Circulaires 76

Louis-Marie

1862-07-16

Les Retraites, la Vocation (ou les huit Béatitudes), et les Pratiques du mois d'août : trois moyens pour la bonne mort

O76

51.O2.O1.1862.3

 1862/O7/16

     J. M. J.

N.-D. de Saint-Genis-Laval, le 16 juillet 1862.

Fête de N.-D. du Carmel.

    Mes Très Chers Frères,

 Voici l'ordre que nous suivrons, cette année, pour nos vacances et nos Retraites.

 Le mois de septembre sera le mois ordinaire des vacances.

 Les Retraites auront lieu ainsi qu'il suit

 Du 8 août au 15 août, à Glasgow, pour les Frères de Glasgow et de Dundee, en Ecosse, et de Sligo, en Irlande. Les Frères de Londres viendront faire leur Retraite à Beaucamps.

 Du 24 au 31 août, pour la Province de Notre-Dame de Saint-Genis-Laval. Les classes, dans cette Province, pourront se terminer le 21 août. Dans les autres, elles se continuent jusqu'à la fin du mois.

 Du 31 août au 7 septembre, pour la Province du Nord.

 Du 7 au 14 septembre, pour la Province de Notre-Dame de l'Hermitage.

 Du 14 au 21 septembre, pour la Province de Viviers.

 Du 23 au 30 septembre, pour la Province de Saint-Paul-trois-Châteaux.

 Du 28 septembre au 5 octobre, pour la Province de l'Ouest.

 Il faut que les Frères de chaque Etablissement aient soin de se rendre ensemble à la Retraite, et qu'ils soient tous arrivés, dans la Maison désignée, la veille du jour de l'ouverture. Je recommande tout de nouveau ces deux points au zèle et à l'attention des Frères Directeurs.

 La Maison-Mère et les maisons provinciales remettront, comme l’année dernière, à chaque frère, au départ, une chemise, un rabat et un mouchoir de poche neufs. On pourra donc se dispenser d’apporter du linge en venant à la retraite ; mais il faut qu’on ait soin d’en changer le jour même qu’on s’y rend.

 ———————————-

 Les frères directeur doivent apporter toutes les parties du vestiaire des frères qui auraient été laissées dans leurs maisons : tels que souliers, soutanes, manteaux, etc. …. Quand même ces objets sembleraient hors d’usage. on tire avantageusement parti des vieux souliers pour les chaussures d’hiver ; et les vieux habits sont reçus avec reconnaissance, dans une foule de paroisses de montagne, pour les besoins des pauvres.

 ———————————-

 Tous les frères profès doivent donner leurs observations sur les aspirants aux vœux (vœu d’obéissance et vœux perpétuels) avec lesquels ils se sont trouvés ou qu’ils connaissent. On devra joindre ces observations à la première lettre qu’on aura à écrire à la maison-mère, après la réception de la Circulaire ; et, si l’on n’a pas à écrire, on les remettra, en arrivant, au frère Directeur de la maison. la liste des vœux doit être mise à la disposition de tous les frères profès, et les frères Directeurs tiendront à ce que chacun donne les renseignements demandés conformément aux Constitutions.

 ———————————-

 Qu’on n’oublie pas ce qui a été réglé et arrêté par le Chapitre Général de 186O concernant les livres de prix et les fournitures. La maison-mère et les maisons provinciales se sont mises en mesure de satisfaire à toutes les demandes et à tous les besoins. Les frères Directeurs doivent régler et solder leurs comptes de classiques, avant de compléter leur versement à la Procure.

 ———————————-

Il est absolument nécessaire que nous ayons très exactement :

1° Les nom, prénoms lieu et date de naissance de chaque Frère,

2° Le lieu et la date de chaque brevet,

3°Les noms de toutes les communes où frère a résidé, le temps qu’il y a passé, et les emplois qu’il y a remplis.

Tous les frères auront soin de se rendre au Secrétariat de la maison où se fait la retraite, pour donner ou vérifier ces divers renseignements, et y déposer leur acte de naissance dûment légalisé.

