Circulaires 81

Louis-Marie

1865-03-19

081

51.02.01.1865.1

 1865/03/19

 V. J. M. J.

N. D. de Saint-Genis-Laval, le 19 mars 1865.

Fête de saint Joseph.

     Mes très chers Frères,

  C'est sous la protection de saint Joseph, modèle et patron des âmes intérieures, que je vous adresse cette seconde lettre sur la prière. Je continuerai, en m'appuyant sur les paroles mêmes de Notre-Seigneur et sur les explications que nous en ont données les Saints, à vous entretenir des grands biens de la prière et de l'extrême besoin que nous en avons.

 Prions saint Joseph, l'Epoux très pur de la Vierge immaculée, le Père nourricier du Verbe incarné, de bénir nos réflexions et de nous obtenir à tous le don si précieux, si nécessaire de l'esprit de prière. Saint Joseph l'a possédé au suprême degré ; sa vie n'a été qu'une prière, une oraison continuelle, et il se plaît à aider de son puissant crédit toutes les âmes qui ont un véritable désir de l'esprit de prière, et qui travaillent résolument à l'acquérir. Je reprends donc la suite de nos premières considérations.

 VI

 Prions, avons-nous dit, unissons-nous dans la prière, afin d'attirer le bon Dieu en nous et dans toutes nos Maisons, suivant cette parole du divin Maître : Où il y a deux ou trois personnes assemblées en mon nom, je m'y trouve au milieu d'elles (Matth., XVIII, 20); et cette autre : Ma maison sera appelée la maison de la prière (Matth., XXI, 13). Nous avons compris, par ces paroles, que, si Notre-Seigneur se plaît à habiter dans une âme qui prie, dans une maison de prière, comme dans sa propre maison, il ne peut manquer d'y apporter toutes sortes de biens, toutes sortes de grâces et de bénédictions.

 Mais, M. T. C. F., pour mieux nous pénétrer de cette vérité, pour nous convaincre plus à fond de l'extrême besoin que nous avons de la prière, considérons ce que le divin Maître ajoute contre ceux qui abandonnent ce saint exercice, qui se livrent au commerce des créatures aux dépens du Créateur. Ma maison, dit-il, sera appelée la maison de la prière ; et, parce que vous y trafiquez d'or et d'argent, parce que vous en troublez le repos et la sainteté par le bruit et le mouvement d'un commerce impie, parce que vous n'y priez pas, vous en avez fait une caverne de voleurs.

 Quel contraste effrayant, M. T. C. F., quelle terrible opposition ! l'âme qui abandonne la prière, Notre-Seigneur ne l'appelle plus sa maison, ni même une maison mais il l'appelle une caverne et une caverne de voleurs. D'une part, c'est l'intérêt, c'est le soin, c'est l'attention que l'on donne à un objet, à une possession qu'on affectionne : ma maison ; d'autre part, c'est l'indifférence et le mépris avec lesquels on parle de ce qui est étranger, de ce qui déplaît : une caverne. D'un côté, c'est l'idée d'une habitation saine, régulière, commode, sûre, où l'on réside avec plaisir ; de l'autre, c'est l'image, c'est l'idée d'un lieu sombre et humide, triste et abandonné, infect et malsain, dont on a horreur. Mais, par-dessus tout, d'une part, c'est la maison de Dieu, la demeure de Dieu et de ses anges, un lieu de grâce et de sainteté ; et, d'autre part, c'est un affreux repaire d'animaux immondes, de reptiles venimeux, de bêtes féroces : une caverne un horrible rendez-vous de brigands, et d'assassins une caverne de voleurs.

 Voilà sous quel aspect le divin Maître lui-même nous, fait envisager l'âme qui ne prie plus, sous quelle image il nous peint le cœur, la maison où l'on ne s'unit plus à Dieu par le saint commerce de la prière. Quoi de plus propre que ce rapprochement, que ce seul mot, pour nous faire comprendre l'absolu besoin que nous avons de prier et de toujours prier !

 En effet, quand nous perdons la piété, quand nous négligeons de prier, la nuit se fait dans notre âme comme dans une caverne, la lumière de la foi et la chaleur du divin amour s'y affaiblissement, le refroidissement de la tiédeur se fait sentir, et bientôt arrive la glace du péché. Dieu s'éloigne de nous, et avec Dieu, la paix, la joie, le solide contentement ; avec Dieu, les bonnes pensées, les saintes affections, les pieux désirs; avec Dieu, l'union, la charité, le bon esprit ; avec Dieu, l'ordre, la sûreté, la vie. Il s'opère dans l'âme un isolement, un vide profond qui donne toute entrée, tout accès à nos plus cruels ennemis. Le monde, le démon, la chair, toutes les passions se précipitent dans cette âme; et, comme autant d'animaux immondes, comme autant de bêtes féroces, comme autant d'assassins, ils la souillent, la dévorent et lui donnent la mort.

 Parlons en détail de quelques-uns de ces larrons spirituels, de ces assassins des âmes ; et, pour comprendre, tout le besoin que nous avons de leur opposer sans cesse l'arme de la prière, disons quelque chose de la rage qui les anime contre nous et des forces dont ils disposent.

Prions d'abord, pour nous défendre du démon de l'orgueil. Il marche à la tête de tous les monstres conjurés pour nous perdre; il s'avance comme leur prince et leur chef ; et rien ne peut dire les maux qu'il exerce, s'il n'est pas arrêté par la ferveur et l'humilité d'une prière persévérante.

 A peine a-t-il pénétré dans le Ciel, qu'il remplit d'insolence et de folie le premier de tous les Anges, et le porte à se mesurer avec Dieu même. Je monterai, dit Lucifer, au plus haut des cieux ; j'élèverai mon trône au-dessus des astres de Dieu ; je mettrai mon trône sur la montagne du Testament, du côté de l'Aquilon : je m'élèverai au-dessus des nues, et je serai semblable au Très-Haut (Isaïe, XIV, 13, 14). Entendez ce langage insensé du premier des Anges, de la première Intelligence créée qui se complaît en elle-même, et qui, oubliant d'appeler le Créateur à son secours, s'égare dans ses propres pensées. Quel orgueil ! quelle ambition ! quelle extravagance ! Et pourtant des millions d'anges, oubliant avec lui, comme l'assure saint Gélase, de recourir à la prière, se laissent enivrer de la même passion, s'associent au même projet sacrilège, et consomment ensemble le double crime de la révolte et de l'idolâtrie. Voilà l'excès d'audace où l'orgueil les fait monter, et voici sur l'heure l'abîme épouvantable où il les entraîne. En un instant, tous ces Anges, malgré leur nombre, malgré leur excellence et leur beauté, sont convertis en d'affreux démons, précipités du plus haut des Cieux dans le plus profond des enfers, et enchaînés pour l'éternité dans cette prison de feu. C'est là le premier exploit de l'orgueil, c'est là le premier trait de sa malice : voici le second.

