Collège de Jounieh

F. A.

15/Feb/2010

En 1898, le regretté Frère Norbert, accompagné des CC. FF- François-Joseph et Claudien, dévalait la jolie route menant du patriarcat maronite à la baie de Jounieh.

De Békerké, résidence hivernale du patriarche, le regard embrassait dans un panorama grandiose: la Méditerranée, la grande ville de Beyrouth noyée dans la brume lointaine, puis le versant occidental des chaînes libanaises fondant, au nord, et au sud, leurs contours indécis dans l'immensité bleue du ciel et de la mer! A ses pieds, le cher Visiteur, voyait des milliers de toits rouges courant le long des lacets du chemin, s'étalant sur les pentes rapides, ponctuant les jardins d'orangers; alors, contemplant le golfe tranquille avec la petite ville naissante, le C- F. Norbert dit à ses deux compagnons: "Mes Frères, c'est ici qu'il faut ouvrir notre premier établissement !44.

Ce vœu du bon Frère Assistant s'est réalisé et nous voudrions aujourd'hui présenter aux lecteurs du Bulletin la première maison entièrement mariste fondée sur cette terre bénie du Liban'.

 

I — QUELQUES MOTS DE GËOGRAPHIE

Jounieh est une agglomération d'environ 15 à 20.000 habitants s'étendant depuis Sarba jusqu'à Ma'ameltaïn sur une longueur de 3 à 4 kilomètres le long d'une baie ravissante. Les pentes libanaises, à cet endroit, s'arrêtent brusquement, et, comme étonnées de rencontrer si tôt les flots de la mer, elles s'y plongent presque à pic.

Chef-lieu du caïmacaniat1 du Kesrouan, département entièrement peuplé par des Maronites, Jounieh se trouve en fait la ville la plus importante du Liban par sa situation et son avenir. Reliée à Beyrouth par un tramway à vapeur, elle offre à sa population la plupart des avantages de la grande cité en la délivrant de ses servitudes.

Depuis l'expédition française de 1860, Beyrouth, détaché du Liban dont il est le port naturel, reste un " vilayet „ administré à la turque. Le Liban jouit d'une constitution autonome protégée par les grandes puissances européennes. Le gouverneur est officiellement catholique. La suzeraineté de la Turquie n'est qu'une ombre gênante. Il n'entre pas dans notre cadre d'exposer plus en détail les bénéfices de cette situation qui, malgré tout, comparée à celle des autres provinces ottomanes est réellement privilégiée. La récente loi militaire obligeant au service les chrétiens de l'empire a rejeté dans la montagne exonérée des milliers de Libanais séduits par les attractions de la ville.

Néanmoins beaucoup de commerçants avisés passent la journée à leurs affaires de Beyrouth; puis, par les trains du soir, regagnent leurs habitations échelon nées sur les voies ferrées de Jounieh ou de Damas.

Jounieh est l'entrepôt de céréales, le principal marché, le débouché facile des produits pour les départements du Matn, du Kesrouan et même de Batroun.

Un projet de chemin de fer doit le relier par Jebaïl et Batroun avec Tripoli et la ligne de Homs-Alep. Des réclamations incessantes et paralysées seulement par les intérêts de la compagnie française du port de Beyrouth, ont pour idéal de donner au Liban un port libre dans la superbe baie de Jounieh.

Le patriarche, vrai souverain de la nation maronite si fière de sa fidélité à la loi catholique, a son palais d'hiver sur les hauteurs environnantes. La petite ville est donc aussi la capitale religieuse du pays. Quiconque est au courant des choses d'Orient sait combien le Liban est demeuré au cours des siècles, la citadelle de la Vierge Immaculée !… On a pu écrire de magnifiques ouvrages sur le culte de Marie et sur les naïfs et primitifs sanctuaires poussés comme de blanches fleurs sur chaque mamelon de la montagne inaccessible ail croissant de Mahomet!2. Mais depuis les fêtes mondiales du cinquantenaire de l'Immaculée Conception et pour en commémorer le souvenir, sur les hauteurs de Harissa surplombant la rade de Jounieh, s'élève la statue de N. D. du Liban mesurant 21 mètres d'élévation avec son massif et gigantesque piédestal. Notre-Dame ouvre ses bras maternels et accueillants; son regard et son sourire tombent sur Jounieh, Beyrouth et la mer’ Et, de très loin, la colossale statue se détache aux flancs de la montagne et sur l'azur profond du ciel comme un grand lys ou comme une blanche étoile symbolique L..