Ceux qui auront 18 ans accomplis au mois de mars prochain, et qui se croiront capables d’obtenir le brevet dans le courant de l’année 1863, devront signer, de leur nom de famille, deux demandes d’inscription qu’ils laisseront au Secrétariat, où on les remplira, avant de les expédier avec leur acte de naissance. Si cette dernière pièce ne se trouve pas à la maison, où ils font la retraite, il est nécessaire qu’ils indiquent où elle est déposée. Ceux qui désireraient se faire interroger sur des matières facultatives, signeront une déclaration spéciale où l’on désignera ces paries. A l’époque des examens, on les informera de la Commission devant laquelle auront à se présenter.

 Tous les Frères qui sont nés en 1842 et qui ont à faire leur engagement décennal, auront soin de signer, de leur nom de famille, sur une feuille de papier timbré, la formule de leur engagement, de donner très exactement l'adresse de leurs parents ou tuteur, et d'indiquer s'ils savent signer ou non.

 ———————————-

 Les Frères Directeurs se prêteront avec empressement aux désirs de l'Administration en ce qui concerne la Société du Prince Impérial. C'est une œuvre de charité qu'ils doivent être heureux de favoriser conformément aux instructions qui leur sont adressées par MM. les Inspecteurs. Le Frère Directeur de chaque Maison pourra s'inscrire comme donateur pour la somme d'un franc, la modicité de notre traitement ne nous permet pas de dépasser ce chiffre.

 ———————————-

 Je vous renouvelle à tous, et avec les plus vives instances, la recommandation qui vous a été faite tant de fois, d'observer très exactement toutes les prescriptions de la Règle dans vos rapports avec les enfants, Les Frères Directeurs qui manqueraient de vigilance sur ce point capital, s'exposeraient aux plus grands dangers, et exposeraient avec eux leurs Frères, leur Maison et même toute la Congrégation. Dès qu'un Frère, quel qu'il soit, laisse apercevoir quelque sympathie particulière pour certains enfants, surtout s'il a avec eux les moindres familiarités, il doit être averti sur-le-champ ; et, s'il n'y a pas amendement immédiat et complet, il faut que les Supérieurs soient prévenus.

 Ne vous permettez jamais de toucher les enfants aux mains, à la figure, ni de quelque manière que ce soit ; ne souffrez pas non plus qu'ils vous approchent par badinerie, ni qu'ils se donnent avec vous la moindre liberté qui ressente la. familiarité. Ce sont des précautions dont la Règle vous fait un devoir, et il est de vos plus chers intérêts de ne jamais vous en départir.

 Je vous rappelle aussi sur ce même point l'article 12 du Chapitre IV de la 2ième Partie des Règles Communes : « Comme la fuite des occasions est le plus sûr moyen de conserver sans tache la pureté, s'il arrivait qu'un Frère se trouvât dans un danger prochain de pécher,  Soit à raison de son emploi, du lieu où il serait placé, de certaines liaisons qu'il aurait eu l'imprudence de  former, soit de toute autre manière, il devrait faire connaître, avec humilité et simplicité, son état au Frère Supérieur, qui ne manquera pas de lui fournir les  moyens convenables pour en sortir. »

 Combien, en effet, ne vaut-il pas mieux, par un aveu humble et généreux, prévenir le scandale avec ses suites épouvantables, que se perdre soi-même et perdre les autres avec soi, en restant dans le danger ! Du reste, personne ne doit ignorer que Dieu et ses Anges veillent sur la vertu et l'innocence des enfants ; que quiconque ose y attenter est tôt ou tard découvert; et que, si un repentir sincère et une pénitence véritable peuvent soustraire le coupable aux coups de la justice de Dieu, rien ne peut le dérober aux poursuites de la justice humaine et aux peines infamantes dont elle punit ces attentats. « Malheur, dit Jésus-Christ, à l'homme par qui le scandale arrive… Si quelqu'un scandalise un de ces petits qui croient en moi, il vaudrait mieux pour lui qu'on lui attachât une meule de moulin au cou et qu'on le jetât au fond de la mer »(Matth., XVIII, 6 et 7).

