Madagascar (prospective)

05/Nov/2010

A continuación encontraremos un buen estudio sobre la situación en Madagascar. El autor no presenta una prospectiva idealista, sino más bien, sobria y concreta. Antes que precisar lo que debe hacerse en su Provincia — lo que sobrepasa sus poderes — se contenta con indicar dónde se encuentra, cuál es el verdadero problema. Partiendo de un estudio de esta naturaleza, una reunión de Superiores religiosos o una Conferencia Episcopal, podrían acertadamente planificar un programo de predicación del Evangelio y de ayuda a los pobres, en Madagascar, hoy y siempre.

There follows a good review in which the author gives a thoughtful and very realistic account of the situation in Madagascar. Rather than specify what his Province should do — something which would exceed his powers — he indicates where its present and its future problems lie. From a study of this kind, a reunion of Superiors or an Episcopal conference could adopt plans on the manner of preaching to and helping the poor of Madagascar both now and in the future.

Madagascar est mon pays d'adoption. Je pense à son avenir. Une prospective à longue échéance est bien difficile. Il n'est pas question qu'elle soit impeccable.

Population: 7.000.000 d'habitants en 1970, 8.600.000 en 1980, taux de croissance 2,2%, 12 à 14.000.000 possible pour l'an 2000. Il est prévisible que dans les 10 ans à venir, les familles riches et instruites plus nombreuses en ville qu'en campagne, réduiront le nombre de leurs enfants; la masse campagnarde changera peu sur ce point, au moins dans la première décade. Bien que la main-d'œuvre soit sous-employée, le pays est actuellement sous-peuplé et l'augmentation de population lui sera bénéfique.

Economie: Il est exact de constater qu'il n'y a pas de décollage économique, qu'aucune grande source de revenus internationaux (fer comme à Fort Gouraud, pétrole comme en Lybie) n'est prévisible, qu'il n'y a pas d'éléments pour lancer une véritable industrie, mais il se lancera quelques usines d'industries moyennes. Le taux de croissance économique est de 3 à 4% par an, à peine supérieur à celui de la croissance de la population, (la Bird pour 1969 trouve un déficit de 1%). Parler de « vocation agricole du pays » est un peu dérisoire lorsqu'on sait la progression imperceptible des prix agricoles et la progression astronomique des prix industriels. Pour 85% de la population, le revenu par tête est identique ou à peine supérieur à celui de 1950. Aucune amélioration substantielle prévisible dans les 10 ans à venir.

 

Mieux être: Y a-t-il, y aura-t-il mieux être? La question est parfois passionnée. Il semble que, même si en gros 80% de la population a le même revenu qu'il y a 20 ans, une partie notable a amélioré sa façon de vivre: l'habillement est plus soigné; tricots, pardessus se sont généralisés, souliers des jours de fête. Dans la nourriture, au riz, brèdes, viandes, se sont ajoutés les fruits, les salades, les légumes, le pain. Avec un revenu inchangé, il y a mieux vivre, cela se généralisera.

 

Inégalité: Un des points les plus importants et qui posera le plus de problèmes dans la décade qui commence est l'accentuation de la disproportion des revenus, du standing de vie, entre une minorité s'enrichissant très vite, certains exploitant les autres, une autre minorité évoluant lentement et une masse restant au stade d'une pénible économie de subsistance. La sensibilisation à cette injustice s'accentuera. Se contentera-t-elle, comme actuellement, d'un regret sentimental du bon vieux temps où tout allait mieux? (le temps du désert pour les Juifs, où tout le monde était pauvre). Pour nous, il y a certainement matière à réfléchir: allons-nous nous consacrer à l'élite, vivre comme elle? Irons-nous vers la masse pauvre, les plus pauvres? Trouverons-nous une solution intermédiaire?

 

Santé: Ces 20 dernières années ont vu des progrès spectaculaires, la médecine scientifique a gagné la confiance populaire, a fait baisser fortement la mortalité infantile, est pour beaucoup dans l'augmentation de population, cependant elle n'a que des moyens rudimentaires, est sous-équipée en personnel qualifié, en moyens et médicaments. La moyenne de la durée de la vie est actuellement de 38 ans. Une forte amélioration est à prévoir.

