Sermon sur la dévotion au rosaire

Marcellin Champagnat

M. Champagnat sadresse aux membres de la confrĂ©rie du Saint Rosaire. Après un prĂ©ambule, il annonce deux points: – En quoi consiste la dĂ©votion au saint rosaire: il montre dabord doĂą provient cette dĂ©votion ; les miracles quelle a produits ; comm ent lon doit prier le rosaire. – LEsprit de cette dĂ©votion: il ne suffit pas den ĂŞtre membre, den porterie signe extĂ©rieur ; il faut vivre en conformitĂ©, cest-Ă -dire imiter le comportement, les vertus de Marie. Le texte finit brusquement, sans conclusion. Cest une preuve quil ne sagit pas ici dun texte Ă©crit pour ĂŞtre proclamĂ© tel quel, mais des idĂ©es principales Ă  dĂ©velopper. Ce qui confirme cette hypothèse, cest le manque de liaison entre les idĂ©es par endroits, comme par exemple: l .; ; Une preuve de plus, Ă  mon avis, ce sont les invectives de la seconde partie: misĂ©rables hypocrites, – filles sans pudeur, … difficilement supportables Ă  froid, mais qui passent peut-ĂŞtre dans une certaine atmosphère et dites sur un certain ton .

Du point de vie des idées, lon remarquera linsistance réitérée pour ramener la dévotion du rosaire à Jésus, considérant Marie seulement comme intermédiaire: imiter Marie, cest imiter Jésus; le saint rosaire est une dévotion en lhonneur de N.S.J.C.. Sans doute, cette idée laura-t-il davantage explicitée dans le sermon suivant quil annonce, mais qui ne nous est pas parvenu.

Beati qui custodiunt vias meas. Pro. C.
Bienheureux ceux qui ne sécartent point des voies que je leur ai tracées. Ces paroles que lEglise met dans la bouche de Marie, nous exhortent à étudier la conduite que cette Raine des Sts. a menée sur la terre. Heureux en effet, qui imite Marie, puisque en limitant il imite Jésus le roi et le premier modèle de toutes les vertus. La vie de la Ste. Vierge est une leçon universelle, car on y apprend de quelle manière il faut se comporter dans la prospérité, dans ladversité, dans la prière, dans le travail, dans les honneurs et dans les humiliations. Le principal bu de ceux qui sont agrégés au St. Rosaire doit être dimiter Marie. Nous examinerons dabord en quoi consiste la dévot ion au St. Rosaire, en second lieu, qui sont ceux qui suivent lesprit de cette dévotion. Vierge Ste. votre secours et vous, mes frères, votre attention. La dévotion du St. Rosaire a été établie au commencement du treizième siècle, temps auquel la s ecte impie des Albigeois faisoit de grands maux à lEglise. St. Dominique gémissant sur ces malheurs, cherchoit les moyens de les réparer lorsque la Ste. Vierge qui ne manque jamais de secourir ceux qui ont le coeur droit, lui apparut dans la chapel le de N. Dame de P(r)ouille, lan t lui prédit les merveilleux effets quauroit cette dévotion. En effet, au rapport des historiens du temps, cette dévotion eut de prodigieux effets. Mais ce qui augmenta particulièrement cette dévotion, ce fut une vi ctoire remportée par les chrétiens sur les infidèles qui menaçoient denvayr lItalie. Les chrétiens se voyant incapables de résister aux forces des Turcs sans le secoure de Dieu obtenu par lintercession de Marie, Notre St. Père le Pape St. Pie plein de cette confiance, envoya au chef de larmée chrétienne un chapelet.

Le général et toute son armée sétant mis sous la protection de la Ste. Vierge, arbora sur les étendards limage de la Raine des cieux avec le Rosaire. Larmée chrétienne combattant sous les étendards de Marie, ne trouva aucune résistance. Une pro tection éclatante de la Mère de Dieu, un témoignage si authentique de la vertu des prières du St. Rosaire exigeoit de la reconnaissance ; ce fut pour la témoigner que le St. Père le Pape institua la fête du St. Rosaire, sous le titre de Notre Dame d e la Victoire quil fixa au premier dima(n)che doctobre, jour auquel cette fameuse victoire fut gagnée.

