Discours sur l?enfer 3

Marcellin Champagnat

En St. Ma. ch. 25. Retirez (vous) de moi, maudits, allez au feu Ă©ternel.

Cette sentance de réprobation mêttra le comble au désespoir du malheureux pécheur. J.C., dune seule parole renveesa les soldats qui venoient pour le saisir au jardin des olives. A si la majesté de lhomme Dieu fut si terrible dans un temps où il par essoit comme sauveur que sera ce, M. f. quand il paroitra et parlera en juge irrité et tout puissant et qui prononcera dune voix plus efrayante que les tonerres ces redoutables paroles: ?

Quelle terrible situation, mes frères, de ce voir pour toujours séparé de Dieu pour être précipité dans un gouffre embrasé. Il faudroit connoitre Dieu comme nous le connoitrons après notre mort pour comprendre combien sera grand le supplice de la s éparation du pécheur davec son Dieu. Lespérance fut toujours la consolation du malheureux, mais après la mort tout espoir est ravi aux pécheurs.

Enfin, tout mon dessein est de me borner à vous déveloper; dans une simple exposition, les paroles de mon texte: séparation de Dieu, paine du feu, éternité, voilà tout.

Daignez mhonorer de votre favorable attention.

Menacer le pécheur dêtre séparé de Dieu, cela paroit étrange, car est-ce pour lui un supplice ? Ici bas il fait son possible pour sen éloigner et tout ce qui peut len distraire est à son goût.

Pécheurs aveugle, voilà votre crime, voici votre supplice! Le tourment le plus terrible des damnés est sans doute la privation de Dieu. Nous ne pouvons pas en cette vie, comprendre toute la grandeur de ce tourment, cependant nous pouvons lentrevoi r en considérant dun c-té que Dieu est un bien infini, et de lautre que lâme est faite pour le posséder, car de même quun membre démis souffre, languis et est abattu, de même lâme qui est comme démise puisquelle est hors de son centre, souffr e, mais des tourments dune autre nature et infiniment plus grand.

Nous sommes ici bas comme dans un sommeil où notre esprit vit continuellement occupé de fant-me. Le vrai bien pour lequelle nous sommes fait ne nous paroit que dans le lointain. Il étoit nécessaire que la chose fût ainsi, sans cela il nous eût été i mpossible de mériter étant invinciblement entrainé ver le bien suprême.

Représentons nous, mes frères, une âme à linstant de la mort: tous les fant-mes qui lamusoient sont évanouis, le bandeau fatal est levé, la lumière brille à ses yeux, Dieu se présente à elle dans toute sa beauté et tout ce quil a dattrayant. Qu el renversement! elle voit alors quelle nest faite que pour lui et quelle ne peut goûter la paix quen lui, elle sy sent irrésistiblement emportée. Mais quel est son supplice ? Plus elle séforce pour sunir à son Dieu, plus elle rencontre dobstacle. Elle nentend dautres paroles que la foudroyante parole du prophète Osé: Vous nêtes plus mon peuple et je ne suis plus votre Dieu: . Oui, cest en vain quelle sefforce, un bras tout puiss ant la repousse sans cesse.

Pécheur infortuné, lui dit lauteur de son être, vois, examine ce que tu as perdu à regarder ce ciel et les plaisirs quy goûtent mes élus, écoutes les admirables concerts qui réjouissent la cour céleste.

Cest ce que je taurois donné pour récompense de tes bonnes oeuvres; mais comme tu nas fait que des oeuvres de ténèbres, tu sera privé de ce bien. Je devois être la récompense, mais puisque tu ne mas pas voulut obéir, je ne serai point ton Dieu: non ero vester». Non, Dieu ne sera jamais pour toi quun ennemi irréconciliable et un vangeur tout puissant.

Tourment incompréhensible: lâme est sans cesse attirée par tout ce que Dieu a daimable et de parfait, et repoussée par tout ce que la haine et lindignation dun Dieu ont de plus épouventable. Pécheur, si tu ne comprends point maintenant ce que cest que la perte dun Dieu, le démon le comprend et ressent si cruellement la perte quil a faite que si, au milieux des brasiers de lenfer il pouvoit espérer de voir son Dieu et de le posséder une heure après chaque mille ans, il seroit content et souffriroit ses tourments avec consolation.