Croître et s'épanouir aux pieds de la Vierge du Liban quel heureux présage pour une œuvre mariste!

 

II. – NAISSANCE ET PROGRÈS DE L'OEUVRE

Dans les premiers mois de 1899, le C. F. Acyndinus, alors visiteur du district de Constantinople, descendait avec un autre Frère à Jounieh chez le Père Antoun, prêtre du rite syrien, dans l'intention d'y fonder une école mariste3.

La maison hospitalière, sise tout à fait sur la grève était violemment battue des vagues de la mer; l'œuvre des Frères devait être aussi vigoureusement agitée par les flots de la tribulation avant de s'établir.

Bien vite, du local de l’’’Aboúna Antoun’’ où élèves, poules, pigeons et autres espèces animales allaient de compagnie, les Frères durent émigrer dans une autre plus convenable.

Le C. F. Joseph-Ignace, mort depuis à Constantinople, et le C. F. Isidore-Joseph ayant remplacé les deux premiers Frères venus à titre provisoire, furent, pendant environ cieux ans et demi, par leurs patients efforts, leurs souffrances et leurs prières, les vrais fondateurs de l'œuvre. Les annales nous montrent les deux bons religieux s'en allant par les chemins, jetant des Ave Maria et des médailles le long des jardins et des emplacements jugés propices pour la future institution !…

Le Ciel semblait ne point les entendre ; les élèves venaient lentement. On regardait avec indifférence une maison quelconque appartenant à Monsieur un tel et où quelques magasins à blé s'adaptaient de leur mieux aux exigences des classes. Les meilleures familles envoyaient toujours leurs enfants en pension ailleurs. Pourtant une joie très douce et pleine d'espérances pour l'avenir vint encourager les bons Frères de Jounieh. En décembre 1900, le C. F. Augustalis, Assistant Général, au cours de sa première visite à la province naissante, pouvait y réunir une trentaine de Frères heureux de savourer les douceurs familiales du ‘’chez soi’’ …

Arrive le C.F. Gerbaud pour l'année scolaire 1901-1902. Riche en santé, en bonne humeur et encore plus en dévouement et en habileté, il se met énergiquement à l'ouvrage… Déjà, devant les spéculations intéressées du propriétaire de l'immeuble; malgré les ennuis d'un second déménagement, les Frères avaient dû changer une autre fois de maison. Ils cherchaient vainement autour d'eux les mains généreuses, les auxiliaire§ de la Providence. Dans un pays habitué, depuis des siècles, à vivre des munificences de l'Occident, à voir les missionnaires tout entreprendre à leurs frais et risques, on ne comprenait guère les intentions de ces nouveaux venus.

Alors, le C. F. Gerbaud, s'épuise en combinaisons. Les expériences deviennent de plus en plus concluantes. Tant que l'école restera vagabonde elle végétera: Comme les Orientaux aiment le prestige, il faut parler aux sens, à l'imagination. Il faut donner l'impression de la force et de la puissance. Il faut être °chez soi’’ tout à fait et non à la merci de propriétaires spéculant sur le dos des bonnes gens.

Là-dessus, commencé avec le Ciel et avec les premiers Supérieurs une savante diplomatie qui aboutit, aux environ de Pâques 1903, à l'achat d'un terrain assez vaste, central, des mieux situés, à proximité de la gare, pour l'érection d'un externat.

Quand le 9 mai de la même année, la caravane des expulsés de Varennes, en route pour Amchit, passe à Jounieh, une maison sortie de terre en quelques semaines, s'offre à leurs regards étonnés. Avant la fin de l'année scolaire, l'Institution française du Sacré-Cœur ouvre définitivement ses portes .avec environ quatre-vingts élèves enchantés de leur nouvelle installation.

Mais les déboires et les difficultés de tonte nature attendent le vaillant Directeur et ses confrères. L'externat ne paraît point devoir suffire à l'entretien des maîtres. Au surplus, les théoriciens de la pédagogie, dans ce pays, ne se sont pas encore donné carrière pour peser gravement les avantages et les inconvénients de l'internat… Là-bas, encore, qui dit école bien tenue entend parler d'une pension.

On se décide donc, pour achalander la maison et les études, à loger des internes. Le premier bâtiment n'est pas achevé que l'on y ajoute deux ailerons… De là des incidents spéciaux pour lesquels nous suivrons le conseil du poète : « Glissez, mortels, n'appuyez pas! ».

Entravé par les susceptibilités d'ombrageux voisins, le pensionnat débuta péniblement.

