Circulaires 59

François

1856-01-29

059

51.01.01.1856.1

 1856/01/29

 V. J. M. J.

Notre-Dame de l'Hermitage, le 29 janvier 1856.

     Mes bien chers Frères,

 Le Seigneur Jésus continue de nous combler de consolation et de joie par les faveurs qu'il multiplie de plus en plus dans notre chère Société. Nous voyons avec bonheur qu'il se plaît à augmenter la famille de Marie, sa sainte Mère et la nôtre, en lui donnant sans cesse de nouveaux enfants. Malgré la mauvaise année, nos Noviciats se sont recrutés d'une manière satisfaisante et le choix des Postulants nous donne les plus heureuses espérances pour l'avenir de la Congrégation. Les Etablissements augmentent aussi à mesure que nous avons des sujets disponibles. Pendant l'année qui vient de s'écouler, nous en avons fondé vingt-six dans les Provinces du Nord, du Contre et du Midi.

 Cependant les demandes nous arrivent toujours en grand nombre de tous les points de la France, et nous sommes obligés, à regret, d'en ajourner la plus grande partie, parce que les sujets nous manquent pour pouvoir les remplir. C'est pourquoi, nous vous engageons, tout de nouveau, à favoriser les vocations parmi vos élèves, par de ferventes prières, par une éducation bien chrétienne, et surtout par l'exemple d'une vie pieuse, régulière et édifiante. C'est par la sainteté de voire vie que, selon l'expression de saint Paul, vous serez, à l’égard de tous vos enfants, la bonne odeur de Jésus-Christ, pour répandre efficacement la connaissance de son nom (Il Cor., 2), et que vous attirerez des sujets à la Société de sa divine Mère.

 Par une faveur signalée, que nous devons à la bienveillance de Nosseigneurs les Evêques, nous avons eu l'avantage de célébrer, dans nos Maisons de Noviciat, le premier anniversaire de la Promulgation du dogme de l'Immaculée Conception de la Sainte Vierge, par une octave solennelle de saluts et de bénédictions du Très Saint Sacrement. C'est un nouveau motif de confiance et d'encouragement pour tous les membres de l'Institut. En effet, de combien de grâces cette faveur n'aurait-elle pas été accompagnée ! Grâces et bénédictions qui se répandent sur toute la Société, et sur chacun de ses membres, comme la nourriture qui substante[1]tout notre corps, se distribue dans chacune de ses parties. Car, comme dit l'Apôtre, quoique nous soyons plusieurs, nous ne sommes tous néanmoins qu'un seul corps en Jésus-Christ, et nous sommes tous réciproquement les membres les uns les autres. (Rom., XII)

 Tâchons donc, M. T. C. F., de mettre à profit tous ces bienfaits, et n'oublions pas d'en témoigner à Dieu notre vive et affectueuse reconnaissance. Par ce moyen, nous nous rendrons dignes d'en recevoir de nouveaux, selon ce qui est dit dans l'Imitation de Jésus-Christ ; « Celui qui reconnaît dignement les grâces qu'il a reçues, en mérite toujours de nouvelles ; et comme Dieu résiste aux superbes et leur ôte ses dons, il élève les humbles et les comble de ses faveurs. » Livre (11, 10.)

 Renouvelons-nous pour cela dans l'esprit de notre état et dans la dévotion à la Vierge Immaculée, et faisons en sorte que toute notre vie et chacune de nos actions, animées par la charité, la ferveur et le zèle, soient une action de grâces continuelle des biens que nous avons reçus, et une constante préparation à ceux que le Seigneur nous réserve encore.

 Dans le même but, je vous recommande de bien étudier et méditer le petit Manuel de Piété qui vous a été remis, afin de vous fortifier et de vous affermir de plus en plus dans la connaissance et la pratique des devoirs et des obligations de votre sainte vocation. Les Frères qui, d'après la Règle (III° Part., ch. XI, art. 8), doivent réciter le Catéchisme tous les jours, le réciteront alternativement avec le Manuel de Piété.

 Les Frères Directeurs ne négligeront rien, pour que cette étude se fasse de manière à produire les fruits que nous avons lieu d'en attendre pour le bien général de l'Institut, et celui de chaque Frère en particulier. Nous avons appris avec beaucoup de plaisir les heureux effets qu'elle a déjà produits dans les Maisons où elle se fait régulièrement.

