6 juin
L’histoire des Frères Maristes est une histoire de passion et de compassion. Marcellin Champagnat nous a imaginés dans les yeux de Jean-Baptiste Montagne, un garçon agonisant qui s’en allait de ce monde sans savoir que Dieu l’aimait beaucoup ; c’est là que nous, Frères Maristes, sommes nés.
La vie de Champagnat est une histoire de passion pour Dieu et de compassion pour les enfants et les jeunes délaissés. Marcellin disait : « Je ne puis voir un enfants sans avoir une forte envie de lui dire combien Jésus-Christ l’aime. »
Lorsque Marcellin a senti que Dieu l’appelait à quelque chose de plus grand que lui-même, il ressemblait sans doute au garçon de la photo. Un enfant de la campagne ayant quitté l’école et qui passait ses journées à garder le troupeau familial. Il est surprenant comme dans un milieu rural, fermé au monde du point de vue géographique et culturel, Dieu a pu mettre dans son cœur une telle largeur de vues. Tant et si bien qu’ils étaient nombreux ceux qui estimaient que Marcellin n’avait pas toute sa tête quand il disait que « tous les diocèses du monde entrent dans nos vues ». Et aujourd’hui, cependant, presque 3.500 Frères Maristes, ses enfants, sont dans 80 pays du monde.
Dans la situation qui est la mienne, vivant dans un coin du monde rural et privé d’horizons comme celui où a vécu Champagnat, souvent je me dis qu’une de mes missions consiste à convaincre ces garçons qu’ils ont quelque chose de grand à accomplir en ce monde, à leur ouvrir l’esprit, les yeux et le cœur. Qui sait combien de Champagnat sont cachés dans les garçons qui font paître leurs buffles, cultivent le riz, récoltent des feuilles de thé ou conduisent un rickshaw…
Lorsque le P. Champagnat était mourant, un frère s’est approché de son lit de mort, lui a pris la main et l’a supplié : « Père, ne nous oubliez pas quand vous arriverez au ciel. » Marcellin lui a répondu simplement : « Vous oublier ? C’est impossible ! » Comment un père pourrait-il oublier ses enfants ? C’est impossible. Aujourd’hui, à la veille de la fête de saint Marcellin Champagnat, depuis ce coin de l’Institut si éloigné où je vis et travaille, j’ose à mon tour lui demander de ne pas nous oublier, sachant que cela n’est pas possible…
Père Champagnat, n’oublie pas tes enfants qui luttent pour la défense des droits humains en Syrie ; n’oublie pas les Frères qui connaissent d’énormes difficultés au Pakistan, en Haïti, à Cuba, en Centrafrique ou au Liban ; n’oublie pas les Frères qui vivent cachés ou inconnus dans d’autres pays… ; n’oublie pas les Frères qui donnent leur vie chaque jour dans des salles de classe ou des bureaux, dans des quartiers marginalisés des villes, dans des écoles prestigieuses de la classe moyenne ou dans des zones rurales reculées ; n’oublie pas les Frères qui enseignent dans des universités ou dans de petites écoles primaires, les frères qui essaient de semer notre charisme en Amérique, en Afrique, en Asie ou en Océanie. N’oublie pas nos leaders, tes successeurs, qui essaient d’être ton portrait vivant.
Et n’oublie pas la pléiade de laïcs, aussi maristes que les Frères, qui travaillent, vivent et prient avec nous et dont les esprits et les corps sont empreints de l’esprit mariste ; ces laïcs qui grandissent de jour en jour comme un signe des temps. « Père, ne nous oublie pas… » « Bonne Mère, ne nous oublie pas. » Je suis fier d’appartenir à cette tradition de passion et de compassion ; je suis fier et reconnaissant de ressentir au-dedans de moi cette urgence de faire que les enfants et les jeunes sachent combien Dieu les aime, de leur faire sentir que Dieu est bon, qu’il est Père.
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F. Eugenio Sanz, Bangladesh
Journal d’un missionnaire en Asie : http://blogs.periodistadigital.com/misionero-en-asia.php