La nécessité d'employer des prêtres et des auxiliaires laïques pour l'enseignement de la langue arabe créait une source d'ennuis dont les Frères devaient dans plus d'une occurrence goûter – toute l'amertume.

Néanmoins, les Frères se confiaient au Sacré-Cœur, dont la statue trônait sur la façade du collège et présidait aux évolutions des élèves et des maîtres. Catéchismes, prières, dévouements et sacrifices; comme une pluie divine, fécondaient la semence épandue dans les âmes. Aussi bien les succès et les sympathies s'accentuaient. Les élèves s'affectionnaient à leur collège ; les professeurs se dévouaient sans compter.

La 1ière Communion et la fête du Sacré-Cœur en 1905, présidées par sa Grandeur Mgr Mourad, Archevêque maronite de Baalbek, eurent un magnifique éclat. L'année scolaire 1906, s'achevant avec 120 à 130 inscriptions, dont une quarantaine de pensionnaires, posait à nouveau l'angoissant problème que connaissent bien d'autres œuvres maristes: ‘’Il faut agrandir, comment nous y prendrons-nous?’’

La solution vint de Grugliasco; et, en 1907, une notable transformation s’opérait dans les locaux de la chère maison. Déjà, sur la proposition du C. F. Gerbaud et des Frères Directeurs des autres écoles maristes du Liban, le Conseil Provincial de Syrie avait adopté une mesure d'une haute importance pour l'organisation des études. Avant d’aborder ce sujet, il semble opportun de donner une idée sommaire de l’enseignement en Syrie et au Liban.

 

III. — L'ENSEIGNEMENT PUBLIC EN SYRIE

L'empire turc, constitué par un mélange hétéroclite de nationalités et de religions séparées par des haines séculaires et profondes, n'a pas, à proprement parler, d'enseignement public officiellement organisé. L'Etat n'a cure d'entretenir un budget scolaire impossible. Sans doute, les rêves d'école neutre commencent à pousser aux souffles des idées modernes, portées par la Presse européenne; mais, en dépit des efforts maçonniques de la mission Aulard et Cie, les écoles restent confessionnelles et plutôt affaires d'entreprises privées. Les particuliers ou les sociétés ouvrent des établissements scolaires à leurs risques et périls. Les parents payent celui qui leur agrée et c'est tout.

Depuis toujours, les missionnaires bénéficiant du régime des Capitulations ont créé des écoles un peu sur tous les points de l'empire ottoman et surtout en Syrie. La question des Ecoles d'Orient a tellement préoccupé la presse française et mondiale qu'il semble oiseux de rappeler comment les religieux de tous ordres ont conquis, dans le Levant, un titre impérissable à la reconnaissance du monde civilisé. Ecoles Supérieures, collèges d'enseignement secondaire, écoles professionnelles et commerciales, écoles élémentaires, patronages, associations de tout genre, en floraisons splendides se sont levées faisant aimer la religion catholique.

Mais les appétits politiques, masqués par les dehors d'un faux zèle, les haines sectaires et hérétiques se sont jetées à leur tour sur cet antique champ de bataille de toutes les querelles religieuses.

Chaque nation, chaque rite, chaque secte a ses écoles où l'on ambitionne de forger les âmes d'après des programmes particularistes, selon des méthodes et un esprit déterminés.

Faut-il l’avouer? Les congrégations religieuses catholiques, elles mêmes, venues en Orient pour travailler à l'unité, restent isolées sur le 'terrain de l'enseignement, et c'est le moins qu'on puisse dire… Programmes, procédés, ouvrages scolaires, examens, diplômes, etc., varient nécessairement avec l'enseigne. Les succès ne se cataloguent donc point d'après les examens officiels; cette sanction n'existe pas.

Par suite, l'ancienneté, la splendeur ou la position des locaux, le nombre des élèves, les subtilités de la réclame savamment organisée par les amis et les ‘’chers anciens’’, les visites solennelles de personnages diplomatiques, enfin, ce qu'en style pédestre on appelle ‘’tra-la-la’’ ne servent pas de petit complément au travail intellectuel et silencieux, à la beauté morale et intérieure pour attirer l'eau au moulin.

Une chose découle évidente de ces considérations; chaque chef d'établissement est maître chez soi, en dernier ressort, pour le choix de ses auxiliaires pour la nature et le niveau des études. De là l'infériorité notoire et l'impuissance des entreprises individuelles en face des corps organisés que sont les congrégations enseignantes. Les premières trouvent difficilement des maîtres compétents, car les professeurs s'improvisent parfois et en tout cas n'ont pas de formation pédagogique homogène. Le corps professoral manque ainsi de cohésion, d’esprit dé suite et souvent de dévouement aux intérêts généraux.