A quoi pensez vous lorsque vous perdez Dieu en perdant sa grâce par le péché mortel. Les damnés pleurent cette perte et vous y êtes insensibles. Les damnés voudroient retourner à Dieu, mais il nest plus temps, ils ne le peuvent plus. Vous en avez le temps et vous le pouvez, cependant vous ne le voulez pas, vous avez donc le coeur plus dur quun réprouvé. Retournez donc au Seigneur maintenant quil vous en presse, dans léternité vous ne le pourrez plus.

La privation de Dieu, au rapport des Sts.Pères, est le plus grand des supplices quéprouvent les damnés, néanmoins il en est un autre plus capable de toucher les pécheurs, cest la peine du feu, sujet de mon second point.

En mille endroits les divines écritures font mention dun feu qui dévorera les malheureux réprouvés. Les Sts.Pères, les théologiens disent quelles parlent dun feu réel et miraculeux qui renferme tout supplice.

Nous ne connoissons point sur la terre dagent plus terrible que le feu et ce seroit le tourment le plus Ă©pouventable si on pouvoit le souffrir longtemps dans toute sa violence. Mais quelques instans de ce supplice suffisent pour faire expirer celui qui le souffre.

Supposons un criminel condamné à être brulé tout vif. Le voilà placé sur un bûcher entourré dun bois très sec et très combustible. A peine le feu est il allumé que la flamme sélève et lenveloppe de toute part.

Qui pourra se faire une idée de ce qua de violent cette première atteinte, mais elle ne peut durer. Le sentiment sémousse dabord et après quelque moment de douleur, le patient expirent. Supposons encore que Dieu fasse un miracle pour conserver l a vie à ce criminel au milieux du feu et quil souffre pendant un jour pour tout ce quil a éprouvé au premier abort.

Cette pensée, mes f. ne vous remplir elle pas defrois? Cependant allons plus loin: portons nos regards dans ces fournaises où lon fait fondre le verre ou le fer. Si quelquun y étoit jeté, à peine auroit il le temps de pousser un cri quil seroit mort. Ce nest pas sur un bucher quil faut placer notre criminel, cest dans une fournaise capable de fondre une masse énorme de fer, que la force épouvantable agisse toute sur lui et quil soit forcée dy vivre comme le poisson dans leau. Malgré lépouvante qui nous saisit, aprofondissons cette pensée, et faisons, sil est possible, une juste idée de ce que souffre ce malheureux quand nous en serons venu là nous naurons encore rien compris de ce que souffre un damné.
.
Feu miraculeux, il ny a point de proportions entre le feu de lenfer et celui des fournaises dont nous venons de parler. Les feux dici bas ne sont quune ombre, celui de lenfer est la réalité et fait souffirr tous les tourments. Il faut également souffrir lâme dans toutes ses puissances et le corps dans tous ses sens.

Il ny a point de supplice quun réprouvé nendure: . Jamais les hommes, quelque cruels quil aient été, nont rien inventé de pareil; mais ici cest un Dieu qui punit en Dieu et qui, dans sa fureur, emploit toute sa pui ssance: . Deut. Lesprit humain ne peut rien imaginer de plus horrible que la situation dun réprouvé. Tout ce qui se présente à lui le tourmente, il ne voit que du feu, il navale que du feu, il ne respire que du feu, il ne touche que des objets pénétré de feu. Tout le remplit dhorreur et defrois, il ne voit que des figures hydeuses, des monstres horribles, de démons sous des figures épouventables. Il nentend que lamentations, hurlements, cris de rages, grincement de dent: . Grand Dieu quelle horrible situation !

Qui ne frémira à la vue de pareils supplices ? Cependant tout ce quon en peut dire nest rien, car de même que la gloire est au-dessus de nos pensées, de même lenfer est au-dessus de notre intelligence. La désolation de lEgypte entière nest, dit lécriture que le doigt de Dieu, mais sagit il de punir Lucifer et les réprouvés toute sa puissance et toute la force de son bras y est employé: .