 L'orgueil se glisse dans le paradis terrestre; Adam et Ève manquent, dit saint Thomas, de recourir à la prière, et, comme les anges rebelles, ils tombent et se perdent en voulant s'égaler a Dieu, devenir savants comme Dieu. Or, le serpent était le plus rusé des animaux. et il dit à la femme : Dieu sait que le jour où vous aurez mangé de ce fruit, vos yeux seront ouverts, et que vous serez comme des dieux connaissant le bien et le mal… La femme s'aperçut donc que ce fruit était bon à manger et beau à voir… et elle en prit et en mangea et elle en donna à son mari, qui en mangea comme elle (Gen., III). Ainsi, l'orgueil et l'ambition, aidés de la sensualité, réussissent à tout perdre, à tout bouleverser sur la terre, comme ils avaient fait dans le ciel. Du même coup, ils enlèvent à nos premiers parents, avec la justice et l'innocence originelles, le bonheur et l'immortalité ; ils les chassent du jardin de délices, et il les vouent, eux et toute leur race, à l'anathème et à la mort. Malheureux orgueil, que de malice tu sais inspirer, que de maux tu sais faire, en un instant !

 L'orgueil s'empare d'Aman ; d'Aman qui a tout à souhait, qui est au comble des honneurs et de la gloire. Un seul homme lui refuse des hommages, des adorations coupables. Il n'a plus de paix, sa fureur ne connaît plus de bornes. Pour le satisfaire, il ne lui faut rien moins que la mort de Mardochée et l'anéantissement de tout un peuple. Oui, c'en était fait, en un même jour, et de cet homme juste et de toute la nation juive, si la vertu et les prières d'Esther n'avaient arrêté et confondu l'orgueil de cet impie.

 L'orgueil se personnifie dans Nabuchodonosor, roi de Babylone. Aussitôt, dans l'enivrement de sa gloire, de ses richesses et de ses grandeurs, il conçoit la pensée de se faire reconnaître comme un dieu, et, à tout prix, il veut la réaliser. Rien ne pourra contenter son orgueil sinon les adorations sacrilèges de tous ses sujets ou leur extermination immédiate. Quiconque ne se prosternera pas pour adorer, en se courbant jusqu'à terre, la statue que le roi a fait élever, sera jeté dans la fournaise d'un feu ardent (Dan., III,  4, 5, 6).

 C'est à ce même excès d'impiété que l'orgueil conduit la plupart des empereurs païens et persécuteurs. Il leur faut, sous peine de mort, des temples et des autels, des adorations et des sacrifices. Le délire de leur ambition ne s'arrête qu'au trône même de la Divinité.

 Enfin, le plus grand de tous les crimes, le déicide, c'est l'orgueil qui l'inspire, et c'est l'orgueil qui l'accomplit. Or, Pilate savait que c'était par envie qu'ils l'avaient livré. (Matth., XXVII, 18). C'est l'orgueil et la jalousie, c'est l'envie qui porte les Scribes et les Pharisiens, les Docteurs de la loi et les Princes des Prêtres à livrer le Fils de Dieu, à demander qu'il soit attaché à la croix qu'il disparaisse de leurs yeux.

 Oh! quel monstre que l'orgueil, quand il est servi par la puissance, quand il peut abuser du talent et du génie! Quel déluge de maux il traîne à sa suite!

 On aurait certainement le plus effrayant de tous les spectacles, si l'on pouvait rassembler dans un même tableau toutes les calamités, tous les fléaux, toutes les ruines que l'orgueil et l'ambition ont accumulés dans les états et dans les familles, dans le monde ancien et dans le monde nouveau, dans l'Eglise même et jusque dans les communautés. Que de meurtres et de vengeances pour assouvir la haine des particuliers ! Que de guerres désastreuses, que de révolutions sanglantes, que de peuples anéantis, pour satisfaire l'orgueil et l'ambition des conquérants ! Que de mensonges et d'erreurs, que de schismes et d'hérésies, que de persécutions, que d'âmes perdues pour contenter les sacrilèges prétentions, les secrets dépits, l'orgueil et la vanité des sectaires et des apostats !

 Non, il n'est pas possible de dire le mal qu'a fait et que fait encore l'orgueil dans le monde, les attentats auxquels il se porte, les malheurs de tous genres qu'il enfante, pour les peuples comme pour les familles et les individus. Et pourtant, quand notre âme cesse d'être la maison de Dieu, en cessant de prier, voilà l'hôte affreux auquel elle donne accès, voilà le premier voleur dont elle devient comme le repaire. Il est écrit : Ma maison sera appelée la Maison de la prière, et vous en avez fait une caverne de voleurs.

  Sans doute que la simplicité et la modestie de notre état ne lui permettent pas les excès que nous venons de rappeler; mais tout le mal qu’il peut nous faire, il nous le fait ; et il est certain que ce mal est très grand, soit pour le Religieux lui-même, soit pour la Maison que l'orgueil parvient à dominer.

 Pourquoi ce jeune Frère devient-il tout à coup désobéissant, revêche, murmurateur ? Qui a pu, en si peu de temps, gâter son caractère, naturellement bon, complaisant, porté à faire plaisir. D'où lui viennent cette dureté, cette insensibilité, cette ingratitude qui désespèrent ? cet entêtement, cette opiniâtreté, qui ne cèdent à rien ? Qui lui dicte ces mots aigres, ces paroles blessantes, ces reparties sèches et hautaines, qui sont la croix d'un Directeur, le scandale des Frères et le tourment de toute une Maison? Hélas, tout ce mal, tout ce désordre, c'est le démon de l'orgueil qui le produit. C'est l'orgueil qui a retourné et faussé le caractère de ce Frère, qui lui a aigri le cœur et renversé l'esprit. C'est l'orgueil qui le pousse à la colère, à l'impatience, à la désobéissance ; qui le fait pointiller sur tout, contester pour tout, se refuser à tout ; qui le rend insupportable à lui-même et aux autres.

 « L'orgueil, dit Cassien, en rapportant la Vie des Solitaires d'Egypte, rend le ton de notre voix  élevé, notre silence sombre et amer, nos ris éclatants et immodérés, nos tristesses déraisonnables, nos réparties aigres, nos discours légers, nos paroles sans poids, sans discernement, sans gravité ; il nous rend durs, impatients, hardis à faire outrage aux autres, sensibles aux moindres déplaisirs que nous recevons, lents à obéir, incapables de recevoir un avis et de souffrir une réprimande, impuissants à résister à notre propre volonté, inflexibles pour nous soumettre à celle des autres, toujours opiniâtres à soutenir notre sentiment, et jamais en état de nous rendre à ceux de nos Frères. Ainsi, nous devenons ennemis de tout conseil et de toute direction, et nous osons avoir plus de confiance en notre propre jugement qu'en celui de notre Supérieur. »

 Et que suit-il de là, pour l'ordinaire?

 Il s'ensuit qu'on perd toute paix, tout contentement, toute véritable joie ; qu'on tombe dans le dépit et le murmure ; qu'on arrive bientôt à la plus triste de toutes les maladies de l'âme, le mauvais esprit ; et qu'on est pris par la plus dangereuse de toutes les tentations, le découragement.

