Lettres Ă  Marcellin

Père Joseph Gauche, Curé de Chavanay

1839-11-05

Chavanay, le 5 novembre 1839.
Monsieur et cher Confrère,
Sans un accident qui mest arrivé vers la fin du mois davril et dont je ne suis pas encore bien guéri, jaurais eu lhonneur de vous voir avant la rentrée des classes. Javais chargé mon neveu, de St. Chamond, de me suppléer auprès de vous au sujet de la commission dont il sagissait et dont il sagit encore, parce que je lavais mis au courant de tout. On sexplique toujours mieux de vive voix que par écrit, mais il oublia entièrement cette commission, et ne sen rappela que lorsquil était à moitié chemin, à son retour. Je suis donc obligé dy suppléer par la présente. Il sagit de votre établissement de Chavanay: ça va mal. Le pauvre Frère Laurent est un saint homme, cest une belle âme devant Dieu, mais je suis forcé, à mon grand regret, de vous dire quil na pas les qualités requises pour être Frère Directeur, surtout pour létablissement de Chavanay, et tout en lui rendant justice au sujet de sa vertu, ce nest quune voix dans toute la paroisse au sujet de son incapacité. Par surcroît, voilà que vous avez retiré le Frère Modeste qui, quoique jeune, il est assez goûté, pour le remplacer par un plus jeune qui a, peut être, beaucoup de talents, mais qui paye trop de figure. La vérité est que nous sommes bien mal partagés depuis quelque temps, et on ne craint pas de dire que vous semblez envoyer que le rebut des autres établissements.
Frère Laurent ne sentend tout à fait rien en administration dun ménage, il achète ab hoc et ab hac tout ce qui lui vient en tête. Il faut quil fasse ce quil a une fois résolu; aussi serais-je bien surpris si les deux bouts ont pu se toucher quoique je leur ai fourni leur bois pendant lété, ce que je pourrai plus faire à lavenir. Jappréhende que le mal naille toujours croissant, et que les parents ne se dégoûtent denvoyer leurs enfants à lécole, si vous ne vous hâtez dopérer un changement, et denvoyer des Frères qui rétablissent la confiance.
Comme je nai rien su si mon neveu vous avait fait ou ne vous avait pas fait part de tout cela, je fus grandement surpris de voir revenir le Frère Laurent. De plus vous nignorez pas linstruction du Préfet aux percepteurs qui leur défend dacquitter les mandats de linstituteur à moins quil ne justifie: 1º dun brevet de capacité, 2º quil est agréé par le comité et par le conseil communal, 3º enfin, approuvé par le comité darrondissement. Ce nest plus ici une exigence arbitraire de la part du Maire, comme autres fois. Cela vient de lautorité supérieure. Et le pauvre Frère na rien de tout cela et je doute fort sil laura jamais.
Veuillez donc bien, Monsieur le Supérieur, prendre quelque me sure pour que le bien continue à se faire et que je naie pas la douleur de voir échouer une entreprise pour laquelle jai eu tant dembarras et qui me promettait de si heureux résultats.
Agréez lassurance de la respectueuse considération, avec laquelle jai lhonneur dêtre, Monsieur, votre très humble et dévoué serviteur,
GAUCHE, Curé.

fonte: AFM 129.70

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