La question linguistique en Belgique

24/Oct/2010

La Belgique est située au point de soudure de la culture germanique et de la culture latine et présente quelque analogie avec la Suisse car on y parle trois langues. Les limites politiques ont été fixées assez arbitrairement par les événements historiques.

Le nord de la Belgique, la Flandre, parle la même langue que la Hollande, le néerlandais qui fait partie du groupe linguistique germanique. Environ quatre millions et demi de Belges et onze millions de Hollandais parlent cette langue. La moitié sud de la Belgique, adossée à la France parle le français ; elle est habitée par quatre millions d'âmes. Enfin une petite région en bordure de l'Allemagne habitée par quelques centaines de milliers de personnes, a l'allemand comme langue principale.

 

La pénétration des Frères Maristes. — Au début du siècle passé le français avait bien des chances de s'imposer comme langue unique dans le pays qui venait de passer vingt ans sous l'occupation française, grâce à la puissance économique de la région méridionale, pays de mines et d'industrie lourde, et grâce aussi au prestige culturel de la France en ce temps-là. La Belgique paraissait le prolongement de la France. C'est donc sans étonnement que nous voyons les Frères ouvrir leur première école à Fleurus en 1856. Depuis cette date et jusqu'en 1903, la province de Beaucamps fonda une vingtaine d'établissements en Belgique et tous, sauf un, situés dans ce secteur de langue française. Il était normal qu'il en fût ainsi car, outre que le sud avait un besoin impérieux d'écoles chrétiennes, vu son industrialisation très poussée, les fondateurs français n'avaient besoin d'aucun diplôme spécial.

Pourtant la Congrégation se tourna très tôt vers l'autre partie, la Flandre. Celle-ci en effet, restée plus profondément chrétienne que la Wallonie, constituait une riche réserve de vocations. Au début on dirigea les sujets sur Beaucamps pour leur donner une formation française et bientôt Beaucamps institua un juvénat de langue française en plein milieu de la Flandre. Vers la fin du siècle, le Gouvernement ayant formulé des exigences de diplômes pour l'enseignement, la maison d'Arlon ouvrit une école normale d'expression française et tous les Frères belges y firent leurs études.

A partir de 1903, profitant de l'affluence de Frères chassés de France par les lois combistes, plusieurs postes s'ouvrirent dans la région néerlandaise, mais les premiers Frères qui y enseignèrent, tout en étant originaires de la région, n'avaient fait que des études en français et n'étaient guère préparés à un enseignement en néerlandais. Il y avait d'ailleurs encore beaucoup d'écoles françaises en Flandre.

Pourtant, vers le même temps, la Flandre était travaillée par un mouvement culturel très profond, qui s'était proposé comme objectif la remise en honneur de la langue néerlandaise jusque-là pratiquement brimée dans le pays. De culturel à son origine, le mouvement devint politique par la force des choses, afin d'obtenir pour les millions de Flamands, des écoles moyennes, des tribunaux, une Université et une administration en langue néerlandaise. Les lois sur l'emploi des langues dans le pays devinrent de plus en plus sévères et, depuis une trentaine d'années il est devenu impossible de tenir une école française dans la région flamande ou d'y enseigner sans diplôme officiel correspondant. Les deux régions sont rigoureusement unilingues sauf dans la bande de contact et notamment à Bruxelles où chaque école se divise en deux sections : française et néerlandaise.

Si la Province belge possède à Arlon, comme on le verra plus loin, une double Ecole normale primaire et moyenne où nos Frères peuvent obtenir, dans les meilleures conditions de formation, soit le diplôme d'instituteur pour l'enseignement en langue française, soit celui de « régent » pour l'enseignement moyen dans la même langue, il lui manque une Ecole Normale en langue néerlandaise, et, à l'heure actuelle, il est impossible de l'établir. Dans la pratique, on résout cette difficulté de la manière suivante. Nos juvénistes flamands étudient dans leur langue maternelle jusqu'à l'âge de quinze ans environ. Puis, ils suivent à Arlon, comme juvénistes ou comme scolastiques, les quatre années d'études conduisant au diplôme d'instituteur en langue française. Quelques-uns conquièrent le titre de « régent » ou de professeur d'école moyenne, toujours pour la langue française. Dans la suite, ils se préparent personnellement, tout en enseignant déjà, à conquérir les mêmes titres pour la langue néerlandaise. Mais il faut espérer qu'un jour viendra où la Province aura son Ecole Normale pour la langue néerlandaise.

Ce double effort peut paraître dur à quelques étudiants. Mais il leur procure le grand avantage de devenir de parfaits bilingues, ce qui est fort appréciable à notre époque où les relations entre peuples deviennent de plus en plus fréquentes.

 

La diversité des langues au Congo. — Une centaine de Frères de la Province travaillent aux missions du Congo belge et là aussi le problème des langues se pose.

Pour l'enseignement primaire aux Congolais, le Gouvernement recommande, par dessus la soixantaine de langues indigènes, cinq langues d'un rayonnement assez large. Il faut donc commencer par apprendre aux petits, l'une de ces langues pour pouvoir leur donner l'enseignement primaire, et une fois celui-ci dépassé, l'école moyenne se fera en français tandis que l'école normale pour instituteurs primaires se poursuit en langue indigène tout en faisant une place assez large au français. Ainsi les Frères placés dans telle grande école doivent connaître le lingala, dans telle autre le swahili, dans d'autres le kinyarvvanda, et partout le français pour l'enseignement technique et moyen. Cette diversité de langues est une grosse difficulté pour les Frères et ne facilite pas la tâche des Supérieurs quand il s'agit de faire les placements.

 

La question linguistique et les éditions. — Un des inconvénients de la diversité linguistique dans les différents secteurs de la Province belge est le tirage limité de nos éditions d'ouvrages scolaires. Nos livres ont une bonne renommée mais leur aire d'expansion est forcément réduite. La maison d'éditions possède des méthodes de lecture, de calcul, d'histoire, de grammaire, etc. … pour la partie néerlandaise aussi bien que pour la partie wallonne d'expression française. Les écoles du Congo ont un programme et des nécessités méthodologiques tout autres ; et puis il faut des livres en lingala et en swahili. Il n'est guère facile de trouver des spécialistes en nombre suffisant pour tant de branches et de langues différentes. Pourtant grâce au labeur persévérant d'un groupe de Frères très dévoués, nos éditions sont prospères.

 

Conclusion. — Grâce à Dieu, les conflits linguistiques et les ressentiments qu'ils peuvent susciter parfois dans la population belge s'éteignent aux portes de nos communautés : la sage directive de notre Bienheureux Fondateur proscrivant les discussions politiques entre Frères, maintient une paix qu'on trouve dans peu de Congrégations en Belgique. La plupart de celles-ci ont déjà dû scinder leurs sujets d'après la frontière linguistique tandis que chez nous tout est bilingue : les Supérieurs s'adressent aux Frères dans les deux langues nationales, aussi bien dans leurs conférences, que dans leurs circulaires et changent de langue d'après les postes qu'ils visitent. Dans les maisons elles-mêmes on parle la langue de la contrée, tandis que dans les neuf postes du Congo et du Ruanda les récréations sont un chassé-croisé des langues les plus diverses, illustration vivante de l'universalité de notre Congrégation.

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