Je ne veut pas ici vous parler des miracles sans nombre qui se sont opérés par lintercession de notre auguste Raine, en conséquence, je ne vous raconterai pas laveux que Satan lui-même a fait lorsque, pressé par St. Dominique, il dit par la bou che dun possédé quil auroit mille fois renversé lEglise par les (h)érésies sans la protection de la Ste. Vierge, quà toute heure elle lui arrachoit des âmes dont il se croyoit bien assuré.

Pourquoi vous rappeler lhistoire de ces deux pĂ©cheurs ou la conservation de cette femme vertueuse qui Ă©tant condamnĂ©e Ă  la mort par la poursuite de son mari, a-t-elle recours Ă … M. le bourreaux ne put venir Ă  bout de lui -ter la vie quelques eff orts quil pĂ»t faire. Je ne vous parlerai pas non plus du convoi de douze barques allants Ă  Venise, dĂ©fendues par un seul homme, sous la protection de la Ste. Vierge, contre une flotte de pirates, tandis que tout lĂ©quipage avoit Ă©tĂ© Ă  Notre Dame d e Lauret.( Enfin, je ne citerai pas le trait dun soldat nommĂ© BeausĂ©jour qui, se trouvant un jour en prĂ©sence de lennemi et se rappelant quil navoit pas dit les septes pater et ave quil avoit coutume de dire tous les jours, quaussit-t faisant le signe de la croix pour les dire, ceux qui Ă©toient au tours de lui voulurent se moquer de lui, mais Ă  peine la première dĂ©charge fut elle faite, que pas un de ceux qui peu auparavant se moquoient de lui, ne survĂ©cu. Tout cela et une infinitĂ© dautres miracle s ne nous prouvent-il pas combien la Ste. Vierge est puissante.

Saint Louis, Saint Bernard, St. François Xavier guérissoient les malades par le seul attouchement de leur chapelet.

Examinons maintenant ce que cest que le St. Rosaire. Le St. Rosaire est une dévotion en lhonneur de N.S. J.C. et de sa très Ste. Mère. Cette dévotion consiste donc à réciter cent cinquante fois la salutation angélique et quinze fois lorais(on) dom inicale. A chaque dizaine dave on récite le Pater, après quoi on fait encore une courte méditation sur les principaux mystères de la vie et de la mort, de la gloire de Jésus C. et de Marie. Par le mélange de pater et dave, on réunit J.C. à sa très digne Mère. Dieu lui-même semble en avoir donné lidée, car lorsquil promit un Rédempteur au monde, il déclara que pour faire la guerre à lenfer, il employroit une femme et celui qui aitroit delle.

Mais, mes f. pourquoi avez vous lair de vouloir me demander pourquoi cette répétition des mêmes mots? Arrêtez, mes f., cette répétition est un sûr moyen dêtre exaucé et exprime très bien notre amour. Et quoi, m.f., quand nous voulons que quelquun nous donne quelque chose, nous ne nous contentons pas de le demender une seule fois. Au reste, mes f., nest-ce pas ce que font les anges dans le ciel puisquils répètent sans cesse: Sanctus, sanctus, sanctus Dominus Deus Sabaot. J.C. dans le jardin des olives répète trois fois la même prière. Si la Cananéen se fut rebutée, si, dis-je, elle neut pas réitérée sa demande, elle neut certainement pas obtenu ce quelle demandée. Il faut que les confrère du St. Rosaire soient tous uni desprit et d e coeur, concourant tous à faire honorer leur mère commune.

Le Rosaire se divise en trois parties pour honorer J.C. en trois états: son enfance, sa mort et sa gloire. Chaque partie contient cinq mystères: la première contient les mystères joyeux qui sont: premièrement lannonciation de la Ste. Vierge; la vi sitation; la naissance de J.C. ; la présentation au temple; la joie que la Sainte Vierge ressentit après lavoir trouvé dans le temple.

La seconde partie du Rosaire comprend les mystères douloureux qui sont es souffrances et lâme de sa sainte Mère percée par un glaive de douleur. Ces mystères sont: premièrement lagonie de J.C. dans le jardin des olives; sa flagellation; son couron nement dépines; le portem(ent) de croix; son crucifiment.

La partie rappelle les mystères glorieux: la resurection de J.C.; son acension; la descente du Saint Esprit sur les ap-tres; lassomption de la Ste. Vierge; son couronnement dans le ciel.

