Nous avons un rôle prophétique dans l?Église
En décembre dernier, le frère Joseph McKee, Vicaire général, a visité la Province de Santa María de los Andes. Il a animé deux retraites, l’une en Bolivie et l’autre au Pérou. Il est allé également au Chili où il a eu une rencontre avec les Directeurs des œuvres maristes, et il a participé à l’Assemblé des Frères et au Conseil provincial.
Le site mariste du Chili (http://www.maristas.cl) a profité de l’occasion pour réaliser une entrevue avec le frère Joe. Nous transcrivons ci-après une partie de cette entrevue.
Comment voyez-vous l’Institut aujourd’hui, dans le monde et dans des pays si différents qu’il vous est donné de visiter ?
Je crois que nous sommes en un moment très intéressant dans le monde mariste depuis quelques années et depuis le Chapitre. Je vois que nous sommes réellement en processus de transformation, nous sommes appelés, depuis le Chapitre, à une conversion personnelle et institutionnelle; nous sommes en train de découvrir, peu à peu, ce qu’elle est cette « terre nouvelle ». C’est un moment de notre histoire qui nous interroge parce que, à la lumière des faits, il semble évident que les frères diminuent en nombre dans le monde. Nous diminuons chaque année un peu plus. Et, en même temps, l’âge moyen des frères va en augmentant davantage. Mais la vérité est que nous sommes davantage engagés dans notre mission mariste plus que jamais, et avec un grand nombre de personnes, des laïcs engagés dans la mission mariste, ce qui n’a pas toujours été ainsi. Dans les années passées, il y avait peut-être, dans un collège, 10, 12, 15 frères et peu de laïcs, et depuis à peine quelques années, il y a, dans certains pays, des personnes qui découvrent le charisme, la spiritualité, la mission maristes.
Cela me donne une grande joie, et je crois que notre mission prend un autre style. Nous marchons ensemble dans tout cela, chaque fois davantage, en cherchant aussi comment le faire.
Dans quelques pays, on ne chemine certainement pas au même rythme. En Afrique, par exemple, on commence la réflexion sur la communion frères-laïcs… Ailleurs, par contre, on avance rapidement.
Nous vivons un moment significatif, mais il est clair que nous avons un appel à discerner plus clairement, la direction et les formes que tout cela va prendre dans le futur.
Il s’est passé quatre ans depuis le Chapitre et nous sommes à quatre ans du Bicentenaire de la Congrégation. Comment ce cheminement s’est-il fait et quelles attentes avez-vous pour ce qui vient ?
Actuellement, au Conseil général, nous sommes à évaluer ces quatre années, le chemin que nous avons parcouru. Je crois que, dans l’Institut en général, il s’est fait un bon chemin; parfois, comme ce ne sont pas des changements très remarquables, on pense qu’il ne se passe rien; mais quand je voyage de par le monde mariste, je vois qu’il s’est certainement fait des progrès, il y a de nouvelles orientations, des progrès spirituels qui se réalisent dans beaucoup de Provinces. Oui, je vois que nous allons de l’avant. Il reste encore beaucoup à faire. Il restera toujours beaucoup à faire. On dit que l’important n’est pas d’arriver, mais d’être en chemin pour y arriver. Et nous sommes en chemin, en amorçant la route vers le Bicentenaire.
En septembre, nous aurons la IIe Assemblée Internationale de la Mission Mariste, à Nairobi; c’est très significatif pour nous, tant pour la mission que pour la relation frères-laïcs. Nous allons également commencer la révision des Constitutions des Frères afin de nous aider à entrer plus profondément dans notre vie spirituelle, notre mission, notre vie communautaire. Tous ces projets sont reliés entre eux.
Dans les prochaines années également, nous nous interrogerons sur les modèles d’animation, de gestion et de gouvernement dont nous avons besoin pour le monde dans lequel nous sommes : nous ne pouvons pas continuer avec les structures d’autrefois. Nous devons chercher de nouveaux modèles qui nous aident aujourd’hui, pour avancer aujourd’hui. Il se passe beaucoup de choses, il y a beaucoup d’initiatives et dans plusieurs directions.
Je crois aussi que nous avons renforcé la vie communautaire. Nous avons fait des expériences de formation pour les frères. Nous avons actuellement un programme pour les formateurs des frères, tant de langue espagnole que de langue anglaise. Il y a beaucoup de choses que nous organisons en ce sens. Je crois que chaque fois davantage – et ceci me réconforte beaucoup – tout se vit dans une dimension davantage internationale, interculturelle; on abat les murs, les frontières internes et externes en nous unissant davantage.
Il est intéressant de constater que la dernière Conférence générale fut une expérience très sentie de dialogue, de fraternité, de spiritualité, avec un rythme plus humain pour contrecarrer l’activisme. Nous voyions que nous communiquions plus facilement qu’avant, qu’il y avait plus d’unité, beaucoup plus de dialogue, davantage de recherche commune de chemins et d’orientations pour le futur. Cette conférence fut une expérience vitale, et je pense que plusieurs qui étaient venus avec des questions et des interrogations se sentirent encouragés, avec le sentiment que oui, il ya de la vie, que l’on va de l’avant sur des chemins plus adaptés, plus importants. C’est peut-être ce sentiment de l’internationalité que nous devons développer durant ces années qui nous mènent au Bicentenaire.
Comment voyez-vous la Congrégation au sein de l’Église ?
Dans sa Circulaire « Il nous a donné le nom de Marie », le F. Emili Turú parle beaucoup du sens ecclésial; il est vrai que nous faisons partie de l’Église, mais la vie religieuse a toujours une dimension prophétique. Nous avons un rôle prophétique dans l’Église parce que nous ne faisons pas partie de la hiérarchie de l’Église : nous sommes des religieux-frères; et je crois que c’est là le rôle que nous avons à jouer dans l’Église. Et le visage marial de l’Église, que Jean-Paul II lui-même nous a invités à développer, à en faire une présence dans le monde, nous le prenons au sérieux. Nous avons à découvrir ce que veut dire « être le visage marial de l’Église », avec tendresse et compassion. Le Pape François nous indique comment le faire. Chaque jour il parle d’une Église qui accueille, qui est compatissante, qui est du côté des pauvres. Il nous aide ainsi beaucoup dans cette dimension.
Aujourd’hui, nous nous sentons davantage Église qu’auparavant alors que les Frères ont toujours été un peu en marge. Une expérience vécue au Pérou : un jour, nous allions, quelques frères ensemble, à la cathédrale; il y a un musée où nous sommes entrés en tant que religieux; mais quand nous avons voulu entrer dans ce musée de la cathédrale, on nous fit savoir que seuls peuvent entrer gratuitement les prêtres et les religieuses, mais ils ne savaient pas quoi faire dans notre situation…
Je me sens à l’aise dans ce rôle de marginaux, je me sens bien. Nous ne sommes pas ici pour être reconnus, pour prendre un rôle comme si nous étions supérieurs ou inférieures en optant pour la vie religieuse. Nous sommes des chrétiens, des frères. Et comme frères, nous vivons une relation d’égalité : nous sommes frères avec tous. Voilà notre rôle dans l’Église. C’est un rôle prophétique, très évangélique.