 

Politique: Un revirement total est toujours possible dans ce domaine. Il y a actuellement stabilité politique, que certains appellent stagnation. Le système est tel qu'on ignore l'assise réelle du parti au pouvoir. Un changement politique serait peut-être plutôt changement de personnes que changement fondamental d'orientation.

 

Urbanisation: Il n'y a pas et rien ne semble indiquer qu'il y aura à Madagascar un rush d'urbanisation comparable à Abidjan (population doublée en 7 ans) ou Kinshasa (population triplée en 5 ans). Cependant l'urbanisation et ses conséquences sont très importantes pour l'avenir. Le taux de croissance des villes en population et en investissements économiques est plus fort que la moyenne nationale. L'évolution et la modernisation y sont plus rapides, c'est la ville qui donne le ton aux campagnes environnantes, c'est en ville qu'il y a numériquement, proportionnellement et qualitativement (du moins pour ce dernier point au point de vue valeur humaine) le plus de religieux et les œuvres spécialisées.

 

Religieux: Du fait que notre environnement est catholique, que nous vivons en « institutions » nous avons tendance à considérer Madagascar comme notre environnement; or de fait, même si le païen est profondément religieux, les 2/3 de la population, les 9/10 dans les régions côtières sont païens. Bien des régions, sont sous-équipées spirituellement, les 4/5 de Madagascar, en superficie et en population, ont moins de 10 personnes consacrées à Dieu par 6.000 km2 et par 60.000 âmes. La crise religieuse actuelle de l'Occident permettra-t-elle la simple relève des missionnaires vieillissants? Il semble que non; elle aura de plus des incidences sur le recrutement autochtone. Au mieux, celui-ci doublera ses effectifs en 30 ans.

Globalement actuellement, il représente les 2/5 du personnel religieux total. Tout semble laisser prévoir que dans 10, 20 et 30 ans, il y aura proportionnellement à la population, moins de prêtres, religieux et religieuses qu'actuellement. Très important: la génération précédente était profondément religieuse, y compris ceux qui avaient été formés dans les écoles laïques. Actuellement dans les lycées, où se forme une partie notable des dirigeants de demain, il y a une grande indifférence religieuse.

 

Enseignement: Numériquement et qualitativement les progrès sont rapides et incontestables. En 1950, il y avait 80 candidats au CEPE dans la préfecture d'Antsirabe, en 1970, il y en a près de 5000, et pour le BEPC c'est de 30 à 1600 en 20 ans. En moyenne nationale, 52% des enfants en âge scolaire sont scolarisés dans des classes ayant en moyenne 90 élèves. Les écoles ne manqueront pas d'élèves. Cependant, l'aide de l'Etat aux seules écoles publiques, un désengagement sensible de bien des gens d'Eglise envers l'enseignement, maintiendront un taux de croissance plus élevé à l'enseignement officiel; actuellement, il est deux fois plus élevé que celui de l'enseignement confessionnel. Les estimations des économistes sont les suivantes: un budget égal à 4% du produit national brut est un maximum; consacrer 15% de ce budget à l'éducation est aussi un maximum plutôt au-dessus du taux de bon équilibre. Augmenter ces charges compromettrait notre développement économique, et il est plus urgent et plus efficace de développer l'économie; un développement économique entraîne une augmentation de ce qui peut être consacré à l'enseignement; par contre, l'inverse: augmenter le taux consacré à l'enseignement compromettrait le développement économique et augmenterait le nombre et la proportion des « chômeurs intellectuels ».

 

Qualification ou rendement de l'enseignement: En moyenne nationale, sur 1.000 enfants entrant au CPI, 271 entrent au CM2, 99 obtiennent le CEPE, 31 passent en 6ème, 18 arrivent en 3ème. Dans les zones urbaines, les proportions sont très supérieures et dans les zones rurales éloignées très inférieures. Ainsi 40% des enfants en âge scolaire sont dans le secondaire à Antsirabe; 4% est la moyenne nationale, mais moins de 1% dans le district de Faratsiho. Autrement dit, sur 100 enfants scolarisés, 10 terminent le primaire et continuent à lire, les 90 autres, la majorité deviendra illettrée de fait, par oubli et non pratique de ce qui a été imparfaitement appris et non assimilé. Ce gaspillage à Madagascar a été chiffré à 77%. Une sélection ferme et scientifique donnerait le même résultat avec 3, 4 fois moins de dépenses.