 La lecture des Règles Communes doit se faire aussi bien exactement, comme elle est prescrite au chapitre XII, art. 9 et 10 de la le Partie. Les Règles particulières dont il est parlé à l'art. 9, sont celles des Frères employés dans l'administration de l'Institut, et désignés au chap. Il de la 1ière Partie des Constitutions, ainsi que celles des Frères chargés du temporel, qui forment le chap. XIV de la III° Partie des Règles Communes.

 Quant à la lecture du Guide prescrite par la Règle (III° Part., ch. v, art. 22), elle peut se faire dans le temps marqué pour l'étude de la Religion, lorsqu'on a préparé suffisamment le Catéchisme que l'on doit faire aux enfants. Il est à désirer qu'il y ait assez d'exemplaires du Guide dans chaque maison pour que les Frères puissent le lire commodément.

 Mais, vous le savez, M. T. C. F., toute grâce excellente et tout don parfait vient d'en-haut et descend du Père des lumières (Jacq., I.) De nous-mêmes, nous ne sommes pas capables d'avoir même une bonne pensée, c'est Dieu qui nous en rend capables (II. Cor.,III.)C'est pourquoi je vous engage à unir constamment la prière à l'étude, afin qu'en acquérant la connaissance de vos devoirs, vous obteniez les secours et les forces nécessaires pour  les remplir avec toute la perfection que demandent la sainteté de notre état et les moyens de salut qui sont entre nos mains, et dont il ne tient qu'à nous de profiter, puisque, comme Jésus-Christ nous l'assure dans l'Evangile, tout est possible, tout est accordé à celui qui prie avec foi et confiance. (Matth., VII. ; Marc, IX.)Je vous recommande donc instamment de vous appliquer toujours à mieux faire vos exercices de piété, pour acquérir l'esprit de prière et d'oraison. Avec cela, vous obtiendrez tout, vous deviendrez capables de tout, et rien ne vous arrêtera dans le chemin de la perfection. Heureux l'Institut, heureux l'Etablissement où règne cet, esprit de prière. C'est là que se forment les bons sujets ; c'est là que les enfants reçoivent une éducation solide et chrétienne: Celui qui met toute son affection dans la loi du Seigneur, dit le Psalmiste, et qui la médite jour et nuit, est semblable à un arbre planté sur le bord des eaux courantes, qui porte son fruit en son temps, dont la feuille ne tombe point ; et tout ce qu'il fera réussira heureusement (Ps. 1). Un Frère qui ne fait pas bien ses prières, un Frère Directeur qui ne met pas tous ses soins à ce que les exercices de piété se fassent bien selon la Règle, pourra éprouver de grands regrets à l'heure de la mort, à cause du préjudice qu'il s'est causé à lui-même et aux autres par cette négligence.

 Comme nous vous l'avons déjà exprimé dans la dernière, Circulaire, nous désirons qu'il y ait une parfaite uniformité dans toutes nos Maisons, pour les prières qui se récitent en communauté, selon qu'elles sont marquées dans le Manuel de piété. Il n'y a rien de changé à celles qu'on était en usage de faire avant l'office. On continue de dire, le matin, le Veni, Sancte Spiritus en latin, et le soir en français, avec l'acte de contrition ; à moins que l'office ne suive immédiatement la méditation ; car alors on dit seulement l'Aperi. On récite aussi, comme à l'ordinaire, les prières après l'office jusqu'à Inviolata inclusivement, en terminant par le Sub tuum, en latin le matin, et en français le soir. Le Benedicite et les Grâces doivent se dire dans tous les Etablissements, comme ils sont dans le Manuel.

 La Méthode d'oraison, que le Frère Directeur est obligé, selon la Règle (II° Part., chap. XI, art. 8), de faire réciter à tous les Frères, comprend les chap. III et IV du Manuel. Le Frère Directeur doit aussi faire réciter de temps en temps les prières journalières, telles que celles du matin et du soir, les Intentions pour chaque jour de la semaine, la manière de réciter le chapelet, de répondre à la sainte Messe, et autres qui sont dans le Manuel, a in qu'on ne les oublie pas, et que chacun puisse les faire convenablement tant en public qu'en particulier.

 Je vous recommande encore d'avoir soin d'apprendre et de faire avec exactitude et dévotion les petites prières qui sont dans le Recueil des Cantiques, pour les diverses actions et circonstances de la journée. Vous y trouverez également toutes celles qui sont indiquées dans le Guide des Ecoles, pour faire apprendre et réciter aux enfants.