 Il s'ensuit, pour beaucoup de jeunes Frères, la perte de la vertu, et de la vocation ; et voici comment :

 La piété, dit saint Paul, l'esprit de prière qui en est l'exercice essentiel, est utile à tout ; elle a les promesses de la vie présente et celles de la vie future (1 Tim., IV, 8). Elle a et elle donne le secret des joies intimes, des douceurs divines qui se trouvent dans la vie religieuse, dans l'humilité, dans la pauvreté, dans la chasteté, dans toutes les vertus et les devoirs qui coûtent le plus à la nature. Elle en adoucit les peines, elle en fait aimer les sacrifices. La piété donne, avec les Supérieurs, l'esprit filial qui fait de l'obéissance un plaisir ; avec les Confrères, l'esprit cordial, qui est l'aliment de la charité et le charme de la vie de communauté ; avec les enfants, l'esprit de zèle et de dévouement, qui fait trouver une jouissance dans les peines mêmes qu'on se donne pour les instruire et les former à la vertu. La piété, l'esprit de prière adoucit, corrige dans les créatures qui nous environnent, dans les personnes et les choses qui nous approchent, ce qu'il y a de rude, d'amer, de désagréable et de pénible; elle prévient, elle tempère, elle éloigne ce qu'il y a de séduisant, de dangereux, de mauvais; la piété, en un mot, est le seul milieu, le seul élément dans lequel puissent se conserver la vertu et la vocation d'un Frère; le seul moyen qu'il ait de comprendre et d'aimer les devoirs de son saint état, de comprendre et de goûter les avantages incomparables de sa vocation, d'en éprouver les douceurs et les consolations. Oui M. T. C. F., quand je vous recommande si fort l'esprit de piété, ce n'est pas seulement votre perfection, votre salut, les biens de votre vie future que j'ai en vue, mais c'est votre bonheur, votre contentement, les biens de votre vie présente que je me propose : car, la piété donne également, donne infailliblement les uns et les autres. On peut même dire que la grande sûreté, la grande assurance qu'elle nous apporte pour le salut, pour la persévérance finale, vient du contentement intérieur, du charme secret de la joie intime qu'elle répand, dès à présent, sur tous nos devoirs, sur tous les sacrifices que nous impose la vie religieuse.

 Aussi, qu'arrive-t-il quand on omet ou qu'on fait mal ses exercices de piété, quand on manque facilement la sainte Messe et ses Communions, quand on laisse ses pratiques de dévotion, quand on néglige les lectures pieuses, l'étude de la Religion, l'enseignement du catéchisme, quand, en un mot, on se relâche dans la prière, dans l'union avec Dieu? Ce qui arrive, c'est que, la piété n'exerçant plus sur nous sa douce influence, le devoir paraît chaque jour plus difficile, la tâche plus rude, l'emploiplus pénible. Ce qui arrive, c'est que les vues humaines remplacent les vues de la foi ; l'esprit propre, l'esprit de Dieu ; les désirs et les préoccupations de la vie présente, les désirs et les préoccupations du salut éternel ; c'est que l'orgueil et l'amour-propre prenant le dessus, changent en mal les meilleures dispositions.

 Alors, on s'exagère les difficultés, on se fait peine de tout, on éprouve une répugnance comme invincible  l'obéissance, à la patience, à tous ses devoirs. Dans cette disposition, la moindre observation irrite, la moindre résistance aigrit, le commandement le plus modéré fatigue, on est outré du plus léger refus, on se plaint de tout, on ne peut supporter personne ; et trop souvent, sacrifiant à l'humeur et au caprice sa droiture naturelle, on cesse même d'être raisonnable, et l'on ne cède pas plus à l'évidence naturelle du bon sens qu'à l'évidence surnaturelle de la foi.

 Tel est le travail ordinaire de l'orgueil et de l'amour-propre, quand ils ne sont pas dominés, réprimés par l'esprit de prière, par une solide piété; et telle est la disposition fausse d'esprit et de cœur, de jugement et de volonté où ils mettent la plupart des Frères auxquels la vie religieuse paraît trop difficile et comme impossible.

 C'est sous l'impression de la tiédeur et du relâchement qu'ils en pensent ainsi ; c'est sous l'action d'un ennui volontaire et passager, fruit de la négligence, qu'ils conçoivent leurs projets en arrière ; c'est sous l'inspiration d'un orgueil blessé, d'un amour-propre froissé, peut être de quelque passion plus mauvaise encore, qu'ils les préparent ; c'est sous les tromperies, sous les illusions, sous les efforts réunis et redoublés de la nature, du monde et du démon qu'ils les accomplissent.

 On les invite à prendre du temps, à réfléchir, à prier, à demander conseil ; on leur fait toucher du doigt l'imprudence et l'irrégularité de leur démarche, la bonté de leur vocation et la facilité qu'ils auraient, avec un peu de générosité, d'en reprendre l'estime et l'amour, d'en retrouver le goût et les consolations ; mais non, leur parti est pris, leur plan est arrêté, ils ne peuvent revenir sur leur détermination. Et, ainsi, avec des sentiments et des dispositions où la foi n'a aucune part, où Dieu n'est pour rien, où la nature et l'amour-propre sont seuls maîtres, seuls conseillers, seuls juges, le plus souvent dans le trouble et l'agitation d'une conscience qui n'est rien moins que bonne, on accomplit l'acte le plus important de la vie, un acte d'où dépend, en très grande partie, l'affaire unique, l'affaire capitale du salut éternel.

 Non, M. T. C. F., à ce point de vue, je ne pourrai jamais assez vous dire combien nous avons besoin de la prière, pour goûter les consolations de notre état, pour en faciliter les devoirs, pour en adoucir les peines et y persévérer. Je ne pourrai jamais assez vous faire comprendre combien la prière, l'esprit de piété nous est nécessaire, pour fermer l'entrée de notre cœur au démon de l'orgueil, et nous soustraire aux ennuis, aux découragements, aux dégoûts, au mauvais esprit dont il est la source, et qui ruine, tôt ou tard, les meilleures vocations et les plus solides vertus.

 C'est surtout à vous, Frères Directeurs, qu'il appartient de prévenir ces funestes suites de la tiédeur et du relâchement. Oui, c'est à vous, beaucoup plus qu'à nous, à tenir la vertu et la vocation de vos Frères dans ce seul, milieu de foi et de piété où elles puissent vivre, se conserver et se fortifier. Nous ne les avons que rarement, nous ne les avons qu'en passant ; et vous, vous les avez constamment, vous les avez pour la prière, pour l'étude, pour la classe, pour tout le détail de leur conduite et de leur vie, pour les soins mêmes que demande la conservation de leurs forces et de leur santé. C'est donc à vous à force de charité et de dévouement, à force de bons exemples et de bonne direction, à force d'attentions et de persévérance, à les affectionner à la prière à la Règle, à leur emploi, à l'Institut ; à les attacher à Dieu et à leur salut ; en les rendant contents et heureux dans leur état, par l'onction intérieure d'une vraie piété et les joies intimes de la bonne conscience.

  Pour cela, comprenez bien et comprenons tous que ce que nous venons d'expliquer pour chaque Frère en particulier, il faut le dire également et à plus forte raison de chaque Maison, de chaque Etablissement On ne peut y trouver la paix et le contentement, on ne peut y avoir l'union et la sainte joie, qu'autant que Dieu y habitera et les bénira. Or, Dieu n'habite que dans les maisons de prière, ne bénit que les maisons où règne la piété. Toute maison qui néglige la prière, qui perd la piété, ne peut devenir qu'une maison de trouble et de désunion; parce que toute maison qui perd la piété, donne entrée au prince des démons, à l'orgueil, qui est l'ennemi de tout bien, de toute charité, de tout bonheur.