Enfin, mes frères, pour éviter tant de malheurs quencourt le pécheur obstiné, commençons dès aujourdhui à changer de vie, mettons ordre à ntre conscience et à lexemple du grand ap-tre des Gentils, déclarons la guerre à notre ennemi capital qui est notre corps, réduisons-le en servitude, car, disoit ce grand ap- tre: Je chatie mon corps pour ne pas devenir un réprouvé.

Je me suis réduit comme un prisonnier dans un désert, disoit St.Jer-m; de peur de tomber dans lenfer et de me perdre avec les mondains. Encore un instant et je vous dirai deux mots de ces mêmes peines, sujet dune troisième réflexion. Jognons à tou t cela la durée de ces mêmes peines.

Quelque pénible que soit la privation de Dieu et quelque insupportable que soit le tourment du feu, tout cela nous semble peu de choses en comparoison de léternité, sujet de mon second point.

Le damnĂ© est tourmentĂ© en toutes sortes de manières. Cependant le plus dĂ©sespĂ©rant de ses tourmens est de voir que tout ce quil souffre, il le souffrira toute lĂ©ternitĂ©: ; – le ver qui les ronge ne meurt point et le feu qui les dĂ©vore ne sĂ©teind point. Lap-tre St.Jean dans lap.e: la fumĂ©e de leur tourmens sĂ©lèvera dans les siècles des siècles.

Oui, mes f. vous venez de lentendre, cent années de souffrance passeront, mille passeront et lenfer ne fera que commencer. Il se passera cent mille et mille million dannées, de siècles et lenfer sera à commencer de nouveau.

Si Dieu faisoit connoitre à un réprouvé quil veut le délivrer de lenfer quand il se sera écoulé autant de siècles quil y a de gouttes deau dans la mer, de grains de sable sur les rivages, cette nouvelle lui causeroit infiniment plus de joie que n e pourroit vous en causer la nouvelle la plus avantageuse, car ce damné pourroit dire à la vérité: je souffre de grands maux, mais au moins mes tourmens finiront un jour. Mais il nen sera pas ainsi, car réellement autant de siècles sécouleront et l éternité restera encore toute entière: .

Réflechissez là dessus, pécheurs, mais réfléchissez y mûrment, car si vous ne changez de vie, la mort, lenfer, après votre dernier soupir, sera votre partage. Non mes frères, quil nen soit pas ainsi, écoutons plut-t ce que nous dit lenfer, ; cest a vous tous mes frères à qui il adresse la parole, cest-à-dire aux justes, aux penitents et aux pécheurs.

Ames innocentes, prĂŞtez loreille vous qui avez eu le bonheur de vous conserver pure et sans aux yeux du Seigneur, redoublez de soins: , – veillez et priez, pour que le pĂ©chĂ© ne vienne point ternir lĂ©clat et cette beautĂ© angĂ©li que que vous reçûtes au baptĂŞme. Que cette prières du roi prophète soit toujours dans notre bouche: , – conservez moi Seigneur comme la prunelle de loeil.

Pour vous qui ĂŞtes maintenant revenu Ă  au Seigneur, espĂ©rez et tremblez en mĂŞme temps en pensant que peut-ĂŞtre dĂ©jĂ  ungrand nombre de ceux que vous avez, par vos mauvais exemples, entraĂ®nĂ© dans ledĂ©sordre, sont condamnĂ©s Ă  brĂ»ler Ă©ternellement avec les dĂ©mons. Remerciez leSeigneur de ce que, dans sa misĂ©ricorde, il a bien voulu vous Ă©pargner des regrets aussi cuisants quinutiles. Que votre vie exemplaire ramène au chemin de la vertu ceux que vous en avez dĂ©tournĂ© par vos scandales et par vos m auvais conseils. Enfin dites avec le roi pĂ©nitent: ; – lavez, Seigneur, lavez de plus en plus mon iniquitĂ©.