 La prière en passant devant une église, page 34, se fait aussi en y entrant ; et celle dont il est parlé dans la II Partie, chap. v, 3ièmesection, est dans le Cantique, Page Il, et dans le Manuel, page 190 ;pour l'élévation de la Messe, Verbe incarné, divin Jésus, vrai Dieu, vrai homme, on peut se contenter d'apprendre la première aspiration aux petits enfants.

 Il y a dans le Guide une faute d'impression à l'indication de la prière avant le Catéchisme ; au lieu de, mon Dieu, je suis, etc., lisez : mon Dieu, je vais écouter, etc., comme dans le Cantique, page 37. A la fin de cette prière, comme pour les deux suivantes, les enfants répondent : Je continuerai, ô mon Dieu, etc. Elle se fait immédiatement avant le catéchisme, au signal donné par le sonneur en même temps pour toutes les classes.

 La musique de notre Recueil de cantiques est imprimée. Le Frère Bibliothécaire pourra maintenant vous en fournir, selon que vous le désirerez, avec les airs notés.

 Nous avons mis tous nos soins pour avoir des airs bien convenables, à la portée des enfants de nos Ecoles, et qui puissent servir d'exercice musical dans les Noviciats et les Pensionnats. Plusieurs artistes habiles et charitables ont bien voulu concourir à cette Œuvre et contribuer ainsi à rendre notre Recueil plus utile, plus complet et plus intéressant.

 Je profite de cette circonstance, M. T. C. F., pour vous engager à vous conformer fidèlement à tout ce qui est marqué dans le Guide des Ecoles (III° Partie, chapitre II, 2° section), sur le chant des cantiques. Ne manquez pas de faire chanter à vos enfants, tous les jours, avant le Catéchisme du soir, un cantique bien choisi, selon le temps et les mystères que l'Eglise célèbre dans le cours de l'année. C'est pour vous faciliter la pratique de cet exercice que nous avons joint à la table du Recueil un Choix de cantiques pour toutes les semaines de l'année. Le chant des Cantiques est pour tous, mais principalement pour les enfants, une instruction agréable et salutaire, qui pénètre doucement l'esprit des vérités de la religion et rend la vertu aimable et facile. Quand on sait les y intéresser et exciter leur ardeur, ils se plaisent, non seulement à chanter dans l'Eglise et dans l'Ecole, mais encore à répéter ces cantiques dans leur famille, et même dans les champs. Quelle plus douce, plus agréable et plus sainte occupation ! et combien n'est-il pas consolant de les entendre ! L'apôtre saint Paul recommandait souvent cette pieuse pratique aux premiers chrétiens pour les affermir dans leurs saintes dispositions. Instruisez-vous et exhortez-vous les uns les autres par des cantiques spirituels, chantant avec édification les louanges du Seigneur, dit-il, dans son épître aux Colossiens, chapitre III. Remplissez-vous du Saint-Esprit, ajoute-t-il, écrivant aux Ephésiens ; vous entretenant de cantiques spirituels, et chantant du fond de vos cœurs à la gloire du Seigneur (Ephés.,5). Quelqu'un parmi vous est-il dans la tristesse, dit saint Jacques, qu'il prie ; est-il dans la joie, qu'il chante des cantiques (Jacq., 5)  Les Missionnaires apostoliques emploient aujourd'hui le même moyen pour graver plus profondément dans le cœur de leurs chers néophytes les vérités de la religion ; plusieurs d'entre vous peuvent se souvenir encore des exhortations touchantes et des vives recommandations que nous faisait là-dessus notre pieux et vénéré Fondateur, dont nous nous occupons actuellement de faire imprimer la vie.

 La Bible de Genoude ayant été mise à l'index, ceux d'entre vous qui l'auraient dans leur Etablissement, auront soin de l'apporter à la Maison-Mère ; attendu que, d'après cette décision de la Sacrée Congrégation, il n'est plus permis de s'en servir.