 Voyez ces Frères. Ils vivaient en parfait accord; ils étaient bien avec Dieu, bien ensemble, bien avec tous. L'autorité se montrait douce et paternelle, l'obéissance facile et empressée, les rapports mutuels, bons et aisés. Ils comptaient la peine pour rien, tant ils se trouvaient du se dévouer ensemble aubien et au salut de leurs enfants. Ils accomplissaient leur Règle et tous leurs devoirs avec bonheur, tant ils étaient soutenus par la joie de servir Dieu et l'espérance toujours croissante de leur salut éternel. D'où vient qu'après un temps, il y a trouble et malaise parmi eux ? D'où vient qu'on y découvre la gêne, la contrainte, je ne sais quel dégoût, quelle pesanteur, quelle souffrance ?

 Ah ! c'est qu'ils ne prient plus ou qu'ils prient mal c'est qu'ils omettent leurs exercices de piété, ou qu'ils les font avec une extrême négligence. On a commencé par les faire moins bien, par les retarder quelquefois, par les abréger et les précipiter ensuite. On est arrivé à les omettre de temps en temps, à les omettre plus souvent, à les omettre en partie, à ne pas les faire en Communauté Aujourd'hui, chacun les fait à peu près comme il l'entend. L'habitude est de les laisser facilement, de les laisser pour des riens, de les faire sans gravité, sans piété, sans recueillement.

 Donc, dans cette Maison l'élément de foi et de piété, le seul élément où puisse vivre un Religieux, n'existe plus ou n'existe que très faiblement. Donc, cette Maison n'est plus une maison de prière, et Dieu n'y habite plus comme dans sa propre maison, ne la bénit plus, ne la garde plus comme sa propre demeure. Un voleur insigne s'y est glissé, le chef et le prince des larrons spirituels qui font la guerre aux âmes, l'amour-propre, l'esprit propre, l'orgueil. Le terrain que la piété a perdu chaque jour, l'orgueil l'a gagné chaque jour; aujourd'hui, il règne comme en maître, ou par lui-même ou par quelqu'un de ses nombreux suppôts, tous aussi méchants que lui.

 C'est la colère, qui éclate à la moindre résistance, qui s'irrite de tout ce qui peine et humilie.

 C'est la suffisance, qui n'a foi qu'à elle-même, et qui refuse tout conseil, toute direction.

 C'est l'arrogance qui résiste, en face, et qui se répand en paroles et en actes de hauteur et de mépris.

 C'estlui n'écoute aucune raison, qui s'attache jusqu'à la révolte à ses sentiments et à ses idées.

 C'est la susceptibilité qui se formalise de tout, qui prend ombrage des moindres choses et n'oublie rien des prétendues offenses qu'elle croit avoir reçues.

 C'est l'ambition, qui aspire aux premiers emplois, qui bouleverse tout pour y arriver.

 C'est une multitude d'autres vices et d'autres défauts que l'orgueil traîne à sa suite : la vaine gloire, l'envie la jalousie, la présomption, la fierté, le faux zèle, les soupçons injustes, les malignes interprétations, les médisances, les aversions, les animosités, toute une nuée de démons, enfants de l'orgueil, et qui travaillent sans cesse à pénétrer avec lui dans toute âme, dans toute Maison que la prière ne défend pas, où la piété ne règne pas. Ma maison sera appelée la Maison de la prière ; et, parce que vous n'y priez pas, parce que vous y priez mal, vous en avez fait. une caverne de voleurs.

 Jamais, M. T. C. F., tous ces défauts à la fois n'envahiront une seule de nos Maisons, ni même un seul de ces défauts n'envahira tout entière une Maison quelconque ; parce que, ou cette Maison tombera, ou il y restera quelque piété, quelque esprit de prière qui la soutiendra et brisera le règne du démon ; mais ce qu'il y a de certain, c'est que, pour créer le malaise dans un Etablissement, il suffit qu'un seul Frère se laisse dominer par un seul de ces mêmes défauts ; ce qu'il y a de certain, c'est que, si plusieurs s'y laissent entraîner, si un mal en attirant un autre, il s'y réunit un certain nombre de ces causes de désordre et de ruine, tout y lan­guira, tout y souffrira. Il n'y aura que négligence dans les emplois, indifférence pour le bien commun, dureté et exagération dans le commandement, contrainte et froi­deur dans la soumission, souffrance générale. On verra les Frères ne plus se parler comme auparavant, ou même ne se parler pas ; chacun s'isolera, chacun se trouvera réduit à ses propres forces, à ses propres lumières, à son propre esprit ; il manquera de subordination dans les études et dans le travail, d'entente dans la direction des classes, d'exactitude, de zèle, d'ensemble partout. Par là même, la prospérité de la Maison et le succès des clas­ses se trouveront arrêtés et compromis ; et le contente­ment des Frères, leurs progrès dans la vertu, leur atta­chement à la vie religieuse iront en s'affaiblissant, au lieu de se fortifier.

 Ce qu'il y a de très certain, encore, ce qui est d'expé­rience constante, c'est que, si vous demandez la cause de toutes ces difficultés, de tous ces dépérissements que subit une Maison, vous la trouverez infailliblement dans l'abandon et la négligence de la prière, dans le relâche­ment, dans un défaut de piété, qui éloigne l'assistance et la bénédiction de Dieu, et qui donne entrée au démon de l'orgueil et à ses innombrables suppôts.

 Donc, pour notre bien et notre sûreté personnelle, pour le bien, pour la sûreté et la prospérité de nos Mai­sons, ne quittons jamais l'arme de la prière, opposons toujours ce bouclier de la foi à tous les traits de l'or­gueil, à tous les assauts de l'amour-propre. Prions, afin que le Seigneur soit avec nous, qu'il fasse sa demeure en nous, qu'il nous bénisse et nous protège à jamais.

 VIII

 Prions aussi, M. T. C. F., prions instamment, pour échapper à la malice d'un démon, plus méchant encore, le démon impur. C'est au point de vue de la chasteté que, la prière nous est surtout nécessaire, que la piété nous est non seulement utile, mais indispensable. La chair, dit saint Liguori, est un ennemi si terrible que, dans tous les assauts qu'elle nous livre, elle nous aveugle, elle nous fait oublier tous nos bons propos, elle nous fait perdre, le respect pour les vérités de la foi et la crainte des châtiments éternels. Impossible de résister à ses séductions et à ses entraînements, si nous ne recourons pas à Dieu, pour obtenir la lumière qui déjoue ses tromperies, et la force qui triomphe de ses violences. Contre ces sortes de tentations, dit saint Grégoire de Nysse, notre seule ressource, c'est la prière. Salomon l'avait déclaré avant lui au livre de la Sagesse : Quand je connus dit-il, que je ne pouvais être chaste, posséder la continence, si Dieu ne me la donnait, et cela même, ajoute Salomon, était sagesse de savoir de qui vient ce don, je m'en allai au Seigneur, et je le priais du fond de mon cœur (Sap., VIII., 21). C'est aussi de l'esprit immonde, du démon impur, que Jésus-Christ disait à ses Apôtres : Cette sorte de démon ne peut être chassée par aucun autre moyen que par la prière et par le jeûne (Marc, IX, 28).

