Instruction sur les fins dernières 3

Marcellin Champagnat

Souvenez vous de vos fins dernières et vous ne pécherez jamais.

Pourquoi M. C. f. tombons nous dans le péché et suivons nous nos mauvais penchans? Cest parce que nous oublions nos fins dernières, parceque nous ne pensons pas à ce quil doit nous arriver à la fin de notre vie. Nous rejettons la pensée de la mort, du jugement et des suites terribles de ce jugement et cependant cette seule pensée est capable, daprès lexpression du St Esprit darreter la fougue de nos passions. Souvenez vous de vos fins dernières et vous ne pécherez pas:
Pour vous rappeller une de ces quatre fins de lhomme que dans un moment votre pasteur viendra au milieux de vous portant la cendre bĂ©nite que lEglise lui met aujourdhui Ă  la main et vous adressant ces paroles que Dieu adressa au premier homme dev enu pĂ©cheur: souviens toi, – homme que tu nest que que tu nest que poussière et que tu retournera en poussière. .

Que ce peu de cendre parle Ă©loquament Ă  qui veut prĂŞter loreille de son coeur.

Méditons les, M. C. F. pendant ce carême, cette année, notre vie toute entière. La mort, nous trouvant occupé de cette sainte pensée, ne nous épouventera pas. Voyons combien est terrible la mort à celui qui ny a jamais reflechi et qui par consequen t ne sy est jamais préparé: , la mort des pécheurs est très mauvaise.

Mauvaise par rapport aux circonstances qui la précédent, à celles qui laccompagnent et à celles qui la suivent. Ces trois points feront tou(t) notre sujet.

. St Bernard nous dit quil ny a rien que le pécheur mourant repouse avec plus de soin que le souvenir de ses iniquités passées, et rien cependant qui se retrace plus vivement à sa mémoire que ce souvenir. Voyons ce fameux pécheur dont nous parle la Sainte Ecriture: .

Maintenant que je suis étendu sur ce lit, accablé par la maladie, je me souviens de maux que jai faits dans Jérusalem. , maintenant que jai plus de mal que je nen puis suporter, le cruel souvenir vient encore par surcroix. . Voyez mes Ch. f. comme lapproche de la mort lui fait bien reconnoitre la vérité, il ne dit pas, quon ma fait faire, quon ma conseillé de faire, mais: , que jai fait moi-même. La mort lui fait encore discerner la qualité du mal qu il a fait et contre qui il la fait: in Jerusalem, cest contre ma ville consacrée à Dieu, consacrée à son culte, consacrée à sa religion: .

Cest contre les ministres de Dieu qui habitoient dans Jérusalem aux quels jai fait tout le mal que jai pu. Ha ce souvenir maccable, ce souvenir mabat. , au moment de la mort le pécheur, comme un autre Antiochus dit: , je vois à cette heure tout ce que jai fait: péchés de mon enfance, pêchés de ma jeunesse, péchés dun âge plus mûr, enfin lhistoire entière de toute ma vie. Je vois les péchés contre Dieu et sa religions, contre ses ministres et son culte.

Reminiscor: ici ce présente à mes yeux tous mes murmures contre la divine Providence, toutes mes imprécations, mes blasphêmes: dans quelle triste situation je me trouve.

Il voit, le pécheur mourant, il voit les sacrilèges railleries quil a faites contre ce quil y avait de plus saint dans la religion. Il voit comme un autre Judas lénormité du sacrilège usage quil a fait des sacrements et il dit comme ce fameux rép rouvé: mon crime est trop grand pour en espérer le pardon: .

PĂ©chĂ©s contre le prochain: jalousie, envie, haine, mĂ©disance, calomnie, injustice, scandales, mauvais conseils, en un mot, tous les maux quon lui a fait commĂŞttre. PĂ©chĂ©s contre soi-mĂŞme: orgueil, avarice, paresse, intempĂ©rance, impudicitĂ©, etc… etc…

A la vue de toutes ces saletĂ©s impudiques dont il ne pouvoit soutenir le souvenir, mĂŞme lorsquil se portoit bien, dans lĂ©tat oĂą il est rĂ©duit il ne peut y penser sans saisissement; il dit avec encore plus de force quAntiocus, parcequil est plus i nstruit que lui, par consĂ©quent plus capable: , – dans quelle terrible dĂ©solation me trouve-je reduit; , – et dans quels reflus de tristesse.