 Les Frères qui désirent faire des vœux et qui sont dans les conditions requises pour cela, n'oublieront pas de faire leur demande au mois de mars, selon la formule insérée dans le Manuel de piété, page 279, sur une feuille à part, qui sera conservée dans les archives du Régime, conformément aux Constitutions. Quoique les Frères qui demandent à faire le vœu de stabilité ne soient pas portés sur la liste envoyée aux Frères Profès, ils doivent néanmoins faire leur demande dans le même temps, afin que le Régime puisse plus facilement remplir les formalités nécessaires pour leur admission. Il est bon de vous avertir à ce sujet, que le Chapitre Général, dans sa séance du 15 mai, troisième année, a arrêté, comme article transitoire, que tant qu'il n'y aura pas cinquante Frères qui auront fait vœu de stabilité, on pourra admettre à faire ce vœu les Frères qui auront cinq ans de profession, pourvu qu'ils possèdent les qualités requises.

 Il est probable que nous serons dans le cas de réunir le Grand Conseil cette année.

 Voici les noms des Frères choisis et nommés par le Régime pour en faire partie : F. Malachie, F. Marie, F. Andronic, F. Léon, F. Chrysogone, F. Louis-Régis.

 Le Seigneur vient d'appeler à lui notre cher Frère Vitalique, profès depuis 1853. Il est décédé à Notre-Dame de l'Hermitage, dimanche passé, 27 janvier, pendant que la Communauté chantait le Salve Regina à la chapelle. Il a eu tous les secours de la religion, et il s'est endormi paisiblement dans le Seigneur, en prononçant les doux noms de Jésus et de Marie, je le recommande à vos prières.

 Vous avez vu dans les Annales de la Propagation de la Foi (mois de décembre 1855) que notre cher Frère Paschase est mort en Océanie d'une manière bien édifiante ; priez aussi pour le repos de son âme.

 J'ai reçu dernièrement une lettre du Frère Marie-Nizier qui me donne quelques détails sur les îles Fidji, et signale quelques actes de cannibalisme commis par les sauvages qui habitent cet archipel. Ce bon Frère termine ainsi son affectueuse lettre : « Permettez, mon R. F. Supérieur, que nos chers Frères trouvent ici l'expression de mes sincères remerciements de l'attachement et de l'affection qu'ils nous portent, et que vous nous avez exprimés dans votre lettre. Qu'ils continuent donc à prier pour nos pauvres néophytes : car le démon prend une infinité de moyens pour les détourner du droit chemin. De mon côté, je ne les oublie et ne les oublierai jamais. C'est un bonheur pour moi d'apprendre le bien que le bon Dieu fait par leur entremise. Mais ce bonheur ne sera à son comble que lorsque, après avoir traversé, sans faire naufrage, tant d'écueils dont est semée la mer orageuse de cette vie, nous pourrons, réunis aux pieds de notre bonne et tendre Mère, joui r du repos inaltérable, qu'il faut espérer que Dieu, dans sa miséricorde, nous donnera pour prix de nos faibles travaux (île de Futuna, le 23 mai 1855). »

 Ce sont bien là aussi, M. T. C. F., les vœux que je forme pour vous et le bonheur que je vous souhaite, en retour des témoignages d'attachement, de reconnaissance et de dévouement que vous nous donnez à l'occasion de la nouvelle année. De mon côté, je vous ai aussi tous consacrés d'une manière spéciale, dans cette circonstance, à Jésus-Enfant et à Marie sa Mère; et tous les jours je les supplie instamment de vous assister, de vous conserver dans la grâce et dans l'amour de Dieu, et de vous faire avancer de plus en plus dans la perfection de votre sainte vocation. Mais il ne faut pas nous contenter de nous souhaiter mutuellement la bonne année, il faut surtout tâcher de nous la procurer, chacun selon notre position et notre emploi, par une grande piété, une tendre charité et une exacte régularité.

 Je vous conjure donc, comme l'Apôtre, de vous conduire toujours d'une manière digne de l'Etat auquel vous avez été appelés ; pratiquant en toutes choses l'humilité, la douceur et la patience, vous supportant les uns les autres avec charité, et travaillant avec soin à conserver l'unité d'un même esprit par le lien de la paix (Ephés., 4).

 Je serai heureux si nous n'avons à enregistrer aucune mauvaise note, aucun manquement volontaire et prémédité à la Règle, aucun abus, ni aucun scandale dans nos Maisons ; mais, au contraire, beaucoup d'actes de piété, de docilité, de zèle et de dévouement.

 Dans cette douce confiance, je suis avec une affection bien cordiale,

Mes bien chers Frères,

Votre très humble et très dévoué serviteur,

     F. François.

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[1] : Néologisme : qui « nourrit ». NDLR.

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