Les ordres enseignants, au contraire, ont un esprit, une méthode, des procédés, le plus souvent des ouvrages appropriés à leur idéal. Aussi leurs établissements l'emportent en nombre, en prospérité et en valeur éducative sur les écoles tenues par des laïques ou même par des prêtres indigènes.

Des esprits clairvoyants et foncièrement dévoués à l'œuvre des Ecoles d'Orient regrettent le système de cloisons étanches séparant les diverses congrégations. Ils appellent de leurs efforts et de leurs vœux le jour — bien improbable il est vrai! — où une sorte de syndicat les rapprocherait pour la défense des intérêts communs, la discussion et l'adoption de programmes uniformes, la- composition d'ouvrages utiles au pays, etc. …

Ce qui en soi est un principe de faiblesse devait être pour nous une force précieuse. Il n'y a là, du reste, aucun amour du paradoxe.

Nos Frères de Syrie, en raison de cet état de choses, jouissent de la plénitude de la liberté scolaire, Il est en effet, à notre connaissance, peu de provinces maristes (pour ne pas dire point} où de tels privilèges soient au même degré laissés à nos Frères,

Au point de vue légal, la fondation d'écoles au Liban s'accomplit de la façon la plus sommaire qu'on puisse rêver. On trouve une maison, on annonce à son de trompe comme en certains pays, dit-on, on achète ‘’à la criée’’, que désormais c'est une école… et les élèves viennent comme ils peuvent. Toutes les formalités juridiques, administratives, la présentation des parchemins, etc. …, se trouvent donc admirablement simplifiées.

Dans le reste de l'empire ottoman, l'ouverture d'une école est en butte à beaucoup de tracasseries de la part des autorités turques.

Pour être exact il faut dire qu'en fait, une réglementation récente régit la matière pour les catholiques latins. Le Délégué apostolique reçoit les demandes de fondation, qui doivent être ratifiées par la Propagande à Rome.

Pour le choix des ouvrages et la composition des programmes on jouit de la liberté grande.

Comme on l'imagine aisément, nos Frères durent tâtonner dans les débuts, faire des essais, étudier les besoins des populations, équilibrer les horaires de manière à faciliter partout un double enseignement français et arabe, et en plusieurs localités, celui de l'anglais.

En 1906, nos différentes écoles du Liban se trouvaient acculées à de graves difficultés. Les élèves commencés par nos Frères goûtaient leurs procédés et leur éducation; ils restaient attachés, à leur école.

D'autre part le manque de personnel enseignant; et, dans les cours avancés, le nombre restreint -des élèves ne permettaient pas de les garder plus longtemps. Les Supérieurs de la Province prirent alors la mesure décisive capable de favoriser la continuation des études à nos meilleurs élèves et de ménager, les maîtres surmenés partout par des leçons spéciales, en créant des cours supérieurs à Jounieh.

 

IV. — LES PROGRAMMES-TYPES DE JOUNIEH ET LA CENTRALISATION DES COURS SUPÉRIEURS

Jounieh, par sa position géographique, se trouve le centre des établissements maristes de Syrie. Aux environs, rayonnent les écoles de Batroun, Amchit, Jebaïl, Deïr-el-Qamar et Saïda. Aucune d'entre elles n'offre, aujourd'hui, les mêmes facilités pour réunir un nombre d'élèves assez considérable et y autoriser l'organisation d'un système complet d'études.

Nous croyons être agréable aux lecteurs du Bulletin en entrant ici dans quelques détails relatifs aux programmes de Jounieh, établis eu 1904-1905 et modifiés, depuis, selon les expériences et les judicieuses observations des professeurs des différentes classes.

S'inspirant des meilleurs résultats de la pédagogie moderne, les auteurs du plan d'études ont visé à créer deux cycles concentriques et constituant chacun un ensemble •assez complet de connaissances. Le premier cycle, dont la sanction est un certificat spécial, convient à tous les établissements maristes de la province. Le deuxième, couronné par un diplôme de fin d'études, n'est suivi qu'à Jounieh.

 

PREMIER CYCLE.

Il comprend normalement cinq années, (classe de 7° à la 3° y comprise). Mais, comme dans nos établissements les enfants viennent très jeunes, faute de classes enfantines, on se voit contraint de les garder un ou deux ans dans les cours préparatoires (classes de 8° et 9°),

Là où le nombre d'élèves ne permet pas d’avoir autant de classes que le cycle comporte d'années, on le répartit en divisions selon les possibilités de personnel et les ressources pécuniaires.