 ———————————-

 

Voici la liste des Frères décédés depuis la Circulaire du 19 mars dernier :

 F. Hermogène, V. O., décédé à Saint-Paul-trois-Châteaux, le 9 avril 1862.

F. Datius, Profès, décédé à Saint-Paul-trois-Châteaux, le 18 avril 1862.

F. Juliat, V. O., décédé à Saint-Paul-trois-Châteaux, le, 3O avril 1862.

F. Licerius,Novice, décédé à Notre-Dame de Saint-Genis-Laval, le 10 mai 1862.

F. Jean de Britto, V. O.,décédé à Saint-Paul-trois-Châteaux, le 10 mai 1862.

F. Anastasius, V. O., décédé à Notre-Dame de Saint-Genis-Laval, le 13 mai 1862.

F. Baruch, Profès, décédé à Montluel (Ain), le 3 juillet 1862.

F. Romuald, Profès, décédé à Montluel (Ain), le 4 juillet 1862.

F. Almaque, Profès, décédé à Notre-Dame de Saint-Genis-Laval, le 10 juillet 1862.

F. Acatius, Profès, décédé dans sa famille, à Saint-Vincent-de-Barrès (Ardèche), le 16 juillet 1862.

F. Théotique, Profès, décédé à Lyon (Rhône), le 20 juillet 1862.

 

Vous voyez, M.T. C. F., que la mort continue à choisir ses victimes parmi nous. En quatre mois, onze de nos Confrères sont entrés dans la maison de leur éternité et sont allés rendre compte au Souverain Juge de toutes leurs pensées, de toutes leurs paroles et de toutes leurs œuvres. Ils portent à vingt-quatre le nombre des Frères qui ont fait avec nous la Retraite de 1861 et qui ne la feront plus ; pour eux, elle a été la dernière. N'est-ce pas le plus puissant avertissement qui puisse nous être donné à tous de nous préparer de notre mieux à celle qui nous est annoncée aujourd'hui ? Oh! quel bonheur pour ces Frères que Dieu a appelés à lui dans le cours de ces douze mois, d'avoir, à la dernière Retraite, mis bon ordre à toutes les affaires de leur conscience ; et, en s'affermissant pour l'année dans la grâce et l'amitié de Dieu, clans l'estime et l'amour de leur vocation, d'avoir assuré leur persévérance finale! Comme ils bénissent en ce moment les efforts qu'ils ont faits pour bien s'acquitter de ces saints exercices! Comme ils sont heureux de la ferveur qu'ils y ont apportée, de la générosité avec laquelle ils ont fait les aveux nécessaires au Confesseur, au Supérieur, avec laquelle ils se sont prémunis contre tous les dangers !

 Mais, M. T. C. F., qui nous dit que nous n'aurons pas, dans l'année qui va suivre, à payer le même tribut à la mort? Qui nous dit que nous ne serons pas du nombre des victimes qu'elle s'apprête encore à faire parmi nous ? Imitons donc ces chers Défunts dont nous pleurons la perte, mais dont nous concevons de si douces espérances, à cause de la mort sainte qu'ils ont faite. Ayons assez de foi, ayons assez de raison et de courage pour prendre, comme eux, le parti le plus sûr, le parti le plus sage, le parti de faire une bonne et excellente Retraite, de la faire en préparation à notre mort prochaine, de la faire comme si nous avions la complète assurance qu'elle sera la dernière.

 Au jugement de Dieu, il faudra rendre compte de toutes nos pensées, de toutes nos paroles et de toutes nos œuvres. interrogeons-nous, jugeons-nous d'avance et sur les unes et sur les autres. La Retraite nous est donnée pour faire une revue sévère, exacte, de notre conscience, de notre esprit, de notre cœur, de notre volonté, de notre âme tout entière.