 A quel malheur s'expose donc un Religieux qui, négligeant ses exercices de piété, les omettant facilement, les abrégeant sans motif, les faisant avec tiédeur, perd le goût et la pratique de la prière, l'habitude et la facilité d'y recourir dans le besoin! Quel sera son refuge, quelle sera sa ressource, au moment du danger? N'étant pas couvert de l'armure qui, seule, peut nous défendre, que deviendra-t-il au milieu des assauts, souvent si subits et si violents, que nous livre le mauvais vice? Ah ! qu'il est à craindre que le cri de la prière ne s'échappe trop tard de son cœur, qu'il ne s'en échappe trop tard faiblement, et que, si la défaite n'est pas complète, la victoire ne reste fort douteuse et ne laisse de cruelles inquiétudes! Répétons-le, M. T. C. F., et ne l'oublions jamais, c'est surtout sur le point capital de la chasteté, de la sainte vertu, que nous avons besoin de vigilance et de prière, que nous ne devons jamais cesser, jamais nous lasser de prier. Veillez et priez, dit Notre-Seigneur, afin que vous ne tombiez pas dans la tentation et le divin Maître daigne en donner lui-même la raison C'est qu'à la vérité l'esprit est prompt, mais la chair est faible (Matth., XXIV, 4).

 C'est aussi que le démon impur, comme le démon de l'orgueil, ne vient pas seul. Il traîne avec lui et se fait précéder d'une foule d'autres démons, qui travaillent continuellement a lui préparer l'entrée des cœurs, et qui ne manquent pas d'y réussir un jour ou l'autre, dès que la prière et la vigilance nous font défaut.

 Le premier de ces auxiliaires, avant-coureurs du mauvais vice, c'est la paresse : la paresse du corps et de l'âme, la paresse corporelle et spirituelle, dont l'une fait aimer, avec excès, le repos et le sommeil, le jeu et les conversations, les soins du corps et de la santé ; l'autre rend lâche dans les prières, tiède dans les Communions, lent et irrésolu dans les tentations, superficiel et inconstant dans le bien, pesant et irrégulier pour tout. Craignons cette apathie générale du corps et de l'âme qui ôte toute énergie, qui brise toutes les forces. Il n'est rien, avec la gourmandise, qui dispose et expose davantage aux tentations impures, qui en rende le combat plus difficile et plus dangereux.

 Oui, la gourmandise, la recherche, l'excès dans le boire et le manger est un second foyer de concupiscence, une seconde source de profondes misères. « Qui ne sait  pas commander à sa bouche, dit le Père Champagnat, ne saura pas commander à ses passions ; qui ne sait pas se vaincre dans les petites choses, ne peut que faillir dans les grands combats. L'usage immodéré du vin est la ruine de la chasteté. »

 La curiosité, l'envie de tout voir, de tout entendre, de tout savoir, voilà un troisième principe de perdition et de ruine, dont on ne peut trop se défier, trop s'éloigner. Oh! que de jeunes Frères ont perdu la paix de l'âme, la simplicité du cœur dans des lectures et des recherches curieuses, dans des visites et des voyages pleins de dangers et que la curiosité seule a inspirés, dans l'imprudence plus grande encore des réponses qu'on y a faites!

 Toute immortification, en général, est un aliment donné au mauvais vice : l'amour excessif de ses aises et de ses commodités, les soins trop assidus et trop empressés pour le corps, la recherche de ce qui flatte les sens : l'ouïe, le goût, l'odorat, surtout la vue et le toucher; tout ce qui sent la vanité, la mondanité dans les cheveux, dans la tenue, dans les soins de propreté.

 Enfin, une multitude d'autres vices et d'autres défauts qui viennent de la sensualité et qui y conduisent, qui affaiblissent l'âme et la disposent aux tentations les plus dangereuses : la dissipation, la légèreté, l'inconstance, la lâcheté, les folles imaginations, les pensées vagabondes, les attaches sensuelles, les manières trop enjouées, les ris immodérés, les allures mondaines, certaines habitudes qu'on souffre à peine dans les séculiers, et que les Religieux ne peuvent se per­mettre sans porter atteinte en eux à la crainte de Dieu, à cette délicatesse de conscience qui est la première et la plus sûre gardienne de la vertu.

 Mais qu'opposer à tant et de si dangereux ennemis, à des ennemis qui sont avec nous, la nuit et le jour, et qui, tous, nous blessent et nous tuent, en nous caressant? Avec quelles armes leur résister ? Point d'autre que l'arme de la vigilance et de la prière : J'ai toujours les yeux élevés vers le Seigneur, dit le Prophète, parce que c'est lui qui dégagera mes pas des pièges qui m'environnent (Ps. XXIV, 15). L'attaque et le danger sont de tous les jours et de toute la vie, de tous les lieux et de toutes les circonstances : il faut que la défense soit continuelle, c'est-à-dire, que la prière se fasse sans interruption, que nous recourions sans cesse à Dieu, à la Vierge immaculée, à saint Joseph son très digne Epoux, à nos bons Anges, à nos saints Patrons.

  Et, M. T. C. F., pour nous exciter à le faire, à le faire constamment, à le faire avec ferveur, pensons souvent quel terrible adversaire nous avons à combattre, dans quel abîme il cherche à nous entraîner.

 Tous les saints s'accordent à le dire : Point d'ennemi plus redoutable que la chair : un des plus grands châtiments, c'est d'être livré à sa fureur, de se rendre esclave de ses appétits monstrueux. Mon peuple, dit le Prophète, n'a point écouté ma voix, et Israël ne s'est point attaché à moi, c'est pourquoi je les ai abandonnés aux désirs de leurs cœurs, et ils ont suivi l'égarement de leurs propres pensées (PS. LXXV, 12, 13).

 Malheur à vous, s'écrie saint Ambroise, si vous vous laissez tomber entre les griffes d'une bête si cruelle et si indomptable! tout l'enfer ensemble ne pourrait pas vous traiter si mal ! Saint Pierre nous avertit d'être sobres et de veiller, parce que le démon notre ennemi, tourne sans cesse autour de nous comme un lion rugissant, cherchant qui il pourra dévorer (I S. Pierre, v, 8) ; mais le démon n'est terrible que parce que nous mettons à son service, contre nous-mêmes, nos passions déréglées, nos appétits sensuels. C'est notre malheureuse chair qui fait sa force, et qui le rend si puissant. Aussi, est-ce de cette bête farouche que l'Ecclésiastique demande à être délivré quand il s'écrie : Seigneur, mon Père et le Dieu de ma vie, éloignez de moi les concupiscences charnelles : que les désirs de l'impureté ne me possèdent point, et ne me livrez point à l'égarement d'un esprit sans honte et sans frein (Écc., XXIII, 4, 6). Il avait dit plus haut : Ne vous laissez point aller après vos désirs déréglés, et gardez-vous de suivre votre volonté propre ; car, si vous donnez à vos désirs ce qu'ils demandent, vous deviendrez la joie et la risée de vos ennemis (Écc., XVIII, 30, 31).

 Eh! plût à Dieu, M. T. C. F., que jamais Religieux, jamais Frère instituteur, engagé par état à la garde de l'innocence et de la vertu, lié au Seigneur par des vœux sacrés, ne se fût livré à l'égarement d'un esprit sans honte!… ne fût devenu la joie des démons, la risée des ennemis de Dieu et de l'Eglise!…

 Hélas! c'est l'immense malheur qui vient frapper toute Maison, toute Communauté où un Religieux, oubliant la sainteté de son état et trahissant tous ses engagements, ose assumer sur sa tête cette redoutable sentence du divin Maître : Si quelqu'un scandalise un de ces petits qui croient en moi, il vaudrait mieux pour lui qu'on lui attachât au cou une meule de moulin, et qu'on le jetât dans la mer (Marc, IX, 41).