Un enfant commençant à 6 ans peut donc suivre régulièrement ses études et arriver en classe de 3° à 13 ans.

 

A) SANCTION.

A la fin de cette année scolaire une commission nommée et présidée par le C. F. Provincial, fait subir les examens dits du "certificat’’. Sont candidats les élèves de 3° de Jounieh et ceux des autres écoles ayant parcouru le même programme. Les examens ont lieu au collège du Sacré-Cœur avec une certaine solennité. La session dure deux jours. Les élèves doivent témoigner de leurs connaissances en deux langues Obligatoires. Pour les indigènes, on exige le français et l'arabe; l'anglais est facultatif. Pour les européens l'anglais remplace l'arabe. Les autres langues (allemand, turc, etc. …) ne sont pas objet d'examen, du moins jusqu'à ce jour. Les épreuves écrites comprennent: la dictée d'un texte français avec commentaire lexicologique et grammatical assez détaillé, une composition française, une composition en mathématiques, une composition dans la langue obligatoire et une autre dans la langue facultative; enfin une page d'application des divers genres de calligraphie préparée à l'avance sur un même texte indiqué par le président de la Com mission.

Les épreuves orales portent spécialement sur le programme de la classe de 3° parcouru durant l'année, mais elles supposent l'élève possédant convenablement les matières ci-après.

 

B) PROGRAMME.

instruction religieuse: Le mot à mot et l'explication des trois parties du catéchisme ordinaire, de même pour celui de la Ste Vierge; l'Histoire sainte et les grands faits de l'Histoire de l'Eglise.

Langue française: a) La grammaire française approfondie, dans son ensemble; b) L'analyse et l'étude détaillée d'auteurs français. Une belle anthologie du P. Edmond Procès S. J. (Albert Dewit, Bruxelles) donne les meilleures pages des écrivains des quatre derniers siècles. En plus de ces extraits, les élèves doivent pouvoir expliquer les principales scènes d'Esther et d'Athalie. Cet enseignement, objet d'attentions particulières, vise à donner une connaissance pratique de la langue.

Langue obligatoire et facultative: Grammaire et textes comme pour le français.

Mathématiques: Algèbre, jusqu'aux équations du second degré; géométrie plane et dans l'espace, mais plutôt pratique; arithmétique, cours moyen F. T. D.; comptabilité commerciale, les 3 premières parties de l'ouvrage des Frères de Constantinople.

Sciences physiques et naturelles, cours F. T. D.

L'histoire générale: cours Gagnol-Uny, pour le 1ier cycle des collèges de France.

La géographie d'Orient, cours moyen.

 

N. B. Le dessin et la musique bien qu'enseignés ne sont pas objet d'examen.

Inutile de noter ici l'élan donné aux élèves et aux maîtres par ces assises toutes modestes qu'elles sont. Comme le lecteur peut en juger, les enfants, arrivés à ce niveau, écrivent et parlent correctement, sinon élégamment deux ou trois langues. Ils sont en état de gagner honnêtement leur vie par le travail, s'ils ne peuvent s'instruire davantage au collège.

Leur condition de fortune permet-elle de continuer leur éducation intellectuelle, ils ont le choix entre les divers établissements d'enseignement secondaire existant en Syrie et tenus par les RR. PP. Jésuites, Messieurs les Lazaristes, les Frères des Ecoles chrétiennes, etc. Certains élèves de nos écoles, usant de leur liberté, sont allés continuer dans ces maisons et y ont brillamment achevé leurs études. Ils peuvent, aussi, s'ils le désirent, continuer avec des maîtres dont ils aiment les méthodes et apprécient les soins.

Dans cette hypothèse, ils commencent à Jounieh une nouvelle période de trois années. Les derniers examens "du certificat’’ (juillet 1911) ont réuni 30 candidats des diverses écoles. Le compte-rendu des résultats est très flatteur pour les maîtres dévoués qui les présentaient. En octobre 1911, 21 élèves sur 27 lauréats de 3’s'inscrivaient pour le second cycle.

 

SECOND CYCLE

L'organisation de ces cours ne s'est point opérée sans difficultés. Au début, les élèves étaient peu nombreux. Les Supérieurs s'imposaient de lourds sacrifices pour employer dans cette maison un personnel considérable. D'autre part, l'idée de centralisation ne ralliait pas tous les suffrages… Les gens des localités privées de ce niveau d'études, ne voyant que leurs intérêts financiers, ne considéraient guère les avantages réels que nous procurait le système.