 Notre conscience est-elle en bon état ? Sommes-nous tranquilles, et avons-nous raison de l'être, sur nos confessions, sur nos communions, sur l'observation de nos vœux, sur l'accomplissement de nos devoirs d'état, la surveillance et l'instruction des enfants, la préparation et l'enseignement du Catéchisme, l'administration du temporel de nos Maisons, la direction et la formation de nos Frères, nos rapports avec les enfants et les séculiers, l'observance de nos Règles ? Où en sommes-nous sur tous ces points ? Où en sommes-nous comme Chrétiens, comme Religieux, comme Instituteurs, comme Directeurs ? Habituellement, ménageons-nous notre conscience, la consultons-nous, l'écoutons-nous ? Est-elle droite et éclairée ? Ou bien est-elle fausse et aveugle ? Oh ! qu'il importe à un Religieux, dont la. vie s'écoule au milieu des choses saintes et des Sacrements, qu'il lui importe de ménager sa conscience, de ne jamais la maltraiter ! N'attendons pas, M. T. C. F., n'attendons pas le moment de la mort pour calmer ses inquiétudes. La Retraite nous est donnée pour cela, profitons-en.

 Profitons-en pour voir où en est notre esprit, quels sont ses pensées, ses vues, ses appréciations, ses jugements ; ce qu'il pense de Dieu, du salut, de l'éternité ; ce qu'il fait pour croître dans la connaissance de Notre-Seigneur Jésus-Christ et dans la science des Saints ; comment il envisage la pauvreté, les souffrances, les humiliations ; quelle estime il fait de la vocation religieuse, des Règles et de toutes les choses de la foi. Est-ce la foi qui domine dans nos pensées et nos jugements, qui les forme et les dirige ? Sur toutes choses et en toutes occasions, nous disons-nous avec les Saints et comme les Saints : QU'EST-CE QUE CELA POUR L'ÉTERNITÉ? Qu'est-ce que cette peine, cette privation, ce travail, cette humiliation, cet acte d'obéissance, au prix des joies, des richesses, des gloires infinies du paradis? Qu'est-ce que ce plaisir, cette jouissance, cette vanité, cette fortune, cet honneur d'un jour, d'un instant, s'il faut les acheter par les maux éternels de l'enfer ? Ayons, M. T. C. F., ayons le bon esprit de nous sauver. Laissons les enfants des hommes se tromper dans la balance de leurs desseins (Ps. LXI, 9), et courir après les fêtes et les plaisirs, après les honneurs et les dignités, après la liberté et l'indépendance ; pour nous, ne connaissons d'autre sagesse que celle qui fait craindre le Seigneur ; d'autre intelligence que celle qui nous éloigne du mal, d'autre science que la science du salut. C'est la seule à laquelle on peut reconnaître ]es vrais sages et les bons esprits. La Retraite est l'école de cette sagesse divine, de cette science sublime; ne négligeons rien, pendant ces saints exercices, pour refaire toutes nos pensées, toutes nos vues, tous nos jugements sur les pensées de la foi, sur les grandes vues du salut et de l'éternité.

 A cette lumière divine, les plaies, les maladies, les faiblesses de notre cœur nous apparaîtront sans peine. C'est aussi dans la Retraite que nous devons voir où il en est : s'il est libre ou enchaîné ; s'il est docile, sensible, reconnaissant, ou bien, raide, dur, ingrat ; s'il est à Dieu ou à la créature ; ce qu'il aime, ce qu'il désire, ce qu'il craint ; quels progrès il a faits dans l'amour de Notre-Seigneur Jésus-Christ. C'est dans la Retraite que nous ayons à examiner quelles plaies mortelles, quelles blessures dangereuses, la chair, le monde, le démon, le péché auraient pu lui faire ; de quelles maladies il est atteint ; à quelles faiblesses, à quelles langueurs il se laisse aller. Travaillons de toutes nos forces, M. T. C. F., à nous rendre maîtres de notre cœur, à le donner tout à Dieu, Mon fils, donne-moi ton cœur (Prov., XXIII, 26), à le garder, à le conserver tout pour Dieu. Nous trouverons dans la Retraite la guérison de toutes ses plaies, le remède à toutes ses maladies, la force contre toutes ses faiblesses. N'en sortons pas qu'il ne soit tout renouvelé dans l'amour de Notre-Seigneur Jésus-Christ, tout rempli du désir de procurer sa gloire et de le servir avec une ferveur qui ne se démente plus désormais.

