26/Oct/2007 ESPAGNE

Entrevue avec le secrétaire général de la Conférence Episcopale Espagnole

A quelques jours de la béatification de 498 martyrs du XX° siècle en Espagne, dimanche prochain, 28 octobre à Rome, le secrétaire général, porte-parole et responsable du Bureau pour les Causes des Saints de la Conférence Episcopale espagnole (CEE), Père Juan Antonio Martínez Camino, dans une entrevue accordée à Veritas a expliqué quelques détails de la cérémonie de béatification, ainsi que limportance religieuse de cet événement.

? La béatification de 498 martyrs du XX° siècle en Espagne sapproche : comment vit-on ces derniers jours de préparation ?
– Père Martínez Camino : la cérémonie de la béatification est dans cinq jours et tout est déjà pratiquement en place. Nous attendons une assistance nourrie de fidèles dEspagne, et également de Rome et dItalie. Il y aura aussi beaucoup dautorités locales, des représentants des différentes Régions Autonomes, une représentation institutionnelle du Gouvernement ; mais le plus important est quil sagit dune fête de la foi.
Une fête pour rappeler les martyrs : lÉglise reconnaît quils ont héroïquement vécu leur décès comme des témoins de lEvangile et de la fidélité à Jésus-Christ et à lÉglise. Ceci se vit avec beaucoup de joie dans toutes les Communautés chrétiennes dEspagne, où on remarque un grand intérêt et un enthousiasme pour la Béatification de Rome, raison pour laquelle on va ensuite venir ; parce que dorénavant, le Sanctoral espagnol s?est enrichi de presque 500 nouveaux bienheureux, et ceci est un modèle vigoureux de sainteté, de puissance d?intercession, d?exemple, de modèles pour vivre la foi, lespoir et la charité.
Bientôt nous aurons la première fête de ces martyrs, le 6 novembre. Pendant cette année on recueillera des fruits apostoliques, spirituels, pour la dynamisation de la vie pastorale, c?est ce dont il sagit. LÉglise, quand elle béatifie les martyrs, cherche simplement la gloire de Dieu et le bien des âmes, le bien des hommes, qui consiste fondamentalement dans le renforcement de leur foi, de leur espoir et de leur charité.

-Comment lÉglise d?Espagne et le Saint Siège ont-t-ils travaillé pour coordonner la célébration ?
–Père Martínez Camino : Cette béatification se fait sur la Place Saint Pierre comme on avait l?habitude de le faire jusquà présent. Mais cest une exception, prévue dans les normes actuelles. La Préfecture de la Maison Pontificale se charge de lorganisation de la cérémonie sur la Place Saint Pierre. Nous, les postulateurs et le Bureau pour les Causes des Saints de ce Secrétariat Général, nous nous chargeons de la préparation de la cérémonie daccueil dans la Basilique de Saint Paul Hors-les-Murs.
La cérémonie de la béatification commencera à 10 h. et durera quelque deux heures, parce que les causes quil faut nommer sont nombreuses ; depuis 8 h. ceux qui ont laccréditation (on en a gratuitement distribué quelque 60.000 à tous ceux qui lont demandée depuis les Postulations et depuis le Bureau pour les Causes des Saints) pourront accéder à la Place puis les autres pèlerins pourront y accéder. On prévoit que dEspagne ? d?après ce que nous savons – plus de 30.000 personnes viendront par des voyages organisés. Il y aura présents beaucoup de parents des martyrs, plus de 2.000, à qui sera réservé un lieu spécial. Depuis 9 h.15 à peu près, on préparera lassemblée avec des chants, des images, des témoignages des martyrs?

–Que pouvez-vous distinguer dans les biographies des martyrs ?
–Père Martínez Camino : Ce qui appelle davantage lattention dans la biographie des martyrs c?est ce mélange de force, et en même temps dhumilité avec laquelle les martyrs ont assumé cette situation tragique de devoir opter sans reculer entre leur vie ou leur fidélité à Dieu et à lÉglise. Parmi ces martyrs, on ne connaît pas de cas de défections.
La force est la première chose qui attire lattention, mais lhumilité, la joie et la simplicité avec laquelle ils ont affronté cette situation, qui était dramatique, mais quils ont affrontée aussi avec la joie de la foi, en chantant dans les camions qui les menaient à l?exécution, en s?appuyant sur la prière et sur la parole dans la prison, écrivant de la prison à leurs familles juste avant dêtre assassinés (certaines de ces lettres vont être lues à Saint Paul et à Saint Pierre), laissant surtout leur témoignage de pardon et de sérénité à leurs parents, dans quelques cas à leur fiancée.
La force de leur foi, la joie de leur espoir et la chaleur de la charité vécue à ces moments-là, cest-à-dire la vie chrétienne vécue de manière totale appellent lattention.

— Sagissant dun acte avec tant de force religieuse, que dire à ceux qui font une lecture politique de la Béatification ?
–Père Martínez Camino : Nous ne sommes pas étonnés quil y ait des lectures politiques fausses : ceux qui ont fait une lecture seulement politique dun fait nettement religieux se sont toujours trompés. Mais cest la loi de lhistoire. Les martyrs de la première époque du Christianisme, qui donnaient leur vie pour le Christ, on les classait comme traîtres à Rome ; et les martyrs de la Révolution française on les classait comme traîtres à la Révolution ; et les martyrs du XX° siècle en Russie, en centre Europe ou en Espagne, comme des gens qui freinaient les progrès de lhistoire.
Ceci concerne lhistoire de lÉglise, ce qui ne nous étonne pas ; c?est pénible, c?est triste, mais ça appartient au martyre : la diffamation et lignominie sont unies à la mort injuste pour le Christ. Comme a dit Jean-Paul II dans la célébration des martyrs au Colisée, en 2000, lignominie est normalement unie au martyre.
Dire que ceux que lÉglise béatifie aujourd?hui avaient un côté politique ce n?est pas connaître lhistoire, ne pas comprendre le fait religieux et ne pas rendre justice aux faits. Cette défiguration des faits nous fait mal, à nous, chrétiens, mais ne nous étonne pas, et en ce sens, nous lacceptons avec sérénité.