Heureusement la sagesse des Supérieurs et la docilité des Frères se sont élevées au-dessus de ces réclamations intéressées. Nous indiquerons brièvement dans quel esprit est rédigé le programme et quelles matières il comporte durant ces trois années complémentaires.

 

A) IDÉES GÉNÉRATRICES.

 

L'idée dominante est la formation harmonieuse de l'esprit en équilibrant au mieux et selon les besoins évidents du pays, les diverses branches qu'on est accoutumé de voir figurer dans l'enseignement moyen ou secondaire, exception faite des langues mortes.

Les matières vues dans le premier cycle sont reprises sur un plan plus détaillé et plus approfondi. L'enseignement de la langue arabe est divisé en classes parallèles aux cours français jusqu'en Première ou Rhétorique. L'étude de l'anglais, commencée en 5° se poursuit jusqu'au diplôme durant six années.

Les Frères ont pensé que ce serait trahir leur mission que de ne point user largement de la liberté dont ils jouissent dans les choix des ouvrages littéraires et philosophiques, aussi font-ils la part du lion aux auteurs chrétiens.

Ils se sont dit que dans le pays classique des hérésies où leurs élèves coudoient tous les jours: schismatiques, protestants, musulmans, juifs et francs-maçons, un devoir impérieux s'imposait de donner une solide culture religieuse, philosophique et apologétique. Et pour façonner convenablement les esprits avec de telles idées, il faut que l'élève reste à l'école au moins jusqu'à 16 ans, sans quoi l'esprit insuffisamment min trouve plus de dangers que de profits dans une formation hâtive et tronquée. Delà, la durée obligatoire de trois années. Quel éducateur vraiment digne de ce nom, quel professeur connaissant son métier voudrait s'inscrire en faux et nier le danger qu'il y a d'agiter certaines questions littéraires ou religieuses devant des auditeurs de 14 à 15 ans, de provoquer leur imagination et leur sensibilité sans se ménager le loisir de former leur esprit critique, de principier leur goût et enfin de couronner le tout par de fortes leçons de philosophie chrétienne?

 

B) PROGRAMME.

Instruction religieuse. D'après ces principes, nos élèves en classe de Seconde poursuivent leur formation religieuse par la recherche raisonnée de la vraie religion. L'année suivante, ils approfondissent l'Histoire de l'Eglise. En troisième année, fortifiés par les études simultanées de philosophie, ils abordent l'apologétique au triple point de vue historique, scientifique et dogmatique.

Entre temps, les professeurs s'assurent que les notions primordiales de catéchisme ne sont pas oubliées, pas plus d'ailleurs due le culte traditionnel envers Marie!

Philosophie. Pour cet enseignement, les Frères ont franchement adopté le vœu plusieurs fois formulé dans le Congrès de l'Alliance des maisons d'éducation chrétienne de France, tendant à enseigner courageusement la philosophie chrétienne et thomiste même pour le Baccalauréat.

Il existe fort heureusement aujourd'hui un grand nombre d'excellents ouvrages en langue vulgaire et permettant d'étudier cette philosophie thomiste — si calomniée par ceux qui l'ignorent —et pourtant la ‘’seule’’, concluait naguère un philosophe, universitaire de marque4.

Et d'ailleurs qui pourrait nier les ravages causés par la philosophie pernicieuse de certains manuels même parmi les frères aux lectures mal dirigées et à l'esprit insuffisamment armé par la philosophie inébranlable de l'Église?

Littérature. Le programme équivaut à celui du Baccalauréat français. Pour la théorie de la composition et des genres littéraires, ainsi que pour les textes d'auteurs, les élèves ont les ouvrages de l'Alliance des maisons chrétiennes, édités chez de Gigord, Paris. Le point de vue des professeurs dans leurs commentaires est d'appliquer l'enseignement substantiel du P. Longhaye dans la ‘’Théorie des Belles-Lettres’’ (qui devrait être le livre de chevet de tout professeur de littérature catholique).

Mathématiques. L'arithmétique, l'algèbre, la géométrie, la trigonométrie et la cosmographie sont étudiées sans avoir toutefois l'ampleur du programme de la section D du Baccalauréat.

Le pays étant essentiellement commercial, au lieu d'insister sur le côté mathématique en vue de carrières industrielles inexistantes, on accorde une place importante à la comptabilité financière et au droit commercial.

5’Les sciences chimiques, physiques et naturelles sont à quelque chose près, celles des sections C et D.

L'histoire et la géographie générales s'adaptent le mieux possible aux exigences du pays.