Pour bien réciter le St. Rosaire, il faut méditer à chaque dizaine un de ces mystères, car cest en (la) récitation de la Salutation angélique, de lOraison dominicale et dans la méditation des mystères dont nous avons parlé que consiste toute la dévotion du St. Rosaire. Je me réserve à vous expliquer en quoi consiste cette méditation dimanche prochain. Voyons maintenant qui sont ceux qui suivent lesprit de cette dévotion. Vous tous qui mécoutez répondez-moi ? Suffit-il pour suivre lesprit de la dévotion au St. Rosaire, de réciter toutes les semaines le St.

Rosaire, dassister tous les exercices de cette confrérie ? Suffit-il de se confesser et communier tous les premiers dimanches des mois, toutes les fêtes principales de Notre-Seigneur et de son auguste Mère, délever vos coeurs souvent pendant la journée et pendant la nuit, pour offrir à Dieu les prières et les bonnes oeuvres que font à toute heure un grand nombre de cette confrérie répandue dans tout luniver. Tout cela suffit-il, répondez, confrères ? quen pensez-vous ? Je lis votre pensé e sur vos fronts; la voici: si cela ne suffit, nous ne sommes pas de cette confrérie. Si cest là votre pensée, cest la mienne aussi(, car, bien que cela ne suffise pas, combien y eut il parmi vous qui fassent ce que je vient de dire ? Combien den tre vous qui, loin de réciter le rosaire toutes les semaines, loin de fréquenter les sacrements tous les premier dimanches, ne les fréquentent peut-être pas même tous les quatre mois, que dis-je tous les quatre mois, peut-être pas même tous les ans.

Cest à vous misérables hypocrites, que jadresse la parole, vous, dis-je, quon vous si empressés de courir prendre vos cierges, de les alumer, vous êtes à ce point daveuglement que de croire que vous êtes de la confrérie, parce que vous avez un c ierge alumé entre les mains, tandis quune flamme impure brûle dans vos coeurs ? Croyez-vous honnorer la reine des cieux que daccompagner le très St Sacrement avec un coeur allant toujours au gré de ses passions et accablé de remorts ? Croyez-vous, encore une fois, quil suffise de jouer ainsi le personnage dhypocrite ? Mais quoi, y avez-vous jamais bien pensé que Notre Seigneur est présent dans le très St Sacrement de lautel ? Si vous croyez quil y est, pourquoi y venez-vous linsulter ? Peut être avez vous laudace de dire que vous ne linsultez.

Quoi! ninsulte-t-on pas quelquun, quand dun c-té on lui dit quon veut laimer, lui obéir, lui plaire, tandis quà tous m omens, dans toutes les occasions qui se présentent on lui dit par ses actions quon ne veut ni laimer, ni lui plaire, ni lui obéir ? Qui sont donc, mes frères, ceux qui suivent lesprit de la dévotion du St. Rosaire ? Qui sont-ils, mes frères, les voici ! Ecoutez-le et profitez-en. Ce sont ceux qui faisant tout ce que nous venons de dire, imitent, de plus, les vertus de Marie.

Qui sont ceux qui imitent les vertus de Marie ? Est-ce vous, filles sans pudeur et sans modestie qui fréquentez les assemblées prophanes ? est-ce vous qui venez dans ce st.lieu avec une effronterie quon lirois sur votre visage, vous, dis-je, qui à c haque instant tournez la tête pour voir qui entre et qui sort ? Est-ce vous, encore une fois, qui vous parez plus t-t pour être vues que pour paroître selon votre rend. Est-ce ainsi quon imite la modestie de Marie ? Voit-on dans votre extérieur c omme dans celui de Marie, cette vertu que la Ste. Vierge avait si à coeur, cest à dire la vertu dhumilité? Nêtes vous pas, au contraire orgueilleuse, pensant sans cesse comment vous ferez pour paroître plus bien habillée que celle-ci. Indescence, imodestie, tout cela est comptez pour rien; pourvu que vous vous contentiez, voilà tout ce que vous désirez. Est-ce ainsi quon honnore Marie ? Est-ce ainsi quon plait à Dieu?

fonte: Daprès lautographe de M. Champagnat, dans AFM. 134.34.00.

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