–Croyez-vous que manque une certaine pédagogie pour que se perçoive le sens religieux de lacte ?
–Père Martínez Camino : Il est regrettable et inévitable qu?arrivent quelques déclarations qui donnent une vision dénaturée des faits. Jai déjà dit quil ny a jamais eu un martyre de lÉglise reconnu par tous, nous ne le prétendons pas non plus, nous le souhaitons, mais ne prétendons pas que tous reconnaissent les martyrs pour ce qu?ils sont, nous le souhaitons, mais nous savons que cest difficile, pour ne pas dire impossible.
De toute façon tous les efforts possibles pour expliquer la différence entre un martyr et une personne injustement assassinée sont faits. Il y a eu beaucoup d?assassinés pendant le XX° siècle en Espagne, pendant les années 30, avant, pendant et après la Guerre Civile.
La Conférence Épiscopale dans « La fidélité de Dieu dure toujours. Regard de foi sur le XX° siècle», publiée en novembre 1999, regrette quil y ait eu dans le XX° siècle, et en Espagne pendant les années 30, tant de concitoyens assassinés injustement et elle a déclaré concrètement que le sang de tous continue à clamer vers ciel pour le pardon et pour la réconciliation, pour quon nemploie jamais de méthodes de violence. Cette demande de pardon à Dieu pour tous les meurtres, de quelque côté qu?ils soient, est très clairement exprimée. On demande pardon à Dieu pour toutes les « actions que lEvangile réprouve », commises dans lun ou lautre des côtés tracés par la guerre.
Indépendamment de tant de personnes injustement assassinées, il y en a certaines qui l?ont été de manière expresse et spécifiquement parce qu?elles nont pas voulu renoncer à la foi et à la fidélité à Jésus-Christ et à lÉglise, et ce sont les martyrs.
LÉglise regrette, les évêques ont souvent regretté tous les exécutés, mais on ne peut pas cesser dhonorer les martyrs en tant que martyrs, comme témoins de la foi. Et ces témoins de la foi ne le sont pas parce quils appartenaient ou non à un parti politique ou à un des bords en lutte, mais simplement ils sont morts pour la foi, et tous ceux qui sont morts pour la foi seront reconnus, de quelque côté qu?ils soient.

–En Espagne on a entendu dire que lÉglise cherche la division avec cette béatification?
–Père Martínez Camino : Dire que lÉglise cherche la division est, dentrée, difficilement acceptable, parce que lÉglise ne cherche la division avec rien, c?est autre chose si certaines actions de lÉglise causent de la division, mais lÉglise ne cherche de division avec rien.
LÉglise cherche annoncer lEvangile, et avec la béatification des martyrs elle cherche à reconnaître un témoignage de christianisme vécu de manière héroïque, à cent pour cent, et cette foi vécue est origine dhumanité, de réconciliation, de bonté, de pardon? et tout ce qui ne va pas dans cette ligne, nest pas ce que veut lÉglise. LÉglise ne veut pas l?affrontement, ne veut pas la division, elle veut lunité, elle prie pour lunité, elle prie pour la réconciliation, elle prie pour le pardon, et elle en propose des témoins.

— le Saint Père sera-t-il présent à la Béatification ou à la Messe dAction de grâce ?
–Père Martínez Camino : La modalité de la présence du Saint Père nest pas encore confirmée, elle est prévue, mais non confirmée. une rencontre du Saint Père avec les pèlerins est prévue, mais le lieu et la date ne sont pas confirmés.

–La Conférence Episcopale pourrait-elle, dans le futur, promouvoir à nouveau une cause conjointe, semblable à celle-ci ?
–Père Martínez Camino : Cest ce qui est prévu, de nouvelles causes sont en marche, et il sagira de les coordonner pour qu?il puisse y avoir une nouvelle cérémonie de béatification, nous ne savons pas quand, lorsque le Saint Père lestimera opportun.

–À quel genre de martyre les fidèles sont appelés à lheure actuelle en Espagne ?
–Père Martínez Camino : Le témoignage de la foi est toujours martyre, dans le sens étymologique du mot, c?est vivre la foi de façon cohérente dans tous les domaines de la vie (dans la famille, dans le travail, dans la vie publique?) et lorsqu?il y a des difficultés spéciales pour cela, le martyre est plus exigeant, le témoignage est plus difficile.
En ce sens, comme dit saint Paul, la vie chrétienne est une lutte continue, une milice, et le témoignage de la foi ne peut pas se faire avec des positions indolentes, complaisantes, dindifférence, d?hédonisme, de relativisme? : dans ce contexte, vivre la foi, suppose un effort moral et une intégrité spirituelle, que certainement cette Béatification va aider à susciter dans beaucoup de baptisés et de Communautés chrétiennes.

MADRID mardi, 23 octobre 2007 – (ZENIT.org)

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