 

C) SANCTION

A la fin de la première année, il y a un examen de passage avec épreuves écrites et orales sur les matières du cours. Après la seconde année, l'examen est définitif pour les parties littéraires française 'et arabe du diplôme. Enfin, après le cours de philosophie, les examens revêtent un caractère de solennité plus grand encore que pour le "certificat’’.

Les épreuves écrites comprennent: une dissertation philosophico-religieuse, une composition en mathématiques et en sciences, une composition en comptabilité et une autre en langue anglaise.

Les épreuves orales comportent des interrogations sur les matières vues au cours de la dernière année. Dans ces examens, comme en ceux du certificat chaque matière est cotée 20 points, mais avec coefficients: 3 pour la dissertation philosophique, 2 pour la composition et les auteurs français. Toute note inférieure à 8 est éliminatoire.

Pour donner plus de valeur au "diplôme’’ le Consul Général de France en Syrie légalise la signature du président de la commission. En fait, nos élèves tiennent beaucoup à voir les "armes de France’’ authentiquer un document qu'ils exposent ensuite avec fierté à l'endroit le plus décoratif de leur salle de réception.

A la dernière session (juillet 1911) 6 élèves sur 7 ayant achevé le second cycle, ont reçu ce témoignage officiel après des examens très satisfaisants.

Avec ces trois années d'études complémentaires, nos élèves ont un ensemble de connaissances suffisant pour se présenter avec succès aux Facultés françaises de médecine et de pharmacie de Beyrouth, à l'école supérieure de droit du Caire, dans les différentes banques et Compagnies de la région, etc. …

Il existe à Alexandrie et à Smyrne des commissions instituées par le Ministère de l’Instruction publique de France, pour les examens du Baccalauréat. Jusqu'à ce jour, pour ménager leur indépendance, les Frères de Syrie, imitant d'ailleurs les établissements similaires, n'ont pas jugé opportun de s’astreindre à ces programmes officiels. Une raison entre autres est la difficulté et l'inutilité de la section D (sciences-langues vivantes) pour les élèves de nos écoles. Cette section, en effet, la seule qui n'ait pas de latin, exige une culture mathématique sans objet pour les Syriens. Plutôt que de contribuer à former des déclassés, nous avons adopté un programme mitigé et plus conforme, croyons-nous, aux nécessités locales par le temps qu'il consacre à l'éducation religieuse, à l'étude des langues et du commerce.

Tant que les complications de la politique européenne n'auront pas modifié la situation exceptionnelle de nos écoles dei Liban, nos Frères s'efforceront sans doute de maintenir, en les perfectionnant de plus en plus, ces programmes producteurs d'émulation et d'unité et capables de grouper toutes les énergies sommeillantes vers un idéal déterminé.

L'expérience du passé ne nous apprend elle pas hélas ! combien de vies d'éducateurs maristes n'ont pas donné tout le rendement possible pour la gloire de Dieu, le bien de l'Institut et la formation des enfants faute de ce "bienfaisant rayonnement de l'Idéal?…’’

 

ETAT ACTUEL DU COLLÈGE DU SACRE-CŒUR: ESPERANCES

Aujourd'hui, une ère de réelle et durable prospérité semble s'être levée sur le collège du Sacré-Cœur! Grâce à une sage direction, secondée par le dévouement de tout le personnel, la maison est devenue trop étroite pour contenir les 260 élèves qui s'y pressent.

Cette population scolaire est, dans l'immense majorité, maronite et catholique. Aussi bien notre sainte religion est le grand levier sur lequel maîtres et élèves s'appuient, les uns pour s'encourager dans leurs nobles fonctions, les autres pour puiser l'amour de l'étude, la force de caractère et toutes les vertus des écoliers chrétiens.

Le service religieux ordinaire est assuré par trois ou quatre prêtres maronites, professeurs d'arabe dans les classes supérieures. Tous les élèves assistent chaque jour à la sainte Messe. La communion quotidienne est en grand honneur; et, comme dans nos autres écoles du Liban, elle y opère d'heureuses transformations morales. Même les tout-petits rivalisent d'ardeur. Une petite anecdote caractéristique entre bien d'autres du même genre!

Il y a quelque temps, un petit externe de 6 ans et demi arrive à trois heures de l'après midi, chez le F. Directeur. Il pleure parce qu'il n'a pas déjeuné. « Comment, petit homme, tu n'as pas cané, tu veux dire! (en arabe, le tutoiement est de règle).