 

Pédagogie et catéchèse: Le monde de l'enseignement, tant religieux que profane est en grande effervescence: certains jeunes éducateurs croient trop facilement que tout est nouveau et qu'avant eux ce n'était qu'ignorance et ténèbres; par contre, certains anciens estiment qu'il n'y a rien de nouveau et que les sciences de l'éducation sont immuables comme la nature humaine. Il s'est créé à Tananarive un centre de recherche en catéchèse dont certains travaux, notamment sur le Fihavanana sont originaux et riches. Le Fihavanana est intraduisible en français; c'est un lien moral très fort entre tous ceux qui ont le même tombeau familial, et il s'étend au clan familial vivant, aux enfants et futurs enfants, surtout aux défunts du tombeau toujours très présents, et par les défunts familiaux, à tous les défunts, à Dieu, à tous les vivants, dans un esprit très proche de la communion des saints. La charité envers le prochain, le culte des saints, l'adoration de Dieu en sont des expressions. Le Fihavanana est actuellement considéré comme la principale pierre d'attente du christianisme. La psychologie contemporaine fait de grands progrès, remettant en cause bien des conceptions et méthodes généralement admises, évidentes autrefois et qui influençaient grandement la pédagogie et la méthodologie; le livre n'est plus le seul contenant de la science, les audio-visuels et le matériel éducatif deviennent importants. Il faut donc nous demander quelle place les sciences de l'éducation: psychologie, méthodologie, pédagogie etc. et spécialement sa forme religieuse, la catéchèse, tiennent dans notre formation, dans la spécialisation de certains Frères, dans le recrutement de nos professeurs, dans leur formation professionnelle et permanente. Pour essayer de répondre à ces interrogations et besoins, sous l'impulsion des Frères des Ecoles Chrétiennes, un « scolasticat spécifique inter congrégation » avec un programme hors des cadres universitaires de formation religieuse, catéchétique, pédagogique et humaine, adapté à Madagascar, est en création.

 

Notre Province et l'enseignement: Cet ensemble aura des répercussions importantes sur notre Province. Nos écoles ont et continueront à avoir beaucoup d'élèves. Plusieurs étant aux environs du millier, il semble qu'il n'y ait aucun intérêt à grandir encore; plus grandes, elles deviendraient quelque chose d'anonyme, sans âme, une usine à la chaîne du savoir. Il est partout de plus en plus facile de trouver des enseignants laïcs pour des classes de niveau scolaire de plus en plus élevé. La forte crise des maisons de formation, la crise des vocations en Europe, la crise générale de persévérance, permettent de prévoir que le nombre actuel de 60 religieux ne sera pas maintenu. Prévoir une diminution numérique importante est prudence. En conséquence, comment penser à de nouvelles fondations? Notre clientèle sera les catholiques des classes moyennes et laborieuses avec 2 lacunes importantes:

a) Quels seront nos contacts avec les païens (68%), les illettrés (50%), les pauvres (85%), les vrais broussards (85%) qui selon les catégories représentent 50 à 85% de la population de Madagascar? (Celui qui envoie son fils à l'école catholique de la ville n'est déjà plus tout cela, car il a au moins la volonté de ne plus rester cela).

b) Ayant moins de monde pour tenir les œuvres existantes, comment expérimenter et nous adapter à des formes neuves d'apostolat de la jeunesse? Est-ce normal? est-ce prudent d'avoir pour champ exclusif de notre apostolat nos écoles?

 

Institutionnelles catholiques? Si d'une part, il est exact qu'en bien des cas nous sommes particulièrement adaptés et efficaces dans ce cadre au point que, jusqu'à une date récente, il était impensable de le remettre en cause, d'autre part, il nous faut considérer qu'actuellement l'enseignement secondaire et supérieur s'améliore et se généralise (obligation scolaire jusqu'à 16, 18 et même 22 ans en certains pays. L'école privée institutionnelle est certainement encore un moyen d'atteindre notre but, même lorsque non soutenue par les deniers de l'Etat, elle est une lourde charge pour les familles et l'Eglise. Elle laisse ouverte les questions:

L'école privée confessionnelle est-elle le plus efficace moyen d'atteindre notre but?