 C'est l'immense honte que subit une Maison, une Communauté, lorsqu'une âme religieuse qui a pris Jésus-Christ pour époux, qui lui a voué amour et fidélité, ose briser cette alliance divine et se donner à quelque misérable créature.

 Prions Dieu, M. T. C. F., ne cessons pas de prier, afin qu'il éloigne de nous ces grands maux. C'est par la ferveur et la continuité de nos prières, c'est par une humble et filiale soumission aux Supérieurs, par une entière et constante obéissance à la Règle, que nous mériterons de n'être pas livrés à l'égarement de cet esprit sans frein, à la perversité de nos désirs ; que nous pourrons échapper aux châtiments honteux dont Dieu permet que soient frappés ceux qui s'abandonnent à l'esprit d'orgueil, qui suivent leur esprit propre, leur volonté propre.

  Un des caractères particuliers du vice impur est, en effet, d'être, presque toujours, la suite et, le châtiment de l'orgueil et de la désobéissance. L'esprit immonde et l'esprit superbe se réunissent ainsi pour consommer la perte des hommes. Oh ! quels abominables larrons que ces deux monstres, quand ils entrent dans une âme ! C'est bien alors qu'elle devient un véritable lieu de désolation, une véritable caverne de voleurs ! En appliquant à cette âme les menaces du Sauveur contre Jérusalem, on peut dire à la lettre qu'ils y détruisent tout, qu'ils n'y laissent pas pierre sur pierre.

 Et, en vérité, qu'ont-ils laissé, dans le sens du bien, aux anciens philosophes dont parle saint Paul dans son Epître aux Romains, à ces hommes orgueilleux et corrompus, qui, ayant connu Dieu, ne l'ont pas glorifié comme Dieu, et ne lui ont pas rendu grâces ? Ils ne leur ont, rien laissé : rien de bon, rien de vrai, rien de juste, rien d'honnête, rien même de raisonnable. Ils les ont fait descendre au dernier degré de la honte et de l'avilissement. Ils ont tout détruit dans eux.

 Ces hommes, dit l'Apôtre, qui se disaient sages, sont devenus fous… Dieu les a livrés aux désirs de leur cœur, au vice de l'impureté, en sorte qu'ils ont déshonoré eux-mêmes leurs propres corps ; … qu'ils ont fait des actions indignes de l'homme ; qu'ils ont été remplis de toutes sortes d'injustice, de méchanceté, d'impureté, d'avarice, de malice ; envieux, meurtriers, querelleurs, trompeurs, pleins de malignité, semant en secret la division ; calomniateurs, ennemis de Dieu, outrageux, superbes, hautains.., désobéissants ; gens sans raison, sans règle, sans affection, sans humanité (Rom., I).

 Voilà ce que devient l'homme quand, livré à son orgueil, il en est puni par l'impureté ; et c'est l'Esprit, Saint lui-même qui en a tracé l'effrayant tableau. Qui ne tremblera à la vue d'un pareil châtiment ! qui ne sentira le besoin de s'humilier et de prier pour n'être pas livré, comme eux,à son sens dépravé : car, ne nous y trompons pas, M. T. C. F., c'est aujourd'hui comme toujours: quand le pécheur est descendu dans la profondeur du mal, alors il méprise (Prov., XVIII, 3). Il méprise les remords, les avis, les menaces ; il méprise le bien, la vérité, l'honneur ; il méprise son corps, son âme, son Dieu ; il sacrifie tout à ses abominables penchants : conscience, vocation et vœux ; raison, bon sens et caractère; repos, santé, vie même. Hélas ! il arrive quelquefois jusqu'aux derniers excès de la profanation. Espérant cacher sa honte sous le voile de l'hypocrisie, nouveau Judas, pire que le premier, il en vient à unir l'abomination au sacrilège, à vendre Jésus-Christ au démon impur, non plus pour trente deniers, mais pour des horreurs ! …

 Dieu nous garde de cette iniquité !… Que sa miséricorde par la protection de Marie, nous en préserve à jamais !… Mais encore, le mot de saint Augustin est là : Est-il un crime commis par un homme qu'un autre homme ne puisse commettre, si Celui qui a fait l'homme, ne vient au secours de sa faiblesse et ne le préserve d'y tomber.

 Donc, M. T. C. F., nécessité absolue pour nous de persévérer dans la prière, d'être sincèrement et constamment pieux. Puisque la foi nous enseigne que nous ne pouvons garder la chasteté sans une assistance spéciale de Dieu, et que cette assistance ne s'accorde qu'à la prière, ne cessons pas de la demander. Nous sommes effrayés des maux que l'orgueil et l'impureté traînent après eux ; nous voulons que nos âmes et nos corps soient purs et saints, afin que Dieu y habite comme dans sa propre demeure, que l'Esprit-Saint y réside comme dans son temple, que Jésus-Christ nous considère et nous traite comme ses membres. Donc, fidélité inviolable à tous nos exercices de piété, exactitude à toutes nos Communions de Règle et de dévotion, union continuelle de notre esprit et de notre cœur à Dieu par de saintes invocations, par de ferventes aspirations. Mais, prière et confiance, prière et amour, prière avec une assurance pleine et parfaite du secours de Dieu. Dieu est fidèle, dit le grand Apôtre, et il ne permettra pas que vous soyez tentés au delà de vos forces ; mais, si vouspriez, si vous appelez Dieu à votre secours, il vous fera tirer avantage de la tentation même, afin que vous puissiez persévérer (l Cor., X, 13).

 IX

  Prions, M. T. C. F., tenons-nous sur nos gardes car, les démons ne viennent pas toujours à nous comme des lions rugissants ; mais ils savent dissimuler, ils savent faire le commerce en petit, nous attirer peu à peu et nous perdre comme en se jouant.

 Saint Macaire d'Alexandrie les vit un jour remplir l'église où priaient les Solitaires ; et, sous la forme de petits Ethiopiens extrêmement laids, courir d'un Religieux à l'autre pour les dissiper et les distraire, essayant d'endormir les uns, de faire bâiller les autres, d'attirer ceux-ci par des images séduisantes, d'occuper ceux-là de voyages, de bâtiments, d'objets ridicules, multipliant auprès de tous les illusions et les fantômes, pour les détourner de la prière et les empêcher d'en profiter.

 Hélas ! combien de fois n'ont-ils pas fait de même avec nous ? Combien de fois, en nous amusant de bagatelles, de niaiseries, n'ont-ils pas réussi à nous enlever nos Oraisons, nos Chapelets, notre Office, jusqu'à nos Communions même?

 Où vas-tu, demanda un jour au démon saint Macaire d'Egypte, et pourquoi toutes ces fioles dont tu es couvert ? – Je vais, lui répondit le fantôme, réveiller les Solitaires, et je leur porte ces potions différentes, afin que, si quelqu'un ne veut pas de l'une, je puisse l'attirer et le prendre par une autre. C'est ainsi que ces esprits de malice savent varier leurs attaques, diversifier leurs moyens, approprier leurs tentations, soit aux temps et aux lieux, soit au caractère et aux dispositions de chacun. Combien, par conséquent, nous avons besoin de demander le secours d'en Haut, les lumières et la force d'en Haut, pour échapper à tant d'embûches!