 Et notre volonté, oh! qu'il est nécessaire que la Retraite vienne la raffermir dans le bien ! Que de légèreté, que d'inconstances dans nos résolutions ! que de lâchetés dans la pratique du bien ! que de faiblesses, que d'hésitations dans la fuite du mal ! Pour triompher des mauvaises suggestions du démon, des coupables entraînements de la chair, de toutes les séductions du monde, il faut les repousser, promptement, énergiquement, absolument. Savons-nous le faire? Pour pratiquer l'humilité, l'obéissance, la chasteté, tous nos devoirs, il faut les embrasser avec courage, avec force, avec énergie. Avons-nous cette générosité? Notre volonté sait-elle dire non, sait-elle dire oui? Sait-elle donner au démon, au monde, à la chair, à toutes les tentations, un NON ferme, absolu, irrévocable ? Sait-elle accorder à Dieu, à la piété, à la Règle, aux inspirations de la grâce et de la conscience un OUI généreux, constant ? Rien de plus nécessaire que de fortifier sans cesse notre volonté contre le péché, d'affermir sans cesse sa détermination pour le bien. C'est l’œuvre spéciale de la Retraite. C'est le fruit particulier que nous devons en retirer. Qu'elle ne se passe pour personne, qu'elle ne s'achève pour aucun de nous, sans qu'il dise de toute son âme, de tout son cœur, de toute la force de sa volonté éclairée par la foi, raffermie par la grâce : C'en est fait, je veux être à Dieu, tout à Dieu, à Dieu uniquement, à Dieu pour toujours.

 Enfin, M. T. C. F., nous aurons à revoir notre âme tout entière, à nous demander et à examiner si elle est vivante on morte, si elle est tiède ou fervente ; si elle a avancé ou reculé dans la voie du salut et de la perfection ; ce qu'elle pèse devant Dieu et au poids du sanctuaire, afin qu’au jour du jugement ses œuvres ne soient pas trouvées trop légères. Oui, M.T. C. F., préparons-nous, pour la Retraite sérieuse, une revue approfondie de tout nous-mêmes : des puissances de notre âme, pour les diriger à Dieu et les sanctifier; des sens de notre corps pour les régler et les soumettre à la loi de l'esprit, de nos emplois pour les mieux remplir, de nos Règles pour les mieux observer, de nos vœux pour les mieux garder, de votre Vocation pour nous y affermir, pour écarter tous les dangers qui pourraient la menacer.

 C'est ainsi que la Retraite nous préparera à la. mort et à tout ce que le bon Dieu voudra de nous. C'est la leçon salutaire, c'est le grave enseignement que nous devons retirer aujourd'hui des exemples et du souvenir de nos chers Défunts. Il faut qu'une bonne Retraite, chaque année, assure notre persévérance de chaque année, comme une bonne méditation, chaque jour, assure notre persévérance de chaque jour. Heureuse nécessité que nous imposent la Règle et l'obéissance de nous recueillir devant Dieu tous les matins, pendant une demi-heure au moins, et tous les ans, pendant huit jours, pour nous occuper  uniquement de la grande affaire de notre salut, et l'assurer, autant qu'il dépend de nous avec le secours de la grâce.

 Une seconde leçon que nous donnent nos Frères défunts, et un second moyen très efficace que nous avons nous assurer une bonne mort, c'est la persévérance dans notre vocation.

 En effet, les Religieux sont ces morts bienheureux dont parle saint Jean dans son Apocalypse, qui meurent saintement dans le Seigneur (Ap., XIV, 13), parce que toute leur vie n'a été qu'une mort continuelle au monde et à eux-mêmes. Par leur profession et par l'exercice du zèle et de la charité, les Religieux se placent continuellement dans les conditions des Béatitudes évangéliques ; de telle sorte que, si, par état et par vocation, ils ont à faire les sacrifices et à remplir les devoirs qu'elles imposent, par état aussi et par vocation, ils ont droit à tous les biens qu'elles promettent. Voilà ce qui fait leur assurance au moment de la mort, voilà ce qui ne nous laisse à tous que des pensées d'espérance et de salut sur le sort éternel de ceux qui sont morts dans l'Institut.