L'école privée confessionnelle doit-elle rester le cadre exclusif de l'apostolat des Frères?

Quelles expériences apostoliques méritent d'être tentées?

Quel travail de réflexion et de préparation fait-on dans ce but?

 

L'inadaptation de l'école, de l'enseignement, de la formation traditionnelle. On a pu constater au cours d'une session à Madagascar que l'enseignement primaire est quasi inefficace parce qu'inadapté; l'enseignement secondaire forme de petits fonctionnaires et des chômeurs; l'enseignement supérieur forme des bourgeois individualistes, étrangers dans leur propre pays. Voués à l'enseignement, il est important d'étudier la portée réelle de cette inadaptation.

Sans doute, une école « totalement adaptée » ne posant aucun problème serait la pire des écoles, car elle ne serait possible que dans une civilisation figée et formerait des conservateurs. Une bonne école est donc nécessairement un peu inadaptée et donne conscience du devoir de chercher autre chose. Mais, quand on constate qu'une nation de 7.000.000 d'habitants ne peut intégrer 5.000 BEPC par an, est-ce l'enseignement qui est inadapté au pays, à l'enfant, ou est-ce la stagnation économique qui provoque ce déséquilibre, cet embouteillage? Où en est le 2ième plan quinquennal? (deux ans après la fin du premier, il n'est pas encore élaboré ni voté). Et développer l'enseignement sans développer l'économie, n'est-ce pas davantage alourdir celle-ci tout en encombrant l'autre?

 

Pourquoi parle-ton d'inadaptation? Vers les années 1965-67 une étape importante a été franchie. En gros, avant, l'offre de places était plus forte que le nombre restreint des diplômés, ceux-ci obtenaient facilement un emploi, souvent surclassé et une bonne paie, la mission jugeait indispensable de prendre en charge des « boursiers », des « normaliens » pour avoir à son service des diplômés (pas toujours fidèles à leurs engagements). Depuis 3 ou 5 ans, les diplômés sont plus nombreux que les places disponibles, il se crée des chômeurs intellectuels, des diplômés se contentent d'un sous-emploi.

Du fait que le diplôme n'assure plus une belle place, on conteste le contenu de ce diplôme. Une forte majorité est convaincue de cette inadaptation, chacun a élaboré un plan assez simpliste de réformes utiles; il y tient d'autant plus que la complexité des problèmes lui échappe. Aucune majorité n'a pu s'établir autour d'un projet de réforme; seuls des aménagements ont été possibles et dans l'ensemble bénéfiques.

 

Inadaptation de la catéchèse. A l'origine, peut-être trop pensées par des missionnaires dans un contexte colonial, les « pierres d'attente » ont non seulement été ignorées, mais souvent mal comprises, mal interprétées, parfois condamnées. Inversement en voulant trop adapter et faire le lien avec les traditions ancestrales, on peut oublier que 'le Christ est venu en ce monde sans être de ce monde. Le centre de formation et de recherche catéchétique d'Ambatoroka fait certainement un excellent travail. Dans quelle mesure exploite-ton cette possibilité de perfectionnement?

 

Inadaptation culturelle: La diversité culturelle est telle qu'elle aboutit en gros à quatre familles d'écoles: l'enseignement public, à la charge totale de l'Etat, à la remorque du parti au pouvoir; l'enseignement catholique, souvent de bonne qualité, ayant un souci d'éducation orientée, totalement à la charge des familles; l'enseignement protestant, moins structuré, ayant un souci d'éducation orientée; un enseignement privé, trop souvent se contentant de vendre cher un enseignement de qualité médiocre.

 

Inadaptation de civilisation: Dans son projet éducatif, notre enseignement n'est-il pas plus près de la société de sélection individuelle et d'économie capitaliste de l'Europe du XIXème siècle que de la société malgache contemporaine et future dont la mentalité est très communautaire, qui a le sens de la promotion collective et opte pour une économie socialisée (esprit du Fihavanana, du fokonolona)? (Le fokonolona est la communauté villageoise où tous les adultes hommes et femmes ont leur mot à dire, et où les anciens, appelés « pères-et-mères », ont un rôle prépondérant. Dans un esprit patriarcal, il assurait l'administration, les servitudes, l'ordre moral, la justice dans le village et les relations à l'extérieur et l'administration supérieure. Son rôle se restreint avec l'administration moderne, mais les communes et les paroisses sont organisées et animées selon cet esprit et ces traditions encore très vivifiants). Dans les manuels, que de problèmes sur le bénéfice, le capital, les intérêts et combien peu sur les coopératives, sur la production; que de lectures décrivant le bien-être et les conventions d'une certaine société avec l'idée d'en faire un modèle (à distinguer des lectures donnant une information sur les autres sociétés), prônant la promotion et le succès individuel, la consommation, alors que nous sommes dans une autre civilisation aux valeurs trop ignorées!