— Non! je n'ai pas déjeuné ! » Et le petit explique que, pour pouvoir communier, il est parti à jeun de la maison. « Puis, ajoute-t-il en sanglotant, maman ne m’a pas encore envoyé le dîner et j'ai beaucoup faim, mon frère ! » En autorisant le bambin à retourner à la maison, le F. Directeur ému de tant de générosité, se disait tout bas: « Comme Notre-Seigneur doit être content de ces petits! »

D'autres font des sacrifices héroïques et sont obligés d’user de stratagèmes pour s'assurer la communion que des parents aveugles ne s'inquiètent guère de favoriser !

Comme on pense bien, l'apostolat de la prière fonctionne régulièrement au collège du Sacré-Cœur. Le premier vendredi de chaque mois est un jour de fête marqué par des cérémonies spéciales.

Malgré les conditions défavorables de la chapelle, vraiment trop exigüe, les élèves y chantent admirablement. Les dévotions à Marie, à S. Joseph, aux Saints Anges et aux âmes du purgatoire, y fleurissent comme dans les milieux les plus catholiques,

La maison possède la grande et superbe statue du Vénérable P. Champagnat de la maison Vermare (Lyon). Provisoirement installée, elle attend le jour où les cours agrandies permettront de lui élever un trône parmi les fleurs, la verdure et les joyeux ébats des écoliers!

Chaque semaine, un Père Jésuite se détache de la résidence de Ghazir pour la confession des maîtres et des élèves qui désirent s'adresser à lui. Le dévouement des Pères à cet égard est digne de tout éloge. C'est grâce à leur concours qu'ont pu s'organiser non seulement les retraites annuelles des élèves, mais la retraite fermée de fin d'études pour les candidats au diplôme.

L'oriental a l'âme profondément religieuse et le maronite est sincèrement attaché à la Sainte Eglise. Aussi, les Frères trouvent-ils de réelles consolations sur ce point de leur ministère.

A côté de lacunes graves, le caractère des enfants présente assez de souplesse et de malléabilité pour se plier aux exigences disciplinaires. Le Syrien a conscience de l'autorité et il la reconnaît volontiers pourvu qu'elle se montre et qu'au besoin elle s'affirme nettement. Par suite, il est exact de dire que le bon ordre se maintient avec facilité.

Quant au système d'émulation, il est sensiblement identique à celui des écoles de France. Assez réfractaires à l'idée abstraite du devoir pour lui même, les élèves s'accommodent volontiers d'une méthode où les récompenses et les prix stimulent les bonnes volontés chancelantes.

Bref! les Frères de Jounieh ont longuement expérimenté déjà, combien est vraie la parole de N. S. J. C. à la Be Ve Marie : « Je bénirai les maisons où l'image de mon Cœur sera exposée et honorée! ».

Ils continueront sans doute, dans leur zèle éclairé, à promouvoir au milieu de leurs nombreux élèves le règne effectif du Sacré-Cœur et de N.-D. du Liban et alors se réaliseront leurs chères espérances.

Bientôt, grâce au généreux concours des Supérieurs et avec l'aide de la bonne Providence, une belle chapelle, de vastes cours et autres dépendances donneront au collège les compléments nécessaires à une maison d'éducation importante.

Bientôt une école gratuite annexe permettra de répondre à un besoin pressant de la sympathique population de Jounieh, et par ce moyen les Frères pourront atteindre encore plusieurs centaines d'enfants privés d'instruction et d'éducation convenables à cause de leur indigence.

Bientôt enfin, dans ce collège devenu plus spacieux, les anciens élèves pourront trouver un lieu de réunion où ils viendront réchauffer leur âme au contact de leurs maîtres vénérés en gardant toujours vivantes les pieuses et fortes leçons reçues sous l'égide divine du Sacré-Cœur.

Daigne le Ciel réaliser les vœux ardents non seulement de ceux qui sont désignés pour travailler directement à cette œuvre, mais de tous les Frères de la province, car tous sont convaincus qu'ainsi complotée elle donnera d'abondantes moissons pour la plus grande gloire de Dieu et la prospérité de la Congrégation en Syrie!.

F. A.

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1 Subdivision secondaire de la province ottomane.

2 V. g. Marie au Liban, par J. Goddard S. J. Beau volume richement illustré, à la Bonne Presse, Paris.

3 On répondait ainsi aux instances de Mgr Duval, Délégué apostolique, et de. M. SA !lège, Supérieur des Lazaristes d'Antoura.

4 ‘’Deux philosophies’’ par Ch. Dunan. L'auteur montre, après beaucoup d'autres, l'effondrement du système cartésien et de toutes les théories modernes qui en dérivent.

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