 Et, en vérité, à qui appartiendrait le royaume des Cieux promis par Jésus-Christ aux pauvres d'esprit, si ce n'est au Religieux qui renonce par vœu à tous les biens de la terre, à la possibilité même d'en acquérir, qui va, selon sa Règle, jusqu'à n'user qu'avec permission des choses même nécessaires ? Qui sera jugé digne d'entrer dans ce royaume céleste, si. ce n'est encore le bon Religieux ? N'obéit-il pas à sa. Règle et à ses Supérieurs avec une docilité d'enfant ? Ne s'abandonne-t-il pas à leur direction et à leur conduite comme un petit enfant ; et, par la simplicité de son obéissance, n'atteint-il pas la perfection de cette enfance chrétienne qui fait le caractère essentiel de toits les Elus : Si vous ne devenez comme, de petits enfants vous n'entrerez pas dans le royaume des Cieux (Matth., XVIII, 3).

 Le bon Religieux, parson dépouillement absolu, par son obéissance entière, a donc doublement droit à la première Béatitude. Il peut, à double titre, dire et espérer que le royaume des Cieux est à lui : Bienheureux les pauvres d'esprit, parce que le royaume des cieux est à eux (Matth., V, 3).

 Et la seconde Béatitude à qui convient-elle mieux qu'au Religieux dévoué, au Frère pieux et zélé, qui se consacre pour la vie, à l'instruction de la jeunesse? Où trouver un exercice de patience et de douceur plus constant, plus généreux que de passer ses jours au milieu d'enfants légers, ignorants et indisciplinés ; d'avoir, comme dit la Règle, à supporter la grossièreté des uns, l'indocilité des autres, à répéter toujours la même chose; et, après tant de peines, de dévouement et d'abnégation, à subir encore, trop souvent, les plaintes, les murmures et l'ingratitude des parents, les mépris et les contradictions du publie? Oh! qu'un Frère qui s'efforce, chaque Jour de posséder son âme par la patience au milieu de ces épreuves et de ces combats, doit être plein de joie el d'espérance! Quelle assurance ne trouve-t-il pas dans sa patience et sa douceur que la terre promise du Ciel sera un jour son héritage! Bienheureux ceux qui sont doux, parce qu'ils posséderont la terre (Matth., V, 4).

 N'est-ce pas aussi dans la Religion, plus que partout ailleurs, que se trouvent les cœurs saintement généreux, saintement compatissants, qui savent s'affliger sur les maux de leurs Frères, compatir aux douleurs de la sainte Eglise, se réjouir de ses triomphes, s'associer aux peines et aux joies de tous les enfants de Dieu, pleurer sur l'égarement des pécheurs, tressaillir de bonheur à leur retour à Dieu, verser, enfin, des larmes de repentir et de componction sur leurs propres péchés? Bienheureux ceux qui pleurent, parce qu'ils seront consolés (Matth., v, 5).

 C'est encore au bon et fervent Religieux qu'appartient tout spécialement le divin et éternel rassasiement promis par Jésus-Christ, à ceux qui ont faim et soif de la justice.

 Lorsque saint Jean-Baptiste, effrayé de l'excès d'abaissement du Fils de Dieu, refusait de le baptiser dans le Jourdain : « Laissez-moi faire, lui dit Notre-Seigneur, car il  faut que nous accomplissions toute justice (Matth., III, 15). Il faut que, pour plaire à mon Père, pour faire ce qui lui est le plus agréable (Jean, VIII, 29) », je sois confondu avec les pécheurs et baptisé comme eux.

 C'est donc accomplir excellemment toute justice, c'est avoir faim et soif de la justice, que d'obéir à Dieu, non seulement quand il commande, mais quand il invite, quand il conseille, quand il insinue. Et n'est-ce pas le privilège propre du bon Religieux? Ne se fait-il pas une loi, une règle constante du bon plaisir de Dieu, de ses invitations, de ses conseils, de ses simples désirs? Il a donc aussi un droit tout particulierà la quatrième Béatitude : Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la Justice, parce qu'ils seront rassasiés (Matth., v, 6).