 

Inadaptation de par son origine et sa pensée étrangère: C'est historique: au XIXième siècle existait et se développait un enseignement malgache, confessionnel, soutenu et intégré dans les communautés locales et de masse. Il a été délibérément supprimé à la conquête française qui a créé un enseignement en français, laïc, plus utilitaire qu'éducatif, avec plafond au niveau de la Sème, (programme ne comportant ni littérature, ni histoire, ni géographie, ni dissertation, mais excellent en français correct, calcul, et des rudiments d'hygiène locale, d'agriculture et de menuiserie). Au moment des indépendances, les élites africaines et malgaches étaient très sensibles aux idées égalitaires: avoir même programme et diplôme de valeur internationale qu'en Europe, un même enseignement pour tous. La crainte d'un enseignement au rabais rejetait l'idée d'africanisation du contenu. Tous les efforts constructifs et d'imagination se sont orientés vers un « enseignement pour tous » aux résultats importants: effectifs quadruplés en 20 ans, et résultats annuels aux examens multipliés par 20. On se contentait d'aménagements de détails; introduction timide du malgache, Afrique et Madagascar prenant la place de la France dans l'histoire et la géographie. C'est depuis le moment où cet enseignement aboutit à un embouteillage de diplômés sans emploi et à une lourdeur économique, qu'on en exagère les inadaptations.

 

Inadaptation de la langue: Beaucoup sont très sensibilisés à cette inadaptation; le français a encore une importance primordiale et la solution d'un emploi plus important du malgache est plus complexe qu'il ne semble:

 

Malgache: Il devrait être la langue de base du primaire et de certaines disciplines du secondaire. Il a contre lui que son unité n'est ni faite ni acceptée. D'une part, l'option d'avoir une seule langue nationale, ce qui concrètement se traduit par « le dialecte merina pour toute l'île » est excellente; d'autre part, bien des tribus côtières, par malgache entendent leur dialecte local, ne veulent se voir imposer le dialecte merina, lui préfèrent le français. Aller trop vite, impérativement dans l'unification de la langue, risque d'avoir des répercussions sur l'unité nationale et de contribuer à augmenter le retard économique et culturel de la côte. Affirmer comme certains le font que le malgache ne peut être un instrument de culture et une base d'instruction est certainement faux, mais c'est être objectif de constater que les grammairiens malgaches ne sont pas d'accord, que la langue, écrite seulement depuis 150 ans, avec un faible marché de vente de livres, a peu d'écrits et peu d'audio-visuels, que certaines disciplines ont de meilleurs outils, plus de possibilités d'efficacité, d'ouverture, de mise constante à jour, à être étudiées dans une langue internationale, que, dans le second cycle et le supérieur, la majorité des enseignants sont Français, et que beaucoup de Malgaches ont davantage foi au français qu'au malgache comme base d'instruction et de formation.

 

Le français: Il y a unanimité actuellement à admettre qu'au niveau moyen (1er cycle) la connaissance courante d'une langue internationale est indispensable. Il y a divergence sur les méthodes à employer pour y aboutir et sur les disciplines qu'elle doit véhiculer.

 

Troisième langue: L'étude d'une troisième langue devrait être repensée, non dans sa finalité qui est justifiée et généralisée dans l'éducation mondiale, mais dans ses méthodes. Telle qu'elle se pratique actuellement, c'est est un gaspillage de l'ordre de 98%. Il semble qu'il y aurait intérêt à être plus ferme pour l'option: soit étude poussée d'une troisième langue aboutissant à une connaissance courante en un cycle; soit une étude équivalente en temps et efforts intellectuels à base de sciences pratiques: agriculture, économie, hygiène locale, sciences pratiques et usuelles.

