.

Recevez, mes bien chers Frères, la nouvelle assurance du religieux attachement avec lequel je suis en J.M.J.

Votre très humble et tout dévoué serviteur.

Frère LÉONIDA, Supérieur Général.

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[1]Traduction de l’Osservatore Romano et sous-titres de la Documentation Catholique.

[2]Au début il absorbait plus de 60 doses d'insuline ; depuis une semaine, il n'en a plus besoin.

 

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