Et les œuvres, soit spirituelles, soit corporelle, de miséricorde, qui les exerce avec plus d'étendue et plus de générosité qu'un bon Frère Instituteur ? D'un seul coup, il a fait à Dieu le sacrifice de tous les biens qu'il a et peut avoir dans le monde. Chaque jour, il fait l'aumône de tout son travail, de toutes ses peines, que dis-je? de sa liberté, de son sang et de sa vie, ne demandant pour lui-même que le vêtement et la nourriture. Chaque jour, il instruit ses enfants, les édifie, les forme à la vertu et travaille à les nourrir du pain de la parole de Dieu dans ses Catéchismes, à les disposer à recevoir le pain eucharistique dans la communion. Comment, après avoir exercé, toute sa vie, une telle miséricorde, ne trouverait-il pas miséricorde pour lui-même, à la mort et au jugement de Dieu ? Non, il ne peut manquer de l'obtenir, la parole de Dieu y est engagée : Bienheureux ceux qui sont miséricordieux, parce qu'ils seront traités avec miséricorde (Matth., V, 7).

 La pureté de cœur et de corps, ou la parfaite chasteté, la pureté de conscience, ou l'exemption et la haine du péché ; la pureté d'esprit ou les intentions saintes et surnaturelles ; cette triple pureté si précieuse, si nécessaire et sirare, où se trouve-t-elle encore, si ce n'est dans le Religieux qui a voué à Dieu une virginité perpétuelle, qui n'a quitté le monde que pour fuir le péché, et qui s'est mis dans l'heureuse impossibilité de n'aspirer à toute autre récompense qu'à celle de glorifier Dieu ici-bas et de le posséder dans l'éternité ? Oui, c'est au bon Religieux, surtout qu'il appartient de voir Dieu ; de le voir, sur la terre, dans l'oraison et la méditation, de le goûter dans l'Eucharistie, et de le contempler un jour dans l'éternité. C'est des bons Religieux que doit se composer le cortège des Elus qui suivent l'Agneau partout où il va, et chantent le cantique que les vierges seules peuvent chanter : Bienheureux ceux qui ont le cœur pur, parce qu’ils verront Dieu (Matth., V, 8).

 En Religion, la Règle, en confondant tous les esprits et tous les cœurs dans une même pensée et un même sentiment, les porte essentiellement à la paix et à l'union Un bon Religieux, un Frère exemplaire, se distinguera toujours par son humilité, par son abnégation, par l’oubli de soi-même, par une charité et un dévouement sans bornes pour tous les autres. Il aura la paix dans le cœur, et il la répandra tout autour de lui, par ses paroles et par toute sa conduite. Il sera donc un véritable enfant de Dieu ; et, s'il est enfant, il est aussi héritier, héritier de Dieu et cohéritier de Jésus-Christ : Bienheureux les pacifiques, parce qu'ils seront appelés enfants de Dieu (Matth., v, 9).

    Enfin, la Béatitude des souffrances et des persécutions ne manquera pas au bon Religieux. Jésus-Christ, qui l'a départie si  abondamment à tous ses Apôtres et à sa Mère elle-même, veut  qu'elles soient le partage de tous ses vrais serviteurs et surtout des Religieux. « C'est dans la vie religieuse, dit l'Auteur de l'Imitation, qu'on éprouve les hommes comme l'or dans la fournaise ;  c'est là que nul ne peut subsister, s'il n'est résolu de s’humilier de tout son cœur pour l'amour de Dieu. Travaux pénibles et ignorés, humiliations et contradictions répétées au dedans et au dehors ; à l'intérieur, tentations, combats et violences continuelles ; à l'extérieur, épreuves, difficultés et souvent oppositions déclarées ; puis, le martyre de la Régularité qui, sans demander notre sang tout à la fois, nous le prend à la longue et comme goutte à goutte : voilà la voie où marchent tous les Religieux constamment pieux et fervents ; voilà comment Notre-Seigneur les associe à ses souffrances et à sa croix; mais aussi, voilà ce qui doit mettre le comble à leurs joies et à leurs espérances : car leurs peines et leurs travaux, leurs souffrances et leurs persécutions sont le gageet la mesure de la récompense qui les attend dans le Ciel : Bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la justice, parce que le royaume des Cieux est à eux… Réjouissez-vous, faites éclater votre joie, parce qu'une grande récompense vous est réservée dans le Ciel (Matth., V, 1O, 12).