Pécheurs, enfin écoutez moi et comprenez ce langage. Oui il est temps de fuir, demain, peut-être même dans une heure ilnen sera plus temps, ne mettez plus de delay à votre conversion. Dès cet instant changez de vie, sans cela vous allez augmanter l e nombre de mes victimes.

Allez sans délay, le coeur humilié et brisé de douteur, aux pieds dun charitable confesseur qui vous reconcieliera avec votre Dieu qui, au lieu de la sentence de réprobation (que vous avez mérité, mais) vous fera entendre ses consolantes paroles: ve nez les bénis de mon père, posséder le royaume qui vous a été préparé dès les commencement, cest la grâce que je vous souhaite, au nom du P. F. S.

Cest Ă  vous, jeunes personnes qui nĂŞtes venu ici pour offenser le Seigneur, je vous connois jeunes et vieux, danseurs et danseuses, profanateurs des sts. jours de fĂŞte et de dimanches, calomniateurs, orgueilleux et vous hommes avares et injustes q ui enlevez par toutes sortes de moyens, je vous connois tous, vous ĂŞtes tous mes victimes et cest en vain que vous vous flatez que vous mĂ©chapperez si, dès aujourdhui vous ne changez de vie. Ecoutez la voix de vos devanciers dans le crime qui, com me vous, disoient vouloir se sauver:, – nous sommes cruellement tourment tourmentez dans ces flammes… peut semer de livrai et moissonner de bon froment…

Je vous connois, jeunes personnes, vous qui nêtes venus ici que pour offenser le Seigneur. Je vous connois, profanateurs des saints jours de fêtes et de dimanches, danseurs et danseuses, vous qui, au mépris des sages avis, avertissemens de votre dig nes pasteurs, courez au sortir de ce st.lieu dans les cabarets, repères des démons? Vous pouvez, chrétiens, dire avec vérité que cette effrontée, que ce jeune libertin que vous allez voir dans un instant, entrer dans ces maisons de débauche, vous po uvez, dis-je, dire que les personnes seront un jour assurément mes victimes.

Je vous connois encore pour mappartenir, calomniateurs, rencuneux, mĂ©disants, ivrognes, fornicateurs, orgueilleux et vous avares, et vous injustes ravisseurs du bien dautrui, je vous connois tous, vous ĂŞtes mes crĂ©atures. Cest en vain, oui, ce st en vain que vous vous flattez de pouvoir mĂ©chapper si, tout de suite, vous ne changez de vie. Ecoutez, mes f. la voix de vos devanciers dans le crime, de vos parens, de vos amis peut-ĂŞtre qui, comme vous disoient vouloir se sauver et qui dĂ©jĂ  du milieu des flammes crient avec le mauvais riche: in hac flamma», – nous sommes cruellement tourmentĂ© dans ces flammes. Et vous, impudique de lun ou de lautre sex, Ă  qui appartenez-vous ? Oseriez vous dire que vous appartenez Ă  Dieu, in fames corrupteurs tandis que vous rougissez vous mĂŞme de vos saletĂ©s. Oui, ces flammes qui brilent dans vos coeurs, cet ami, ce chagrin que vous Ă©prouvez, cet espèce de desespoir vous annoncent par avance ce que vous Ă©prouverez au premier jour

Enfin mes chers frères, laissons nous toucher à la vie de tant de maux qui nous menacent. Oui, que cette cruelle et déchirante séparation quéprouvera le misérable pécheur, que ce feu cruel, que les lamentations, les tortoures, les cris de rege et de désespoir, que laspect et la laideur éprouvanteble dans damnés et des démons, que les ténèbres infectes de ces lieux de peine et dhorreur, enfin, que la longue durée, et que la durée sans fin de tout ces supplices réunis produisent dans vos coeurs de salutaires effets de digne fruit de pénitence pour que nous pouissions tous un jour nous voir dans le sein de la gloire que je vous souhaite.

fonte: Après AFM. 134.0400

RETOUR

Lettres de Marcellin 283...

SUIVANT

Discours sur l?enfer 4...