 

Emploi équilibré des langues: En gros, en dehors de leur objet propre: technique de la langue et littérature, jusqu'au niveau BEPC, religion, civisme, histoire et géographie de Madagascar, sciences naturelles, agriculture, notions d'économie, devraient s'étudier en malgache; par contre, n'est-il pas plus efficace d'étudier en langue internationale, en raison de leur ouverture sur le monde, de leur rapide évolution, de leur spécialisation, histoire, géographie des autres pays, sciences chimiques, physiques, géologiques, mécaniques et mathématiques ainsi que les disciplines précédentes au-dessus du BEPC?

 

Inadaptation des mathématiques: L'option pour la mathématique contemporaine, appelée à tort « Math. Moderne » a été prise par le gouvernement. Elle est généralisée dans le monde, elle est à suivre. En raison de l'évolution qu'aura cette discipline dans son contenu, sa formulation et ses méthodes, il semble qu'au premier cycle le français soit préférable pour l'enseigner. Pour nous, enseignants, il y a un problème de recyclage. Même si nous ne sommes pas professeurs de Math. Moderne, sommes-nous au niveau des exigences professionnelles si nous ignorons le contenu, les méthodes et les orientations d'une discipline importante de l'enseignement?

 

Histoire-Géographie: Une certaine adaptation a été faite. L'option: grande prépondérance donnée à l'Afrique répond à une orientation plus politique que logique et est discutable; l'Océan Indien, l'Indonésie, l'Inde, l'Arabie, la Côte orientale d'Afrique devraient avoir leur étude géographique et historique plus poussée, en raison de leur voisinage, de leur influence dans l'histoire de notre passé, dans notre peuplement, dans nos relations commerciales futures. N'y aurait-il pas plus de leçons à tirer, ne serait-il pas plus éducatif et utile de pousser l'étude des pays avancés comme les USA, l'URSS, le Japon, ceux avec lesquels de nombreux liens culturels et économiques nous lient comme la France, le Marché Commun, que l'étude géographique et historique, encore mal connue et sans influence économique de certaines régions d'Afrique?

 

Inadaptation des sciences: Par contre là, il est regrettable que livres et programmes soient intégralement ceux de France, alors qu'il y aurait intérêt à étudier les animaux et les plantes du pays en 6ième et 5ième, à connaître les maladies, l'hygiène et les principes d'alimentation tropicale en 3ième. Dans un pays à 85% agricole et rural, des options devraient être possibles entre la 3ième langue, ou agriculture et économie rurale, ou cours ménager, ou éléments de mécanique.

 

Enseignement professionnel: Certains croient que ce serait un remède à l'inadaptation actuelle. Il faut savoir qu'un élève du cours professionnel coûte 3 fois plus et exige 3 fois plus de professeurs qu'un élève de l'enseignement général, que s'il ne trouve pas d'emploi correspondant à sa spécialité, il est bien plus inadapté pour se reclasser que celui qui a une formation générale. L'Ouganda qui a tablé son avenir sur l'enseignement professionnel est dans une impasse scolaire plus grande que la nôtre.

 

Formation permanente, session de perfectionnement et recyclage: L'évolution rapide de la civilisation actuelle en a fait sentir le besoin. Il s'est alors organisé tout un ensemble de « formation permanente » des adultes. Il semble que cet apostolat se développera. Les missions, l'Etat font un beau travail en ce domaine. Concrètement, j'ai suivi ce que les Sœurs font à Faratsiho avec leur cours ménager et leurs sessions pour adolescentes de la brousse; j'estime que ces deux Sœurs font un travail très utile et augmentent considérablement le rayonnement et l'efficacité apostolique de leur communauté. Cela exige à la tête quelqu'un de spécialisé et d'apostolique; cela pose aussi le problème de recyclage, de formation de spécialistes pour le recyclage, pour la formation permanente de nos enseignants.

Voilà bien des portes ouvertes sans que rien ne soit résolu. Les questions sont simplement posées avec quelque clarté.

Daignent le Bx. Champagnat et Notre-Dame de l'Avenir bénir cette modeste contribution à la recherche d'un nouvel équilibre humain, professionnel et religieux.

                                Frère Diogène Dumortier

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