 Il est donc vrai de dire, M. T. C. F., que notre vocation nous place par elle-même dans les conditions des Béatitudes évangéliques, et qu'il est comme impossible que la persévérance finale ne soit pas la récompense et la suite de la persévérance dans notre saint état. Voilà d'où nous viennent à tous ces espérances et ces consolations qui tempèrent tellement la douleur que cause la perte des Confrère, qu'elles la changent presque en joie. « Oh! S'écrie le pieux Fondateur, qu'il fait bon mourir en religion ! Qu'il est consolant, au moment de paraître devant Dieu, de se rappeler qu'on a passé sa vie sous les auspices de Marie, et vécu dans sa Société!  Oui, je vous le répète avec lui, ce n'est pas tant de nous perdre dans notre vocation que nous devons avoir frayeur car, dit saint Bernard, il est comme impossible de mourir en religion sans être sauvé, d'y persévérer jusqu'à la mort sans être prédestiné ; mais ce que nous devons craindre, c'est de perdre notre vocation et de ne pas y mourir, selon le mot du Père Champagnat : On ne meurt pas en Religion, quand on ne vit pas en Religieux. C'est donc à devenir bons Religieux que nous devons nous appliquer, c'est à répondre à la sainteté de notre état, à faire fructifier le don qui nous a été donné. Puisque nous voulons goûter ici-bas les Béatitudes promises à la pratique des Conseils évangéliques, et posséder, dans l'éternité, les biens qu'elles nous assurent, rendons-nous très fidèles il suivre ces divins Conseils. Aimons et pratiquons de tout notre cœur la pauvreté, l'obéissance, la chasteté, et tout ce qui, dans nos Règles et nos emplois, nous applique à la perfection de la douceur, de la charité, de, la patience et de la mortification.

 Enfin, M. T. C. F., comme troisième moyen de nous préparer à la Mort, d'obtenir tous cette inestimable faveur, convenons, aujourd'hui, que le mois d'août, qui est notre second mois de Marie, sera tout spécialement employé à demander la bonne mort. La fin. particulière de nos exercices du mois de mal, c'est de demander la sainte vertu, la parfaite chasteté ; que la fin spéciale et particulière de nos exercices du mois d'août, de la Neuvaine préparatoire à la grande Fête de l'Assomption, des prières et des bénédiction solennelles de l'Octave dans les Maisons de Noviciat, de toutes nos Communions, de toutes nos pratiques de dévotion pendant ce saint mois, soit de nous recommander à Marie pour le jour et l'heure de notre mort, de lui recommander tous ceux d'entre nous qui devront mourir dans l'année. Nous disons près de cent fois par jour la prière que l'Eglise a consacrée pour demander à Marie qu'elle nous assiste à  l'heure de notre mort ; disons-la, M. T. C. F., avec une attention et une dévotion toutes nouvelles. Unissons-nous tous pour obtenir cette grâce insigne, cette grâce des grâces, que nous ne pouvons attendre que de la seule, miséricorde de Dieu, la grâce d'une bonnemort.

 A cette fin, et pour recommander à Marie tous les besoins de l'Institut, pour nous disposer tout particulièrement à la Fête de l'Assomption, qui est notre Fête patronale, nous dirons, pendant les neuf jours qui précèdent, le matin, après la méditation, à midi, aprèsl’Angélus, et le soir, après le Salve Regina, trois Ave Maria.

 Pendant l'Octave, on récitera le Veni Creator et un Ave Maria, à la prière du soir, à la place du Veni Sancte, pour demander la, grâce d'une bonne Retraite.

 La présente Circulaire sera lue en Communauté à l'heure ordinaire de la lecture spirituelle.

 Recevez la nouvelle assurance du tendre et respectueux attachement avec lequel je suis en Jésus et Marie,

Mes Très Chers Frères,

Votre très humble et très dévoué Frère et serviteur,

             F. Louis-Marie.

——————————————–

RETOUR

Circulaires 75...

SUIVANT

Circulaires 77...