 Mais, parmi ces démons badins et légers qui font une si rude guerre aux âmes justes, aux Religieux, il n'en est pas de plus acharné ni de plus dangereux que le démon de la vaine gloire. Saint Basile l'appelle un agréable larron de bonnes œuvres spirituelles, un doux ennemi des âmes, si adroit, si insinuant, que ceux qui ne le connaissent pas, ne sentent aucun chagrin à lui abandonner les plus saintes actions : tant il y a de charme et d'enchantement aux louanges des hommes!

 La vaine gloire, dit saint Grégoire, se glisse comme le plus subtil des voleurs; elle a fait son coup, qu'à peine l'a-t-on aperçue; elle vole et tue, lorsqu'on se croit le plus en sûreté. Telle est sa malice, qu'elle convertit le bien en mal, la vertu en vice, et qu'elle nous fait mériter des châtiments par les actes mêmes qui devraient nous assurer une récompense.

 Aussi, il n'est pas de vice contre lequel le divin Maître nous prémunisse plus fortement.

 Prenez garde, dit-il, de faire vos bonnes œuvres devant les hommes, afin qu'ils vous voient ; autrement vous n'aurez point de récompense de votre Père qui est dans les Cieux (Matth., VI, 1).

 Quand vous faites l'aumône, que votre main gauche ne sache pas ce que fait votre main droite (Ibid., 3).

 Quand vous priez, entrez dans votre chambre ; et, la porte étant fermée, priez votre Père dans le secret, et votre Père, qui voit dans le secret, vous le rendra (Ibid., 6).

 Quand vous jeûnez, parfumez-vous la tête et lavez-vous le visage, afin qu'il ne paraisse pas aux hommes que vous jeûnez ; et votre Père, qui voit dans le secret, vous en récompensera (Ibid., 17, 18).

 Il est évident par des détails si précis et si formels, que Notre-Seigneur attache une importance extrême à ces instructions et à ces prescriptions. Quel peut en être le motif, la raison?

 Ah ! c'est que la tentation de la vaine gloire menace surtout ses amis, ses plus fidèles serviteurs, et qu'elle les menace dans tout ce qu'ils ont de plus précieux. Comme un corsaire attend, pour attaquer un vaisseau, qu'il revienne chargé ; ainsi, la vanité dit saint Basile, attend qu'une âme juste ait pris beaucoup de peine à faire plusieurs bonnes œuvres, pour les lui ravir et lui en ôter tout le profit. C'est pour nous préserver de pertes si considérables que Notre-Seigneur nous recommande avec tant de soin de combattre la vaine gloire.

 C'est aussi et c'est surtout parce que le Seigneur a fait toutes choses pour lui-même (Prov., XVI, 4). Lui seul peut et doit occuper la capacité de tous les cœurs. Essayer de les remplir de notre propre estime, c'est pour ainsi dire, chasser Dieu de sa maison ; c'est un vol, une usurpation sacrilège que Notre-Seigneur ne peut souffrir, selon ce qui est dit dans Isaïe : Je ne donnerai point ma gloire à un autre (Is., XLII, 8).

 Enfin, les bonnes œuvres sont la parure de nos âmes c'est faire injure à Dieu, qui en est l'époux que de les faire pour plaire à d'autres qu'à lui ; et Jésus-Christ, que le zèle de la maison de Dieu dévore, et sur qui retombent toutes les injures qu'on fait à son Père (Ps. LXVIII,10), ne peut supporter cette infidélité.

    Défions-nous donc de ce breuvage empoisonné de la vaine gloire ; c'est de la poudre de senteur, mais elle est toute composée d'arsenic. Craignons cette tempête dans le port, ce naufrage en pleine rade, après une navigation heureuse parmi les bancs et les écueils. Craignons la flèche, dit saint Bernard : elle vole légèrement, elle pénètre doucement ; mais, je vous le dis, elle ne fait pas une légère blessure, elle est la mort de nos meilleures œuvres. Appliquez vos cœurs à vos voies, nous dit le Seigneur dans Aggée ; n'agissez que pour ma gloire, car autrement on pourra vous dire : Vous avez beaucoup semé, et vous avez peu recueilli, vous avez mangé, et vous n'êtes pas rassasiés; vous avez bu, et vous n'êtes pas désaltérés vous vous êtes vêtus, et vous n'avez pas été réchauffés et celui qui a rassemblé des trésors, les a mis dans un sac percé (Aggée, I,5, 6).

 En vérité, n'est-ce pas mettre toutes nos bonnes œuvres dans un sac percé, que de les faire par vaine gloire? Quel but sérieux, quel bien solide, quelle utilité réelle peut-il y avoir dans les petites vanités d'un Religieux? Que lui reste-t-il, que lui revient-il, quand il a donné à la vaine gloire son travail, ses études, ses leçons, ses prières même, et jusqu'à ses Communions? A quoi se réduit, en définitive, ce petit éclat, ce petit applaudissement, cette petite réputation qu'il convoite et dont il se paie ? Un jeune Religieux, luttant avec force contre ce démon de la vanité, l'appelait son marchand d'allumettes. «Cette semaine, écrivait-il, mon marchand d'allumettes n'a pas fait fortune. Grâce à Dieu, je lui ai laissé toute sa marchandise. » Je trouve dans cette image et cette pensée quelque chose de très juste et de très vrai. Quelle pauvre marchandise, en effet, le démon de la vaine gloire nous donne en échange des trésors immenses, des honneurs et des délices incomparables qu'il nous ravit, en nous ravissant le mérite de nos œuvres! Ce vain bruit, ces louanges apparentes qui cachent souvent un mépris réel, ce faux éclat dont il nous amuse, que sont-ils autre chose que la flamme douteuse et fugitive de l'allumette, du brin de bois qui se consume entre les doigts, et qui les atteint si vite et si douloureusement ? Nos fumées de vanité ne s'évanouissent-elles pas comme la fumée noirâtre et puante du phosphore ? Et quels poignants regrets elles nous préparent, s'il faut, un jour, les expier dans les flammes du Purgatoire; ou, ce qui serait le comble du malheur, si elles devenaient le principe de notre perte éternelle !

  Disons-le, dans la même pensée, les démons sont souverainement orgueilleux. C'est les briser que de deviner leurs ruses grossières, leurs moyens dégoûtants, et d'en rejeter la honte sur leur faiblesse et leur méchanceté. Ils ne peuvent supporter d'être reçus et traités en misérables trafiquants de vieilleries, de pauvretés, de colifichets. Saint Antoine les déconcertait tous en se riant de leurs efforts impuissants, des figures grotesques, ridicules, horribles, qu'ils prenaient ou pour le distraire ou pour l'effrayer. Nous devons faire de même, nous devons travailler à les déconcerter, en découvrant leurs ruses, et en méprisant leurs efforts ridicules, leurs fausses promesses, et surtout leurs infâmes propositions.

 Mais, par contre, plus les moyens qu'ils emploient contre nous sont bas, plus ils sont petits, puérils, honteux, indignes même, plus les démons s'en applaudissent quand, avec cela, ils réussissent à nous tromper, et à nous perdre. Le crime et la honte sont alors à nous seuls, et la victoire reste tout entière à ces ennemis de Dieu et des hommes. Hélas ! combien de fois les âmes légères, irréfléchies, les âmes qui ne prient pas, font tressaillir d'aise ces méchants esprits! Combien de fois elles leur donnent l'infernal plaisir, l'abominable gloire de les entraîner au péché, de les perdre même, pour des futilités, pour des riens!