Pendant que le pĂ©cheur jouissoit dune bonne santĂ©, tout le mal quil faisoit ne lui sembloit rien, il avaloit liniquitĂ© comme leau, mais il en est plus de mĂŞme maintenant que la maladie la atteint: , – mes pĂ©chĂ©s se prĂ©sentent Ă  moi sous la forme de bĂŞtes affreuses; , – le pĂ©cheur ouvrira le yeux au moment de la mort.

Quelle étrange expression, sécrie Saint Gregoire, nous fermons les yeux pour dormir, et nous les ouvrons à notre réveil; doù vient donc quil est dit que le pêcheur ouvrira les siens pendant son sommeil. Cest que deux choses entrant dans sa compos ition de lêtre du p pêcheur, lame et le corps et que le sommeil se saisissant dune de ces parties, lautre séveille et ouvre les yeux.

Le présent aflige le pecheur aux prises avec la mort. Jugez, mes f. par trois choses: 1. par les douleurs aiguës quun pecheur au lit de la mort éprouve dans son corps; par les alarmes efrayantes que la mort livre à son esprit; par limpuissance où il se trouve de se secourir lui-même dans ses misères.

1° Par les douleurs aigues. De tous les maux qui peuvent affliger lhomme il nen est point auxquelles il soit plus sensible quaux maladies, surtout quand elles sont mortelles. Tandis quil nest affligé que dans ses amis, dans ses biens, dans ses p roches, il supporte ses peines. Quelque soit cette disgrâce, elle ne le touche que de loin, dit Saint Grégoire, en comparaison de la douleur intime et particulière quil souffre quand il est frappé et tourmanté dans sa propre personne.

Cest la reflexion que fait ce savant Pape sur la réponse que fit le démon à Dieu à légard de Jobe: il est inutile de dire que le démon fit contre Job tout ce quil put, mais tant quil ne sera affligé dans les choses qui ne tiennent pas à son corps , il gardera la paix; negligit, sed jam veraciter quid sit agnocitur si in supro quod dolet asperiatur».

Sil nest pas fort ému des choses qui lui sont étrangères, il rentre en lui-même, il se trouble quand il fait une sensible expérience de sa propre douleur. Si cela est généralement vrai à légard de tous les hommes, à combien plus forte raison est-c e vrai à légard des pécheurs.

2° Par les effroyables alarmes que la mort qui se présente à ses yeux, livre à son esprit. La mort du juste produit des effets bien différens dans lun et dans lautre, dit Saint Bernard. Dans le juste, la mort est bonne à cause du repos quil y trou ve, de la nouvelle vie quil va recevoir et de léternité qui va lui être assurée. Il ny a rien de si intime que lâme et le corps, et, par conséquent que la séparation fasse plus de peine.

3° Pour que le pécheur put se secourir il foudroit quil eût absolument quatre choses, une des quelles manquant, le pécheur ne peut se convertir: 1. le temps; 2. lusage des facultés de son âme; 3. la grâce de Dieu; 4. enfin la coopération à la grâce .

Le pĂ©cheur promenant ses regards dans lavenir sera terriblement Ă©pouventĂ©: , – la mort des pĂ©cheur est malheureuse dans leur sortie de ce monde; pejora autem in ingressu, – elle est encore plus mauvaise dans lentrĂ©e de lautre vie; très mauvaise par la rĂ©probation qui suivra. La terre, les crĂ©atures quil a souillĂ©es et quil a forcĂ©es pour ainsi dire Ă  lui aider Ă  assouvir ses passions, lui livreront la guerre.

Jen distingue trois: celle qui lui ont été amies; celles qui lui ont été indifférentes et dont il a abusé; dautres quil ne connoit pas et qui lui ont été ennemies. Les premières sont les parens et les proches; les secondes, les créatures en généra les, les troisièmes sont les démons.

fonte: Après AFM. 0134.0800

RETOUR

Discours sur l?enfer 3...

SUIVANT

Mort du pécheur...