 Et n'est-ce pas ainsi qu'ils nous enlèvent trop souvent de très bonnes vocations, de bons Novices, de bons Frères, et jusqu'à des Profès? Expliquons un peu ce pitoyable marché !…

 Les Religieux sont les Aînés de la grande famille de Dieu; et, comme tels, ils reçoivent, pendant la vie, une surabondance de plaisirs, de richesses et d'honneurs. Associés ici-bas aux mérites et aux travaux des Apôtres, des Vierges et des Martyrs, ils doivent, comme eux, compter un jour parmi les grands de l'éternité, et ceindre la triple couronne qui s'ajoute à celle des Justes, et qui ne se donne qu'à l'Apostolat, à la Virginitéet au Martyre. C'est en vue de ces biens et de ces espérances que l'auteur de l'Imitation s'écrie : « Ô état sacré de la vie religieuse, qui rend l'homme chéri de Dieu, égal aux anges, terrible au démon et digne d'être honoré de tous les serviteurs de Jésus-Christ! Ô bienheureuse servitude, et qu'on ne peut assez souhaiter, puisqu'on y acquiert des biens infinis et une éternelle gloire! » (Liv. III, ch. X.)

 Or, c'est en vue de ces mêmes biens et de ces mêmes espérances que le Religieux infidèle se laisse fasciner par les folles joies et les faux biens de ce monde; que le démon l'amène, nouvel Esaü, à vendre son droit d'aînesse, des espérances immortelles, pour un instant de jouissances, pour un plat de lentilles, une maison, un coin de terre, une place, un rien, peut-être moins que rien, peut-être quelque vile passion à satisfaire. C'est pour ces misères, pour ces futilités, pour cette honte, que ce Religieux laisse de longs travaux déjà accomplis, de nombreux mérites déjà amassés; qu'il abandonne les moyens de salut les plus efficaces, les gages de prédestination les plus certains ; qu'il passe sur des engagements sacrés, et qu'il se jette à l'aventure, sans conseil et sans direction, au risque de rompre pour toujours la chaîne de sa persévérance finale, en rompant celle des grâces et des miséricordes spéciales qui, seules, peuvent l'assurer. Quelle imprudence ! quel aveuglement! quelle pitié !

 Je le sais, le mystère de la défection, comme celui de la réprobation, ne s'accomplit guère qu'à la suite de longues infidélités, par le travail secret du démon de l'orgueil ou du démon impur, et trop souvent de l'un et de l'autre; mais il est vrai de dire qu'il commence presque toujours par de très petites choses. On devient faible sur sa vocation et sur ses vœux, on résiste moins aux grandes tentations, parce que le démon nous a entamés par quelque appât, par quelque rêve, par quelque apparence de bien-être, de liberté, de plaisir, d'avantage tout humain. Ah ! défions-nous, M. T. C. F., défions-nous souverainement de ces esprits maudits qui viennent à nous en petits marchands, qui essaient de nous prendre avec des jouets d'enfants, de nous faire échanger les places d'honneur et de distinction qui nous attendent dans l'éternité, contre les places si précaires et si laborieuses de la vie séculière.

 Quand on croit au Ciel et à l'enfer, et qu'on a étudié, pesé et goûté les avantages incomparables de l'état religieux, les promesses magnifiques qui lui sont faites, c'est perdre le sens que de les sacrifier pour les vanités, les frivolités, les bagatelles de cette courte vie.

 C'est perdre le sens que de se payer de la possibilité de se sauver dans le monde, quand Dieu nous offre toutes les assurances de la vie religieuse et qu'il nous y appelle.

 C'est perdre le sens que de se reposer sur cette possibilité, et de ne pas tenir compte des mille possibilités contraires qui attendent le Religieux infidèle.

 Toutes les assurances fussent-elles égales d'ailleurs, ce serait encore perdre le sens que de donner un seul degré de gloire, de bonheur et de plaisir dans le ciel, où tout est éternel et infini, pour tous les honneurs, tous les biens et tous les plaisirs de ce monde, où tout est caduc et borné.

 En face de l'éternité, dans l'alternative inévitable d'un bonheur ou d'un malheur sans mesure, il n'y a qu'un parti sage, C'EST LE PARTI LE PLUS SÛR ; non pas leparti qui flatte, qui plaît, qui accommode; mais celui-là seul qui mène au Ciel plus sûrement, plus promptement, plus parfaitement. On ne peut, sans folie, se contenter du moins, quand on peut avoir le plus ; surtout avec l'immense danger, en choisissant le moins, de perdre et le plus et le moins.

 Or, ce parti le plus sûr, ce parti franc de se sauver coûte que coûte, on ne le prend et on ne le tient que si l'on est franchement, sincèrement, constamment pieux si l'on persévère dans la piété, dans l'esprit de prière.

 Oui, soyons pieux, prions : car, dit saint Liguori, parmi les adultes, il n'y a de sauvés que ceux qui prient, il n'y a de damnés que ceux qui abandonnent la prière.

 Prions, soyons pieux, et Dieu sera avec nous, Dieu nous bénira, Dieu nous assistera, Dieu nous gardera et nous défendra comme son bien propre : Ma maison sera appelée la maison de la prière.

 Et, puisque la prière est si nécessaire, estimons-nous heureux d'être dans un état où l'on ne peut moins faire de que prier, de prier beaucoup, de prier toujours. Le plus grand service que nous rendent nos Règles, c'est de nous faire prier continuellement, de nous appeler à la Méditation et à l'Oraison chaque jour, de nous faire entendre la Messe chaque jour, de nous imposer chaque jour, l'Office et le Chapelet, des prières avant et après chacune de nos actions principales, des prières et des invocations à chaque heure et presque à chaque instant de la journée. C'est l'heureuse nécessité d'accomplir le précepte de Jésus-Christ : Il faut toujours prier, et ne jamais se lasser de le faire (Luc, XVIII, 1) ; c'est la source de la grâce c'est la voie infaillible du salut. Il ne nous reste qu'à la suivre avec constance et générosité. Priez, priez, répète encore saint Liguori, après sainte Thérèse, ne cessez jamais de prier : car, si vous priez, votre salut est assuré mais si vous ne priez pas, votre perte est certaine.

 La présente Circulaire sera lue en Communauté, à l'heure ordinaire de la lecture spirituelle. Les Frères Directeurs pourront ensuite, aux jours qui conviendront le mieux, la donner en sujets de Méditation, en prenant chaque sujet d'un astérisque à l'autre.

 Recevez la nouvelle assurance du tendre et respectueux attachement avec lequel je suis, en Jésus et Marie,

Mes très chers Frères,

 Votre très humble et très dévoué Frère et Serviteur,

     F. Louis-Marie.

 

post-scriptum. Des circonstances particulières ont fait retarder l'envoi de cette Circulaire. Nous la compléterons prochainement, en vous adressant les listes d'admissibilité aux vœux, et en vous donnant nos avis pour les Retraites, dont la première s'ouvrira à la Maison-Mère, le 27 août. Celle du Régime se fera du 9 au 16 juillet, et celle de Glasgow du 26 juillet au 2 août. Les autres seront fixées par la seconde Circulaire.

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